29.06.2013 Views

Le bonheur

Le bonheur

Le bonheur

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

<strong>Le</strong> <strong>bonheur</strong><br />

Introduction étymologique<br />

Dans bon-heur, heur signifie hasard, rencontre accidentelle. En un sens il est neutre, mais la langue lui a<br />

donné un caractère plutôt positif. Lorsqu'on dit : « je n'ai pas eu l'heur de lui plaire », cela veut dire qu'il se<br />

trouve que je ne lui ai pas plu, que cela ne dépendait pas de moi (c'est le hasard), mais aussi qu'il eût été<br />

préférable de lui plaire. Même chose pour les termes de « chance » et de « fortune ». On ne parle pas de<br />

« bonne chance » par opposition à « malchance », mais de « chance » tout court, alors qu'on peut tout à fait<br />

dire que vous avez une « chance » sur deux de vous noyer en vous baignant ici ou là. De même le terme de<br />

« fortune » employé seul peut signifier hasard, mais bien évidemment aussi ce qu'une fortune favorable vous<br />

a accordé, surtout du point de vue financier. « Fortuné » veut ainsi dire, de façon très large, « favorisé par la<br />

fortune », et pas « accablé par le sort », lequel « sort » est plutôt connoté négativement, etc.<br />

Bref, « heureux » signifie étymologiquement « favorisé par le hasard ». <strong>Le</strong> <strong>bonheur</strong>, au sens étymologique,<br />

c'est le fait que le hasard vous est favorable, que le monde et les événements s'organisent favorablement autour<br />

de vous. « Heureux au jeu » ne veut pas dire que vous êtes content quand vous jouez, mais que vous gagnerez<br />

dès lors que le hasard intervient, ce qui peut vous désespérer, en particulier si vous jouez à la bataille avec une<br />

fille que vous voulez séduire et qui se trouve mauvaise joueuse. De la même façon, « Malheureux au jeu,<br />

heureux en amour » signifie que si vous perdez au jeu, ce sera compensé par des succès féminins, mais rien ne<br />

dit, ni que le jeu vous sera pénible, ni que vous trouverez le <strong>bonheur</strong> auprès de vos conquêtes.<br />

Pourtant, le sens le plus conforme à l'étymologie n'est pas celui qui domine lorsque l'on évoque la recherche<br />

du <strong>bonheur</strong>. L'idée de <strong>bonheur</strong> renvoie plutôt alors à un état de contentement, de satisfaction intérieure<br />

qu'au caractère « favorable » des circonstances, et qu'à une suite « d'événements heureux », expression<br />

d'ailleurs ambiguë. Il faut donc faire la distinction entre un sens « objectif » et un sens « subjectif » du<br />

terme <strong>bonheur</strong>. Etymologiquement, le <strong>bonheur</strong> est une réalité objective, une conjonction favorable des<br />

événements autour de vous. C'est en ce sens qu'on peut dire : « Tu ne connais pas ton <strong>bonheur</strong> ». Mais à ce<br />

sens « objectif » s'oppose un sens subjectif, qui est une certaine forme de contentement (donc un état du<br />

sujet). Remarquez que la notion de contentement ou de satisfaction est ambiguë de la même manière : on<br />

peut contenter quelqu'un sans qu'il soit content ou satisfaire un désir sans en ressentir de satisfaction. La<br />

satisfaction d'un désir, c'est le fait (objectif) que j'ai obtenu ce à quoi je tendais ; la satisfaction « tout court »,<br />

c'est le sentiment qui accompagnera ou non cette satisfaction « objective ».<br />

Descartes oppose rigoureusement les deux sens (texte p. 519, extrait des <strong>Le</strong>ttres à Elisabeth) en opposant<br />

heur et béatitude (choix de vocabulaire, qui s'explique par le fait qu'il est en train de lire le De vita beata de<br />

