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GUINEE 2009 : SCENARIO D'UN COUP D'ETAT - Aide et Action

GUINEE 2009 : SCENARIO D'UN COUP D'ETAT - Aide et Action

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Sources :<br />

<strong>GUINEE</strong> <strong>2009</strong> :<br />

<strong>SCENARIO</strong> D’UN <strong>COUP</strong><br />

D’ETAT<br />

CENTRE DE RESSOURCES DOCUMENTAIRES


Guinée : Chronologie depuis l’indépendance<br />

Lorsque M. Camara a pris le pouvoir, les habitants ont envahi les rues en se<br />

réjouissant ; Les Guinéens disaient qu’ils célébraient la fin de 24 ans de régime de<br />

Lansana Conté.<br />

« Nous détestons le fait que les militaires aient à nouveau pris le pouvoir », avait dit<br />

un Guinéen à IRIN le jour du coup d’état. « Mais cela, nous le détestons moins que<br />

le régime de Conté ».<br />

Actuellement, de nombreux Guinéens se demandent où le gouvernement de<br />

M. Camara – qui s’est auto-proclamé Conseil national pour la démocratie <strong>et</strong> le<br />

développement – emmène le pays. Voici une chronologie des évènements depuis<br />

l’indépendance avec la France en 1958.<br />

28 septembre <strong>2009</strong> – Des dizaines de personnes sont tuées <strong>et</strong> des centaines<br />

d’autres blessés par les forces de sécurité au cours d’une manifestation interdite,<br />

organisée à Conakry par l’opposition pour protester contre la candidature du chef de<br />

la junte le capitaine Camara. De nombreux témoignages font également état de viols.<br />

C<strong>et</strong>te sanglante répression est unanimement condamnée par la communauté<br />

internationale <strong>et</strong> les organisations de défense des droits humains<br />

22 septembre <strong>2009</strong> – Un groupe de contact international sur la Guinée se réjouit<br />

d’une décision de l’Union Africaine exprimant ses inquiétudes quant la tenue des<br />

l’engagement pris par les membres de la junte de ne pas se présenter aux élections<br />

présidentielles ; le groupe de contact exprime « de graves inquiétudes » au suj<strong>et</strong> des<br />

r<strong>et</strong>ards du processus électoral, ainsi que de la détérioration des droits humains <strong>et</strong><br />

politiques <strong>et</strong> des problèmes de sécurité en Guinée<br />

22 septembre <strong>2009</strong> – Manifestation de soutien à Moussa Dadis Camara dans la<br />

capitale Conakry<br />

19 septembre <strong>2009</strong> – Des dirigeants de partis politiques <strong>et</strong> de la société civile<br />

appellent à manifester le 28 septembre contre la candidature de M. Camara<br />

17 septembre <strong>2009</strong> – Le Conseil de paix <strong>et</strong> de sécurité de l’Union Africaine (UA)<br />

impose des sanctions contre le dirigeant de la junte M. Camara « ainsi que tous les<br />

autres individus civils ou militaires » dont les activités vont à l’encontre des<br />

engagements selon lesquels aucun membre du Conseil national pour le démocratie<br />

<strong>et</strong> le développement (CNDD) ne serait candidat aux élections présidentielles. L’UA<br />

exprime « sa profonde préoccupation face à la détérioration de la situation en<br />

Guinée » <strong>et</strong> « condamne fermement la remise en cause » de l’engagement de<br />

Camara<br />

23 août <strong>2009</strong> – Une coalition d’organisations de la société civile, de parties<br />

politiques, de groupes religieux appelle les Guinéens à empêcher la junte « de<br />

confisquer le pouvoir »


19 août <strong>2009</strong> - M. Camara déclare aux journalistes que sa décision de se présenter<br />

aux élections présidentielles « dépend de Dieu »<br />

17 août <strong>2009</strong> – Le CNDD, au pouvoir, accepte les recommandations des<br />

organisations de la société civile, des partis politiques <strong>et</strong> des groupes religieux de<br />

tenir les élections présidentielles en janvier 2010, <strong>et</strong> les élections législatives en mars<br />

2010<br />

13 août <strong>2009</strong> – M. Camara annonce la formation d’un conseil national de transition,<br />

réclamé par des organisations nationales <strong>et</strong> internationales en mars<br />

Juin <strong>2009</strong> – Suite au débat sur la faisabilité de la tenue des élections en <strong>2009</strong>, des<br />

organisations de la société civile, des partis politiques <strong>et</strong> des groupes religieux<br />

forment un comité pour évaluer un planning des élections<br />

Mars <strong>2009</strong> – La communauté internationale demande au CNDD de travailler avec les<br />

partis politiques, les organisations de la société civile, <strong>et</strong> les syndicats pour former un<br />

conseil de politiques, les organisations de la société civile, <strong>et</strong> les syndicats pour<br />

former un conseil de transition<br />

Mars <strong>2009</strong> – Le CNDD déclare que les élections présidentielles se dérouleront à la<br />

fin <strong>2009</strong><br />

Février <strong>2009</strong> - La junte arrête le fils du président défunt Lansana Conté, Ousmane<br />

Conté, lors d’une opération contre de présumés trafiquants de drogue<br />

Janvier <strong>2009</strong> – La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest<br />

(CEDEAO) rej<strong>et</strong>te une transition menée par les militaires en Guinée <strong>et</strong> interdit aux<br />

membres de la junte de participer aux réunions de toutes instances décisionnaires<br />

Janvier <strong>2009</strong> – Formation d’un groupe de contact international sur la Guinée,<br />

comprenant des représentants de la CEDEAO, de la Commission de l’UA, de l’Union<br />

Européenne, de l’Union de la Rivière Mano, de l’Organisation de la Conférence<br />

Islamique <strong>et</strong> du Conseil de Sécurité des Nations Unies<br />

25 décembre 2008 – Le Premier ministre Ahmed Tidiane Souaré <strong>et</strong> d’autres<br />

responsables du gouvernement se rendent à l’intérieur du campement militaire de<br />

Alpha Yaya Diallo, quartier général du CNDD<br />

25 décembre 2008 – M. Camara annonce que les élections présidentielles se<br />

tiendront après une transition de deux ans, <strong>et</strong> qu’il ne serait pas candidat<br />

24 décembre 2008 – Moussa Dadis Camara s’auto-proclame président <strong>et</strong> chef du<br />

nouveau CNDD<br />

23 décembre 2008 – Au p<strong>et</strong>it matin, des membres du gouvernement annonce le<br />

décès du président Conté la veille au soir ; la confusion règne alors que les soldats<br />

annoncent sur la radio nationale qu’ils ont dissous le gouvernement <strong>et</strong> pris le pouvoir,<br />

alors que le Premier ministre M. Souaré affirme que le gouvernement est toujours en<br />

place


Juin 2008 – La police manifeste à cause d’arriérés de salaire, provoquant des<br />

affrontements sanglants avec les militaires<br />

Mai 2008 – Mutinerie de soldats au suj<strong>et</strong> de la solde, avec plusieurs soldats <strong>et</strong> civils<br />

tués ou blessés durant les troubles, M. Conté finit par renvoyer le ministre de la<br />

Défense<br />

Mai 2007 – Des soldats organisent des manifestations contre les arriérés de soldes<br />

<strong>et</strong> les conditions de vie<br />

Février 2007 – Après des grèves <strong>et</strong> des troubles, le président Conté nomme Lansana<br />

Kouyaté en tant que Premier ministre « de consensus »<br />

Janvier 2007 – En janvier, les Guinéens suivent massivement un autre appel des<br />

syndicats pour une grève nationale ; des centaines de personnes sont tuées lors de<br />

la répression par les militaires<br />

2006 – Des grèves nationales menées par les syndicats paralysent le pays ;<br />

plusieurs étudiants sont tués par les forces de sécurité lors de manifestations contre<br />

l’annulation des examens<br />

2005 – Tirs sur le véhicule de M. Conté dans la capitale Conakry<br />

2003 – Le président Conté réélu lors d’un scrutin boycotté par l’opposition<br />

2001 – Un référendum change la Constitution pour perm<strong>et</strong>tre au Président de se<br />

présenter pour un troisième mandat <strong>et</strong> de faire passer le mandat présidentiel de cinq<br />

à sept ans ; l’opposition rej<strong>et</strong>te le scrutin comme étant truqué <strong>et</strong> appelle au<br />

boycottage<br />

2000-01 – L’armée guinéenne combat des incursions rebelles aux frontières avec le<br />

Libéria <strong>et</strong> la Sierra Leone<br />

1998 – M. Conté remporte les élections présidentielles, que l’opposition dénonce<br />

comme truquées<br />

1996 – Mutinerie de l’armée. Des troupes loyalistes repoussent les attaques contre le<br />

palais présidentiel<br />

1993 – M. Conté remporte les premières élections multi-partites de la Guinée , qui<br />

sont boycottées par les groupes de l’opposition <strong>et</strong> marquées par des manifestations<br />

1990 – Les Guinéens votent pour une nouvelle Constitution, avec un appel pour la fin<br />

du pouvoir militaire avec un parti unique<br />

1989 – Le conflit au Liberia voisin force des milliers d’habitants à fuir en Guinée ;<br />

entre 1989 <strong>et</strong> 2002, la Guinée accueille 750 000 réfugiés des guerres au Liberia <strong>et</strong><br />

en Sierra Leone, <strong>et</strong> des milliers de plus venant de Côte d’Ivoire après la rébellion de<br />

2002


1984 – Le président Ahmed Sékou Touré décède en mars ; Lansana Conté prend le<br />

pouvoir lors d’un coup d’état en avril<br />

1970 – Des dissidents attaquent la Guinée lors d’une tentative infructueuse pour<br />

destituer le président Touré ; l’incident intensifie la répression des opposants par<br />

M. Touré<br />

1965 – Le président Touré coupe les relations avec la France, jusque 1975<br />

1958 - Indépendance, avec Ahmed Sékou Touré comme président


Lansana Conté meurt <strong>et</strong> l’armée s’empare du pouvoir<br />

Lansana Conté est mort <strong>et</strong> la Guinée est de nouveau victime d’un putsch militaire. Le<br />

président de l’Assemblée nationale, Aboubacar Somparé, avait annoncé lundi, aux<br />

alentours de 22h, la mort du chef de l’Etat guinéen « après une longue maladie » sur<br />

les antennes de la télévision nationale. L’annonce du décès du président guinéen est<br />

intervenue après plusieurs semaines de rumeurs qui en faisaient état.<br />

La Constitution guinéenne prévoit que la présidence par intérim soit assurée par le<br />

président de l’Assemblée nationale. Il doit organiser des élections dans un délai de<br />

deux mois. Ce ne sera pas le cas. « A compter d’aujourd’hui, la Constitution est<br />

suspendue, ainsi que toute activité politique <strong>et</strong> syndicale », a déclaré ce mardi le<br />

capitaine Moussa Dadis Camara, porte-parole d’un Comité national de démocratie <strong>et</strong><br />

de développement (CNDD), sur les antennes de Radio Conakry. « Vu la déclaration<br />

de prise effective du pouvoir par le CNDD, les membres du gouvernement <strong>et</strong> tous les<br />

officiers généraux sont priés de se rendre au camp militaire Alfa Yaya Diallo en vue<br />

d’assurer leur sécurité. »<br />

La junte prom<strong>et</strong> d’organiser des élections transparentes<br />

Comme l’avait déjà demandé le Premier ministre, que certaines sources disent<br />

introuvable, les Guinéens sont priés de rester chez eux. Mot d’ordre qu’ils ont suivi :<br />

les activités sont au point mort. Bien qu’aucun débordement n’ait été jusqu’ici<br />

constaté dans les rues de la capitale, de nombreux carrefours sont ceinturés par les<br />

forces de l’ordre qui comptent parmi elles de nombreux bér<strong>et</strong>s rouges. Les Guinéens<br />

semblent considérer ce coup de force comme une délivrance. Personne visiblement<br />

ne le désavoue, surtout que la junte prom<strong>et</strong> des reformes démocratiques <strong>et</strong><br />

économiques en faveur du peuple guinéen. « Les institutions républicaines se sont<br />

illustrées par leur incapacité à s’impliquer dans la résolution des crises », a indiqué le<br />

capitaine Moussa Dadis Camara. Le CNDD entend conduire une phase de transition<br />

dont les ambitions sont de répondre au « désespoir profond de la population » en<br />

s’attelant à redresser l’économie <strong>et</strong> en luttant « contre la corruption ». L’issue de<br />

c<strong>et</strong>te transition sera l’organisation d’élections libres <strong>et</strong> transparentes.


