En savoir plus - Orchestre national d'Ile-de-France
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J_Onif•4 20/10/03 17:15 Page 14<br />
14<br />
LE COIN DES MUSICIENS<br />
INTERVIEW<br />
Vous avez une faveur<br />
particulière pour le trombone<br />
XIX e siècle?<br />
L. M. : Oui, je cherche à retrouver<br />
une sonorité. <strong>En</strong> se mo<strong>de</strong>rnisant,<br />
l’instrument perd beaucoup <strong>de</strong><br />
la richesse <strong>de</strong> son timbre. Il est<br />
impossible, par exemple, <strong>de</strong> prendre<br />
une partition pour sacqueboute et<br />
la jouer sur un instrument mo<strong>de</strong>rne.<br />
Les instruments étant tout petits<br />
autrefois, on pouvait aller très vite.<br />
Aujourd’hui, avec <strong>de</strong>s instruments<br />
<strong>plus</strong> imposants, on ne gère <strong>plus</strong><br />
l’air <strong>de</strong> la même façon.<br />
Existe-t-il <strong>plus</strong>ieurs sortes<br />
<strong>de</strong> trombones ?<br />
P. H. : Des trombones à pistons ont été<br />
conçus au milieu du XIX e siècle. À cette<br />
époque est apparue une multitu<strong>de</strong><br />
d’instruments expérimentaux. Adolphe<br />
Sax, [le sax <strong>de</strong> saxophone] ingénieur,<br />
a mis au point une série d’instruments.<br />
Certains ont été utilisés par Berlioz<br />
pour être par la suite abandonnés<br />
parce qu’ils étaient inutilisables dans<br />
un autre contexte. C’est le moment où<br />
l’orchestre a pris toute son importance<br />
symphonique. On faisait <strong>de</strong>s recherches<br />
pour trouver <strong>de</strong> nouvelles sonorités,<br />
pour changer le son <strong>de</strong> l’orchestre.<br />
L. M. : Les trombones à pistons sont<br />
rarement utilisés : la musique italienne<br />
s’en est servi…<br />
P. H. : et le jazz en fait encore usage<br />
actuellement.<br />
Et la coulisse ? Quelle est sa<br />
fonction ? Quelle est la rapidité<br />
<strong>de</strong>s mouvements pour aller<br />
chercher <strong>de</strong>s notes ?<br />
L. M. : C’est un principe acoustique :<br />
<strong>plus</strong> on allonge le tuyau, <strong>plus</strong> le son<br />
<strong>de</strong>scend. Sur chaque position<br />
déterminée par la longueur du tuyau,<br />
c’est la loi <strong>de</strong>s harmoniques qui joue :<br />
la résonance. Nous <strong>de</strong>vons choisir<br />
la place du son, comme un violoniste.<br />
La note ne se joue pas automatiquement<br />
en appuyant sur un bouton ;<br />
il faut <strong>savoir</strong> exactement à quel endroit<br />
elle se trouve.<br />
P. H. : Ce n’est pas exactement comme<br />
un violoniste : sur chaque<br />
emplacement, celui-ci fait une seule<br />
note, tandis que nous pouvons faire<br />
<strong>plus</strong>ieurs notes. Le trombone combine<br />
<strong>de</strong>ux facteurs : la longueur <strong>de</strong><br />
l’instrument varie quand on bouge la<br />
coulisse et la hauteur du son est<br />
fonction <strong>de</strong> la position <strong>de</strong>s lèvres.<br />
Vous n’avez pas <strong>de</strong> anche<br />
comme les hautbois ?<br />
Comment apprend-t-on cette<br />
position ? (Laurent Ma<strong>de</strong>uf imite le<br />
son du trombone)<br />
P. H. : Les anches sont nos lèvres.<br />
On apprend à en contrôler la<br />
dynamique, la force.<br />
L. M. : Il est <strong>plus</strong> facile <strong>de</strong> sortir <strong>de</strong>s<br />
sons graves avec une embouchure.<br />
C’est la vibration <strong>de</strong>s lèvres par<br />
le biais <strong>de</strong> l’air qui fait tout.<br />
Pour qu’il y ait un son, il faut qu’il y ait<br />
une vibration. Par exemple, quand<br />
on tape sur une cloche, le métal vibre.<br />
Si vous tapez sur le trombone,<br />
il ne vibrera jamais !<br />
P. H. : L’embouchure récupère la<br />
vibration <strong>de</strong>s lèvres, et l’instrument<br />
l’amplifie.<br />
Quelle est la tessiture<br />
