29.06.2013 Views

L'histoire d'Isa « Je m'appelle Isa. Ce n'est pas Isabelle ... - Mary Genty

L'histoire d'Isa « Je m'appelle Isa. Ce n'est pas Isabelle ... - Mary Genty

L'histoire d'Isa « Je m'appelle Isa. Ce n'est pas Isabelle ... - Mary Genty

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

L’histoire d’<strong>Isa</strong><br />

H I S T O I R E S C R O I S É E S : C R I S T O F , S A R A H E T I S A<br />

<strong>«</strong> <strong>Je</strong> m’appelle <strong>Isa</strong>.<br />

<strong>Ce</strong> n’est <strong>pas</strong> <strong>Isa</strong>belle, ce n’est <strong>pas</strong> un surnom, c’est bien mon<br />

prénom. <strong>Ce</strong>lui que je porte depuis 40 ans et qui figurera bientôt<br />

sur mes papiers d’identité, suite à une demande officielle de<br />

changement de prénom.<br />

<br />

je suis <strong>Isa</strong>belle. C’est mon deuxième frère, qui est aussi mon<br />

parrain, qui a suggéré ce prénom à mes parents qui ne savaient<br />

<strong>pas</strong> comment me prénommer.<br />

<strong>Je</strong> me souviens :<br />

J’ai 8 ans, je m’appelle <strong>Isa</strong>belle.<br />

Le soir, je monte à l’étage au-dessus, juste au-dessus du salon<br />

où la reine-mère coud, coud, coud. C’est dans ce salon qu’elle<br />

coud. Là, où saison après saison, année après année, la mère<br />

aime dire : <strong>«</strong> Tiens, il manque une assiette, l’assiette d’<strong>Isa</strong>belle. »<br />

C’est également dans ce salon où l’on mange tous ensemble :<br />

le père, la mère, les frères et sœurs.<br />

Les hommes ont le droit de parler à table, mais <strong>pas</strong> les filles !<br />

Les filles n’ont que le droit d’écouter. Elles écoutent leurs frères<br />

brillants, engagés, forts de leur jeunesse, de leur pouvoir… Pouvoir<br />

que subtilement le père leur confère : <strong>«</strong> une femme est faite pour<br />

vivre un sacerdoce ; une femme aime ça... ! »<br />

Quoi, ça ?<br />

Mon frère a le droit de vérifier ma toilette intime :<br />

<br />

yeux, les jambes écartées, je ne sais <strong>pas</strong> bien ce qui se <strong>pas</strong>se, je<br />

subis. Ça me gratte et me fait de plus en plus mal chaque jour. Ça<br />

force de plus en plus.<br />

Un jour, j’ose en parler à ma mère, mais elle ne réagit <strong>pas</strong>.<br />

Un autre jour, je rechigne et me tourne de nouveau vers elle.<br />

Elle ne réagit toujours <strong>pas</strong>. Résignée, je suis mon frère en pleurant.<br />

Une autre fois encore, je lui demande d’intervenir : je suis<br />

propre, j’ai pris ma douche, je n’ai <strong>pas</strong> besoin qu’il vérifie ! Elle<br />

se tait et continue de coudre.<br />

Alors, je crie un peu plus fort mais en vain.<br />

201


202<br />

U N N O U V E A U P R É N O M P O U R S E G U É R I R<br />

À partir de ce moment-là, plus jamais je ne lui demanderai de<br />

l’aide : ma mère est morte, elle est psychiquement morte !<br />

Et le père ?<br />

Le père, lui a encore plus de droits…<br />

Vide, déchirée par les actes et les paroles de mon père et de<br />

mes frères, perdue dans l’incohérence des lois familiales, je me<br />

réfugie dans un monde parallèle, m’échappe, me <strong>«</strong> taire » dans les<br />

silences ou des bavardages incessants.<br />

Empreinte de tristesse et de souffrance, <strong>Isa</strong>belle ne pouvait se<br />

trouver belle et honorer un tel prénom, choisi par ceux là même<br />

qui l’abusaient.<br />

Vers l’âge de 15 ans, je rencontre Maurice. Il est Carme 22 bibliothécaire.<br />