La Guinée enterre Lansana Conté <strong>et</strong> le capitaine<br />

Camara s’installe au pouvoir<br />

Le capitaine Moussa Dadis Camara assoit son pouvoir alors que les obsèques du<br />

président Lansana Conté se dérouleront ce vendredi. Le Premier ministre Ahmed<br />

Tidiane Souaré <strong>et</strong> son gouvernement se sont mis jeudi à la « disposition » du leader<br />

du Conseil national pour la démocratie <strong>et</strong> le développement (CNDD), la junte à<br />

l’origine mardi d’un coup d’Etat en Guinée. « R<strong>et</strong>enez que nous sommes des<br />

techniciens (...) <strong>et</strong> que nous sommes à votre entière disposition. Nous vous<br />

remercions encore une fois pour votre sagesse, Monsieur le président », a déclaré<br />

jeudi le chef du gouvernement au capitaine Moussa Dadis Camara. Les principaux<br />

responsables politiques <strong>et</strong> les généraux avaient été invités à rejoindre mercredi, dans<br />

un délai de 24h, le camp Alpha Yaya, le plus important de la capitale, Conakry, au<br />

risque de faire l’obj<strong>et</strong> d’un « ratissage ». Les principaux partis de l’opposition<br />

guinéens comme le Rassemblement du peuple de Guinée (RPG) d’Alpha Condé,<br />

l’opposant historique, l’Union des forces républicaines (UFR) de l’ancien Premier<br />

ministre Sydia Touré <strong>et</strong> l’intersyndicale à l’origine des grèves de juin 2006 <strong>et</strong> de<br />

janvier 2007 ont « pris acte » de la prise de pouvoir par le CNDD. Seul Aboubacar<br />

Somparé, le président de l’Assemblée nationale appelle encore la communauté<br />

internationale à faire pression sur son pays afin de rétablir l’ordre constitutionnel.<br />

Dans son premier discours officiel à la nation, prononcé jeudi, le nouveau président<br />

guinéen a rendu hommage à son prédécesseur, le président Lansana Conté à qui il<br />

a promis des « funérailles grandioses ». A ce titre, il a fustigé l’attitude du<br />

gouvernement sortant qui n’a pas pu aménager une chambre froide pour abriter le<br />

corps du défunt. « Cela est honteux », a t-il déploré. Il a aussi fait de la sécurité, de la<br />

lutte contre la corruption, la drogue <strong>et</strong> le trafic d’influence des priorités pour son<br />

équipe composée de 32 membres. « Je suis incorruptible, je n’ai pas besoin de<br />

l’argent, du matériel », a poursuivi le capitaine Moussa Dadis Camara. « Si quelqu’un<br />

essaie de me corrompre en passant par ma femme ou par mes enfants en leur<br />

donnant des millions ou des voitures, je vais porter plainte contre eux en tant que<br />

citoyen. » Pour le leader du CNDD, la mission est de j<strong>et</strong>er les bases d’un<br />

développement au bénéfice de la nation tout entière. Il a également appelé au<br />

renforcement de l’unité nationale, fort entamée ces dernières années. Se tournant<br />

vers la presse, Moussa Dadis Camara dira que les médias sont l’épine dorsale de la<br />

démocratie <strong>et</strong> de la réconciliation nationale. Il a exhorté la presse à jouer pleinement<br />

son rôle <strong>et</strong> l’a invitée à la transparence.<br />

La junte se veut rassurante<br />

Le capitaine Camara a par ailleurs insisté sur le fait que ni lui ni ses amis du CNDD<br />

ne sont animés d’une ambition politique. « Nous n’avons aucune intention de nous<br />

éterniser au pouvoir », assure-t-il. Il prom<strong>et</strong> donc de rendre le pouvoir au terme des<br />

18 mois de transition. Certains chefs militaires se sont déjà installés dans leurs<br />

nouvelles fonctions de préf<strong>et</strong>s conformément à un communiqué publié mercredi.<br />

C’est le cas de la ville aurifère de Siguiri où les populations sont massivement sorties<br />

pour accueillir leur nouveau préf<strong>et</strong>.


Mais la communauté internationale estime que la période de transition fixée par la<br />

junte doit être écourtée. Les Etats-Unis continuent d’exiger un « r<strong>et</strong>our immédiat à<br />

l’ordre civil » par le biais de leur ambassade à Conakry. Les autorités américaines<br />

menacent de supprimer leur aide à la Guinée qui s’élève à 12 milliards d’euros. Le<br />

chef de l’Etat français Nicolas Sarkozy, dont le pays assure la présidence<br />

européenne, souhaite également l’organisation d’« élections libres <strong>et</strong> transparentes »<br />

dans un « bref délai <strong>et</strong> sous observation internationale ». Afin de rassurer les<br />

Guinéens <strong>et</strong> la communauté internationale, le CNDD a prévu d’organiser deux<br />

réunions dans la matinée de samedi. La première s’adressera aux « représentants<br />

de la société civile, des partis politiques, des confessions religieuses <strong>et</strong> des centrales<br />

syndicales ». Elle sera ensuite suivie par une rencontre avec les « représentants de<br />

la Cédéao (Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest), de l’Union<br />

africaine, de l’Union européenne, les ambassadeurs des pays du G8 <strong>et</strong> leur attaché<br />

de défense ». « Les représentants des Nations unies, du Fonds monétaire<br />

internationale (FMI), de la Banque mondiale <strong>et</strong> des partenaires (contribuant) au<br />

développement de la Guinée » sont également conviés à c<strong>et</strong>te réunion.<br />

Pour les Guinéens, la vie semble reprendre son cours normal alors que le « paysan<br />

soldat », comme se surnommait Lansana Conté, rejoindra sa dernière demeure c<strong>et</strong><br />

après-midi.


Moussa Dadis Camara : leader de la junte, président<br />

de la Guinée<br />

Le capitaine Moussa Dadis Camara succède à Lansana Conté, dont la mort a été<br />

annoncée lundi, à la tête de l’Etat guinéen. Le porte-parole du Conseil national pour<br />

la démocratie <strong>et</strong> le développement (CNDD), qui s’est emparé du pouvoir mardi, a été<br />

désigné après « trois tours d’un tirage au sort "très serré" entre plusieurs candidats »,<br />

selon une source citée par Panapress. Mercredi, au camp Alpha Yaya Diallo, la plus<br />

importante base militaire de la capitale guinéenne, Conakry, étaient en lice « le<br />

capitaine Moussa Dadis Camara, le général de Brigade Mamadou Camara dit "Toto",<br />

jusque-là chef d’état-major de l’Armée de terre <strong>et</strong> le commandant Sékouba Konaté,<br />

chef du Bataillon autonome des troupes aéroportées (BATA) ». Le leader de la junte<br />

a estimé que sa désignation était légitime, lors de sa première conférence de presse<br />

tenue mercredi. « Je vous le dis, je ne suis pas parvenu au pouvoir par hasard, c’est<br />

par rapport à beaucoup de qualités, je suis un patriote. Il y a eu trois événements<br />

successifs qui se sont passés, <strong>et</strong> c’est bien moi, le capitaine Dadis, qui ai calmé ces<br />

événements », a indiqué le nouveau président guinéen.<br />

Selon l’AFP, le capitaine Moussa Dadis Camara « fut l’un des meneurs, au printemps<br />

2007, de la révolte des soldats qui réclamaient notamment le paiement d’arriérés de<br />

soldes <strong>et</strong> une augmentation de leur traitement. » De même, il aurait « activement<br />

participé aux mutineries de mai dernier, quand des soldats mécontents réclamèrent,<br />

avec succès, le paiement de prises promises <strong>et</strong> la libération de militaires détenus ».<br />

« Je ne suis pas parvenu au pouvoir par hasard »<br />

Peu après sa désignation, le nouvel homme fort de la Guinée a pris la tête d’un<br />

immense cortège qui s’est ébranlé vers la presqu’île de Kaloum, siège de la<br />

présidence de la République, pour être installé dans le fauteuil présidentiel, ont<br />

rapporté des sources concordantes dans la capitale guinéenne. Des slogans comme<br />

« Fini le règne du mensonge, bienvenue a Obama junior ! », « 15 ans, 15 000 francs<br />

(guinéens) le sac de riz ! » ont émaillé son parcours dans la foule. Des allusions<br />

faites à sa jeunesse <strong>et</strong> à la cherté du riz.<br />

Le couvre-feu qui avait été proclamé mercredi par le CNDD a été reporté à vendredi<br />

« pour perm<strong>et</strong>tre aux chrétiens de passer tranquillement la fête de Noël ».<br />

Néanmoins, « tous les officiers généraux de l’armée <strong>et</strong> tous les anciens membres du<br />

gouvernement sont priés de se rendre au camp Alpha Yaya Diallo (de Conakry) dans<br />

les 24 heures », autrement un « ratissage » serait effectué, a indiqué mercredi le<br />

CNDD. La junte militaire prévoit de conduire une période de transition au terme de<br />

laquelle « des élections libres, crédibles <strong>et</strong> transparentes (seront organisées) fin<br />

décembre 2010 ».


le président Moussa Dadis Camara dévoile ses<br />

ambitions<br />

Prévue à 10 heures, la rencontre n’aura finalement démarré qu’à 11 heures 55.<br />

L’heure d’arrivée du nouveau président Moussa Dadis Camara, ce samedi 27<br />

décembre, dans la cour de l’École militaire inter armes, en plein air, sous le soleil.<br />

D’entrée, le leader de la junte au pouvoir a commencé par déclarer : « Je n’ai pas<br />

préparé de discours. On n’est plus à l’heure de la démagogie. Tout ce qu’on dit sans<br />

écrit vient du fond du cœur. » Puis le nouvel homme fort du pays de justifier encore<br />

la prise du pouvoir par son équipe. « J’ai pris le pouvoir, a-t-il dit, à cause de<br />

l’irresponsabilité <strong>et</strong> de l’incapacité notoire de l’Assemblée nationale <strong>et</strong> du<br />

gouvernement à gérer le pays. Ils ont préféré se m<strong>et</strong>tre dans la logique de la guerre<br />

de succession. » Par contre, le capitaine Moussa Dadis Camara a rendu hommage<br />

aux leaders politiques pour leur combat. « Je lève mon bér<strong>et</strong> pour vous », s’est-il<br />

exclamé en s’adressant aux hommes politiques, sans doute ceux de l’opposition.<br />

Poursuivant ses propos, il a précisé que le programme du Conseil national pour la<br />

démocratie <strong>et</strong> le développement (CNDD) est tourné vers l’action. Il s’articule, entre<br />

autres, autour de la lutte contre l’insécurité <strong>et</strong> la tenue des élections crédibles <strong>et</strong><br />

transparentes... Le capitaine Dadis a profité une fois encore de l’occasion pour<br />

affirmer qu’il n’est pas assoiffé de pouvoir. « Sinon, on aurait pris le pouvoir depuis la<br />

grève de janvier 2007, ou à l’occasion des dernières mutineries, a-t-il expliqué. ». Par<br />

la suite, le président Moussa Dadis Camara a demandé aux leaders politiques <strong>et</strong> aux<br />

partenaires sociaux de faire des propositions de programmes de société. Je vous<br />

confie c<strong>et</strong>te tache, a-t-il déclaré. L’orateur va également rassurer les partis politiques<br />

<strong>et</strong> les partenaires sociaux en ces termes, « vous pouvez avoir des postes clés au<br />

futur gouvernement. » S’agissant de la question lancinante des législatives, le<br />

capitaine s’est voulu pragmatique. Il a demandé aux partis politiques, la société civile<br />

<strong>et</strong> le syndicat de se m<strong>et</strong>tre au travail afin de déterminer la date desdites législatives.<br />

Il a aussi réaffirmé sa volonté de nommer un premier ministre civil.<br />

Les leaders de l’opposition espèrent que les promesses seront tenues<br />

Parlant du défunt président Lansana Conté, le capitaine a estimé qu’il était bon au<br />

départ ; mais que lorsqu’il est tombé malade, son entourage en a profité pour se<br />

remplir les poches. Et, à ces mots, la foule de s’exclamer : « poursuivez-les ! ». En<br />

réponse, le président a dit toute sa détermination a juger <strong>et</strong> châtier, devant le peuple,<br />

tous ceux qui se rendront coupables de détournement de biens publics. L’homme a<br />

aussi promis une guerre sans merci contre les trafiquants de drogue. Il a demandé à<br />

ceux qui ont de la drogue chez eux de la déposer aux services compétents avant<br />

qu’il ne soit trop tard. Concernant les mines, Moussa Dadis Camara entend<br />

poursuivre la révision des contrats. Tout comme il veut poursuivre les audits entamés<br />

sous le gouvernement Kouyaté, ce qui était l’une des revendications des syndicats<br />

en janvier 2007. A propos du proj<strong>et</strong> Terminal à conteneurs octroyé par le<br />

gouvernement Souaré, il sera annulé s’il est établi qu’il a été mal négocié, a affirmé<br />

le nouveau chef d’Etat.


