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En savoir plus - Orchestre national d'Ile-de-France

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J_Onif•4 20/10/03 17:15 Page 12<br />

12 ÉMOTIONS<br />

CHRONIQUE DE GOLLIWOGG<br />

l’étrange travail <strong>de</strong> pincer, <strong>de</strong> souffler,<br />

<strong>de</strong> taper toute sa vie sur ces cor<strong>de</strong>s,<br />

dans ces tuyaux, sur ces peaux,<br />

peut-il prétendre donner une leçon<br />

<strong>de</strong> sérieux au mon<strong>de</strong> si sérieux ?<br />

Un ingénieur-conseil, un employé <strong>de</strong><br />

banque, un notaire, un courtier<br />

d’assurances, un informaticien, d’accord,<br />

mais l’enfant étrange qui un jour,<br />

parce qu’il a entendu la cloche <strong>de</strong> son<br />

village, un morceau <strong>de</strong> jazz dans<br />

un café, un violon tzigane dans un<br />

restaurant, ou vu passer la fanfare<br />

municipale et la splen<strong>de</strong>ur <strong>de</strong>s cuivres,<br />

a décidé <strong>de</strong> <strong>de</strong>venir percussionniste,<br />

corniste, altiste, tromboniste, etc., ne<br />

se redit-il pas sans cesse au fond <strong>de</strong><br />

lui-même que son désir, que sa gloire,<br />

auront été <strong>de</strong> se consacrer à la <strong>plus</strong><br />

belle chose du mon<strong>de</strong>, la musique ?<br />

Un orchestre est<br />

une immense boîte<br />

à joujoux.<br />

Il conviendrait aisément, cet enfant<br />

étrange, cet enfant bizarre, que le <strong>plus</strong><br />

bel instrument, le <strong>plus</strong> beau jouet,<br />

le <strong>plus</strong> luxueux, le <strong>plus</strong> difficile, le <strong>plus</strong><br />

