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Numéro 6 - Metropolis Canada

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Citoyenneté et<br />

immigration <strong>Canada</strong><br />

Also available in English www.metropolis.net<br />

Nos<br />

diverses<br />

cités<br />

NUMÉRO 6 PRINTEMPS 2009<br />

Région<br />

des Prairies<br />

DIRECTEURS INVITÉS<br />

Tom Carter<br />

Université de Winnipeg<br />

Tracey Derwing<br />

University of Alberta<br />

Linda Ogilvie<br />

University of Alberta<br />

Terry Wotherspoon<br />

University of Saskatchewan<br />

Citizenship and<br />

Immigration <strong>Canada</strong><br />

Avec l'appui de la Direction de la Recherche, Direction générale de la citoyenneté et du multiculturalisme, Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong>


LE PROJET METROPOLIS<br />

Un pont entre les recherches, les politiques publiques et les pratiques<br />

L’importance accrue des questions<br />

d’immigration et de diversité<br />

Chaque année, le <strong>Canada</strong> accueille quelque<br />

220 000 immigrants et réfugiés.<br />

Les nouveaux arrivants ont-ils du succès sur les plans de la<br />

recherche d’emploi et économique?<br />

Quelles sont les répercussions de la diversité sur le <strong>Canada</strong>?<br />

Les nouveaux arrivants se butent-ils à des obstacles?<br />

Pourquoi les nouveaux arrivants s’établissent-ils principalement<br />

dans les grandes villes?<br />

Existe-t-il des défis sociaux et économiques? Y réagissons-nous<br />

de façon adéquate?<br />

Le réseau et les partenariats<br />

du projet <strong>Metropolis</strong><br />

Le projet <strong>Metropolis</strong> compte plus de 6 000 participants<br />

provenant du monde entier.<br />

Partenaires financiers fédéraux, dont le Conseil de recherches<br />

en sciences humaines, Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong>,<br />

Patrimoine canadien, Ressources humaines et Développement<br />

des compétences <strong>Canada</strong>, Sécurité publique <strong>Canada</strong>,<br />

la Gendarmerie royale du <strong>Canada</strong>, la Société canadienne<br />

d’hypothèques et de logement, Statistique <strong>Canada</strong>,<br />

l’Agence de promotion économique du <strong>Canada</strong> atlantique,<br />

le Secrétariat rural d’Agriculture et Agroalimentaire <strong>Canada</strong>,<br />

l’Agence des services frontaliers du <strong>Canada</strong>, Développement<br />

économique <strong>Canada</strong> pour les régions du Québec, l’Agence<br />

de santé publique du <strong>Canada</strong><br />

Partenariats par projets avec d’autres ministères, des<br />

gouvernements provinciaux et municipaux, des organisations<br />

non gouvernementales et des fournisseurs de services dans<br />

les domaines de l’immigration et de l’établissement<br />

Partenariats avec des pays de l’Amérique du Nord, de la<br />

plupart des pays de l’Europe et de nombreux pays de<br />

la région de l’Asie-Pacifique ainsi qu’avec plusieurs<br />

organisations internationales<br />

Participation, dans les centres d’excellence, de plusieurs<br />

centaines de chercheurs, de diplômés et de boursiers<br />

postdoctoraux venant de plus de 20 universités au <strong>Canada</strong><br />

www.metropolis.net<br />

Un pont entre les recherches,<br />

les politiques publiques et les pratiques<br />

Le Secrétariat du projet <strong>Metropolis</strong> constitue le pont entre<br />

les recherches, les politiques publiques et les pratiques.<br />

Appuie et encourage les recherches qui peuvent informer<br />

les politiques publiques et présenter un intérêt pour le<br />

gouvernement du <strong>Canada</strong><br />

Favorise la recherche par les responsables des politiques et<br />

les intervenants du milieu<br />

Gère la composante internationale du projet <strong>Metropolis</strong><br />

Mobiliser le réseau<br />

Nos cinq centres d’excellence, situés à Vancouver,<br />

Edmonton, Toronto, Montréal et Halifax/Moncton,<br />

produisent des recherches pouvant éclairer les politiques<br />

publiques sur l’immigration et la diversité<br />

Les conférences <strong>Metropolis</strong> réunissent plus de<br />

700 participants chaque année<br />

<strong>Metropolis</strong> présente, une tribune publique où sont étudiés<br />

les résultats des recherches et les découvertes stratégiques<br />

relativement aux nouveaux enjeux<br />

La série de conversations <strong>Metropolis</strong>, rencontres d’experts<br />

à huis clos servant à éclairer le débat sur les politiques<br />

d’immigration<br />

Comité interministériel des partenaires fédéraux :<br />

comité dont les réunions trimestrielles donnent lieu à des<br />

débats stratégiques à facettes multiples<br />

Nos publications servent à informer les responsables des<br />

politiques et les intervenants<br />

Nos sites Web primés comprennent des centaines d’articles<br />

et de documents de travail<br />

Coprésidence du projet international <strong>Metropolis</strong>, le plus<br />

important réseau portant sur l’immigration du genre, qui réunit<br />

plus de 30 pays et organisations internationales


Nos<br />

diverses<br />

cités<br />

Table des matières<br />

NUMÉRO 6 PRINTEMPS 2009<br />

3 Introduction – Nos diverses cités :<br />

les Prairies – Aux confins de la migration<br />

Tom Carter, Université de Winnipeg; Tracey Derwing,<br />

University of Alberta; Linda Ogilvie, University of Alberta;<br />

Terry Wotherspoon, University of Saskatchewan<br />

SECTION 1<br />

IMMIGRATION ET ÉTABLISSEMENT<br />

DANS LES PRAIRIES<br />

9 La diversité canadienne et les provinces<br />

des Prairies : une perspective historique<br />

Robert Vineberg, <strong>Canada</strong> West Foundation et<br />

Centre <strong>Metropolis</strong> des Prairies<br />

15 L’histoire de l’immigration dans les Prairies<br />

Randy Gurlock, Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong><br />

20 Tendances récentes de la migration vers des<br />

centres de troisième rang dans les Prairies<br />

Lori Wilkinsom et Alison Kalischuk, University of Manitoba<br />

29 Intégration et établissement dans<br />

les Prairies canadiennes<br />

Fariborz Birjandian et Rob Bray, Calgary Catholic<br />

Immigration Society<br />

35 Recrutement et protection des travailleurs<br />

étrangers : le rôle de la Loi sur le recrutement<br />

et la protection des travailleurs du Manitoba<br />

L’honorable Nancy Allan, Gouvernement du Manitoba<br />

41 Saskatchewan : maintenir la vigueur<br />

de l’économie grâce à l’immigration<br />

Arla Cameron, ministère de l’Enseignement postsecondaire,<br />

de l’Emploi et du Travail de la Saskatchewan<br />

45 Attirer et garder les immigrants : une boîte<br />

à outils pleine d’idées pour les petits centres<br />

Lynne Belding, Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong>;<br />

Jean McRae, Inter-Cultural Association of Greater Victoria<br />

48 Une analyse des tendances en matière<br />

d’attraction et de rétention des immigrants<br />

dans les RMR de l’Ouest canadien<br />

Valerie Pruegger, University of Calgary et Ville de Calgary;<br />

Derek Cook, Ville de Calgary<br />

55 Planification de l’immigration dans les Prairies :<br />

l’expérience d’une intervenante communautaire<br />

Kim Shukla, Prairie Global Management<br />

SECTION 2<br />

DIVERSITÉ CULTURELLE ET RACIALE<br />

59 Le profil socioéconomique des minorités<br />

visibles des Prairies : thèmes de recherche<br />

sur le multiculturalisme<br />

Kamal Dib et Sofia Rodriguez-Gallagher,<br />

Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong><br />

66 Repenser le <strong>Canada</strong> : nouvelles perspectives sur<br />

la citoyenneté et le rôle des minorités<br />

Marc Arnal, University of Alberta, Campus Saint-Jean<br />

71 Quand temporaire devient permanent :<br />

les incidences des travailleurs étrangers<br />

temporaires et de la diversité croissante<br />

à Brandon, au Manitoba<br />

Jill Bucklaschuk, Alison Moss et Robert C. Annis,<br />

Rural Development Institute, Brandon University<br />

78 Le Nouvel Ouest : une crise identitaire<br />

imminente dans la ville du Stampede<br />

Derek Cook, Ville de Calgary<br />

84 Une nouvelle identité ethnique ?<br />

Les jeunes dans les Prairies<br />

Jim Frideres, University of Calgary<br />

91 Les jeunes et les milieux urbains<br />

en tant que formes d’attachement :<br />

une étude menée à Calgary<br />

Yvonne Hébert, University of Calgary;


98 Les Églises chrétiennes africaines francophones<br />

de la région d’Edmonton et l’intégration sociale<br />

et citoyenne des nouveaux arrivants<br />

Paulin Mulatris, University of Alberta, Campus Saint-Jean<br />

102 Les Autochtones dans les villes des Prairies :<br />

certains s’y sont perdus, d’autres s’y sont trouvés<br />

Douglas Durst, University of Regina<br />

SECTION 3<br />

DÉFIS QUI ATTENDENT LES<br />

NOUVEAUX ARRIVANTS<br />

109 Étude sur les services en matière de santé<br />

mentale et de bien-être des immigrantes<br />

et des réfugiées vivant en Saskatchewan<br />

Judy White, University of Regina<br />

115 L’établissement des réfugiés parrainés par<br />

le secteur privé à Winnipeg, au Manitoba<br />

Tom Carter, Université de Winnipeg<br />

120 L’évolution sur le plan du logement pour<br />

les réfugiés établis à Edmonton, à Calgary<br />

et à Winnipeg<br />

Rick Enns, University of Calgary;<br />

Tom Carter, Université de Winnipeg<br />

125 Parcours scolaires favorisant l’intégration sociale<br />

des élèves réfugiés africains au Manitoba<br />

Yatta Kanu, University of Manitoba<br />

131 L’intégration en emploi des immigrants<br />

francophones racisés à Winnipeg : résumé<br />

d’une étude exploratoire<br />

Jean Lafontant, Université du Québec à Montréal<br />

136 La discrimination vécue par les minorités<br />

visibles dans les petites collectivités<br />

Daniel W. L. Lai et Nedra Huffey, University of Calgary<br />

142 Le capital social des Prairies : un bilan<br />

Abdie Kazemipur, University of Lethbridge<br />

148 De travailleuses temporaires à résidentes<br />

permanentes : services de transition pour les<br />

aides familiales résidantes d’origine philippine<br />

dans le sud de l’Alberta<br />

Glenda Lynna Anne Tibe Bonifacio,<br />

University of Lethbridge<br />

155 Toiles d’araignée, diversité et inclusion<br />

Gayla Rogers, University of Calgary et Urban Alliance<br />

SECTION 4<br />

INITIATIVES D’INTÉGRATION<br />

158 Sensibilisation du public et partenariats :<br />

mesures prises pour bâtir des collectivités<br />

accueillantes et combattre le racisme et la<br />

discrimination en Alberta<br />

Cassie Palamar, Commission albertaine des droits de la<br />

personne et de la citoyenneté<br />

164 Diversité culturelle, relations interraciales,<br />

immigration et intégration : initiatives<br />

municipales à Saskatoon, en Saskatchewan<br />

Joseph Garcea, University of Saskatchewan;<br />

Smita Garg, Ville de Saskatoon<br />

170 Le rôle des municipalités dans l’intégration<br />

des immigrants : l’expérience d’Edmonton<br />

John Reilly, Ville d’Edmonton<br />

176 Créer un effectif exemplaire pour l’avenir :<br />

les initiatives de Winnipeg en matière d’équité<br />

et de diversité<br />

Jackie Halliburton, Ville de Winnipeg<br />

180 Les immigrants à Edmonton :<br />

portrait d’une ville en pleine mutation<br />

Jim Gurnett, Edmonton Mennonite Centre for Newcomers<br />

185 Au-delà de l’établissement : renforcer les<br />

familles immigrantes, les collectivités et la<br />

société canadienne grâce au courtage culturel<br />

Yvonne Chiu et Lucenia Ortiz, Multicultural Health Brokers<br />

Co-operative; Ruth Wolfe, University of Alberta<br />

192 L’établissement dans les Prairies : la Regina Open<br />

Door Society s’adapte aux besoins croissants<br />

Darcy Dietrich, Regina Open Door Society<br />

196 Parrainage privé de réfugiés à<br />

Winnipeg, au Manitoba<br />

Tom Denton, Manitoba Refugee Sponsors<br />

199 Le Programme d’accueil par la communauté de<br />

Saskatoon Open Door Society fait ses preuves<br />

Julie Fleming Juárez, Saskatoon Open Door Society<br />

203 Attirer les immigrants dans les régions<br />

rurales de la Saskatchewan : un nouveau<br />

défi qui vaut la peine d’être relevé<br />

Jeff Passler, Southeast Community Settlement Committee


Nos diverses cités :<br />

les Prairies – Aux confins<br />

de la migration<br />

Introduction<br />

TOM CARTER<br />

Université de Winnipeg<br />

TRACEY DERWING<br />

University of Alberta<br />

LINDA OGILVIE<br />

University of Alberta<br />

TERRY WOTHERSPOON<br />

University of Saskatchewan<br />

Le travail du Centre <strong>Metropolis</strong> des Prairies a permis de mieux comprendre le<br />

phénomène trop souvent négligé de l’immigration dans les provinces des Prairies et<br />

a suscité un vif intérêt [...] à l’égard d’un des thèmes de recherche <strong>Metropolis</strong>, celui<br />

de la régionalisation de l’immigration. Les stratégies de diversification sociale et<br />

économique des Prairies, auxquelles s’ajoutent les nombreuses possibilités du secteur<br />

des ressources, ont porté l’immigration au rang des enjeux déterminants.<br />

Les articles publiés dans le présent numéro de<br />

Nos diverses cités soulignent le rôle essentiel<br />

que l’immigration et la recherche en matière<br />

d’immigration ont joué et continuent de jouer<br />

dans les Prairies. Les provinces du Manitoba,<br />

de la Saskatchewan et de l’Alberta ont longtemps<br />

été considérées comme des destinations très<br />

lointaines, symboles de nouveau départ. Autrefois,<br />

les immigrants s’y établissaient avec l’espoir<br />

d’acquérir une terre bien à eux. Aujourd’hui,<br />

nombre d’entre eux viennent pour y acquérir une<br />

certaine indépendance financière et se construire<br />

une vie meilleure. Malgré le ralentissement<br />

économique mondial, les provinces des Prairies<br />

demeurent prospères et attirent toujours les<br />

nouveaux arrivants, qu’ils soient immigrants ou<br />

Canadiens de souche. Les réfugiés sont également<br />

bien représentés dans les Prairies; ensemble, les<br />

trois provinces, qui apportent depuis longtemps<br />

un appui solide aux réfugiés, parrainent un<br />

nombre de réfugiés proportionnellement plus<br />

important que la moyenne nationale.<br />

Après plusieurs années pendant lesquelles<br />

la plupart des immigrants préféraient Toronto,<br />

Vancouver et Montréal, l’immigration se régio -<br />

nalise de plus en plus; des centres plus petits<br />

cherchent à attirer les nouveaux arrivants et ces<br />

derniers se rendent compte que de nouvelles<br />

possibilités s’offrent à eux en dehors des desti -<br />

nations d’immigration traditionnelles. Au cours<br />

Nos diverses cités 3


Même si les difficultés liées à la gestion efficace de la diversité raciale et<br />

culturelle sont énormes, les solutions appartiennent aux collectivités d’accueil<br />

et aux nouveaux arrivants. Pour que l’intégration soit réussie, les deux groupes<br />

doivent prendre à cœur des valeurs fondamentales [...], fondées sur l’équité,<br />

