livret - Collège Barbey d'Aurevilly
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Pourquoi ces jeunes filles ont été déportées?<br />
Hélène et Nelly Rechtchaft Claudine Guérin Denise Holstein<br />
Vous croyez que cela peut nous arriver ?<br />
Lucie Lerebourg Jérémy Gillé Agathe Lesueur Hortense Menguy
CONCOURS NATIONAL DE LA RESISTANCE<br />
ET DE LA DEPORTATION 2008-2009<br />
« Les enfants et les adolescents dans le système concentrationnaire nazi.»<br />
Travail collectif ; 5 ème catégorie ; classe de 3 ème :<br />
Réalisé par :<br />
Sous la direction de :<br />
- Lucie Lerebourg 3°2<br />
- Agathe Lesueur 3°2<br />
- Hortense Menguy 3°2<br />
- Jéremy Gillé 3°5<br />
-Mme Patricia Joaquim, professeur d'Histoire<br />
-Mme Geneviève Tasso, professeur documentaliste<br />
<strong>Collège</strong> <strong>Barbey</strong>-<strong>d'Aurevilly</strong><br />
37 Boulevard de la Marne<br />
76000 ROUEN
Merci à Madame Denise Holstein<br />
qui, par son témoignage vivant et déterminant sur sa déportation à Auschwitz ainsi que son statut<br />
d’ancienne élève du Lycée Jeanne d’arc, nous a amenés à nous intéresser à cette terrible période<br />
de notre histoire et à participer au concours national de la Résistance et de la Déportation.<br />
Merci à Madame Françoise Bottois<br />
pour son implication et son travail et pour tous les documents très précieux qu’elle nous a<br />
communiqués et dans lesquels nous avons pu puiser et trouver de nombreux éléments pour<br />
l’avancée de nos recherches.<br />
Merci à Madame Colette Rousselle<br />
de nous avoir prêté les lettres de son amie Hélène Rechtchaft et celle de Madame Rechtchaft,<br />
pendant la guerre et d'avoir apporté son témoignage qui permet ainsi aux élèves du collège<br />
<strong>Barbey</strong> <strong>d'Aurevilly</strong> de connaître les conditions douloureuses que ces jeunes filles ont subies durant<br />
l'occupation nazie.
Sommaire<br />
I- Hélène Rechtchaft, avec le témoignage de Mme Rousselle.<br />
II- À la recherche d’informations sur Claudine Guérin, déportée pour fait de<br />
résistance<br />
- Le témoignage de Madame Fainstein, qui a connu Lucie Guérin, mère de Claudine.<br />
- Claudine Guérin : son arrestation, sa déportation.<br />
- Claudine Guérin à Auschwitz.<br />
III- Le système concentrationnaire décrit par Mme Denise Holstein dans son livre<br />
« Je ne vous oublierai jamais, mes enfants d’Auschwitz… »<br />
De l’arrestation à l’arrivée au camp d'Auschwitz-Birkenau.<br />
- Le jour de son arrestation.<br />
- La nuit de la sélection.<br />
- Que sont devenus ceux qui n’étaient pas aptes à travailler?<br />
Qui sommes-nous ?<br />
- Une humiliante mise à nue.<br />
- A 16 727 .<br />
- Une épreuve supplémentaire : Les appels.<br />
- Et quand on est malade?<br />
- L’arrivée du Docteur Mengele : une épreuve supplémentaire.<br />
- Vivre dans des baraques.<br />
- La faim est toujours là.<br />
La soif est une torture<br />
- Aucune hygiène, aucune intimité.<br />
Un système incompréhensible sadique et odieux<br />
L’imagination des tortionnaires est infinie<br />
- L’épuisement par le travail forcé<br />
- Dans la fabrique de fouets…<br />
Le départ et la libération<br />
-Son départ du camp de Birkenau pour Bergen-Belsen, la marche de la mort<br />
IV- Aujourd’hui en 2009 …<br />
Comment survivre après une telle épreuve ?<br />
Qu'en est-il de la situation des enfants dans le monde en 2009, année de célébration du 50ème<br />
anniversaire des droits de l'enfant et du 20ème anniversaire de la convention des droits de<br />
l'enfant ?<br />
- La Convention internationale des droits de l'enfant<br />
- Des enfants détenus encore aujourd’hui ? Dans quelles conditions ?
Nous sommes quatre collégiens, Hortense, Agathe, Lucie et Jeremy du collège<br />
<strong>Barbey</strong> d’Aurévilly de Rouen.<br />
Nous participons au concours de la résistance dont le thème est cette année :<br />
« Les enfants et les adolescents dans le système concentrationnaire nazi.»<br />
Nous avons choisi de faire des recherches sur quatre jeunes filles qui ont vécu cette épreuve.<br />
Nous ne les avons pas choisies par hasard : leurs noms figurent sur des plaques commémoratives<br />
de notre collège.<br />
En 1946, 17 noms ont été gravés en mémoire des morts en déportation. Cette plaque est dans le hall<br />
d’honneur de notre établissement, qui fut le lycée Jeanne D’Arc de Rouen de 1882 à 1974.<br />
1
Sur cette plaque aurait pu s’ajouter aussi le nom de Denise Holstein.<br />
Il est inscrit sur le mur de notre salle polyvalente, qui porte d’ailleurs son nom et a été inaugurée le<br />
16 janvier 2003, en présence de cette «miraculée».<br />
Elle fut élève, elle aussi, du lycée Jeanne D’Arc, et fut déportée à Auschwitz, mais des<br />
quatre, elle est la seule à en être revenue.<br />
Après un silence de 50 ans, Mme Holstein à la demande de Serge Klarsfeld, a raconté ce<br />
qu’elle avait vécu.<br />
Elle a écrit un livre «N’oubliez pas les enfants d’Auschwitz» et a enregistré une cassette<br />
«le passage du témoin» que nous avons lu et entendu.<br />
Son témoignage nous a ainsi permis de découvrir les atrocités subies par :<br />
Claudine Guérin, Hélène et Nelly Rechtchaft, elles aussi élèves alors au lycée Jeanne D’arc.<br />
Claudine a été déportée car elle était résistante communiste.<br />
Ce que nous savons d’Hélène et Nelly Rechtchaft nous le devons à Mme Rousselle,<br />
ancienne élève du lycée, qui en mars 2008 a tenu à apporter son témoignage sur ses camarades<br />
disparues.<br />
2
I- Hélène Rechtchaft, avec le témoignage de Mme Rousselle.<br />
En mars 2008, le principal de notre collège, M. Formule, a reçu une lettre d’une ancienne élève du<br />
lycée, Madame Rouselle qui tenait à apporter son témoignage sur ses amies disparues.<br />
Hélène,<br />
J'avais huit ans. J'allais pour la première fois à l'école, au beau milieu de l'année.<br />
Un peu perdue. Tu étais déjà là, très brune et typée, tout le contraire de moi. Tu avais un nom<br />
impossible à prononcer. Mais pour moi, tu fus simplement Hélène, mon amie.<br />
Nous nous sommes suivies, de classe en classe. Et puis la guerre est arrivée et avec elle, les<br />
jours mauvais.<br />
Mai 1940, la débâcle, l'exode. Tu nous avais rejoints au bout de la Bretagne, dans notre<br />
vieille maison. Là-bas, c'était le calme, le soleil, la mer. On oubliait le chaos. Mais toi, déjà inquiète<br />
tu me disais : «Comme je voudrais m'appeler Dupond, Durand, comme toi!». Je ne comprenais pas<br />
bien...<br />
Il a fallu rentrer. La ville détruite. Le lycée occupé. Et puis ce furent les tracas quotidiens,<br />
les queues les alertes et les hivers si froids. Et parfois placardée, sur les murs, une affiche<br />
allemande, sinistre, avec en gras caractères noirs,<br />
«ERSHOSSEN». *<br />
Un jour de 1942, tu es arrivée avec l'étoile Maléfique au revers de ta jolie veste bleue.<br />
Et une fois, un sale type nous a injuriées toutes les deux dans la rue. Les malheurs ont commencé.<br />
Une nuit, ils ont emmené ton papa, Élie. Et puis ce fut le tour de ta maman. Alors tu es<br />
restée seule avec ta petite soeur dans une famille amie. Tu me disais: «J'ai peur d'entendre des bruits<br />
de bottes devant la porte». Mais tu travaillais toujours vaillamment, poursuivant tes études.<br />