Sénèque) :<br />

« Il y a de la différence entre l'heur et la béatitude, en ce que l'heur ne dépend que des choses qui sont hors<br />

de nous, d'où vient que ceux-là sont estimés plus heureux que sages, auxquels il est arrivé quelque bien<br />

qu'ils ne se sont point procuré, au lieu que la béatitude consiste, ce me semble, en un parfait contentement<br />

d'esprit et une satisfaction intérieure, que n'ont pas ordinairement ceux qui sont les plus favorisés de la<br />

fortune, et que les sages acquièrent sans elle. »<br />

En ce sens on peut aller jusqu'à dire que la recherche du <strong>bonheur</strong> est bien la recherche d'une certaine manière<br />

de se rendre indépendant, dans notre état de satisfaction, des aléas du monde extérieur. Non que cette<br />

indépendance suffise, mais elle est la condition d'un rapport heureux au monde. C'est un art de ne pas en<br />

dépendre, qui a quelque chose à voir avec l'indépendance, donc avec la liberté.<br />

<strong>Le</strong>s Stoïciens (voir texte p.496) 1 , s'exerçant à ne pas se rendre dépendants de ce qui ne dépend pas de nous,<br />

1 Epictète, Manuel. « Des choses les unes dépendent de nous, les autres ne dépendent pas de nous. Ce qui dépend de nous, ce<br />

sont nos jugements, nos tendances, nos désirs, nos aversions, en un mot tout ce qui est opération de notre âme ; ce qui ne dépend<br />

pas de nous, c’est le corps, la fortune, les témoignages de considération, les charges publiques, en un mot tout ce qui n’est pas<br />

opération de notre âme. Ce qui dépend de nous est, de sa nature, libre, sans empêchement, sans contrariété ; ce qui ne dépend pas<br />

de nous est inconsistant, esclave, sujet à empêchement, étranger. Souviens-toi donc que si tu regardes comme libre ce qui de sa<br />

nature est esclave, et comme étant à toi ce qui est à autrui, tu seras contrarié, tu seras dans le deuil, tu seras troublé, tu t’en


s'exercent à être moins affectés par les aléas de l'existence. Cette quête de liberté est donc une recherche du<br />

<strong>bonheur</strong> en deux sens : d'une part je serai moins affecté par ce qui m'arrive, d'autre part je peux me porter<br />

avec plus de force au-devant du monde et des autres, et me frotter au monde, ce qui est peut-être la condition<br />

du véritable <strong>bonheur</strong>, qui ne peut se contenter d'une existence frileusement repliée sur ce qui ne risque pas de<br />

me nuire.<br />

Ce texte (début du Manuel d'Epictète) complète donc l'analyse que nous avions faite sur la vertu quand nous<br />

analysions le début de la <strong>Le</strong>ttre à Ménécée d'Epicure. Chercher la vertu, c'est-à-dire chercher à se rejoindre, à<br />

atteindre ce qui constitue mon excellence propre, c'est rechercher à la fois ma vérité propre, la vérité de ma<br />

nature, par opposition à tout ce que je crois être et que les autres me font croire de moi-même, et atteindre le<br />

<strong>bonheur</strong>, c'est-à-dire une existence « conforme », harmonieuse, conforme à ce que je suis. Mais il fallait<br />

ajouter l'importance du rapport à l'extérieur.<br />

<strong>Le</strong> <strong>bonheur</strong> ne se sépare pas d'un rapport harmonieux avec le monde : en ce sens il comprend bien une part<br />

de passivité. Il est ressenti, et il est bien le sentiment d'une harmonie entre ma nature sensible et l'ordre du<br />

monde. Mais cette harmonie vient de l'intérieur, sans que le monde ait « objectivement » à nous être<br />

favorable.<br />

Trois façons de réfléchir sur le <strong>bonheur</strong> (et son rapport avec le désir)<br />

(0) Bonheur et vertu – voir le cours sur le désir (I, b) et le début de la lecture de la <strong>Le</strong>ttre à Ménécée.<br />

1. Bonheur et satisfaction<br />

Kant définit le <strong>bonheur</strong> en partant de la satisfaction des désirs. « <strong>Le</strong> <strong>bonheur</strong> est la satisfaction de toutes nos<br />

inclinations tant en extension, c'est-à-dire en multiplicité, qu'en intensité, c'est-à-dire en degré, et en<br />

protension, c'est-à-dire en durée ». (Critique de la raison pure, II, C.II, 2e section). A ce titre il n'est qu'un<br />