Au sortir de la rencontre, des leaders politiques ont dit leurs sentiments. Le président<br />

de l’union des forces républicaines (UFR), Sidya Touré a déclaré : « Je suis satisfait<br />

des propos du président, puisque c’est ce que nous avons toujours demandé.<br />

Maintenant, la balle est dans notre camp. » Pour sa part, Mouctar Diallo des<br />

Nouvelles Forces Démocratiques (NFD), a déclaré : « Ses propos sont bien. Mais<br />

souhaitons qu’ils soient traduits dans les faits le plus tôt que possible ». Quant à la<br />

secrétaire générale de la confédération nationale des travailleurs CNTG, Rabiatou<br />

Sera Diallo, elle a souhaité que « la montagne n’accouche pas d’une souris. Nous<br />

souhaitons qu’il fasse comme le capitaine Jerry Rawlings du Ghana ».<br />

Moussa Dadis Camara prom<strong>et</strong> de ne pas<br />

s’« éterniser » au pouvoir<br />

Le président guinéen Moussa Dadis Camara a rencontré hier, au siège de<br />

l’Assemblée nationale de Conakry, les partis politiques, les centrales syndicales, les<br />

organisations de la société civile, les confessions religieuses. Ils ont débattu nombre<br />

de suj<strong>et</strong>s pour la réussite de la transition. Après son exposé, le président a passé la<br />

parole aux forces vives de la nation qui avaient déjà concocté une déclaration<br />

commune en prélude à c<strong>et</strong>te rencontre dite de dialogue national. Leur déclaration,<br />

qui avait valeur de paqu<strong>et</strong> de doléances, portait sur huit points : la levée de la<br />

suspension des activités syndicales <strong>et</strong> politiques ; l’engagement ferme de la junte<br />

que la transition ne dépassera pas douze mois ; la constitution d’un organe de<br />

transition ; le renforcement de la commission nationale électorale indépendante<br />

(CENI) ; la relance de la commission d’enquête indépendante pour faire la lumière<br />

sur les tueries de janvier-fevrier 2007 <strong>et</strong> juin 2006 ; la poursuite des audits<br />

conformément aux principes des droits de humains ; l’arrêt des interpellations<br />

abusives <strong>et</strong> extrajudiciaires ; la suppression des barrages le long des routes<br />

nationales à travers le pays.<br />

Séance tenante, Dadis Camara, qui avait reçu une copie de la déclaration des mains<br />

de la porte-parole des forces vives, Rabiatou Serah Diallo (figure syndicale), a<br />

répondu point par point aux doléances posées. « Nous ne sommes pas venus au<br />

pouvoir pour nous éterniser, si vous pensez que vous le faites dans l’intérêt supérieur<br />

de la nation, nous ne trouvons aucun inconvénient à satisfaire ces doléances », a<br />

déclaré le président aux parties présentes. Il s’est quand même étendu sur deux<br />

points précis : la levée de la suspension des activités politiques <strong>et</strong> syndicales, <strong>et</strong> la<br />

suppression des barrages. Sans affirmer que la suspension est levée, le chef de la<br />

junte décline toute responsabilité en cas de troubles politiques dans le pays. Il en est<br />

de même pour le second point. Il propose que les forces vives aillent se concerter<br />

davantage pour mieux mûrir la question. Car la sécurité du pays en dépend, pense til.<br />

Sur les autres suj<strong>et</strong>s, la lutte à outrance contre les prédateurs de l’économie<br />

nationale, le président Moussa Dadis n’a pas hésité de dire que « tous ceux qui ont<br />

détourné les biens de l’Etat, vont les rembourser ». Il les a traités d’apatrides. Dans<br />

la foulée, il a par contre rendu un hommage mérité à certains leaders politiques qui<br />

n’ont pas accepté de se salir en refusant de rentrer dans les différents<br />

gouvernements du feu Lansana Conté. Il a nommément cité Bah Mamadou, Alpha


Condé, Jean Marie Doré, <strong>et</strong> feu Siradiou Diallo. Allusion faite aux anciens premiers<br />

ministres tels Cellou Dalhein Diallo, Sodya Touré, aujourd’hui opposants politiques.<br />

Le président est allé jusqu’à affirmé que « le pouvoir sera remis à un civil propre ».<br />

bataille rangée au sein de l’armée pour le pouvoir<br />

La Guinée est en pleine confusion politique après la mort de Lansana Conté lundi<br />

soir. L’ordre constitutionnel, qui prévoit que le président de l’Assemblée nationale<br />

assure la présidence par intérim, a été bouleversée mardi matin. Un Conseil national<br />

pour la démocratie <strong>et</strong> le développement (CNDD) composé de 32 membres, selon son<br />

porte-parole le capitaine Moussa Dadis Camara, s’est arrogé le pouvoir. « A compter<br />

d’aujourd’hui, la Constitution est suspendue, ainsi que toute activité politique <strong>et</strong><br />

syndicale (...) Le gouvernement <strong>et</strong> les institutions républicaines sont dissous ».<br />

Lutte pour le pouvoir au sein de l’armée<br />

Des propos qui ont été démentis plus tard dans la journée par le Premier ministre<br />

Ahmed Tidiane Souaré . Le gouvernement n’est pas « dissous », a-t-il déclaré sur les<br />

ondes de RFI. « Nous travaillons à l’organisation des funérailles ». S’exprimant<br />

également sur les antennes de la radio internationale, le président de l’Assemblée<br />

nationale, Aboubacar Somparé, a estimé « que la majorité de l’armée est loyaliste <strong>et</strong><br />

républicaine ». « Il semble qu’ils (loyalistes <strong>et</strong> putschistes) sont en train de se<br />

concerter au camp Alpha Yaya. Nous attentons l’issue de cela ». Le président par<br />

intérim de la Guinée, selon la Constitution, s’est dit « malheureux » pour son pays<br />

face à ce coup d’Etat. Quant au chef d’Etat-major de l’armée guinéenne, le général<br />

Diarra Camara, qui s’est déclaré « surpris » par c<strong>et</strong>te prise de pouvoir, il a appelé ses<br />

« compagnons d’armes » au calme. « Je pensais plutôt que nous, l’ensemble des<br />

forces armées guinéennes, nous devrions nous prosterner devant la dépouille<br />

mortelle du président Conté <strong>et</strong> nous préparer à lui réserver des obsèques dignes de<br />

ce nom », a affirmé ce mardi le responsable militaire devant la presse. « Je<br />

n’empêche pas quelqu’un d’avoir des velléités, des prétentions, a-t-il poursuivi, mais<br />

mon souhait était au moins d’attendre les obsèques ». ,<br />

Au sein de la communauté internationale, la condamnation de ce coup de force est<br />

unanime. Jean Ping, le président de la Commission de l’Union africaine a<br />

« fermement condamné » ce coup d’Etat qu’il considère comme une « violation<br />

flagrante de la Constitution guinéenne ». Le secrétaire général des Nations unies<br />

Ban Ki-moon a, lui, invité les autorités guinéennes à conduire une « transition (...)<br />

pacifique <strong>et</strong> démocratique, en accord avec la Constitution ». Les Etats-Unis, selon un<br />

communiqué de la Maison Blanche, encouragent « les institutions guinéennes à<br />

prendre toutes les mesures nécessaires à une transition pacifique <strong>et</strong> démocratique ».<br />

La France, qui assure la présidence de l’Union européenne, a exprimé son souhait<br />

de voir « l’organisation (rapide) d’élections libres <strong>et</strong> transparentes ». Le Nigeria,<br />

puissance sous-régionale en Afrique de l’Ouest, par la voix de son président Umaru<br />

Yar’Adua a condamné « sans équivoque toute prise de pouvoir<br />

anticonstitutionnelle ». A l’exception de quelques coup de feu, la capitale Conakry<br />

connaît une certaine accalmie. Les Guinéens sont restés chez eux comme le leur<br />

avaient recommandé les autorités militaires <strong>et</strong> civiles. Un deuil national de 40 jours a<br />

été décrété lundi en Guinée.


les partis politiques réclament<br />

des élections avant un an<br />

Réunis les 2, 3 <strong>et</strong> 4 janvier à Conakry, plusieurs partis politiques guinéens [1] ont<br />

défini une plateforme sur l’organisation <strong>et</strong> la gestion de la période transitoire.<br />

Concernant la durée de c<strong>et</strong>te transition, la quinzaine de signataires de la plateforme<br />

propose qu’elle ne dépasse pas 12 mois, alors que la junte avait annoncé un délai<br />

de 18 mois. Au cours de c<strong>et</strong>te période, des réformes institutionnelles <strong>et</strong> le<br />

parachèvement du recensement électoral devront être opérées. Et en attendant la<br />

mise en place de la nouvelle Assemblée nationale, ces partis politiques proposent la<br />

mise en place d’un Conseil national de transition chargé de m<strong>et</strong>tre en œuvre les<br />

reformes indispensables au déroulement du processus électoral <strong>et</strong> du contrôle de<br />

l’action gouvernementale. C<strong>et</strong> organe devra être composé de 75 membres. Dont 35<br />

représentants des partis politiques, 25 représentants de la société <strong>et</strong> 15 des forces<br />

de défense.<br />

A propos du gouvernement de transition, ces partis politiques estiment qu’il ne doit<br />

pas dépasser 25 membres <strong>et</strong> doit être composé de personnalités intègres sur<br />

lesquelles aucun soupçon ne pèse en matière d’atteinte aux biens publics ou<br />

d’enrichissement illicite. Il faudra aussi tenir compte des équilibres <strong>et</strong>hniques,<br />

régionaux <strong>et</strong> politiques. Il sera aussi créé une cour spéciale chargée de régler des<br />

conflits constitutionnels <strong>et</strong> électoraux. En outre, les partis politiques guinéens<br />

proposent la relation d’un observatoire international composé des représentants de<br />

la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest), de l’Union<br />

africaine, de l’ONU, chargés de suivre le bon déroulement de la transition.<br />

La communauté internationale a également réclamé à la junte au pouvoir une<br />

transition rapide, condamnant le coup d’Etat militaire du 23 décembre. La CEDEAO<br />

pourrait d’ailleurs suspendre la Guinée. Elle organise, vendredi, à Abuja, la capitale<br />

du Nigeria, une séance extraordinaire qui est essentiellement consacré à ce suj<strong>et</strong>.<br />

« Nous n’avons aucune intention de nous éterniser au pouvoir », avait assuré<br />

Moussa Dadis Camara, le 25 décembre, deux jours après sa prise de pouvoir. Ses<br />

promesses ont suscité beaucoup


le dilemme de Dadis Camara<br />

Le président Moussa Dadis Camara n’a pu achever son discours, hier, au stade du<br />

28 septembre lors de sa rencontre avec les jeunes de la capitale. Ces derniers ont<br />

déclaré, à corps <strong>et</strong> à cri, vouloir que la junte au pouvoir dirige le pays jusqu’en fin<br />

2010. Ils estiment que celle-ci est dans la bonne direction. Dans la même soirée, tard<br />

dans la nuit, le chef de la junte a fait, comme il l’avait promis, une déclaration. Le<br />

capitaine Dadis Camara a fait entendre qu’il faut tenir compte de la position de la<br />

jeunesse qui, elle aussi, a son mot à dire. Il propose donc l’organisation d’un forum<br />

en vue d’une large consultation. Mais aucune date n’a été fixée, <strong>et</strong> les modalités de<br />

c<strong>et</strong>te rencontre en perspective encore moins.<br />

La veille, le samedi 28 mars, le président avait fait publier un communiqué dans<br />

lequel il déclarait adhérer aux propositions des forces vives de la Nation. A savoir la<br />

tenue de la présidentielle le 13 décembre avec un éventuel deuxième tour le 27<br />

décembre <strong>2009</strong>. Les législatives, elles, étaient prévues le 11 octobre prochain.<br />

Moussa Dadis Camara menace de se présenter aux<br />

présidentielles<br />

Moussa Dadis Camara, le chef de l’Etat guinéen, a été reçu par les populations de<br />

Kaloum, siège de la présidence de la République. Ces populations ont mis la<br />

rencontre à profit pour réaffirmer leur soutien au conseil national pour la démocratie<br />

<strong>et</strong> le développement <strong>et</strong> à son chef, le capitaine Moussa Dadis Camara.<br />

Face aux populations de la commune de Kaloum, qui abrite la présidence de la<br />

République, le discours du chef de l’Etat a été marqué par deux suj<strong>et</strong>s. L’attitude des<br />

opérateurs économiques <strong>et</strong> celle des partis politiques. Concernant les premiers, le<br />

chef de la junte a menacé de leur r<strong>et</strong>irer la licence d’importation du riz, si d’ici à une<br />

semaine le prix du riz ( aliment de base du Guinéen) ne baisse pas au marché, pour<br />

être rétabli à 130 000 francs CFA, le sac de 50 kg. S’agissant des leaders politiques,<br />

le capitaine Moussa Dadis Camara menace d’ôter le treillis pour se présenter à la<br />

prochaine élection présidentielle, « si les hommes politiques ne m<strong>et</strong>tent pas de l’eau<br />

dans leur vin ».<br />

Des bailleurs de Fonds internationaux sous influence ?<br />

Moussa Dadis reproche aux hommes politiques de mener une campagne de<br />

déstabilisation de son pouvoir auprès des bailleurs de Fonds, notamment le Fonds<br />

monétaire international <strong>et</strong> la banque mondiale, afin de décourager ceux-ci d’aider la<br />

Guinée. Il les soupçonne de vouloir créer un soulèvement, si jamais les<br />

fonctionnaires n’étaient pas payés. Il leur reproche également d’avoir dit que les<br />

jeunes qui se sont mobilisés récemment, au stade du 28 septembre pour lui


demander de rester au pouvoir jusqu’en décembre 2010, ne font pas partie des<br />

forces vives.<br />

Pour rappel, le chef de l’Etat, a signé il y a seulement quelques jours, <strong>et</strong> pour la<br />

deuxième fois, le chronogramme de la transition proposé par les forces vives (partis<br />

politiques, syndicats, société civile, sages, confessions religieuses ...) Ce<br />

chronogramme prévoit la tenue des élections législatives <strong>et</strong> presidentielles au cours<br />

du dernier trimestre de c<strong>et</strong>te année.<br />

Dadis Camara fait un pas de plus vers la<br />

Présidentielle 2010<br />

D’emblée, le chef de l’Etat a loué le sens patriotique de tous ceux qui ont répondu à<br />

son invitation, au palais du peuple à Conakry. Une attaque à peine voilée en<br />

direction des forces vives (syndicats, société civile, partis politiques...) qui ont mis à<br />

exécution leur menace de boycotter la rencontre. Car sur les 90 partis politiques<br />

agréés, seuls 24 étaient présents. Ces 24 formations politiques sont toutes, sinon<br />

presque, membres du bloc des forces patriotiques où figurait le parti de l’ancien<br />

premier ministre Lansana Kouyaté.<br />

Visiblement remonté contre les forces vives qui ont pour la deuxième fois boycotté<br />

ses rencontres publiques, le capitaine parle de sabotage. "elles ont peur de la<br />

réaction du peuple, c’est pourquoi ils ont fui. Sinon, elles seraient venues pour<br />

défendre leur position comme je le fais maintenant", soutient le capitaine Dadis.<br />

"Depuis qu’on a parlé de la candidature de Dadis, ils ne sont plus tranquilles ",<br />

affirme t-il. Et le chef de la junte de prevenir : « S’il y a pression de quelque nature<br />

que ce soit, je serais candidat. »<br />

Des leaders politiques absents du pays<br />

Pour montrer à l’assistance qu’il est un démocrate, le capitaine Camara révèle<br />

qu’Alpha Condé, du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG), a voyagé alors<br />

qu’il avait déjà convoqué la rencontre à laquelle il était convié. Il en est de même<br />

pour les leaders politiques Sidya Touré, de l’Union des forces républicaine (UFR), <strong>et</strong><br />

Cellou Dalhein Diallo, de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), tous<br />

deux anciens premiers ministres. S’agissant de Cellou Dalhein Diallo, il a été bloqué<br />

à l’aéroport alors qu’il partait lui aussi à l’étranger. Mais « j’ai demandé qu’on le<br />

laisser partir », rapporte Moussa Dadis Camara. Ceci, au nom de la liberté de<br />

mouvement, ajoute le leader de la junte en présence d’une représentation timide des<br />

diplomates <strong>et</strong> représentants d’institutions internationales.<br />

Parlant des manifestation de contestation de son pouvoir par la rue ces derniers<br />

temps, le capitaine Camara précise que c’est lui qui a instruit de laisser les gens<br />

s’exprimer car, explique-t-il, "on ne peut être aimé de tous". "Même les prophètes<br />

Mahammad <strong>et</strong> Jésus, malgré leurs bienfaits, n’étaient pas aimés de tous", se console<br />

le président du Conseil national pour la démocratie <strong>et</strong> le developpement (CNDD.)


