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Jean Fautrier, Les Otages, série, vers 1943

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<strong>Jean</strong> <strong>Fautrier</strong>, <strong>Les</strong> <strong>Otages</strong>, <strong>série</strong>, <strong>vers</strong> <strong>1943</strong><br />

1)Présentation<br />

Tête d'otage 1945 est une peinture à l'huile sur<br />

papier marouflé (collé) sur toile de 35 x 27cm.<br />

Elle appartient à une <strong>série</strong> d’une cinquantaine<br />

de peintures et sculptures exposées pour la<br />

première fois en 1945<br />

Grande tête<br />

tragique, bronze,<br />

1942« L’Otage qui<br />

donne la clef des<br />

autres, c’est le grand<br />

otage sculpté. Plutôt<br />

que des tableaux de<br />

<strong>Fautrier</strong>, ces figures<br />

viennent de la<br />

sculpture. » A. Malraux.<br />

<strong>Jean</strong> <strong>Fautrier</strong> est un artiste français né en 1898 à Paris et mort à Châtenay-Malabry en<br />

1964. A la mort de son père, au début des années 1910, il s'installe avec sa mère à<br />

Londres et est admis à la Royal Academy (école d’art) dès l'âge de quatorze ans. En<br />

1917, il s'engage dans l'armée (1ere guerre) puis s'installe à Paris où il expose pour la<br />

première fois en 1921. Dès 1927, il réalise des portraits, des natures mortes (objets),<br />

des paysages, animaux écorchés, nus soit une peinture figurative, souvent sombre par<br />

les couleurs employées (la couleur noire domine). Forcé par la crise économique, il<br />

abandonne la peinture et devient moniteur de ski et gérant d’hôtel dans les Alpes<br />

Il revient à Paris et se remet à la peinture lorsque la guerre éclate. À partir de 1940,<br />

<strong>Fautrier</strong> explore les possibilités de la matière. Il est avec <strong>Jean</strong> Dubuffet, le plus<br />

important représentant du courant de l'art informel. Il est aussi un pionnier de la<br />

technique de haute pâte. Il se partage entre sculpture et peinture. En <strong>1943</strong>, arrêté par la<br />

Gestapo, puis relâché, il se réfugie dans une clinique d’aliénés de la banlieue de Paris.<br />

Dans les bois environnants, les Allemands torturent des prisonniers et se livrent à des<br />

exécutions sommaires. Il tire de ces atrocités une <strong>série</strong> de petits panneaux qu’il appelle<br />

<strong>Otages</strong>. Il réalise aussi des sculptures, la grande Tête d'otage sera la dernière. Ces<br />

peintures seront exposées en 1945 à la galerie Drouin.<br />

Contexte historique : la deuxième guerre mondiale en France.<br />

Lors de la défaite de l'armée française en 1940, le gouvernement de Vichy,<br />

représenté par le maréchal Philippe Pétain, signe l'accord de l'armistice avec<br />

l'Allemagne, le 24 juin 1940. À ce moment-là, la France est profondément divisée<br />

entre la collaboration avec les Allemands ou la poursuite de la guerre. La Résistance<br />

s’organise. C’est le temps des dénonciations, des arrestations par la Gestapo (la<br />

police nazie).<br />

Le nord du pays et Paris sont sous la domination de l’armée allemande.


3) Techniques (comment c’est fait ?)<br />

La matière faite de ciment, plâtre et peinture est appliquée est appliquée avec un outil qui ressemble plus à<br />

une truelle qu’à un pinceau (couteau à peindre).<br />

4) Significations/usages<br />

2) Formes (ce que je vois, l’apparence<br />

extérieure)<br />

Une forme arrondie plus claire se détache sur le fond sombre. Quelques<br />

lignes, des traces d’outils. Des couleurs dans des tonalités rosées ou<br />

beiges, une matière épaisse. Le support n’est pas très grand (35 X 27<br />

cm). Au premier regard, on n’identifie aucune représentation : ce n’est pas<br />

de la peinture figurative.<br />

Ce qui retient l’attention, c’est la matière colorée. On est fasciné et<br />

repoussé par son aspect.<br />

« Une étrange pâte, et fort déplaisante à regarder. Ce qui forme tant de vapeurs et de poudroiements, les<br />

plus subtils peut-être mais les plus violents qu’on ait jamais vus dans un tableau, ce sont d’épais<br />

grumeaux aplatis, un badigeon de fard, tout un sabrage de craie grasse. L’on découvre que <strong>Fautrier</strong> s’est<br />

fabriqué une matière à lui, qui tient de l’aquarelle et de la fresque, de la détrempe et de la gouache, où le pastel<br />

broyé se mêle à l’huile, à l’encre et à l’essence. Le tout s’applique à la hâte sur un papier gras, qu’un enduit colle<br />