l’importance de la communauté et l’acceptation de la diversité.<br />

4 Nos diverses cités<br />

des dix dernières années, les tendances en immi -<br />

gration ont subi d’autres changements. Les<br />

provinces participent dorénavant beaucoup plus<br />

au processus de sélection des nouveaux arrivants,<br />

par le biais des programmes des candidats<br />

des provinces (PCP). Le Programme fédéral<br />

concernant les travailleurs étrangers temporaires<br />

(TET) permet à un grand nombre de nouveaux<br />

arrivants de venir au <strong>Canada</strong> pour répondre aux<br />

besoins du marché du travail, et ce, bien plus<br />

rapidement qu’en suivant les voies d’immigration<br />

traditionnelles. Dans le présent numéro, des<br />

universitaires, des responsables des politiques et<br />

des intervenants en immigration nous ouvrent<br />

de nouvelles perspectives et nous donnent une<br />

vue d’ensemble de la façon dont l’immigration<br />

se déroule et est vécue dans les provinces<br />

des Prairies.<br />

Parce qu’il intègre connaissances, politiques et<br />

pratiques en matière de processus d’immigration<br />

et d’intégration, le projet <strong>Metropolis</strong> permet de<br />

diffuser de l’information sur les enjeux communs<br />

et de partager des formules novatrices entre<br />

les différents intervenants et ordres de gouver -<br />

nement. Il attire l’attention sur les différents rôles<br />

que l’immigration a joués tout au long de<br />

l’histoire, aux échelles régionale et nationale. Les<br />

travaux réalisés au sein du Centre <strong>Metropolis</strong> des<br />

Prairies (CMP) sont d’ailleurs très instructifs à cet<br />

égard : les tendances de l’immigration dans les<br />

Prairies ont parfois semblé décalées par rapport à<br />

celles observées ailleurs au <strong>Canada</strong>. Cependant, le<br />

travail du CMP a permis de mieux comprendre le<br />

phénomène trop souvent négligé de l’immigration<br />

dans les provinces des Prairies et a suscité un<br />

vif intérêt parmi les chercheurs – dans les Prairies<br />

et ailleurs – à l’égard d’un des thèmes de recherche<br />

<strong>Metropolis</strong>, celui de la régionalisation de l’immi -<br />

gration. Les stratégies de diversification sociale et<br />

économique des Prairies, auxquelles s’ajoutent les<br />

nombreuses possibilités du secteur des ressources,<br />

ont porté l’immigration au rang des enjeux<br />

déterminants. L’immigration joue maintenant un<br />

rôle majeur dans le domaine de la planification :<br />

elle favorise le redressement économique et<br />

suscite un regain d’espoir dans nombre de<br />

collectivités autrefois au bord de l’extinction. Le<br />

CMP a collaboré étroitement avec tous les paliers<br />

de gouvernement, avec des organismes d’aide<br />

aux immigrants et avec des universitaires dans<br />

l’objectif d’établir une base de connaissances<br />

solide et de meilleures commu nications, pour<br />

apporter un éclairage nouveau sur le processus<br />

d’intégration des immigrants et des réfugiés et<br />

aider les collectivités qui les reçoivent à devenir<br />

plus accueillantes.<br />

Immigration et établissement<br />

dans les Prairies<br />

Pour bien comprendre le contexte actuel dans<br />

les Prairies, il est important de tenir compte<br />

des antécédents historiques. Dans son article,<br />

Vineberg rapporte que l’acceptation de la diversité<br />

a commencé très tôt dans l’histoire du <strong>Canada</strong>;<br />

le taux élevé de mariages mixtes entre les<br />

Européens et les membres des Premières nations,<br />

et l’Acte de Québec de 1774 en sont deux<br />

indicateurs. Vineberg conclut que « la citoyenneté<br />

et la diversité sont non seulement compatibles au<br />

<strong>Canada</strong>, mais aussi inextricablement liées à notre<br />

identité canadienne». Les auteurs des articles qui<br />

suivent expliquent comment cet engagement<br />

envers la diversité est encore très présente dans<br />

les stratégies récentes en matière d’immigration<br />

adoptées dans les Prairies. Gurlock se penche sur<br />

les faits historiques, soulignant l’importance<br />

des PCP, surtout au Manitoba, ainsi que sur<br />

les effets de la migration secondaire et de la<br />

présence des TET. Wilkinson et Kalischuk<br />

examinent la migration des nouveaux arrivants<br />

vers des centres de troisième rang et le rôle de la<br />

Catégorie de l’expérience canadienne. Ils mettent<br />

en lumière le besoin de statistiques à jour pour<br />

déterminer le taux de maintien des immigrants<br />

dans les Prairies. Sur le thème de l’établissement,<br />

Birjandian et Bray décrivent des stratégies locales,<br />

propres aux Prairies, mises en œuvre pour mieux<br />

sensibiliser les collectivités à l’importance de


l’immigration. Ils prévoient qu’à l’avenir, un plus<br />

grand pourcentage des immigrants au <strong>Canada</strong><br />

viendront s’installer dans les Prairies et<br />

soulignent donc l’importance de la planification<br />

à long terme.<br />

L’honorable Nancy Allan du gouvernement du<br />

Manitoba explique en détail le rôle de la Loi sur<br />

le recrutement et la protection des travailleurs<br />

de cette province qui a fait venir un nombre<br />

croissant de TET. La Saskatchewan cherche<br />

aussi à attirer les nouveaux arrivants, et le<br />

gouvernement provincial annoncera bientôt sa<br />

stratégie en matière d’immigration visant à<br />

inciter les gens à s’installer dans la province.<br />

Certains éléments de cette stratégie se retrouvent<br />

sans aucun doute dans l’article de Belding et<br />

McRae, qui décrit la « Boîte à outils pleine<br />

d’idées pour les petits centres », dont l’obectif est<br />

d’aider les collectivités de petite taille à attirer<br />

les nouveaux arrivants dans la région et à les<br />

inciter à y demeurer. L’article de Pruegger et<br />

Cook porte également sur les moyens d’attirer et<br />

de conserver les immigrants et met en évidence<br />

l’importance des réactions individuelles des<br />

collectivités à l’égard des nouveaux arrivants.<br />

L’article de Shukla termine la section en décrivant<br />

la situation des immigrants dans les collectivités<br />

rurales et les moyens mis à leur disposition pour<br />

composer le mieux possible avec les limitations<br />

et les obstacles qu’ils doivent affronter. Elle<br />

fait valoir que, finalement, il est essentiel de<br />

bien comprendre la nature de la collectivité<br />

et d’établir des partenariats pour obtenir de<br />

bons résultats.<br />

Le message général de cette première section<br />

fait ressortir l’importance de la planification à<br />

long terme, le rôle clé que jouent les collec -<br />

tivités d’accueil dans l’intégration des nouveaux<br />

arrivants et la fonction essentielle des partenariats<br />

dans les stratégies d’intégration. Les collectivités<br />

des Prairies ont besoin de solutions conçues<br />

dans les Prairies et prévues spécialement pour<br />

les nouveaux arrivants et les collectivités<br />

elles-mêmes.<br />

Diversité culturelle et raciale<br />

Même si les Prairies ont toujours compté une<br />

large population autochtone, les immigrants qui<br />

arrivaient dans ces provinces étaient essen -<br />

tiellement d’origine européenne, et ce, jusque<br />

dans les dernières décennies, lorsque la région<br />

a commencé à attirer un nombre croissant<br />

d’immigrants et de réfugiés en provenance de<br />

pays non européens. Cette diversité culturelle<br />

et raciale est liée à l’évolution générale de<br />

l’immigration, mais aussi à certaines poli -<br />

tiques gouvernementales, comme les PCP et<br />

le Programme des langues officielles, qui<br />

promeut l’établissement d’immigrants franco -<br />

phones, notamment en provenance d’Afrique et<br />

des Caraïbes, dans de petits centres de l’Ouest.<br />

Au cours des dernières années, la population<br />

autochtone a également augmenté, mettant en<br />

relief des dynamiques plus complexes, tant au<br />

sein même de la population autochtone qu’entre<br />

celle-ci et les autres populations.<br />

Dib et Rodriguez-Gallagher présentent des<br />

statistiques du Recensement de 2006 sur les<br />

minorités visibles et les Autochtones dans les<br />

Prairies. Ils traitent d’abord de questions liées à la<br />

diversité et concluent en proposant des thèmes qui<br />

pourraient faire l’objet de travaux de recherche<br />

universitaires. Ils soulignent la nécessité de<br />

favoriser des politiques et des pratiques qui visent<br />

une intégration sociale et économique efficace.<br />

Arnal jette un regard sur les collectivités<br />

francophones albertaines et suggère qu’il existe<br />

une différence importante entre le patrimoine<br />

culturel et le développement culturel. Il décrit<br />

la conception des valeurs canadiennes de David<br />

Crombie, qui repose sur les notions d’égalité, de<br />

diversité et de communauté. Arnal fait valoir que<br />

tous les groupes, y compris les francophones,<br />

doivent prendre ces valeurs à cœur afin de<br />

continuer à se développer.<br />

Les travailleurs étrangers temporaires arri -<br />

vent maintenant dans les Prairies en grand<br />

nombre, mais les interprétations des différents<br />

gouver nements provinciaux de la notion de<br />

« temporaire » varient considérablement. Au<br />

Manitoba, « temporaire » signifie « en transition »,<br />

car la province cherche à attirer des personnes<br />

qui choisiront de rester. Bucklaschuk, Moss et<br />

Annis décrivent les répercussions que l’immi -<br />

gration croissante aura sur la prestation de<br />

services, le logement, l’éducation et les services<br />

de soutien linguistique à Brandon. Ils insistent<br />

sur l’importance de la collaboration entre collec -<br />

tivités et sur le fait que les TET pourraient<br />

devenir des citoyens canadiens dans un avenir<br />

relativement proche.<br />

Les plus récentes tendances en immigration<br />

ont des incidences sur la façon dont les collec -<br />

tivités et les sous-groupes particuliers, comme les<br />

jeunes, se perçoivent eux-mêmes et interagissent<br />

avec d’autres. La diversité raciale à Calgary s’est<br />

accentuée, ce qui a entraîné un certain nombre<br />

de difficultés, dont la discrimination. Cook<br />

Nos diverses cités 5


Qu’il s’agisse de services d’orientation générale, de logement,<br />

de soins de santé, d’éducation, de cours de langue pour adultes,<br />

d’emploi ou de consultations psychologiques, ils peuvent tous être<br />

gérés indépendamment les uns des autres, mais si les fournisseurs<br />

de ces services travaillaient et planifiaient ensemble, l’intégration<br />

des immigrants serait certainement plus rapide et moins stressante.<br />

6 Nos diverses cités<br />

présente quelques-unes des mesures inéquitables<br />

qui touchent les minorités visibles dans cette<br />

ville. Il mentionne également les forts taux de<br />

crimes haineux et de racisme et soutient que,<br />

malgré la prise de certaines mesures pour lutter<br />

contre le racisme, Calgary doit reconsidérer son<br />

image pour devenir une destination acceptable<br />

pour les nouveaux arrivants. Frideres examine<br />

dans son article les perceptions des jeunes nés au<br />

<strong>Canada</strong> et à l’étranger à l’égard de l’identité<br />

ethnique et conclut que les jeunes immigrants<br />

« cherchent à préserver leur culture ethnique,<br />

mais s’aperçoivent également qu’ils doivent<br />

interagir au quotidien avec des personnes qui<br />

appartiennent à d’autres groupes ethniques ».<br />

Après avoir examiné l’attachement des jeunes<br />

aux lieux urbains, Hébert et Lee ont déterminé<br />

que les jeunes immigrants préfèrent leur domicile,<br />

à l’inverse de leurs homologues canadiens, qui<br />

préfèrent les centres commerciaux. Les auteures<br />

examinent les résultats obtenus par rapport à la<br />

capacité d’absorption des villes.<br />

Jusqu’à récemment, les chercheurs en immi -<br />

gration n’ont accordé que peu d’attention au rôle<br />

de la religion dans l’intégration des nouveaux<br />

arrivants. Mulatris présente les résultats d’un<br />

projet de recherche sur le rôle des églises<br />

chrétiennes africaines francophones en ce qui a<br />

trait à l’appui des nouveaux arrivants.<br />

Enfin, Durst décrit les difficultés et les expé -<br />

riences positives d’Autochtones vivant en milieu<br />

urbain, qui pour la plupart partagent des quartiers<br />

avec des immigrants nouvellement arrivés et<br />

se heurtent à des obstacles semblables à ceux<br />

rencontrés par ces derniers. Étant donné la forte<br />

croissance démographique des Autochtones, il<br />

incombe aux chercheurs, aux responsables<br />

des politiques et aux organisations non gouver -<br />

nementales d’examiner la relation étroite qui<br />

existe entre les questions autochtones et le travail<br />

effectué avec les immigrants et les réfugiés.<br />

Dans cette section, les auteurs expliquent que,<br />

même si les difficultés liées à la gestion efficace<br />

de la diversité raciale et culturelle sont énormes,<br />

les solutions appartiennent aux collectivités<br />

d’accueil et aux nouveaux arrivants. Pour que<br />

l’intégration soit réussie, les deux groupes doivent<br />

prendre à cœur des valeurs fonda mentales,<br />

comme celles décrites par Arnal, fondées sur<br />

l’équité, l’importance de la communauté et<br />

l’acceptation de la diversité.<br />

Difficultés éprouvées<br />

par les nouveaux arrivants<br />

La raison d’être du projet <strong>Metropolis</strong> est de réaliser<br />

des travaux de recherche en vue de façonner des<br />

politiques et de veiller à ce que les immigrants<br />

et leurs collectivités d’accueil soient bien servis.<br />

Nombre d’études menées dans le cadre du projet<br />

<strong>Metropolis</strong> ont cerné les difficultés éprouvées<br />

par les nouveaux arrivants relativement à certains<br />

aspects essentiels de leur vie. Dans la présente<br />

section, les auteurs présentent plusieurs difficultés<br />

et formulent des suggestions pour les surmonter.<br />

White examine la santé mentale des immi -<br />

grantes et des réfugiées. Les résultats de son<br />

travail de recherche indiquent que nombre<br />

d’obstacles qui avaient été mis en évidence par un<br />

groupe d’étude canadien en 1988 existent encore.<br />

Elle propose plusieurs solutions, dont une<br />

approche plus concertée des soins de santé.<br />

Carter se penche sur l’expérience d’établis -<br />

sement de réfugiés parrainés par le secteur privé.<br />

Il en conclut que, dans l’ensemble, le programme<br />

de parrainage privé de réfugiés à Winnipeg<br />

fonctionne bien, mais il suggère des mesures<br />

pour surveiller et appuyer l’établissement, ainsi<br />

que pour fournir de l’aide aux réfugiés lorsque<br />

le parrainage est un échec. Dans le cadre de<br />

leur étude longitudinale des logements pour les<br />

réfugiés à Winnipeg, à Calgary et à Edmonton,<br />

Enns et Carter concluent que les nouveaux<br />

arrivants ont besoin de plus d’information sur les<br />

logements et les quartiers, et que les propriétaires<br />

ont eux aussi besoin d’être mieux informés<br />

des différences culturelles. Les auteurs estiment


qu’il faut davantage de logements de transition<br />

et de logements locatifs à un coût abordable<br />

pour permettre aux réfugiés de concentrer leurs<br />

efforts sur d’autres difficultés d’établissement.<br />

Kanu traite du contexte de scolarisation des<br />

réfugiés africains qui étudient au Manitoba.<br />

Elle mentionne que même si les écoles essaient<br />

d’aider ces étudiants, beaucoup d’autres chan -<br />

gements sont nécessaires, y compris le traitement<br />

plus rapide des demandes d’asile en Afrique afin<br />

de limiter l’interruption des études. Lafontant,<br />

ainsi que Lai et Huffey, examinent la discri -<br />

mination dont sont victimes les minorités visibles<br />

et linguistiques. Les résultats des entrevues<br />

d’immigrants africains francophones réalisées par<br />

Lafontant ont montré que plusieurs d’entre eux<br />

avaient dû apprendre l’anglais pour obtenir un<br />

travail et que la plupart avaient l’impression que<br />

le fait d’être francophones, en plus d’appartenir<br />

à une minorité visible, avait accentué leurs<br />

difficultés. Le travail de Lai et Huffey sur les<br />

minorités visibles dans les petites villes albertaines<br />

fait état de difficultés bien connues : manque<br />

de reconnaissance des titres de compétences<br />

étrangers, traitement différentiel et difficultés<br />

intergénérationnelles. Dans une étude compa -<br />

rative entre l’Alberta et les autres provinces,<br />

Kazemipur s’intéresse principalement au capital<br />

social et à la confiance sociale. Il mesure le capital<br />

social à l’aide de différentes variables, dont<br />

la fréquence de la participation électorale,<br />

l’engagement politique et la confiance envers les<br />

institutions publiques, et fait valoir que les Prairies<br />

ne sont pas suffisamment bien préparées pour<br />

répondre aux besoins des nouveaux arrivants.<br />

Il estime que des investissements importants<br />

doivent être faits dans l’infrastructure sociale.<br />

Dans son étude sur la transition du statut de<br />

travailleur temporaire à celui de résident<br />

permanent vécue par les aides familiaux<br />

philippins dans le Sud de l’Alberta, Bonifacio<br />

conclut que les programmes uniformisés<br />

d’établissement ne correspondent généralement<br />

aucunement à leurs besoins. Elle recommande<br />

d’effectuer une évaluation des services existants<br />

afin de mieux servir ces personnes. De son côté,<br />

Rogers fait valoir que les organismes d’aide<br />

à l’établissement ne devraient pas être les seuls<br />

à aider les nouveaux arrivants à surmonter les<br />

obstacles qui se posent à eux : la lutte contre<br />

l’injustice est l’affaire de tous.<br />

Les travaux regroupés dans cette section<br />

mettent l’accent sur les questions soulevées<br />

lorsque les collectivités des Prairies ont cherché<br />

à répondre aux besoins de différents groupes de<br />

nouveaux arrivants. La recherche a mis en<br />

lumière des besoins essentiels tant en matière<br />

de relations institutionnelles que d’ententes<br />

relatives à la prestation de services, mais elle<br />

a également souligné l’augmentation du nombre<br />

de partenariats novateurs et d’ententes trans -<br />

férables dans d’autres contextes. Certaines de ces<br />

ententes sont d’ailleurs examinées dans la<br />

section suivante.<br />

Initiatives d’intégration<br />

L’objectif ultime de nombreux nouveaux<br />

arrivants est de s’intégrer complètement à la<br />

société canadienne. Il s’agit d’un objectif que<br />

les orga nismes fournisseurs de services et les<br />

ministères gouvernementaux veulent voir se<br />

réaliser. La présente section porte sur des<br />

initiatives qui ont favorisé l’intégration de<br />

nouveaux arrivants. Certaines s’intéressent aux<br />

immigrants et d’autres aux mesures prises par les<br />

institutions en place. Même si les nouveaux<br />

arrivants viennent au <strong>Canada</strong>, ils vivent dans<br />

une collectivité partic ulière, et la façon dont<br />

ils sont reçus détermine s’ils s’y sentiront les<br />

bienvenus. Les articles qui suivent portent sur<br />

des municipalités précises ou sur le travail réalisé<br />

par les gouvernements provinciaux en colla -<br />

boration avec certaines collectivités.<br />

Palamar décrit plusieurs activités entreprises<br />

par l’Alberta Human Rights and Citizenship<br />

Commission afin de bâtir des collectivités<br />

accueillantes et de lutter contre le racisme. La<br />

Commission a collaboré avec les administrations<br />

locales pour appuyer la Coalition des muni -<br />

cipalités contre le racisme et la discrimination.<br />

Garcea et Garg décrivent des initiatives de la<br />

Ville de Saskatoon pour attirer, conserver et<br />

intégrer un plus grand nombre de nouveaux<br />

arrivants par le biais de consultations inclusives<br />