« idéal de l'imagination » (Métaphysique des moeurs, II, « Passage de la philosophie morale populaire à la<br />

métaphysique des moeurs »). Cf. texte p.521 : « Pour l'idée du <strong>bonheur</strong> un tout absolu, un maximum de bienêtre<br />

dans mon état présent et dans toute ma condition future, est nécessaire. Or (…) le problème qui consiste<br />

à déterminer de façon sûre et générale quelle action peut favoriser le <strong>bonheur</strong> d'un être raisonnable est un<br />

problème tout à fait insoluble. ». « Idéal de l'imagination », cela signifie non seulement que cet idéal est<br />

irréalisable, mais que c'est un idéal même pour l'imagination, c'est-à-dire un état qui ne peut même pas être<br />

représenté. On ne peut pas s'imaginer heureux en ce sens, ne serait-ce que parce que nos désirs sont<br />

changeants et contradictoires, et que l'état que désignerait alors le mot de « <strong>bonheur</strong> » est donc un état quasi<br />

contradictoire.<br />

Mais cette définition, qui considère le <strong>bonheur</strong> comme le passage à la limite de la jouissance, ou de la<br />

satisfaction du désir, a quelque chose de paradoxal. Il faut peut-être distinguer deux sens du mot<br />

satisfaction : l'un admet un complément (on satisfait un désir), l'autre renvoie à un état d'âme. La première a<br />

pour condition l'accord de l'ordre du monde avec mes désirs, l'autre non. Je peux satisfaire un désir sans en<br />

ressentir de satisfaction, je peux éprouver une satisfaction sans avoir satisfait un désir.<br />

[En réponse à une question] - N'y a-t-il pas une notion de limite dans l'idée de « se satisfaire » ? Dans la<br />

langue oui. Quelqu'un qui « se satisfait de ce qu'il a » est quelqu'un qui renonce à poursuivre autre chose.<br />

Aussi faut-il préciser que la satisfaction totale qu'évoque le <strong>bonheur</strong> est étrangère à la logique de multiplicité<br />

qui est celle du désir. Cette totalité n'est pas une somme. Lisez le texte de Rousseau (p. 524). <strong>Le</strong> sentiment de<br />

<strong>bonheur</strong> total qu'il décrit abolit en fait toute tendance à désirer autre chose. C'est une jouissance de ce qu'on<br />

est et de ce qui est, délivrée (ou plutôt qui délivre) de toute tendance à acquérir, obtenir quelque chose. On<br />

pourrait ainsi opposer une jouissance d'acquérir à une jouissance d'être, ce qui revient d'une certaine<br />

manière à opposer l'être et l'avoir.<br />

prendras et aux dieux et aux hommes ; mais si tu ne regardes comme étant à toi que ce qui est à toi, et si tu regardes comme étant<br />

à autrui ce qui, en effet, est à autrui, personne ne te contraindra jamais, personne ne t’empêchera, tu ne t’en prendras à personne,<br />

tu n’accuseras personne, tu ne feras absolument rien contre ton gré, personne ne te nuira ; tu n’auras pas d’ennemi, car tu ne<br />

souffriras rien de nuisible. »


Conclusion provisoire - On peut donc distinguer deux sens du mot « satisfaction » pour distinguer la logique<br />

propre au désir de ce que recouvre l'idée de <strong>bonheur</strong>, et s'interroger sur la pertinence de définir le <strong>bonheur</strong><br />

comme « maximum de jouissance » lorsque ce « maximum » est pensé à partir non de la satisfaction d'être,<br />

mais de la satisfaction du désir.<br />

2. Bonheur et temporalité (Pascal)<br />

Pascal analyse ainsi dans les Pensées (voir texte p.98) l'incapacité de l'homme à atteindre le <strong>bonheur</strong> :<br />