riche, le <strong>plus</strong> complexe, le <strong>plus</strong><br />

agréable, le <strong>plus</strong> ingénieux, le <strong>plus</strong><br />

étendu, le <strong>plus</strong> efficace, à la fois<br />

le <strong>plus</strong> diabolique et le <strong>plus</strong> divin,<br />

c’est justement l’orchestre.<br />

Et bien sûr, le petit garçon qui rêve<br />

d’être empereur ou roi (délire enfantin<br />

fréquent <strong>de</strong>s petits garçons si l’on<br />

en croit Freud), aura envie <strong>de</strong> <strong>de</strong>venir<br />

chef d’orchestre, histoire <strong>de</strong><br />

comman<strong>de</strong>r un peu cette armée<br />

sonore, pour s’apercevoir que ce n’est<br />

nullement un régiment, mais une<br />

étrange communauté d’êtres humains<br />

qui consentent, pour un temps et pour<br />

le plaisir, à suivre ensemble <strong>de</strong>s ordres<br />

et <strong>de</strong>s nombres. Une communauté<br />

inavouable, comme dit le philosophe.<br />

D’autant <strong>plus</strong> facile à caricaturer<br />

qu’elle vise au sublime. D’autant <strong>plus</strong><br />

occupée à faire valoir ses droits qu’elle<br />

ne sert qu’à produire <strong>de</strong>s sons.<br />

D’autant <strong>plus</strong> fragile qu’elle se voue au<br />

<strong>plus</strong> éphémère <strong>de</strong>s arts. Mais d’autant<br />

<strong>plus</strong> indispensable que chaque<br />

orchestre gar<strong>de</strong> dans ses instruments,<br />

dans l’apprentissage <strong>de</strong> ceux qui en<br />

usent et dans la mémoire <strong>de</strong> tant<br />

d’élèves formés par tant <strong>de</strong> maîtres,<br />

une quantité d’expériences artisanales<br />

aussi innombrables que celles <strong>de</strong>s<br />

métiers anciens, et une sélection secrète<br />

<strong>de</strong> moments rares, uniques, inouïs,<br />

qui se sont transmis sans qu’on sache<br />

comment – silencieusement dirais-je.<br />

Oui, à un enfant, faites ca<strong>de</strong>au d’un<br />

orchestre ! Qu’il en soit l’apprenti<br />

sorcier ! Que les musiciens se<br />

réveillent la nuit pour défiler en fanfare<br />

dans sa chambre ! Qu’il en ait la tête<br />

assourdie ! Qu’il rêve d’enrichir l’univers<br />

<strong>de</strong> sons nouveaux ! Qu’il s’ajoute à son<br />

tour au chant <strong>de</strong>s oiseaux !<br />

« La personne frêle, délicate et presque<br />

immatérielle <strong>de</strong> Weber me charmait<br />

jusqu’à l’extase. Sa face fine, émaciée,<br />

aux yeux vifs et pourtant voilés<br />

souvent, me fascinait. Son pas<br />

fortement claudicant, que j’entendais<br />

sous nos fenêtres quand le maître<br />

rentrait à midi <strong>de</strong> ses fatigantes<br />

répétitions, symbolisait, dans mon<br />

imagination, le grand artiste et en faisait<br />

pour moi un être extraordinaire et<br />

surhumain. J’avais neuf ans quand je lui<br />

fus présenté ; il me <strong>de</strong>manda ce que je<br />

voulais <strong>de</strong>venir. Musicien peut-être?…» 1<br />

Golliwogg<br />

1 Richard Wagner, Ma Vie, tome 1, Trad .<br />

N. Valentin et A. Schenk, Plon.<br />

On retrouve là l’exaltation un tantinet naïve <strong>de</strong><br />

Golliwogg, et qui n’engage que lui.<br />

À l’heure où tant <strong>de</strong> problèmes concrets se<br />

posent aux institutions orchestrales et artistiques<br />

en général, il est singulier <strong>de</strong> voir ce béotien y<br />

aller une fois <strong>de</strong> <strong>plus</strong> <strong>de</strong> son romantisme béat.<br />

Innocence ou inconscience ? [n.d.l.r.]<br />

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»<br />

La place <strong>de</strong>s trombones<br />

dans l’orchestre<br />

Combien y a-t-il<br />

<strong>de</strong> trombones<br />

dans l’orchestre ?<br />

Qui est le 1 er trombone ?<br />

Laurent Ma<strong>de</strong>uf : Nous sommes<br />

tous les <strong>de</strong>ux premiers trombones.<br />

Un second trombone vient d’être<br />

recruté. Il y a un troisième trombone<br />

qui est bientôt à la retraite.<br />

Le nombre <strong>de</strong> trombones<br />

va-t-il jusqu’à quatre ?<br />

L. M. : Oui, mais l’orchestre fonctionne<br />

généralement par trois. Cet usage<br />

nous vient <strong>de</strong> l’époque <strong>de</strong> Beethoven.<br />

Les trombones se divisaient entre l’alto<br />

pour le premier, le ténor pour le <strong>de</strong>uxième<br />

et le basse pour le troisième. On avait<br />

donc une famille complète d’instruments,<br />

comme les cor<strong>de</strong>s (violons, altos,<br />

violoncelles et contrebasses).<br />

La musique du XX e siècle est souvent<br />

écrite pour trois trombones ténors.<br />

Patrick Hanss : Le trombone alto<br />

était utilisé à l’époque parce qu’il se<br />

rapprochait beaucoup <strong>de</strong> la voix<br />

humaine. Les trois instruments allaient<br />

donc <strong>de</strong> pair avec les voix d’alto, <strong>de</strong><br />

ténor et <strong>de</strong> basse. À la Renaissance,<br />

Schütz par exemple recréait un<br />

dialogue entre les trombones<br />

et les chanteurs.<br />

Quelle place occupez-vous<br />

dans l’orchestre ?<br />

Est-elle variable ? Gênez-vous<br />

d’autres pupitres ?<br />

L. M. : Je comprends que les hautboïstes<br />

et les clarinettistes puissent être gênés<br />

par les cuivres, tout comme nous<br />

pouvons l’être par les timbaliers.<br />

Mais c’est un problème inhérent à<br />

la pratique même <strong>de</strong> l’orchestre.<br />

P. H. : Logiquement, le premier<br />

trombone et la première trompette sont<br />

placés côte à côte pour régler la<br />

justesse. Les cors sont généralement à<br />

la gauche <strong>de</strong>s trombones. Le corniste<br />

solo fait le lien entre les cor<strong>de</strong>s et<br />

la petite harmonie (c’est-à-dire les<br />

bois), il a un rôle très important. Il faut<br />

que les personnes qui jouent ensemble<br />

soient à proximité pour s’entendre au<br />

maximum. Ce n’est pas toujours<br />

évi<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> trouver la place idéale.<br />