Juillet 1942. Nous avions seize ans toutes les deux. Le bac de première passé, ce fut la<br />
distribution des Prix, solennelle, comme toujours à l'époque, avec Préfet, autorités, discours, un peu<br />
d'angoisse aussi à l'appel de son nom. Tu fus nommée à ton tour :<br />
Classe de 1 ère A<br />
Prix d'excellence<br />
Hélène Rechtaft<br />
Et on te vit monter fièrement sur l'estrade avec ton<br />
étoile jaune, pour aller recevoir tous tes prix, sous les<br />
applaudissements de toute la salle.<br />
Et puis, une nuit de janvier 1943 ils t'ont emmenée, toi<br />
aussi.<br />
Ils t'ont traînée avec ta petite soeur dans l'hiver, le froid,<br />
le noir, pour aller Dieu sait où. Je ne t'ai plus revue.<br />
Mais j'ai vu l'autre jour, en janvier 2005, lugubre sous<br />
la neige, là-bas, le lieu maudit, où tu as disparu.<br />
Ershossen = fusillé<br />
Mars 2005<br />
Hélène et Nelly (Photo Mme Rousselle)<br />
3
Mme Rouselle, née Colette Dupont nous a confié trois lettres écrites par Hélène et une par sa mère<br />
de mai 1940 à juillet 1942.<br />
Ces témoignages nous permettent de découvrir la défaite militaire des armées françaises, l’Exode,<br />
l’Occupation et enfin les lois discriminatoires à l’encontre de la population juive rouennaise.<br />
Comme beaucoup de familles rouennaises Hélène et<br />
sa famille vivent l’exode de mai 1940 :<br />
Le 25 mai 1940, Hélène écrit à son amie Colette<br />
Dupont qu’elle surnomme«Duponette» : elle ne va<br />
plus en classe, ni à Rouen, son père ayant déclaré<br />
qu'il y a «trop de bruit au plafond» entendez trop<br />
d’avions ; et la situation est telle que sa famille<br />
songe elle aussi à quitter Petit-Quevilly où ils<br />
habitent au 137 rue Léon Malétra, et où son père<br />
travaille comme ingénieur chimiste.<br />
Une de leur amie commune est déjà partie à<br />
Bordeaux et Hélène demande à Colette si ses parents<br />
peuvent leur trouver un «petit appartement meublé<br />
d’une ou plutôt deux pièces et cuisine, pas trop cher » à<br />
Saint Pierre Quiberon.<br />
4
Le 30 juillet 1940, Colette Dupont reçoit une nouvelle lettre de son amie qui est de retour de<br />
Bretagne : la guerre est perdue, il faut continuer à vivre, les civils se demandent s’ils vont récupérer<br />
leur maison, si elle n’est pas occupée ou détruite.<br />
Hélène décrit Rouen :<br />
«Du train j’ai vu des ponts tombés en ruine, des maisons délabrées, des restes encore fumant, (…)<br />
mais, console Monique la flèche de la cathédrale est restée, la cathédrale est intacte, mais pour la<br />
préserver, les allemands par amitié ont fait sauter à la dynamite toutes les maisons environnantes,<br />
qui d’ailleurs ne flambaient pas. Il y a un pont en bois pour piétons, c’est tout, en face de la Bourse<br />
qui est détruite. Les quais sont en mille morceaux et à chaque coin de rue on aperçoit le spectacle<br />
lamentable des maisons en ruines, écroulées… Les allemands occupent tout. Les avions rasent les<br />
maisons tout le temps, des convois de troupes s’allongent sur les routes en longs filets de camions,<br />
de canons, de motocyclistes. Les rues sont mortes sauf autour de la gare d’Orléans où c’est la<br />
cohue.»<br />
La famille Rechtchaft est victime de la politique antisémite des nazis et du gouvernement de Vichy.<br />
À la suite de premières mesures discriminatoires contre les juifs dès le 17 juillet 1940, le<br />
gouvernement de Vichy édicte le 3 octobre 1940 le premier «statut des juifs» qui leur impose<br />
l’obligation d’être recensés et de posséder une carte d’identité spécifique. A partir de 1941, c’est la<br />
politique massive d’extermination qui est mise en place par les nazis, relayée de façon effroyable<br />
par le régime pétainiste.<br />
Le système concentrationnaire nazi s'installe,en instaurant dans les territoires occupés, donc à<br />
Rouen, chez les civils ,la terreur et l’arbitraire. Les familles juives sont victimes de la politique<br />
raciste et antisémite mise en place, en arrêtant d’abord les hommes, puis en séparant les parents des<br />
enfants. En 1942, Pierre Laval propose la déportation des familles entières. Les enfants ne sont<br />
donc pas épargnés.<br />
C’est ainsi qu’Hélène et sa petite sœur sont séparées de leurs parents : Mme Dupont reçoit une lettre<br />
de la mère d’Hélène qui raconte qu’elle est à Creil, son mari à Drancy et les filles restées à Rouen :<br />
5
Creil le 16 juin 1942.<br />
Je suis tombée chez de braves gens» (...) « J’ai des nouvelles de mes enfants, elles mangent bien,<br />
travaillent bien et se portent bien, c’est l’essentiel.» (...) « J’ai eu quelques mots de mon mari, il<br />
nous encourage toujours et il est heureux de penser que nous sommes restées à Rouen,<br />
malheureusement dans ma dernière carte, j’étais obligée de lui écrire la vérité et je me demande<br />
comment il supportera ce dernier coup. (...) Il se prépare toujours pour le départ. Où ? Quand ? Il<br />
ne le sait pas.» (...) «Je ne sors pas sauf pour aller pointer chaque semaine au commissariat»<br />
Hélène et Nelly sont donc seules ; le directeur de l’usine de M. Rechtchaft, M. Gondé, les recueille<br />
dans son manoir, rue Léon Malétra.<br />
Le lycée Jeanne d’Arc était occupé par les Allemands: le lycée Corneille recevait donc, le matin les<br />
garçons et les filles l’après-midi. Malgré la situation difficile qu’elles devaient surmonter, Hélène et<br />
Nelly continuent à aller au lycée.<br />
En juillet 1942, Hélène a seize ans, elle a passé le bac et elle est nommée quatorze fois à la<br />
distribution des Prix.<br />
Elle monte chercher ses récompenses avec son étoile jaune dont le port est obligatoire à partir de<br />
l’âge de six ans, depuis l’ordonnance allemande du 28 mai 1942.<br />
6
Hélène est invitée à déjeuner le 13 juillet 1942 chez les parents de Mme Dupont. Cette dernière lui<br />
propose d’écrire une lettre à sa «chère vieille Coucou» qui a voyagé seule pour la première fois,<br />
avec un certificat médical, justifiant ainsi son déplacement, pour aller en Bretagne.<br />
Dans cette lettre Hélène décrit sa vie à Rouen :<br />
«Maman est toujours à Drancy et j’espère qu’elle y restera. En ce moment c’est mon unique souci.<br />
Une fois que j’ai fait ses colis, je tricote, je joue au ping-pong tout comme toi. Et c’est une folie.<br />
Matin et soir on tient la raquette à la main et Mme Gondé peut toujours dire qu’il faut faire du latin<br />
ou autre. On joue, et c’est tout. Le tennis est arrangé aussi mais sommes encore profanes dans cet<br />
art délicat. Après ça je lis. Je me rase sur les théories d’Einstein,<br />
(Elles sont très bien, mais il faut trop de dictionnaires et la mécanique s’enchevêtre dans mon crâne<br />
au point que je ne pense rien en sortir.)(...)<br />
… à Rouen ce n’est pas drôle : arrivée d’Allemands, plats d’Allemands et Allemandes. Et quand je<br />
longe Solferino, on me regarde de travers. J’y suis entrée sans me rappeler que je n’avais pas le<br />
droit, mais j’ai eu froid dans le dos quand je me suis souvenue»<br />
«Ah je voudrais bien flâner au soleil (…) ou grimper sur les menhirs ! Cette mer si bleue les jours<br />
de beau temps, je ne la reverrai sans doute plus. Tant pis»<br />
(Cette dernière phrase est écrite au crayon.)<br />
Fichés, les juifs sont plus facilement identifiables. Lors des rafles de janvier, mai et octobre 1942 et<br />
