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Yacouba KONATE - Art africain contemporain ... - AICA international

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3. Conjuguer sa minorité.<br />

DAKAR – ART, MINORITES, MAJORITES<br />

JUILLET 2003<br />

Sans prétendre ériger la littérature en étalon des arts plastiques, il n’est pas sans intérêt de<br />

remarquer qu’après un premier moment où les écrivains <strong>africain</strong>s s’appliquèrent de leur mieux à<br />

parler « le français champagne ou vin de Bordeaux 1 », ils en vinrent à redonner aux langues<br />

nationales toute la place qu’elles méritent dans la réinvention du roman <strong>contemporain</strong>. Ahmadou<br />

Kourouma est l’un des orfèvres de cette littérature tendue entre langue <strong>africain</strong>e et langue<br />

française, et qui fait claquer la première dans la seconde. Gilles Deleuze aurait dit qu’il assigne<br />

un devenir minoritaire à la langue française. En effet, selon Gilles Deleuze, « une littérature<br />

mineure n’est pas celle d’une langue mineure, plutôt celle qu’une minorité fait dans une langue<br />

majeure 2 ». De ce point de vue, la catégorie de mineure, qualifie une position critique du dedans,<br />

un certain engagement qui consiste à « trouver son propre point de sous-développement, son<br />

propre patois dans son tiers monde à soi, son désert à soi ». Plutôt que de récuser le naturalisme<br />

ou le primitivisme, il peut être judicieux de les revisiter pour les contextualiser. De même le<br />

recyclage n’est pas une fiction d’artiste mais un mode de survie de l’homme <strong>africain</strong> au quotidien.<br />

Aussi, reste-t-il beaucoup de chemins à parcourir, beaucoup d’allers retours à effectuer entre<br />

le réel et l’œuvre, entre un langage et un autre, une culture et une autre, pour finalement dégager<br />

« son propre point de sous-développement » ? Plutôt que d’interpréter les critères parfois<br />

normatifs de la contemporanéité, l’artiste gagne en vérité à exposer sa différance. En tranchant<br />

sa propre langue dans la langue dominante, il n’entonnera pas l’hymne <strong>international</strong> de la soit<br />

disant contemporanéité. Il l’interprétera et partant reprendra contact avec la langue et la culture.<br />

Il n’articulera plus seulement un langage, il parlera une langue et il développera des figures.<br />

Lorsqu’un mandingue qui ne sait de l’Anglais, rien que quelques mots indispensables pour<br />

manger et retrouver son hôtel, s’avise d’écrire un poème ou un livre en Anglais, il lui faut<br />

beaucoup de génie pour que de cette situation extrême, surgisse une œuvre. Plus porteur en<br />

revanche, semble-t-il, sera la démarche qui consistera à jouer en déséquilibre sur les horizons<br />

d’attentes, pour les retourner, les connecter avec des régimes d’expressivités diversifiées, au fil de<br />

recherches où la finesse du questionnement passe le mur de soi.<br />

Le risque de dévoiement est d’autant plus réel que les écoles d’art où les étudiants pourraient<br />

articuler une relève conséquente de l’historicité de la contemporanéité de l’art, restent obsolètes<br />

et sans moyens. Beckman disait : « la seule chose dont nous disposons c’est la réalité de nos rêves<br />

dans les images. » Que l’Afrique prenne garde à ne pas rêver selon les images des autres !<br />

1 Amadou Hampaté Bâ.- L’étrange destin de Wangrin , Paris : Ed. Stock, Collection 10/18, 1972.<br />

2 Gilles Deleuze et Félix Guattari.- Kafka. Pour une littérature mineure, Paris : Ed. de Minuit, 1975), p. 29.<br />

© <strong>AICA</strong> Press et l’auteur<br />

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