<strong>Je</strong> me rends souvent au carmel à bicyclette. N’importe<br />

quand : en fugue du lycée, en fugue de la maison paternelle, en<br />

fugue de moi-même…<br />

Un jour, étourdie de souffrance, hystérique, en quête de la<br />

moindre attention, je me roule sans raison apparente sur les<br />

pelouses de ce lieu où les carmes m’accueillent.<br />

C’est une fin d’après-midi, sans doute en hiver car il fait presque<br />

nuit, quand soudain j’entends une ombre m’appeler doucement<br />

: <strong>«</strong> <strong>Isa</strong>… <strong>Isa</strong>... »<br />

Une vive émotion me traverse. En quelques secondes, me voilà<br />

projetée par ces trois petites lettres qui me désignent, en dehors<br />

de la tempête dans laquelle je suis.<br />

Trois petites lettres qui viennent mettre un peu de joie et de<br />

gaieté au cœur de l’enfer dans lequel j’évolue depuis tant d’années.<br />

C’est ainsi qu’<strong>Isa</strong>, petite graine de lumière est née.<br />

Nommée par ce Carme qui deviendra plus tard psychanalyste,<br />

j’ai souvent été hébergée et cachée, par d’autres Carmes de la<br />

communauté. Qu’ont-ils su deviner ? <strong>Je</strong> ne sais <strong>pas</strong>, mais leur<br />

accueil et leur bienveillance m’ont certainement permis de ne <strong>pas</strong><br />

sombrer dans la folie.<br />

À l’âge de 18 ans, après bien des déboires, je quitte le domicile<br />

familial pour entreprendre des études de psychologie. J’ai une<br />

chambre d’étudiante et n’ayant <strong>pas</strong> le choix, je travaille pour<br />

subvenir à mes besoins. Mais qu’importe, je découvre la joie de<br />

ne rien devoir à personne. Quelle liberté !<br />

22 Religieux de l’ordre du Carmel.


H I S T O I R E S C R O I S É E S : C R I S T O F , S A R A H E T I S A<br />

<strong>Je</strong> profite de ce nouveau départ pour devenir <strong>Isa</strong>. C’est dorénavant<br />

par ce prénom que je me présente au monde. Il me rend vivante !<br />

Tout le reste est enterré, oublié ! Enfin, c’est ce que je voulais<br />

croire à ce moment-là. Car si mes fantômes ne m’encombraient<br />

plus l’esprit, ils avaient pris possession de mon corps sous forme<br />

de symptômes et hantaient mes nuits sous forme de cauchemars.<br />

Et malgré cette nouvelle liberté et des études <strong>pas</strong>sionnantes, je me<br />

sentais borderline et en survie.<br />

<strong>Je</strong> maintenais, tant bien que mal, quelques liens familiaux. Mais<br />

les moments vécus lors des rencontres familiales ne faisaient que<br />

ressasser mon <strong>pas</strong>sé douloureux, exacerber nos relations conflictuelles<br />

et réveiller mes traumatismes<br />

Traumatismes qui se reproduisaient et s’exprimaient à travers<br />

des histoires de cœur échouées, un avortement, des insomnies<br />

récurrentes, un sentiment de solitude extrême, des tentatives de<br />

suicide déguisées et des <strong>pas</strong>sages à l’acte insensés…<br />

<strong>Ce</strong>pendant, par ailleurs je nourrissais de belles rencontres d’ami-<br />

<br />

des personnes démunies… <strong>Je</strong> me souviens de ces Noël avec <strong>«</strong> mes<br />

risés<br />

que j’emmenais avec moi, tous tassés, dans ma vieille 4L ! Qui<br />

pourrait le faire maintenant avec notre société hautement sécurisée !<br />

<strong>Isa</strong>belle était sombre et lugubre, comme une morte. <strong>Isa</strong> était<br />

lumineuse et vivante. <strong>Je</strong> donnais ce prénom partout. À toutes les<br />

administrations, à toutes mes nouvelles rencontres.<br />

Plus tard, avec la naissance de mes enfants, le sort a voulu que<br />

sur le livret de famille (rempli à la main) l’écriture soit tellement<br />

brouillon qu’il était impossible de discerner quel prénom était<br />

réellement écrit : <strong>Isa</strong> ou <strong>Isa</strong>belle ?<br />

Comment ne <strong>pas</strong> se saisir d’une telle opportunité ? J’avais la<br />

chance d’être encore à une époque où nous n’avions <strong>pas</strong> à fournir<br />

systématiquement la preuve de notre identité par la carte. Le livret<br />

de famille pouvait suffire, alors je m’en suis servi comme pièce d’état<br />

civil. C’est ainsi que ma carte d’identité est restée au fond d’un<br />

tiroir pendant des années et que je n’ai eu aucun mal à instituer<br />

le prénom d’<strong>Isa</strong>. À la fin de mes études, j’ai entrepris un travail<br />

<br />

où j’ai été accueillie avec une inconditionnelle com<strong>pas</strong>sion en étant<br />

acceptée telle que j’étais : muette, terrorisée, apeurée… <strong>Ce</strong> fut le<br />

203


204<br />

U N N O U V E A U P R É N O M P O U R S E G U É R I R<br />

début du plus aride et plus merveilleux voyage que j’ai entrepris<br />

dans le chemin qui mène jusqu’à moi ; puis, en thérapie individuelle,<br />

suite à un divorce extrêmement conflictuel et douloureux.<br />

Ma mémoire ne m’a jamais fait défaut. Oubliée, cachée, certes<br />

mais jamais perdue. Pourtant, je tombais régulièrement dans l’indicible,<br />

l’inaudible. <strong>Je</strong> savais, mais je ne pouvais <strong>pas</strong> dire.<br />