surtout des 13 au 16 janvier 1943, peu passeront au travers des arrestations. En représailles d’un<br />
attentat qui coûte la vie d’un sous-officier allemand de la Feldkommandantur de Rouen, le préfet<br />
régional André Parmentier donne l’ordre à la police française de rechercher et d’arrêter tous les<br />
juifs du département.<br />
Arrêtés à l’heure du couvre-feu, les juifs sont emmenés au commissariat de leur arrondissement,<br />
puis ils vont à pied jusqu’à la gare pour prendre le train pour Paris, où deux wagons de troisième<br />
classe à couloir en queue de train ont été réquisitionnés. Arrivés à Paris, les Juifs attendent les<br />
autobus réquisitionnés à la gare Saint-Lazare et sont conduits au camp de Drancy jusqu’à nouvel<br />
ordre.<br />
7
Nous avons pris quelques extraits de l'instruction préfectorale de Janvier1943<br />
Instruction préfectorale adressée au commissaire de police de Rouen ordonnant l’arrestation de tous<br />
les juifs de l’agglomération rouennaise, 15 janvier 1943. Fonds du commissariat de police de<br />
Rouen, 3352 W 2.<br />
« La Police Française est chargée des arrestations et des transferts […]<br />
1° Tous les juifs doivent êtres appréhendés : vieillards, femmes, enfants même en bas âge. […]<br />
9° Les femmes juives mariées à des aryens doivent être internées.[…]<br />
11° Les juifs amenés au Centre d’Accueil dans la soirée quitteront Rouen pour Drancy le 16 janvier<br />
par le train de 5h45. […]»<br />
A partir de ce moment, les seuls juifs restés dans le département sont clandestins, certains<br />
rejoignant les rangs de la Résistance.<br />
8
Nous sommes allés aux Archives Départementales, consulter les archives du lycée Jeanne d’Arc, où<br />
nous avons retrouvé les traces des élèves qui nous intéressent.<br />
Nous avons également consulté le «Journal de Rouen», mais dans ce quotidien collaborationniste, il<br />
n’est fait nulle part mention de la rafle du 16 janvier 1943.<br />
Françoise Bottois, dans ses recherches sur l’anéantissement des juifs de Rouen souligne que<br />
«L’administration, la police et la gendarmerie ont collaboré à la déportation des Juifs de Rouen.»<br />
Françoise Bottois précise que ce 16 janvier 1943, quatre élèves du lycée Jeanne d’Arc manquent à<br />
l’appel de l’après-midi : Denise Holstein, 16 ans ; Hélène Rechtchaf dix-sept ans ;<br />
Nelly Rechtchaft, quatorze ans ; et Colette Frauenthal, 11 ans. Nous n’avons pas fait de recherche<br />
sur cette enfant.<br />
Elles sont déportées au camp de Drancy, puis, Hélène et sa petite sœur sont déportées à Auschwitz<br />
dans le convoi 48 ; Denise dans le convoi 77 et Colette dans le convoi 57.<br />
Trois d’entre-elles y sont assassinées.<br />
Serge Klarsfeld établit à 11 516 le nombre d’enfants déportés de France. Parmi eux, près de cent<br />
enfants de moins de quinze ans originaires ou vivant en Normandie sont arrêtés et déportés.<br />
Sur cette centaine, 21 avaient moins de cinq ans.<br />
Hélène et Nelly jouant au ping-pong<br />
9
II- A la recherche d’information sur Claudine Guérin : déportée pour fait de résistance.<br />
1 – Le témoignage de Madame Fainstein, qui a connu Lucie Guérin, mère de Claudine.<br />
Mercredi 28 janvier 2009, nous avons rencontré à l’I.UF.M de Mont-Saint -Aignan, Mme Fainstein,<br />
qui avait été invitée à témoigner devant les professeurs des écoles par M. Roussel, formateur IUFM.<br />
Nouvelle dans ses fonctions d’institutrice, de la promotion 37- 40, elle n’avait que vingt ans quand<br />
elle est nommée dans une école du Havre puis à la campagne au Havre-Mesnil.<br />
André Pican, responsable du parti communiste en Seine-Inférieur, la contacte et la met en rapport<br />
avec un professeur de philosophie de Dieppe, Valentin Felman : elle se voit confier la charge de la<br />
propagande dans son secteur en rédigeant des tracts et des journaux. Il est difficile de se procurer le<br />
matériel nécessaire, le travail se fait de nuit, et il lui faut se mettre à un genre nouveau pour elle : la<br />
littérature clandestine.<br />
Valentin Felman, juif, originaire de St Petersburg, naturalisé de fraîche date, s’engage dans un<br />
groupe armé. Mme Fainstein se retrouve seule pour s’informer, écrire, mettre en page, imprimer et<br />
transporter jusqu’à son livreur de Dieppe.<br />
Journaux clandestins : L'Avenir Normand et le Front National donnés par Mme Fainstein<br />
Fin décembre 1941, elle est arrêtée et interrogée par un commissaire des brigades spéciales.<br />
Elle suit les recommandations qui lui avaient été faites, et ne dit rien pendant les deux premiers<br />
jours de façon à permettre aux autres de se mettre à l’abri. Trahie par son excellente orthographe,<br />
elle endosse la responsabilité de chef et passe devant un juge d’instruction.<br />
Elle séjourne dans une prison de Dieppe puis elle est mise au secret dans la prison de Rouen<br />
le 5 janvier 1942.<br />
Elle est jugée à huis clos par un tribunal de la cour d’appel. Sa mère est présente au jugement car<br />
elle est mineure.<br />
Elle est condamnée à six ans de travaux forcés et reconduite à la prison de Rouen.<br />
10
Là, elle rencontre Lucie Guérin qui avait été arrêtée par les Allemands le 1 er décembre 1941.<br />
Elle aussi était institutrice, elle avait alors 41 ans, et était engagée dans la vie politique et syndicale ;<br />
elle avait adhéré au Parti communiste. Elle participait activement à la Résistance au sein des FTP.<br />
Elle était aussi responsable départementale du Secours Populaire. Elle est condamnée à huit ans de<br />
travaux forcés pour ses activités contre les armées d'occupation.<br />
En avril 1942, elles sont envoyées à la prison centrale de Rennes où elles sont internées comme<br />
détenues politiques.<br />
Elles y restent jusqu’en février 1943, où à la suite d’une inspection de la Gestapo, elles sont jugées<br />
comme des «meneuses semant le trouble». Elles passent une nuit au cachot, redoutant d’être<br />
exécutées, mais, le lendemain, elles sont déplacées dans une camionnette cellulaire. Après une<br />
journée d’un voyage pénible, ballottées à deux dans une cellule individuelle, elles arrivent à la<br />
prison de Chalons en Champagne.<br />
Le 2 mai 1944 elles sont déportées à Ravensbrück, entassées à 60 dans des wagons à bestiaux.<br />
A leur arrivée, elles subissent le «cérémonial» d’usage : déshabillage, rasage, douche. Puis, on leur<br />
donne la tenue du prisonnier : robe à rayures avec son triangle et son matricule.<br />
Mme Fainstein devient le n°39 114.<br />
Les déportées sont entassées dans des baraques, obligées d’apprendre les ordres donnés en<br />
allemand, elles subissent les interminables appels, où les détenues doivent regarder droit devant<br />
eux, au garde à vous et où elles peuvent être brutalisées par des kapos, insupportables appels où<br />
certains s’évanouissent tant ils sont pénibles. Elles ont aussi subi, les humiliantes visites médicales.<br />
Mme Fainstein avait alors 23 ans et un contremaître l’a choisie pour aller travailler en<br />
Tchécoslovaquie à Drédau ; dans la région des Sudètes, il y avait un camp de femmes qui<br />
travaillaient pour Siemens : une usine textile transformée en usine sidérurgique pour la fabrication<br />
de pièces détachées pour l’aviation allemande. Elle est restée 11 mois dans ce camp.<br />
