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et qu'il fallait coller l'eau que les hommes et les bettes devoient boire et que jamaisplus on n'a
veu l'eau si corrompue.
Que quelque tems devant la contagion les truictes sourtoint du canal de l'Adour et entroient
dans les ruisseaux de la ville et qu'on en prenoit grande quantité quy avoit un pann, d'autres
deux panns de long et que jamais plus on a veu entré des truictes dans le canal de la ville.
Qu'en cette mesme saison, quelque peu de temps avant la contagion, les chains et les chats ne
faisoit qu'abbayé et urlè nuict et jour extraordinairement dans les maisons et par toutes les
rues de Baignères et que jamais plus on n'avoit ouy un tel urlement de chains.
Qu'en ce mêsme temps, il y avoit à Baignères une pauvre femme nommée Domenga Liloye,
native de Beaudéan, et filhe de Mathèou de Youanollo, laquelle feust mariée avec un homme
nommé d'Aurore duquel elle eust une filhe nommée Andrette âgée de treitse ou quatorze ans
et belle comme un ange. Estant vefve, elle se retira au pied du Pouey de Baignères avec sa
fille et elle estoit si debotte qu'on disoit communement, qu'en on voyoit quelqu'un pratiquè la
dèvotion, qu'il seroit un jour une aultre Liloye et lad.
Liloye ne paraisoit guere en public que pour aller à l'église et aux processions, elle marchait
pied nue et passoit par dessus la glace et par les chemins les plus raboteus lorsqu'elle sy
rencontroit, sans se détouner de sa debvotion et q'elle faisoit aller sa filhe de la mesme façon.
Que tout le monde admiroit leur debvotion et mortification; que ladite Liloye avoit une
particuliere debvotion à Notre Dame de Mèdous et qu'elle y aloit ordinairement chaque jour
toute pied nue prier Dieu, et que mesme on l'a veue souvant y aller à genous, et qu'on a ouy
dire à ladicte Liloye que Nostre Dame lui avait apareu en l'esglise de Mèdoux en forme d'une
belle damoiselle bestue de blanc...
Qu'il lui dict d'aller advertir Messieurs les ecclesiastiques et les consuls de Baignières qu'un
grand malheur leur devait arriver bien tost s'ils ne faisoient promptement penitence et ne se
mettoyent en prière, mais qu'ils fisent quelques processions generalles à l'esglise de Medoux
et qu'elle les preserveroit de se malheur; et que ladicte Liloye parla aux messieurs de
Baignières de la part de Nostre Dame, mais qu'ils ne tindrent compte de son advertissement.
Que peu de temps après la peste vint à Baignières et qu'elle empourta de six pars les cinq du
peuple et qu'il n'y resta en vie que ceux qui s'en estoient fuis fort loing de la ville; mais
qu'après ceux qui se trouverent dedans feurent morts, la peste cessa...
Que un an pres que ceux de dehors eurent bien fait purifier les maisons et qui y feurent
retournés dans la Ville,une des principalles femmes de Baignères nommèe Simone de
Souville dicte Morelle dict à Liloye en railhant que Nostre-Dame ni elle ne debvoient point
avoir faict tant de peur à la Ville, parce que cette peste n'avoit esté que pour les pauvres et que
les gens de peu seulement y estoient morts pour naoir eu moyen de se sogner; et que ladicte
Liloye respondit à ladicte Simonne de Souville surnommèe Morelle qu'elle ne leur avoit dict
rien que ce que Nostre Dame lui avait commandè de leur dire.
Que la mesme Liloye continuoit toujours de frequenter l'esglise de Medoux aussy bien au
tems de la peste que au tems de la santé et qu'elle batoit sa poitrine avec une pierre pour
demandé à Dieu et à Nostre-Dame misericorde pour le pauvre peuple de Baignières, et
qu'enfin le peuple voyant un si grand fléau le peuble fist veu d'aller en procession à Nostre
Dame de Medoux et que la peste cessa incontinenet que le veu fut faict; que alant en
procession à Medus, ladicte Liloye et a filhe estoient habillés de blanc comme des religieuses
et qu'elles y alloient neus pieds devant tout le peuble, ayant chacune un sierge blanc à la main,
et que tous ceux quy peurent marcher, grands et petits, alarent aussi à ceste procession, et
mesme les religieux de Saint-Dominique y feurent affin de randre graces tous ensemble a la
Sainte Vierge de ce qu'elle leur avoit obtenu la santé de leur ville.
Qu'apres que ce veu feust accomply et qu'on jouict d'une bonne et assurée santé, les messieurs
de Baignières deslibererent d'entretenir ladicte Liloye et sa filhe aux despans de la