L. M. : Changer la disposition ordinaire<br />

<strong>de</strong> l’orchestre dépend parfois <strong>de</strong><br />

la lubie d’un chef d’orchestre.<br />

La technique du trombone<br />

Jouez-vous d’autres<br />

instruments ?<br />

P. H. : Je joue également <strong>de</strong> la trompette<br />

basse, qui a une technique différente<br />

<strong>de</strong> celle du trombone puisque c’est<br />

un instrument à pistons. Les embouchures<br />

sont pratiquement i<strong>de</strong>ntiques.<br />

L. M. : J’ai pratiqué la musique<br />

ancienne. Je joue <strong>de</strong> la sacqueboute,<br />

du cornet à bouquin et surtout du<br />

trombone XIX e siècle.<br />

Quelles sont les spécificités<br />

du trombone XIX e siècle ?<br />

L. M. : Les instruments ont évolué<br />

techniquement. Les violons ne sont<br />

LE COIN DES MUSICIENS<br />

INTERVIEW<br />

Duo à coulisse<br />

Nous nous sommes entretenus avec Laurent Ma<strong>de</strong>uf et Patrick Hanss,<br />

<strong>de</strong>ux <strong>de</strong>s trombonistes <strong>de</strong> l’orchestre.<br />

Laurent Ma<strong>de</strong>uf<br />

Patrick Hanss<br />

13<br />

<strong>plus</strong> barrés <strong>de</strong> la même manière.<br />

Les trombones sont aujourd’hui <strong>plus</strong><br />

gros et <strong>plus</strong> complets puisqu’ils ont<br />

un double circuit qui permet <strong>de</strong> jouer<br />

toutes les notes sur l’instrument.<br />

Les trombones étaient utilisés <strong>de</strong><br />

manière diatonique alors que<br />

maintenant, on les utilise <strong>de</strong> manière<br />

chromatique. Au XIX e siècle, les<br />

instruments étaient beaucoup <strong>plus</strong><br />

simples, faits avec une toute petite<br />

perce et une facture moyenne. Le chef<br />

Emmanuel Krivine est en train <strong>de</strong> créer<br />

un orchestre où l’on pourra entendre<br />

<strong>de</strong>s instruments d’époque.