Le RPR, un parti à l’effigie de Dadis<br />

S’en suivent alors les questions relatives à la mise en place du Conseil national de la<br />

transition <strong>et</strong> à la candidature de Dadis <strong>et</strong> la position des élus locaux. Pour le premier<br />

point, les élus locaux ont proposé de relever les membres du Conseil national de la<br />

transition à 260 au lieu de 240 initialement. Et à propos du suj<strong>et</strong> tant attendu, les<br />

représentants des quatre régions naturelles du pays ont dit oui à la candidature de<br />

Dadis à la prochaine présidentielle, le 31 janvier 2010. " Aucune candidature ne doit<br />

être exclue. Dadis peut <strong>et</strong> doit se présenter", a tranché un des porte-paroles.<br />

Dans la salle, l’on a aperçu des t-shirt imprimés aux couleurs du RPR<br />

(Rassemblement du peuple pour le renouveau) où figurait l’effigie de Dadis présenté<br />

en tenue civile. Il reste tout de même à savoir si le soutien par les élus locaux à la<br />

candidature du chef de la junte reflète réellement la volonté de leurs mandants.<br />

l’étau se resserre sur Dadis Camara <strong>et</strong> ses hommes<br />

En Guinée, les forces politiques <strong>et</strong> sociales (appelées forces vives) sont déterminées<br />

à s’opposer par tous les moyens à la candidature du capitaine Moussa Dadis<br />

Camara. Elles n’excluent pas de recourir à la rue, comme l’a indiqué Cellou Dalein<br />

Diallo (leader de l’Union des forces démocratiques de Guinée) dans une interview<br />

qu’il a récemment accordée à un média national.<br />

Dans toutes les déclarations des forces vives, elles n’ont de cesse d’appeler le<br />

peuple à la mobilisation pour contrer la candidature de Moussa Dadis Camara à la<br />

présidentielle de janvier 2010. Dans c<strong>et</strong>te lancée, elles ont annoncé la tenue d’un<br />

grand me<strong>et</strong>ing au stade du 28 septembre, ce 28 septembre. Il s’agit du plus grand<br />

stade de football du pays. Seulement, des informations non encore confirmées font<br />

état de la décision des autorités compétentes de la fermer ce stade afin d’empêcher<br />

la tenue du me<strong>et</strong>ing.<br />

Mises en garde de l’UA <strong>et</strong> du Sénégal<br />

L’Union africaine, pour sa part, a récemment mis en garde la junte guinéenne qu’elle<br />

a sommé de notifier par écrit que ni Dadis Camara ni aucun membre du Conseil<br />

national pour la démocratie <strong>et</strong> le développement (du nom de la junte au pouvoir) ne<br />

sera candidat à la prochaine présidentielle sous peine de sanctions. Dont le gel des<br />

financements extérieurs en faveur de la Guinée.<br />

En outre, il faut ajouter que le capitaine Moussa Dadis est également lâché par le<br />

président Abdoulaye Wade, si l’on en croit le ministre de la Communication du<br />

Sénégal. Celui-ci a déclaré au lendemain de la dernière visite à Conakry du président<br />

sénégalais que ce dernier ne soutient pas la candidature de Dadis Camara. Et hier,<br />

c’était le tour du ministre sénégalais des Affaires étrangères de dire sur une station<br />

étrangère que Dadis Camara doit respecter ses engagements.


Pour rappel, lors de son passage à Conakry, en juill<strong>et</strong> dernier, le président<br />

sénégalais, Me Abdoulaye Wade, avait déclaré qu’il « soutient son fils mais qu’il<br />

n’entend pas s’ingérer dans les affaires intérieures de la Guinée ». Avec toutes ces<br />

pressions, le capitaine Dadis Camara va-t-il emboîter le pas à Amadaou Toumany<br />

Touré, le Malien, ou à Robert Gueï, l’Ivoirien. L’avenir le dira bientôt.<br />

Matinée macabre à Conakry<br />

Au pied de la Grande mosquée de Conakry, l’odeur âcre <strong>et</strong><br />

putride de la mort. Sous de larges tentes, posés sur des<br />

nattes à même le sol, des dizaines de corps sans vie,<br />

emmaillotés dans des draps blancs, les visages exposés à<br />

l’air libre. Des centaines de personnes venues récupérer la<br />

dépouille d’un frère, d’une sœur, d’un père, errent, la tête<br />

basse, les yeux rougis. Et lorsqu’un camion militaire entre<br />

sur l’esplanade pour décharger une nouvelle cargaison<br />

macabre, elles se pressent vers lui dans l’espoir <strong>et</strong> la crainte<br />

de r<strong>et</strong>rouver un être cher.<br />

Tandis que l’imam entonne une prière au micro, des femmes sillonnent les allées<br />

dessinées par l’alignement des tentes en criant leur douleur en peul, en soussou, en<br />

malinké… Un homme se poste devant moi <strong>et</strong> présente la photo d’un proche qu’il a<br />

fait encadrer. « C’est mon frère, El Hadj Al-Hasan Ba, on ne l’a pas r<strong>et</strong>rouvé depuis<br />

le 28 septembre, déclare-t-il. On l’a cherché partout, même au camp Alpha Yaya, on<br />

ne l’a pas vu. » Plusieurs personnes dans la foule, qui peu à peu se masse autour de<br />

moi, crient que de nombreux corps sont manquants <strong>et</strong> que les 57 victimes de la<br />

tuerie du stade du 28 septembre dénombrées officiellement ne représentent qu’une<br />

partie du bilan réel [1]. « J’ai déposé deux corps à Douka. Je ne les ai pas vus ici »,<br />

assure l’un d’entre eux. Un autre, Ousmane Camara, affirme qu’il a vu au lendemain<br />

des événements, en pleine nuit, vers trois heures du matin « un bulldozer qui a fait<br />

un trou, à Yimbaya, derrière le camp militaire Alpha Yaya. ». Une fosse dans laquelle<br />

des soldats auraient enterré des dépouilles.<br />

A la recherche des corps manquants<br />

Sur le bilan des événements du 28 septembre, les<br />

autorités sanitaires font profil bas. Présente sur<br />

l’esplanade de la Grande mosquée, la directrice<br />

générale de l’hôpital Ignace Deen de la commune<br />

de Kaloum, à Conakry, le Pr. Fatoumata Binta<br />

Diallo, déclare avoir reçu 24 corps dans son<br />

établissement.<br />

Mais elle refuse d’aborder les suj<strong>et</strong>s du bilan global <strong>et</strong> des blessures observées sur<br />

les victimes. La présidence guinéenne affirme qu’il n’y a eu que quatre tués par<br />

balles, les autres ayant succombé écrasés ou étouffés suite aux bousculades<br />

engendrées par la panique. Interrogée sur les causes des décès des manifestants


eçus dans son hôpital, le Pr. Diallo préfère répondre qu’elle n’a qu’un rôle<br />

administratif, que seul un médecin légiste pourrait s’exprimer sur c<strong>et</strong>te question, puis<br />

m<strong>et</strong> fin unilatéralement à la conversation. Un peu plus loin, un membre de la Croix<br />

rouge esquive lui aussi nos questions <strong>et</strong> passe son chemin. A quelques mètres de là,<br />

Mamadou, barbe grise, tient dans sa main une photo de son jeune fils, Alpha Oumar<br />

Diallo, qu’il a récupéré avant-hier à l’hôpital.<br />

Il était dans le coma <strong>et</strong> s’est éteint quelques heures plus<br />

tard. Mamadou pointe du doigt le bandage qu’il a sur la<br />

tête. « Ca c’est une blessure à balle réelle, déclare-t-il, ce<br />

n’est pas la bousculade. » Son premier souhait<br />

aujourd’hui : qu’une commission d’enquête désigne les<br />

coupables.<br />

Nombre de ceux qui se pressent autour de moi sont des membres des forces vives<br />

de la Guinée, hostiles au pouvoir du capitaine Moussa Dadis Camara, <strong>et</strong> ont assisté<br />

au massacre du 28 septembre. Ils dénoncent la violence <strong>et</strong> l’impunité des militaires.<br />

« Devant moi, ils ont r<strong>et</strong>iré les habits des femmes, même les culottes. Et ils les ont<br />

tuées avec des fusils, ils les ont percées avec des couteaux ! », hurle l’un d’entre<br />

eux. Un autre, Tierno Wouri Baldé, est plus précis dans ses accusations. « J’étais au<br />

stade. Il y avait trois ministres. Claude Pivi, chargé de la sécurité présidentielle, Siba<br />

Lolamou, le ministre de la justice, <strong>et</strong> Tiegoro Camara, le ministre de la lutte antidrogue.<br />

Ce sont eux qui ont commencé à tirer », assure-t-il, avant d’ajouter qu’il a vu<br />

également « le premier garde du corps du président, Toumba Diakité, qui dirigeait les<br />

bér<strong>et</strong>s rouges ». D’autres prétendent qu’une partie des troupes utilisées pour m<strong>et</strong>tre<br />

en œuvre la répression serait anglophone <strong>et</strong> viendrait du Liberia. Les accusations<br />

pleuvent, ainsi que les appels à la communauté internationale. « Dadis doit<br />

démissionner ! », lance un président d’association de la commune de Ratoma.<br />

« Quelqu’un qui ne tient pas son armée ne peut gérer un pays », ajoute un autre<br />

homme.<br />

Entre colère <strong>et</strong> désespoir<br />

Au fil des minutes, la tension monte. Les symboles du pouvoir<br />

irritent. Des jeunes brandissent avec fierté des morceaux de<br />

tissus qu’ils ont arrachés du boubou du secrétaire général de<br />

la Ligue islamique, Koutoubou Sanou. Ce dernier était venu<br />

sur les lieux avec d’autres représentants officiels des<br />

confessions religieuses du pays. Ils ont dû prendre la fuite<br />

sous la charge de la foule en colère.<br />

Quelques pierres sont tirées en direction des forces de police. Une partie d’entre<br />

elles se rassemble au milieu de l’esplanade de la Grande mosquée, tandis qu’une<br />

autre se déploie autour du site afin d’éviter les débordements. D’autres familles<br />

continuent d’arriver pour reconnaître des corps sur lesquels les mouches ont entamé<br />

un bal funèbre. Quelques mètres avant la sortie, un homme m’interpelle en anglais.<br />

Sans doute m’a-t-il pris pour un journaliste américain. Il n’a plus de nouvelles de son<br />

fils arrêté puis enfermé au camp Koundara depuis le 28 septembre. Dans son regard,<br />

toute la détresse d’un peuple.


