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Dossier - Prochoix

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Son racisme paternaliste aura un revers<br />

surprenant. Parham accepte qu’un jeune<br />

homme noir, fils d’ancien esclave, suive<br />

ses enseignements. Pas dans la classe<br />

bien sûr mais dans une pièce à l’écart, à<br />

travers une porte entre-ouverte et à<br />

condition qu’il ne se fasse pas voir. Il<br />

s’agit de William Seymour. Tandis que le<br />

groupe de Topeka se sectarise au point<br />

d’être rejeté par les églises traditionnelles,<br />

le jeune disciple — tout juste<br />

toléré — est invité à parler dans une<br />

église noire de Los Angeles. De plus en<br />

plus écouté, il prêche notamment que<br />

“celui qui ne parle pas en langues n’est<br />

pas baptisé par le Saint Esprit” (Actes<br />

2.4). Le “miracle intervient” enfin. Le 9<br />

avril 1906 à Bonnie Bry street, pour la<br />

première fois, un jeune garçon noir est<br />

“touché par le baptême de l’esprit” et se<br />

met à parler en langues. Jugeant cela<br />

comme un signe, Seymour — qui n’en a<br />

jamais fait l’expérience — loue aussitôt<br />

une vieille église méthodiste au 312<br />

Azuza street. Pendant trois ans, sans discontinuer,<br />

ont lieu des réunions de<br />

prières, des séances de “parler en<br />

langue” et des prophéties. Baptisée la<br />

resurection d’Azuza street, l’événement<br />

est considéré par les pentecôtistes<br />

comme le point de départ de l’internationalisation<br />

du mouvement. Dans de<br />

nombreuses publications, il est encore<br />

empreint de légende, comme si ce qui<br />

s’y était passé relevait du miracle. Au<br />

grand dam de Parham. Venu voir ce qui<br />

s’y tramait, ce sympathisant du Klan ne<br />

peut qu’être scandalisé de voir des<br />

“nègres” parler en langues. Ce qui signifierait,<br />

selon sa théorie, que les noirs<br />

sont aussi le “peuple élu” et non plus<br />

seulement les anglo-saxons blancs<br />

comme il aimait à le croire. Son nom est<br />

rayé des papiers à entête du Azuza revival<br />

dès 1907 et le ségrégationnisme du<br />

pentecôtisme définitivement remis en<br />

cause.<br />

Aujourd’hui encore les historiens s’interrogent<br />

? Qui de Parham ou de<br />

Seymour est le père fondateur du pentecôtisme<br />

? Le premier est incontestablement<br />

le pionnier, celui qui a expliqué le<br />

baptême de l’esprit par le parler en<br />

langue. Mais Seymour fait figure du père<br />

spirituel. Adepte d’une église multiethnique<br />

et multinationale, ouverte aux<br />

noirs et aux blancs, aux américains et<br />

aux autres, aux hommes et aux femmes,<br />

il est celui par qui le pentecôtisme s’est<br />

propagé. D’une effervescence locale, il<br />

s’est transformé en un mouvement international<br />

touchant l’Amérique du sud, la<br />

Corée et l’Afrique. Déjà, une enquête<br />

réalisée aux Etats-Unis en 1936 révèle<br />

un mouvement plutôt féminin (52%<br />

Deuxième vague : le renouveau charismatique<br />

Les premiers signes d’un mouvement<br />

charismatique à proprement dit se font<br />

sentir dès les années 50, au moment des<br />

fidèles non pentecôtistes commencent à<br />

faire “l’expérience de l’esprit”. Dès lors,<br />

ils tentent d’imposer un renouveau dans<br />

leurs églises. C’est ce qu’on appelle le<br />

néo-pentecôtisme. Des veillées de<br />

prières commencent à recueillir un franc<br />

succès. Ne pouvant plus ignorer le phénomène,<br />

des catholiques commencent à<br />

s’y intéresser, à lire la littérature pentecôtiste.<br />

En août 66, deux jeunes étudiants<br />

catholiques de l’Indiana, Steve Clark et<br />

Ralph Martin, lisent La Croix et le poignard<br />

: le récit autobiographique d’un<br />

pasteur pentecôtiste engagé au service<br />

des toxicomanes de Brooklyn. Le récit de<br />

l’“effusion de l’esprit” et de son impact<br />

sur les drogués les impressionne au point<br />

d’entraîner dans leur illumination leurs<br />

professeurs de l’Université Notre-Dame.<br />

En lisant à son tour la Croix et le poignard,<br />

l’un d’eux se met en tête d’en<br />

vérifier les références bibliques : “C’était<br />