J_Onif•4 20/10/03 17:15 Page 14<br />

14<br />

LE COIN DES MUSICIENS<br />

INTERVIEW<br />

Vous avez une faveur<br />

particulière pour le trombone<br />

XIX e siècle?<br />

L. M. : Oui, je cherche à retrouver<br />

une sonorité. <strong>En</strong> se mo<strong>de</strong>rnisant,<br />

l’instrument perd beaucoup <strong>de</strong><br />

la richesse <strong>de</strong> son timbre. Il est<br />

impossible, par exemple, <strong>de</strong> prendre<br />

une partition pour sacqueboute et<br />

la jouer sur un instrument mo<strong>de</strong>rne.<br />

Les instruments étant tout petits<br />

autrefois, on pouvait aller très vite.<br />

Aujourd’hui, avec <strong>de</strong>s instruments<br />

<strong>plus</strong> imposants, on ne gère <strong>plus</strong><br />

l’air <strong>de</strong> la même façon.<br />

Existe-t-il <strong>plus</strong>ieurs sortes<br />

<strong>de</strong> trombones ?<br />

P. H. : Des trombones à pistons ont été<br />

conçus au milieu du XIX e siècle. À cette<br />

époque est apparue une multitu<strong>de</strong><br />

d’instruments expérimentaux. Adolphe<br />

Sax, [le sax <strong>de</strong> saxophone] ingénieur,<br />

a mis au point une série d’instruments.<br />

Certains ont été utilisés par Berlioz<br />

pour être par la suite abandonnés<br />

parce qu’ils étaient inutilisables dans<br />

un autre contexte. C’est le moment où<br />

l’orchestre a pris toute son importance<br />

symphonique. On faisait <strong>de</strong>s recherches<br />

pour trouver <strong>de</strong> nouvelles sonorités,<br />

pour changer le son <strong>de</strong> l’orchestre.<br />

L. M. : Les trombones à pistons sont<br />

rarement utilisés : la musique italienne<br />

s’en est servi…<br />

P. H. : et le jazz en fait encore usage<br />

actuellement.<br />

Et la coulisse ? Quelle est sa<br />

fonction ? Quelle est la rapidité<br />

<strong>de</strong>s mouvements pour aller<br />

chercher <strong>de</strong>s notes ?<br />

L. M. : C’est un principe acoustique :<br />

<strong>plus</strong> on allonge le tuyau, <strong>plus</strong> le son<br />

<strong>de</strong>scend. Sur chaque position<br />

déterminée par la longueur du tuyau,<br />

c’est la loi <strong>de</strong>s harmoniques qui joue :<br />

la résonance. Nous <strong>de</strong>vons choisir<br />

la place du son, comme un violoniste.<br />

La note ne se joue pas automatiquement<br />

en appuyant sur un bouton ;<br />

il faut <strong>savoir</strong> exactement à quel endroit<br />

elle se trouve.<br />

P. H. : Ce n’est pas exactement comme<br />

un violoniste : sur chaque<br />

emplacement, celui-ci fait une seule<br />

note, tandis que nous pouvons faire<br />

<strong>plus</strong>ieurs notes. Le trombone combine<br />

<strong>de</strong>ux facteurs : la longueur <strong>de</strong><br />

l’instrument varie quand on bouge la<br />

coulisse et la hauteur du son est<br />

fonction <strong>de</strong> la position <strong>de</strong>s lèvres.<br />

Vous n’avez pas <strong>de</strong> anche<br />

comme les hautbois ?<br />

Comment apprend-t-on cette<br />

position ? (Laurent Ma<strong>de</strong>uf imite le<br />

son du trombone)<br />

P. H. : Les anches sont nos lèvres.<br />

On apprend à en contrôler la<br />

dynamique, la force.<br />

L. M. : Il est <strong>plus</strong> facile <strong>de</strong> sortir <strong>de</strong>s<br />

sons graves avec une embouchure.<br />

C’est la vibration <strong>de</strong>s lèvres par<br />