Nommer, parler, s’avérait être une gageure. La honte me saisissait<br />

et dans ses moments-là, soit je tombais dans une fatigue<br />

extrême, soit un vide, un trou blanc, une béance gardait les mots<br />

prisonniers au bord de mes lèvres.<br />

<br />

scrutait mon regard ; mon regard d’<strong>Isa</strong>belle. Entre deux séances de<br />

groupe ou de thérapie, les détritus de ma vie d’enfant et d’adolescente<br />

étaient ravivés. Alors, je m’embourbais et me sentais à côté de ma vie.<br />

<strong>Je</strong> ne remercierais jamais assez les différents psychothérapeutes<br />

et psychanalystes qui m’ont accompagnée selon leurs méthodes,<br />

chacune différente et complémentaire. J’ai toujours avancé à mon<br />

rythme : deux <strong>pas</strong> en avant, trois <strong>pas</strong> en arrière, mais j’ai fini par<br />

établir des liens significatifs entre la répétition de la violence dans<br />

ma vie et mon histoire d’enfant et d’adolescente.<br />

Plusieurs fois, j’ai voulu changer officiellement de prénom.<br />

Malgré mon désespoir et mes colères, mon psychothérapeute<br />

a eu la très ingénieuse idée de m’inviter à attendre que la petite<br />

<strong>Isa</strong>belle sorte complètement de l’ombre et exprime tout son vécu<br />

avant d’engager une telle procédure ; ce que j’ai finalement accepté<br />

dans un pacte thérapeutique.<br />

Ma reconstruction est <strong>pas</strong>sée par un long cheminement où peu<br />

<br />

longues années de recherche et de réflexion, j’ai été soutenue par un<br />

fort réseau social et amical, mais je me suis également réfugiée dans<br />

des <strong>pas</strong>sions telles que la pratique de la méditation, la lecture (refuge<br />

de toujours, source de découvertes et d’apaisement), les balades dans<br />

la nature (dont la beauté panse, nourrit et ne se lasse <strong>pas</strong> de m’émerveiller),<br />

la musique classique (propre à assouvir ma sensibilité)…<br />

Le fait d’être trois fois maman m’a aussi profondément aidée :<br />

c’était comme coudre un vêtement déchiré. Au fil des grossesses<br />

et des naissances que j’ai admirablement vécues, je me suis senti<br />

tigresse dans les épreuves, mère-louve dans les câlins et infiniment<br />

reconnaissante à la vie dans ce qui m’était donné de voir.


H I S T O I R E S C R O I S É E S : C R I S T O F , S A R A H E T I S A<br />

Mes enfants étaient superbes, absolument superbes de vitalité<br />

et d’intelligence relationnelle. Elles ont eu connaissance de mon<br />

histoire dans la mesure de ce qui a pu être échangé, en fonction<br />

de leur âge, ou de mes malaises dont elles ont eu à souffrir (ou<br />

rire !). Elles ont eu leur part de blessures et je me suis souvent<br />

demandé : <strong>«</strong> Avais-je le droit de les mettre au monde ? »<br />

<strong>Je</strong> continue de nettoyer mes écuries et ne brise <strong>pas</strong> le pacte<br />

thérapeutique. Mais les lois évoluent, l’étau se resserre : là où les<br />

administrations me connaissent depuis toujours sous le prénom<br />

d’<strong>Isa</strong>, surgit l’obligation de présenter ma carte d’identité qu’il me<br />

faut retrouver et que je découvre périmée. Rien à faire, mon livret<br />

de famille ne suffit plus !<br />

Il m’est tout simplement impensable de porter mon prénom de<br />

naissance que je ne sens <strong>pas</strong> mien, qui ne m’habite <strong>pas</strong>. <strong>Ce</strong> serait<br />

totalement incongru ! Il est donc l’heure pour moi de <strong>pas</strong>ser à<br />

l’acte juridique.<br />

<strong>Je</strong> fais appel à un avocat qui a une double formation d’avocat<br />

et de médiateur <strong>«</strong> socratique ». Il sait mettre en avant une écoute<br />

exceptionnelle, humaine, respectueuse, professionnelle.<br />

Il accueille mes pleurs et mes larmes et prend le temps nécessaire.<br />

<strong>Je</strong> ne suis <strong>pas</strong> désolée, mais émue. Oui, j’ai envie que lors<br />

de la procédure soit exprimé de façon authentique le pourquoi de<br />

cette démarche intime et cela ne se fait <strong>pas</strong> sans émotion ; ce qu’il<br />

