Surveillance des espèces envahissantes marines dans les ... - IUCN
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Les effets <strong>des</strong> <strong>espèces</strong><br />
<strong>envahissantes</strong><br />
L'introduction <strong>des</strong> <strong>espèces</strong> exotiques <strong>envahissantes</strong> est une<br />
menace considérable pour la fonction, la structure et la<br />
biodiversité <strong>des</strong> écosystèmes. El<strong>les</strong> peuvent déplacer <strong>les</strong><br />
<strong>espèces</strong> autochtones, réduire la biodiversité <strong>des</strong> communautés,<br />
changer la composition et l'abondance <strong>des</strong> <strong>espèces</strong> <strong>dans</strong> <strong>les</strong><br />
différents habitats, modifier la structure <strong>des</strong> habitats et<br />
occasionner <strong>des</strong> réactions en chaîne ou <strong>des</strong> changements au<br />
sein du réseau trophique pouvant engendrer d'importants<br />
impacts négatifs sur l'écosystème (AEE, rapport technique nº<br />
16/2012). Néanmoins, leurs effets sur la biodiversité et <strong>les</strong><br />
habitats méditerranéens ne peuvent pas être généralisés, car<br />
<strong>les</strong> <strong>espèces</strong> exotiques peuvent provoquer <strong>des</strong> effets très<br />
différents selon le lieu ou le moment et, selon le cas, avec une<br />
puissante composante envahissante ou non.<br />
Les invasions <strong>marines</strong> peuvent aussi avoir <strong>des</strong> répercussions sur<br />
l'économie et la santé humaine. En Europe, <strong>les</strong> impacts<br />
économiques <strong>des</strong> <strong>espèces</strong> exotiques terrestres et aquatiques ont<br />
été estimés, au minimum, à 12,5 milliards d'EUR par an,<br />
représentant probablement plus de 20 milliards d'EUR (Kettunen<br />
et al., 2009). Sur ce montant, l'impact négatif <strong>des</strong> seu<strong>les</strong> <strong>espèces</strong><br />
<strong>envahissantes</strong> aquatiques a été estimé à un coût pour la région<br />
d'au moins 2,2 milliards d'EUR par an. Néanmoins, il existe peu<br />
de données complètes permettant de mettre en évidence la<br />
plupart <strong>des</strong> impacts économiques <strong>des</strong> <strong>espèces</strong> <strong>envahissantes</strong><br />
<strong>marines</strong>. Les exemp<strong>les</strong> d'avantages potentiels résultant de<br />
certaines <strong>espèces</strong> <strong>envahissantes</strong> ou d'avantages associés aux<br />
programmes de contrôle et de prévention sont encore plus rares.<br />
La recherche scientifique commence à peine à entrevoir l'ampleur<br />
de certains de ces impacts sur la Méditerranée et, pour la plupart<br />
de ces introductions, <strong>les</strong> effets sont complètement inconnus.<br />
En particulier, <strong>les</strong> macroalgues exotiques risquent de devenir<br />
<strong>envahissantes</strong> <strong>dans</strong> <strong>les</strong> environnements côtiers ; el<strong>les</strong> peuvent<br />
facilement monopoliser l'espace disponible, réduire la<br />
biodiversité et modifier toute la structure écosystémique.<br />
Actuellement, la Méditerranée abrite le plus grand nombre de<br />
plantes <strong>marines</strong> introduites au monde. Plus de 60 macroalgues<br />
ont déjà été introduites et il a été prouvé que 8 ou 9 d'entre el<strong>les</strong><br />
sont à l'origine d'invasions graves (Piazzi et Balatta, 2009 ;<br />
Boudouresque et Verlaque, 2003). Toutefois, pour la majorité<br />
d'entre el<strong>les</strong>, à l'exception de la célèbre Caulerpa racemosa var.<br />
cylindracea, leur nature envahissante ne semble pas être un<br />
phénomène généralisé partout et il est possible qu'el<strong>les</strong> ne<br />
deviennent pas <strong>envahissantes</strong> <strong>dans</strong> chaque zone qu'el<strong>les</strong><br />
colonisent. Ceci peut s'expliquer par divers facteurs comme la<br />
présence d'une espèce prédatrice ou <strong>des</strong> conditions d'habitat<br />