Massacre du 28 septembre : l’opposition guinéenne<br />

réclame justice<br />

François Lonseny Fall, 60 ans, exhibe les marques de ses blessures, au bras <strong>et</strong> à la<br />

tête, <strong>et</strong> dans son téléphone portable des photos de manifestants blessés, tués ou<br />

violés le 28 septembre dernier, à Conakry. Le diplomate, ancien ministre des<br />

Affaires étrangères (2002-2004) <strong>et</strong> Premier ministre de la Guinée (février-avril<br />

2004) sous la présidence de Lansana Conté, ne cache pas sa colère. Résolument<br />

hostile à la version officielle des événements, il se déclare déterminé à œuvrer<br />

pour que la liste intégrale des victimes soit dressée <strong>et</strong> que les responsables du<br />

massacre soient identifiés <strong>et</strong> punis. Il nous a accordé un entr<strong>et</strong>ien.<br />

Afrik.com : Vous étiez présent sur les lieux de la tuerie du 28 septembre.<br />

Décrivez-nous les événements.<br />

François Lonseny Fall : Lundi matin, on avait décidé vaille que vaille de se réunir<br />

au stade du 28 septembre. Nous avions invité nos militants à nous rejoindre. Le<br />

message était que nous étions opposés à la candidature du chef du CNDD [1], le<br />

capitaine Moussa Dadis Camara, à l’élection présidentielle de janvier 2010. Nous<br />

avons fait une marche. On a eu beaucoup de problèmes avec les forces de sécurité,<br />

<strong>et</strong> avec Tiégoro Camara en particulier, le ministre chargé de l’Antigang <strong>et</strong> de<br />

l’Insécurité [2]. Mais il nous a laissé passer après de longs pourparlers, <strong>et</strong> surtout<br />

parce qu’il était poussé par la foule. Ensuite, nous sommes arrivés au stade, qu’on<br />

a trouvé ouvert, <strong>et</strong> on est rentré. Nous n’avions aucune arme.<br />

Afrik.com : Le président Camara dit, lui, que vous avez incité des jeunes à<br />

attaquer des commissariats, <strong>et</strong> que ces derniers y ont volé des fusils avant<br />

d’arriver au stade…<br />

François Lonseny Fall : C’est faux. Depuis les événements qui se sont passés au<br />

quartier général de la CMIS (Compagnie mobile d’intervention <strong>et</strong> de sécurité), en<br />

juin 2008, ils avaient pris la décision de désarmer la police. Depuis c<strong>et</strong>te époque,<br />

les policiers n’ont pas d’arme, <strong>et</strong> il n’y avait pas de gendarmerie sur la route<br />

empruntée par la manifestation.<br />

Afrik.com : Après que vous vous soyez rassemblés au stade, comment s’est<br />

déroulée l’attaque ?<br />

François Lonseny Fall : On était à l’intérieur du stade archiplein. Il y avait au<br />

moins 10 0000 personnes. D’abord, ils ont gazé le stade. Ensuite, on a vu des bér<strong>et</strong>s<br />

rouges <strong>et</strong> d’autres hommes armés, <strong>et</strong> certains même cagoulés, faire leur entrée<br />

dans l’édifice. Ils étaient dirigés par le lieutenant Toumba Diakité, l’aide de camp<br />

du capitaine Moussa Dadis Camara. Ils ont tué, ils ont frappé, ils ont torturé les<br />

gens. Nous étions là-haut, nous avons tout vu. Ensuite ils sont montés, ils nous ont<br />

frappé, molesté. Ils nous ont fait descendre <strong>et</strong> on a vu des femmes déshabillées,<br />

violées par des hommes. J’ai vu une femme violée avec le canon d’un fusil.<br />

Toumba nous a embarqués <strong>et</strong> emmenés à la clinique Ambroise Paré. Nous étions<br />

quatre leaders de l’opposition : Sydia Touré, Mouctar Diallo, Jean-Marie Doré <strong>et</strong><br />

moi-même. Devant la clinique, le capitaine Théodore Siba Kourouma, le neveu du<br />

président, nous a dit que nous n’avions pas droit aux soins <strong>et</strong> nous a menacés.


Afrik.com : Vous contestez la version officielle des faits. Et vous n’êtes pas<br />

d’accord non plus sur le bilan humain présenté par les autorités...<br />

François Lonseny Fall : Ce que je voudrais souligner, c’est qu’il est évident que<br />

c<strong>et</strong>te manifestation était pacifique. Ensuite, sur la question du bilan, il est aussi<br />

évident que les militaires ont dissimulé des corps. Leur nombre était beaucoup plus<br />

important que ce qu’ils ont déclaré, y compris dans les hôpitaux. Mais il y a une<br />

chose très grave aussi qu’il faut rappeler, c’est qu’il y a eu des sévices <strong>et</strong> des<br />

humiliations. Les deux tiers des femmes présentes dans le stade ont été frappées,<br />

violées. C’est très grave. Et le viol, les violences contre les faibles, sont passibles<br />

de très lourdes sanctions par la législation internationale. De plus, nous<br />

soupçonnons l’utilisation de rebelles de l’Ulimo (Liberia) lors de c<strong>et</strong>te répression,<br />

entr<strong>et</strong>enus <strong>et</strong> cachés par le CNDD dans la forêt. Ils étaient sans doute drogués.<br />

Afrik.com : Moussa Dadis Camara ne nie pas qu’il y a eu des violences. Mais il<br />

estime que vous en êtes les responsables parce que vous avez bravé<br />

l’interdiction de manifester qu’il avait promulguée. Que répondez-vous à c<strong>et</strong>te<br />

accusation ?<br />

François Lonseny Fall : Il reconnaît donc qu’il y a eu boucherie. Qui étaient les<br />

bouchers ? Ceux qui avaient les armes ! Nous, nous voulons tout simplement<br />

exercer notre droit de nous rassembler. On n’a pas le droit de faire de me<strong>et</strong>ings,<br />

mais Dadis, lui, en fait. Il va à l’intérieur du pays pour faire des discours, mais<br />

nous on nous l’interdit. On a prouvé à Dadis qu’on peut mobiliser... Alors, qui a fait<br />

une boucherie ? Je r<strong>et</strong>ourne la question à Dadis. Si nous nous doutions que les<br />

soldats auraient réagi avec c<strong>et</strong>te bestialité, on n’aurait pas envoyé de femmes au<br />

stade, <strong>et</strong> on ne serait pas rentrés dans l’édifice.<br />

Afrik.com : Le président Camara a proposé la mise en place d’une commission<br />

d’enquête internationale. Qu’en pensez-vous ?<br />

François Lonseny Fall : Nous avons été les premiers à demander une commission<br />

d’enquête internationale. Il n’a fait que reprendre ce qu’on a dit. Nous insistons<br />

pour que c<strong>et</strong>te commission voit le jour <strong>et</strong> fasse la lumière sur les responsabilités de<br />

chacun dans ce qui s’est passé. D’autre part, nous allons m<strong>et</strong>tre sur pied des<br />

comités de familles de disparus, pour dresser une liste, avec photos, des disparus.<br />

De plus, nous établirons la liste des femmes violées. Nous ferons tout ce qui est<br />

nécessaire pour savoir qui a donné l’ordre d’envahir le stade, de tuer <strong>et</strong> de violer.<br />

Tiégoro a été le maître d’œuvre, nous l’avons vu. Mais qui lui a ordonné d’agir ?<br />

Nous devons savoir.<br />

Afrik.com : Pour calmer la crise politique, Moussa Dadis Camara propose la<br />

création d’un gouvernement d’union nationale. S’il était créé, y prendriez-vous<br />

part ?<br />

François Lonseny Fall : Le gouvernement d’union nationale, nous le refusons. Il<br />

faut d’abord que les responsables des crimes soient identifiés <strong>et</strong> punis. Ce que nous<br />

réclamons, c’est un gouvernement de transition formé par des civils, sans membres<br />

du CNDD. C’est ce gouvernement civil qui aura pour tâche de préparer les<br />

élections. Si Dadis veut se présenter plus tard aux élections, il le fera en tant que<br />

civil.


Manifestation sanglante à Conakry : Sidya Touré<br />

raconte<br />

A la suite de la manifestation organisée hier à Conakry pour contester une<br />

éventuelle candidature de Dadis aux élections présidentielles, on compte déjà 70<br />

morts à l’hôpital IGNACE DEEN <strong>et</strong> 58 à l’hôpital DONKA. De plus, des militaires ont<br />

été vus en train de ramasser des corps dans les rues pour les emmener au camp<br />

ALPHA YAYA DIALLO, siège de la junte, probablement pour éviter un comptage<br />

précis du nombre de tués qui révèlerait l’ampleur du massacre. Mais les crimes de<br />

l’armée guinéenne ne s’arrêtent pas là : des femmes ont été violées par la garde<br />

prétorienne de Dadis Camara aux abords du stade où la foule s’était donné rendezvous.<br />

De plus, il faut rappeler que des membres de l’opposition à l’origine de c<strong>et</strong>te<br />

manifestation pacifique ont été violemment arrêtés, comme Sidya Touré, président<br />

de l’Union des Forces Républicaines <strong>et</strong> ancien premier ministre, qui a été blessé à la<br />

tête. Alors qu’il vient de sortir de l’hôpital pour rentrer chez lui, Sidya Touré nous<br />

informe que sa maison a été vandalisée <strong>et</strong> tous ses eff<strong>et</strong>s personnels volés.<br />

D’après des sources sur place, les autorités auraient tendu un piège au peuple<br />

massivement rassemblé : l’armée a attendu que le stade soit rempli pour y entrer à<br />

son tour <strong>et</strong> tirer sur la foule. Etant donné que la manifestation était normalement<br />

interdite, les Guinéens s’attendaient plutôt à ce que les autorités ferment le stade<br />

pour empêcher quiconque d’y pénétrer. Il s’agit donc sans aucun doute d’un<br />

assassinat avec préméditation, d’autant plus que l’ordre public n’était en rien<br />

menacé : les contestataires manifestaient pacifiquement.<br />

Il est affolant de constater que c’est la troisième "bousculade" (dixit Dadis Camara)<br />

de ce type : en juin 2006, des militaires guinéens avaient déjà tué des civils, puis en<br />

janvier <strong>et</strong> février 2007, <strong>et</strong> ce 28 septembre <strong>2009</strong> à nouveau. Pour les Guinéens, il<br />

faudrait sérieusement envisager de condamner <strong>et</strong> de m<strong>et</strong>tre fin à ces crimes commis<br />

en toute impunité en traduisant les récidivistes devant le Tribunal Pénal International.<br />

Il est aussi important que la communauté internationale prenne conscience de<br />

l’intérêt de la Guinée, ne serait-ce que pour la stabilité de la sous-région. En eff<strong>et</strong>,<br />

pour ne citer qu’eux, le Liberia <strong>et</strong> le Sierra Léone sortent épuisés de nombreux<br />

conflits, la Côte d’Ivoire n’a pas encore réussi à se stabiliser, <strong>et</strong> le Mali connaît une<br />

menace Al Quaida croissante.<br />

Quelques mots sur le parti UFR <strong>et</strong> son président.<br />

Créé en 1992, l’UFR, ce parti centriste, libéral, social <strong>et</strong> fédérateur se bat pour<br />

l’édification d’une société démocratique <strong>et</strong> pluraliste en Guinée avec des défis tels<br />

que la réconciliation civile <strong>et</strong> la promotion d’une politique de croissance <strong>et</strong> de<br />

développement. Le 20 mai 2000, Sidya Touré a été élu Président de l’UFR. En<br />

cohérence avec ses valeurs <strong>et</strong> son combat pour sauvegarder l’intérêt général <strong>et</strong><br />

promouvoir le rassemblement des forces vives de la nation (les jeunes <strong>et</strong> les femmes


notamment) <strong>et</strong> afin d’anéantir la pauvr<strong>et</strong>é <strong>et</strong> l’exclusion, Sidya Touré se bat chaque<br />

jour pour redonner l’espoir à tous les Guinéens.<br />

Sidya Touré, ancien premier ministre <strong>et</strong> Président de l’UFR, est connu <strong>et</strong> reconnu de<br />

tous pour avoir ramené l’eau <strong>et</strong> l’électricité dans le pays. Brillant <strong>et</strong> célèbre homme<br />

politique africain, il a assuré les plus hautes fonctions au coté notamment<br />

d’Houphouët-Bouigny en Côte d’Ivoire <strong>et</strong> puis en Guinée ce qui lui vaut une<br />

reconnaissance de ses pairs.


La FIDH condamne la tentative de coup d’Etat<br />

militaire en Guinée-Conakry<br />

Quelques heures à peine après l’annonce de la mort du général-président Lansana Conté,<br />

un communiqué émanant d’un groupe de militaires regroupés au sein d’un Conseil national<br />

pour la démocratie <strong>et</strong> le développement (CNDD) annonçait la dissolution des institutions<br />

républicaines <strong>et</strong> la prise du pouvoir.<br />

La FIDH rappelle qu’en cas de décès ou de vacance du président, la constitution prévoit en<br />

son article 34 que l’intérim est assuré par le président de l’Assemblé nationale notamment<br />

afin d’organiser l’élection d’un nouveau président.<br />

La FIDH appelle la junte militaire <strong>et</strong> les militaires qui les soutiennent à réintégrer leurs<br />

cantonnements <strong>et</strong> à rétablir immédiatement l’ordre constitutionnel afin de perm<strong>et</strong>tre au<br />

président de l’Assemblée nationale, président par interim, de faire constater par la Cour<br />

constitutionnelle la vacance du pouvoir <strong>et</strong> d’organiser dans les délais constitutionnels<br />

l’élection présidentielle.<br />

La FIDH demande à l’Union africaine, l’Organisation des Nations unies, l’Organisation<br />

internationale de la francophonie, l’Union européenne <strong>et</strong> l’ensemble de la communauté<br />

internationale de condamner fermement la tentative de coup d’Etat. Si celui-ci devait être<br />

confirmé, la FIDH exhorte les organisations ayant des mécanismes adéquats à suspendre<br />

immédiatement la République de Guinée de leurs instances jusqu’au rétablissement de<br />

l’ordre constitutionnel.<br />

La FIDH appelle enfin les membres du CNDD <strong>et</strong> les forces sous leur contrôle à respecter<br />

l’intégrité physique <strong>et</strong> morale de la population <strong>et</strong> des responsables politiques <strong>et</strong> militaires qui<br />

ont été appelés à se rendre au camp militaire d’Alfa Yaya Diallo à Conakry. « Les putchistes<br />

doivent s’abstenir de tout acte de répression dont ils pourraient, le cas échéant, être tenus<br />

responsables pénalement <strong>et</strong> individuellement <strong>et</strong> au premier rang desquels le Capitaine<br />

