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l'aquarium un film de YousrY nasrallah - Arte

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<strong>YousrY</strong> <strong>nasrallah</strong> / note d’intention<br />

L’Aquarium raconte l‘histoire <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux personnages<br />

aisés, cachant leurs vies intérieures en<br />

phagocytant celles <strong>de</strong>s autres forcément moins<br />

aisés et plus dans le « réel », et qui découvrent<br />

- au bout <strong>de</strong>s 48 heures que le récit couvre – leur<br />

misère intérieure.<br />

En choisissant cette histoire j’ai aussi l’ambition <strong>de</strong> dresser le<br />

tableau d’<strong>un</strong> Caire mo<strong>de</strong>rne… <strong>un</strong>e espèce <strong>de</strong> Ville-Cerveau…<br />

monstre qui se dévore lui-même en ne permettant jamais aux<br />

individus d’exprimer leurs âmes, sauf dans le délire ou dans<br />

l’anonymat <strong>de</strong>s confessions nocturnes et celui <strong>de</strong>s rues mal<br />

éclairées où les amants peuvent se toucher furtivement.<br />

Avec mon collaborateur, Nasser Ab<strong>de</strong>l Rahmane, nous avons<br />

tenu à éviter <strong>de</strong> raconter notre ville dans <strong>un</strong> moment politique<br />

ou social exceptionnel. La répression politique n’a rien d’extraordinaire<br />

en Egypte. La propagation d’<strong>un</strong> discours réactionnaire<br />

et fondamentaliste a commencé dans les années 80.<br />

Moubarak est au pouvoir <strong>de</strong>puis 1981.<br />

Dans cette situation tendue, <strong>un</strong> fait nouveau fait irruption : la<br />

grippe aviaire qui a commencé à faire <strong>de</strong>s ravages en 2006.<br />

Sa fonction dans le <strong>film</strong> est <strong>de</strong> fournir <strong>un</strong>e métaphore <strong>de</strong> la<br />

peur. Tout et tout le mon<strong>de</strong> suscitent la peur.<br />

Nous ne voulions pas rendre nos personnages victimes d’<strong>un</strong>e<br />

réalité sociale plus gran<strong>de</strong> qu’eux. Or, nos <strong>de</strong>ux personnages<br />

principaux – tout en étant attachants – nous les avons choisis<br />

parmi ceux qui exercent <strong>un</strong> pouvoir sur autrui. Ils ont la trentaine,<br />

donc pas assez je<strong>un</strong>es pour qu’on leur pardonne tout,<br />

et pas assez vieux pour qu’on leur donne l’excuse d’avoir raté<br />

leurs vies.<br />

De je<strong>un</strong>es loups du Caire d’aujourd’hui qui ne se ren<strong>de</strong>nt pas<br />

compte <strong>de</strong> ce qu’ils sont, <strong>de</strong>s monstres qu’ils peuvent <strong>de</strong>venir,<br />

et que nous abandonnons juste au moment où ils commencent<br />

à entrevoir leurs vérités.<br />

L’action principale se passe d’abord sur <strong>un</strong>e île : Zamalek.<br />

Quartier rési<strong>de</strong>ntiel <strong>de</strong> la classe moyenne et <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong><br />

bourgeoisie cairote… celui <strong>de</strong>s ambassa<strong>de</strong>s, <strong>de</strong>s grands hôtels<br />

et du Sporting Club.<br />

L’aquarium se trouve à Zamalek. Construit au 19 ème siècle par<br />

le Khédive Ismaël au milieu du grand parc qu’était Zamalek à<br />

l’époque, pour ses promena<strong>de</strong>s avec l’Impératrice Eugénie,<br />

il est <strong>de</strong>venu aujourd’hui emblématique <strong>de</strong> la vie amoureuse<br />

<strong>de</strong>s je<strong>un</strong>es cairotes dém<strong>un</strong>is. Sa construction labyrinthique<br />

permet d’imaginer qu’on y est à l’abri <strong>de</strong>s regards, mais en<br />

réalité on y est complètement exposé. Pour y échanger <strong>un</strong>e<br />

petite caresse amoureuse, on doit payer la complicité <strong>de</strong>s<br />

« Gardiens <strong>de</strong> l’Ordre ». Comme partout au Caire.<br />

Et le « REEL » dans tout ça ? Il est dans le « off ». Dans les<br />

confessions nocturnes – très censurées – que reçoit Laila<br />

dans son émission. Laila, dont la voix domine les nuits du<br />

Caire. Il est aussi dans la clinique gynécologique clan<strong>de</strong>stine,<br />

où Youssef exerce son métier d’anesthésiste, et qui écoute<br />

les délires <strong>de</strong> ces je<strong>un</strong>es femmes qui ont « commis la gran<strong>de</strong><br />

faute <strong>de</strong> tomber amoureuses ou <strong>de</strong> se laisser violer », et qui<br />

sont là pour se faire avorter et pour se refaire <strong>un</strong>e virginité.<br />

Chez nous, on appelle ça, « se faire recoudre ».<br />

Mais là, je ne parle que du scénario. Un scénario épuré, laconique<br />

et formellement très contraignant.<br />

Pourquoi ? Probablement pour pouvoir envisager le projet <strong>film</strong>ique<br />

<strong>de</strong> L’Aquarium non pas comme simple récit intimiste à<br />

partir duquel se tisse le portrait minimaliste <strong>de</strong> ma ville (chose<br />

que je ne méprise absolument pas), mais aussi comme gran<strong>de</strong><br />

aventure formelle et politique qui a comme ambition <strong>de</strong><br />

raconter ce qu’est l’Egypte mo<strong>de</strong>rne.<br />

* Kefaya (« ça suffit ») désigne officieusement le Mouvement Egyptien pour le<br />

Changement (al-Haraka al-Misriyya min ajl al-Taghyir) qui se fit connaître lors<br />

<strong>de</strong>s élections <strong>de</strong> 2005, lorsque <strong>de</strong>s personnes manifestèrent dans le silence,<br />

en scotchant sur leurs lèvres, le mot “Kefaya !”. Coalition d’opposition populaire<br />

bénéficiant d’<strong>un</strong> soutien dans la sphère politique, elle s’oppose notamment à la<br />

tentation du Prési<strong>de</strong>nt Hosni Moubarak <strong>de</strong> “léguer” le pouvoir à son fils Gamal.

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