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Compétences AIEM (journal Édition 2011-2)

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<strong>AIEM</strong><br />

cONNEXION<br />

« Ce que le Canada et Connexion compétences nous ont apporté... »<br />

Débat : le groupe de Connexion compétences<br />

dissèque les valeurs québécoises.


2<br />

ÉDITORIAL<br />

Connexion compétences : une lanterne pour<br />

éclairer le chemin de l’intégration<br />

En tant que chargé de projet,<br />

je me suis pendant quelques<br />

temps interrogé sur la signification<br />

et la juxtaposition de ces<br />

deux concepts : Connexion<br />

compétences.<br />

Il se peut bien que, vous qui<br />

avez ce <strong>journal</strong> entre les mains,<br />

soyez taraudés par le même<br />

questionnement. Alors pour<br />

nous aider, j’ai effectué une petite recherche.<br />

Résultats des courses : Une connexion? Le mot est dérivé<br />

du latin connexio qui signifie « jonction » et nous renvoie à<br />

«rapport», à «liaison» entre deux choses, d’une part.<br />

D’autre part, au Québec, le mot « connexion » est un anglicisme.<br />

Il s’agit d’un faux ami qui fait penser à « branchement<br />

à une prise de courant », à « raccord », à « raccordement<br />

», à « ligne », et à « communication ».<br />

Des compétences? Il s’agit de connaissances plus ou moins<br />

approfondies, d’expériences reconnues dans un domaine,<br />

d’un savoir-faire qui nous donnent qualité d’apprécier, de<br />

juger, de décider, d’exécuter, de réaliser…<br />

Ainsi le groupe nominal Connexion compétences signifie<br />

littéralement un « raccordement à des connaissances ».<br />

Il en découle une définition officielle de Connexion compétences<br />

donnée par Service Canada : « un programme qui<br />

aide les jeunes à surmonter des obstacles à l'emploi ou à<br />

l’apprentissage en leur permettant d’acquérir les compétences<br />

et les connaissances dont ils ont besoin, soit pour<br />

affronter le marché du travail, soit pour intégrer le circuit<br />

scolaire ».<br />

En Afrique, l’on dit que tout étranger a de gros yeux, mais<br />

ne voit pas bien, ne distingue pas bien les choses. Comme<br />

si notre étranger se retrouvait dans l’obscurité. Appliquons<br />

cela à tout immigrant qui arrive dans un grand pays comme<br />

le Canada. Et considérons que Connexion compétences représente<br />

la lanterne de Prométhée qui éclaire le chemin des<br />

jeunes immigrants au Canada.<br />

Il est vrai que le délestage est inexistant au Canada, et que<br />

par conséquent nul ne vit dans l’obscurité. Cependant, en<br />

pleine lumière on peut rechercher la connaissance, comme le<br />

faisait le philosophe grec Diogène Laërce qui se promenait<br />

en plein jour avec une lanterne et répétait : «Je cherche un<br />

homme». L’homme en tant que concept.<br />

Merci aux autorités canadiennes de donner aux jeunes immigrants<br />

une lanterne pour éclairer le difficile chemin de leur<br />

intégration. Et moi, je suis heureux de tenir cette lanterne<br />

pour eux, en les accompagnant.<br />

Jacques MIAN<br />

Éditorial ....................................................... 2<br />

Rose-Michel ................................................... 3<br />

Élise .............................................................. 4<br />

Jhousemise ..................................................... 5<br />

Débat ........................................................... 6<br />

Elizabeth ....................................................... 8<br />

Clovinta ........................................................ 9<br />

Cinthia .........................................................10<br />

Luis Enrique .................................................11<br />

Dunia ..........................................................12


« Avec Connexion compétences mes attentes sont<br />

comblées »<br />

Je m’appelle Rose Michel Clissaint, née le 29 septembre 1981.<br />

Je suis originaire de Léogane, une ville située à l’ouest de Portau-Prince,<br />

la capitale haïtienne. Haïti est un pays très riche au<br />

niveau culturel, mais les problèmes politiques très nombreux et<br />

chroniques entravent son développement économique et social.<br />

J’ai arrêté mes études après la quatrième année du secondaire.<br />

Ensuite, j’ai travaillé comme vendeuse de produits de<br />

beauté, puis j’ai été réceptionniste dans un centre d’appel.<br />

Je suis arrivée au Canada le 4 mai 2010, soit quelques<br />

mois après le tremblement de terre du 12 janvier de la<br />

même année. J’ai été parrainée par mon époux qui vit au<br />

Québec depuis 1998. Nous nous sommes mariés en Haïti<br />

le 11 août 2008. Ne faut-il pas mentionner que ma sœur<br />

aînée réside également à Montréal où elle m’a précédée.<br />

J’étais très heureuse de venir au Canada. Deux raisons<br />

fondamentales expliquent cette immense joie : naturellement<br />

j’aurais enfin l’opportunité de vivre auprès de mon<br />

époux. Mais également, je voyais comme un privilège de<br />

pouvoir vivre dans un pays aussi beau que le Canada.<br />

N’empêche, cette grande joie était teintée d’un peu de<br />

nostalgie, de regret : ce n’est pas toujours facile de<br />

laisser des êtres aimés derrière soi pour entreprendre<br />

un grand voyage. Partir n’est-il pas mourir un peu?<br />

Le choc culturel dont on parle tant, je n’y ai pas échappé,<br />

même si je trouve la société québécoise très accueillante. En<br />

effet, je n’ai pas encore réussi à m’habituer au mode alimentaire<br />

québécois. Par ailleurs, j’ai été très impressionnée par<br />

le système de transport montréalais dont le métro constitue<br />

la pièce maîtresse. Le métro qu’on pourrait comparer à un<br />

monstre, à une chenille géante qui avale et vomit constamment<br />

des personnes qui ont l’air toujours pressé. Et comment ne pas<br />

mentionner l’accent et le parler québécois. Je dois reconnaître<br />

que jusqu’ici mes oreilles ne se sont pas encore familiarisées<br />

avec les sonorités particulières de cet accent.<br />

Et puis, je pense que le lecteur m’en voudra de passer<br />

sous silence mon contact avec le grand froid québécois.<br />

Croyez-vous que j’ai pu l’affronter dans l’indifférence?<br />

Pas du tout! Mon premier hiver fut une véritable épreuve.<br />

Mais comment vouloir vivre au Québec sans se disposer<br />

psychologiquement à affronter le grand froid? L’intégration<br />

saurait-elle se faire sans une adaptation au climat ambiant?<br />

La joie du voyage consommée, l’émotion des retrouvailles<br />

avec l’élu de mon cœur diluée dans le temps, il fallait se<br />

poser une question essentielle : «Me voici à présent au<br />

Canada. Quelle activité mener pour meubler mes journées?»<br />

La réponse me sera bientôt fournie par mon époux. De fait,<br />

il me conseille de retourner aux études. Quel genre? Sans<br />

hésitation j’opte pour une formation professionnelle. Nous<br />

passons en revue toute la kyrielle de formations proposées<br />

sur la place montréalaise. Mes préférences vont à celles-ci :<br />

Rose-Michel Clissaint<br />

éducation préscolaire, soins infirmiers, assistance aux personnes<br />

placées en établissement de santé… Entre temps, l’évaluation<br />

comparative de mes acquis haïtiens aura permis au ministère<br />

de l’Immigration et des communautés culturelles de me classer<br />

au niveau de la quatrième année secondaire. La voie est donc<br />

toute tracée pour l’obtention d’un DEP (Diplôme d’études professionnelles).<br />