d’un trombone mo<strong>de</strong>rne?<br />
L. M. : Quatre octaves.<br />
Fa grave, contre Ut, c’est ce qui est<br />
utilisé habituellement pour un premier<br />
trombone ténor.<br />
P. H. : <strong>En</strong> général, c’est plutôt trois et<br />
<strong>de</strong>mi. Nous mêmes en utilisons <strong>de</strong>ux.<br />
Les trombones basses <strong>de</strong>scen<strong>de</strong>nt<br />
<strong>plus</strong> bas mais montent moins haut et<br />
les trombones altos montent <strong>plus</strong> haut<br />
et <strong>de</strong>scen<strong>de</strong>nt moins bas. Nous pouvons<br />
monter <strong>plus</strong> haut en modifiant le jeu,<br />
en faisant <strong>de</strong> l’équilibrisme, comme<br />
dans le Voyage d’Hiver <strong>de</strong> Zehn<strong>de</strong>r.<br />
C’est une pièce contemporaine.<br />
L. M. : Nous pouvons jouer <strong>de</strong><br />
la musique arabe en quarts <strong>de</strong> tons<br />
et faire <strong>de</strong>s glissandos continus sur<br />
trois tons !<br />
Le mouvement <strong>de</strong>s bras<br />
est-il particulier au trombone ?<br />
L. M. : C’est le mouvement <strong>de</strong> la<br />
coulisse qui nous fait trouver les notes.<br />
P. H. : On a déterminé sept positions<br />
sur le trombone chromatique.<br />
Le jeu consiste à aller chercher la note<br />
à la position. Par exemple, le ré se<br />
trouve à la quatrième position.<br />
Pour un Do, on va à la sixième ou<br />
à la première position.<br />
Les étu<strong>de</strong>s<br />
L’apprentissage du trombone<br />
est-il long et difficile ?<br />
L’instrument est-il lourd à<br />
porter ?<br />
P. H. : C’est un instrument qui est<br />
assez équilibré dans sa tenue, on en a<br />
une partie <strong>de</strong>rrière et une partie <strong>de</strong>vant<br />
soi. Le trombone n’est pas du tout<br />
déséquilibré vers l’avant.<br />
L. M. : J’ai débuté à 4 ans, il y a <strong>de</strong><br />
petits trombones pour apprendre.<br />
Comment êtes-vous venus à<br />
cet instrument ?<br />
P. H. et L. M. : Par hasard !<br />
L. M. : J’étais dans une ville, en<br />
Auvergne, où il y avait une fanfare.<br />
Mon frère y jouait du clairon et on m’a<br />
proposé le tuba. On m’a incité à<br />
commencer le trombone au conservatoire<br />
: l’instrument m’intéressait <strong>plus</strong>,<br />
il avait <strong>plus</strong> <strong>de</strong> possibilités.<br />
P. H. : Une petite école <strong>de</strong> musique<br />
s’est montée dans mon village en<br />
Alsace. On s’est mis au solfège<br />
pendant <strong>de</strong>ux ans. Et un jour, autour<br />
d’une gran<strong>de</strong> table, on a <strong>de</strong>mandé<br />
à chacun : « Que veux-tu faire ? ».<br />
Mon camara<strong>de</strong> voisin a répondu par<br />
un mot que je n’ai pas compris et j’ai<br />
dit que je voulais faire comme lui !<br />
C’était le trombone. Au début, on en<br />
avait un pour <strong>de</strong>ux et comme c’était<br />
le fils du prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> l’association,<br />
je n’avais l’instrument qu’une fois par<br />
semaine. Je ne suis jamais rentré dans<br />
un conservatoire et ai toujours continué<br />
dans cette école <strong>de</strong> musique. Je ne me<br />
<strong>de</strong>stinais pas à en faire mon métier.<br />
L. M. : J’ai passé quatre ans en<br />
conservatoire <strong>de</strong> région et quatre ans<br />
au Conservatoire National Supérieur<br />
<strong>de</strong> Musique <strong>de</strong> Lyon.<br />
P. H. : J’ai commencé à 9 ans et suis<br />
rentré au CNSM <strong>de</strong> Lyon à 19 ans.<br />
J’ai intégré l’<strong>Orchestre</strong> <strong>national</strong> d’Ile<br />
<strong>de</strong> <strong>France</strong> à 22 ans et ai eu mon prix<br />
du CNSM à 23 ans.<br />
L. M. : On apprend aussi l’histoire <strong>de</strong><br />
l’art et l’histoire <strong>de</strong> la musique en<br />
conservatoires. Lyon était pilote<br />