Moussa Dadis Camara » a déclaré la présidente de la FIDH, Mme Souhayr Belhassen.


la France désavoue Dadis Camara<br />

« Un déferlement de violence », « une chose effrayante <strong>et</strong> sauvage », « même (l’exdictateur<br />

ougandais) Idi Amin Dada n’avait pas fait ça (...) Là on égorgeait les<br />

femmes sous les yeux de leurs maris, on les violait, on les tuait », s’est indigné<br />

Bernard Kouchner. Faisant fi des usages diplomatiques, le ministre français des<br />

affaires étrangère a ainsi durci le ton, face à la junte au pouvoir en Guinée.<br />

Le bilan de la répression d’un rassemblement de protestation lundi dernier à<br />

Conakry, a été très lourd : 157 personnes au moins ont été tués. « Il me semble<br />

qu’aujourd’hui, on ne peut plus travailler avec Dadis Camara », a laissé entendre le<br />

ministre français des Affaires étrangères. Interrogé par le quotidien Le Figaro, la<br />

chaîne de télévision LCI <strong>et</strong> la radio RTL, Bernard Kouchner a précisé que Paris<br />

réfléchissait à une forme d’ « intervention internationale » pour résoudre la crise<br />

guinéenne. En collaboration avec des pays africains.<br />

Paris demande à l’Afrique de s’impliquer dans la crise<br />

Samedi, les dirigeants de l’opposition en Guinée ont exhorté la communauté<br />

internationale à agir, notamment par l’envoi d’une force d’interposition <strong>et</strong> d’une<br />

commission internationale d’enquête.<br />

Pour Paris, l’Afrique devrait jouer un rôle prépondérant dans la résolution de la crise<br />

guinéenne. « Ce n’est pas à la France de prendre des décisions là-dessus, on n’est<br />

plus au temps de la Françafrique », a souligné Bernard Kouchner. Et de préciser :<br />

« Nous avons alerté la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest<br />

(Cédéao), il faut que le Nigeria soit d’accord nous y travaillons ».<br />

L’appel au calme<br />

Mandaté par la Cédéao, le président burkinabè Blaise Campaoré doit se rendre lundi<br />

à Conakry. But de la mission : tenter de faire baisser la tension. Pour ce faire, Blaise<br />

Compaoré a indiqué qu’il allait « rencontrer les responsables du pays, les opposants<br />

<strong>et</strong> tous ceux qui peuvent aider à une sortie de crise ».<br />

Le Vatican a de son côté lancé un appel au calme. Le pape Benoît XVI a appelé<br />

dimanche au « dialogue <strong>et</strong> à la réconciliation » en Guinée. Il s’est déclaré « certain »<br />

que les parties en présence « n’épargneront aucun effort pour trouver une solution<br />

juste <strong>et</strong> équitable ». Dadis Camara devrait en prendre bonne note, lui qui à l’entrée<br />

de son quartier général a fait figurer sur un écriteau blanc la Bible <strong>et</strong> le Coran <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te<br />

brève inscription : « la vérité ne tombera jamais ».


Blaise Compaoré, médiateur en Guinée<br />

« Il faut aller à une table, poser vos problèmes, en débattre avec ceux d’en face.<br />

C’est ce que je suis venu proposer au CNDD (Conseil national pour la démocratie <strong>et</strong><br />

le développement, junte au pouvoir en Guinée) <strong>et</strong> aux forces politiques », a déclaré<br />

le président Blaise Compaoré lundi à Conakry. Le chef de l’Etat burkinabè a été<br />

désigné médiateur par ses pairs de la Communauté économique des Etats d’Afrique<br />

de l’Ouest (CEDEAO) dans la crise guinéenne. Blaise Compaoré a proposé à la junte<br />

<strong>et</strong> à l’opposition de se rencontrer prochainement à Ouagadougou. Depuis le<br />

massacre de civils le 28 septembre dernier, la tension dans ce pays est montée d’un<br />

cran. « Nous ne devons pas tolérer qu’il y ait en Guinée des suspicions sur des<br />

personnes arrêtées le 28 septembre, des discussions sur des personnes disparues<br />

dont on ne r<strong>et</strong>rouve pas les corps. Ce n’est pas en se tirant dessus qu’on peut aller à<br />

des élections », a insisté lundi le médiateur burkinabè.<br />

Les élections compromises ?<br />

La junte, tout comme l’opposition, est d’accord avec la proposition du médiateur.<br />

Idrissa Cherif, le conseiller spécial du président guinéen Moussa Dadis Camara, a<br />

assuré « qu’il y aurait une rencontre à Ouagadougou », même si « aucune date n’(a)<br />

été fixée ». Du côté de l’opposition, l’ancien Premier ministre Sydia Touré a annoncé<br />

qu’une rencontre se tiendrait « très rapidement, dans les jours qui viennent ». En<br />

prélude à ces éventuels pourparlers, les représentants des Forces vives - partis<br />

politiques d’opposition, syndicats, société civile - ont remis à Blaise Compaoré « un<br />

long mémorandum » énumérant leurs exigences. Ils réclament notamment « le<br />

départ du Conseil national pour la démocratie <strong>et</strong> le développement (CNND, parti de<br />

la junte) <strong>et</strong> l’ « installation d’un gouvernement civil pour conduire la transition » <strong>et</strong><br />

organiser le scrutin présidentiel prévu en janvier 2010. En dépit de la tension<br />

politique ambiante, le Capitaine Dadis Camara s’est montré vendredi dernier,<br />

confiant quant à la tenue d’élections présidentielles « libres <strong>et</strong> équitables »<br />

conformément au calendrier annoncé.<br />

« C’est une mission presque impossible pour Compaoré »<br />

La médiation dans laquelle s’est engagé le président burkinabé s’avère délicate<br />

selon les observateurs. « C’est une mission presque impossible pour Compaoré », a<br />

jugé lundi le président de la Rencontre africaine pour la défense des droits de<br />

l’Homme (Raddoh), Alioune Tine. Plutôt qu’une médiation, « il faut demander<br />

d’arrêter les responsables » du massacre du 28 septembre.<br />

La communauté internationale espère pourtant une sortie de crise rapide en Guinée.<br />

Le chef de la diplomatie française avait déclaré ce lundi que Paris « ne pouvait plus<br />

travailler avec Dadis Camara ». Des propos vivement critiqués par le chef de la junte.<br />

« Kouchner n’est que le ministre des Affaires étrangères de la France. J’ai à<br />

dialoguer avec mon frère, le respecté président Sarkozy. Lorsque le président<br />

Sarkozy prend une position, ça peut me laisser à réfléchir, mais je n’ai pas besoin de<br />

répondre au ministre des Affaires étrangères », a déclaré, lundi, énervé, Dadis


Camara. Il a également critiqué l’ingérence de la France dans la crise politique que<br />

connait son pays. La Guinée n’est « pas une sous-préfecture, pas un arrondissement<br />

de la France ni d’aucune puissance », a fait valoir le chef de la junte.<br />

la junte établit une commission d’enquête<br />

Le capitaine Moussa Dadis Camara, le président guinéen, a annoncé mercredi soir la<br />

mise en place d’une « commission d’enquête indépendante » sur les évènements<br />

tragiques du 28 septembre dernier. Selon la société civile, les militaires ont causé la<br />

mort de plus de 150 personnes alors que le gouvernement a établi un bilan de 57<br />

tués. La commission devrait être composée de 31 membres. Parmi eux, siégeront<br />

sept magistrats, quatre représentants de partis politiques, trois de syndicats <strong>et</strong> de la<br />

société civile, trois des Forces patriotiques, proches de la junte, <strong>et</strong> trois des<br />

organisations de défense des droits de l’Homme.<br />

Quelques heures plus tôt, Navan<strong>et</strong>hem Pillay, le Haut-commissaire aux droits de<br />

l’Homme des Nations unies indiquait qu’un « conseiller spécial » avait été dépêché<br />

en Guinée pour enquêter sur les ces massacres. L’ONU souhaite la mise en place<br />

d’une commission d’enquête internationale. « J’ai été exhortée, à la fois par le<br />

ministre (français) des Affaires étrangères <strong>et</strong> par l’OIF (Organisation internationale de<br />

la Francophonie), à user des pouvoirs de mon organisation pour lancer une enquête<br />

(...) <strong>et</strong> établir si des crimes graves ont été commis », a affirmé mercredi Navan<strong>et</strong>hem<br />

Pillay.<br />

Déterminer les responsabilités<br />

Pour les analystes <strong>et</strong> la presse guinéenne, la commission installée par la junte,<br />

n’aura d’indépendante que son nom puisqu’elle sera composée en majorité de<br />

personnalités proches du pouvoir de par leur fonction ou leur activité. Bien qu’il nie<br />

toute responsabilité dans les évènements du 28 septembre, la société civile <strong>et</strong> la<br />

communauté internationale considèrent que le capitaine Dadis Camara est à l’origine<br />

du « bain de sang » dénoncé par Navan<strong>et</strong>hem Pillay. Un avis que partage Paris.<br />

« Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’on soupçonne fortement le président<br />

intérimaire d’avoir (...) participé à la décision » qui a conduit à la répression, selon le<br />

ministre français des Affaires extraordinaires. Bernard Kouchner s’exprimait en ces


termes mercredi devant la commission des affaires étrangères de l’Assemblée<br />

nationale.<br />

A Conakry, la tension est montée d’un cran mercredi au sein de l’armée guinéenne<br />

où une chasse aux sorcières semble avoir commencé. Le général Sékouba Konaté,<br />

numéro deux de la junte <strong>et</strong> qui, selon certains observateurs, dirigerait véritablement<br />

la Grande Mu<strong>et</strong>te, auraient ordonné l’arrestation de aide-de-camp de Dadis Camara,<br />

Aboubacar Sidiki "Toumba" Diakité. Il est accusé d’avoir activement participé au<br />

massacre du 28 septembre.<br />

Rendez-vous avec Dadis<br />

Au crépuscule, sur le parking du vaste camp militaire Alpha Yaya Diallo, une vache<br />

s’apprête à s’endormir. Devant elle, une rangée de 4X4 <strong>et</strong> de berlines stationnés<br />

derrière un long alignement de motocycl<strong>et</strong>tes. A la nuit tombée, le capitaine Moussa<br />

Dadis Camara reçoit. A l’entrée de son quartier général, gardé par pléthore de<br />

soldats en armes, un écriteau blanc sur lequel figurent la Bible, le Coran, <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te<br />

brève inscription : « La vérité ne tombera jamais. »<br />

A l’intérieur, nous sommes introduits dans une salle d’attente où patientent déjà une<br />

trentaine de personnes, parmi lesquelles des ministres de son gouvernement. Il ne<br />

reste plus une seule place assise, alors nous sommes conduits dans une autre pièce<br />

au milieu de laquelle trône un grand téléviseur à écran plat. Quelques civils <strong>et</strong> une<br />

dizaine de jeunes militaires en treillis, rangers, <strong>et</strong> bér<strong>et</strong>s rouges se détendent, assis<br />

sur la moqu<strong>et</strong>te neuve <strong>et</strong> de confortables fauteuils noirs, une main posée sur leurs<br />

fusils d’assaut. Ici commence l’attente. Plusieurs heures au cours desquelles la pièce<br />

se remplit de nouveaux invités. Sur le p<strong>et</strong>it écran, la chaîne nationale RTG1, puis<br />

France 24 où la Guinée fait la Une. Reviennent en boucle des extraits d’interviews du<br />

président Camara <strong>et</strong> de l’ancien secrétaire général des Nations Unies, Koffi Anan<br />

qui, sous le regard impassible des soldats, condamne la tuerie du 28 septembre <strong>et</strong><br />

appelle la communauté internationale à barrer la route de la présidentielle 2010 au<br />

chef de la junte.<br />

Dans l’antre de Dadis<br />

Vers onze heures, nous apprenons que notre hôte est enfin disposé à nous recevoir.<br />

Après avoir traversé, un peu somnolents, les deux salles d’attente encore pleines,<br />

nous nous r<strong>et</strong>rouvons dans son étroit bureau au fond duquel est accroché un<br />

drapeau de la Guinée <strong>et</strong> où trônent plusieurs portraits <strong>et</strong> photos de lui, seul ou en<br />

compagnie d’amis <strong>et</strong> membres de sa famille. « C’est un p<strong>et</strong>it bureau. C’est le bureau<br />

du président ! C’est pour ça que les autres sont jaloux de moi. C’est pour ça aussi<br />

que le peuple m’aime », lance-t-il à la douzaine de journalistes de la presse<br />

internationale <strong>et</strong> panafricaine [1] qui se pressent autour de lui, armés de leurs<br />

magnétophones, appareils photos, caméras <strong>et</strong> bloc-notes.