Mme Fainstein, est alors très émue à l’évocation de l’arrivée de jeunes femmes juives de Hongrie.<br />
Beaucoup d’entre-elles avaient le typhus. Celles qui avaient survécues jusqu’alors furent<br />
emmenées, ainsi que trois petits enfants qui se trouvaient alors dans ce camp et qui avaient été<br />
adoptés par les prisonnières. Elle les a vus partir, mais ne jamais revenir…<br />
Elle est libérée le 7 mai 1945.<br />
Son témoignage nous permet d’approcher Lucie Guérin, la mère de Claudine.<br />
Mme Fainstein se rappelle que Lucie était inquiète pour sa fille, Claudine. Son petit garçon était<br />
resté avec sa mère mais elle n’avait pas de nouvelles de sa fille.<br />
11
2 -Claudine Guérin : son arrestation, sa déportation.<br />
Née en Seine-Inférieure le 1 er mai 1925, elle a fait ses études à Trouville et à Rouen au lycée Jeanne<br />
d’Arc.<br />
Sur ces registres du lycée Jeanne d'Arc de 1940 apparaît notamment le nom de Claudine Guérin.<br />
12
Depuis juin 1940, elle participe à la résistance en Seine-Inférieure.<br />
Elle assure des liaisons, transporte des journaux interdits comme "La Vérité" et "L'Avenir<br />
Normand», collecte de la nourriture dans les fermes pour aider ceux qui n’avaient pas de tickets de<br />
ravitaillement.<br />
Mais à côté de ses activités clandestines elle reste une très bonne élève studieuse.<br />
Cependant, sa mère, jugeant la situation dangereuse, la fait rentrer au Lycée Victor Duruy à Paris,<br />
en octobre 1941.<br />
Malgré l’arrestation de sa mère, pour fait de résistance, en décembre 1941, elle reste en liaison avec<br />
les résistants normands mais elle est également arrêtée au lycée Duruy, à Paris, le 17 février 1942<br />
par les policiers des brigades spéciales qui ont trouvé chez Marie Louise Jourdan, sa correspondante<br />
à Paris, une lettre, destinée à André Pican, un de ses amis.<br />
D’après son épouse, Germaine Pican, pendant sa garde à vue à la Préfecture de Police, Claudine<br />
tombe malade, elle a les oreillons.<br />
Elle est hospitalisée à Claude Bernard. Guérie, elle rejoint les autres membres du groupe à la Prison<br />
de la Santé. Elle est maintenue au secret pendant six mois.<br />
Le 1 er mai 1942, elle a 17 ans.<br />
Elle est transférée à Romainville le 24 août 1942.<br />
Le 24 janvier 1943, elle part pour Auschwitz dans le convoi dit des «31000», seul convoi de<br />
déportées politiques envoyé à Auschwitz-Birkenau «le plus grand centre de mise à mort pour les<br />
juifs ».<br />
Elle rejoint dans ce convoi Marie Claude Vaillant Couturier, Hélène Langevin,<br />
Charlotte Delbo-Dubach... Elle est immatriculée sous le numéro 31664 d'où le nom donné à ce<br />
convoi.<br />
Il était composé de 230 femmes dont 50 parisiennes. 49 seulement sur les 230 en reviendront.<br />
13
3- Claudine Guérin à Auschwitz :<br />
NOM PRENOM (S)<br />
NOM DE JEUNE<br />
FILLE<br />
SURNOM<br />
GUERIN CLAUDINE GUERIN INCONNU<br />
NEE LE A CODE POSTAL<br />
DEPARTEMENT /<br />
PAYS<br />
LE 1 er MAI 1925<br />
GRUCHET-LA-<br />
VALASSE<br />
76210 SEINE MARITIME<br />
Musée d’État d'Auschwitz-Birkenau, Oswiecim (Pologne)<br />
Collection Mémoire-Vive, droits réservés.<br />
LES TEXTES EN<br />
ROUGES<br />
SONT LES INFOS<br />
QUI NOUS<br />
MANQUENT<br />
SITUATION<br />
CIVILE<br />
DECEDÉE AU<br />
CAMP<br />
RENTRÉE ET<br />
DÉCÉDÉE<br />
PROFESSION<br />
DÉCÉDÉE LE 25 AVRIL 1943 LYCÉENNE<br />
RÉSEAU<br />
CAUSE DE<br />
L'ARRESTATION<br />
ÉVÈNEMENT LIÉ<br />
PARIS - ILE DE FRANCE - F.N.R. -<br />
AFFAIRE PICAN<br />
FAITS DE RÉSISTANCE<br />
MÈRE DÉPORTÉE À<br />
RAVENSBRUCK<br />
DOCS<br />
14
Le Lundi 26 janvier 1946, Marie Claude Vaillant Couturier évoque devant le tribunal de Nuremberg,<br />
le souvenir de Claudine Guérin.<br />
Madame VAILLANT-COUTURIER : Je suis partie pour Auschwitz le 23 janvier et arrivée le 27.<br />
Monsieur DUBOST : Vous faisiez partie d'un convoi ?<br />
Madame VAILLANT-COUTURIER : Je faisais partie d'un convoi de 230 françaises. Il y avait<br />
parmi nous Danielle Casanova qui est morte à Auschwitz, Maï Politzer, qui est morte à Auschwitz,<br />
Hélène Salomon. Il y avait de vieilles femmes...<br />
Monsieur DUBOST :- Quelle était leur condition sociale ?<br />
Madame VAILLANT-COUTURIER : Des intellectuelles, des institutrices, un peu de toutes les<br />
conditions sociales. Maï Politzer était médecin ; elle était la femme du philosophe Georges<br />
Politzer. Hélène Salomon est la femme du physicien Salomon ; c'est la fille du professeur Langevin.<br />
Danielle Casanova était chirurgien-dentiste et elle avait une grande activité parmi les femmes ;<br />
c'est elle qui a monté un mouvement de résistance parmi les femmes de prisonniers.<br />
Monsieur DUBOST : Combien êtes-vous revenues sur 230 ?<br />
Madame VAILLANT-COUTURIER : 49. Il y avait dans le transport, de vieilles femmes ; entre<br />
autres, je me souviens d'une de 67 ans, arrêtée pour avoir eu dans sa cuisine le fusil de chasse de<br />
son mari, qu'elle gardait en souvenir et qu'elle n'avait pas déclaré pour qu'on ne le lui prenne pas.<br />
Elle est morte au bout de 15 jours à Auschwitz.<br />
Le Président : Vous avez dit que seulement 49 étaient revenues. Voulez-vous dire que seulement 49<br />
sont arrivées à Auschwitz ?<br />
Madame VAILLANT-COUTURIER : Non, seulement 49 sont revenues en France.<br />
Il y avait également des infirmes, en particulier une chanteuse qui n'avait qu'une jambe.<br />
Elle a été sélectionnée et gazée à Auschwitz.<br />
Il y avait aussi une jeune fille de 16 ans, une élève de lycée, Claudine Guérin. Elle est morte<br />
également à Auschwitz. Il y avait aussi deux femmes qui avaient été acquittées par le Tribunal<br />
militaire allemand ; elles s'appellent Marie Alonzo et Marie-Thérèse Fleuri ; elles sont mortes à<br />
Auschwitz. Le voyage était extrêmement pénible, car nous étions 60 par wagon et l'on ne nous a pas<br />
distribué de nourriture ni de boissons pendant le trajet. Comme nous demandions aux arrêts aux<br />
soldats lorrains enrôlés dans la Wehrmacht qui nous gardaient si l'on arrivait bientôt, ils nous ont<br />
répondu : "Si vous saviez où vous allez, vous ne seriez pas pressées d'arriver".<br />
Nous sommes arrivées à Auschwitz au petit jour. On a déplombé nos wagons et on nous a fait sortir<br />
à coups de crosses pour nous conduire au camp de Birkenau, qui est une dépendance du camp<br />
d'Auschwitz, dans une immense plaine qui, au mois de janvier, était glacée. Nous avons fait le trajet<br />
en tirant nos bagages. Nous sentions tellement qu'il y avait peu de chance d'en ressortir - car nous<br />
avions déjà rencontré les colonnes squelettiques qui se dirigeaient au travail - qu'en passant le<br />
porche, nous avons chanté la Marseillaise pour nous donner du courage.<br />
On nous a conduites dans une grande baraque, puis à la désinfection. Là, on nous a rasé la tête et<br />
on nous a tatoués sur l'avant-bras gauche le numéro de matricule. Ensuite, on nous a mises dans<br />
une grande pièce pour prendre un bain de vapeur et une douche glacée. Tout cela se passait en<br />
présence des SS, hommes et femmes, bien que nous soyons nues.<br />
Après, on nous a remis des vêtements souillés et déchirés, une robe de coton et une jaquette<br />
pareille.<br />
15