Nous ne nous tenons jamais au temps présent. Nous anticipons l'avenir comme trop lent à venir, comme<br />

pour hâter son cours ; ou nous rappelons le passé, pour l'arrêter comme trop prompt : si imprudents, que<br />

nous errons dans les temps qui ne sont pas nôtres, et ne pensons point au seul qui nous appartient ; et si<br />

vains, que nous songeons à ceux qui ne sont plus rien, et échappons sans réflexion le seul qui subsiste. (...)<br />

Que chacun examine ses pensées, il les trouvera toutes occupées au passé et à l'avenir. Nous ne pensons<br />

presque point au présent ; et, si nous y pensons, ce n'est que pour en prendre la lumière pour disposer de<br />

l'avenir. <strong>Le</strong> présent n'est jamais notre fin : le passé et le présent sont nos moyens ; le seul avenir est notre<br />

fin. Ainsi nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre ; et, nous disposant toujours à être heureux, il<br />

est inévitable que nous ne le soyons jamais.<br />

Ici encore on peut opposer la culture du désir à la recherche du <strong>bonheur</strong>. Si le désir est la culture de<br />

l'insatisfaction, c'est qu'il est projection perpétuelle dans l'avenir. Par étymologie, on peut même le relier à la<br />

nostalgie, désir de retour, et y voir effectivement une sorte de culte du passé, qu'exprime assez bien la théorie<br />

freudienne des désirs inconscients, mais aussi l'interprétation de l'amour dans le discours d'Aristophane<br />

(Banquet de Platon). Par opposition, le <strong>bonheur</strong> a pour condition l'instauration d'une autre temporalité, d'une<br />

attention au présent qui s'oppose en partie à la tension vers l'avenir constitutive du désir.<br />

On a vu que le terme de désir renvoyait à la même racine que le terme déconsidération. Ce qui est déconsidéré,<br />

c'est-à-dire à la fois « perdu de vue » et « dévalorisé », dans le désir, c'est le présent même, qui<br />

n'est « valorisé » que comme moyen d'arriver à nos fins (« <strong>Le</strong> passé et le présent sont nos moyens ; le seul<br />

avenir est notre fin »), c'est-à-dire que nous nions qu'il ait une valeur en soi. <strong>Le</strong> désir étant la pensée du<br />

manque, le présent est d'emblée perçu comme insuffisant. Or le présent est le seul temps que nous puissions<br />

goûter, le seul dont nous puissions réellement jouir, puisqu'il est le seul qui existe. On voit ainsi qu'en<br />

formulant en termes de temporalité (rapport au temps) la question du <strong>bonheur</strong> et du désir, on en arrive encore<br />

à opposer le mouvement propre au désir et ce que suppose une recherche du <strong>bonheur</strong>.<br />

3. Bonheur, quiétude et repos<br />

Calliclès reproche à Socrate (dans le Gorgias de Platon) de lui proposer une vie qui serait une sorte de mort<br />

(la vie d'une pierre). La vie est mouvement, le désir est mouvement, vivre pleinement est entretenir ce<br />

mouvement pour donner toujours plus d'intensité à l'existence. On n'aurait alors le choix qu'entre la<br />

surenchère du désir et une vie qui n'en serait pas une, comme l'illustre peut-être le scepticisme de Balzac<br />

dans La peau de chagrin.<br />

Mais il faut remarquer qu'on n'a pas le choix entre la vie et la mort, entre le mouvement et l'immobilité.<br />

Chez les Epicuriens, l'absence de trouble (ataraxie) ou d'inquiétude (pour reprendre le terme de<br />

Schopenhauer) n'est pas l'absence totale de mouvement. <strong>Le</strong>s désirs naturels et nécessaires resurgiront sans<br />

cesse, mais sans entraîner de trouble, parce que leur satisfaction est garantie, de sorte que même l'attente<br />

(confiante) peut être un plaisir en elle-même. <strong>Le</strong> <strong>bonheur</strong>, l'ataraxie n'est donc pas la cessation de la vie.<br />

De même Socrate ne propose pas une existence de pierre mais une activité dans laquelle l'individu se sent<br />

vivre d'une vie non entravée par le monde. Socrate vit et agit en permanence en parfait accord avec luimême,<br />

et réconcilié d'ailleurs par là avec le monde, même avec ses ennemis, qui sont ce qu'ils peuvent être.<br />