si lumineux, si évident, si bouleversant,<br />

c’est presque comme une première rencontre<br />

avec le christianisme !” raconterat-il<br />

plus tard. Malgré leur fascination, les<br />

professeurs hésitent à se rendre directement<br />

et leurs préfèrent les néo-pentecôtistes.<br />

Lesquels ont fait l’expérience de<br />

l’”effusion de l’esprit” mais sont demeurés<br />

dans des églises traditionnelles. Une<br />

fois de plus, les deux étudiants vont les<br />

convaincre. Sentant que la sauvegarde<br />

de l’église catholique dépend en grande<br />

partie de leur alliance avec ces mouvements<br />

du réveils (voir lettre sur Père<br />

O’Connor), tout le monde décide de participer<br />

à une retraite organisée à<br />

Duquesne du 19 au 23 février 1967. Tous<br />

ont lu La Croix et le poignard, mais<br />

l’”effusion de l’esprit”, le parler en<br />

langues et le charisme demeurent encore<br />

des notions bien floues à leurs yeux. Au<br />

retour, c’est la révélation ! Persuadés que<br />

Dieu s’est manifesté aux étudiants durant<br />

La lettre du Père O’Connor<br />

Voici l’extrait d’une lettre édifiante écrite en 1967 par le Père Edward O’Connor (professeur<br />

à Notre-Dame) à Patti Mansfield pour l’inciter à se rendre au week-end de<br />

Duquesne. Elle explique très bien les doutes mais aussi les raisons qui ont amenée ces<br />

catholiques à devenir charismatiques.<br />

”Le groupe de prière est tout a fait orthodoxe. Leur conception de la Sainte Trinité, du<br />

Christ, de la grâce, des relations entre celles-ci et la nature humaine, de la sainteté, de<br />

la liberté de l’homme devant Dieu est celle des catholiques. Je lie aussi l’effusion de l’esprit<br />

à la confirmation : notre sacrement est identique à ce que le Nouveau testament<br />

appelle le baptême dans l’esprit. Si, bien souvent, nous n’en remarquons pas les effets<br />

ou si nous les trouvons mineurs, il ne faut pas en imputer la cause au sacrement mais à<br />

nous, à notre manque de recherche ou d’ouverture aux dons qu’il nous fait. Si un catholique<br />

ayant reçu la confirmation se trouve transformé à la suite d’une expérience semblable<br />

à la mienne, il s’agit simplement d’un renouvellement de la grâce donnée par le<br />

sacrement (il s’agit là encore, d’une notion de scolastique traditionnelle) L’imposition des<br />

mains ne renie pas la confirmation, pas plus que “leaspeges me” ne renie le baptême.<br />

Sauf pour des ritualistes purs et durs, il est évident que les sacramentaux peuvent être utilisés<br />

par Dieu pour revivifier la force des sacrements. Si l’on se place sous l’angle oecuménique,<br />

il se pourrait fort bien que cela soit une voie choisie par l’Esprit pour nous<br />

conduire à l’unité. Tout ceux que nous avons connus à l’intérieur du groupe sont engagés<br />

dans leurs paroisses, nous n’avons rencontré encore aucun sectarisme, aucune négation<br />

de l’institution ecclésiale. (...) Dans ce même élan, je vis, trois heures par semaine,<br />

un temps d’unité entre les différentes confessions ; en même temps je m’enracine de plus<br />

en plus dans l’Eglise catholique. En conclusion, un souci pastorale : les gens iront là ou<br />

la vie. Si personne ne leur montre le chemin, les catholiques tièdes pourraient bien<br />

s’éloigner de leur église après avoir connu les chrétiens sincères de ce groupe de prière<br />

et ce, pour leur plus grande perte et pour la notre. N’oublions pas que, pour beaucoup<br />

de croyants pentecôtistes et évangélique, nous représentons au mieux une institution<br />

morte, au pire l’Antéchrist. A moins de connaître et de respecter des vrais catholiques,<br />

ils ne réorienteront pas vers nous les quelques uns qui pourraient<br />

s’écarter de nous. A mon avis, les contacts avec de tels groupes renforceront<br />

les catholiques solides dans leur foi ; ceux-ci pourront alors<br />

mieux servir l’Eglise en créant un climat de compréhension et<br />

d’amour tout en ramenant les brebis égarées.”<br />

Patti Mansfield. Comme une nouvelle pentecôte. Les débuts du<br />

renouveau charismatique dans l’Eglise catholique. Editions de<br />

l’Emmanuel. 277 p, 1992.<br />

ProChoix n°10 / Avril 1999<br />

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