Mais avant d’intégrer le circuit scolaire québécois,<br />

je pourrais bien aller chercher une expérience de travail dans le<br />

domaine du service à la clientèle. Surtout que le Service d’Aide à<br />

l’Emploi de l’Est (SAEE) m’a appris à rédiger un curriculum vitae.<br />

En seulement une année passée au Québec, je peux m’enorgueillir<br />

d’avoir fait pas mal de tourisme. Saint-Hyacinthe et Saint-Antoinesur-Richelieu<br />

en Montérégie; Terrebonne en Lanaudière; Saint-<br />

Agathe et Mont-Saint-Sauveur dans les Laurentides; Québec<br />

la capitale. Voilà les villes et contrées québécoises objet de ma<br />

randonnée touristique. Hors du Québec, j’ai également eu le grand<br />

plaisir de visiter Toronto et Ottawa.<br />

C’est au mois de juin dernier que mon amie Clovinta Duvernay<br />

me révéla l’existence du programme Connexion compétences qui<br />

permet aux jeunes immigrants de développer des habiletés et<br />

d’acquérir des compétences susceptibles de faciliter leur intégration<br />

du point de vue professionnel ou scolaire. Ce programme a aussi<br />

le mérite de m’offrir un cadre de perfectionnement du français,<br />

langue officielle du Québec. Mais il a aussi ceci d’intéressant et<br />

de positif qu’il permet de travailler, de connaître et de se familiariser<br />

avec des personnes de diverses origines et cultures. De ce<br />

point de vue, c’est en soi un lieu de rendez-vous du donner et<br />

du recevoir. Avec Connexion compétences (cours de français,<br />

visites guidées, ateliers de développement personnel et de renforcement<br />

de capacité, documentations diverses, etc.) je crois que<br />

mes attentes sont comblées.<br />

3


4<br />

« Si le programme Connexion compétences n’avait pas<br />

existé, il aurait fallu l’inventer »<br />

Je m’appelle Élise Chimène Matoukam, originaire du Cameroun,<br />

un pays de l’Afrique centrale. Un pays où la vie est<br />

belle. J’y étais étudiante en sciences de la nature quand<br />

j’ai pris la décision d’émigrer en Allemagne auprès de mon<br />

époux qui séjournait à Bayreuth dans le nord de la Bavière.<br />

En Allemagne, je me suis astreinte à l’apprentissage de la<br />

langue de Goethe, pendant près d’une année. Mais finalement,<br />

il nous vint à l’idée, mon époux et moi, qu’il vaudrait mieux<br />

que je poursuive mes études en langue française. Évidemment,<br />

dans un pays où les immigrants peuvent encore avoir<br />

droit de cité. Notre dévolu fut donc jeté sur le Canada, dans<br />

sa province la plus francophone, le Québec naturellement.<br />

Désormais, la belle agglomération de Montréal était dans<br />

notre ligne de mire. Toutefois, il fallait satisfaire aux conditions<br />

d’immigration. En un mot, il convenait de préparer sérieusement<br />

ce voyage. Les choses se déroulèrent plutôt bien,<br />

et le 30 mai <strong>2011</strong> nous avons pris un vol de la Lufthansa<br />

pour Pierre Elliot Trudeau où nous avons atterri le lendemain.<br />

J’avais hâte de me retrouver à Montréal, dans un environnement où<br />

la majorité des gens sont des locuteurs de la langue française. Dès<br />

mon arrivée dans cette ville, je dois dire que j’ai été agréablement<br />

frappée par le multiculturalisme qui la caractérise. Pour l’Africaine<br />

que je suis, originaire d’un pays où cohabitent diverses tribus parlant<br />

des patois distincts, il n’y a rien de plus plaisant que de voir des personnes<br />

de cultures différentes cohabiter, échanger, partager. C’est<br />

tout à l’honneur du Canada d’avoir réussi ce formidable creuset.<br />

Pour autant, les réalités de la vie quotidienne tranchent avec le<br />

côté agréable de Montréal. Je voudrais en inférer que par exemple<br />

pour un nouvel arrivant, trouver un emploi relève de la croix et de<br />

la bannière. J’ai véritablement battu le pavé sans succès. C’est<br />

pratiquement à la limite de la déception, du découragement que<br />

j’ai entendu parler du programme Connexion compétences. Il était<br />

vraiment temps, je dirais. Ce programme constitue une école à<br />

tous points de vue. Il m’a ouvert les yeux sur un certain nombre<br />

de choses, de réalités (de « montréalités », si je puis risquer<br />

ce néologisme) que je n’appréhendais pas au départ. En effet,<br />

Connexion compétences offre des arguments pour mieux affronter<br />

les réalités canadiennes en tant que chercheur d’emploi ou en tant<br />

que futur étudiant. Il s’agit d’un programme savamment élaboré<br />

pour permettre à ceux et celles qui y sont élus de fourbir leurs<br />

armes pour aller en croisade et vaincre les difficultés d’intégration<br />

professionnelle ou scolaire au Canada.<br />

Bref, pour moi, si ce programme n’avait pas existé, il aurait fallu<br />

l’inventer. À ce stade de mon propos, comment ne pas remercier<br />

les autorités fédérales du Canada d’avoir eu cette initiative ô<br />

combien louable? Ces remerciements s’adressent également aux<br />

responsables de l’<strong>AIEM</strong> qui n’ont ménagé aucun effort pour nous<br />

placer dans les conditions optimums de travail. Évidemment, je<br />

m’en voudrais de ne pas faire une adresse toute particulière à notre<br />

«Pour autant, les réalités de la vie quotidienne tranchent avec<br />

le côté agréable de Montréal. Je voudrais en inférer que par<br />

exemple pour un nouvel arrivant, trouver un emploi relève de<br />

la croix et de la bannière».<br />

Élise Chimène Matoukam<br />

encadreur, M. MIAN pour sa disponibilité à nulle autre pareille. Je<br />

terminerai en disant un grand bravo au groupe de huit personnes<br />

que nous formons. Car je crois que notre cohésion, la synergie et<br />

la dynamique qui devraient nous caractériser constituaient autant<br />

de défis à relever par nous-mêmes et par nos responsables.<br />

Cinthia, Elizabeth, Jhousemise, Clovinta, Rose-Michel,<br />

Dunia et Enrique, je souhaite bon vent à chacun d’entre nous.<br />

Que Dieu tout puissant guide chacun de nos pas dans notre pays<br />

d’accueil et d’adoption !