le biais <strong>de</strong> l’air qui fait tout.<br />

Pour qu’il y ait un son, il faut qu’il y ait<br />

une vibration. Par exemple, quand<br />

on tape sur une cloche, le métal vibre.<br />

Si vous tapez sur le trombone,<br />

il ne vibrera jamais !<br />

P. H. : L’embouchure récupère la<br />

vibration <strong>de</strong>s lèvres, et l’instrument<br />

l’amplifie.<br />

Quelle est la tessiture<br />

d’un trombone mo<strong>de</strong>rne?<br />

L. M. : Quatre octaves.<br />

Fa grave, contre Ut, c’est ce qui est<br />

utilisé habituellement pour un premier<br />

trombone ténor.<br />

P. H. : <strong>En</strong> général, c’est plutôt trois et<br />

<strong>de</strong>mi. Nous mêmes en utilisons <strong>de</strong>ux.<br />

Les trombones basses <strong>de</strong>scen<strong>de</strong>nt<br />

<strong>plus</strong> bas mais montent moins haut et<br />

les trombones altos montent <strong>plus</strong> haut<br />

et <strong>de</strong>scen<strong>de</strong>nt moins bas. Nous pouvons<br />

monter <strong>plus</strong> haut en modifiant le jeu,<br />

en faisant <strong>de</strong> l’équilibrisme, comme<br />

dans le Voyage d’Hiver <strong>de</strong> Zehn<strong>de</strong>r.<br />

C’est une pièce contemporaine.<br />

L. M. : Nous pouvons jouer <strong>de</strong><br />

la musique arabe en quarts <strong>de</strong> tons<br />

et faire <strong>de</strong>s glissandos continus sur<br />

trois tons !<br />

Le mouvement <strong>de</strong>s bras<br />

est-il particulier au trombone ?<br />

L. M. : C’est le mouvement <strong>de</strong> la<br />

coulisse qui nous fait trouver les notes.<br />

P. H. : On a déterminé sept positions<br />

sur le trombone chromatique.<br />

Le jeu consiste à aller chercher la note<br />

à la position. Par exemple, le ré se<br />

trouve à la quatrième position.<br />

Pour un Do, on va à la sixième ou<br />

à la première position.<br />

Les étu<strong>de</strong>s<br />

L’apprentissage du trombone<br />

est-il long et difficile ?<br />

L’instrument est-il lourd à<br />

porter ?<br />

P. H. : C’est un instrument qui est<br />

assez équilibré dans sa tenue, on en a<br />

une partie <strong>de</strong>rrière et une partie <strong>de</strong>vant<br />

soi. Le trombone n’est pas du tout<br />

déséquilibré vers l’avant.<br />

L. M. : J’ai débuté à 4 ans, il y a <strong>de</strong><br />

petits trombones pour apprendre.<br />

Comment êtes-vous venus à<br />

cet instrument ?<br />

P. H. et L. M. : Par hasard !<br />

L. M. : J’étais dans une ville, en<br />

Auvergne, où il y avait une fanfare.<br />

Mon frère y jouait du clairon et on m’a<br />

proposé le tuba. On m’a incité à<br />

commencer le trombone au conservatoire<br />

: l’instrument m’intéressait <strong>plus</strong>,<br />

il avait <strong>plus</strong> <strong>de</strong> possibilités.<br />

P. H. : Une petite école <strong>de</strong> musique<br />

s’est montée dans mon village en<br />

Alsace. On s’est mis au solfège<br />

pendant <strong>de</strong>ux ans. Et un jour, autour<br />

d’une gran<strong>de</strong> table, on a <strong>de</strong>mandé<br />

à chacun : « Que veux-tu faire ? ».<br />

Mon camara<strong>de</strong> voisin a répondu par<br />

un mot que je n’ai pas compris et j’ai<br />

dit que je voulais faire comme lui !<br />

C’était le trombone. Au début, on en<br />

avait un pour <strong>de</strong>ux et comme c’était<br />

le fils du prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> l’association,<br />