loin d'être idéa<strong>les</strong>.<br />
Certaines caractéristiques communes à toutes ces macroalgues,<br />
comme leur aptitude à se reproduire de manière végétative (une<br />
seule propagule pouvant créer une nouvelle colonie), leur<br />
production de métabolites toxiques faisant fuir <strong>les</strong> brouteurs ou<br />
leur statut d'<strong>espèces</strong> pérennes, <strong>les</strong> rendent plus compétitives que<br />
<strong>les</strong> <strong>espèces</strong> de macroalgues autochtones, ce qui accroît leur<br />
probabilité de devenir <strong>envahissantes</strong> si el<strong>les</strong> prospèrent <strong>dans</strong> le<br />
nouvel environnement. Parmi ces <strong>espèces</strong>, plusieurs engendrent<br />
périodiquement de graves problèmes, en obstruant <strong>les</strong><br />
canalisations d'eau, en encrassant <strong>les</strong> filets et en modifiant <strong>les</strong><br />
régimes de nutriments <strong>dans</strong> <strong>les</strong> zones situées à proximité <strong>des</strong><br />
pêcheries, <strong>des</strong> usines de <strong>des</strong>salement et <strong>des</strong> systèmes aquaco<strong>les</strong>.<br />
Dans <strong>les</strong> AMP, la propagation <strong>des</strong> macroalgues <strong>envahissantes</strong>,<br />
comme la Caulerpa sp., la Lophocladia lallemandii ou la<br />
Womersleyella setacea, (Fig. 4 et 5), peut également réduire l'attrait<br />
d'un paysage marin pour <strong>les</strong> amateurs de plongée sous-marine et<br />
entraîner un déclin de la diversité <strong>des</strong> communautés <strong>marines</strong>. Les<br />
<strong>espèces</strong> menacées ou en danger vivant <strong>dans</strong> ces zones pourraient<br />
aussi être exposées au risque de prédation, de parasitisme et de<br />
concurrence avec ces envahisseurs exotiques.<br />
La Caulerpa racemosa var. cylindracea, une algue envahissante<br />
endémique du sud-ouest de l'Australie, s'est propagée<br />
rapidement <strong>dans</strong> l'ensemble de la Méditerranée, de Chypre et<br />
de la Turquie jusqu'à l'Espagne et autour <strong>des</strong> gran<strong>des</strong> î<strong>les</strong>, y<br />
compris au sein <strong>des</strong> AMP (Fig. 4). Elle peut former un épais<br />
couvert qui envahit <strong>les</strong> algues autochtones et réduit<br />
considérablement leur diversité et leur couverture. Elle accroît<br />
l'envasement, réduit la densité <strong>des</strong> pousses et la biomasse de<br />
certaines prairies sous-<strong>marines</strong> autochtones, et induit de<br />
profon<strong>des</strong> modifications au sein de la macrofaune benthique.<br />
Par exemple, d'après <strong>les</strong> observations effectuées <strong>dans</strong> le Parc<br />
national de Port-Cros et <strong>dans</strong> le Parc régional de Scandola,<br />
l'invasion de Caulerpa racemosa et de Womersleyella setacea<br />
affecte le taux de survie et la croissance <strong>des</strong> colonies juvéni<strong>les</strong> de<br />
la gorgone Paramuricea clavata (Cebrian et al., 2012) et la capacité<br />
de reproduction <strong>des</strong> communautés d'éponges (de Caralt et<br />
Cebrian, 2013). Les algues exotiques filamenteuses et propices à<br />
la formation d'un couvert végétal, comme l'Acrothamnion preissii<br />
et la Womersleyella setacea, peuvent établir une strate presque<br />
monospécifique, étouffant <strong>les</strong> communautés sous-jacentes et<br />
réduisant le nombre et la diversité <strong>des</strong> <strong>espèces</strong> <strong>dans</strong> <strong>les</strong> zones<br />
affectées en piégeant <strong>les</strong> sédiments.<br />
Asparagopsis armata. Photo : B. Weitzmann.<br />
<strong>Surveillance</strong> <strong>des</strong> <strong>espèces</strong> <strong>envahissantes</strong> <strong>marines</strong> <strong>dans</strong> <strong>les</strong> AMP méditerranéennes: guide pratique et stratégique à l'attention <strong>des</strong> gestionnaires 11