Facteurs explicatifs du coût direct médical du Syndrome ... - JdS'2012

Facteurs explicatifs du coût direct médical du Syndrome Coronarien Aigu en Tunisie
O. Saidi*, D.Malouche**, L.Chaouch***, O. Lassoued* W.Aissi*, H. Ben Romdhan*
Olfa Saidi: Olfa.saidi@yahoo.fr
Dhafer Malouche : mdhafer@topnet.tn
Latifa Chaouch: lati.chaouch@gmail.com
Olfa Lassoued: olfalassoued30@gmail.com
Wafa Aissi : docaissi@gmail.com
Habiba Ben Romdhan: habibabr@yahoo.fr
* Laboratoire de recherche en Epidémiologie et Prévention des Maladies Cardiovasculaires
en Tunisie- Faculté de médecine de Tunis
** Ecole Supérieure de la Statistique et Analyse de l’Information de Tunis
*** Ecole de Polytechnique de Tunisie
Résumé : Les maladies cardiovasculaires constituent un véritable problème de santé publique
dans le monde entier. L’objectif de ce travail est de déterminer des facteurs expliquant la
variation du coût direct médical de la prise en charge du Syndrome Coronarien Aigue (SCA)
ainsi que ses composantes.
Notre étude a porté sur 307 patients hospitalisés pour un SCA dans les services de
cardiologie du grand Tunis entre Janvier et Juillet 2010.
La majorité des patients était de sexe masculin (72, 3%). Soit un sexe ratio de l’ordre de 2,6.
L’âge moyen de la population d’étude était 61.1±12.4 ans. Le coût total moyen de la prise en
charge des SCA a été estimé à 2.372.307 Dinars Tunisiens (DT). Le coût des actes de
cardiologie interventionnelle représentait la part la plus importante (58,16%), succédé par le
coût du séjour hospitalier (21,08%), des explorations fonctionnelles (15,61%) et des
médicaments (5,15%). Les facteurs prédictifs de l’augmentation du coût de la prise en charge
des SCA étaient le diagnostic de l’infarctus du myocarde, l’âge du patient et les complications
précoces.
Bien que les coûts estimés ne reflètent qu’une partie de la charge économique réelle des SCA,
la prise en charge de cette pathologie pèse sur le revenu du ménage et sur le budget sanitaire
national.
Mots-Clés : Syndrome Coronarien Aigu– Coût direct médical– Facteurs prédictifs d’une
variation du coût– l’EM-Algorithme– régression logistique multinomiale ordinale

Determinants of the cost of Acute Coronary Syndromes in Tunisia
Abstract: Cardiovascular disease is a social and economic burden. The aim of this study
was to explain determinants of the cost of Acute Coronary Syndromes (ACS) in Tunisia in
2010 and its components.
We analyzed 307 patients admitted for ACS from January 2010 to July 2010 in the
six departments of cardiology. Most patients were male (72.3%), the sex ratio was 2.6. The
mean age of the sample was 61.1 ± 12.4 years. The mean total cost of ACS was estimated
at 2,372,307 Tunisian dinars (TD). The median total cost was estimated at 1,230,800 DT. The
cost of the Cardiac Artery Bypass Graft surgery (CABG) and Percutaneous Transluminal
Coronary Angioplasty (PTCA) represented the largest share (58.16%), followed by the cost of
hospital stay (21.08%), functional investigations (15.61%) and treatments (5.15 %). The
determinants of the cost of acute coronary syndromes were myocardial infarction, the patient's
age and complications. The estimated cost reflect only part of the real cost of ACS.
Key words: acute coronary syndromes –medical cost– determinants of the cost– EM-
Algorithm –multivariate logistic regression analysis
Introduction
Les maladies cardiovasculaires constituent un véritable problème de santé publique.
Bien que leur prise en charge s’améliore constamment, elles occupent encore la première
position des causes de décès dans les pays industrialisés, ainsi que dans les pays en voie de
développement. En effet, selon le rapport annuel 2008 de l’OMS, ces maladies sont
responsables de 17,1 millions de décès en 2004 dont 7,2 millions sont dus à une cardiopathie
coronarienne et 5,7 millions à un accident vasculaire cérébral (AVC), soit 29% de la mortalité
mondiale totale. Selon la même source, la situation s’avère plus alarmiste : cette épidémie
devrait rester la principale cause de mortalité et d’ici 2030, elle toucherait environ 23,6
millions de décès [1].