avec tous ses partenaires.<br />

Edmonton est une autre ville des Prairies très<br />

active dans le domaine de l’intégration : la Ville<br />

a adopté une politique en matière d’immigration<br />

et d’établissement, a préparé de la documen -<br />

tation pour les nouveaux arrivants, dont un<br />

guide à l’intention des nouveaux arrivants en<br />

huit langues, et a établi des partenariats avec<br />

d’autres ordres de gouvernement. En 2009,<br />

Edmonton a lancé son numéro 3-1-1, une<br />

ligne d’information téléphonique proposant<br />

des renseignements en plus de 150 langues sur<br />

tous les services municipaux, ainsi que des<br />

services d’orientation vers les organisations<br />

Nos diverses cités 7


8 Nos diverses cités<br />

commu nautaires pertinentes. Haliburton précise<br />

que la Ville de Winnipeg ne possède pas une<br />

politique proprement dite de diversité, mais que<br />

la diversité fait partie intégrante de toutes<br />

les politiques, lignes directrices et pratiques en<br />

matière de ressources humaines. En effet,<br />

Winnipeg a mis en œuvre une gamme d’initiatives<br />

à l’intention des immigrants, des personnes<br />

handicapées et des jeunes Autochtones.<br />

Gurnett s’intéresse à l’approche globale et<br />

intégrée du Edmonton Mennonite Centre for<br />

Newcomers. Conscient de la complexité du<br />

phénomène de l’intégration, le Centre a adopté<br />

cette formule pour ne pas répondre aux besoins<br />

des nouveaux arrivants de manière fragmentaire.<br />

Gurnett insiste sur l’importance d’une écoute<br />

attentive des nouveaux arrivants pour les aider<br />

efficacement. Chiu, Ortiz et Wolfe présentent<br />

le travail de la Multicultural Health Brokers<br />

Cooperative d’Edmonton. Il s’agit d’une orga -<br />

nisation qui a mis sur pied des initiatives ayant<br />

trait aux déterminants de la santé des immi grants<br />

et qui visent à mieux adapter le système de soins<br />

de santé aux différences culturelles.<br />

Dietrich fait un résumé des activités de la<br />

Regina Open Door Society, qui offre ses services<br />

à la fois aux nouveaux arrivants et aux collec -<br />

tivités d’accueil. Denton parle de l’expérience<br />

particulière de Winnipeg à l’égard du parrainage<br />

de réfugiés. Winnipeg représente 2 % de la<br />

population canadienne, mais accueille 17 % des<br />

réfugiés parrainés par le secteur privé au <strong>Canada</strong>;<br />

plus de 56 % de toutes les nouvelles demandes<br />

de parrainage privé soumises au gouvernement<br />

fédéral proviennent de Winnipeg. Fleming Juárez<br />

présente le Programme d’accueil par la commu -<br />

nauté offert par l’Open Door Society de<br />

Saskatoon, programme qu’elle considère comme<br />

essentiel pour retenir les nouveaux arrivants.<br />

Passler termine ce numéro de Nos diverses cités<br />

avec une description du Southeast Community<br />

Settlement Committee, qui représente plusieurs<br />

collectivités rurales de la Saskatchewan. Cette<br />

organisation a été créée pour apporter de l’aide<br />

aux nouveaux arrivants dès leur arrivée. Le<br />

comité a deux fonctions : il veille à ce que les<br />

nouveaux arrivants soient accueillis par des<br />

bénévoles et fait en sorte que ces derniers<br />

puissent apprendre à mieux connaître les<br />

personnes de cultures différentes.<br />

Comme plusieurs auteurs l’ont mentionné, il<br />

existe une foule d’organismes fournisseurs de<br />

services prêts à accueillir les nouveaux arrivants,<br />

et nombre de municipalités ont mis en place des<br />

politiques équitables pour appuyer les nouveaux<br />

arrivants et les minorités. Pourtant, la mise en<br />

œuvre d’une approche uniforme et globale, qui<br />

demande la création de partenariats, reste essen -<br />

tielle pour que les immigrants puissent se sentir<br />

les bienvenus. En outre, les meilleures pratiques<br />

devraient se fonder sur des travaux de recherche<br />

solides. Qu’il s’agisse de services d’orien tation<br />

générale, de logement, de soins de santé,<br />

d’éducation, de cours de langue pour adultes,<br />

d’emploi ou de consultations psycho logiques,<br />

ils peuvent tous être gérés indépendamment les<br />

uns des autres, mais si les fournisseurs de ces<br />

services travaillaient et planifiaient ensemble,<br />

l’intégration des immi grants serait certainement<br />

plus rapide et moins stressante. À cet effet, les<br />

gouvernements peuvent jouer un rôle important<br />

en rassemblant leurs partenaires et en élaborant<br />

des politiques qui encouragent des pratiques plus<br />

équitables envers les immigrants.<br />

À propos des auteurs<br />

TOM CARTER est titulaire d’une Chaire de recherche<br />

du <strong>Canada</strong> en évolution et adaptation urbaine et est<br />

professeur de géographie à l’Université de Winnipeg.<br />

Ses travaux portent essentiellement sur le logement et<br />

le développement urbain, avec un intérêt prononcé pour<br />

les logements destinés aux immigrants et aux réfugiés.<br />

TRACEY DERWING est professeure d’anglais langue seconde<br />

au département de psychopédagogie de la University of<br />

Alberta et codirectrice du Centre <strong>Metropolis</strong> des Prairies.<br />

Ses travaux portent principalement sur le développement<br />

de la fluidité verbale, la prononciation et l’intelligibilité des<br />

locuteurs adultes d’anglais langue seconde.<br />

LINDA OGILVIE est professeure en soins infirmiers à la<br />

University of Alberta et codirectrice du Centre <strong>Metropolis</strong><br />

des Prairies. Elle s’intéresse principalement aux déter -<br />

minants de la santé chez les enfants et les familles des<br />

nouveaux arrivants.<br />

TERRY WOTHERSPOON est professeur de sociologie à<br />

la University of Saskatchewan et président du conseil<br />

d’administration du Centre <strong>Metropolis</strong> des Prairies.<br />

Ses travaux portent essentiellement sur les relations<br />

entre les systèmes d’éducation, les milieux de travail<br />

et la diversité sociale.


Dès l’établissement des tout premiers Européens sur le territoire aujourd’hui appelé<br />

<strong>Canada</strong>, une extraordinaire acceptation de la diversité s’est développée. Il ne s’agissait<br />

pas simplement de tolérance. Le taux de mariages mixtes était extrêmement élevé, et<br />

l’importante population métisse du <strong>Canada</strong> est la preuve durable de ce phénomène.<br />

La diversité canadienne et<br />

les provinces des Prairies :<br />

une perspective historique *<br />

ROBERT VINEBERG<br />

Associé principal, <strong>Canada</strong> West Foundation<br />

Conseiller principal en politiques, Centre <strong>Metropolis</strong> des Prairies<br />

D’où vient l’engagement du <strong>Canada</strong> à favoriser<br />

la diversité par son programme d’immi -<br />

gration et son concept de citoyenneté ? Selon<br />

certains, la politique de multiculturalisme a<br />

provoqué un grand changement de mentalité<br />

au <strong>Canada</strong>. Le présent article laisse entendre<br />

qu’en fait, l’évolution de la société canadienne et<br />

des mentalités a posé les jalons d’une politique<br />

de multiculturalisme qui serait généralement<br />

acceptée. Envisagée dans une perspective<br />

historique, l’approche du <strong>Canada</strong> en matière<br />

d’immigration et d’intégration des immigrants<br />

paraît surtout reposer sur une idéologie de<br />

citoyenneté et de diversité. L’examen de cette<br />

approche requiert une incursion dans le passé,<br />

bien avant la création du <strong>Canada</strong>.<br />

Il y a 2 000 ans, lorsqu’un homme vivant dans<br />

une obscure province romaine située au Moyen-<br />

Orient ou sur une île isolée au large de la côte<br />

nord-ouest de l’Europe déclarait : « Civis romanus<br />

sum » (je suis citoyen romain), il revendiquait<br />

le droit à l’égalité devant la loi. Il proclamait<br />

son attachement à la société civile romaine et<br />

à ses institutions. Cependant, il ne prétendait<br />

aucunement avoir le même statut qu’un citoyen<br />

romain natif du Latium. L’Empire romain était un<br />

* Le présent article est fondé sur la communication intitulée<br />

« Citizenship and Diversity », donnée par l’auteur au<br />

Innovation in Integration Symposium, tenu à Calgary,<br />

en Alberta, le 27 mai 2004.<br />

État remarquablement diversifié, et les Romains<br />

avaient compris que la bonne gouverne de leur<br />

empire dépendait du large consentement des<br />

nombreuses populations établies sur son vaste<br />

territoire. La loyauté était accordée à l’Étatempire,<br />

même lorsque les intrigues se jouant<br />

dans les palais du Palatin faisaient tomber les<br />

empereurs l’un après l’autre.<br />

Le concept de nationalité et de nationalisme<br />

fondé sur une ethnicité unique ou, du moins,<br />

prédominante est une idée relativement moderne.<br />

La notion d’allégeance à un monarque a<br />

commencé à laisser place au concept d’allégeance<br />

à un État-nation lorsque s’est amorcée une<br />

réorganisation des frontières européennes sur<br />

des bases linguistiques et ethniques plutôt<br />

qu’en fonction de la religion, après le Traité de<br />

Westphalie en 1648 1 . Les nouveaux États-nations<br />

1<br />

Bien qu’il existe de nombreux récits de cette évolution vers<br />

l’État-nation après la Paix de Westphalie, Banning en présente<br />

un compte rendu très éclairé :<br />

[Traduction] « Malgré l’abondance de formes constitutionnelles<br />

[…] elles s’appuyaient toutes sur la souveraineté d’une<br />

abstraction – l’État. […] La sécularisation faisait partie<br />

intégrante de ce développement… Mais le sang coulant dans<br />

les veines de l’État était anémié et tiède. Pour stimuler ses<br />

membres, il fallait injecter une substance plus inspirante. De<br />

plus en plus, celle-ci fut puisée dans le nationalisme, religion<br />

séculaire ayant la capacité de susciter une dévotion et une<br />

haine tout aussi féroces que celles ayant alimenté les conflits<br />

religieux des époques précédentes ». (Banning, 2007, p. xxiv)<br />

Nos diverses cités 9


Avec l’arrivée de la Canadian Pacific Railway dans les années 1880, les gens<br />

pouvaient se rendre plus facilement dans les Prairies. L’immigration est néanmoins<br />

demeurée faible jusqu’à ce que les progrès réalisés en agriculture débouchent sur<br />

un blé vigoureux propre à être cultivé au nord du 49 e parallèle, et jusqu’à ce que<br />

les terres au sud du 49 e parallèle deviennent occupées.<br />

10 Nos diverses cités<br />

ont dès lors fondé leur identité sur une « race »,<br />

une religion ou une langue commune, même<br />

si la réalité ne correspondait pas du tout<br />

au modèle. Une répression s’est néanmoins<br />

ensuivie, ciblant les personnes qui avaient<br />

la malchance d’appartenir à une minorité –<br />

ethnique, linguistique ou religieuse.<br />

La montée d’États-nations aspirant à une<br />

« pureté » toujours plus grande s’est accompagnée<br />

d’une intolérance grandissante à l’égard des<br />

étrangers, y compris envers les États voisins.<br />

À quelques exceptions près, ce courant s’est<br />

maintenu jusqu’au 20 e siècle, causant les deux<br />

épouvantables guerres mondiales et, lors de la<br />

Seconde, l’Holocauste – malheureusement le pire<br />

exemple de « nettoyage ethnique », même si ce<br />

terme était inconnu d’Hitler.<br />

Au milieu des ruines de l’après-guerre, les États<br />

de l’Europe occidentale ont décidé qu’il fallait<br />

éviter qu’un tel événement ne se reproduise et<br />

ont progressivement créé des institutions pan -<br />

européennes qui, en transcendant les frontières,<br />

ont réduit sinon éliminé la possibilité que<br />

resurgissent des comportements aussi désastreux.<br />

Malheureusement, en d’autres régions du monde,<br />

notamment en Afghanistan, au Rwanda, au<br />

Burundi, au Soudan et même à la périphérie<br />

de l’Europe, dans l’ancienne Yougoslavie, les<br />

atrocités du nettoyage ethnique se sont répétées.<br />

C’est ce qui risque d’arriver lorsque l’identité<br />

est fondée sur l’exclusivité et que des personnes,<br />

jugées différentes d’une façon ou d’une autre,<br />

présentent une menace pour cette identité.<br />

Il paraît évident que la notion d’avantage<br />

découlant de cette nationalité fondée sur le sang,<br />

la religion et la langue a fait son temps et doit<br />

être mise aux oubliettes de l’histoire. En mettant<br />

en perspective les deux derniers millénaires,<br />

on peut supposer que le concept romain de<br />

citoyenneté ferait un meilleur modèle.<br />

Les racines de la diversité canadienne<br />

Très peu de régions du monde moderne ont eu<br />

une histoire propice au développement d’un<br />

concept de citoyenneté différent. En effet, tout<br />

au long de l’ère coloniale, les États européens<br />

ont exporté leur étroit concept d’État-nation<br />

sur presque tout le globe. En rétrospective, on<br />

s’aperçoit que l’un des rares endroits à avoir<br />

connu une expérience différente fait maintenant<br />

partie du <strong>Canada</strong>. Après la conquête de la<br />

Nouvelle-France par les forces britanniques et la<br />

cession du « <strong>Canada</strong> » à l’Angleterre par la France<br />

dans le Traité de Paris de 1763, la Grande-<br />

Bretagne s’est trouvée en possession légitime<br />

d’un vaste territoire peuplé de catholiques<br />

francophones au sein d’un empire protestant<br />

d’expression anglaise.<br />

Même s’il était habituel à l’époque de<br />

réprimer une telle minorité, sort que les Anglais<br />

eux-mêmes ont fait subir aux Acadiens sur<br />

le territoire du Québec, comme s’appelait<br />

désormais la Nouvelle-France, la répression<br />

n’était pas réellement une option dans ce<br />

cas. Les occupants anglais étaient en minorité<br />

et, comme les Romains l’avaient compris des<br />

siècles plus tôt, ils ne pouvaient gouverner<br />

efficacement qu’avec le consentement des<br />

personnes qu’ils voulaient gouverner.<br />

Ainsi, fait extraordinaire pour l’époque, les<br />

Anglais ont décidé non seulement de tolérer,<br />

mais également de protéger le droit civil<br />

français et la religion catholique romaine. De<br />

nature pratique et administrative au départ,<br />

cette décision a ensuite été enchâssée dans une<br />

loi. Même si l’Acte de Québec de 1774 ne disait<br />

rien de la question linguistique, le français<br />

était dans les faits la langue de travail de<br />

la colonie. Pour citer Mason Wade, grand<br />

historien américain du <strong>Canada</strong> français, « un<br />

nouveau principe d’empire fut posé [dans<br />

l’Acte de Québec] lorsqu’il fut admis que les<br />

Canadiens-français pouvaient être Britanniques<br />

sans devenir Anglais » (Wade, 1966, p. 84).<br />

L’Acte de Québec a aussitôt été ajouté à la<br />

liste des « griefs » invoqués par les pionniers<br />

américains pour justifier leur Déclaration<br />

d’indépendance deux ans plus tard. Pourquoi ?


Parce que les Américains voyaient dans la<br />

cession au Québec de la région du Centre-<br />

Ouest, alors appelée les « terres indiennes »,<br />

une manœuvre des Anglais pour confiner la<br />

population américaine, en croissance (de même<br />

que ses nombreux spéculateurs fonciers) sur<br />

l’étroite bande de territoire s’étendant entre la<br />

côte Atlantique et les Appalaches.<br />

Les Canadiens-français eux-mêmes, constituant<br />

toujours une minorité en Amérique du Nord,<br />

voyaient les Nord-Américains autochtones<br />

comme des amis et des alliés. Les Français<br />

considéraient leur roi non pas comme le dirigeant<br />

du peuple autochtone, mais bien comme l’ultime<br />

médiateur entre les colons français et les Indiens.<br />

Leur vision contrastait totalement avec celle<br />

des colons anglais et américains, qui voyaient<br />

le roi d’Angleterre comme le nouveau<br />

dirigeant des Indiens. Ce respect mutuel entre<br />

Canadiens-français et Autochtones a favorisé<br />

une coopération économique grâce à laquelle la<br />

petite population de la Nouvelle-France a pu<br />

prospérer. Une alliance militaire s’est également<br />

forgée entre ces peuples, qui a permis de garder<br />

les Britanniques et les Américains à distance<br />

pendant près de deux siècles.<br />

Il est donc possible d’avancer l’idée que, dès<br />

l’établissement des tout premiers Européens<br />

sur le territoire aujourd’hui appelé <strong>Canada</strong>, une<br />

extraordinaire acceptation de la diversité s’est<br />

développée. Il ne s’agissait pas simplement de<br />

tolérance. Le taux de mariages mixtes était<br />

extrêmement élevé, et l’importante population<br />

métisse du <strong>Canada</strong> est la preuve durable de<br />

ce phénomène.<br />

L’acceptation par les Anglais de leurs<br />

nouveaux sujets nord-américains a été récom -<br />

pensée d’une façon très concrète durant la<br />

Révolution américaine. Au départ, les colonies<br />

américaines avaient invité toutes les colonies<br />

nord-américaines à se joindre à la rébellion.<br />

L’imposante force navale et militaire postée à<br />

Halifax et les colons arrivés depuis peu dans la<br />

région qu’est aujourd’hui le <strong>Canada</strong> atlantique<br />

ont servi à réprimer toute ardeur révolutionnaire.<br />

Les Américains, cependant, voyaient les<br />

Canadiens-français comme un peuple opprimé<br />

qui sauterait sur l’occasion de se débarrasser<br />

des conquérants anglais qui, après tout, ne se<br />

trouvaient à Québec que depuis 15 ans.<br />

À la grande surprise des Américains, les<br />

Canadiens-français sont demeurés fidèles à la<br />

Grande-Bretagne, non seulement en repoussant<br />

les avances des Américains, mais également en<br />

offrant d’aider les militaires britanniques en<br />

poste au Québec pour repousser deux invasions<br />

pendant la guerre de l’Indépendance. La décision<br />

des Britanniques de vivre avec la diversité leur<br />

a été grandement profitable. Si Québec s’était<br />

jointe à la révolution ou était tombée aux<br />

mains des Américains, les colonies britanniques<br />

restantes à l’est n’auraient pas été viables, et<br />

toute l’Amérique du Nord aurait pu être absorbée<br />

dans les nouveaux États-Unis d’Amérique.<br />

La Révolution américaine a également eu pour<br />

conséquence de favoriser le peuplement des<br />

provinces maritimes canadiennes et de la province<br />

de Québec, à l’ouest de la rivière des Outaouais,<br />

par des colons américains demeurés loyaux à la<br />

Couronne britannique, qui avaient fui la nouvelle<br />

république ou en avaient été expulsés. Ces<br />

personnes étaient connues sous le nom des<br />

loyalistes de l’Empire-Uni. Soudainement, en<br />

l’espace de quelques années, les Canadiensfrançais<br />

ont constaté qu’ils ne formaient plus<br />

une vaste majorité d’Européens dans la partie<br />

nord de l’Amérique du Nord.<br />

Pour les Britanniques, cela aurait pu être<br />

l’occasion ou le prétexte pour mettre un terme à<br />

leur essai de la diversité, mais ils ont choisi de ne<br />

pas le faire. Dans l’Acte constitutionnel de 1791,<br />

la province de Québec a plutôt été divisée pour<br />

créer la province du Haut-<strong>Canada</strong>, à l’ouest<br />

de la rivière des Outaouais, et la province du<br />

Bas-<strong>Canada</strong>, à l’est. Il s’agissait ostensiblement<br />

d’une mesure législative prise par Westminster<br />

en réponse aux plaintes des colons loyalistes<br />

de Québec, qui représentaient une minorité<br />

protestante anglophone dans une colonie<br />

catholique française, quoique britannique. La<br />

division a effectivement créé une nouvelle<br />

colonie pour les loyalistes au cœur de l’Amérique<br />

du Nord, mais elle a également garanti que,<br />

dans le Bas-<strong>Canada</strong>, les Canadiens-français<br />

demeureraient la majorité.<br />

Lors des inquiétantes mais vaines rébellions de<br />

1837 dans le Haut-<strong>Canada</strong> et le Bas-<strong>Canada</strong>, les<br />

