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Mohamed Dib - Al-Djazaïr

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14<br />

D. deVillepin:<br />

«Le dialogue<br />

n’a jamais cessé entre<br />

nos deux cultures».<br />

Dans le cadre de cette rubrique, dont<br />

l’objet est de donner la parole à nos partenaires<br />

français, <strong>Djazaïr</strong> 2003 reproduit<br />

compte tenu de son importance, le<br />

discours du Ministre français des<br />

Affaires étrangères, prononcé lors de la<br />

conférence de presse du 6 novembre<br />

dernier à Paris, pour le lancement de<br />

l’Année de l’<strong>Al</strong>gérie en France.<br />

I<br />

l y a deux ans, les Présidents<br />

Jacques Chirac et Abdelaziz<br />

Bouteflika ont souhaité que la<br />

France et l’<strong>Al</strong>gérie se donnent<br />

rendez-vous en 2003, pour “sceller les retrouvailles<br />

des deux pays”. “<strong>Djazaïr</strong>, une Année de<br />

l’<strong>Al</strong>gérie en France” ne sera pas, vous l’imaginez<br />

bien, un rendez-vous comme les autres. Il s’agit<br />

d’un rendez-vous ardemment espéré, longtemps<br />

attendu, longuement préparé.<br />

Il s’agit, aussi, d’un parti pris courageux.<br />

Courageux parce que notre monde vit à l’heure<br />

de tous les dangers. Les nouvelles menaces qui<br />

pèsent sur notre avenir se font plus pressantes,<br />

et l’on assiste à un retour de tentations qui, dans<br />

l’histoire, ont toujours mené au pire. La tentation<br />

du repli sur soi, du réveil des identités<br />

agressives ou guerrières, en réaction à un<br />

monde qui tend à s’uniformiser. La tentation<br />

aussi de la fuite en avant, du recours à la force,<br />

de l’affrontement. L’Année de l’<strong>Al</strong>gérie va exactement<br />

à l’opposé de ces tentations. Son ambition<br />

est d’ouvrir le champ du dialogue, d’instaurer<br />

le partage et la culture au cœur des relations<br />

entre les peuples. Car l’art est toujours le ferment<br />

du changement. Il est le trait d’union<br />

entre les nations et les individus. Il guide la<br />

conscience des peuples, comme l’étoile guide le<br />

voyageur. C’est un parti pris courageux, du fait<br />

aussi des liens passionnels que l’histoire a tissés<br />

entre nos deux pays, unis à la fois par une fascination<br />

et une affection réciproques, à la fois par<br />

des souvenirs d’épreuves et de douleurs. Je<br />

pense aux <strong>Al</strong>gériens, aux rapatriés et aux harkis.<br />

A tous ceux qui ont souffert. Nous ne devons ni<br />

ne voulons occulter les pages difficiles de cette<br />

relation.<br />

Un album que nous<br />

aspirons à redécouvrir<br />

Au regard de l'Histoire, la France et l'<strong>Al</strong>gérie<br />

ont manqué plus d'un rendez-vous. Car le dialogue<br />

n'est jamais simple, lorsqu'il s'instaure<br />

dans le doute et le désarroi. Il faut du temps<br />

pour parvenir à la reconnaissance de l’autre,<br />

pour adhérer à cette phrase de Mohammed <strong>Dib</strong>:<br />

«Les hommes sont semblables et différents, nous<br />

les décrivons différents pour qu’en eux vous<br />

reconnaissiez vos semblables». Pourtant, le dialogue<br />

n'a jamais cessé entre nos deux cultures,<br />

transcendant les disciplines et se fécondant en<br />

une multitude de regards croisés. Il nous revient<br />

à tous des images, des bribes éparses de ce dialogue<br />

morcelé, lacunaire, formant les fragments<br />

d’un album formé de mots, d’images, de<br />

musiques familières, que nous aspirons aujourd’hui<br />

à redécouvrir.<br />

Dans cet album, on retrouverait la figure de<br />

l’Emir Abdel Kader, soldat indomptable et chevalier<br />

mystique. On y verrait le peintre Etienne<br />

Dinet, né à Paris, enterré à Bou Saada, après sa<br />

conversion à l'islam et qui fut à l'origine de la<br />

création de la Mosquée de Paris. On y verrait<br />

Eugène Fromentin parcourant l'<strong>Al</strong>gérie, mais<br />

aussi Baya, née à <strong>Al</strong>ger, au talent célébré par<br />

André Breton et exposant à la galerie Maëght en<br />

1947, ouvrant la voie à la prodigieuse explosion<br />

de l’art algérien d’aujourd’hui, l’un des plus<br />

vivants et des plus imaginatifs de l’espace méditerranéen.Il<br />

y aurait aussi une bibliothèque idéale<br />

où se poursuivraient, autour de la revue<br />

Fontaine, de rudes passes d'armes entre <strong>Al</strong>bert<br />

Camus et Kateb Yacine et des conversations plus<br />

feutrées entre <strong>Mohamed</strong> <strong>Dib</strong> et Max-Pol<br />

Fouchet ou Jean Amrouche. Il y aurait ensuite la<br />

symphonie algérienne de Camille Saint-Saëns,<br />

répondant à la musique du film Pépé le Moko<br />

composée par <strong>Mohamed</strong> Iguerbouchen. Et, les<br />

images se bousculant, on reverrait Mohammed<br />

Lakhdar-Hamina recevant la Palme d’Or à<br />

Cannes en 1975 pour la “chronique des années<br />

de braise”, l’œuvre de Picasso honorée à <strong>Al</strong>ger<br />

en 1988, et, toujours inscrites dans le paysage<br />

algérien d’aujourd’hui, les architectures de<br />

Fernand Pouillon fasciné par le M’zab.<br />

Il nous faut aujourd’hui reprendre le fil de ce<br />

dialogue, de cette effervescence artistique qui<br />

mène à la découverte d'un héritage commun.<br />

Car nos sociétés sont plus que jamais<br />

empreintes d’un profond brassage humain et<br />

culturel, fortes de cette proximité géographique,<br />

mais surtout, comme l’avait souligné<br />

Jacques Berque, “historique et essentielle”, à<br />

partir de laquelle l’âme de nos peuples se mêle<br />

intimement. La France et l’<strong>Al</strong>gérie ont besoin de<br />

se retrouver. Elles ont besoin de pouvoir mettre<br />

des mots, des gestes, des images, des musiques,<br />

sur ce qui pendant trop longtemps n’a pas été<br />

exprimé. C’est à nous, Français et <strong>Al</strong>gériens, de<br />

savoir maintenant reprendre l’histoire en<br />

<strong>Djazaïr</strong> ▲ numéro 4

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