La Tunisie, pour sa part, est entrée en phase réelle de transition épidémiologique
caractérisée par un accroissement de l’espérance de vie qui est passée de 57 ans en 1974 à 70
ans en 1994 [2] et un changement du mode de vie vers un mode occidental ce qui a entrainé
un accroissement notable des cardiopathies ischémiques dont les données hospitalières
montrent clairement que ces maladies semblent occuper une cause majeure de décès dans le
pays. En effet, les maladies cardiovasculaires ont été responsables de 28,9% de mortalité en
2006 [3].
Dans le but d’alléger ce fardeau, un bon nombre de travaux épidémiologiques ont été
abordés : ceux visant à la réduction des facteurs de risque, d’une part, et d’autre part, ceux qui
se sont intéressés à la prise en charge de ces maladies en phase aigue (développement des
unités de soins intensifs de cardiologie (USIC), l’utilisation de nouvelles techniques de
revascularisation telles que la thrombolyse, l’angioplastie coronaire…). Si la création et le
développement des techniques de soins ont entrainé une amélioration de la survie des
malades, ils posent cependant un véritable problème du coût de la prise en charge de cette
pathologie surtout dans les pays en développement. Ainsi, l’ajout d’un volet économique aux
évaluations des résultats médicaux s’avère obligatoire dans les choix des stratégies.

C’est dans ce cadre que s’insère notre étude sur le coût direct médical de la prise en
charge des syndromes coronariens aigus dans les structures hospitalières.
Matériel et Méthodes
Population d’étude
Il s’agit d’une étude menée par des médecins enquêteurs antérieurement formés pour
recueillir des données sur un questionnaire pré établi par les membres du laboratoire de
recherche sur épidémiologie et la prévention des maladies cardio-vasculaires. Cette étude
s’étalait du Janvier 2010 à Juillet 2010 dans les services de cardiologie du grand Tunis. Le
questionnaire comportait 10 sections : Identification du malade, habitudes, antécédents
familiaux et personnels et facteurs de risque, délais de prise en charge et durée
d’hospitalisation, Symptomatologie, examens et biologie l’Electrocardiogramme, diagnostic
retenu à l’admission, Prise en charge thérapeutique et explorations, traitements et évolution à
court terme des patient dans les 30 premiers jours.
Saisie et analyse Statistique
La saisie a été faite en utilisant le Logiciel EPIDATA. L'analyse des données a été
effectuée par le logiciel R.
Les variables quantitatives ont été représentées par la moyenne ± Ecart-type. L’étude
de la différence statistique entre les groupes a été effectuée Par le test χ2 et le test du Student
pour la comparaison des pourcentages et la comparaison des moyennes respectivement.
Pour tester la normalité de la distribution de différents coûts on a eu recours au test de
Shapiro-Wilk.
Pour la classification des coûts, Nous avons utilisé l’EM-Algorithme qui est une méthode
probabiliste qui permet de diviser l’échantillon en groupes homogènes normalement
distribués. Nous avons installé le package mclust sur le logiciel R, nous avons utilisé la
commande MCLUST dont le BIC est le critère de sélection du modèle [4].
Dont le but de préciser les facteurs prédictifs d’un coût élevé de la PEC du syndrome
coronarien, on a eu recours à la régression logistique ordinale et afin d’apprécier l’ajout des
variables sur la significativité globale du modèle, nous avons dégagé deux indicateurs
d’évaluation de la performance du modèle : le test du rapport de vraisemblance et le pseudo
R2 de McFadden.
Résultats
Caractéristiques sociodémographiques
307 Patients de syndromes coronariens hospitalisés dans la période qui s’étale entre
Janvier 2010 et Juillet 2010 dans les services de cardiologie étudiés ont été recensés.