« Comment ne pas reconnaître que mon intégration a<br />

commencé grâce à Connexion compétences ? »<br />

Je m’appelle Duvernay Jhousemise, originaire d’Haïti, un pays<br />

que j’aime beaucoup.<br />

Haïti la « perle des Antilles », disait-on. Mais aujourd’hui ce<br />

pays est méconnaissable : le 12 janvier 2010 un séisme de<br />

très forte magnitude sur l’échelle de Richter a détruit ce pays et<br />

causé la catastrophe, la désolation. Ce jour et ceux qui ont suivi<br />

nous ont paru la fin du monde. Nous étions dans les ténèbres.<br />

Pour ma part, j’ai passé trois jours francs dans une montagne<br />

appelée Maranatha, lieu de mon refuge, sans manger, sans<br />

boire, sans rien du tout. De fait, la maison familiale n’avait pas<br />

échappé à la furie de la nature. À Port-au-Prince, presque tous<br />

ceux qui ne s’étaient pas retrouvés sans vie sous les décombres<br />

se retrouvaient dans la rue.<br />

Je devrais certainement venir au Canada un jour ou l’autre<br />

puisque mes parents biologiques y étaient déjà établis. Toutefois,<br />

ce tremblement de terre aura précipité ce voyage.<br />

Cinq mois après cet autre drame ayant frappé la « Perle des<br />

Antilles » de plein fouet, en compagnie de ma sœur aînée j’ai<br />

pris un vol pour Montréal. C’était exactement le 16 juin 2010.<br />

Tout au long des préparatifs et pendant ce voyage, j’étais<br />

animée de sentiments ambivalents : la nostalgie et la mélancolie<br />

d’une part, parce que je quittais un pays et des gens que<br />

j’aimais beaucoup. D’autre part, la perspective de retrouver<br />

mon père et ma mère que je n’avais pas revus durant douze<br />

ans pour le premier, et neuf pour la seconde, m’enchantait.<br />

L’accueil et les retrouvailles à Montréal furent des moments<br />

fabuleux, inoubliables, tant pour ma sœur et moi que pour nos<br />

parents. Ces derniers ont tout mis à notre disposition, nous<br />

ont guidées pour amortir le choc du changement, du contraste<br />

entre Haïti et le Québec.<br />

Mais nous n’allions pas continuer à vivre aux basques de nos<br />

parents, en tant que personnes majeures. Il fallait chercher<br />

à s’occuper, à gagner quelques ressources, surtout moi qui<br />

suis mère d’une petite fille. Les recherches restaient vaines.<br />

Et c’est dans cette grisaille qu’un ami commun à ma sœur et<br />

moi nous révéla un jour l’existence d’un programme dénommé<br />

Connexion compétences. Renseignements pris, je remplissais<br />

les conditions d’inscription à ce programme, et surtout il y avait<br />

encore quelques places disponibles. Il fallait au plus vite saisir<br />

la balle au bond. Et la perche me fut tendue par les responsables<br />

de l’<strong>AIEM</strong>.<br />

Je dois avouer que la bonne ambiance entre la huitaine de<br />

personnes qui constitue le groupe de Connexion compétences<br />

aura été un facteur primordial et favorable à l’acquisition de<br />

toutes les connaissances qui nous y ont été inculquées. Et de<br />

ce point de vue, comment ne pas reconnaître que mon intégration<br />

a commencé grâce à ce programme ? Mais ce n’est pas<br />

tout : il faut aussi mentionner le savoir, le savoir-faire et le savoir-être<br />

de notre encadreur, M. Jacques MIAN que je remercie<br />

au passage. Merci également au gouvernement canadien et aux<br />

responsables de l’<strong>AIEM</strong>. Mon ambition au sortir de Connexion<br />