Comme ces opérations avaient pris plusieurs heures, nous voyions, des fenêtres du bloc où nous<br />
nous trouvions, le camp des hommes, et vers le soir, un orchestre s'est installé. Comme il neigeait,<br />
nous nous demandions pourquoi on faisait de la musique. A ce moment-là, les commandos de<br />
travail d'hommes sont rentrés. Derrière chaque commando, il y avait des hommes qui portaient des<br />
morts. Comme ils pouvaient à peine se traîner eux-mêmes, ils étaient relevés à coups de crosses ou<br />
à coups de bottes, chaque fois qu'ils s'affaissaient.<br />
Après cela, nous avons été conduites dans le bloc où nous devions habiter. Il n'y avait pas de lits,<br />
mais des bat-flanc de 2 mètres sur 2 mètres, où nous étions couchées à 9, sans paillasse et sans<br />
couverture la première nuit. Nous sommes demeurées dans des blocs de ce genre pendant plusieurs<br />
mois. Pendant toute la nuit, on ne pouvait pas dormir, parce que chaque fois que l'une des 9 se<br />
dérangeait - et comme elles étaient toutes malades, c'était sans arrêt - elle dérangeait toute la<br />
rangée.<br />
A trois heures et demie du matin, les hurlements des surveillantes nous réveillaient, et, à coups de<br />
gourdins, on était chassé de son grabat pour partir à l'appel. Rien au monde ne pouvait dispenser<br />
de l'appel, même les mourantes devaient y être traînées. Là, nous restions en rangs par cinq jusqu'à<br />
ce que le jour se lève, c'est-à-dire 7 à 8 heures du matin en hiver, et, lorsqu'il y avait du brouillard,<br />
quelquefois jusqu'à midi. Puis, les commandos s'ébranlaient pour partir au travail.<br />
Monsieur DUBOST : Je vous demande pardon, pouvez-vous décrire les scènes de l'appel ?<br />
Madame VAILLANT-COUTURIER : - Pour l'appel, on était mis en rangs, par cinq, puis nous<br />
attendions jusqu'au jour que les Aufseherinnen, c'est-à-dire les surveillantes allemandes en<br />
uniforme, viennent nous compter. Elles avaient des gourdins et elles distribuaient, au petit bonheur<br />
la chance, comme ça tombait, des coups.<br />
Nous avons une compagne, Germaine Renaud, institutrice à Azay-le-Rideau, qui a eu le crâne<br />
fendu devant mes yeux par un coup de gourdin, durant l'appel.<br />
Le travail à Auschwitz consistait en déblaiements de maisons démolies, constructions de routes et<br />
surtout assainissement des marais. C'était de beaucoup le travail le plus dur, puisqu'on était toute<br />
la journée les pieds dans l'eau et qu'il y avait danger d'enlisement. Il arrivait constamment qu'on<br />
soit obligé de retirer une camarade qui s'était enfoncée parfois jusqu'à la ceinture. Durant tout le<br />
travail, les SS hommes et femmes qui nous surveillaient nous battaient à coups de gourdins et<br />
lançaient sur nous leurs chiens. Nombreuses sont les camarades qui ont eu les jambes déchirées<br />
par les chiens. Il m'est même arrivé de voir une femme déchirée et mourir sous mes yeux, alors que<br />
le SS Tauber excitait son chien contre elle et ricanait à ce spectacle.<br />
Claudine supporte courageusement les trois premiers mois à Auschwitz mais, atteinte du typhus,<br />
elle entre au Revier, dont elle sort incomplètement guérie, mais à bout de forces, souffrant de<br />
dysenterie, elle doit y retourner.<br />
On sait qu’elle vivra ses derniers jours au milieu d’étrangères, sans amies pour la soutenir<br />
moralement et physiquement.<br />
Elle meurt le 25 avril 1943. Elle aurait eu 18 ans le 1 er mai.<br />
16
III Le système concentrationnaire décrit par Mme Denise Holstein dans son livre<br />
«Je ne vous oublierai jamais, mes enfants d’Auschwitz…»<br />
Des quatre élèves sur lesquelles nous avons enquêté, elle est la seule qui soit revenue.<br />
C’est donc à partir de ce que Mme Holstein a vécu que nous décrivons le système concentrationnaire<br />
nazi :<br />
De l’arrestation à l’arrivée d’Auchwitz:<br />
Le jour de son arrestation:<br />
Le 15 janvier 1943 : Denise est arrêtée avec ses parents à<br />
leur domicile rouennais.<br />
Ils sont conduits à Drancy le lendemain au petit matin.<br />
Le 5 mars elle est envoyée à l’hôpital Claude Bernard car<br />
elle a les oreillons, elle ne reverra plus ses parents qui ont<br />
été déporté le 20 novembre1943 à Auschwitz, où ils ont<br />
été immédiatement assassinés.<br />
Le 31 mars 1943, Denise est placée à Paris dans une des<br />
maisons d’enfants juifs orphelins de leurs parents<br />
déportés : les centres de l’UGIF : Union générale des<br />
Israélites de France ; au début de l’été elle est conduite au<br />
centre de l’UGIF de Louveciennes (dans les Yvelines) ;<br />
elle devient monitrice d’un groupe d’enfants.<br />
Le 22 juillet 1944, tous les enfants et leurs monitrices du<br />
centre de l’UGIF de Louveciennes sont raflés et déportés<br />
à Drancy.<br />
Serge Klarsfeld explique que c’est le ‘’S.S. Aloïs Brunner, qui a pris le 20 juillet 1944, la décision<br />
d’arrêter et de conduire à Drancy, pour être ensuite déportés, les deux cent quarante et un enfants<br />
qui étaient hébergés dans ces centres.‘’ p47.<br />
Des quarante et un enfants raflés ainsi à Louveciennes, trente-quatre ont été déportés : la fille du<br />
directeur est libérée car non juive.<br />
Des trente-quatre autres enfants, Denise est la seule survivante.<br />
Elle arrive à Auschwitz-Birkenau dans la nuit du 2 au 3 août 1944.<br />
Le voyage de Drancy à Auschwitz a été pénible dans des wagons à bestiaux, entassés sans pouvoir<br />
s’asseoir, ni manger ni boire.<br />
17
P 49 : « On nous emmène dans une petite gare, près de Drancy(…), où nous sommes obligés<br />
d’embarquer avec nos baluchons, dans des wagons à bestiaux garés sur des voies à l’écart. (…).<br />
Mille trois cents personnes dans des conditions incroyables, écrasées, entassées avec quelques<br />
matelas, des seaux, à peine de quoi boire alors qu’il fait vraiment très chaud et qu’il n’y a que de<br />
très petites ouvertures pour laisser passer un peu d’air.(…). Nous sommes soixante dans notre<br />
wagon, dont une cinquantaine d’enfants (…). Quant aux adultes ils sont odieux et ne supportent pas<br />
d’être dérangés par les enfants qui, vu le manque de place, les bousculent, font du bruit et se<br />
plaignent de la chaleur, de la soif, du manque d’air. »<br />
La nuit de la sélection :<br />
P50 -51: « La troisième nuit, arrêt brutal. (…) [Ils sont tirés] dehors par des hommes en costumes<br />
rayés de bagnards qui ne parlent pas français (…)»<br />
Un de ces prisonniers interdit à Denise de s’occuper des enfants.<br />
«[un allemand], plus grand que les autres fait des gestes avec sa cravache sans rien dire, tantôt vers<br />
la droite, tantôt vers la gauche, [elle se] rend compte que tous les petits enfants partent d’un coté,<br />
avec les personnes âgées. De l’autre, il ne doit rester que des gens qui ont environ entre dix-huit et<br />
trente-cinq ans. Des familles sont ainsi brutalement séparées, sans aucune explication.»<br />
Que sont devenus ceux qui n’étaient pas aptes à travailler ?<br />
Nous avons choisi de répondre à cette question en utilisant l’Album d’Auschwitz,<br />
(des photographies prises par les SS )… Editée par la Fondation de la Mémoire de la Shoah .<br />
En vacances à Noël à Paimpol en Bretagne, Hortense a découvert dans la bibliothèque de son grand<br />
oncle l’édition de février 2005 de cet album qui a une histoire singulière. Ces photographies ainsi<br />