La majorité des patients étaient de sexe masculin (72,3%, n=222). Soit un sexe ratio de
l’ordre de 2,6. L’âge moyen de la population d’étude était 61.1±12.4 ans. Les femmes étaient
plus âgées que les hommes (65.3±12.4 ans Vs 59.5±12.0 ans). La majorité des malades

(81.5%) étaient mariés. Les hommes y étaient plus nombreux que les femmes (90,4% Vs
58,8%).
Les malades analphabètes et de niveau de scolarité primaire étaient les plus nombreux.
Ils représentaient 70,2% de la population totale. De plus, le taux d’analphabétisme était plus
élevé chez les femmes que chez les hommes (64,6% et 28,6% respectivement). En revanche,
le pourcentage de ceux qui ont atteint les niveaux supérieur était faible dans la population
totale mais surtout dans la population féminine (10,8% et 0,0% respectivement).
La plupart des patients hospitalisés (60,3%) étaient pris en charge par la Caisse
Nationale d’Assurance Maladie (CNAM), 4,6% étaient payants et 16,0% bénéficiant de la
carte d’indigence.
Coût total de prise en charge
Dans cette étude, le coût direct médical de la prise en charge est définit par la somme
des coûts d’hospitalisation, des explorations fonctionnelles et des traitements.
Le coût total moyen de la prise en charge du syndrome coronarien a été estimé à
2.372.307 Dinars Tunisiens (DT). Le coût total médian de la PEC a été estimé à 1.230.800.
Le coût des actes de cardiologie interventionnelle représentait la part la plus
importante (58,16%) du coût moyen de la prise en charge, succédé par le coût du séjour
hospitalier (21,08%), des explorations fonctionnelles (15,61%) et en dernier lieu des
médicaments (5,15%).
Facteurs explicatifs d’une variation des coûts
La représentation graphique de l’estimation des densités des différents coûts (coût
total de prise en charge, coût du séjour, coût des médicaments et coût des explorations
fonctionnelles), permet de distinguer trois groupes de patients : des patients ayant payé un
coût très élevé, d’autres un coût moyen, et ceux ayant payé un coût faible). Il s’agit en fait,
d’une distribution de probabilité multimodale qui prend l’allure d’une mixture des lois
normales. Il est ainsi intéressant d’opter pour une méthode de classification afin d’obtenir des
classes des coûts homogènes où la distribution de chacune suit une loi normale. Cette
classification nous permettra par la suite, de déterminer les facteurs explicatifs d’une variation
des coûts en se basant sur une régression logistique multinomiale ordinale.
Comme la non normalité des coûts est vérifiée, on a eu recours à la méthode de
l’EM-Algorithme pour classification des différents coûts. Nous avons, par la suite, appliqué
des régressions logistiques des différents coûts en classes en fonction des caractéristiques des
patients. Une lecture des résultats de ces régressions nous permet de constater que :
Le coût direct médical de prise en charge augmente s’il s’agit des patients jeunes,
ayant un IDM ou ayant des complications précoces.
Le coût du séjour est plus élevé pour les patients ayant un IDM ou plus de deux
antécédents personnels.
Seule la variable "diagnostic" a un effet significatif sur les probabilités de payer un
coût assez élevé pour les médicaments et les explorations fonctionnelles.

Discussion
Les méthodologies utilisées pour le calcul du coût de la prise en charge d’une maladie
varient d’une étude à une autre du fait de la diversité des modes d’évaluation économique
selon les pays et la différence des prix. Ceci rend la comparaison des coûts de PEC de toute
maladie difficile. C’est le cas du syndrome coronarien dont le traitement a vécu des progrès
scientifiques et dont les modalités thérapeutiques dépendent des techniques mises à
disposition mais surtout de la part de PIB consacrée à la santé dans chaque pays.
L’étude épidémiologique sur les syndromes coronariens aigus en Tunisie n’est pas
parfaitement dédiée à l’étude du coût de la Prise en charge de cette maladie, pour des raisons
de non disponibilité de certaines données, le coût direct médical de la prise en charge est
définit dans cette étude par la somme des coûts d’hospitalisation, des explorations
fonctionnelles et des traitements.