compétences est de retourner aux études avec l’objectif de devenir<br />

infirmière.<br />

Pour terminer, je voudrais préciser que hormis l’hiver auquel je<br />

commence à m’habituer, j’aime beaucoup le Canada.<br />

«Je dois avouer que la bonne ambiance entre la huitaine de<br />

personnes qui constitue le groupe de Connexion compétences<br />

aura été un facteur primordial et favorable à l’acquisition de<br />

toutes les connaissances qui nous y ont été inculquées».<br />

Jhousemise Duvernay<br />

5


6<br />

Débat<br />

La démocratie, l’éducation, l’égalité, la famille, l’honneur,<br />

la justice, la séparation de l’État et de la religion, la liberté<br />

d’exprimer ses opinions, la religion, le respect des opinions<br />

des autres, le succès, la sécurité, le travail.<br />

Le groupe de Connexion compétences s’est prononcé sur<br />

ces valeurs. Clovinta, Élise, Cinthia, Luis, Jhousemise,<br />

Dunia, Élizabeth et Rose-Michel ont, au cours d’un débat<br />

ouvert, expliqué pourquoi telle valeur québécoise ou telle<br />

autre est importante.<br />

LA DÉMOCRATIE<br />

Élise Matoukam : Je trouve que la démocratie est capitale.<br />

C’est un système qui donne au peuple la liberté de choisir ses<br />

dirigeants et la façon dont il entend voir conduire la gestion des<br />

affaires publiques. La démocratie permet de prévenir toute déviance<br />

politique et de s’opposer aux dirigeants d’un pays. Sans<br />

démocratie, il n’y a pas de bonne gouvernance.<br />

Jhousemise Duvernay : Du fait de la démocratie, tout le<br />

monde est libre au Québec, exprime ses opinions dans l’ordre<br />

et dans le respect des lois. C’est une valeur importante dans<br />

ce pays.<br />

Rose-Michel Clissaint : Le Québec est une société libre grâce<br />

à la démocratie. Il y a une égalité de tous devant les droits et<br />

les devoirs. Nul n’est au-dessus de la loi, et cela est une très<br />

bonne chose. Je crois que s’il fait bon vivre au Québec, c’est<br />

en grande partie dû à ce système politique.<br />

Dunia Corral : La démocratie est importante. Elle permet, dans<br />

les limites de la loi, à tout citoyen québécois de se présenter à<br />

une élection ouverte, et de prendre part au suffrage universel.<br />

De plus, la démocratie est un système qui fonde les valeurs<br />

de liberté, d’égalité et consacre certains droits comme le droit<br />

d’association qui me paraît indispensable.<br />

Elizabeth Leon : Selon moi la démocratie est une valeur capitale.<br />

Elle donne aux citoyens et à tous les résidents d’un pays<br />

en général, à ceux du Québec en particulier, le sentiment qu’ils<br />

sont importants. Elle donne aux gens la pleine conscience de<br />

leur importance dans la marche de la société. Pour moi, une<br />

société démocratique est une société valorisante, à l’instar du<br />

Québec.<br />

Luis Enrique Barrera Marquez : Grâce à la démocratie, les<br />

gens ont le droit de s’associer partout au Québec, de participer<br />

aux élections en posant leur candidature ou en votant.<br />

Clovinta Duvernay : Une société démocratique est une société<br />

qui repose sur la primauté du droit. Cela est fondamental pour<br />

l’épanouissement des citoyens d’un pays. Dieu merci c’est le<br />

cas au Québec.<br />

LA JUSTICE<br />

Luis Enrique Barrera Marquez : la justice pour moi est une<br />

chose essentielle. Si la justice ne fonctionne pas correctement,<br />

le désordre s’installe et il n’y a plus de sécurité. Or une société<br />

sans sécurité est appelée à disparaître.<br />

Rose-Michel Clissaint : Nul n’est au dessus de la loi. Si tu<br />

commets un crime, tu seras jugé avec une défense pleine et<br />

entière. La justice s’applique à tout le monde. Que vous soyez<br />

un premier ministre ou un député ou un simple citoyen, vous<br />

êtes un justiciable. Le Ministère de la Justice a toute son importance<br />

au Québec.<br />

Élise Matoukam : L’exercice des droits et des libertés de la<br />

personne se fait dans le respect d’autrui. Une maxime stipule<br />

à raison que « la liberté de chacun s’arrête où commence celle<br />

des autres ». Mais justement sans la justice que vaut cette<br />

maxime?<br />

LA SÉCURITÉ<br />

Cinthia Saavedra : Le manque de sécurité entraîne le dysfonctionnement<br />

de la société. La sécurité est le moteur du développement<br />

économique et social. Le défaut de sécurité décourage<br />

toute initiative. Chacun se demandera pourquoi se donner tant<br />

de peine pour entreprendre si un matin quelqu’un vient lui arracher<br />

de force le fruit de ses efforts. Sans sécurité, nous vivrons<br />

comme dans la jungle.<br />

Clovinta Duvernay : La sécurité est fondamentale dans la<br />

vie de chacun. Pour bien vivre, pour être à l’aise dans une<br />

société, il doit y avoir la sécurité. Cela est indispensable parce<br />

que nécessaire à notre tranquillité. Affirmer que la sécurité est<br />

importante constitue une palissade, c’est enfoncer une porte<br />

ouverte. Je veux dire qu’il s’agit d’une vérité aveuglante.<br />

Luis Enrique Barrera Marquez : Il est important pour les parents<br />

de savoir que dans la rue, à l’école, dans le bus, dans le<br />

métro, ou ailleurs, rien de grave n’arrivera à leurs enfants. Il est<br />

aussi important de savoir que même en notre absence, aucun<br />

malfrat n’entrera par effraction chez nous pour nous prendre le<br />

fruit de nos efforts quotidiens. C’est tout cela la sécurité. Et le<br />

Québec le réussit très bien.<br />

Élise Matoukam: Toute personne a besoin de se sentir protégée<br />

contre toute atteinte à son intégrité physique ou morale.<br />

Jhousemise Duvernay: Pour moi, être en sécurité, c’est vivre<br />

dans un environnement où notre vie et nos biens sont protégés.<br />

De ce point de vue, c’est RAS (rien à signaler) au Québec.<br />

L’ÉDUCATION<br />

Clovinta Duvernay : Tantôt nous parlions de démocratie. Si<br />

celle-ci est en quelque sorte l’application du regard, du jugement<br />

populaire sur la conduite des affaires publiques dans la<br />

cité, eh bien la formation et l’information me paraissent indispensables<br />

dans une société. Le peuple a besoin de savoir lire<br />

et écrire, a besoin d’être informé sur la gouvernance de la cité<br />

pour user de son pouvoir d’approbation ou de sanction sur les<br />

actes posés par les dirigeants. Donc sans l’éducation du peuple<br />

la démocratie ne peut s’exercer pleinement.<br />

Rose-Michel Clissaint : L’éducation est une valeur importante.<br />

De nos jours, dans notre société globalisée, devenue un village<br />

planétaire, seule une bonne éducation nous garantit la réussite<br />

en tout genre. La société québécoise mise beaucoup sur


cette valeur. Cela va sans dire. Rien qu’à observer le nombre<br />

d’écoles, d’universités, de centres de formation, etc. pour s’en<br />

convaincre.<br />

Cinthia Saavedra : On voit bien qu’au Québec l’éducation<br />

est une valeur primordiale. Sans éducation tu es relégué au<br />

bans de la société. Mais l’État a créé les conditions pour que<br />

chacun, selon sa classe sociale, puisse être éduqué et acquérir<br />

les armes nécessaires à son intégration tous azimuts dans la<br />

société.<br />

Jhousemise Duvernay : Je constate que pour mieux vivre au<br />

Québec, pour réussir socialement, il faut avoir une éducation au<br />