que tous les témoignages entendus confirment, «la solution finale » adoptée par les nazis.<br />
Ceux qui étaient inaptes au travail partaient directement pour le Bunker. Après avoir été gazés, les<br />
cadavres étaient enterrés dans des fosses communes, puis à partir de septembre 1942 ils étaient<br />
incinérés pour ne pas laisser de traces.<br />
De vastes fosses ont été aussi creusées pour brûler les corps en plein air, car la capacité de mise à<br />
mort avec le Zyklon B était supérieure à celle de la liquidation des cadavres dans les fours.<br />
18
Photo 122 : sont visibles à l’arrière plan, les deux baraques des latrines et des toilettes et une partie<br />
du bloc 32 du camp des femmes hongroises. Le groupe longe des rails où des wagonnets<br />
transportaient du petit matériel, des pierres.<br />
Ce groupe se dirige vers les chambres à gaz 4 et 5. Les femmes visiblement enceintes au moment de<br />
la sélection étaient vouées à la mort.<br />
Photo 138 : des mères avec leurs enfants attendant dans le bois de bouleaux : on leur avait promis<br />
qu’après la «désinfection», ils seraient transférés dans un camp regroupant les familles. Là, ils<br />
retrouveraient leurs proches quand ces derniers rentreraient du travail. Par conséquent, ils<br />
demeuraient confiants. Après un voyage pénible, les enfants pouvaient jouer dans la nature, les<br />
vieillards se reposer, les femmes discuter entre elles.<br />
19
Photo 128 : à l’arrière plan le crématoire III est visible : ce bâtiment cache une énorme salle dans<br />
laquelle se trouvent 15 fours crématoires.<br />
Ce groupe de femmes et d’enfants viennent de la route principale du camp et entrent dans la cour du<br />
crématorium III. Les locaux de mise à mort étaient au sous-sol, la salle des fours au<br />
rez-de- chaussée et le logement du Sonderkommando au premier étage.<br />
Les fausses douches sont des salles qui pouvaient contenir 15000 personnes, les cristaux de Zyklon<br />
B étaient versés par des ouvertures ménagés dans le plafond. Celles-ci donnaient sur des colonnes<br />
d’où s’échappaient, à travers la salle, des émanations mortelles. Il fallait dix minutes pour tuer tout<br />
le monde.<br />
Ensuite les cadavres étaient tondus, les dents en or arrachées, les cadavres incinérés et les cendres<br />
jetées dans la rivière, la Sola ou dans la Vistule.<br />
Reprenons le récit de Denise Holstein : pour savoir ce qu’il advient de ceux qui ont passés cette<br />
première sélection.<br />
Quel était le sort réservé aux jeunes comme Denise.<br />
Etaient-ils considérés différemment des adultes ?<br />
Qui sommes nous ?<br />
P53 « Ensuite, dans un immense couloir, nous sommes toutes rasées. Ce sont de grosses bonnes<br />
femmes, fortes, brutales, qui s’acquittent de cette besogne. Je m’assieds, je sens la tondeuse passer<br />
sur ma tête et mes longs cheveux qui coulent le long de mes épaules nues.»<br />
Une humiliante mise à nue.<br />
P 53 « Nous devons nous déshabiller complètement, devant des Allemands des deux sexes qui, un<br />
sourire ironique aux lèvres, nous regardent passer nus, nos chaussures à la main. Ensuite, on nous<br />
fait passer à la douche et nous devons enfiler, sans même pouvoir nous essuyer, de véritables<br />
guenilles qu’on nous jette par hasard pour remplacer les affaires que nous avons dû abandonner<br />
derrière nous.»<br />
20
A 16 727 :<br />
P57 : « Le lendemain ou le surlendemain, nous passons au tatouage. C'est assez douloureux, et<br />
encore plus douloureux si on résiste un tant soit peu : les grosses bonnes femmes sont là pour vous<br />
maintenir et celle qui tient l'aiguille a un malin plaisir à faire un peu plus mal qu'il est nécessaire.»<br />
(…)<br />
«Nous voici donc tatouées, numérotées comme du bétail. Denise Holstein A 16727. Nous ne<br />
sommes plus personne, nous n’avons plus aucune individualité. »<br />
Une épreuve supplémentaire : Les appels.<br />
P55 et p 59 : « Les appels, c’est vraiment quelque chose de terrible. Toutes les nuits à trois heures,<br />
les cris de la blockowa et de ses assistantes, les stubowas nous éveillent alors que nous sommes<br />
encore loin d’avoir assez dormies. Elles pourraient le faire plus vite, mais elles prennent plaisir à<br />
faire durer cette séance qui a surtout pour fonction de nous briser le moral, de nous humilier, d’user<br />
notre résistance en nous soumettant à leurs caprices.»<br />
Et quand on est malade ?<br />
P69 Denise est malade, elle a attrapé la scarlatine:<br />
«J ’ai très mal à la gorge, de la fièvre, la joue enflée. C’est la scarlatine. Je suis envoyée au Revier,<br />
l’infirmerie. C’est l’occasion de souffler un peu, de ne plus subir l’appel, de ne plus aller travailler,<br />
de rester couchée toute la journée.»<br />
L’hôpital est appelé le Revier : les malades n’y sont pas soignés. C’est une occasion supplémentaire<br />
de vider le camp « des bouches inutiles».<br />
Le 6 février 1945 elle attrape aussi le typhus, car elle a comme les autres des poux, a cela s’ajoute<br />
de fortes diarrhées.<br />
Au moment de la libération du camp de Bergen-Belsen où elle se trouve alors, elle ne pèse plus que<br />
35kg, après deux ans dans les camps.<br />
L’arrivée du Docteur Mengele : une épreuve supplémentaire.<br />
P69 : «Un jour, je sens un vent de panique : on annonce la venue du docteur Mengele. C’est un nom<br />
qui ne me dit rien, mais quelqu’un m’affirme qu’il a au moins un million de juifs sur la conscience !<br />
C’est un grand pourvoyeur de chambres à gaz, mais il a aussi une autre spécialité : il choisit des<br />
internés sur lesquels il procède à des expériences médicales en les traitant comme de simples<br />
animaux de laboratoire. Il tient une liste sur laquelle il doit y avoir tous nos noms. Nous devons<br />
descendre de notre lit pour nous présenter nues devant lui. Il nous regarde et inscrit un petit signe<br />
devant chaque nom.»<br />
Le docteur Mengele, est un médecin SS qui a effectué des expériences sur les Tziganes et les<br />
jumeaux ; d’autres comme lui ont « élaborés» et mis en œuvre des pratiques médicales atroces, et se<br />
sont servis des prisonniers pour leurs expérimentations.<br />
Notamment dans les camps de Ravensbruck et de Buchenwald sur des enfants.<br />
21
Vivre dans des baraques :<br />
P54 « Et voici que des femmes qui ne sont pas allemandes et qui ne portent pas d’uniforme, nous<br />
font entrer dans une grande baraque en bois où elles nous collent à cinq ou six dans des lits<br />
superposés, à trois étages, où il n’y a même pas de matelas, rien qu’une paillasse. Plus tard, nous<br />
serons à douze par lit, tête-bêche, tellement imbriquées les une dans les autres que, si l’une veut se<br />
retourner, toute la rangée doit faire de même.»<br />
La faim est toujours là :<br />
P 55-61-62-67: « Enfin, c‘est l’heure de la soupe. Ce n’est vraiment pas appétissant (...)<br />
Après l’appel, distribution de café. Si on peut appeler ça du café!» (...) Vers une heure de<br />
l’après-midi, en général la soupe est distribuée et c’est notre seul moment de répit.(...)<br />
Le soir, nous avons droit à un petit morceau de pain avec un peu de saucisson ou de la margarine.<br />
Quelque fois, nous avons un morceau de fromage ou une cuillerée de miel.»<br />