je n’avais l’instrument qu’une fois par<br />

semaine. Je ne suis jamais rentré dans<br />

un conservatoire et ai toujours continué<br />

dans cette école <strong>de</strong> musique. Je ne me<br />

<strong>de</strong>stinais pas à en faire mon métier.<br />

L. M. : J’ai passé quatre ans en<br />

conservatoire <strong>de</strong> région et quatre ans<br />

au Conservatoire National Supérieur<br />

<strong>de</strong> Musique <strong>de</strong> Lyon.<br />

P. H. : J’ai commencé à 9 ans et suis<br />

rentré au CNSM <strong>de</strong> Lyon à 19 ans.<br />

J’ai intégré l’<strong>Orchestre</strong> <strong>national</strong> d’Ile<br />

<strong>de</strong> <strong>France</strong> à 22 ans et ai eu mon prix<br />

du CNSM à 23 ans.<br />

L. M. : On apprend aussi l’histoire <strong>de</strong><br />

l’art et l’histoire <strong>de</strong> la musique en<br />

conservatoires. Lyon était pilote<br />

en la matière. Cela permet d’avoir<br />

une culture générale <strong>de</strong> la musique.<br />

Êtes-vous enseignants ?<br />

L. M. et P. H. : Oui, au conservatoire et<br />

à l’école <strong>de</strong> musique.<br />

L. M. : Ce n’est pas très courant <strong>de</strong><br />

donner <strong>de</strong>s cours particuliers.<br />

Sacqeboute ténor du XVI e siècle.<br />

Sacqeboute ténor du XVIII e siècle.<br />

Tombone mo<strong>de</strong>rne<br />

Le trombone est un instrument très<br />

populaire. Les gens n’avaient pas<br />

l’argent pour acheter <strong>de</strong>s cuivres et<br />

se payer <strong>de</strong>s cours. Il y a donc<br />

une tradition <strong>de</strong> ne jamais faire payer<br />

les cours particuliers.<br />

P. H. : On apprenait l’instrument et,<br />

en échange, on donnait son temps<br />

pour la fanfare. C’était un échange <strong>de</strong><br />

services. Les fanfares disparaissent.<br />

A notre époque, c’était la seule activité<br />

possible alors qu’actuellement<br />

il y a une telle offre culturelle…<br />

Y a-t-il <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s écoles<br />

<strong>de</strong> trombones ?<br />

Des grands trombonistes ?<br />

L. M. : Michel Becquet, qui est<br />

professeur au CNSM <strong>de</strong> Lyon, et qui<br />

dirigera le programme « Mille soleils »<br />

à l’orchestre en mars 2004, est un très<br />

grand tromboniste. L’école française<br />

est actuellement la <strong>plus</strong> réputée.<br />

Pratiquez-vous tous les jours ?<br />

L. M. : Oui, cela pose d’ailleurs<br />

<strong>de</strong>s problèmes <strong>de</strong> voisinage !<br />

Il faut choisir son lieu <strong>de</strong> rési<strong>de</strong>nce.<br />

C’est un instrument qui peut être<br />

très fort, même si on ne joue pas<br />

très fort en continu !<br />

LE COIN DES MUSICIENS<br />

INTERVIEW<br />

15<br />

Avec toutes les campagnes anti-bruit,<br />

on peut presque être condamné à la<br />

prison pour avoir joué du trombone<br />

chez soi. C’est pire pour les pianistes<br />

qui sont obligés <strong>de</strong> travailler huit heures<br />

par jour. Même à <strong>de</strong>s horaires raisonnables,<br />

les gens n’acceptent <strong>plus</strong>…<br />

P. H. : Et pourtant nous <strong>de</strong>vons trouver<br />

<strong>de</strong>s solutions pour un entraînement<br />

quotidien !<br />

Et c’est un entraînement<br />

physique ?<br />

L. M. : Oui. Pour <strong>de</strong>s concours,<br />

il m’est arrivé <strong>de</strong> travailler huit heures<br />

par jour ! Il faut fournir en <strong>plus</strong> un<br />

travail réfléchi pour arriver à transcen<strong>de</strong>r<br />

la performance. Le Boléro <strong>de</strong><br />

Ravel par exemple est un concentré <strong>de</strong><br />

difficultés. On joue dans l’aigu pour<br />

le thème principal puis on attend<br />

un quart d’heure sans rien faire.<br />

P. H. : C’est un travail à la fois<br />

psychologique et physique. Dans les<br />

symphonies <strong>de</strong> Chostakovitch par<br />

exemple, il faut travailler le souffle, c’est<br />

très physique. Il faut tenir la longueur.<br />

Quelle place tiennent<br />

les femmes dans le pupitre<br />

<strong>de</strong> trombones ?<br />

L. M. : Il y a très peu <strong>de</strong> femmes qui<br />

jouent du trombone : historiquement,<br />

c’est en effet un instrument qui était<br />

joué par les fanfares <strong>de</strong> mineurs et<br />

<strong>de</strong> militaires.<br />

Le répertoire<br />

Des origines à nos jours,<br />

qu’y a-t-il d’intéressant ?<br />

P. H. : À l’orchestre, on participe<br />

principalement aux programmes<br />

<strong>de</strong>s XIX e et XX e siècles.<br />

L. M. : Il n’y a rien pour trombone<br />

au XVII e siècle, 3 cantates <strong>de</strong> Bach<br />

au XVIII e siècle pour un instrument qui<br />

se situe entre le sacqueboute et le<br />

trombone mo<strong>de</strong>rne. Mozart n’a utilisé


J_Onif•4 20/10/03 17:15 Page 16<br />

16<br />

LE COIN DES MUSICIENS<br />

INTERVIEW<br />

aucun trombone dans ses symphonies,<br />

sauf dans la musique religieuse parce<br />

que les trois trombones symbolisaient<br />

la franc-maçonnerie. Don Giovanni,<br />

La Flûte <strong>En</strong>chantée et l’<strong>En</strong>lèvement au<br />

Sérail comprennent <strong>de</strong>s trombones.<br />

Il n’y avait donc pas beaucoup<br />

<strong>de</strong> trombonistes à l’époque ?<br />

P. H. : Les compositeurs ont toujours<br />

écrit pour les instrumentistes<br />

disponibles. <strong>En</strong> Allemagne et en Italie,<br />

il y avait beaucoup <strong>plus</strong> <strong>de</strong><br />

trombonistes. La facture venait <strong>de</strong><br />

Nuremberg pour ses nombreux<br />

trombonistes et cornettistes.<br />

<strong>En</strong> Italie, il y a aussi une musique écrite<br />

spécifiquement pour trombone : Gabrieli<br />

et Frescobaldi, les instruments s’y<br />

appelaient déjà trombones. C’étaient<br />

<strong>de</strong>s « Posaunen » en Allemagne.<br />

L. M. : Dans les musées en <strong>France</strong>, on<br />

ne trouve pas <strong>de</strong> trombones français.<br />

<strong>En</strong> revanche, on a <strong>de</strong>s textes, et<br />

notamment l’Harmonie Universelle<br />

<strong>de</strong> Mersenne [prêtre <strong>de</strong> l’ordre <strong>de</strong>s<br />