Dans les études internationales, certains chercheurs ont même essayé d’estimer le coût
indirect de cette pathologie comme dans l’étude menée à l’hôpital de Dijon [5].
Dans cette étude, Le coût total moyen de la prise en charge du syndrome coronarien a
été estimé à 2.372.307 Dinars Tunisiens (DT) (environ 1192 Euros).
Dans le cadre de l’étude de Himbert[6], les dépenses hospitalières totales ont été
estimées à 36.254 FF, Gatin et al [7] avaient estimé le coût moyen par patient à 39.382 FF
avec des extrêmes variant entre (10.299 et 97.163 FF). Le coût total moyen de la PEC de
l’IDM à l’hôpital de Dijon a été estimé à 42.159 FF et il était assez proche du chiffre trouvé
par Machecourt J et al [8]. Le coût de la PEC du syndrome coronarien aux Etats Unis
d’Amérique a été estimé à 10.428 $[9]. On remarque que le coût de prise en charge du
syndrome coronarien était plus important que nos chiffres. Ceci peut s’expliquer par la
comptabilisation des dépenses indirectes dans les études internationales. Celles-ci augmentent
le coût de façon notable.
Conclusion
Depuis plusieurs décennies, les maladies cardiovasculaires et plus particulièrement les
syndromes coronariens constituent un problème majeur menaçant la santé publique partout
dans le monde. La Tunisie, de son côté n’échappe pas à cette menace internationale.
Le coût de la prise en charge de ces maladies est de plus en plus énorme aussi bien
pour l’état que pour les ménages. Une évaluation médico-économique s’imposent donc, afin
d’identifier les facteurs déterminants de ce coût.
Une limite de cette étude est liée aux dépenses engendrées par la prise en charge du
syndrome coronarien à la phase aigue et que nous avons essayées d’estimer ne reflètent
qu’une partie de la charge économique réelle du SCA. En effet, cette étude n’a pas évalué
certains aspects du coût comme les coûts indirects. De plus, la non comptabilisation des actes
de cardiologie interventionnelle chirurgicaux, des marqueurs biologiques, des dépenses de
personnel des services sous-estime le coût.

Références:
1. Organisation Mondiale de la Santé (2008), prévention des maladies cardiovasculaires:
Guide de poche pour l'évaluation et la prise en charge du risque cardiovasculaire.
2. Zeribi Ben Slimen O (1998). Le système de santé tunisien en mutation. Journal
d’économie médicale.16:2.
3. Hajem S (2009). Statistiques nationales sur les causes médicales de décès (Tunisie
2006). Unité de recherche sur le vieillissement et les causes médicales de décès :
Institut National de Santé Publique.
4. C. Fraley and A. E. Raftery (2006, revised 2010). MCLUST Version 3 for R: Normal
Mixture Modeling and Model-Based Clustering, Technical Report no. 504.
Department of Statistics, University of Washington.
5. Nelsy L (2000). Elaboration d’une méthodologie d’évaluation des coûts de l’infarctus
du myocarde en phase aigue dans les services de cardiologie du CHU de Dijon.
6. Himbert D, Simon-Lorière Y, Juliard JM, Steg PG, Aumont MC, Gougon R(1997).
Evaluation d’une stratégie de reperfusion systématique précoce de l’artère de l’IDM
par angioplastie primaire ou de sauvetage. Annales de Cardiologie et
d’Angeiolgie.46:569-577.
7. Gatin A, Budlot A, Bismuth MJ, Binquet C, Vour’ch M, Zeller M (2001). Medicoeconomic
impact of the Program of Medicalization of the information system on
hospital stay for myocardial infarction: influence of the quality of data collection and
hospitalisation length. Annales de Cardiologie et d’Angeiolgie. 50:189-96.
8. Machecourt J, Cassagne J, Bassard JP et al (1993). L’infarctus du myocarde traité
avant la 4 ème heure comparaison chez 270 patients du rapport coût efficacité de trois
traitements thrombolytiques : l’APSAC, le rt-PA et la streptokinase. Archives Mal
Cœur Vaiss. 86:209-17.
9. American heart association cardiovascular disease (2003). Heart disease and stroke
statistics update.