Britanniques ont eu une nouvelle occasion de<br />

réprimer la population française et catholique en<br />

Amérique du Nord. Le courant politique évoluait<br />

cependant, et les Britanniques avaient retenu<br />

quelques leçons de la Révolution américaine. Ils<br />

avaient compris que les rébellions des Canadiens<br />

traduisaient le désir des colons d’accéder à<br />

l’autonomie gouvernementale sous la Couronne<br />

britannique – et non un désir de se séparer<br />

de l’empire. La première réponse est venue de<br />

l’enquête de Lord Durham et de son rapport dans<br />

Nos diverses cités 11


12 Nos diverses cités<br />

lequel il décrivait les Canadiens comme « deux<br />

nations en guerre au sein d’un même État »<br />

(Durham, 1990, p. 58). Il y recommandait que le<br />

Haut-<strong>Canada</strong> et le Bas-<strong>Canada</strong> soient fusionnés<br />

afin que les vagues de migration britannique du<br />

19 e siècle puissent éventuellement noyer le fait<br />

français dans l’Amérique du Nord britannique<br />

(Ibid., p. 265).<br />

Dans l’Acte d’Union de 1841, le Parlement<br />

britannique a effectivement créé une seule<br />

Province du <strong>Canada</strong>, mais a rejeté les autres<br />

idées de Durham, notamment en donnant une<br />

représentation égale au sein de l’Assemblée<br />

législative au Bas-<strong>Canada</strong> (aujourd’hui l’Est<br />

canadien) et au Haut-<strong>Canada</strong> (aujourd’hui<br />

l’Ouest canadien). Par suite de cette mesure, les<br />

législateurs canadiens ont adopté la pratique<br />

de la « double majorité ». Autrement dit, une<br />

loi pouvait être adoptée seulement si elle<br />

était approuvée par une majorité de membres<br />

de l’Assemblée législative représentant l’Est<br />

et l’Ouest du <strong>Canada</strong>. Ainsi, par la voie du<br />

compromis, les droits des Canadiens-français<br />

sont demeurés protégés. À long terme cependant,<br />

la double majorité était vouée à l’impasse, et<br />

dans leur volonté d’y apporter une solution,<br />

les dirigeants anglophones et francophones au<br />

<strong>Canada</strong> ont créé une confédération plus vaste<br />

reconnaissant la liberté religieuse et protégeant<br />

les droits linguistiques des francophones dans la<br />

nouvelle province de Québec.<br />

De fait, les fondements de la diversité<br />

canadienne – Anglais, Français et Autochtones –<br />

avaient été posés avant même l’émergence du<br />

<strong>Canada</strong> en tant que nation souveraine. En fait,<br />

cette assise incroyablement solide a survécu<br />

aux innombrables affronts qui ont marqué<br />

le premier siècle d’existence du <strong>Canada</strong> : les<br />

rébellions menées par Louis Riel dans l’Ouest<br />

et le déni des droits des Canadiens-français<br />

vivant à l’extérieur du Québec, un gouvernement<br />

fédéral qui fonctionnait presque exclusivement<br />

en anglais et une Loi sur les Indiens qui a<br />

marginalisé, dans une grande mesure, la<br />

population autochtone du <strong>Canada</strong>.<br />

Les provinces des Prairies<br />

Néanmoins, à cette même époque, le gou -<br />

vernement se trouvait face à la nécessité de<br />

gouverner et de défendre son vaste Territoire du<br />

Nord-Ouest que le <strong>Canada</strong> avait acquis de la<br />

Compagnie de la Baie d’Hudson en 1870, et la<br />

meilleure stratégie consistait à le peupler. Avec<br />

l’arrivée de la Canadian Pacific Railway dans les<br />

années 1880, les gens pouvaient se rendre plus<br />

facilement dans les Prairies. L’immigration est<br />

néanmoins demeurée faible jusqu’à ce que les<br />

progrès réalisés en agriculture débouchent sur un<br />

blé vigoureux propre à être cultivé au nord du<br />

49 e parallèle, et jusqu’à ce que les terres libres au<br />

sud du 49 e parallèle deviennent occupées. Ces<br />

événements ont coïncidé avec l’élection en 1896<br />

du nouveau gouvernement Laurier, lequel a<br />

entrepris de promouvoir activement le <strong>Canada</strong><br />

comme destination pour les immigrants en<br />

dehors du Royaume-Uni, des États-Unis et de<br />

la France. En peuplant les Prairies, le <strong>Canada</strong><br />

espérait conserver ce vaste territoire et ne pas<br />

le perdre au profit d’une marée d’Américains,<br />

comme le Mexique avait perdu presque tout son<br />

territoire aux mains des États-Unis, plus tôt dans<br />

le siècle. Sous l’initiative de Clifford Sifton,<br />

ministre de l’Intérieur et député du Manitoba, des<br />

terres libres des Prairies ont été offertes à des<br />

colons, et la migration de groupes d’Européens<br />

de l’Est a été encouragée (Main-d’œuvre et<br />

Immigration <strong>Canada</strong>, 1974, p. 6-7).<br />

Lorsque l’afflux de migrants s’est arrêté en<br />

1914 en raison de la Première Guerre mondiale,<br />

les terres agricoles des Prairies étaient presque<br />

toutes occupées : le visage du <strong>Canada</strong>, en<br />

particulier des nouvelles provinces des Prairies,<br />

soit le Manitoba (1870), la Saskatchewan (1905)<br />

et l’Alberta (1905), avait changé à tout jamais.<br />

Comme le souligne W. L. Morton dans son<br />

histoire du Manitoba, à la fin de la grande<br />

migration d’avant-guerre, « il était évident que<br />

toute la diversité de l’Europe, dans les races<br />

comme dans les croyances, avait été importée<br />

dans la population déjà diversifiée du Manitoba »<br />

(Morton, 1967, p. 311).<br />

Le cas des provinces des Prairies était inédit<br />

au <strong>Canada</strong>, puisque ni les anglophones, ni<br />

les francophones n’y ont jamais formé une<br />

population majoritaire. La majorité autochtone<br />

a été déplacée par les groupes provenant de<br />

toutes les régions de l’Europe et des États-Unis.<br />

La langue anglaise est ainsi devenue un élément<br />

unificateur, contrairement à la nationalité. Même<br />

si l’élite dirigeante encourageait l’allégeance<br />

à l’« impérialisme » de l’Empire britannique,<br />

ce concept ne s’est jamais pleinement ancré<br />

dans les diverses communautés de l’Ouest.<br />

L’expérience de la Première Guerre mondiale,<br />

pendant laquelle des soldats de tous ces milieux<br />

différents ont combattu côte à côte, a marqué<br />

la naissance d’un concept de nationalité<br />

canadienne s’appuyant sur une cause commune


plutôt que sur une même ethnicité. D’abord<br />

méprisée et perçue comme le regroupement de<br />

simples colons par les corps d’officiers de l’Armée<br />

britannique, l’Armée canadienne était considérée,<br />

à la fin de 1917, comme le corps militaire d’élite<br />

sur le front occidental, non seulement par les<br />

alliés, mais également par l’Armée allemande.<br />

Ainsi s’est amorcé un inéluctable processus qui<br />

a été jalonné d’abord par la Déclaration Balfour,<br />

reconnaissant le <strong>Canada</strong> comme « dominion<br />

indépendant », puis par le Statut de Westminster<br />

accordant la pleine indépendance du <strong>Canada</strong><br />

en 1931, complétant ainsi en grande partie les<br />

travaux amorcés avec la Confédération en 1867.<br />

De toute évidence cependant, la proclamation en<br />

1947 de la première Loi sur la citoyenneté était la<br />

conséquence logique de la longue mais constante<br />

démarche du <strong>Canada</strong> vers l’indépendance.<br />

Malgré cette évolution, les immigrants n’étaient<br />

pas tous les bienvenus au <strong>Canada</strong>. Plusieurs<br />

quotas étaient imposés aux pays non européens,<br />

et en réponse aux exhortations de la province<br />

de la Colombie-Britannique, une taxe d’entrée<br />

a été imposée aux immigrants chinois (Maind’œuvre<br />

et Immigration <strong>Canada</strong>, 1974, p. 7-8). Les<br />

Canadiens d’origine japonaise ont été déplacés de<br />

force vers l’intérieur du pays pendant la Seconde<br />

Guerre mondiale, tandis que les réfugiés juifs<br />

étaient refusés aux frontières et envoyés dans les<br />

camps de concentration d’Hitler.<br />

Un <strong>Canada</strong> nouveau et confiant a néanmoins<br />

émergé de la Seconde Guerre mondiale, et dans les<br />

années 1960, le gouvernement fédéral a accompli<br />

un énorme travail pour ramener le pays à ses<br />

origines. Le <strong>Canada</strong> est devenu officiellement<br />

une nation bilingue, et la politique en matière<br />

d’immigration est devenue non discriminatoire en<br />

1962 par des mesures administratives et, en<br />

1966, par une politique énoncée dans le Livre<br />

blanc sur l’immigration (Ibid., 1966). Peu de<br />

temps après, le gouvernement a également<br />

élaboré une politique de multiculturalisme afin<br />

d’encourager les Canadiens à célébrer leurs<br />

origines et à promouvoir la diversité.<br />

Le <strong>Canada</strong> n’a pas été forgé par sa propre guerre<br />

d’indépendance, comme ce fut le cas pour les<br />

États-Unis. Il est plutôt le fruit d’une évolution<br />

politique. Le nationalisme canadien s’est<br />

développé sur les champs de bataille d’Europe lors<br />

des deux guerres mondiales, mais ce n’était pas en<br />

sol canadien. De fait, pendant de nombreuses<br />

années, l’absence de fervent patriotisme, comme<br />

celui qu’on observait en Europe et aux États-Unis,<br />

était perçue comme une faiblesse. Maintenant,<br />

cette même absence d’identité fondée sur un<br />

nationalisme traditionnel est, de manière générale,<br />

considérée comme une force, et l’identité du<br />

<strong>Canada</strong> est souvent caractérisée par sa diversité<br />

et sa capacité de célébrer cette diversité.<br />

La plupart des commentateurs ont tendance<br />

à associer le soutien de la diversité par les<br />

Canadiens au phénomène d’immigration massive<br />

en provenance des quatre coins du monde, qui a<br />

commencé pour de bon dans les années 1960.<br />

Cependant, bien au contraire, c’est le fondement<br />

même de la diversité sur lequel le <strong>Canada</strong> a été<br />

construit qui a incité les décideurs, dans les<br />

années 1960, à prendre les décisions qui ont<br />

mené à la grande expérience canadienne : la<br />

construction du premier pays véritablement<br />

hétérogène dans le monde moderne.<br />

Si l’on se base sur le passé du <strong>Canada</strong>, il est<br />

évident qu’une citoyenneté construite sur le<br />

concept de nationalisme traditionnel ne serait<br />

pas réalisable ici, compte tenu de notre<br />

histoire, même si cela était souhaitable. Si nous<br />

acceptons l’argument selon lequel le nationalisme<br />

traditionnel et la nationalité de sang « exclusive »<br />

ne sont pas souhaitables, une citoyenneté fondée<br />

sur le respect de la diversité, l’égalité devant la loi<br />

et la liberté d’accès à la société civile semble être<br />

le choix des Canadiens. Au <strong>Canada</strong>, l’octroi de<br />

la citoyenneté représente le point culminant<br />

symbolique, mais aussi très concret, du processus<br />

consistant à accueillir des personnes de différentes<br />

cultures pour en faire des membres à part entière<br />

de la société canadienne.<br />

Le <strong>Canada</strong> a-t-il ravivé et amélioré le concept<br />

de citoyenneté cher à l’Empire romain, disparu<br />

de la face du monde pendant 1 500 ans ? Peutêtre.<br />

Il ne fait aucun doute cependant que le<br />

respect de la diversité au <strong>Canada</strong> de même que sa<br />

célébration trouvent leurs racines aussi loin que<br />

dans l’arrivée des tout premiers colons européens.<br />

Ainsi, la citoyenneté et la diversité sont non<br />

seulement compatibles au <strong>Canada</strong>, mais aussi<br />

inextricablement liées à notre identité canadienne.<br />

L’immigration vers les trois provinces des<br />

Prairies augmente sans cesse. En 2007, elle<br />

a atteint la barre des 35 000 immigrants,<br />

représentant 15 % de l’immigration totale au<br />

<strong>Canada</strong>. Ainsi, à la diversité traditionnelle des<br />

Prairies s’ajoute maintenant la diversité de toutes<br />

les régions du monde. Le Recensement de 2006<br />

présente ce même constat. Sur les 5,3 millions de<br />

résidants des Prairies, 11,2 % sont membres de<br />

minorités visibles, y compris les Autochtones et<br />

les immigrants. Après la Colombie-Britannique<br />

Nos diverses cités 13


14 Nos diverses cités<br />

et l’Ontario, l’Alberta et le Manitoba affichent les<br />

troisième et quatrième plus fortes proportions<br />

de minorités visibles avec 13,9 % et 9,6 %,<br />

respectivement (Statistique <strong>Canada</strong>, 2006, p. 23).<br />

Naturellement, la plupart des membres de<br />

minorités visibles sont établis dans les grandes<br />

zones urbaines. À Calgary, ils comptent pour<br />

22 % de la population, à Edmonton, pour 17 %<br />

et à Winnipeg, pour 15 % (Ibid., p 34).<br />

Dans un monde qui ne peut plus ignorer l’échec<br />

du nationalisme moderne et du concept de<br />

citoyenneté fondée sur l’exclusivité ethnique, le<br />

modèle canadien pourrait bien représenter la voie<br />

à suivre. Ce modèle est fortement appuyé par les<br />

trois provinces des Prairies, chacune ayant des<br />

politiques explicites pour stimuler l’immigration<br />

en provenance des quatre coins du monde.<br />

L’actuelle situation économique des Prairies<br />

dirige le pays, et les pénuries de main-d’œuvre<br />

sont aussi les plus aiguës dans cette région du<br />

<strong>Canada</strong>. Tout comme les Européens ont été invités<br />

à s’installer dans les Prairies il y a un siècle à<br />

peine, ces provinces comptent maintenant sur les<br />

différents peuples du monde entier pour les aider<br />

à définir leurs nouvelles frontières au cours du<br />

21 e siècle.<br />

Diversité canadienne<br />

Les expériences des Canadiens<br />

de la deuxième génération<br />

Références<br />

Blanning, T. 2007. The Pursuit of Glory – Europe 1648-1815,<br />

New York, Viking.<br />

<strong>Canada</strong>. Main-d’œuvre et Immigration <strong>Canada</strong>. 1966.<br />

La politique d’immigration du <strong>Canada</strong> : Livre blanc sur<br />

l’immigration, Ottawa, Information <strong>Canada</strong>.<br />

———. Main-d’œuvre et Immigration <strong>Canada</strong>. 1974.<br />

Le programme d’immigration : Volume 2 de l’Étude sur<br />

l’immigration et les objectifs démographiques du <strong>Canada</strong>,<br />

Ottawa, Information <strong>Canada</strong>.<br />

———. Statistique <strong>Canada</strong>. 2008. La mosaïque ethnoculturelle<br />

du <strong>Canada</strong>, Recensement de 2006, Ottawa, Statistique<br />

<strong>Canada</strong>, no 97-562-X au catalogue. Consulté le 20 mai 2008<br />

à .<br />

Durham, J. G. L. 1990. Lord Durham’s Report:<br />

An Abridgement of Report on the Affairs of British<br />

North America, Toronto, McClelland and Stewart.<br />

Morton, W. L. 1967. Manitoba, A History, 2e éd., Toronto,<br />

University of Toronto Press.<br />

Wade, M. 1968. The French Canadians 1760-1967,<br />

Volume 1, Toronto, MacMillan of <strong>Canada</strong>.<br />

Le projet <strong>Metropolis</strong>, en collaboration avec l’Association<br />

d’études canadiennes, a publié un numéro thématique<br />

de Diversité canadienne sur les expériences vécues par les<br />

membres de la deuxième génération. Ce numéro (printemps 2008)<br />

jette différents regards sur ce groupe démographique au <strong>Canada</strong>,<br />

mais comprend également deux articles sur la situation à l’étranger<br />

(l’un portant sur Los Angeles et l’autre sur l’Europe). Cette publi -<br />

cation examine les problématiques liées à la diversité, à l’identité et<br />

à l’intégration, ainsi que leurs incidences sur la deuxième génération. À l’introduction<br />

d’Audrey Kobayashi (Queen’s University) se succèdent plus de 25 articles signés par des<br />

responsables de politiques publiques et des spécialistes de ce domaine.<br />

Printemps 2008<br />

Directrice invitée : Audrey Kobayashi (Queen’s University)<br />

Pour commander votre exemplaire, écrivez à


L’histoire de l’immigration<br />

dans les Prairies *<br />

RANDY GURLOCK<br />

Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong><br />

Bon nombre de Canadiens de l’Ouest ont des<br />

ancêtres ayant immigré dans les provinces des<br />

Prairies à la fin du 19 e et au début du 20 e siècle.<br />

Grâce aux politiques dynamiques mises en place<br />

par Clifford Sifton, ministre fédéral de l’Intérieur,<br />

entre 1896 et 1905, les immigrants originaires<br />

d’Europe se sont installés en grand nombre au<br />

Manitoba, en Saskatchewan et en Alberta. Au<br />

cours des six années qui ont précédé la<br />

Première Guerre mondiale, environ 1,7 million<br />

de personnes ont immigré au <strong>Canada</strong>; de ce<br />

nombre, 646 135 se sont établies dans les<br />

provinces des Prairies, ce qui représentait 37,7 %<br />

de la population totale d’immigrants du pays. Ce<br />

pourcentage a toutefois commencé à diminuer<br />

dans les années 1930 et sa chute s’est poursuivie<br />

tout au long du 20 e siècle. Au cours des cinq<br />

dernières années, cette tendance a commencé<br />

à se renverser, puisqu’un plus grand nombre<br />

d’immigrants choisissent de s’établir dans les<br />

Prairies. Le présent article a pour but de<br />

présenter un aperçu des tendances en matière<br />

d’immigration dans les Prairies, de 2003 à 2007,<br />

et d’examiner brièvement certains des facteurs<br />

pouvant expliquer l’augmentation du nombre<br />

d’immigrants.<br />

Tendances historiques<br />

En 1913, le <strong>Canada</strong> a accueilli son plus grand<br />

nombre d’immigrants en une année : 400 870<br />

nouveaux arrivants sont entrés au pays. Les<br />

* Les points de vue exprimés dans cet article sont ceux de<br />

l’auteur et ne reflètent pas nécessairement ceux de Citoyenneté<br />

et Immigration <strong>Canada</strong> ou du gouvernement du <strong>Canada</strong>.<br />

