Monstres en soutane» et autres figures du monstre ... - Marc Angenot
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la Barre, R<strong>en</strong>an, Darwin, Francisco Ferrer, les anathèmes antidémocratiques <strong>du</strong> Syllabus, le<br />
coût <strong>du</strong> clergé concordataire, l’«atrophie m<strong>en</strong>tale» procurée par les écoles congréganistes – vaste<br />
bric-à-brac cumulatif qui formait il y a un siècle une sorte de culture semi-érudite de très large<br />
diffusion.<br />
Dans ce discours, la haine <strong>du</strong> prêtre éclate <strong>en</strong> des termes dev<strong>en</strong>us surpr<strong>en</strong>ants de véhém<strong>en</strong>ce,<br />
des <strong>en</strong>volées qui sont de vrais appels au meurtre:<br />
Le prêtre par la honte de son état, par la hideur infamante de son<br />
costume, vit <strong>en</strong> dehors de la loi commune, de la solidarité. Contre lui tout<br />
est permis, précise Laur<strong>en</strong>t Tailhade, car la civilisation a un droit de<br />
légitime déf<strong>en</strong>se. Elle ne lui doit ni ménagem<strong>en</strong>t ni pitié. C’est le chi<strong>en</strong><br />
<strong>en</strong>ragé que tout passant a le devoir d’abattre, de peur qu’il ne morde les<br />
hommes <strong>et</strong> n’infecte le troupeau. 22<br />
Les satires féroces contre la prêtraille, contre les noirs, les ratichons, les calottins, les<br />
<strong>en</strong>soutanés, les corbeaux, les cléricochons, les vaticanards, le phylloxera clérical remont<strong>en</strong>t à<br />
des rec<strong>et</strong>tes médiévales sur les moines <strong>et</strong> les nonnes, leur succès populaire était garanti. Une<br />
série de romans <strong>et</strong> de compilations judiciaires narrait les «actes immondes» commis par les<br />
congréganistes, les «dégoûtants exploits» des satyres tonsurés – <strong>et</strong> de conclure ironiquem<strong>en</strong>t:<br />
«M<strong>et</strong>tez vos <strong>en</strong>fants chez les bons frères, ô naïfs badauds, livrez-les aux <strong>monstre</strong>s de la<br />
23<br />
congrégation, aux anormaux <strong>en</strong> soutane!» Par milliers, les titres de la presse de gauche<br />
dénonc<strong>en</strong>t les crimes <strong>du</strong> clergé:<br />
UN VIOL COMMIS SUR UNE PETITE FILLE DE HUIT ANS<br />
<strong>et</strong> dont une des conséqu<strong>en</strong>ces a été<br />
la communication<br />
d’une maladie honteuse<br />
à la victime 24<br />
Que le <strong>monstre</strong> moral soit toujours aussi, <strong>en</strong> des temps prudes, obsédés <strong>et</strong> refoulés, un pervers<br />
sexuel, cela se confirmerait <strong>en</strong> montrant la perversité toujours connotée des <strong>autres</strong> <strong>monstre</strong>s.<br />
Dans la propagande socialiste, le bourgeois par exemple est toujours un malade sexuel. Tout<br />
25<br />
bourgeois est un débauché qui «exerce le droit <strong>du</strong> seigneur si reproché à l’Anci<strong>en</strong> régime» sur<br />
les malheureuses filles <strong>du</strong> peuple, muées <strong>en</strong> «chair à plaisir» d’une classe lubrique <strong>et</strong> infâme.<br />
«Pr<strong>en</strong>ez la résolution de soustraire vos femmes <strong>et</strong> vos filles aux fantaisies lubriques des buveurs<br />
26<br />
de sueur!» Car la satiété a «émoussé ses désirs» <strong>et</strong> l’a porté vers les pires perversions. Il y a une<br />
22<br />
23<br />
24<br />
25<br />
26<br />
La raison, 21.12.1902.<br />
Le libertaire, 6.2.1904, 3.<br />
L’anticlérical, 24.8.1879, 1.<br />
Guesde, Le citoy<strong>en</strong>, 21.9.1881, 1.<br />
Le salariat, 13.10.1889, 1.<br />
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