en la matière. Cela permet d’avoir<br />
une culture générale <strong>de</strong> la musique.<br />
Êtes-vous enseignants ?<br />
L. M. et P. H. : Oui, au conservatoire et<br />
à l’école <strong>de</strong> musique.<br />
L. M. : Ce n’est pas très courant <strong>de</strong><br />
donner <strong>de</strong>s cours particuliers.<br />
Sacqeboute ténor du XVI e siècle.<br />
Sacqeboute ténor du XVIII e siècle.<br />
Tombone mo<strong>de</strong>rne<br />
Le trombone est un instrument très<br />
populaire. Les gens n’avaient pas<br />
l’argent pour acheter <strong>de</strong>s cuivres et<br />
se payer <strong>de</strong>s cours. Il y a donc<br />
une tradition <strong>de</strong> ne jamais faire payer<br />
les cours particuliers.<br />
P. H. : On apprenait l’instrument et,<br />
en échange, on donnait son temps<br />
pour la fanfare. C’était un échange <strong>de</strong><br />
services. Les fanfares disparaissent.<br />
A notre époque, c’était la seule activité<br />
possible alors qu’actuellement<br />
il y a une telle offre culturelle…<br />
Y a-t-il <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s écoles<br />
<strong>de</strong> trombones ?<br />
Des grands trombonistes ?<br />
L. M. : Michel Becquet, qui est<br />
professeur au CNSM <strong>de</strong> Lyon, et qui<br />
dirigera le programme « Mille soleils »<br />
à l’orchestre en mars 2004, est un très<br />
grand tromboniste. L’école française<br />
est actuellement la <strong>plus</strong> réputée.<br />
Pratiquez-vous tous les jours ?<br />
L. M. : Oui, cela pose d’ailleurs<br />
<strong>de</strong>s problèmes <strong>de</strong> voisinage !<br />
Il faut choisir son lieu <strong>de</strong> rési<strong>de</strong>nce.<br />
C’est un instrument qui peut être<br />
très fort, même si on ne joue pas<br />
très fort en continu !<br />
LE COIN DES MUSICIENS<br />
INTERVIEW<br />
15<br />
Avec toutes les campagnes anti-bruit,<br />
on peut presque être condamné à la<br />
prison pour avoir joué du trombone<br />
chez soi. C’est pire pour les pianistes<br />
qui sont obligés <strong>de</strong> travailler huit heures<br />
par jour. Même à <strong>de</strong>s horaires raisonnables,<br />
les gens n’acceptent <strong>plus</strong>…<br />
P. H. : Et pourtant nous <strong>de</strong>vons trouver<br />
<strong>de</strong>s solutions pour un entraînement<br />
quotidien !<br />
Et c’est un entraînement<br />
physique ?<br />
L. M. : Oui. Pour <strong>de</strong>s concours,<br />
il m’est arrivé <strong>de</strong> travailler huit heures<br />
par jour ! Il faut fournir en <strong>plus</strong> un<br />
travail réfléchi pour arriver à transcen<strong>de</strong>r<br />
la performance. Le Boléro <strong>de</strong><br />
Ravel par exemple est un concentré <strong>de</strong><br />
difficultés. On joue dans l’aigu pour<br />
le thème principal puis on attend<br />
un quart d’heure sans rien faire.<br />
P. H. : C’est un travail à la fois<br />
psychologique et physique. Dans les<br />
symphonies <strong>de</strong> Chostakovitch par<br />
exemple, il faut travailler le souffle, c’est<br />
très physique. Il faut tenir la longueur.<br />
Quelle place tiennent<br />
les femmes dans le pupitre<br />
<strong>de</strong> trombones ?<br />
L. M. : Il y a très peu <strong>de</strong> femmes qui<br />
jouent du trombone : historiquement,<br />
c’est en effet un instrument qui était<br />
joué par les fanfares <strong>de</strong> mineurs et<br />
<strong>de</strong> militaires.<br />
Le répertoire<br />
Des origines à nos jours,<br />
qu’y a-t-il d’intéressant ?<br />
P. H. : À l’orchestre, on participe<br />
principalement aux programmes<br />
<strong>de</strong>s XIX e et XX e siècles.<br />
L. M. : Il n’y a rien pour trombone<br />
au XVII e siècle, 3 cantates <strong>de</strong> Bach<br />
au XVIII e siècle pour un instrument qui<br />
se situe entre le sacqueboute et le<br />
trombone mo<strong>de</strong>rne. Mozart n’a utilisé