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Perdre <strong>le</strong> sens de l’humanité, c’est aussi tuer aveuglément ses semblab<strong>le</strong>s et même<br />

appr<strong>ou</strong>ver <strong>le</strong>urs meurtres.<br />

Dans ce con<strong>texte</strong> de guerre, <strong>le</strong>s personnages qui détiennent un fusil ont droit de vie et mort sur<br />

<strong>le</strong>s autres : <strong>le</strong>s vo<strong>le</strong>urs sont froidement exécutés et <strong>le</strong>s prisonniers t<strong>ou</strong>s éliminés, parce<br />

qu’étant considérés comme encombrants.<br />

S<strong>ou</strong>s pré<strong>texte</strong> d’une justice « équitab<strong>le</strong> » (KOUROUMA, 2000 : 104), <strong>le</strong> Général BACLAY fait<br />

des charniers là où l’on doit faire des prisonniers. S<strong>ou</strong>s <strong>le</strong> vernis de sa justice, el<strong>le</strong> fait régner<br />

la loi de la jung<strong>le</strong> où la force se tr<strong>ou</strong>ve du côté de celui qui détient l’instrument de cette force,<br />

ici, <strong>le</strong> fusil. Les droits de l’Homme sont roya<strong>le</strong>ment f<strong>ou</strong>lés au pied par ce personnage féminin<br />

déshumanisé à d<strong>ou</strong>b<strong>le</strong> titre : el<strong>le</strong> n’épargne personne et el<strong>le</strong> est d<strong>ou</strong>b<strong>le</strong>ment disqualifiée car en<br />

tant que femme, el<strong>le</strong> devait être p<strong>ou</strong>rvue de sentiments. Paradoxa<strong>le</strong>ment, c’est <strong>le</strong> caractère<br />

précipité et sans discernement de ses actes qui loge t<strong>ou</strong>t <strong>le</strong> monde à la même enseigne « el<strong>le</strong><br />

fusillait de la même manière hommes et femmes » (KOUROUMA, 2000 : 104) ; d’inéga<strong>le</strong> va<strong>le</strong>ur<br />

« que ça ait volé une aiguil<strong>le</strong> <strong>ou</strong> un bœuf » (KOUROUMA, 2000 : 104), qui est proprement<br />

ubuesque et qui provoque <strong>le</strong> rire malgré soi.<br />

Tuer aveuglément est aussi <strong>le</strong> sport favori des enfants-soldats, c’est même <strong>le</strong>ur raison<br />

d’être. C’est la raison p<strong>ou</strong>r laquel<strong>le</strong> ils ne font pas de quartier parmi <strong>le</strong>s prisonniers s<strong>ou</strong>s <strong>le</strong>ur<br />

c<strong>ou</strong>pe. S<strong>ou</strong>haitant se débarrasser d’eux, on assiste à des tueries en masse dont aucun<br />

prisonnier ne réchappe. Ici aussi, aucun précepte moral <strong>ou</strong> civique ne sera un écran devant la<br />

volonté d’assassiner. P<strong>ou</strong>rtant, la scène qui se dér<strong>ou</strong><strong>le</strong> avant l’accomplissement du charnier<br />

est drôlatique. T<strong>ou</strong>s <strong>le</strong>s prisonniers qui doivent être fusillés sont affamés. Cynisme <strong>ou</strong><br />

remords d’expédier des êtres affamés dans l’autre monde, <strong>le</strong>s prisonniers ont droit à un ultime<br />

repas copieux qui a p<strong>ou</strong>r effet de <strong>le</strong>s dét<strong>ou</strong>rner de la tragédie imminente. Là où <strong>le</strong> <strong>le</strong>cteur<br />

s’inquiète de ce qui va suivre, <strong>le</strong>s prisonniers repus se « lèchent la barbiche, rient aux éclats<br />

(…) tel<strong>le</strong>ment ils sont contents d’avoir bien mangé » (KOUROUMA, 2000 : 162). Une fois<br />

encore, l’hum<strong>ou</strong>r se faufi<strong>le</strong> dans la cruauté : <strong>le</strong>s guerriers s’adonnent à des tueries massives.<br />

Le comb<strong>le</strong>, c’est que ces prisonniers sont fusillés « s<strong>ou</strong>s <strong>le</strong>s applaudissements de la f<strong>ou</strong><strong>le</strong><br />

joyeuse et heureuse » (KOUROUMA, 2000 : 162). La f<strong>ou</strong><strong>le</strong> appr<strong>ou</strong>ve donc p<strong>le</strong>inement la<br />

cruauté mise en scène. Personne ne s’apitoie sur <strong>le</strong> sort des fusillés ; pis, t<strong>ou</strong>t <strong>le</strong> monde se<br />

réj<strong>ou</strong>it du sang versé. La déshumanisation ici est col<strong>le</strong>ctive ; ceux qui appuient sur la gâchette<br />

honorent <strong>le</strong>ur mandat ; ceux qui doivent être fusillés rava<strong>le</strong>nt <strong>le</strong>ur dignité et illustrent<br />

piteusement la b<strong>ou</strong>tade populaire « ventre p<strong>le</strong>in nègre content » et enfin ceux qui peuvent <strong>le</strong>ur<br />

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