Le capitaine Dadis Camara se dit fatigué, très fatigué, <strong>et</strong> propose de reporter la<br />

rencontre au lendemain. Mais déjà, les premières questions fusent. Qui a organisé<br />

le massacre du stade du 28 septembre ? Quelles sont ses responsabilités dans la<br />

mort des manifestants qui s’étaient rassemblés pour s’opposer à sa candidature à<br />

l’élection présidentielle ? Un officier tente de couper court à l’échange, mais le<br />

président lui ordonne de se taire. Il répondra aux questions des journalistes, un<br />

exercice auquel il semble prendre un certain plaisir.<br />

D’emblée, il r<strong>et</strong>ourne la responsabilité de la tuerie contre les leaders politiques qui<br />

ont organisé le rassemblement en dépit de l’interdiction qu’il avait promulguée <strong>et</strong><br />

affirme qu’avant d’arriver au stade, des manifestants « ont cassé des commissariats<br />

de police. Ils ont pris des armes de guerre, ils ont brûlé des voitures ». « Ce sont les<br />

leaders qui ont dit aux enfants d’aller prendre des armes », ajoute-t-il, estimant que<br />

leur objectif réel était de le déstabiliser. « C’était un complot contre moi. Ca a<br />

échoué. Ils croyaient qu’en sortant, les militaires allaient se r<strong>et</strong>ourner contre la<br />

population <strong>et</strong> qu’après je serais renversé. C’était prémédité. Tout ça, c’est de la<br />

jalousie ! », assène-t-il, péremptoire. Dadis Camara fustige en particulier l’un des<br />

chefs de l’opposition, Alpha Condé, le président du RPG (Rassemblement du peuple<br />

de Guinée), « un vieillard » qui, selon lui, ne supporte pas qu’un homme âgé de 44<br />

ans seulement ait pu lui subtiliser un pouvoir qu’il convoite depuis 25 ans. « C’est un<br />

problème transgénérationnel ! », s’exclame le capitaine.<br />

Une armée désorganisée<br />

Un chef d’Etat peut-il s’affranchir de toute responsabilité lorsque son armée tire sur la<br />

foule ? Ne contrôle-t-il pas ses hommes ? Avant de répondre aux questions, son<br />

regard se promène sur son bureau où il a placé, ça <strong>et</strong> là, un globe terrestre, une<br />

statu<strong>et</strong>te de la Vierge Marie, un chapel<strong>et</strong>, une Bible, un Coran… Puis il reprend la<br />

parole. « Je suis chef de l’Etat. J’assume c<strong>et</strong>te responsabilité. (…) C’est une<br />

responsabilité morale <strong>et</strong> symbolique, rétorque-t-il. C’est comme si tu es père de<br />

famille <strong>et</strong> que tu as un enfant qui vole. Quand il vole, tu ne diras pas que c’est ton<br />

enfant ? Tu diras que c’est ton enfant ! » Il reconnaît que ses troupes ont tiré sur les<br />

manifestants, puis raconte que, présageant que les choses tourneraient mal, il avait<br />

voulu se rendre au stade pour calmer les esprits <strong>et</strong> empêcher la tuerie. Mais,<br />

surprenante confession, ses hommes, qui ne respecteraient pas l’autorité de leurs<br />

supérieurs, l’auraient obligé à rester au camp. « Je voulais aller, j’ai été empêché. On<br />

a enlevé la clef de ma voiture. Mes propres soldats. Ils m’on dit :"Ah président, il faut<br />

rentrer au bureau. Laisse comme ça." »<br />

Selon le capitaine Dadis Camara, l’armée guinéenne, qui compterait quelque 50 000<br />

éléments, serait quasiment incontrôlable. « Depuis 50 ans, l’armée n’a pas été<br />

réformée. C’est une armée où un soldat ne connaît pas son unité organique, c’est<br />

une armée où un caporal peut dire merde à son colonel », assure-t-il. « J’ai hérité<br />

d’une armée de 50 ans où l’ordre n’est pas respecté, où les hommes ne sont pas<br />

casernés, où un soldat avec son fusil va passer la nuit dehors avec des civils. »,<br />

poursuit-il. « Depuis 50 ans, c’est comme ça. Est-ce que c’est en 8 mois qu’on va<br />

tout changer ? » Après c<strong>et</strong> aveu de faiblesse, le capitaine Dadis Camara précise<br />

néanmoins que sa présence à la tête de la Grande mu<strong>et</strong>te <strong>et</strong> de l’Etat demeure le<br />

meilleur remède contre l’anarchie. « Après moi, personne ne pourra gérer c<strong>et</strong>te<br />

armée, déclare-t-il. Si on me fait partir, ils vont prendre les armes <strong>et</strong> ils tireront entre


eux. Les civils ne peuvent contrôler c<strong>et</strong>te armée. » Un constat que, dit-il, les chefs de<br />

l’opposition partagent avec lui : « Ces leaders connaissent l’armée. Ils sont venus me<br />

dire qu’ils ne peuvent pas la contrôler. »<br />

Pouvoir <strong>et</strong> sacerdoce<br />

De nombreux témoins des événements du 28 septembre ont affirmé avoir vu des<br />

membres de sa garde rapprochée sur les lieux. Peut-il garantir que les coupables<br />

du massacre seront punis ? « C’est pour ça que j’ai demandé une enquête<br />

internationale. », répond-t-il, sans s’appesantir plus longtemps sur c<strong>et</strong>te question. La<br />

communauté internationale a évoqué des sanctions contre la Guinée. Les craint-ils ?<br />

« Ca ne m’inquiète nullement pas. Absolument pas, rétorque-t-il. (…) Ce qui est<br />

important, c’est que l’Afrique se m<strong>et</strong>te au travail. » Certains chefs d’Etat, dit-il, lui<br />

apportent leur soutien. Et de citer Mouammar Kadhafi, Hugo Chavez <strong>et</strong> Mohammed<br />

VI.<br />

Le capitaine Dadis Camara affiche une fière assurance, estimant que sa côte de<br />

popularité auprès des Guinéens demeure au plus haut, parce qu’il reconnaissent ses<br />

qualités morales <strong>et</strong> qu’il a osé s’attaquer aux problèmes chroniques de corruption, de<br />

trafic de drogue, d’électricité <strong>et</strong> d’eau courante que subissait le pays. « Ce n’est pas<br />

la sorcellerie qui fait que le peuple tient à moi. C’est mon honnêt<strong>et</strong>é <strong>et</strong> ma probité,<br />

juge-t-il. L’argent ne m’intéresse pas. C’est ce qui fait que l’armée a confiance en<br />

moi. » Goûtant particulièrement les métaphores christiques, il compare son action à<br />

un sacerdoce. « J’ai sacrifié ma vie à la nouvelle génération », aime-t-il à répéter. Un<br />

sacerdoce qu’il aimerait voir se prolonger au-delà de l’année 2010…<br />

Dehors, sur le parking, les journalistes échangent quelques brèves impressions.<br />

Certains disent être restés sur leur faim quant aux responsabilités de la tuerie du 28<br />

septembre. D’autres comparent le capitaine Dadis Camara à l’ancien leader<br />

burkinabè, Thomas Sankara, charismatique <strong>et</strong> idéaliste… A l’extérieur du camp<br />

Alpha Yaya, sur le chemin du r<strong>et</strong>our, des marchandes assises derrière leurs étals<br />

espèrent la venue de quelque client insomniaque. La vie tente, doucement, de<br />

reprendre ses droits à Conakry.


Massacre en Guinée : l’armée echappe-t-elle à Dadis<br />

Camara ?<br />

« L’événement m’a débordé. (…) Dire que je contrôle c<strong>et</strong>te armée serait de la<br />

démagogie », a tenté de se dédouaner mercredi Dadis Camara, sur les ondes<br />

d’Europe 1. Ces propos interviennent deux jours après la répression sanglante par<br />

les forces de sécurité, d’une manifestation pacifique organisée par l’opposition au<br />

stade de Conakry. Selon plusieurs témoignages recueillis par Human Rigths Watch,<br />

les militaires auraient fait preuve d’une violence inouïe pour intimider les Guinéens<br />

hostiles à l’éventuelle candidature du chef putschiste à la présidentielle de janvier. Ils<br />

auraient tué à l’aveugl<strong>et</strong>te, tabassé <strong>et</strong> violé. « J’ai vu des Bér<strong>et</strong>s rouges attraper des<br />

femmes qui essayaient de fuir, arracher leurs vêtements <strong>et</strong> toucher leurs parties<br />

intimes. D’autres ont battu des femmes, même sur leur sexe. C’était pathétique, les<br />

femmes hurlaient », raconte un témoin. Bilan : plus de 157 tués <strong>et</strong> 1200 blessés. Un<br />

chiffre qui pourrait s’avérer plus élevé. Selon un diplomate français, ces tueries<br />

auraient fait « des centaines de victimes ».<br />

Deux journées de deuil national<br />

Après ce massacre, Dadis Camara a décrété mardi soir, lors de sa première<br />

apparition publique à la télévision d’Etat, deux journées de deuil national. Il a invité<br />

les chefs religieux (musulmans <strong>et</strong> chrétiens) à organiser des prières vendredi <strong>et</strong><br />

dimanche prochains à travers tout le pays. Il a aussi appelé « les leaders d’opinion,<br />

les mass-médias à s’abstenir de propos <strong>et</strong> actes de nature à troubler l’ordre public <strong>et</strong><br />

à ébranler le fondement même de la nation guinéenne ». Il a enfin interdit tout<br />

regroupement à « caractère subversif ».<br />

Dans l’après midi de mardi, Dadis Camara s’est rendu au Centre hospitalouniversitaire<br />

de Donka où sont soignés les blessés. Un lieu gardé par les militaires <strong>et</strong><br />

dont l’accès a été interdit aux journalistes. Le chef putschiste a profité de c<strong>et</strong>te visite<br />

pour accuser les leaders politiques d’« envoyer les populations à la boucherie ».<br />

Mais pour les opposants, la junte militaire qu’il dirige est la seule responsable.<br />

Conakry : une ville morte<br />

Sur le terrain, la vie reprend timidement. La situation financière de nombre de<br />

Conakrykas se complique. « Je n’ai plus de sous à la maison, je me demande<br />

comment faire pour nourrir ma famille le reste de la semaine », confie un jeune père<br />

de famille travaillant à la Guinéenne d’électricité (EDG). Depuis l’événement tragique<br />

de lundi, les commerces, les banques, les stations d’essence sont fermées. Les<br />

militaires sont toujours visibles aux carrefours, <strong>et</strong> patrouillent dans les rues.<br />

Le massacre de lundi est l’un des plus graves perpétrés en une seule journée,<br />

depuis un quart de siècle en Guinée.


La Guinée, « otage » du capitaine Dadis Camara ?<br />

« Je suis entre le marteau <strong>et</strong> l’enclume », a confié mercredi le président guinéen, le<br />

capitaine Dadis Camara, sur les antennes de la chaîne française d’information en<br />

continu France 24. « Je suis dans le dilemne : soit je ne suis pas candidat <strong>et</strong> il y a<br />

des problèmes, soit je suis candidat <strong>et</strong> il y a des problèmes ». Des propos réitérés à<br />

l’AFP <strong>et</strong> à RFI qui l’ont interviewé dans la même journée. Le chef du Conseil national<br />

pour la démocratie <strong>et</strong> le développement (CNDD) a déclaré être « l’otage » de l’armée<br />

<strong>et</strong> du peuple. « Ils (les militaires) disent : "si tu laisses le pouvoir, nous, nous allons le<br />

prendre". Une partie du peuple dit "Dadis ne doit pas être candidat" (...), une partie<br />

du peuple dit qu’il faut que Dadis soit candidat » a-t-il poursuivi, avant d’affirmer : « Si<br />

je quitte le pouvoir aujourd’hui, la Guinée ne connaîtra pas la paix (...) ». La société<br />

civile guinéenne représentée par le Forum des forces vives, l’Union africaine, l’Union<br />

européenne, les Nations unies ont pourtant invité le chef militaire à renoncer à une<br />

éventuelle candidature aux présidentielles de janvier 2010. Il avait promis qu’il n’y<br />

participerait pas lors de son accession au pouvoir en décembre 2008.<br />

L’« otage », tiraillé, tente néanmoins de se montrer conciliant depuis les massacres<br />

du lundi 28 septembre qui ont fait, selon la société civile guinéenne, au moins 157<br />

morts. Le ministère de l’Intérieur en a seulement dénombré 57. Dans un<br />

communiqué publié mercredi, la junte militaire a annoncé la formation imminente<br />

d’un gouvernement d’union nationale « intégrant l’ensemble des partis politiques,<br />

chargés de gérer la transition ». Une proposition déjà balayée par l’opposant guinéen<br />

Sydia Touré, leader de l’Union des forces républicaines (UFR), blessé lors des<br />

manifestations. « Ça ne nous préoccupe pas actuellement. En ce moment, nous<br />

sommes préoccupés par nos morts », a-t-il déclaré.<br />

Un gouvernement d’union nationale<br />

Autre résolution du CNDD : l’ouverture prochaine d’une enquête nationale <strong>et</strong><br />

internationale en collaboration avec les Nations unies sur les évènements du 27<br />

janvier 2007 <strong>et</strong> ceux du 28 septembre <strong>2009</strong>. La junte propose également la<br />

désignation d’un sage président africain pour conduire une médiation en Guinée.<br />

Mercredi, Navi Pillay, la Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’Homme<br />

prenait note de « la décision des autorités guinéennes de mener une enquête » tout<br />

en insistant « sur le fait qu’il est essentiel que c<strong>et</strong>te enquête soit indépendante <strong>et</strong><br />

impartiale ». « Le bain de sang de lundi ne doit pas ajouter au climat d’impunité qui<br />

règne depuis des décennies dans le pays », a-t-elle souligné. De même, l’Union<br />

européenne envisage des « sanctions ciblées » contre « les auteurs des violences ».<br />

Elles devraient être officialisées le 9 octobre prochain.<br />

Une chape de plomb règne toujours sur Conakry. Cellou Dalein Diallo, l’ancien<br />

Premier ministre, leader de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UDFG) <strong>et</strong><br />

candidat à l’élection présidentielle de janvier prochain, n’a pu quitter son pays<br />

mercredi pour la France. Il devait y recevoir des soins après avoir été pris à parti par<br />

les militaires lors de la manifestation de lundi dernier. Reporters sans frontières a<br />

également exprimé son inquiétude quant au sort des journalistes Mouctar Bah,<br />

correspondant en Guinée pour l’Agence France-Presse (AFP) <strong>et</strong> Radio France


Internationale (RFI), <strong>et</strong> Amadou Diallo, de la British Broadcasting Corporation (BBC).<br />

Ils ont reçu des menaces de mort pour avoir couvert les massacres de lundi.