Minimes et correspondant <strong>de</strong><br />

Descartes]. Il parle du trombone<br />

dans son traité.<br />

Qui sont les premiers grands<br />

utilisateurs du trombone ?<br />

Weber, Beethoven ?<br />

L. M. : Il y a trois symphonies <strong>de</strong><br />

Beethoven, mais la partie <strong>de</strong> trombone<br />

n’est pas très intéressante.<br />

P. H. : Le son <strong>de</strong> l’orchestre s’est étoffé<br />

avec Berlioz. Le père <strong>de</strong> Mozart,<br />

Léopold a composé un concerto pour<br />

trombone et orchestre. Il a ajouté à la<br />

main qu’en cas d’absence d’un bon<br />

trombone, cette partition pouvait être<br />

jouée par un altiste. La V e symphonie<br />

<strong>de</strong> Beethoven est très délicate<br />

du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> la tessiture.<br />

On ne joue que dans le <strong>de</strong>rnier<br />

mouvement. La difficulté vient du<br />

passage aigu qu’il faut donner à froid.<br />

Dans Brahms, il y a également<br />

beaucoup <strong>de</strong> trombones, c’est une<br />

musique beaucoup <strong>plus</strong> délicate.<br />

Et Wagner, Mahler, Bruckner ?<br />

P. H. : Wagner a beaucoup utilisé le<br />

trombone et la trompette basse dans<br />

ses opéras. Bruckner a écrit pour<br />

trombones et chœurs, en alliant le son<br />

du trombone et les voix. Nous avons<br />

joué <strong>de</strong>s messes <strong>de</strong> Brückner et <strong>de</strong>s<br />

symphonies <strong>de</strong> Brückner ou <strong>de</strong> Mahler.<br />

Qu’en est-il <strong>de</strong> la musique<br />

française et <strong>de</strong> la musique<br />

du début du XX e siècle ?<br />

P. H. : Dans la Mer <strong>de</strong> Debussy, ce que<br />

nous jouons est rarement mélodique et<br />

surtout harmonique. Le Concerto<br />

pour la Main Gauche <strong>de</strong> Ravel est très<br />

délicat. Il était un contemporain <strong>de</strong><br />

l’éclosion du jazz en <strong>France</strong>.<br />

Nous jouons beaucoup dans le<br />

concerto pour violon «À la Mémoire<br />

d’un Ange » d’Alban Berg.<br />

L. M. : <strong>En</strong> musique contemporaine,<br />

il y a une Sequenza <strong>de</strong> Berio pour<br />

trombone, <strong>de</strong>s concertos <strong>de</strong> Nino Rota<br />

et <strong>de</strong> Rimski-Korsakov. Notre répertoire<br />

reste tout <strong>de</strong> même restreint !<br />

La Symphonie du Jaguar <strong>de</strong><br />

Thierry Pécou, jouée au Festival<br />

Présences en février <strong>de</strong>rnier a<br />

beaucoup <strong>de</strong> trombones.<br />

P. H. : Stravinski utilise le trombone<br />

partout, ainsi que les compositeurs<br />

d’Europe <strong>de</strong> l’Est, comme Prokofiev,<br />

Chostakovitch ou Bartok : la musique a<br />

ce côté un peu spectaculaire.<br />

Dans l’ex-URSS, la musique était écrite<br />

comme une apologie au mon<strong>de</strong> du<br />

travail, bruyant. Les trombones sont<br />

utilisés comme <strong>de</strong>s décibels, comme<br />

dans Mossolov et Sviridov.<br />

L. M. : Et en musique <strong>de</strong> chambre,<br />

on a <strong>de</strong>s quintettes <strong>de</strong> cuivres et <strong>de</strong>s<br />

quatuors <strong>de</strong> trombones. Gabrieli a écrit<br />

<strong>de</strong>s œuvres pour quintette et chœur.<br />

Partition <strong>de</strong> la V e Symphonie <strong>de</strong> Beethoven : entrée<br />

<strong>de</strong>s trombones.<br />

Le trombone à coulisse.<br />

Le trombone est-il utilisé<br />

couramment en jazz ?<br />

P. H. : Il est utilisé aussi couramment<br />

que la trompette. Quelques<br />

trombonistes utilisent le trombone à<br />

pistons pour sa vélocité. Ils arrivent à<br />

avoir la virtuosité <strong>de</strong> la trompette avec<br />

le son d’un trombone puisqu’un piston<br />

va logiquement <strong>plus</strong> vite que les<br />

coulisses. Le trombone à coulisse<br />

n’est pas fait pour <strong>de</strong>s traits rapi<strong>de</strong>s.<br />

À quels instruments êtes-vous<br />

associés <strong>plus</strong> particulièrement ?<br />

P. H. : À tous les cuivres. Le premier<br />

trombone et la première trompette<br />

jouent souvent <strong>de</strong>s accords et <strong>de</strong>s<br />

phrases en parallèle. Il faut donc partir<br />

synchronisés. L’inspiration donne le<br />

tempo <strong>de</strong> ce qu’on va jouer et permet<br />

<strong>de</strong> partir ensemble. Plus on joue<br />

ensemble, <strong>plus</strong> on a l’habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