sens de formation, d’acquisition de connaissance scolaire, universitaire<br />

ou professionnelle. C’est la condition sine qua non<br />

de l’intégration, qu’on soit Québécois pure laine ou immigrant.<br />

Dunia Corral : Au Québec, la bonne éducation passe par l’apprentissage<br />

de la langue, du français. C’est la langue la plus<br />

utilisée au travail, dans l'enseignement, les communications le<br />

commerce et les affaires.<br />

Luis Enrique Barrera Marquez : Moi aussi je constate que<br />

sans éducation on ne peut pas s’intégrer correctement au Québec,<br />

on est incapable de réaliser ses ambitions.<br />

Élise Matoukam : En arrivant au Québec, j’ai réalisé à quel<br />

point l’éducation est importante. Elle est inscrite au cœur de<br />

l’action gouvernementale, car les dirigeants de ce pays ont<br />

compris très tôt que sans une bonne éducation des citoyens<br />

aucun progrès économique et social n’est possible.<br />

LE TRAVAIL<br />

Jhousemise Duvernay : Le travail est une valeur capitale au<br />

Québec, et pour moi aussi. Le travail anoblit l’homme. Et puis<br />

on dit prosaïquement que le premier mari d’une femme c’est<br />

son travail. Cela est plus vrai au Québec où on voit hommes<br />

et femmes, abstraction faite de leurs différences physiques, se<br />

battre quotidiennement pour gagner leur pain à la sueur de leur<br />

front.<br />

Rose-Michel Clissaint : Le Québec est avant tout une société<br />

capitaliste. Il est important de travailler parce que c’est le<br />

moyen essentiel pour se réaliser socialement et satisfaire ses<br />

besoins matériels. C’est en travaillant et en dépensant que les<br />

gens font rouler l’économie de la province. S’il existe un ministère<br />

du travail, cela n’est pas gratuit.<br />

Élise Matoukam : Le travail est une source d’enrichissement<br />

pour l’État, et le principal facteur de socialisation des citoyens<br />

tout en leur assurant le bien-être. Avec le travail, c’est le progrès<br />

pour tous et le bonheur pour chacun.<br />

Cinthia Saavedra : La réussite et le développement personnel<br />

ne sont possibles que par le travail assidu et acharné. Nous<br />

voulons tous la liberté, l’indépendance, l’égalité qui sont des<br />

valeurs essentielles. Mais si nous ne travaillons pas, comment<br />

être libre, indépendant et profiter de l’égalité proclamée par le<br />

législateur?<br />

Clovinta Duvernay : De quoi est-on capable au Québec si on<br />

ne travaille pas? L’aide sociale, l’assurance chômage, cela peut<br />

dépanner, mais ne permet pas de vivre correctement. Il faut<br />

un travail, un emploi pour pouvoir subvenir pleinement à ses<br />

besoins. On a des factures à payer, on doit se nourrir, s’habiller,<br />

se loger. Pour honorer toutes ces charges, il nous faut<br />

de l’argent et pour avoir de l’argent, il nous faut travailler. D’où<br />

l’importance du travail dans la société.<br />

L’ÉGALITÉ<br />

Dunia Corral : Toutes les personnes sont égales en droit et<br />

en dignité, et elles bénéficient d'une égale protection de la<br />

loi. Toutes doivent respecter les lois, quelles que soient leurs<br />

convictions. Au Québec, les hommes et les femmes ont les<br />

mêmes droits, sont égaux devant la loi. Ce qui n’est pas le<br />

cas dans d’autres pays. Mais cet acquis, m’a-t-on dit, est le<br />

résultat de nombreuses années d’effort et de lutte.<br />

Elizabeth Leon : L’égalité, c’est la conception qu’une personne<br />

est égale à une autre. Elle doit bénéficier des mêmes droits et<br />

du même traitement de la part de la police, de la justice, de<br />

n’importe quelle administration ou institution. Cela, indépendamment<br />

de ses origines sociales, de sa conviction religieuse,<br />

de sa nationalité, de sa profession ou de son rang social.<br />

Rose-Michel Clissaint : En interdisant toute forme de discriminations<br />

au Québec, la Charte des droits et libertés consacre<br />

l’égalité entre tous les résidents. L’égalité de tous dans un pays<br />

me paraît une valeur fondamentale.<br />

Luis Enrique Barrera Marquez : La proclamation de l’égalité<br />

entre tous ceux qui résident au Québec est une chose essentielle.<br />

Parce que ce pays a ceci de caractéristique qu’il est<br />

multiculturel et multiracial. Je crois que c’est en partie grâce à<br />

cette valeur qu’il fait bon vivre au Québec.<br />

Élise Matoukam : L’égalité est une valeur capitale, car tout<br />

le monde doit être considéré de la même façon devant la loi,<br />

sans distinction de sexe, de race, d’âge et de qualification<br />

professionnelle.<br />

Cinthia Saavedra : Malheureusement, l’égalité est un concept<br />

qui n’existe pas dans toutes les cultures, tous les pays, toutes<br />

les religions et même toutes familles. Le disant, j’en infère que<br />

le Canada en général et le Québec en particulier, constituent<br />

des modèles de société en matière d’égalité.<br />

LE RESPECT DES OPINIONS DES AUTRES<br />

Cinthia Saavedra : Dans mon Pays (Mexique), on dit que<br />

« le respect du droit des autres est la paix ». De la même façon<br />

que les empreintes digitales diffèrent d’une personne à une<br />

autre, aussi vrai que les êtres humains sont différents au physique<br />

(y compris les jumeaux, contrairement à ce qu’on croit), il<br />

est concevable et normal que nous n’ayons pas tous la même<br />

façon de penser, la même opinion. Et la bonne cohabitation dans<br />

une société dépend du respect des opinions des autres. Cela<br />

est très important.<br />

Élise Matoukam : Oui, si j’admets que mon voisin est physiquement<br />

différent de moi, je dois aussi accepter que nous<br />

puissions avoir des opinions divergentes, sans que le ciel<br />

ne nous tombe sur la tête. Mais c’est surtout une très bonne<br />

chose que le législateur le proclame solennellement.<br />

Elizabeth Leon : On dit souvent que la remise en cause des<br />

idées, le refus du dogmatisme, le débat d’idées dans le respect<br />

des uns et des autres, sont sources de progrès. C’est donc<br />

tout à fait à l’honneur du Québec que de donner force de loi<br />

au respect des opinions d’autrui.<br />

7


8<br />

« Connexion compétences, un cadre d’apprentissage,<br />

d’échanges où je m’épanouis »<br />

Je m’appelle Antonia Elizabeth Leon Meza, 26 ans, mère<br />

monoparentale de deux enfants de 7 et 9 ans.<br />

Je viens d’un pays où les gens ont le goût de vivre et sont<br />

accueillants. Les femmes se font encore séduire au moyen d’aubades<br />

et de sérénades, au clair de lune. C’est aussi le pays où<br />

les amis se partagent une bonne bouteille de tequila, en apéritif<br />

de mets piquants, mais succulents. C’est le pays de la bonne<br />

humeur, et c’est le Mexique.<br />

Mon mari et moi nous avons décidé un jour d’immigrer au Canada.<br />

Mais je dois dire que la séparation d’avec mes parents<br />

n’a pas été du tout facile. La veille de notre départ, nous leur<br />

avons rendu visite. Que d’émotions ce jour-là! Mes parents m’ont<br />

donné leur bénédiction et ont serré mes enfants dans leurs bras.<br />

Ma mère s’exprimait avec des tremolos dans la voix, peinée de<br />

savoir que je partirais. En ce moment-là, je n’ai pu m’empêcher<br />

d’écraser une larme.<br />

Le jour de notre départ, mes beaux-parents nous ont conduits<br />