entend, comprend et accueille.<br />

Côtés formalités, on me demande de fournir des preuves de<br />

l’utilisation de mon prénom. J’ai tout ce qu’il faut : 40 ans de<br />

papiers administratifs et courriers en tout genre (famille, voisins,<br />

amis, employeurs, professeurs, associations, formations) sur lesquels<br />

figure le prénom <strong>Isa</strong>.<br />

Convaincue que cette démarche de changement de prénom<br />

allait être une simple formalité, je découvre lors de la constitution<br />

de mon dossier, qu’elle est loin d’être anodine.<br />

Après avoir déposé ma requête auprès du juge des affaires<br />

familiales, un événement inattendu vient m’ébranler au plus<br />

profond et me signifier l’importance fondamentale, voire vitale<br />

de cet acte symbolique.<br />

En effet, la procédure veut qu’en première instance le Parquet<br />

donne un premier avis sur le bien-fondé de la requête, avant que le<br />

205


206<br />

U N N O U V E A U P R É N O M P O U R S E G U É R I R<br />

juge statut définitivement. Mais quelques jours avant mon <strong>pas</strong>sage<br />

devant le juge, mon avocat m’informe que l’avis du parquet est<br />

négatif. Épreuve extrême, les raisons invoquées pour ma requête<br />

sont jugées non légitimes et mon changement de prénom considéré<br />

comme convenance personnelle !<br />

La violence est telle, que je développe tous les symptômes de<br />

l’état de choc. J’ai beau me rassurer en sachant que c’est le juge qui<br />

prendra la décision finale et que je pourrais défendre la légitimité<br />

de ma demande, je suis atterrée, anéantie…<br />

<strong>Isa</strong> a soutenu <strong>Isa</strong>belle et lui a laissé une place. En reconnaissant<br />

son histoire, elle lui a permis de la transformer et de la dé<strong>pas</strong>ser.<br />

<strong>Isa</strong> s’est élevée petit à<br />

petit dans le monde. Propre et neuve, dans le respect des autres,<br />

de son histoire et de sa différence, fidèle à ses possibles et libre.<br />

<strong>Isa</strong>, ce n’est <strong>pas</strong> seulement un tuteur de résilience 23 , c’est aussi<br />

<br />

familiale, le souffle de la vie qui circule de nouveau dans l’histoire<br />

trans-générationnelle.<br />

Et aujourd’hui, <strong>Isa</strong> n’est <strong>pas</strong> reconnue légitime et ce prénom<br />

me serait refusé ? Plutôt mourir que de devoir refaire mes papiers<br />

d’identité au nom d’<strong>Isa</strong>belle ! C’est impossible, impensable. <strong>Ce</strong>la<br />

m’obligerait en plus, comble de l’absurde, à faire changer de nouveau<br />

mon état civil dans toutes les administrations qui exigent la<br />

carte d’identité : banque, caf, sécurité sociale !<br />

Après l’état de choc, mon <strong>pas</strong>sage devant le juge me permet de<br />

me libérer de tout ce que j’avais à dire dans une émotion intense.<br />

J’espère cette fois avoir été entendue !<br />

Mais je n’ai aucune réponse ce jour-là. Pour des raisons de<br />

retards administratifs, il me faudra encore attendre un mois et<br />

demi pour avoir la réponse du tribunal.<br />

Malgré le soutien de mes proches, ma possibilité de faire appel<br />

en cas de refus, je crois devenir folle. <strong>Je</strong> me sens vide et sans<br />

identité. Ni ici, ni ailleurs, je navigue entre des états extrêmes où<br />

je n’hésite <strong>pas</strong> à envisager la mort comme seule sortie face au<br />

rejet possible de ma requête.<br />

Mais c’est une réponse positive qui m’arrive ! <strong>Je</strong> me sens libérée<br />

et j’embrasserais la juge (que j’ai tant maudit) si elle était là !<br />

23 Capacité à se rétablir et à vivre normalement malgré les coups du sort.


H I S T O I R E S C R O I S É E S : C R I S T O F , S A R A H E T I S A<br />

<strong>Isa</strong> m’autorise à m’ancrer dans le devenir avec le <strong>pas</strong>sé intégré<br />

en moi.<br />

L’invitation de <strong>Mary</strong> à témoigner sur mon changement de prénom<br />

est un cadeau. Pour la première fois, je parle en dehors d’un<br />

cercle intime ou thérapeutique.<br />

<strong>Je</strong> suis pleine de gratitude envers tous ceux qui ont ouvert ce<br />

chemin et m’ont ainsi aidé à être pleinement et officiellement <strong>Isa</strong>,<br />

sans danger de voir resurgir le <strong>pas</strong>sé ou qu’une loi me le rappelle.<br />

Ici et maintenant. »<br />

207

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!