L’augmentation du nombre d’immigrants dans les Prairies apparaît<br />

encore plus importante si l’on examine le pourcentage de ceux qui s’y<br />

établissent par rapport à la population totale d’immigrants au <strong>Canada</strong>.<br />

provinces des Prairies ont accueilli 32,6 % de<br />

ces immigrants. En 1927, juste avant la grande<br />

crise, 52 % des immigrants au <strong>Canada</strong> se<br />

sont établis dans les Prairies. Ces chiffres<br />

correspondent aux meilleures années de la<br />

région sur le plan de l’immigration. Le Tableau 1<br />

montre que le pourcentage d’immigrants dans<br />

les Prairies par rapport à la population totale<br />

d’immigrants au <strong>Canada</strong> a atteint alors un<br />

sommet, pour ensuite diminuer au cours du<br />

20 e siècle. La baisse a été particulièrement<br />

importante de 1987 à 1997.<br />

TABLEAU 1<br />

Immigrants établis dans les Prairies,<br />

1908-1997<br />

Immigrants<br />

Pourcentage par<br />

rapport au nombre<br />

total d’immigrants<br />

dans les Prairies au <strong>Canada</strong><br />

1908 66 446 46,3<br />

1927 80 068 52,0<br />

1937 3 221 21,0<br />

1947 7 909 12,3<br />

1957 13 172 13,0<br />

1967 28 071 12,6<br />

1977 19 983 17,4<br />

1987 18 863 12,4<br />

1997 18 268 8,4<br />

Source : Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (s.d.).<br />

En 2003, cette tendance a été renversée par<br />

l’arrivée de 24 004 immigrants dans les trois<br />

provinces des Prairies; le nombre est passé à<br />

35 396 en 2007.<br />

Nos diverses cités 15


TABLEAU 2<br />

Nombre d’immigrants établis dans les Prairies<br />

et dans l’ensemble du <strong>Canada</strong>, 2003-2007<br />

Année <strong>Canada</strong> Manitoba Saskatchewan Alberta Total – Prairies<br />

2003 221 349 6 503 1 668 15 833 24 004<br />

2004 235 823 7 426 1 942 16 474 25 842<br />

2005 262 240 8 096 2 108 19 404 26 608<br />

2006 251 643 10 047 2 724 20 716 33 487<br />

2007 236 758 10 995 3 517 20 857 35 396<br />

Source : Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (2007).<br />

TABLEAU 3<br />

Pourcentage d’immigrants dans les Prairies<br />

par rapport au nombre total d’immigrants au <strong>Canada</strong><br />

Année Manitoba Saskatchewan Alberta Total – Prairies<br />

2003 2,9 0,8 7,2 10,9<br />

2004 3,1 0,8 7,0 10,9<br />

2005 3,1 0,8 7,4 11,3<br />

2006 4,0 1,1 8,2 13,3<br />

2007 4,6 1,5 8,8 14,9<br />

Source : Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (2008).<br />

16 Nos diverses cités<br />

Le Tableau 2 indique le nombre d’immigrants<br />

s’étant établis dans chacune des trois provinces<br />

des Prairies entre 2003 et 2007.<br />

L’augmentation du nombre d’immigrants dans<br />

les Prairies apparaît encore plus importante si<br />

l’on examine le pourcentage de ceux qui s’y<br />

établissent par rapport à la population totale<br />

d’immigrants au <strong>Canada</strong>. Le Tableau 3 montre<br />

que l’augmentation du nombre d’immigrants<br />

dans les Prairies est proportionnelle à la<br />

population totale d’immigrants au pays.<br />

Catégories d’immigrants et répercussions<br />

des programmes des candidats des provinces<br />

Les immigrants sont sélectionnés en fonction<br />

des catégories d’immigrants définies dans la Loi<br />

sur l’immigration et la protection des réfugiés.<br />

De façon générale, il s’agit des catégories du<br />

regroupement familial, de l’immigration écono -<br />

mique et des réfugiés. De plus, chaque année,<br />

un faible nombre d’immigrants appar tiennent<br />

à la catégorie « autres ». Comme l’indique le<br />

Tableau 4, entre 2003 et 2007, le pourcentage<br />

d’immigrants dans chacune des catégories était<br />

semblable dans les Prairies et au <strong>Canada</strong>.<br />

Toutefois, l’examen de ces statistiques, par<br />

province, a révélé des différences intéres -<br />

santes. Comme on peut le constater dans le<br />

Tableau 5, le Manitoba et la Saskatchewan<br />

comptent proportionnellement plus d’immi -<br />

grants que l’Alberta dans la catégorie de<br />

TABLEAU 4<br />

Immigrants établis dans les Prairies, par<br />

catégorie d’immigrants, 2003-2007<br />

Catégorie d’immigrants<br />

% dans<br />

les Prairies % au <strong>Canada</strong><br />

Regroupement familial 25,6 28,0<br />

Immigration économique 58,8 55,4<br />

Réfugiés 13,4 11,8<br />

Source : Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (2008).<br />

l’immigration économique. Par ailleurs, la<br />

proportion de réfugiés en Saskatchewan est<br />

plus élevée que dans les deux provinces<br />

voisines, situation attribuable à la politique du<br />

gouvernement consistant à envoyer dans les<br />

Prairies un grand nombre de réfugiés pris en<br />

charge par le gouvernement.<br />

Ces chiffres peuvent faire l’objet d’une analyse<br />

plus approfondie en examinant le nombre de<br />

candidats des provinces, une sous-catégorie de<br />

l’immigration économique. Le Tableau 6 montre<br />

le pourcentage d’immigrants dans cette catégorie<br />

et illustre les répercussions du Programme des<br />

candidats des provinces (PCP) au Manitoba et<br />

en Saskatchewan.<br />

Le PCP permet aux gouvernements provin -<br />

ciaux et territoriaux de jouer un rôle actif<br />

dans le processus d’immigration. L’Alberta, la<br />

Saskatchewan et le Manitoba, comme d’autres<br />

provinces d’ailleurs, ont signé des ententes avec


TABLEAU 5<br />

Immigrants par province et par catégorie d’immigrants, 2003-2007<br />

Catégorie d’immigrants Alberta % Saskatchewan % Manitoba %<br />

Regroupement familial 29 700 31,8 2 314 19,3 6 003 14,0<br />

Immigration économique 50 180 53,8 6 505 54,4 3 057 71,0<br />

Réfugiés 10 987 11,8 2 907 24,3 5 988 13,9<br />

Source : Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (2008).<br />

TABLEAU 6<br />

Candidats des provinces (demandeurs principaux, époux, personnes à charge), 2003-2007<br />

Alberta % Saskatchewan % Manitoba % <strong>Canada</strong> %<br />

3 820 4,0 3 763 31,5 26 134 60,7 49 144 4,0<br />

Source : Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (2008).<br />

le gouvernement du <strong>Canada</strong> afin de pouvoir<br />

sélectionner et désigner les candidats aptes à<br />

répondre à leurs besoins économiques locaux.<br />

Ces candidats doivent respecter les conditions<br />

d’admission prévues par le gouvernement fédéral<br />

en matière de santé et de sécurité, mais ils<br />

ne sont pas assujettis à la grille de sélection<br />

s’appliquant aux travailleurs qualifiés. Ces<br />

ententes constituent une excellente occasion<br />

pour les provinces de promouvoir l’immigration<br />

dans leur région et de combler les besoins<br />

particuliers du marché du travail local.<br />

Les PCP des trois provinces des Prairies ont<br />

considérablement évolué depuis leur création. En<br />

2002, l’Alberta a signé une entente de PCP avec<br />

le gouvernement du <strong>Canada</strong>; à l’automne 2008<br />

ce programme comportait un volet axé sur<br />

l’employeur (comprenant les catégories pour<br />

les diplômés étrangers et pour les travailleurs<br />

spécialisés), un volet pour les familles et un autre<br />

pour les cultivateurs indépendants. L’entente<br />

avec la Saskatchewan, signée en 1998, comprend<br />

les catégories suivantes : travailleurs qualifiés,<br />

membres de la famille, entrepreneurs, proprié -<br />

taires et exploitants de ferme, professionnels de<br />

la santé, conducteurs de grand véhicule routier,<br />

étudiants et projet dans le secteur de l’accueil.<br />

L’entente avec le Manitoba a été signée en<br />

1998 en tant qu’annexe de l’Accord <strong>Canada</strong>-<br />

Manitoba en matière d’immigration, signée en<br />

1996. La province du Manitoba, qui a utilisé le<br />

PCP pour promouvoir l’immigration, est celle<br />

qui a attiré le plus grand nombre d’immigrants<br />

au <strong>Canada</strong>. Le PCP du Manitoba comprend un<br />

volet général (comportant différentes catégories),<br />

un volet d’évaluation prioritaire des étudiants<br />

étrangers, un volet employeur direct ainsi que<br />

des catégories pour les initiatives stratégiques et<br />

les projets d’affaires. Comme l’indique le<br />

Tableau 6, les immigrants participant au PCP du<br />

Manitoba représentaient 60,7 % des immigrants<br />

de la province entre 2003 et 2007, par rapport à<br />

4 % pour l’ensemble du <strong>Canada</strong>. Les données<br />

pour la province de la Saskatchewan sont<br />

également très élevées par rapport à celles de<br />

l’ensemble du <strong>Canada</strong>.<br />

Le recours insistant au PCP peut avoir des<br />

réper cussions considérables sur la croissance<br />

démo graphique des collectivités, comme en<br />

témoigne l’immigration dans les villes de<br />

Steinbach et de Winkler, au Manitoba, qui<br />

comptent parmi les collectivités connaissant<br />

la plus forte croissance dans la province. Selon les<br />

données du Recensement de 2006 de Statistique<br />

<strong>Canada</strong>, la ville de Steinbach a une population de<br />

11 066 habitants, ce qui représente une augmen -<br />

tation de 19,9 % par rapport à 2001 (Statistique<br />

<strong>Canada</strong>, 2007b). Durant la même période, la<br />

population de Winkler a connu une croissance<br />

de 14,6 %, atteignant 9 106 habitants (Ibid.,<br />

2007c). Visiblement, en ce qui a trait à ces deux<br />

villes, l’immigration n’est pas le seul facteur<br />

contribuant à la migration d’entrée et de sortie.<br />

Toutefois, le nombre d’immigrants vivant dans<br />

ces villes est impressionnant. Entre 2003 et 2007,<br />

3 119 personnes ont immigré à Winkler; 93 %<br />

d’entre elles étaient des candidats de la province<br />

ou des personnes à leur charge. Au cours de<br />

la même période, 91 % des 1 839 personnes qui<br />

ont immigré à Steinbach étaient des candidats<br />

de la province. Le Manitoba, qui a conclu des<br />

ententes avec un certain nombre de municipalités,<br />

fait la promotion de l’immigration à l’extérieur<br />

de Winnipeg.<br />

L’augmentation du nombre de personnes<br />

obtenant la citoyenneté canadienne témoigne<br />

Nos diverses cités 17


18 Nos diverses cités<br />

TABLEAU 7<br />

Résidents permanents et personnes ayant déclaré, lors du Recensement,<br />

avoir immigré au <strong>Canada</strong>, 2001-2006<br />

Résidents permanents,<br />

Personnes ayant déclaré,<br />

lors du Recensement, avoir<br />

Province 2001-2006 immigré au <strong>Canada</strong> entre 2001 et 2006 Écart<br />

Alberta 82 900 103 680 +20 780<br />

Saskatchewan 11 812 8 095 -3 717<br />

Manitoba 41 279 31 190 -10 089<br />

Source : Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (2008) et Statistique <strong>Canada</strong> (2008a).<br />

TABLEAU 8<br />

Nombre de travailleurs étrangers temporaires, par province, 2003-2007 a<br />

Année Alberta Saskatchewan Manitoba<br />

2003 11 067 1 541 2 104<br />

2004 12 936 1 733 2 454<br />

2005 15 815 2 017 2 717<br />

2006 22 392 2 200 3 356<br />

2007 37 257 2 998 4 603<br />

a er Ces statistiques font état du nombre de résidents temporaires présents dans le système de Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> au 1 décembre de chaque année.<br />

Source : Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (2007 et 2008).<br />

également du fait que la région réussit à<br />

attirer des personnes souhaitant s’établir de<br />

façon permanente. En 2007, 26 872 résidents<br />

permanents vivant dans les Prairies ont obtenu<br />

la citoyenneté canadienne, par rapport à<br />

seulement 10 798 en 2003.<br />

Migration secondaire<br />

Il y a migration secondaire lorsqu’un immigrant<br />

s’étant installé dans une certaine région du<br />

<strong>Canada</strong> déménage dans une autre région après<br />

avoir obtenu la résidence permanente. Il est<br />

difficile de suivre la situation, puisqu’il n’existe<br />

aucun moyen de quantifier le mouvement des<br />

migrants secondaires et que peu de recherches<br />

sont menées sur le sujet. Toutefois, les<br />

renseignements anecdotiques, qui proviennent<br />

principalement des fournisseurs de services aux<br />

immigrants et des agents des points de service<br />

de Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong>, laissent<br />

entendre qu’un grand nombre d’immigrants<br />

déménagent en Alberta. Les données du Recen -<br />

sement de 2006 de Statistique <strong>Canada</strong> portant sur<br />

le statut d’immigrant et la période d’immigration<br />

fournissent un aperçu de la situation. Le<br />

Tableau 7 compare le nombre d’immi grants<br />

ayant obtenu la résidence permanente dans les<br />

provinces des Prairies entre 2001 et 2006 avec le<br />

nombre d’immigrants ayant déclaré, dans le cadre<br />

du Recensement, être arrivés au <strong>Canada</strong> pendant<br />

la même période (Ibid., 2007a).<br />

Ces données révèlent que l’Alberta a connu<br />

une augmentation nette de plus de 20 000<br />

nouveaux arrivants entre 2001 et 2006, alors<br />

qu’il y a eu une baisse en Saskatchewan et au<br />

Manitoba. Il faut toutefois faire preuve de<br />

prudence avant de tirer des conclusions de ces<br />

résultats, entre autres parce que les données du<br />

Recensement ne portent que sur les immigrants<br />

ayant obtenu la résidence permanente au<br />

<strong>Canada</strong> avant le jour du Recensement, soit le 16<br />

mai 2006, alors que les statistiques relatives aux<br />

résidents permanents portent sur tous ceux<br />

ayant obtenu le statut au cours de l’année. On ne<br />

peut donc pas affirmer avec certitude qu’il y a<br />

une baisse nette du nombre d’immigrants en<br />

Saskatchewan et au Manitoba. Néanmoins, ces<br />

données confirment la notion selon laquelle une<br />

région à l’économie prospère, comme l’Alberta,<br />

accueille de nombreux migrants secondaires.<br />

Travailleurs étrangers temporaires<br />

Entre 2003 et 2007, l’augmentation du nombre<br />

de travailleurs étrangers temporaires dans les<br />

Prairies a été équivalente et même supérieure,<br />

dans le cas de l’Alberta, à l’augmentation du<br />

nombre de résidents permanents. Le Tableau 8<br />

illustre l’augmentation du nombre de travailleurs<br />

étrangers temporaires dans les Prairies entre<br />

2003 et 2007.<br />

Les travailleurs étrangers temporaires consti -<br />

tuent un bassin important de demandeurs de


ésidence permanente. Le PCP de chacune<br />

des trois provinces des Prairies permet à des<br />

travailleurs étrangers temporaires appartenant<br />

à diverses catégories d’obtenir la résidence<br />

permanente; il s’agit d’ailleurs d’un moyen de plus<br />

en plus utilisé dans les trois provinces pour<br />

obtenir la résidence permanente. Au Manitoba,<br />

cette pratique s’est tellement répandue que<br />

certains employeurs ont surnommé le Programme<br />

des travailleurs étrangers temporaires le « pro -<br />

gramme transitoire des travailleurs étrangers ». Le<br />

recours au PCP par Maple Leaf Foods, à Brandon,<br />

en est un bon exemple.<br />

La catégorie fédérale de l’expérience cana dienne<br />

(CEC), mise en œuvre en septembre 2008, offre<br />

aux travailleurs étrangers d’autres moyens<br />

d’obtenir la résidence permanente. Elle permet aux<br />

travailleurs étrangers temporaires qui occupent<br />

depuis au moins deux ans un emploi en gestion ou<br />

un emploi professionnel, spécialisé ou technique<br />

(codes 0, A et B de la Classification nationale<br />

des professions) de présenter une demande de<br />

résidence permanente sans avoir à quitter le<br />

pays. En 2007, un grand nombre de travailleurs<br />

étrangers temporaires dans les Prairies occupaient<br />

des emplois susceptibles de leur permettre de<br />

présenter une demande au titre de la CEC.<br />

TABLEAU 9<br />

Travailleurs étrangers temporaires occupant<br />

une profession visée par les codes 0, A ou B<br />

en 2007<br />

Province Nombre %<br />

Alberta 14 842 40<br />

Saskatchewan 1 657 55<br />

Manitoba 2 030 44<br />

Source : Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (2008).<br />

Ces données ne représentent que les travailleurs<br />

étrangers individuels; bon nombre de ceux qui<br />

ont choisi de devenir résidents permanents seront<br />

accompagnés, éventuellement, par leur époux et<br />

leurs enfants, ce qui contribuera encore davantage<br />

à l’augmentation du nombre d’immigrants.<br />

Le ralentissement économique, dont les effets<br />

ont commencé à se faire sentir au <strong>Canada</strong> à la fin<br />

de 2008, pourrait toutefois avoir des répercussions<br />

temporaires sur cette augmentation.<br />

Conclusion<br />

Compte tenu de la proportion d’immigrants<br />

vivant dans les Prairies par rapport à la<br />

population totale d’immigrants au <strong>Canada</strong>, il<br />

semble improbable que le nombre d’immigrants<br />

dans la province atteigne un jour ce qu’il était au<br />

début du 20 e siècle. Toutefois, depuis 2003, on<br />

constate une augmentation du nombre de<br />

nouveaux arrivants en Alberta, en Saskatchewan<br />

et au Manitoba. L’attrait des économies en plein<br />

essor, combiné à l’utilisation dynamique et ciblée<br />

des PCP et à l’augmentation constante du<br />

nombre de demandeurs de résidence permanente<br />

potentiels se trouvant actuellement au <strong>Canada</strong> à<br />

titre de travailleurs étrangers temporaires,<br />

constituent des facteurs importants contribuant<br />

à cette tendance. La croissance des collectivités<br />

de Winkler et de Steinbach démontre que les<br />

politiques visant à attirer les immigrants peuvent<br />

donner d’excellents résultats même dans les<br />

petits centres; Clifford Sifton en serait ravi.<br />

À propos de l’auteur<br />

RANDY GURLOCK est né à Edmonton et a grandi à<br />

Camrose, en Alberta. Il possède un baccalauréat en histoire<br />

de la University of Alberta. Il a amorcé sa carrière au<br />

gouvernement fédéral en 1983 comme agent d’immigration.<br />

Il occupe actuellement le poste de directeur régional des<br />

bureaux de Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> du Nord<br />

de l’Alberta et des Territoires du Nord-Ouest.<br />

Références<br />

<strong>Canada</strong>. Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (CIC). s.d.<br />