partir ensemble. Quand un nouveau<br />

arrive, il faut qu’il fasse sa place.<br />

Il y a un temps d’adaptation. On arrive<br />

à anticiper quand on se connaît, on va<br />

à l’essentiel. La gran<strong>de</strong> exigence<br />

d’un orchestre, c’est la souplesse.<br />

Le chef d’orchestre<br />

Qu’atten<strong>de</strong>z-vous d’un chef ?<br />

Dans sa façon <strong>de</strong> diriger ?<br />

L. M. : Qu’il sache diriger ! Le chef<br />

d’orchestre doit transcen<strong>de</strong>r la musique,<br />

nous faire jouer tous ensemble,<br />

régler les problèmes <strong>de</strong> tempo, <strong>de</strong><br />

cohésion et d’équilibre entre les<br />

différentes familles d’instruments.<br />

Il faut après qu’il soit musicien.<br />

Emil Tabakov et Ion Marin sont <strong>de</strong>s<br />

gens qui connaissent leur métier.<br />

P. H. : Le chef d’orchestre doit avoir<br />

une idée. La partition doit en être un<br />

support. Si le chef ne comprend pas<br />

cette idée, l’interprétation <strong>de</strong> l’œuvre<br />

ne pourra pas se faire correctement.<br />

<strong>En</strong> cas d’absence d’idée, la place<br />

<strong>de</strong> chef d’orchestre lui sera illégitime.<br />

La musique ne respirera pas, elle<br />

n’aura pas <strong>de</strong> sens. Si je vous lis<br />

un superbe texte froi<strong>de</strong>ment, parce<br />

que je ne comprends pas le sens<br />

<strong>de</strong> ce qui est écrit, il perdra toute sa<br />

beauté. La qualité artistique compte<br />

autant que la qualité humaine.<br />

Comment exprime-t-il son idée ?<br />

P. H. : Pas par la parole. Nous avons<br />

joué la V e symphonie <strong>de</strong> Chostakovitch<br />

avec George Pehlivanian. Quand il est<br />

arrivé, il a joué toute la partition d’une<br />

traite. Puis, il a fermé la partition et a<br />

dit « Maintenant, on va travailler ».<br />

Il y a le chef qui s’impose par la force<br />

et celui qui s’impose par son talent.<br />

La musique doit se jouer naturellement,<br />

elle ne doit pas être trop éloignée<br />

du texte. On peut ainsi avoir la note<br />

beaucoup <strong>plus</strong> près.<br />

LE COIN DES MUSICIENS<br />

INTERVIEW<br />

Définitions<br />

17<br />

La facture instrumentale<br />

Quelle facture préférez-vous ?<br />

P. H. : La fabrication américaine est<br />

très bonne dans la conception du son.<br />

Ce sont les proportions <strong>de</strong> l’alliage<br />

qui font varier le son.<br />

L. M. : Je joue sur un trombone « Bach »<br />

en laiton : un mélange <strong>de</strong> cuivre, <strong>de</strong><br />

zinc et d’étain. J’estime qu’il est d’une<br />

qualité supérieure. Il y a les trombones<br />

Courtois en <strong>France</strong>, Besson en<br />

Gran<strong>de</strong>-Bretagne, et Yamaha au<br />

Japon. Un <strong>de</strong>s grands facteurs<br />

d’instruments au XIX e siècle s’appelait<br />

Selmer. Notre instrument est notre<br />

outil. Il y a <strong>de</strong>s innovations constantes<br />

dans sa fabrication mais il reste<br />

toujours fonction <strong>de</strong> l’instrumentiste.<br />

Propos recueillis par<br />

François Regnault et<br />

Gabrielle Seurrat<br />

Chromatique : Faisant l’emploi<br />

d’une succession d’altérations <strong>de</strong>s<br />

<strong>de</strong>grés <strong>de</strong> l’échelle fondamentale (un<br />

<strong>de</strong>mi-ton vers le grave ou vers l’aigu).<br />

Glissando : «Technique d’exécution<br />

qui consiste à réaliser une intervalle<br />

en glissant rapi<strong>de</strong>ment sur tous<br />

les sons intermédiaires. »<br />

(Science <strong>de</strong> la Musique. Bordas, Paris 1976)

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