Yacouba KONATE - Art africain contemporain ... - AICA international
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DAKAR – ART, MINORITES, MAJORITES<br />
JUILLET 2003<br />
appartements et maisons bourgeoises. Les normes de cette demande seront soumises à une<br />
révision violente lorsque des expositions <strong>international</strong>es dites d’art <strong>contemporain</strong> commenceront à<br />
exposer et vendre les cercueils décorés du Ghanéen Kwéi, les iconographies des cases de<br />
divination du Bénin reproduites par Cyrien Tokoudagba, etc. A l’instar des cubistes subjugués<br />
par les formes des objets collectionnés dans les musées ethnologiques, les commissaires qui dès la<br />
chute du mur de Berlin, esthétisent des « objets usuels » en Afrique, appliquent de nouveaux<br />
codes qui provoquent une rupture dans la notion de beauté.<br />
Pour avoir été un puissant levier de ce nouveau courant, l’exposition Les Magiciens de la terre<br />
(Paris, 1989) qui n’était pas consacrée exclusivement aux artistes <strong>africain</strong>s, mais qui a inscrit<br />
dans son catalogue, une vingtaine d’artistes de ce nouveau style, apparaît comme l’une des<br />
premières grandes expositions d’art <strong>contemporain</strong> <strong>africain</strong>. Sous ce rapport, elle passe pour être<br />
l’un des événements fondateurs de l’histoire de l’art <strong>contemporain</strong> en Afrique quoiqu’elle n’ait<br />
jamais été montrée en Afrique, même pas dans ses composantes <strong>africain</strong>es. Conçue par Okwui<br />
Enwezor, The Short Century (Munich, New-York, Chicago, 2001-2002) est l’une des plus grandes<br />
manifestations de toute l’histoire de l’art <strong>contemporain</strong> d’Afrique. Elle n’a pas été davantage<br />
montrée en Afrique. Au moins aussi ambitieuse que les précédentes, Africa Remix (2004-2006) est<br />
la dernière en date de ces giga-expositions sur l’art <strong>africain</strong>. Jusqu’à ce jour, aucune date<br />
<strong>africain</strong>e n’est annoncée à son sujet. Tant et si bien qu’on pourrait convenir que l’art <strong>africain</strong><br />
<strong>contemporain</strong> a tendance à installer un clivage dans l’histoire de l’art, entre les populations<br />
<strong>africain</strong>es de référence et les publics réels qui eux sont en Occident. De ce point de vue, les<br />
manifestations qui comme la biennale de Dakar, sont conçues en Afrique et montrées en Afrique,<br />
acquièrent une portée singulière.<br />
Tout se passe comme si les reflets objectifs ou déformés qui sont rapportés à l’Afrique, étaient<br />
destinés aux populations des pays du Nord dont ils nourrissent les imaginaires. Ces reflets<br />
participent de la construction imaginaire de l’Afrique qu’ils hantent comme des moignons sans<br />
souche qui ne trouveront jamais une place dans la chair rouge de son sol. Sous-représentée dans<br />
les instances de décisions, quasi absente des rencontres professionnelles, son art a beau se<br />
prétendre <strong>contemporain</strong>, il est reversé du côté de l’anthropologie. A Paris, on ouvre plus<br />
facilement le musée des <strong>Art</strong>s océaniques ou le musée Dapper à ses artistes que le Centre<br />
Pompidou. A Berlin, on lui réserve un abonnement à la Maison des Cultures des Peuples de<br />
Berlin, mais aucune attache dans les nombreux musées d’art <strong>contemporain</strong> de la ville. Mineur<br />
parce que sous curatelle, mineur parce que pas suffisamment représenté, mineur parce que<br />
pauvre, l’art <strong>contemporain</strong> <strong>africain</strong> porte des manques majeurs, qui sanctionnent une histoire<br />
heurtée.<br />
2. La production de la minorité.<br />
Sur commande de marchands d’art tenant boutique dans les marchés et les villages<br />
artisanaux, des artistes se consacrent à ne pas décevoir l’attente des touristes et des<br />
collectionneurs. Ils fabriquent des objets qui intègrent un système dont la chaîne des agents<br />
connecte les villages d’Afrique et les marchands d’art dit tribal du monde entier. Ces objets d’art<br />
soumis à un anonymat systématique furent des trophées et des titres de gloire pour leurs<br />
propriétaires qui, à l’instar des esclavagistes donnant leur nom à leurs nègres, les firent entrer<br />
dans les salles d’expositions au titre de biens personnels. Là où l’on voit que la mise en minorité<br />
des arts dits premiers s’accommode de l’oubli de l’être de l’artiste, pour autant qu’elle affiche le<br />
nom du sujet de droit qu’est le collectionneur. Le voile de méprise ou d’ignorance jeté sur le nom<br />
et le visage de l’autre, ne rend que plus lumineuse la figure et le rôle de l’intellectuel et de<br />
l’artiste dans la société occidentale.<br />
Après le temps des aventuriers pilleurs et marchands, vint celui des Pygmalion de passage.<br />
Le filet de leur regard projettera sur la scène, des créateurs d’un nouveau type. A la différence des<br />
chasseurs de trésors anciens, ils se montrèrent plutôt curieux de l’actualité de la créativité. Ils la<br />
stimulent comme Romain Desfossés à Léopoldville, Pierre Lods à Brazzaville dès les années 1950.<br />
Ou simplement ils la reconnaissent, la valident, ce qui parfois signifie qu’ils la décrètent au grand<br />
bonheur de personnalités qui deviennent parfois d’authentiques créateurs. Entre les animateurs<br />
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