à la toile. L’ambiguïté en quelque sorte y quitte le sujet. Elle se fait peinture » <strong>Jean</strong> Paulhan, écrivain<br />

C’est seulement si l’on fait le lien avec le titre « Tête d’otage », que l’on se dit<br />

qu’effectivement on est peut-être face à une tête. Matière et gros empâtements donnent à<br />

sentir l’épaisseur de la substance mais n’imitent pas la réalité. Francis Ponge, écrivain et<br />

admirateur dit de <strong>Fautrier</strong> : « il est le peintre le plus révolutionnaire du monde à ma<br />

connaissance depuis Picasso ...Chacun de ses tableaux s’ajoute à la réalité avec vivacité,<br />

résolution, naturel. S’ajoute : ne la reproduit pas. »<br />

L’œuvre évoque, fait ressentir les plaies, les blessures, les chairs torturées, la souffrance<br />

des otages.<br />

C’est par l’intermédiaire de cette matière épaisse malaxée, triturée, que l’artiste<br />

exprime ce qu’il a pu ressentir lorsqu’il entendait les cris des victimes exécutées et<br />

torturées par les nazis.<br />

C’est par les sensations que nous éprouvons au regard de cette matière subtilement<br />

colorée que le peintre nous fait partager ses émotions et transmet la mémoire des<br />

horreurs subies par les otages.<br />

C’est leur souffrance qui est au centre de l’œuvre.<br />

« On ne fait jamais que réinventer ce qui est, restituer en nuances d'émotion la réalité qui<br />

s'est incorporée à la matière, à la forme, à la couleur, produits de l'instant, changé en ce<br />

qui ne change plus ». J. <strong>Fautrier</strong><br />

En 1954, <strong>Fautrier</strong> poursuit l'exploration de la matière à<br />

tra<strong>vers</strong> des <strong>série</strong>s de tableaux dont celle intitulée<br />

Têtes de partisans (ci-contre) qu'il réalise en 1956<br />

après l'invasion de la Hongrie par les troupes<br />

soviétiques.<br />

En réaction à l'invasion de Budapest par les russes en<br />

1956, il reprend le motif des <strong>Otages</strong> pour la suite des<br />

Têtes de partisans, variations sur le <strong>vers</strong><br />

"Liberté,j'écris ton nom" de Paul Éluard . Enfin jusqu'à<br />

sa mort qui survient en 1964, <strong>Fautrier</strong> brosse des<br />

tableaux d'inspiration plus structurée où se<br />

superposent stries, lignes colorées et grilles à<br />

plusieurs côtés.<br />

Art informel :<br />

Terme inventé en<br />

1951 par le<br />

critique d'art<br />

Michel Tapié<br />

pour nommer les<br />

œuvres non<br />

figuratives qui<br />

privilégient<br />

matières, traces<br />

et tâches de<br />

couleurs au<br />

détriment de la<br />

forme.<br />

L’art informel<br />

apparaît après la<br />

seconde guerre<br />

mondiale. Selon<br />

certains<br />

philosophes, les<br />

horreurs liées à<br />

cette guerre sont<br />

telles qu’il n’est<br />

plus possible de<br />

représenter la<br />

figure humaine.<br />

Quelques<br />

peintres de l’art<br />

informel : <strong>Jean</strong><br />

Dubuffet, <strong>Jean</strong><br />

<strong>Fautrier</strong>, ou<br />

encore d'Antoni<br />

Tàpies<br />

Hautes Pâtes :<br />

Titre ironique<br />

donné aux<br />

œuvres de<br />

Dubuffet<br />

évoquant à la fois<br />

la gastronomie et<br />

la « mélasse »<br />

qui les composait

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