Ainsi la libération à l'égard du désir n'est pas l'inactivité. C'est d'ailleurs par l'activité (le dialogue chez<br />

Socrate, l'action chez les Stoïciens) que j'éprouve ma fidélité à moi-même, que je me sens vivre en harmonie<br />

(voir la référence au démon de Socrate, à la fin de l'Apologie. Socrate y explique aux juges qui l'ont


condamné qu'il n'a apparemment rein subi de fâcheux, puisque son « démon », cette voix intérieure qui l'a<br />

toujours mis en garde contre ce qui le menaçait, ne s'est pas manifestée au cours du procès. Il a donc le<br />

sentiment d'avoir été parfaitement lui-même, et rejoint par cette idée que rien de fâcheux ne lui est arrivé (il a<br />

tout de même été condamné à mort...) l'idée que reprend Epictète au début du Manuel).<br />

<strong>Le</strong> <strong>bonheur</strong> suppose l'activité et le rapport au monde, parce qu'il suppose de se sentir être. Cette activité peut<br />

être conçue à différents degrés. C'est cette activité (minimale chez Rousseau 2 , qui est peut-être plus épicurien<br />

que stoïcien, dans sa fuite hors du monde et le repli sur une existence presque purement vitale ; volontaire et<br />

résolue chez Descartes comme chez les Stoïciens), c'est cette activité donc qui rend sensible l'accord avec soi<br />

au contact du monde. Or le <strong>bonheur</strong> est un idéal de la sensibilité, disons mieux, il est une manière de sentir<br />

(cf. le poème de Baudelaire, « le Vitrier » : aucun verre ne peut faire voir la vie en beau au malheureux).<br />

Mais s'il est vrai que c'est le rapport au monde qui me rend heureux, que le <strong>bonheur</strong> est en ce sens subi, il<br />

faut ajouter que c'est par le fait d'être heureux que le monde apparaît beau, et qu'il m'appartient de décider si<br />

je serai heureux ou non.<br />

Descartes encore :<br />

Il me semble que la différence qui est entre les plus grandes âmes et celles qui sont basses et vulgaires,<br />

consiste principalement, en ce que les âmes vulgaires se laissent aller à leurs passions, et ne sont heureuses<br />

ou malheureuses que selon que les choses qui leur surviennent sont agréables ou déplaisantes ; au lieu que<br />

les autres ont des raisonnements si forts et si puissants que, bien qu'elles aient aussi des passions, et même<br />

souvent de plus violentes que celles du commun, leur raison demeure néanmoins toujours la maîtresse, et<br />

fait que les affections mêmes leur servent, et contribuent à la parfaite félicité dont elles jouissent dès cette<br />

vie. (...) Ainsi, ressentant de la douleur en leur corps, elles s'exercent à la supporter patiemment, et cette<br />

épreuve qu'elles font de leur force, leur est agréable, ainsi voyant leurs amis en quelque grande affliction,<br />

elles compatissent à leur mal, et font tout leur possible pour les en délivrer, et ne craignent pas même de<br />

s'exposer à la mort pour ce sujet, s'il en est besoin. Mais, cependant, le témoignage que leur donne leur<br />

conscience, de ce qu'elles s'acquittent en cela de leur devoir, et font une action louable et vertueuse, les rend<br />

plus heureuses, que toute la tristesse, que leur donne la compassion, ne les afflige.<br />

Conclusion : la notion qui vous permet le mieux de problématiser la question du <strong>bonheur</strong> est sans doute<br />

celle de vertu (excellence propre, rapport à soi), qui mène à une conception centrifuge du <strong>bonheur</strong>, puisque la<br />

vertu conditionne de l'intérieur un rapport au monde, par opposition à une logique « centripète » qui<br />

attendrait du monde qu'il nous « apporte » le <strong>bonheur</strong> sans que nous ayons à modifier notre attitude à son<br />

égard.<br />

2 Voir texte p.524, sur le sentiment d'existence.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!