Service d’entreposage des données, Tableaux et publications.<br />

———. Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (CIC). 2007.<br />

Faits et chiffres 2007 – Aperçu de l’immigration : Résidents<br />

permanents et temporaires. Research DataMart.<br />

———. Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (CIC). 2008.<br />

Faits et chiffres 2007 – Aperçu de l’immigration : Résidents<br />

permanents et temporaires, Ottawa, Citoyenneté et<br />

Immigration <strong>Canada</strong>, no Ci1-8/2007F-PD au catalogue.<br />

Consulté à l’adresse<br />

.<br />

———. Statistique <strong>Canada</strong>. 2007a. Profils des communautés<br />

de 2006 : Steinbach, Manitoba, Ottawa, Statistique <strong>Canada</strong>,<br />

no 92-591-XWF au catalogue.<br />

———. Statistique <strong>Canada</strong>. 2007b. Profils des communautés<br />

de 2006 : Winkler, Manitoba, Ottawa, Statistique <strong>Canada</strong>,<br />

no 92-591-XWF au catalogue.<br />

———. Statistique <strong>Canada</strong>. 2007c. Profils des communautés<br />

de 2006 : Alberta, Saskatchewan, Manitoba, Ottawa,<br />

Statistique <strong>Canada</strong>, no 92-591-XWF au catalogue.<br />

Nos diverses cités 19


Tendances récentes de la<br />

migration vers des centres de<br />

troisième rang dans les Prairies *<br />

LORI WILKINSON ET ALISON KALISCHUK<br />

University of Manitoba<br />

20 Nos diverses cités<br />

De petites villes peuvent réussir à attirer les migrants. Le secret de leur<br />

réussite à long terme consiste cependant à encourager ces nouveaux<br />

arrivants à s’installer en permanence dans leur région d’adoption.<br />

Jusqu’à tout récemment, la migration vers des<br />

collectivités de troisième rang au <strong>Canada</strong> n’a pas<br />

suscité beaucoup d’intérêt. Grâce à dix accords<br />

conclus entre le gouvernement fédéral et les<br />

provinces, qui permettent à ces dernières de jouer<br />

un plus grand rôle dans le maintien d’immi -<br />

grants dans leurs collectivités, l’établissement<br />

des migrants internationaux pourrait devenir<br />

un important facteur dans la croissance démo -<br />

graphique pour de nombreux centres de<br />

troisième rang dans les Prairies. Le Programme<br />

des candidats des provinces (PCP), qui a<br />

connu un vif succès, est l’un des principaux<br />

programmes auxquels les provinces ont recours<br />

afin d’inciter les immigrants à s’établir dans des<br />

centres de troisième rang. Une des provinces des<br />

Prairies, le Manitoba, a ouvert la voie en mettant<br />

sur pied un programme qui non seulement<br />

attire les immigrants, mais qui a sans contredit<br />

modifié le mouvement de la population, comme<br />

l’indiquent les chiffres donnés plus loin. Le but<br />

du présent article consiste à fournir un aperçu<br />

de la migration vers les centres de troisième rang<br />

des Prairies. Pour ce faire, nous posons les<br />

questions suivantes : La migration vers ces<br />

régions augmente-t-elle ou diminue-t-elle ? Les<br />

provinces des Prairies sont-elles différentes des<br />

* Les auteures remercient Statistique <strong>Canada</strong>, Citoyenneté et<br />

Immigration <strong>Canada</strong> (CIC) et le Centre <strong>Metropolis</strong> des Prairies des<br />

totalisations personnalisées qui leur ont été fournies. Les opinions<br />

exprimées dans cet article sont celles des auteures et ne reflètent<br />

pas celles des organisations leur ayant fourni les données.<br />

autres provinces quant au nombre et à la<br />

distribution des migrants ? Nous fournissons<br />

également de l’information au sujet des<br />

travailleurs étrangers temporaires (TET) qui se<br />

dirigent vers les centres de troisième rang, compte<br />

tenu de leur contribution vitale au marché du<br />

travail dans les régions rurales des Prairies. Bien<br />

qu’il soit peut-être trop tôt pour évaluer l’efficacité<br />

des nouveaux PCP, les données chronologiques<br />

présentées dans cet article pourront aider les cher -<br />

cheurs à replacer les chiffres dans leur contexte à<br />

mesure que les provinces publieront les données<br />

concernant leurs PCP respectifs.<br />

La migration vers les centres<br />

de troisième rang 1<br />

Les totalisations personnalisées établies pour le<br />

projet <strong>Metropolis</strong> par Statistique <strong>Canada</strong> (2005) 2<br />

révèlent les schémas migratoires des immigrants<br />

1 Plusieurs difficultés inattendues se sont présentées pendant<br />

la rédaction du présent article, entre autres celle de trouver<br />

des statistiques récentes sur la migration provinciale.<br />

Bien que la publication Faits et chiffres de CIC demeure<br />

la principale source d’information sur les statistiques<br />

concernant la migration, ses tableaux n’aident pas à<br />

comprendre les caractéristiques des migrants au niveau<br />

provincial. En outre, Faits et chiffres ne publie pas de données<br />

liées à l’ampleur et aux caractéristiques de l’immigration vers<br />

des centres de troisième rang. Le problème de la diffusion<br />

des données n’est pas d’ordre uniquement fédéral; les<br />

gouvernements provinciaux ne fournissent pas non plus<br />

d’information détaillée à ce sujet. Il a été extrêmement<br />

difficile de trouver des renseignements au sujet des


FIGURE 1<br />

Immigrants habitant une région rurale selon leur période d’arrivée au <strong>Canada</strong>, avant 1971 à 2001<br />

70 %<br />

60 %<br />

50 %<br />

40 %<br />

30 %<br />

20 %<br />

10 %<br />

0 %<br />

Avant 1971 1971-1980 1981-1990 1991-1995 1996-2001<br />

Source : Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (2005).<br />

selon leur lieu d’établissement et d’autres<br />

caractéristiques. Un de ces schémas décrit la<br />

diminution de l’établissement des nouveaux<br />

migrants dans les régions rurales. La Figure 1<br />

montre la chute marquée du nombre de<br />

nouveaux immigrants qui résident dans les<br />

centres de troisième rang. Les migrants arrivés<br />

au <strong>Canada</strong> avant 1971 (29 %) sont environ trois<br />

fois plus enclins à résider dans des centres de<br />

troisième rang que ceux qui sont arrivés plus<br />

récemment (c’est le cas de 9 % seulement de<br />

ceux qui sont arrivés entre 1991 et 2001). Ces<br />

chiffres sont appuyés par Clemenson et Pitblado<br />

(2007), dont les résultats indiquent que moins<br />

de 32 000 immigrants se sont établis dans<br />

les régions rurales entre 1996 et 2001 et qu’ils<br />

représentent moins de 1 % des résidants ruraux<br />

au <strong>Canada</strong>. Si les schémas d’établissement<br />

dans trois provinces des Prairies sont pris en<br />

compte séparément, la situation est légèrement<br />

différente, mais on constate tout de même une<br />

villes de troisième rang à l’extérieur du Manitoba, province<br />

qui possède les données les plus facilement accessibles<br />

sur les migrants. Nous avons cependant l’impression<br />

qu’à mesure que la popularité du PCP augmentera en<br />

Saskatchewan et en Alberta, des statistiques plus<br />

détaillées seront publiées.<br />

2<br />

Au moment de la rédaction du présent article, les<br />

totalisations les plus récentes sur les centres de troisième<br />

rang faisaient état des données du Recensement de 2001.<br />

Les chercheurs de <strong>Metropolis</strong> attendent la publication des<br />

tableaux fondés sur le Recensement de 2006.<br />

diminution. Selon Sorensen (2007), la population<br />

rurale du Manitoba, de la Saskatchewan et<br />

de l’Alberta représente actuellement 21 % de<br />

la population provinciale, en baisse de 29 %<br />

par rapport à 1970. Ses calculs démontrent que<br />

la population rurale de l’Alberta a en fait<br />

augmenté de 32 % au cours des 30 dernières<br />

années, par rapport à 8 % en Saskatchewan et à<br />

4 % au Manitoba. En résumé, cette diminution<br />

ne signifie pas que la population rurale n’a pas<br />

augmenté, mais que la croissance n’équivalait<br />

pas à celle des centres urbains.<br />

L’immigration vers les trois provinces des<br />

Prairies, comme pour les autres provinces, est<br />

prin cipalement urbaine. Les données fournies par<br />

le projet <strong>Metropolis</strong> et compilées dans le Tableau 1<br />

révèlent qu’en 2001, 26 % des immigrants au<br />

<strong>Canada</strong> vivaient dans des régions rurales et que<br />

26 % des résidents temporaires vivaient dans des<br />

régions rurales. Quand on compare les provinces,<br />

on constate un schéma différentiel d’établis -<br />

sement urbain ou rural entre les résidents<br />

permanents et les résidents temporaires. Les<br />

résidents temporaires sont plus susceptibles de<br />

vivre dans des régions rurales à Terre-Neuve-et-<br />

Labrador (52 %) que dans toute autre province.<br />

Plus de 40 % des migrants temporaires vivent<br />

dans les régions rurales à l’Île-du-Prince-Édouard<br />

(48 %) et au Nouveau-Brunswick (41 %). Les<br />

résidents temporaires sont moins susceptibles<br />

de vivre dans les régions rurales du Québec<br />

(5 %), de la Colombie-Britannique (20 %) et de<br />

Terre-Neuve-et-Labrador<br />

Île-du-Prince-Édouard<br />

Nouvelle-Écosse<br />

Nouveau-Brunswick<br />

Québec<br />

Ontario<br />

Manitoba<br />

Saskatchewan<br />

Alberta<br />

Colombie-Britannique<br />

Nos diverses cités 21


22 Nos diverses cités<br />

TABLEAU 1<br />

Immigration urbaine et rurale, <strong>Canada</strong>, 2001<br />

Immigrants Résidents temporaires Nés au <strong>Canada</strong><br />

N (%) N (%) N (%)<br />

Terre-Neuve-et-Labrador 8 030 955 499 095<br />

RMR de St. John’s 4 885 (60,80) 455 (47,60) 165 765 (33,20)<br />

Rurale 3 145 (39,20) 500 (52,40) 333 330 (66,80)<br />

Île-du-Prince-Édouard 4 140 310 128 935<br />

AR de Charlottetown 2 200 (53,10) 160 (51,60) 54 935 (42,60)<br />

Rurale 1 940 (46,90) 150 (48,40) 74 000 (57,40)<br />

Nouvelle-Écosse 41 320 2 595 853 660<br />

RMR de Halifax 24 390 (59,00) 1 945 (75,00) 329 605 (38,60)<br />

AR de Cap Breton 1 780 (4,30) 115 (4,40) 105 980 (12,40)<br />

Rurale 15 150 (36,70) 535 (20,00) 418 075 (49,00)<br />

Nouveau-Brunswick 22 465 1 685 695 555<br />

RMR de Saint John 4 615 (20,50) 415 (24,60) 116 305 (16,70)<br />

AR de Moncton 3 360 (15,00) 240 (14,20) 112 220 (16,10)<br />

AR de Fredericton 4 460 (19,90) 340 (20,20) 75 885 (10,90)<br />

Rurale 10 030 (44,60) 690 (40,90) 391 145 (56,20)<br />

Québec 706 970 40 195 6 378 420<br />

Région métropolitaine totale 668 710 (94,60) 38 405 (95,50) 4 040 180 (63,30)<br />

Rurale 38 255 (5,40) 1 790 (4,50) 2 338 235 (36,70)<br />

Ontario 3 030 075 90 615 8 164 860<br />

RMR de Toronto 2 032 960 (67,10) 58 135 (64,20) 2 556 855 (31,30)<br />

Autre a 997 115 (32,90) 32 480 (35,80) 5 608 005 (68,70)<br />

Manitoba 133 655 4 520 965 520<br />

RMR de Winnipeg 109 385 (81,80) 3 365 (74,40) 548 970 (56,90)<br />

Rurale 24 270 (18,20) 1 155 (25,60) 416 550 (43,10)<br />

Saskatchewan 47 825 3 105 912 220<br />

RMR de Regina 14 010 (29,30) 870 (28,00) 175 135 (19,20)<br />

RMR de Saskatoon 16 870 (35,30) 1 370 (44,10) 204 390 (22,40)<br />

Rurale 16 945 (35,40) 865 (27,90) 532 695 (58,40)<br />

Alberta 438 335 17 275 2 485 540<br />

RMR de Calgary 197 410 (45,00) 7 590 (43,90) 738 310 (29,70)<br />

RMR d’Edmonton 165 235 (37,70) 5 820 (33,70) 755 965 (30,40)<br />

Rurale 75 690 (17,30) 3 865 (22,40) 991 265 (39,90)<br />

Colombie-Britannique 1 009 820 37 190 2 821 865<br />

RMR d’Abbotsford 31 655 (3,10) 765 (2,10) 112 570 (4,00)<br />

RMR de Vancouver 738 550 (73,10) 29 165 (78,40) 1 199 760 (42,50)<br />

Rurale 239 615 (23,70) 7 260 (19,50) 1 509 535 (53,50)<br />

<strong>Canada</strong> 5 448 485 198 645 23 991 905<br />

RMR urbaine 4 020 475 (73,80) 149 155 (75,00) 11 292 830 (47,00)<br />

Rurale 1 428 010 (26,00) 49 490 (25,00) 12 699 075 (53,00)<br />

a<br />

Comprend les principales régions métropolitaines de recensement (RMR) qui accueillent des immigrants, à savoir : Hamilton, Kitchener, Windsor, London, Ottawa et St. Catharines.<br />

Source : Statistique <strong>Canada</strong> (2005). Calculs spéciaux fondés sur le Recensement du <strong>Canada</strong> de 2001.<br />

l’Alberta (22 %). Le Manitoba (26 %) et la<br />

Saskatchewan (28 %) ont les taux les plus<br />

élevés de résidents temporaires dans les régions<br />

rurales des Prairies.<br />

Les provinces suivantes ont les proportions les<br />

plus élevées de résidents permanents dans les<br />

régions rurales : Île-du-Prince-Édouard (47 %),<br />

Nouveau-Brunswick (45 %) et Terre-Neuveet-Labrador<br />

(39 %). Ces chiffres doivent être<br />

examinés en tenant compte du fait que ces<br />

trois provinces de l’Atlantique reçoivent le plus<br />

petit nombre d’immigrants au <strong>Canada</strong>. Dans<br />

les Prairies, la Saskatchewan a la proportion la<br />

plus élevée de résidants ruraux (35 %), suivie de<br />

loin par le Manitoba (18 %) et l’Alberta (17 %).<br />

Bien sûr, puisque ces chiffres reposent sur les<br />

totalisations établies à partir des données du<br />

Recensement de 2001, ils ne tiennent pas compte<br />

du nombre de migrants qui sont arrivés dans le<br />

cadre des différents PCP instaurés après cette date.