Une autre fois Denise raconte : P68 « C’est l’appel comme chaque jour, mais il ne se conclut pas<br />
par le café habituel. Nous ne nous étonnons qu’à moitié : ce n’est pas la première fois que nous en<br />
sommes privés, peut-être a-t-il servi à faire le ménage. Mais à l’heure de la soupe, pas de soupe.<br />
Pas de pain non plus, rien de toute la journée. Encore une vacherie des Allemands ».<br />
P82 : Denise est à Bergen-Belsen, malade assoiffée et affamée : … «Je ramasse un vieil os sur<br />
lequel il ne reste absolument rien. Sans doute a-t-il déjà été sucé par un chien ou un autre déporté.<br />
Ça ne m’empêche pas de le garder à la bouche toute la journée, avec l’impression d’avoir un peu<br />
moins faim. Et j’en récolte une floraison de boutons tout autour des lèvres.»<br />
La soif est une torture :<br />
P81: Denise est à Bergen-Belsen, malade, il n’y a plus d’eau, «les canalisations ont sauté, disent les<br />
Allemands». Elle a «la gorge enflée, (la) langue douloureuse, (elle) meurt de soif. (Elle) ne peut<br />
plus parler. (…)<br />
(Elle) cherche de l’eau et ne voit qu’une piscine où flottent des cadavres. Sans hésiter, (elle) boit un<br />
litre de cette eau abominable(…).»<br />
Aucune hygiène, aucune intimité.<br />
P62-63 : « Il n’y a jamais aucune possibilité de s’isoler un moment. Même pas aux toilettes qui sont<br />
collectives et où les allemands s’amusent à faire basculer les planches afin que des femmes tombent<br />
dans la fosse où elles se débattent avant de mourir.»<br />
Un système incompréhensible sadique et odieux.<br />
P80 : Denise se trouve alors à Bergen-Belsen et raconte que pour survivre il faut s’organiser.<br />
Pour ses dix huit ans Denise s’offre une paire de bottes «qui lui coûte quatre jours de pain et une<br />
semaine de margarine»<br />
«Mais, au moins, j’ai les pieds au chaud. Une femme, dans une autre baraque, en se réveillant, le<br />
matin n’a pas dû retrouver ses bottes «organisées» (on ne dit pas voler mais organiser), par celle qui<br />
me les a vendues.»<br />
22
L’imagination des tortionnaires est infinie :<br />
P66 : « L’Allemand l’oblige à courir les bras en l’air et à se jeter par terre de tout son long chaque<br />
fois qu’il frappe dans ses mains. Alors tranquillement, il lui passe à vélo sur le corps. Jusqu’à ce<br />
qu’elle en meure (…) Le SS s’approche de la fille avec un grand sourire, et l’abat à coups de<br />
cravache (…) Et les voici qui lâchent leurs chiens sur un groupe de femmes et s’amusent à les faire<br />
monter sur ces pauvres malheureuses qui poussent des hurlement d’horreur, qui se débattent et se<br />
font à moitié déchiqueter. Ce qui amuse beaucoup les Allemands.»<br />
Les prisonniers sont gardés par des blockowa et des stubowas qui font elles aussi preuves de<br />
sadisme.<br />
P74 : « Nous changeons souvent de baraque et de blockowa. L’une d’elle nous fait mettre à genoux<br />
sous la pluie dans la boue pendant des heures et, dans la journée nous n’avons toujours pas le droit<br />
d’entrer pour nous abriter dans la baraque. Les coups tombent comme un rien distribués avec un<br />
gourdin.(...) Les stubowas sont de véritables monstres. Elles nous frappent avec des lanières de cuir<br />
et je me sens comme une bête traquée, enfoncée dans la peur.»<br />
L’épuisement par le travail forcé:<br />
P82 : Les conditions de vie était tellement difficiles que «chaque soir je me dis: «Mon Dieu faites<br />
que je vive encore demain».<br />
Auschwitz se trouve dans le nord de la Pologne. Les conditions climatiques sont très rudes ; les<br />
déportés sont soumis à une discipline intransigeante, subissant punitions à répétition et traitements<br />
inhumains, à cela s’ajoute le travail forcé jusqu’à ce que mort s’en suive.<br />
Le travail donné l’est uniquement pour vérifier si la personne est encore capable de travailler :<br />
il fallait porter des briques, des machines à coudre, des blocs de grès et tout cela sous la surveillance<br />
des Allemands, des Kapos et des chiens.<br />
Dans la fabrique de fouets…<br />
P74 : « Nous devons maintenant travailler dans un atelier où nous fabriquons des fouets en tressant<br />
des bandes de tissu, de caoutchouc, de faux cuir. Tous les samedis, un kapo vérifie le travail. Il faut<br />
que les fouets soient solides. Sinon… . Il en prend quelques-uns au hasard et tente de les briser sur<br />
son genou. S’il y parvient, la responsable est bonne pour une séance de gymnastique dans la neige.<br />
Un coup de sifflet, [les pauvres filles] doivent se coucher par terre. Un autre coup de sifflet, elles<br />
doivent se relever. Jusqu’à épuisement. La plupart du temps, à la fin de la séance, aucune ne se<br />
relève.»<br />
23
Le départ et la libération.<br />
Son départ du camp, la marche de la mort.<br />
L’évacuation générale du camp débute le 18 janvier 1945, les détenus sont évacués par wagons à<br />
bestiaux ouverts, ou à pied, vers l’intérieur du Reich, c’est ce qu’on a appelé : « Les marches de la<br />
mort». Les gardes nazis exécutent, le long des colonnes, les détenus qui tentent de s’enfuir et ceux<br />
trop fatigués pour continuer<br />
Le 27 janvier 1945 les soldats de l’armée soviétique libère le camp d’Auschwitz.<br />
Le 15 avril 1945 : libération du camp de Bergen-Belsen par les britanniques. C’est là que Denise<br />
contracte le typhus et qu’elle est mise en quarantaine. Elle doit donc encore attendre avant d’être<br />
rapatriée chez elle.<br />
P76 : « 30 décembre. Cette fois, ça y est. C’est vraiment le départ. Nous avons le droit à une douche<br />
et à des vêtements. Nous prenons le train. Dans des wagons à bestiaux, bien sûr, et soixante par<br />
wagons. Mais nous partons.»<br />
31 décembre 1945, Denise est évacuée en train du camp de Bergen-Belsen (actuellement dans le<br />
Land de Basse-Saxe, en Allemagne).<br />
P92: Quand elle arrive gare du Nord à Paris, on l’interpelle « Alors il y des enfants qui en<br />
reviennent ? Non les enfants n’en reviennent pas et je ne suis plus une enfant, j’ai plus de dix huit<br />
ans.»<br />
P107 : « j’ai été déportée tard, j’étais jeune et solide, je n’ai pas été sélectionnée pour la chambre à<br />
gaz, je n’ai pas subi d’expérience, je n’ai pas été violée et j’ai pu, de justesse, à Bergen-Belsen,<br />
attendre l’arrivée des Alliés».<br />
P108 : «J e suis revenue et je me suis demandé pourquoi, moi, je suis revenue. Si Dieu a voulu que<br />
je revienne peut-être est-ce que j’ai quelque chose à faire sur cette terre, peut-être est ce pour<br />
témoigner…»<br />
24
IV- AUJOURD’HUI EN 2009…<br />
Comment survivre après une telle épreuve ?<br />
À la fin du mois de mai 1945, c‘est le retour de Denise Holstein à Paris.<br />
Elle retrouve sa grand-mère, son arrière grand-mère, ses cousins ainsi que son frère.<br />
En Juin 1945 elle retourne à Rouen puis en Juillet-Août elle fait un séjour à Brighton, un hameau de<br />
Cayeux-sur-Mer dans la Somme, chez les Sanson. Ces derniers étaient des amis très proches de ses<br />
parents . C’est là, à la demande de Monsieur Sanson, qu’elle rédige son manuscrit.<br />
Décembre 1990, Denise est invitée par Serge Klarsfeld à participer à l’inauguration d’une plaque<br />
commémorative à Louveciennes. M. Klarsfeld l’engage alors à témoigner pour que ceux qui ne sont<br />