Comment sauver la Guinée de son armée<br />

Par Gilles O. Yabi*<br />

De j<strong>et</strong>er aux orties les arguments fallacieux qui visent à diluer les responsabilités des<br />

coupables. De dénoncer <strong>et</strong> de couvrir d’opprobre les personnalités civiles qui<br />

continuent à faire équipe avec la junte de Moussa Dadis Camara. Et de concentrer<br />

tous les efforts sur la définition d’une stratégie pour faire partir la junte <strong>et</strong> protéger la<br />

population guinéenne de son armée.<br />

Ignorer les arguments fallacieux<br />

Que le capitaine Dadis Camara multiplie les interventions médiatiques pour dire<br />

qu’« il ne contrôle pas toutes les activités de c<strong>et</strong>te armée » <strong>et</strong> dénoncer les leaders<br />

de l’opposition qui auraient « poussé les enfants à la boucherie » n’étonne pas<br />

vraiment. La couarde tactique qui consiste pour les bourreaux à transférer la<br />

responsabilité de leurs actes <strong>et</strong> de ceux de leurs affidés sur le dos de leurs victimes<br />

est aussi vieille que le monde. Cela perm<strong>et</strong> d’instiller un léger doute dans quelques<br />

esprits fragiles qui peuvent commencer à se demander si les responsabilités ne sont<br />

pas effectivement partagées. La manœuvre est pourtant grossière. Entendre<br />

quelques voix en Guinée <strong>et</strong> en dehors évoquer l’irresponsabilité des leaders de<br />

l’opposition <strong>et</strong> de la société civile qui ont maintenu la manifestation pacifique dans le<br />

stade du 28 septembre malgré l’interdiction décidée par la junte est affligeant.<br />

Les groupes de partisans de Dadis arrosés de bill<strong>et</strong>s de banque peuvent donc<br />

manifester quand bon leur semble, mais pas les autres. Si ces derniers bravent<br />

l’interdiction des « autorités » <strong>et</strong> se font massacrer par des militaires nullement en<br />

danger, il s’agirait donc d’un suicide collectif. Ce serait bien sûr leur faute sinon celle<br />

des leaders qui les ont mobilisés. Le raisonnement est d’autant plus spécieux que,<br />

c<strong>et</strong>te fois, presque toutes les personnalités politiques de l’opposition étaient venues<br />

participer au rassemblement se sont fait amocher par les militaires <strong>et</strong> embarquer<br />

comme des malpropres. Elles ont pris le risque d’accompagner à l’abattoir leurs<br />

« enfants », une cinquantaine de milliers de personnes tout de même.<br />

Dadis a-t-il envoyé ses hommes avec l’intention d’effrayer les manifestants en tirant<br />

en l’air, d’en tuer juste quelques-uns pour donner un signal fort ? D’en éliminer une<br />

cinquantaine ? Une centaine ? De dénuder <strong>et</strong> de violer quelques femmes qui ne<br />

respectent pas l’autorité des militaires ? Contrôle t-il son armée ou est-il dépassé <strong>et</strong><br />

pris en otage ? En réalité, la réponse à c<strong>et</strong>te question a très peu d’intérêt. C’est son<br />

problème à lui. Epiloguer sur ces interrogations ne fait que divertir de ce qui devrait<br />

constituer l’objectif principal : faire partir c<strong>et</strong>te junte le plus tôt possible.<br />

Sommer les personnalités civiles du pouvoir de choisir leur camp<br />

Où sont les membres civils du gouvernement guinéen ? Quelqu’un a-t-il entendu une<br />

déclaration du Premier ministre Kabiné Komara ? Qu’attendent les ministres civils<br />

pour donner leur démission ? Ils pouvaient jusque-là justifier leur association avec la


junte par les engagements honorables <strong>et</strong> démagogiques initialement pris par c<strong>et</strong>te<br />

dernière mais les masques ne sont-ils pas maintenant tombés ? À quel moment<br />

réaliseront-ils que les costumes soyeux que leur garantit leur participation au pouvoir<br />

commencent à être tachés des gouttel<strong>et</strong>tes de sang des victimes massacrées par les<br />

galonnés qu’ils servent avec déférence ?<br />

Ne tombons pas dans le piège de la confusion des responsabilités dénoncé plus<br />

haut. Les personnalités civiles du gouvernement ne sont pas responsables des<br />

tueries du 28 septembre. Elles ne s’imaginaient sans doute pas que la première<br />

grande manifestation contre la junte s’achèverait dans un tel bain de sang.<br />

Maintenant, elles savent. Elles savent non seulement que les militaires ont l’intention<br />

de conserver le pouvoir avec ou sans élections mais également qu’ils sont prêts à<br />

marcher sur les cadavres de leurs compatriotes pour y arriver.<br />

Si les anciens fonctionnaires internationaux <strong>et</strong> autres « élites » associés au<br />

gouvernement actuel continuent à servir d’alibi civil à la junte en conservant leurs<br />

positions, ils seront de facto complices de tous les actes futurs de Dadis <strong>et</strong> devront<br />

être traités comme tels. Les forces politiques <strong>et</strong> sociales guinéennes meurtries par la<br />

répression doivent cesser de se montrer accommodantes envers celles <strong>et</strong> ceux qui<br />

sont prêts à servir tous les pouvoirs aussi brutaux <strong>et</strong> médiocres soient-ils, <strong>et</strong> à<br />

défendre, toute honte bue, l’indéfendable. Voici venu le moment de choisir : le confort<br />

matériel des fonctions ministérielles <strong>et</strong> le déshonneur ou la démission <strong>et</strong> l’association<br />

au front du refus de l’imposture kaki.<br />

Elaborer une stratégie pour faire partir la junte <strong>et</strong> protéger la population<br />

C’est le défi le plus rude. Il n’y a pas de solution facile à la crise guinéenne. Le<br />

pourrissement de la situation, <strong>et</strong> en particulier celui de l’armée, a atteint un tel degré<br />

qu’il est aujourd’hui atrocement compliqué de proposer une stratégie viable aux<br />

acteurs guinéens <strong>et</strong> aux acteurs internationaux. Deux buts doivent en eff<strong>et</strong> être<br />

simultanément poursuivis : le départ le plus tôt possible de la junte dirigée par Dadis<br />

Camara <strong>et</strong> l’éloignement durable des militaires du pouvoir politique. La tuerie du 28<br />

septembre est en eff<strong>et</strong> le résultat d’au moins deux facteurs distincts. L’un est<br />

conjoncturel. C’est la détermination des chefs de l’actuelle junte à s’accrocher au<br />

pouvoir. L’autre est structurel. Il s’agit de c<strong>et</strong>te culture de violence, d’impunité <strong>et</strong> de<br />

toute puissance de l’armée qui constitue le pire cadeau empoisonné de Lansana<br />

Conté à son pays. Point d’espoir pour la Guinée si on ne s’attaque pas à ces deux<br />

problèmes.<br />

Comment faire partir la junte actuelle ? Le rapport de forces interne est clair : des<br />

dizaines de milliers de Guinéennes <strong>et</strong> des Guinéens au mieux armés de bâtons face<br />

à des unités de militaires <strong>et</strong> une meute de miliciens dotés d’armes automatiques <strong>et</strong><br />

de stocks de munitions. Imaginons un instant un déferlement monstrueux de<br />

plusieurs milliers de manifestants sur le camp militaire Alpha Yaya Diallo de Conakry<br />

qui sert également de palais présidentiel pour Dadis. Un tel mouvement pourrait<br />

emporter la junte mais ferait sans doute plusieurs centaines de morts <strong>et</strong> plongerait la<br />

capitale, voire tout le pays dans une sanglante anarchie pendant plusieurs semaines.<br />

Une alternative moins chaotique serait le renversement de l’actuelle junte par une<br />

autre. Outre le fait qu’un tel scénario se traduirait probablement par un carnage au<br />

sein de l’armée, le nouvel homme fort aurait autant de chances d’être meilleur que


Dadis que d’être pire que ce dernier (oui cela est possible).<br />

Même dans le sous-scénario le plus optimiste, celui d’une prise de pouvoir par un<br />

groupe de militaires totalement alignés sur la position des leaders politiques, il leur<br />

serait extrêmement difficile de reprendre le contrôle de tous les soldats enivrés par<br />

leur monopole du droit de tuer. De plus, un contre coup d’Etat militaire, fût-il mené<br />

par un officier « gentil » convaincu de ce que devrait être le rôle d’une armée en<br />

démocratie, ne résoudra pas le problème structurel. Si par miracle une élection<br />

présidentielle crédible était organisée en Guinée dans les prochains mois par un<br />

gouvernement civil ou militaire <strong>et</strong> qu’un chef d’Etat civil se faisait élire, quelle serait<br />

son espérance de vie au pouvoir face à l’armée ? Il faut se débarrasser de Dadis<br />

certes, mais cela ne suffira pas à délivrer la Guinée du cycle de la violence <strong>et</strong> de<br />

l’instabilité.<br />

Toutes les organisations internationales <strong>et</strong> les grands pays du monde ont rivalisé de<br />

mots forts pour exprimer leur indignation. La France a suspendu sa coopération<br />

militaire. Avant le massacre, l’Union africaine (UA) avait déjà promis des sanctions à<br />

la junte si Dadis ne renonçait pas par écrit à sa volonté de se porter candidat. La<br />

Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) durcit<br />

également le ton. Il en était temps. L’Union européenne se prépare à prendre des<br />

sanctions ciblées. Tout cela est bel <strong>et</strong> bien. Il faut tout essayer pour isoler la junte.<br />

Les appels à la création d’une commission d’enquête internationale sur les<br />

évènements du 28 septembre font cependant rire jaune. Le temps que New York,<br />

Genève, Addis Abeba, Abuja <strong>et</strong> Conakry s’entendent sur les modalités de la mise en<br />

place d’une telle commission, on sera au mieux dans le troisième trimestre 2010,<br />

sinon en 2011. Le capitaine Camara le sait tellement bien qu’il n’arrête pas d’appeler<br />

lui-même à la constitution d’une commission. Le défunt Lansana Conté avait accepté<br />

le principe d’une commission d’enquête indépendante nationale sur les tueries de<br />

janvier <strong>et</strong> février 2007 qui n’a jamais pu débuter ses travaux. Quant à la perspective<br />

d’une saisine de la Cour pénale internationale, elle effraie sans doute davantage<br />

mais il faudra aller chercher les criminels présumés <strong>et</strong> surarmés à Conakry.<br />

C’est toujours avec une certaine consternation qu’on se trouve contraint de<br />

recommander une opération militaire internationale de plus dans un pays africain.<br />

C’est avec une tristesse encore plus grande qu’on le fait pour le premier pays africain<br />

francophone à avoir réclamé son indépendance. La situation de la Guinée<br />

aujourd’hui l’exige pourtant. Les acteurs guinéens <strong>et</strong> extérieurs doivent utiliser tous<br />

les moyens pour obtenir le départ de Dadis. Mais s’ils veulent donner une chance à<br />

la Guinée d’échapper au coup d’Etat permanent, la CEDEAO, l’UA <strong>et</strong> l’ONU doivent<br />

aller plus loin <strong>et</strong> décider dès maintenant de l’envoi d’une mission qui inclut une<br />

composante militaire dissuasive, en comprimant au maximum les délais habituels de<br />

préparation. Ce n’est pas tant le fait d’envoyer des troupes sur le terrain que le<br />

message qui serait donné par l’annonce d’une telle décision qui pourrait faire bouger<br />

les lignes à Conakry.<br />

L’armée guinéenne restera une menace pour la sécurité des populations civiles<br />

pendant un bon moment. Il faudra vivre avec c<strong>et</strong>te armée <strong>et</strong> créer progressivement<br />

les conditions de sa réforme profonde. Cela prendra du temps <strong>et</strong> de formidables<br />

efforts. Le premier préalable est d’envoyer sur place une force extérieure armée pour


atténuer le sentiment de toute puissance des tueurs. La majorité des décideurs<br />

africains <strong>et</strong> non africains ont horreur des propositions « radicales » décrétées<br />

irréalistes <strong>et</strong> préfèrent le type de solutions que vient de proposer sans vergogne<br />

Camara : une commission d’enquête, un « sage » président africain comme<br />

médiateur <strong>et</strong> un gouvernement d’union nationale. Dans la même déclaration<br />

« d’apaisement », le capitaine menace les leaders politiques <strong>et</strong> interdit tout<br />

« regroupement à caractère subversif ». Avaler de telles couleuvres, c’est consentir à<br />

voir s’amonceler à intervalles réguliers les cadavres défigurés de centaines de<br />

Guinéennes <strong>et</strong> de Guinéens.<br />

______________________________<br />

• Ancien analyste politique au sein du bureau Afrique de l’Ouest de<br />

l’International Crisis Group notamment en charge de la Guinée, Gilles Yabi est<br />

consultant indépendant.<br />

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