Les immigrants, comme les Canadiens nés au <strong>Canada</strong>, s’établissent dans des endroits<br />

où il y a des possibilités d’emploi et où ils ont des réseaux familiaux et sociaux.<br />

Des analyses […] révèlent que les questions liées à l’emploi touchent plus de<br />

50 % des migrants récents, et qu’un migrant sur cinq a cité la difficulté à<br />

trouver un emploi comme principal obstacle à l’établissement.<br />

Tendances récentes dans les Prairies<br />

L’examen des chiffres plus récents fournis par les<br />

provinces permet de dégager des tendances<br />

quelque peu différentes. Le ministère de<br />

l’Enseignement postsecondaire, de l’Emploi et du<br />

Travail de la Saskatchewan (2008) signale qu’en<br />

2007, près de 2 500 immigrants sont entrés<br />

dans la province dans le cadre du PCP, soit<br />

une augmentation de plus de 2 200 depuis la mise<br />

sur pied du programme en 2003. Ces immigrants,<br />

à eux seuls, sont plus nombreux que toutes les<br />

autres catégories de migrants dans cette province.<br />

Selon Garcea (2007), une grande majorité de ces<br />

migrants ont choisi de vivre dans les deux plus<br />

grands centres. Saskatoon et Regina accueillent<br />

proportionnellement 35 % plus d’immigrants,<br />

par rapport aux centres de troisième rang<br />

de la province, qui accueillent 45 % moins<br />

d’immi grants, selon la densité de la population.<br />

Saskatoon attire 46 % de tous les migrants dans<br />

cette province, tandis que Regina en attire 26 %.<br />

Les 28 % qui restent résident dans des centres plus<br />

petits, même si les résidants ruraux représentent<br />

56 % de la population de la province (Statistique<br />

<strong>Canada</strong>, 2008). Malgré la question du déséquilibre<br />

entre l’établissement rural et urbain, le nombre<br />

global d’immigrants en Saskatchewan continue<br />

d’augmenter. Selon les données officielles, entre<br />

2007 et 2008, 3 517 immigrants sont arrivés dans<br />

cette province, soit une augmen tation de 29 %.<br />

Cette situation serait presque entièrement<br />

attribuable au PCP (Ministère de l’Enseignement<br />

postsecondaire, de l’Emploi et du Travail de la<br />

Saskatchewan, 2008).<br />

L’Alberta, contrairement à la Saskatchewan,<br />

n’a connu qu’une augmentation modeste dans le<br />

nombre d’immigrants arrivés au cours des cinq<br />

dernières années. L’Alberta, quatrième province<br />

de destination la plus populaire pour les<br />

immigrants (après l’Ontario, la Colombie-<br />

Britannique et le Québec), accueille chaque<br />

année, de façon constante, entre 14 000 et<br />

20 000 migrants (CIC, 2008b). En 2004 3 , 16 469<br />

migrants sont arrivés dans cette province. De ce<br />

nombre, 29 % se sont établis à Edmonton et 57 %<br />

à Calgary (Alberta Office of Institutional<br />

Statistics, 2008). Pour permettre de mieux<br />

comprendre le déséquilibre entre les<br />

destinations urbaines et rurales des immigrants<br />

arrivant en Alberta, mentionnons que la<br />

population d’Edmonton représente 31 % des<br />

résidants de la province, tandis que la<br />

population de Calgary en représente 32 %<br />

(Statistique <strong>Canada</strong>, 2008). Par conséquent, très<br />

peu d’immigrants se sont établis dans les centres<br />

de troisième rang de l’Alberta, y compris Red<br />

Deer (1,5 %), Lethbridge (1,1 %) ou Medicine Hat<br />

(0,9 %). La préférence des migrants pour Calgary<br />

et Edmonton n’a pas changé depuis 1995 4 (Ibid.).<br />

En résumé, les tendances pour l’Alberta<br />

révèlent une légère augmentation du nombre<br />

d’immigrants (en 2004, cette province avait<br />

accueilli environ 2 000 immigrants de plus qu’en<br />

1995), mais la proportion de migrants ayant<br />

choisi de vivre dans les régions rurales<br />

n’a pas changé : moins de 15 % ont choisi de<br />

s’établir dans ces plus petits centres.<br />

La situation au Manitoba est considérablement<br />

différente en ce qui a trait à l’établissement rural<br />

des migrants au cours des cinq dernières années.<br />

Cette différence est attribuable en grande partie à<br />

la réussite remarquable du PCP de la province.<br />

Mis sur pied en 1998 et renouvelé indéfiniment<br />

en 2003, ce programme vise principalement<br />

à attirer vers le Manitoba 3,8 % de tous les<br />

immigrants au <strong>Canada</strong>. Ce pourcentage représente<br />

la proportion du Manitoba par rapport à celle<br />

du <strong>Canada</strong> (CIC, 2001). En 2006, cette province a<br />

surpassé cet objectif, surtout en raison de son<br />

PCP. Cette année-là, 50 % de tous les immigrants<br />

qui se sont établis dans le cadre des différents<br />

PCP au <strong>Canada</strong> projetaient de s’établir au<br />

3<br />

Année pour laquelle les données les plus récentes concernant<br />

les petits centres dans cette province ont été publiées.<br />

Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> ne publie pas de<br />

données pour les plus petites régions non urbaines.<br />

4<br />

La préférence pour Calgary plutôt qu’Edmonton est<br />

demeurée constante au cours des dix dernières années,<br />

Calgary ayant accueilli jusqu’à 25 % plus d’immigrants<br />

qu’Edmonton durant cette période.<br />

Nos diverses cités 23


TABLEAU 2<br />

Taux de maintien des immigrants par province, 1980 à 2000<br />

Manitoba (N = 6 661) 5 . Cependant, il y a toujours<br />

un déséquilibre entre le nombre d’immigrants<br />

qui s’établissent à Winnipeg (76 %), par rapport<br />

à ceux qui s’établissent dans les plus petits<br />

centres de la province (24 %). La ville de<br />

Winnipeg compte 60 % de la population de la<br />

province, mais elle attire plus de 76 % de tous les<br />

immigrants (Travail et Immigration Manitoba,<br />

2008). Ce déséquilibre entre les villes et les<br />

régions rurales n’est toutefois pas aussi énorme<br />

que ceux de la Saskatchewan et de l’Alberta.<br />

Winkler, ville de 9 106 habitants, a attiré<br />

710 immigrants en 2007, ce qui représente une<br />

augmentation de près de 8 % de sa population,<br />

fondée uniquement sur l’arrivée de migrants.<br />

D’autres petits centres, comme Brandon (48 256<br />

habitants) et Steinbach (11 066 habitants), ont<br />

attiré respectivement 642 et 369 immigrants au<br />

cours de la même année (Statistique <strong>Canada</strong>,<br />

2008; Travail et Immigration Manitoba, 2008).<br />

En résumé, de petites villes peuvent réussir à<br />

attirer les migrants. Le secret de leur réussite à<br />

long terme consiste cependant à encourager ces<br />

nouveaux arrivants à s’installer en permanence<br />

dans leur région d’adoption.<br />

Bien que les trois provinces des Prairies ne<br />

ménagent pas leurs efforts pour attirer les<br />

immigrants afin qu’ils s’établissent dans des<br />

centres de troisième rang, les chercheurs n’ont<br />

pas entrepris un examen des taux de maintien.<br />

À l’aide de la base de données sur l’immigration<br />

(BDIM) 6 , Wilkinson et Pettigrew (2007) ont<br />

constaté que les provinces des Prairies ne<br />

gardent pas les migrants aussi bien que les autres<br />

provinces. Selon le Tableau 2, près de 75 % des<br />

Province de Migration Taux de<br />

premier établissement vers l’extérieur maintien (%)<br />

Provinces de l’Atlantique 21 530 10 340 (52,0)<br />

Québec 214 700 43 940 (79,5)<br />

Ontario 668 625 40 310 (94,0)<br />

Manitoba 41 855 14 305 (65,8)<br />

Saskatchewan 16 300 9 185 (43,7)<br />

Alberta 113 135 28 945 (74,4)<br />

Colombie-Britannique 194 65 18 310 (90,6)<br />

Total 1 270 710 165 335 (87,0)<br />

Source : Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (2007b).<br />

24 Nos diverses cités<br />

5 Fondé sur les calculs publiés par Travail et Immigration<br />

Manitoba (2007) et Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong><br />

(2007b).<br />

immigrants qui prévoient s’établir en Alberta y<br />

restent, par rapport à seulement 66 % de ceux<br />

qui prévoient s’établir au Manitoba et 44 % de<br />

ceux qui prévoient s’établir en Saskatchewan.<br />

Quand on compare ce taux de maintien à celui<br />

des autres provinces, on constate qu’il est<br />

beaucoup plus bas que le taux national moyen<br />

de 87 %. Cette situation est principalement attri -<br />

buable à la tendance des migrants qui s’établissent<br />

en Ontario et en Colombie-Britannique à demeurer<br />

dans ces provinces de façon permanente après<br />

leur établissement.<br />

Possibilités économiques et migration<br />

Les immigrants, comme les Canadiens nés au<br />

<strong>Canada</strong>, s’établissent dans des endroits où il y a<br />

des possibilités d’emploi et où ils ont des réseaux<br />

familiaux et sociaux. Des analyses de l’Enquête<br />

longitudinale auprès des immigrants du <strong>Canada</strong><br />

(Schellenberg et Maheux, 2007) révèlent que les<br />

questions liées à l’emploi touchent plus de 50 %<br />

des migrants récents, et qu’un migrant sur<br />

cinq a cité la difficulté à trouver un emploi<br />

convenable comme principal obstacle à<br />

l’établissement. Des données de Citoyenneté et<br />

Immigration <strong>Canada</strong> (2000) et d’autres études<br />

indiquent que les immigrants de la catégorie<br />

économique (investisseurs, employés autonomes,<br />

travailleurs qualifiés) et les réfugiés qui<br />

prévoient s’installer vers des centres de deuxième<br />

et de troisième rang sont plus enclins<br />

6<br />

La BDIM (Banque de données longitudinales sur les<br />

immigrants) est un fichier à accès restreint qui relie le<br />

Système fédéral de données sur les immigrants admis de<br />

Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> aux dossiers fiscaux de<br />

Revenu <strong>Canada</strong>. Ces données servent à suivre le rendement<br />

économique des immigrants, leur mobilité au <strong>Canada</strong> et<br />

leurs changements d’emploi au fil du temps.


TABLEAU 3<br />

Travailleurs étrangers temporaires par province des Prairies et région urbaine<br />

1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007<br />

Manitoba 1 591 1 841 1 790 1 712 1 470 1 305 1 506 1 791 2 150 2 878<br />

Winnipeg 1 041 1 372 1 197 1 158 887 834 922 1 008 1 265 1 579<br />

(%) (65) (75) (67) (68) (60) (64) (61) (56) (59) (55)<br />

Autre 550 469 593 554 584 471 584 783 885 1 299<br />

(%) (35) (25) (33) (32) (40) (36) (39) (44) (41) (45)<br />

Saskatchewan 1 102 1 059 1 113 982 940 863 969 1 295 1 340 1 851<br />

Regina 266 290 288 204 246 192 198 252 270 362<br />

(%) (24) (27) (26) (21) (26) (22) (20) (19) (22) (14)<br />

Saskatoon 294 285 324 339 317 255 360 406 461 702<br />

(%) (27) (27) (29) (35) (34) (30) (37) (31) (34) (38)<br />

Autre 542 484 501 439 377 416 411 637 609 787<br />

(%) (49) (46) (45) (45) (40) (48) (42) (49) (45) (43)<br />

Alberta 7 341 7 227 8 118 8 393 7 300 6 768 7 840 9 592 14 652 24 371<br />

Calgary 2 854 2 548 2 991 2 996 2 635 2 491 3 010 3 574 4 948 7 431<br />

(%) (39) (35) (37) (36) (36) (37) (38) (37) (34) (30)<br />

Red Deer 123 168 159 88 71 70 119 273 164 393<br />

(%) (2) (2) (2) (1) (1) (1) (2) (3) (1) (2)<br />

Edmonton 1 833 1 786 1 994 2 173 1 712 1 503 1 546 1 615 2 455 5 368<br />

(%) (25) (25) (25) (26) (23) (22) (20) (17) (17) (22)<br />

Wood Buffalo 75 96 121 135 96 90 123 273 421 495<br />

(%) (1) (1) (1) (2) (1) (1) (2) (3) (3) (2)<br />

Autre 2 456 2 629 2 853 3 001 2 786 2 614 3 042 3 857 6 664 10 684<br />

(%) (33) (36) (35) (36) (38) (39) (39) (40) (45) (44)<br />

Total : Prairies 10 034 10 127 11 021 11 087 9 710 8 936 10 315 12 678 18 142 29 100<br />

Source : Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (2008a).<br />

à s’installer dans des villes de premier rang<br />

après leur arrivée au <strong>Canada</strong>, surtout en raison<br />

des meilleures possibilités d’emploi. L’attrait des<br />

grandes villes n’est pas nouveau; dans des études<br />

distinctes, Trovato (1988) et Newbold (1996)<br />

laissent entendre que la raison principale pour<br />

laquelle les immigrants se redirigent vers les<br />

grandes villes est l’existence de meilleures<br />

possibilités de travail et de communautés<br />

ethniques bien établies. Aux États-Unis, les<br />

immigrants ne sont pas différents de ceux<br />

du <strong>Canada</strong>. En effet, ils sont principalement<br />

[Traduction] « attirés vers les grandes villes où il y<br />

a des adultes instruits et des salaires élevés »<br />

(Scott, Coomes et Izyumov, 2005, p. 113).<br />

Après l’entrée en vigueur de la catégorie<br />

de l’expérience canadienne, le gouvernement<br />

a signalé son intention d’encourager les<br />

travailleurs étrangers temporaires (TET) à<br />

demeurer au <strong>Canada</strong>, notamment en facilitant<br />

leur transition de résidents temporaires à<br />

résidents permanents une fois qu’ils ont respecté<br />

leurs engagements par rapport à l’emploi. Le<br />

nombre de TET au <strong>Canada</strong> a considérablement<br />

augmenté au cours de la dernière décennie. En<br />

1998, un peu moins de 66 000 TET résidaient<br />

au <strong>Canada</strong>. En 2007, un peu plus de 115 000<br />

migrants étaient entrés au pays sous cette<br />

catégorie, soit presque deux fois plus que dix ans<br />

plus tôt (CIC, 2008a). Dans les Prairies, c’est<br />

l’Alberta qui a accueilli le plus grand nombre de<br />

migrants dans cette catégorie. En effet, 24 371<br />

migrants sont arrivés en Alberta en 2007, ce qui<br />

représente 84 % de tous ceux qui sont venus<br />

dans les Prairies, soit une augmentation de<br />

11 % par rapport à 1998. Un examen plus appro -<br />

fondi des tendances révèle aussi que le nombre<br />

de TET a augmenté de façon notable en Alberta,<br />

passant de 7 227 en 1999 à 24 371 l’année<br />

dernière. En fait, près de 10 000 nouveaux TET<br />

sont arrivés dans cette province en 2006 et 2007.<br />

Pour leur part, la Saskatchewan et le Manitoba<br />

ont connu des augmentations modestes du<br />

nombre de TET qui ont choisi de s’établir sur leur<br />

territoire. Le Manitoba a vu presque doubler le<br />

nombre de ses TET de 1998 à 2007.<br />

Les TET fournissent une main-d’œuvre<br />

précieuse aux petits centres dans les Prairies.<br />

Leur distribution dans les petits centres est<br />

similaire dans les trois provinces des Prairies.<br />

Un peu plus de la moitié de tous les travailleurs<br />

temporaires qui se sont installés au Manitoba<br />

Nos diverses cités 25


TABLEAU 4<br />

Travailleurs étrangers qui reviennent, par province et par région urbaine<br />

1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007<br />

Manitoba 949 958 999 949 826 604 656 632 851 1 056<br />

Winnipeg 616 626 686 618 536 411 384 395 500 582<br />

(%) (65) (65) (69) (65) (65) (68) (59) (63) (59) (55)<br />

Autre 333 332 313 331 290 193 272 237 351 474<br />

(%) (35) (35) (31) (35) (35) (32) (41) (38) (41) (45)<br />

Saskatchewan 533 508 399 387 370 325 336 460 562 630<br />

Regina 72 85 85 67 88 79 81 84 101 119<br />

% (14) (17) (21) (17) (24) (24) (24) (18) (18) (19)<br />

Autre 461 423 314 320 282 246 255 376 461 511<br />

% (86) (83) (79) (83) (76) (76) (76) (82) (82) (81)<br />

Alberta 2 810 2 872 2 803 3 006 2 727 2 443 2 732 3 116 3 903 5 034<br />

Calgary 958 953 844 885 804 793 918 1 029 1 161 1 363<br />

(%) (34) (33) (30) (29) (29) (32) (34) (33) (30) (27)<br />

Edmonton 670 688 726 748 638 540 592 532 570 773<br />

(%) (24) (24) (26) (25) (23) (22) (22) (17) (15) (15)<br />

Autre 1 182 1 231 1 233 1 373 1 285 1 110 1 222 1 555 2 172 2 898<br />

(%) (42) (43) (44) (46) (47) (45) (45) (50) (56) (58)<br />

Total : Prairies 4 292 4 338 4 201 4 342 3 923 3 372 3 724 4 208 5 316 6 720<br />

Source : Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (2008a).<br />

26 Nos diverses cités<br />

résident à Winnipeg, et le reste, soit 45 %,<br />

vivent dans des centres de troisième rang.<br />

En Saskatchewan, 58 % de ces travailleurs<br />

résident à Saskatoon ou à Regina et le reste, soit<br />

42 %, vivent dans des centres de troisième rang.<br />

En Alberta, 53 % des TET vivent à Edmonton et<br />

à Calgary, et le reste, soit 47 %, résident ailleurs.<br />

Les TET qui reviennent au <strong>Canada</strong> tendent<br />

à être ceux qui sont les plus intéressés par la<br />

résidence permanente. C’est le groupe qui est<br />

le plus enclin à présenter une demande sous<br />

la catégorie de l’expérience canadienne, s’ils<br />

répondent aux exigences. En 2007, près de<br />

50 000 TET sont revenus travailler au <strong>Canada</strong><br />

sous cette catégorie, par rapport à 34 000<br />

seulement dix ans plus tôt (CIC, 2008a). Dans<br />

les Prairies, le nombre de personnes qui sont<br />

revenues au pays est demeuré constant en<br />

Saskatchewan et au Manitoba. En 2007, 630 TET<br />

sont revenus travailler en Saskatchewan, par<br />

rapport à 533 en 1998. Au Manitoba, la tendance<br />

est similaire : 949 personnes y sont revenues en<br />

1998 et 1056 en 2007. Cependant, un plus grand<br />

nombre d’entre eux vivaient dans des centres de<br />

troisième rang en 2007 (45 %) qu’en 1998 (35 %).<br />

L’Alberta comporte le plus grand nombre de<br />

personnes qui reviennent sous cette catégorie.<br />

En 1998, seulement 2 810 TET sont revenus<br />

travailler dans cette province, mais en 2007,<br />

5 034 y étaient de retour pour travailler, soit<br />

presque le double par rapport à dix ans<br />

auparavant. L’Alberta absorbe 75 % de tous les<br />

TET qui reviennent travailler dans la région des<br />

Prairies. Dans cette province, 58 % des employés<br />

qui reviennent vivent dans des centres de<br />

troisième rang, tandis qu’au Manitoba, ils ne<br />

sont que 45 % 7 . Les centres de troisième rang qui<br />

souhaitent attirer les immigrants pourraient<br />

obtenir de bons résultats en encourageant les<br />

TET à s’établir en permanence au pays en<br />

présentant une demande sous la catégorie de<br />

l’expérience canadienne. Il est nécessaire de<br />

suivre la migration secondaire parmi les TET qui<br />

désirent obtenir le statut de résident permanent<br />

sous la catégorie de l’expérience canadienne,<br />

afin de s’assurer qu’il s’agit bien d’un<br />

programme viable pour attirer plus de migrants<br />

résidents vers les régions rurales.<br />

Conclusion<br />

Ce bref rapport de synthèse a donné un aperçu de<br />

la migration vers les centres de troisième rang au<br />

<strong>Canada</strong>, mais de nombreuses questions demeurent<br />

sans réponse. Si les trois provinces des Prairies<br />

sont déterminées à attirer et à garder leurs popu -<br />

lations migrantes, nous exhortons les gouver -<br />

nements à diffuser davantage de statistiques en<br />

7<br />

Il est impossible de calculer au moyen des données<br />

auxquelles nous avons accès le nombre de personnes qui<br />

reviennent travailler dans les centres de troisième rang<br />

en Saskatchewan.


