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La clé des champs urbains en Gironde - Spirit

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Magasinage<br />

Du besoin compulsif de se vêtir<br />

Le consommateur de vêtem<strong>en</strong>t et/ou d’accessoires est une espèce <strong>en</strong> plein<br />

développem<strong>en</strong>t. Répandue généralem<strong>en</strong>t dans les pays à économie riche, elle<br />

évolue le plus souv<strong>en</strong>t dans les milieux <strong>urbains</strong>. Leur habitat naturel : c<strong>en</strong>tre<br />

ville et c<strong>en</strong>tres commerciaux. Leurs terrains de chasse : les boutiques. Plusieurs<br />

comportem<strong>en</strong>ts dans l’acte d’achat sont à observer chez cette espèce dont le<br />

nom sci<strong>en</strong>tifique est celui d’ « homo capitalo fringus victimus ».<br />

Soi<strong>en</strong>t deux catégories. <strong>La</strong> première, les sujets chez lesquels les notions de besoin et de désir sont<br />

id<strong>en</strong>tifiées de façon distincte. <strong>La</strong> seconde, les sujets pour lesquels cette distinction est beaucoup<br />

plus difficile et où tout désir devi<strong>en</strong>t aussi irrépressible qu’un besoin physiologique (boire, manger,<br />

se soulager). <strong>La</strong> première catégorie, <strong>en</strong> différ<strong>en</strong>ciant désir et besoin, parvi<strong>en</strong>t à consommer de façon<br />

raisonnée. En situation d’acte d’achat, elle contrebalance objectivem<strong>en</strong>t les freins et les motivations.<br />

Pour la seconde, cet acte relève plus de la pulsion que ri<strong>en</strong> ne peut réfréner.<br />

Audrey, institutrice d’une tr<strong>en</strong>taine d’années, et Estelle, journaliste de 28 ans, ont été observées et<br />

interrogées dans leur milieu naturel. Audrey : « Mon budget vêtem<strong>en</strong>t n’est pas très élevé. Il m’arrive de<br />

passer plusieurs mois sans mettre le nez dans une boutique. Quand j’ai besoin de quelque chose, j’achète<br />

un classique basique, qui se porte facilem<strong>en</strong>t. » Estelle : « J’ai t<strong>en</strong>dance à acheter quelque chose au moins<br />

une fois par semaine. Le matin, je me lève et je sais que mon instinct va me m<strong>en</strong>er dans les magasins.<br />

Il est rare que je dép<strong>en</strong>se plus de 100 euros <strong>en</strong> une fois, mais l’accumulation d’achats fait grimper mon<br />

budget vêtem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre 250 et 300 euros par mois. Quelle que soit l’occasion, il faut que je m’achète<br />

un truc. Une soirée <strong>en</strong>tre copains à la maison, un sweater sympa chez H&M, une soirée resto-boîte,<br />

un nouveau top chez Zara, un week-<strong>en</strong>d à la campagne avec mes beaux-par<strong>en</strong>ts, un joli col roulé... »<br />

Pour le sujet Audrey, le vêtem<strong>en</strong>t est associé à un besoin objectif de sécurité : « Je n’ai plus de pull, j’ai<br />

besoin de m’<strong>en</strong> acheter un pour ne pas avoir froid. » En ce qui concerne le sujet Estelle, le vêtem<strong>en</strong>t<br />

semble habité d’une dim<strong>en</strong>sion plus complexe qui touche à l’accomplissem<strong>en</strong>t et à la réalisation de<br />

soi. Elle ne parvi<strong>en</strong>t pas à « être » sans son vêtem<strong>en</strong>t. Il apparaît bi<strong>en</strong> difficile aujourd’hui pour les<br />

« homo capitalo libéralo fringus victimus » de la seconde catégorie d’exister, aux yeux <strong>des</strong> autres<br />

ainsi qu’à leurs propres yeux, sans que vêtem<strong>en</strong>ts et accessoires n’agiss<strong>en</strong>t comme révélateur infaillible<br />

d’id<strong>en</strong>tité, appareil de mesure ultra-précis <strong>des</strong> valeurs imposées par la société. Il s’agirait donc<br />

ici d’un sujet pour lequel le désir se transformerait <strong>en</strong> un besoin aussi ess<strong>en</strong>tiel et nécessaire que les<br />

besoins vitaux connus chez la majorité <strong>des</strong> autres espèces (boire, manger, dormir, se reproduire).<br />

Et, si pour une raison ou pour une autre, Estelle était mise <strong>en</strong> situation d’impossibilité de réponse à<br />

un de ses besoins, comm<strong>en</strong>t réagirait-elle ? Pour <strong>des</strong> raisons évid<strong>en</strong>tes, cette expéri<strong>en</strong>ce n’a pas pu<br />

être t<strong>en</strong>tée, <strong>en</strong> revanche celle-ci a exprimé un fort état d’angoisse à cette idée. « Si je ne pouvais plus<br />

ri<strong>en</strong> m’acheter, ni vêtem<strong>en</strong>ts, ni chaussures, ni maquillage, je ne serais plus moi. » Aussi, espérons que<br />

tous les « homo liberalo capitalo fringus victimus » auront été pleinem<strong>en</strong>t exaucés à l’occasion<br />

de fêtes de fin d’année...<br />

[Madeleine Sabourin]

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