à un aéroport de la ville de Mexico. Notre voyage a duré six<br />

heures. Nous avons été accueillis par Immigration Canada, qui<br />

nous a installés dans un centre d’hébergement pour les nouveaux<br />

arrivants, dans le centre de la ville de Montréal. Nous étions en<br />

automne.<br />

D’autres familles comme la nôtre se retrouvaient dans ce centre<br />

où nous avions tout : de bonnes chambres, une excellente<br />

nourriture, une garderie, une carte de métro, des ateliers, etc.<br />

Un mois plus tard, nous avons réussi à trouver un appartement,<br />

et comme par enchantement, mon mari a trouvé un emploi de<br />

mécanicien.<br />

J’ai passé mon premier hiver un peu isolée chez moi, car j’avais<br />

une espèce de phobie de la neige; et puis je trouvais qu’il faisait<br />

trop froid pour mes enfants ! Malgré tout, nous vivions heureux,<br />

nous avions commencé à prendre goût à la vie montréalaise.<br />

Hélas! ce bonheur fut des plus fugaces : mon mari avait commencé<br />

à trop boire, et à négliger son travail, à devenir jaloux<br />

et agressif. Nous vivions notre deuxième hiver, et la grisaille a<br />

aussi envahi mon cœur; tout était devenu sombre dans ma vie.<br />

Mon mari venait de perdre son travail. Il me battait trop souvent,<br />

nous enfermait dans l’appartement, les enfants et moi, et sortait.<br />

Un soir il me battit à telle enseigne que la police est intervenue. Il<br />

fut alors mis aux arrêts. Dès lors, mes enfants et moi nous avons<br />

été hébergés dans une maison de sécurité pour femmes battues.<br />

Nous y avons séjourné pendant six mois.<br />

Cette époque fut vécue comme un véritable cauchemar. Je ne<br />

parlais pas français, je ne connaissais pas la ville, je n’y connaissais<br />

presque personne. J’ai dû entamer une procédure de divorce<br />

et commencer les démarches pour obtenir la résidence perma-<br />

nente, y compris pour mes enfants.<br />

La résidence permanente, nous l’avons obtenue six mois plus<br />

tard. J’ai trouvé un appartement et peu de temps après je suivais<br />

des cours de français tandis que mes enfants prenaient le chemin<br />

de la garderie.<br />

J’ai passé vingt mois à l’école des adultes où j’ai beaucoup<br />

appris. J’y ai rencontré des gens, ce qui m’a permis de sortir<br />

progressivement de mon isolement. J’ai interrompu ces études<br />

au profit de Connexion compétences, un cadre d’apprentissage,<br />

d’échanges, de convivialité où je m’épanouis. Je remercie du<br />

fond du cœur toutes les personnes qui ont eu l’initiative de ce<br />

programme, ainsi que celles qui le mettent quotidiennement en<br />

musique. Coucou tout spécial à M. Mian le chargé de ce projet<br />

à l’<strong>AIEM</strong>.<br />

Antonia Elizabeth Leon Meza


« Ce soir-là a marqué le<br />

début de ma nouvelle vie »<br />

Mon pays est surnommé « Haïti chérie » ou « Perle des Antilles<br />

». C’est un endroit très touristique ! J’ai une affection très<br />

particulière pour Haïti. Mon pays est tellement beau à décrire<br />

que je manque quasiment de mots pour relater son histoire<br />

et pour faire la description de ses attraits. Au nombre de ces<br />

attraits, je citerais les belles plages, la belle verdure et le beau<br />

paysage qui constituent autant de richesses.<br />

Je me prénomme Clovinta et réponds au patronyme de Duvernay.<br />

Vous le savez déjà, je suis de nationalité haïtienne, dans<br />

mon pays j’étais étudiante. Mon cursus d’éducation est des plus<br />

classiques : j’ai fait trois ans au cycle préscolaire, six au primaire<br />

et six autres au secondaire. Au primaire par exemple, j’ai beaucoup<br />

adoré les cours de piano. À côté des études, j’avais aussi<br />

quelques loisirs : en compagnie de mes camarades de classe du<br />

secondaire, je visitais les belles plages d’Haïti et d’autres lieux<br />

touristiques, j’allais au cinéma également, etc.<br />

Je suis arrivée à Montréal dans la soirée du 16 juin 2010, en<br />

compagnie de ma soeur. Nous avons été parrainées par nos<br />

parents biologiques résidents canadiens depuis novembre 2008,<br />

après un long séjour aux États-Unis. Ce 16 juin-là est un jour<br />

inoubliable pour moi parce que ça faisait douze ans que je<br />

n’avais pas vu mon père, et neuf que je n’avais pas vu ma mère<br />

non plus. Dans l’avion, je me demandais comment se feraient<br />

les retrouvailles avec mes parents. Dans la mesure où à leur<br />

départ d’Haïti je n’avais tout au plus que 12 ans. Est-ce que mon<br />

père et ma mère nous reconnaîtraient à l’atterrissage de l’avion ?<br />

J’eus bientôt la réponse à cette question obsessionnelle : après les<br />

formalités de débarquement à l’aéroport Trudeau, j’aperçus mes<br />

parents dans le hall d’attente, tenant chacun un bouquet de fleurs<br />

en main. Ma mère était tellement contente qu’elle pleurait de joie.<br />

Quant à mon père, il se contenta de remercier Dieu d’avoir permis<br />

ces retrouvailles. Ce soir-là a marqué le début de ma nouvelle vie,<br />

et le souvenir de ces instants restera gravé en lettres d’or dans<br />

ma mémoire.<br />

Évidemment, en découvrant Montréal et le Québec, j’ai en même<br />

temps découvert à quel point tout était différent d’Haïti. Ce fut un<br />

véritable choc. Déjà mes amis et Port-au-Prince me manquaient<br />

terriblement. Deux jours après notre arrivée, mes parents nous ont<br />

emmenées, ma sœur et moi, faire notre carte d’assurance maladie<br />

ainsi que celle de l’assurance sociale. En fin de semaine, ils nous<br />

envoyèrent visiter la ville de Montréal que je trouvai très attrayante.<br />

Franchement j’adore le Québec, c’est un beau pays.<br />

Après quelques semaines, je me suis rendue à Antoine de Saint-<br />

Exupéry, une école située tout près de chez nous, aux fins d’obtenir<br />

des informations concernant le système scolaire québécois.<br />

Au centre Jean Paul Lemay, j’ai pu obtenir des renseignements<br />

et m’inscrire pour des cours destinés à me préparer aux Tests<br />

d’Équivalence de niveau de Scolarité (TENS) que j’ai réussis avec<br />

joie.<br />

Quelques temps plus tard, ma rencontre avec M. Harold Julien<br />

de l’Association haïtiano-canado-québécoise d’aides aux démunis,<br />

fut édifiante : il m’apprit l’existence de l’organisme <strong>AIEM</strong> (Accueil<br />

des Immigrants de l’Est de Montréal) au sein duquel est logé le<br />

programme de Connexion compétences .<br />

J’ai été très heureuse d’être sélectionnée pour ce programme.<br />

Nous avons démarré les activités de celui-ci le 25 juillet <strong>2011</strong>. Le<br />

groupe de Connexion compétences est composé de huit personnes<br />

dont ma sœur. C’est un programme qui m’occupe et que<br />

j’aime énormément. Il me permet par-dessus tout d’étendre mon<br />

réseau relationnel et de m’ouvrir à d’autres horizons, d’autant plus<br />

que les autres membres du groupe viennent respectivement du<br />

Cameroun, de Cuba et du Mexique. En tout cas, nous formons<br />

une dynamique équipe de travail.<br />

Je ne terminerais pas cette présentation sans adresser mes remerciements<br />

au gouvernement fédéral du Canada pour cette opportunité<br />

qu’il nous a offerte. Remerciements également aux responsables<br />

de l’<strong>AIEM</strong> pour les bonnes conditions de travail qu’ils nous<br />