pas revenus d’Auschwitz ne soient pas oubliés. Afin aussi, que les enfants d’aujourd’hui sachent ce<br />
qui s’est passé…<br />
En 1992, Denise témoigne pour la première fois au collège de la Rostagne à Antibes.<br />
C’est pour elle une révélation. Suite à cet événement, elle enregistre une cassette audio qui permet<br />
de diffuser son témoignage.<br />
Ensuite, elle prend contact avec des associations locales de résistants et de déportés pour témoigner<br />
auprès des jeunes. Puis elle crée également une association « N’oubliez pas les enfants<br />
d’Auschwitz», et un journal avec Mme Bottois, qui a été professeur d’histoire au collège <strong>Barbey</strong><br />
d’Aurevilly. Cette dernière poursuit ses recherches et travaille sur la situation des juifs à Rouen<br />
pendant l’occupation. Sa rencontre avec Mme Holstein l’a transformée en militante de la lutte<br />
contre l’oubli.<br />
Enfin, elle revient à Rouen et témoigne au collège <strong>Barbey</strong> D’Aurévilly où elle a un impact<br />
considérable sur les élèves. En 1995, à l'occasion du cinquantième anniversaire de la libération des<br />
camps, elle retourne à Auschwitz avec un groupe de jeunes collégiens de 3 ème de notre collège.<br />
Depuis, elle témoigne y compris dans les émissions de télévision où elle est invitée, et dans le<br />
cederom réalisé par l’Union des déportés d’Auschwitz, qui nous a permis de découvrir cette terrible<br />
réalité.<br />
Qu'en est-il de la situation des enfants dans le monde en 2009, année de célébration du 50 ème<br />
anniversaire des Droits de l'Enfant et du 20 ème anniversaire de la Convention des Droits de<br />
l'Enfant ?<br />
- La Convention internationale des droits de l'enfant<br />
Les droits de l'enfant sont exprimés dans la "Convention internationale relative aux droits de<br />
l'enfant" (CIDE). Elle a été adoptée le 20 novembre 1989 et constitue un instrument international<br />
majeur en matière de droits de l'homme. Deux pays seulement - les États-Unis d'Amérique et la<br />
Somalie - ne l'ont toujours pas adoptée.<br />
En ratifiant la Convention, les États s'engagent à respecter un code d'obligations contraignantes<br />
envers leurs enfants.<br />
25
C’est la première fois qu’un traité de défense des droits de l'homme associe à son application une<br />
institution spécialisée des Nations unies. (UNICEF)<br />
- Des enfants détenus encore aujourd’hui ? Dans quelles conditions ?<br />
Nous avons choisi de nous intéresser, parmi les nombreuses guerres et guerres civiles, au conflit<br />
Israélo-Palestinien. Depuis Décembre 2008, cette guerre a repris, les bombardements sur la bande<br />
de Gaza ont été très violents, prenant une fois de plus les civils palestiniens pour cibles.<br />
En mai 2004, l’UNICEF exhortait déjà Israël à faire respecter la législation internationale sur la<br />
détention des mineurs.<br />
L’UNICEF s’est associée à AFPS, l’association France Palestine Solidarité ,qui dénonçait le sort<br />
des 321 enfants palestiniens détenus dans les prisons d’Israël,où les cellules sont surpeuplées, mal<br />
aérées.<br />
Les enfants ne sont pas scolarisés, n’ont pas d’activités ni de confort (pas de télévision et pas assez<br />
de lits) ; Il n’y a pas suffisamment de nourriture et elle est avariée ou trop épicée.<br />
Les visites des familles sont rares et difficiles.<br />
Par ailleurs, un autre exemple nous a semblé intéressant à relever : celui des enfants à Haïti.<br />
Des raisons principalement économiques poussent les familles pauvres des zones rurales à "donner"<br />
un de leurs enfants à des familles citadines en mesure de leur offrir un peu de nourriture et un coin<br />
pour dormir, espérant ainsi, assurer à leur enfant une vie plus décente.<br />
Le placement des enfants comme domestiques est une pratique ancienne, mais l'aggravation de la<br />
situation politique et économique des dernières décennies a largement contribué à augmenter le<br />
nombre des enfants ainsi placés.<br />
Le travail d'un enfant domestique est souvent très dur, jusqu'à l8 heures par jour.<br />
L'enfant «restavek», parfois âgé de 5 ans seulement, fréquemment sous-alimenté, ne reçoit aucune<br />
instruction et aucun salaire, la loi haïtienne ne prévoyant pas de rémunération pour ce type de<br />
travail.<br />
L'enfant "restavek" subit, parfois, des violences physiques ou sexuelles. Il est souvent coupé de tout<br />
lien avec sa propre famille, en raison des distances qui les séparent, de l'analphabétisme et de<br />
l'absence de tout moyen de communication.<br />
Les enfants cités dans le premier exemple n'ont pas la liberté de se déplacer, ils sont enfermés dans<br />
des cellules, tandis que les enfants d' Haïti ont l’obligation de se rendre chez des personnes pour<br />
travailler.<br />
Dans ces deux cas ils sont privés de liberté. Leur condition de détention ne sont pas conformes aux<br />
Droits de l' enfant.<br />
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Documents Bibliographiques<br />
Ouvrages :<br />
Denise Holstein, Je ne vous oublierai jamais, mes enfants d’Auschwitz…, Edition°1,janvier 2005.<br />
Denise Holstein, Le manuscrit de Cayeux-Sur-Mer, juillet-août 1945 et étude historique de Françoise<br />
Bottois, l’anéantissement des Juifs de Rouen, 1940-1943, Le Manuscrit, 2008.<br />
Yves Lecouturier, Shoah en Normandie, Cheminements, 2004.<br />
L’Album d’Auschwitz Par la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, février 2005.<br />
Revues :<br />
Bulletin de la Fondation pour la mémoire de la Déportation, les enfants et les adolescents dans le système<br />
concentrationnaire nazi, n°57, septembre 2008.<br />
Le Déporté, supplément au n°558- novembre-décembre 2008, UNADIF.<br />
La Déportation politique à Auschwitz, Petit cahier n° 24, Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah-<br />
Amicale d’Auschwitz, journée d’étude du 1 er octobre 2005.<br />
Philippe Maurer, Pour un centenairedu lycée Jeanne d’Arc de Rouen,1882-1982, CRDP,1982.<br />
Quatre lettres prêtées par Mme Rousselle :<br />
Trois lettres d’Hélène Rechtchaft à son amie Mme Rousselle née Dupont surnommée « Duponette » .<br />
- Une du 25 mai 1940 demandant à venir à St Pierre Quiberon.<br />
- Une autre du 30 juillet 1940 au retour d’exode et décrivant Rouen détruite.<br />
- Une du 13 juillet 1942, Hélène et sa sœur sont hébergées chez la famille Gondé, sa mère est à Drancy<br />
et le père déporté.<br />
- Une lettre de Mme Rechtchaft, qui est alors à Creil, le 16 juin 1942, avant d’être déportée à Drancy.<br />
Sites internet utilisés :<br />
Association Mémoire Vive Les deux seuls convois de déportés politiques partis de France pour<br />
Auschwitz-Birkenau · Le convoi des 31000. Le convoi des 45000.<br />
www.memoire-vive.ibretagne.net/ -<br />
http://www.francepalestine.org/article1142.html<br />
http://www.unicef.fr/index.php4?accueil=true<br />
http://www.haiticulture.ch/Restavek.html<br />
Les cdroms suivants :<br />
Enfants et adolescents juifs dans le système concentrationnaire nazi réalisé par l’Union des Déportés<br />
d’Auschwitz et le Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah -Amicale d’Auschwitz.<br />
Les enfants juifs de prisonniers de guerre déportés à Bergen-Belsen en 1944, par l’Amicale des Anciens<br />
Déportés de Bergen-Belsen.<br />
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