ont procurées. Et enfin, remerciements appuyés à M. Jacques<br />

MIAN, le chargé de projet, notre encadreur qui ne ménage ni son<br />

temps, ni son énergie pour programmer et préparer les ateliers<br />

et pour renforcer nos capacités là où nous avons des lacunes à<br />

combler, notamment en français.<br />

«Ce 16 juin-là est un jour inoubliable pour moi parce que ça faisait<br />

douze ans que je n’avais pas vu mon père, et neuf que je n’avais pas vu<br />

ma mère non plus.»<br />

Clovinta Duvernay<br />

9


10<br />

« Le père de mes enfants me menaça avec un<br />

pistolet »<br />

Je suis née au Mexique, j’ai étudié le tourisme et travaillé<br />

une bonne partie de ma vie dans l’administration.<br />

En mai 2006, je me suis séparée du père de mes enfants, et<br />

ma fille est née un mois plus tard. J’avais déjà un garçon de trois<br />

ans que mon exmari<br />

voulait enlever.<br />

J’avais beaucoup<br />

de problèmes<br />

avec cet homme qui<br />

était policier.<br />

Notamment, il me<br />

menaçait fréquemment<br />

après notre<br />

séparation, surtout<br />

au téléphone. Un jour,<br />

il débarqua chez mes<br />

parents où je m’étais<br />

réfugiée, me menaça<br />

avec un pistolet, voulant<br />

m’enlever mon<br />

fils. Très inquiet de<br />

cette situation, mon<br />

père me demanda de<br />

venir au Canada où<br />

séjournait mon frère<br />

aîné. Celui-ci mit à ma<br />

disposition toutes les<br />

informations sur le processus d’immigration au Canada, et je suis arrivée<br />

à Montréal en 2006 en tant que revendicatrice du statut de réfugiée.<br />

Arrivée avec mes deux enfants, nous avons vécu deux<br />

mois chez mon frère avant de trouver un appartement.<br />

La première difficulté que j’ai rencontrée en arrivant au Québec a<br />

été la barrière linguistique. Je ne comprenais pas un traître mot du<br />

français, et partout où je me rendais avec mes enfants, surtout chez<br />

le médecin, j’avais besoin d’un interprète. Oh! Mon Dieu, comme<br />

ce fut difficile! De plus, nous étions arrivés au début de l’automne,<br />

et au plan vestimentaire nous n’étions pas nantis en conséquence.<br />

Imaginez notre calvaire, mes enfants et moi! Heureusement que<br />

mon frère était là. C’est lui qui nous a offert les vêtements adéquats.<br />

En mai 2007, j’ai commencé des cours de français à l’Accueil<br />

des Immigrants de l’Est de Montréal (<strong>AIEM</strong>), simultanément avec<br />

une thérapie en psychologie. J’en avais besoin, car à l’époque je<br />

faisais une dépression et cela devenait risqué pour mes enfants.<br />

À peine ma situation avait-elle commencé à s’améliorer que ce que<br />

je considère comme un grand malheur survint. En effet, en 2008<br />

mon frère, mon souffre-douleur, a été déporté par les services<br />

d’immigration. Je suis donc restée seule avec mes enfants, et nous attendions<br />

qu’Immigration Canada se prononce sur mon propre dossier.<br />

Les services d’immigration finirent par me répondre en 2009.<br />

Favorablement. Ouf! j’étais devenue résidente permanente. Un<br />

gros souci en moins! Une épine ôtée du pied! Toutefois, j’ai dû<br />

interrompre les cours que je prenais parce que la garderie demes<br />

enfants me coûtait cher, alors que je ne bénéficiais d’aucune aide<br />

financière.<br />

En 2010 une nouvelle<br />

ère a commencé<br />

pour moi.<br />

Mon fils a débuté<br />

son cycle primaire.<br />

Ce qui m’a permis<br />

de souffler un peu.<br />

J’ai commencé à<br />

rencontrer de nouvelles<br />

personnes,<br />

trouvé une garderie<br />

pour ma fille, et<br />

démarré des cours<br />

de francisation de<br />

troisième niveau.<br />

Cours de francisation<br />

terminés en<br />

avril.<br />

Après quoi ce furent<br />

en quelque sorte<br />

des vacances pour<br />

mieux m’occuper de mes enfants. Et c’est au mois d’août que j’ai<br />

démarré le programme de Connexion compétences.<br />

Ce programme m’aura permis de bien m’organiser, de me définir<br />

une bonne orientation de carrière, de savoir en somme<br />

ce que je veux désormais. Par ailleurs, grâce au petit groupe<br />

que je forme avec les autres dans le cadre de ce programme,<br />

j’ai pu me départir progressivement de mes difficultés psychologiques<br />

générées par la vie chaotique que me réserva<br />

le père de mes enfants. La dynamique de ce groupe de<br />

Connexion compétences m’aide énormément de ce point de vue.<br />

Maintenant je me fais confiance, j’ai retrouvé une certaine joie<br />

de vivre. Je fais le pari de donner une meilleure orientation à<br />

ma vie, d’apprendre un métier, et d’offrir à mes chers enfants<br />

toutes choses susceptibles d’assurer leur épanouissement.<br />

Je dis un grand merci au gouvernement canadien qui permet à des<br />

personnes comme moi (nous sommes des milliers certainement)<br />

de reprendre goût à la vie.<br />

Au total, je suis très heureuse d’être une participante du programme<br />

Connexion compétences .<br />

«Ce programme m’aura permis de bien m’organiser, de me<br />

définir une bonne orientation de carrière, de savoir en somme<br />

ce que je veux désormais».<br />

Cinthia Saavedra


« Connexion compétences est une véritable école du<br />

savoir, du savoir-faire et du savoir-être »<br />

Je m’appelle Luis Enrique Barrera Marquez, de nationalité mexicaine.<br />

J’ai 26 ans. Je suis originaire de Guadalajara, une grande,<br />

belle et importante ville du Mexique. C’est une ville très touristique<br />

au regard de ses plages captivantes, de son artisanat traditionnel,<br />

de son art culinaire caractérisé par des mets savoureux comme<br />

le ragoût de bœuf, les tortas haogadas (un genre de sandwich),<br />

les tacos mexicains et beaucoup d’autres spécialités culinaires.<br />

Je suis issu d’une famille merveilleuse. Mes parents vivent<br />

tous les deux à Guadalajara. J’ai deux sœurs et une nièce.<br />

Au Mexique, j’ai totalisé vingt-deux ans de scolarité. Puis j’ai<br />

travaillé durant trois ans comme assistant dans un laboratoire<br />

de conception de prothèses dentaires. J’y ai appris beaucoup<br />

de choses, puis un jour j’ai pris la décision de venir au Canada<br />

pour des raisons de sécurité dont je voudrais faire l’économie ici.<br />

Ma joie de venir au Canada était mêlée de beaucoup de tristesse.<br />

En effet, j’étais triste de quitter mes parents, mes sœurs, mes amis,<br />

mon pays. Mais aussi pas très content d’abandonner mes habitudes.<br />

J’abandonnais finalement trop de choses au Mexique, et cela me<br />

rendait beaucoup nerveux. Mais cette nervosité s’expliquait aussi<br />

par le fait que je voyageais en avion pour la première fois; j’avais le<br />

mal de l’air. Nerveux également parce que je me rendais dans un<br />

pays différent, je partais pour vivre dans une société différente de la<br />

mienne, je n’avais aucune idée de la vie qui m’attendait à Montréal.<br />

Encore plus nerveux quand à l’aéroport de Montréal, les services<br />

d’immigration m’ont soumis à un véritable interrogatoire. C’était la<br />

première fois que l’on m’interrogeait de la sorte. À la question de<br />

savoir pourquoi cette avalanche de questions, il m’a été répondu que<br />

c’était le principe avec la plupart des immigrés qui entrent à Montréal.<br />

La première journée passée à Montréal fut une véritable<br />

épreuve pour moi, du fait de la barrière linguistique. Je ne<br />

savais un traître mot de français, d’anglais moins encore. Je<br />

ne savais comment communiquer avec les gens, en définitive<br />

je communiquais par des signes et cela frisait le ridicule.<br />

Je crois que la résolution de m’inscrire au cours de francisation a été<br />

prise à partir de cette expérience amère. Le temps de me remettre<br />

de l’infortune et du traumatisme des premiers jours, je me suis inscrit<br />

dans un centre spécialisé pour apprendre les rudiments du français.<br />

L’apprentissage du français était difficile pour moi. Quatre mois plus<br />

tard, j’ai dû abandonner le programme au profit de la pratique du<br />

soccer. Pour cette activité sportive, j’ai intégré une ligue de Laval.<br />

Désormais, je jouais donc au soccer. La dynamique qui régnait<br />

au sein de mon équipe aura eu un effet très bénéfique sur moi.<br />

Je commençais à m’épanouir. J’ai décidé de connaître Montréal.<br />

Dans la foulée, j’ai visité Toronto, Ottawa et Québec la capitale.<br />

Un peu plus tard, j’ai repris mes cours de français, avec la ferme<br />

décision de parfaire ma connaissance de cette langue devenue incontournable<br />

pour moi, à tout le moins tant que je vivrais au Québec.<br />

Lorsque j’ai entendu parler de Connexion compétences, je pouvais<br />

juger mon niveau de français assez bon. En effet, c’est une des<br />

conditions implicites pour pouvoir suivre et profiter de ce programme.<br />

Que dire de Connexion compétences? Sinon rien que du bien!<br />

Ce programme est une véritable école du savoir, du savoir faire<br />

et du savoir être. Je pense qu’il convient d’applaudir à tout rompre<br />

à cette belle initiative du gouvernement canadien qui permet aux<br />

immigrants d’acquérir des connaissances et des informations susceptibles<br />

de favoriser leur intégration professionnelle ou scolaire.<br />

À l’issue du programme Connexion compétences, j’aimerais<br />

suivre une formation en électricité ou en éducation sportive.<br />

Mais je rêve aussi de m’exprimer convenablement en français<br />

et en anglais, les deux langues de travail au Canada.<br />

«Que dire de Connexion compétences? Sinon rien que du bien!<br />

Ce programme est une véritable école du savoir, du savoir faire<br />

et du savoir être».<br />

Luis Enrique Barrera<br />

11


12<br />

«Ce que j’ai appris à Connexion compétences me<br />

servira tout au long de ma vie»<br />

Je m’appelle Dunia Corral, 25 ans, originaire de Cuba, un pays magnifique, avec de<br />

nombreuses attractions touristiques. Au nombre de ces attractions, on peut citer des<br />

plages splendides au sable blanc et fin, qui bordent un océan d’un beau bleu outremer.<br />

J’aime beaucoup Cuba. Mais si je me retrouve aujourd’hui au Canada, c’est parce qu’un<br />

autre amour a triomphé de celui-là. Le 28 février 2009, j’ai suivi mon époux qui est<br />

Péruvien-Canadien. N’empêche, les premiers jours passés au Canada ont été éprouvants.<br />

J’étais en proie à une certaine mélancolie, à beaucoup de nostalgie. Je pensais en permanence<br />

à ma mère… Dieu seul sait à quel point cette séparation m’était insupportable.<br />

Toutefois, ces sentiments assez sombres qui m’animaient ne m’ont pas empêchée d’apprécier certaines<br />

caractéristiques du Québec qui m’ont beaucoup impressionnée et m’impressionnent toujours.<br />

À titre d’illustration, je me dois de reconnaître que j’ai été énormément émerveillée par la neige.<br />

Dans mon pays j’ai étudié l’informatique, et j’y travaillais. Mais il m’était impossible de poursuivre<br />

cette carrière au Québec, dans la mesure où je n’avais jamais été une locutrice de la langue<br />

française. Je me suis donc inscrite à un cours de francisation qui a duré près de huit mois.<br />

L’acquisition de ces premiers rudiments en français et la familiarisation avec cette langue m’ont permis de<br />

remplir les conditions exigées pour s’en inscrire à certains programmes dont Connexion compétences.<br />

Je fais partie des huit (8) personnes qui suivent ce programme depuis fin juillet <strong>2011</strong>. Comment ne<br />

pas reconnaître que ce programme représente pour moi d’excellents moments d’épanouissement<br />

personnel et d’échanges avec d’autres personnes? J’y ai appris beaucoup de choses qui me<br />

serviront tout au long de ma vie tout court. Oui Connexion compétences, au-delà des ateliers<br />

sur des sujets précis, et de cours de mise à niveau de nos acquis scolaires, constitue une<br />

véritable école de la vie. Et c’est toujours ça de gagné! Là-dessus, je voudrais exprimer toute<br />

ma gratitude au gouvernement fédéral du Canada, aux responsables de l’<strong>AIEM</strong> et à tout le<br />

personnel de cet organisme. Mais mention spéciale à notre encadreur, M. Jacques MIAN pour<br />

son dévouement, sa grande patience, sa grande gentillesse, et surtout pour ses grandes connaissances<br />

qu’il a essayé de partager avec nous tout au long de ce programme.<br />

«J’y ai appris beaucoup de choses qui me serviront tout au long de ma vie tout<br />

court. Oui Connexion compétence, au-delà des ateliers sur des sujets précis, et<br />

de cours de mise à niveau de nos acquis scolaires, constitue une véritable école<br />

de la vie».<br />

Copyright:©<strong>2011</strong> Accueil aux Immigrants de l’Est de Montréal.<br />

5960, rue Jean-Talon Est. Montréal, Québec. H1S 1M2. (514) 723-4939.<br />

http://www.aiemont.com<br />

Direction : Jacques Mian; graphisme : Roberto Labarca;<br />

rédacteurs : Dunia Corral, Cinthia Saavedra, Jhousemise Duvernay, Clovinta Duvernay,<br />

Elise Matoukam, Rose Michel Clissaint, Luis Barrera Marquez<br />

Dunia Corral Martinez<br />

Le cocktail dînatoire pour le<br />

lancement du <strong>journal</strong> a été<br />

financé par :

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