temps opportun. À l’heure actuelle, seul le<br />

Manitoba publie des statistiques sur la migration<br />

vers les centres de troisième rang qui soient<br />

facilement accessibles aux chercheurs non<br />

gouvernementaux. Nous espérons que le<br />

gouvernement de l’Alberta améliorera son site<br />

Web sur les statistiques, notamment pour les<br />

renseignements addi tionnels sur les migrants<br />

qu’elle a attirés. Nous encourageons la<br />

Saskatchewan à rendre ses statistiques plus<br />

accessibles au public. Dans le même ordre<br />

d’idées, nous souhaitons que CIC fournisse<br />

plus de détails au sujet des caractéristiques des<br />

migrants dans les centres de troisième rang<br />

dans son rapport annuel Faits et chiffres.<br />

En outre, nous invitons les trois provinces et<br />

les chercheurs à examiner de près les taux de<br />

maintien des migrants, surtout avec le recours<br />

accru au PCP et à la catégorie de l’expérience<br />

canadienne par les TET qui désirent obtenir le<br />

statut de résident permanent pour s’installer au<br />

<strong>Canada</strong>. Certes, les programmes des candidats<br />

des provinces sont utiles en ce qu’ils diminuent<br />

les délais de traitement des demandes et<br />

de l’arrivée au <strong>Canada</strong>, mais encouragentils<br />

vraiment une plus grande distribution<br />

géographique des migrants ? Des recherches<br />

préliminaires effectuées au Manitoba (Wilkinson<br />

et Pettigrew, 2007) indiquent qu’un nombre<br />

considérable de migrants qui se sont dirigés vers<br />

cette province se réinstallent ailleurs par la suite.<br />

En raison des données insuffisantes, il est<br />

impossible, dans la BDIM, de distinguer les<br />

personnes qui arrivent à titre de candidats des<br />

provinces de celles qui arrivent sous d’autres<br />

catégories. Au moment de la préparation du<br />

rapport, il serait toutefois intéressant tant sur le<br />

plan politique que pratique de voir si ces<br />

programmes encouragent vraiment les migrants<br />

à rester, surtout ceux qui vont s’installer dans les<br />

centres de troisième rang. Il serait également<br />

utile de savoir si le PCP est utilisé comme moyen<br />

d’entrée irrégulier encourageant fortement les<br />

migrations secondaires, en particulier dans<br />

les régions rurales. Il se peut que certaines<br />

provinces, comme le Manitoba, aient besoin de<br />

réexaminer leur façon d’attirer les candidats des<br />

provinces si bon nombre d’entre eux repartent<br />

par la suite. Dans le même ordre d’idées,<br />

une fois que les données sur la catégorie de<br />

l’expérience canadienne seront disponibles, il<br />

sera intéressant d’effectuer un suivi des données<br />

sur la migration secondaire.<br />

À propos des auteures<br />

LORI WILKINSON est professeure agrégée en sociologie,<br />

à la University of Manitoba. Elle s’intéresse aux expériences<br />

en matière d’établissement des jeunes immigrants, à<br />

l’intégration économique des immigrantes et aux transitions<br />

dans la vie des jeunes. Ses plus récents travaux ont été<br />

publiés dans la Revue canadienne de sociologie, la Revue<br />

de l’intégration et de la migration internationale et<br />

Études ethniques du <strong>Canada</strong>.<br />

ALISON KALISCHUK est étudiante à la maîtrise en<br />

sociologie à la University of Manitoba. Elle s’intéresse<br />

aux expériences des jeunes immigrants au <strong>Canada</strong> et à la<br />

méthodologie de recherche. À l’heure actuelle, elle travaille<br />

à une évaluation critique de la mesure du capital social<br />

dans diverses disciplines.<br />

Références<br />

Alberta. Alberta Office of Institutional Statistics. 2008.<br />

Immigration to Alberta by Given Cities of Destination,<br />

1995-2004, Edmonton, Gouvernement de Alberta.<br />

<strong>Canada</strong>. Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (CIC). 2000.<br />

Les déplacements interprovinciaux des immigrants, Ottawa,<br />

Travaux publics et des Services gouvernementaux <strong>Canada</strong>.<br />

———. Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (CIC). 2001.<br />

Vers une répartition géographique mieux équilibrée des<br />

immi grants, Études spéciales, Recherche et examen<br />

stratégiques, Ottawa, Travaux publics et des Services<br />

gouvernementaux <strong>Canada</strong>.<br />

———. Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (CIC). 2007a.<br />

BDIM, totalisations spéciales pour le projet <strong>Metropolis</strong>.<br />

Ottawa, Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong>.<br />

———. Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (CIC). 2007b.<br />

Faits et chiffres 2007 : Aperçu de l’immigration, Ottawa,<br />

Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong><br />

———. Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (CIC). 2008a.<br />

Faits et chiffres 2007 : Aperçu de l’immigration, Ottawa,<br />

Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong>.<br />

———. Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (CIC). 2008b.<br />

Rapport annuel au Parlement sur l’immigration,<br />

2008. Ottawa, Travaux publics et des Services<br />

gouvernementaux <strong>Canada</strong>.<br />

———. Statistique <strong>Canada</strong>. 2005. Totalisations spéciales pour<br />

le Recensement du <strong>Canada</strong> de 2001, préparé pour le projet<br />

<strong>Metropolis</strong>, Ottawa, Statistique <strong>Canada</strong>.<br />

———. Statistique <strong>Canada</strong>. 2008. Chiffres de population et<br />

des logements, Recensement du <strong>Canada</strong> de 2006, Ottawa,<br />

Statistique <strong>Canada</strong>.<br />

Clemenson, H., et J. R. Pitblado. 2007. « Tendances récentes en<br />

matière de migration entre les régions rurales et urbaines »,<br />

Nos diverses cités / Our Diverse Cities, no 3, p. 27-32.<br />

Garcea, J. 2007. « L’immigration vers les plus petites<br />

communautés de la Saskatchewan », Nos diverses cités /<br />

Our Diverse Cities, no 3 p. 146-152.<br />

Nos diverses cités 27


Manitoba. Travail et Immigration Manitoba. 2008.<br />

Données statistiques sur l’immigration au Manitoba :<br />

Rapport statistique de 2007, Winnipeg, Travail et<br />

Immigration Manitoba.<br />

———. Travail et Immigration Manitoba. 2007.<br />

Données factuelles sur l’immigration au Manitoba :<br />

Rapport statistique de 2006, Winnipeg, Travail et<br />

Immigration Manitoba.<br />

Newbold, B. 1996. « Internal Migration of the Foreign<br />

Born in <strong>Canada</strong> », International Migration Review, vol. 30,<br />

no 4, p. 728-747.<br />

Saskatchewan. Ministère de l’Enseignement postsecondaire,<br />

de l’Emploi et du Travail. 2008. Annual Report, 07-08,<br />

Regina, gouvernement de la Saskatchewan.<br />

28 Nos diverses cités<br />

<strong>Numéro</strong> thématique de Thèmes canadiens / Canadian Issues<br />

L’immigration et les familles<br />

Le partenariat entre <strong>Metropolis</strong> et l’Association des études<br />

canadiennes continue de porter fruits, avec la production<br />

de numéros spéciaux de la revue Thèmes canadiens /<br />

Canadian Issues portant sur l’immigration et divers thèmes<br />

connexes. Ce numéro (printemps 2006) met l’accent sur<br />

l’immigration et la famille. Il comporte une introduction signée<br />

par Madine VanderPlaat (Saint Mary’s University), une entrevue<br />

avec Monte Solberg, le ministre de Citoyenneté et Immigration<br />

<strong>Canada</strong> au moment de la publication, ainsi qu’une vingtaine<br />

d’articles rédigés par des responsables des politiques publiques,<br />

des chercheurs et des organisations non gouvernementales<br />

spécialisés dans le domaine en question. Ce numéro de la<br />

revue, comme les numéros précédents, compte parmi les<br />

lectures obligatoires de nombreux cours universitaires<br />

de disciplines variées.<br />

Schellenberg, G., et H. Maheux. 2007. « Perspectives des<br />

immigrants sur leurs quatre premières années au <strong>Canada</strong> :<br />

faits saillants des trois vagues de l’Enquête longitudinale<br />

auprès des immigrants du <strong>Canada</strong> », Tendances sociales<br />

canadiennes / Canadian Social Trends (édition spéciale),<br />

Ottawa, Statistique <strong>Canada</strong>, no 11-008 au catalogue.<br />

Scott, D., P. Coomes, et A. Izyumov. 2005. « The Location<br />

Choice of Employment-Based Immigrants Among U.S.<br />

Metro Areas », Journal of Regional Science, vol. 45, no 1,<br />

p. 113-145.<br />

Sorensen, M. 2007. « L’immigration en milieu rural dans<br />

les Prairies : lacunes sur le plan des connaissances »,<br />

Nos diverses cités / Our Diverse Cities, no 3, p. 131-136.<br />

Trovato, F. 1988. « The Interurban Mobility of the Foreign<br />

Born in <strong>Canada</strong> 1976-1981 », International Migration<br />

Review, vol. 22, no 1, p. 59-86.<br />

Wilkinson, L., et R. Pettigrew. 2007. Longitudinal<br />

Immigration Database Review, 2007, rapport présenté<br />

à Travail et Immigration Manitoba.<br />

Printemps 2006<br />

Directrice invitée : Madine VanderPlaat (Saint Mary’s University)<br />

Pour obtenir une copie de la revue, veuillez écrire à


La chute du taux de natalité et le vieillissement de la population ralentissaient la<br />

croissance du bassin de main-d’œuvre et menaçaient de l’arrêter. Il était évident que ce<br />

changement aurait de graves répercussions sur les provinces des Prairies. Bien entendu,<br />

cela a attiré de plus en plus l’attention sur les questions d’immigration à l’échelle<br />

communautaire, ainsi que parmi les administrations municipales et provinciales.<br />

Intégration et établissement<br />

dans les Prairies canadiennes<br />

FARIBORZ BIRJANDIAN ET ROB BRAY<br />

Calgary Catholic Immigration Society<br />

L’expérience de l’immigration et de l’établissement<br />

dans les Prairies a été dynamique et bien<br />

différente de ce qui s’est passé ailleurs au<br />

<strong>Canada</strong>. D’abord marquée par un afflux massif<br />

d’immigrants jamais vu au pays, la région a<br />

ensuite connu une longue période de diminution<br />

de l’immigration, de même que des services<br />

offerts et de l’intérêt porté aux immigrants. Or, ces<br />

dernières années, l’immigration et l’établissement<br />

ont gagné en importance, en influence et en<br />

capacité dans les Prairies, et contribué à la<br />

poursuite d’un récit passionnant et inédit.<br />

L’avant-guerre<br />

Le récit de l’immigration et de l’établissement<br />

dans les Prairies commence avec l’afflux massif<br />

d’immigrants au tournant du siècle. La ruée vers<br />

le « dernier front pionnier de l’Ouest » a été une<br />

grande période d’immigration et d’établissement<br />

dans les Prairies canadiennes. Comme l’illustre<br />

le Tableau 1, entre 1901 et 1921, les provinces<br />

des Prairies ont gagné plus d’un million et<br />

demi d’habitants, la plupart venant de l’étranger,<br />

et leur part de la population canadienne est<br />

passée de 8 % à 22 %, ce qui représente une<br />

croissance de 370 %. De nos jours, cela<br />

reviendrait à augmenter la population des<br />

Prairies de plus de deux millions de personnes<br />

au cours des 20 prochaines années, ou de plus<br />

de 100 000 personnes par année (entre 1967<br />

et 1997, l’immigration dans les Prairies s’est<br />

maintenue de manière très constante entre<br />

18 000 et 19 000 personnes par an).<br />

Établissement par îlots<br />

Cette première période d’établissement dans<br />

l’Ouest canadien a marqué un tournant historique<br />

majeur : la plupart des immigrants ne venaient<br />

pas des îles britanniques, mais plutôt de<br />

l’Europe orientale et de la Scandinavie. Les<br />

premiers immigrants se sont surtout établis dans<br />

les régions rurales, où il y avait peu de services<br />

structurés, mais beaucoup d’entre eux sont arrivés<br />

en groupes organisés. Leo Tolstoï, par exemple,<br />

a organisé et financé de façon substantielle le<br />

mouvement de la population russe doukhobor.<br />

Cet afflux colossal de nouveaux arrivants<br />

non anglophones issus de diverses cultures a<br />

déclenché un débat qui se poursuit encore<br />

maintenant : devait-on disperser les immigrants et<br />

les mélanger à la population afin d’accélérer leur<br />

intégration dans la culture canadienne en général<br />

(comme le modèle étatsunien était censé le faire),<br />

ou leur permettre de former (comme beaucoup le<br />

souhaitaient) des enclaves ethniques solidaires,<br />

option défendue par bon nombre d’« Anglo-<br />

Saxons » établis auxquels la proximité de ces<br />

nouveaux arrivants ne plaisait guère ? Le modèle<br />

de l’enclave était normal pour une nation bilingue<br />

et biculturelle, mais la situation à laquelle le<br />

<strong>Canada</strong> devait faire face pendant cette période<br />

était tout à fait nouvelle.<br />

Afin de résoudre cette question, un compromis<br />

canadien novateur – le système d’établissement<br />

par îlots – a vu le jour. Sous ce modèle, les<br />

collectivités, les villes et les zones rurales devinrent<br />

fortement dominées par une communauté<br />

Nos diverses cités 29


TABLEAU 1<br />

Immigration dans les Prairies, 1891-2007<br />

Part des<br />

Prairies dans Part des Prairies Taux Taux<br />

la population dans l’immigration d’immigration d’immigration Population Population Immigration Immigration<br />

Année canadienne au <strong>Canada</strong> au <strong>Canada</strong> dans les Prairies canadienne des Prairies au <strong>Canada</strong> dans les Prairies<br />

1891 1 % 4 832 239 43 000<br />

1901 8 % 51,7 % 0,92 % 6,14 % 5 371 315 414 000 49 149 25 414<br />

1902 58,8 % 67 379 39 616<br />

1903 65,0 % 128 364 83 433<br />

1904 57,8 % 130 331 75 308<br />

1905 51,1 % 146 268 74 676<br />

1906 47,9 % 189 064 90 553<br />

1907 42,7 % 124 667 53 244<br />

1908 36,9 % 262 469 96 856<br />

1909 47,3 % 146 908 69 499<br />

1910 44,4 % 208 794 92 776<br />

1911 18 % 38,6 % 4,32 % 9,05 % 7 206 643 1 328 000 311 084 120 203<br />

1912 37,7 % 359 237 135 592<br />

1913 33,5 % 402 482 134 860<br />

1914 41,5 % 304 878 126 380<br />

1921 22 % 29,5 % 1,69 % 2,24 % 8 788 483 1 956 082 148 477 43 822<br />

1956 17 % 16 080 791 2 742 121<br />

1967 16 % 9,6 % 0,97 % 0,57 % 20 015 000 3 268 000 194 743 18 650<br />

1977 16 % 9,0 % 0,95 % 0,54 % 23 450 000 3 718 000 222 876 19 983<br />

1987 17 % 12,4 % 0,58 % 0,42 % 26 101 000 4 447 000 152 098 18 893<br />

1997 16 % 8,5 % 0,73 % 0,38 % 29 611 000 4 801 000 216 038 18 269<br />

2007 17 % 18,3 % 0,72 % 0,79 % 32 988 000 5 474 000 236 758 43 329<br />

Source : Compilé à partir de données de CIC et de Statistique <strong>Canada</strong>.<br />

30 Nos diverses cités<br />

ethnique ou religieuse, les planificateurs prenant<br />

toutefois soin de mêler ces îlots les uns aux autres<br />

afin d’empêcher que de grandes étendues du<br />

pays soient nettement dominées par des groupes<br />

particuliers. A posteriori, et cela peut surprendre,<br />

on constate que ce compromis a plutôt bien<br />

fonctionné. Les îlots étaient suffisamment grands<br />

pour permettre le soutien mutuel des immigrants,<br />

qui assurait le succès de leur établissement, mais<br />

également assez petits pour isoler leurs membres<br />

de l’ensemble de la société et demeurer des<br />

enclaves. En outre, la dépopulation continue des<br />

régions rurales a forcé la majorité des membres<br />

de la deuxième génération à se déplacer vers<br />

les grands centres, où le mélange et l’intégration<br />

étaient inévitables. Dès les années 1950, l’Ouest<br />

était généralement mieux intégré que le reste du<br />

pays et s’était doté d’une identité et d’une culture<br />

politique dynamiques.<br />

L’après-guerre<br />

L’après-guerre a apporté des changements<br />

majeurs au tableau de l’immigration, la grande<br />

dépression réduisant l’immigration à presque<br />

rien et l’Ouest ne recevant pratiquement pas<br />

de nouveaux immigrants. À vrai dire, l’Ouest<br />

canadien a plutôt connu une émigration inter -<br />

provinciale considérable, qui a même causé une<br />

diminution de la population de la Saskatchewan.<br />

Durant les 50 années suivantes, la vaste<br />

majorité des immigrants au <strong>Canada</strong> se sont<br />

établis dans l’Est du pays (et dans une certaine<br />

mesure en Colombie-Britannique), puisque<br />

beaucoup étaient des travailleurs d’usine aptes à<br />

décrocher des emplois peu spécialisés dans les<br />

professions industrielles, tendance qui devait<br />

se maintenir jusqu’à la fin des années 1990. Au<br />

cours de cette période, à cause de leur économie<br />

rurale, fondée sur l’exploitation des ressources<br />

naturelles, les provinces des Prairies ont accueilli<br />

en moyenne environ 9 % du nombre total<br />

d’immigrants au <strong>Canada</strong>, alors qu’elles abritaient<br />

environ 16 % de la population canadienne.<br />

Durant les années 1990, les choses ont<br />

commencé à changer : le marché du travail se<br />

resserrait peu à peu et les petites collectivités<br />

des Prairies, surtout au Manitoba et en Alberta,<br />

connaissaient des difficultés. Parallèlement, les


echerches universitaires et Statistique <strong>Canada</strong><br />

signalaient l’apparition d’un dangereux<br />

problème démographique au pays : la chute<br />

du taux de natalité et le vieillissement de<br />

la population ralentissaient la croissance du<br />

bassin de main-d’œuvre et menaçaient de<br />

l’arrêter. Il était évident que ce changement<br />

aurait de graves répercussions sur les provinces<br />

des Prairies. Bien entendu, cela a attiré de plus en<br />

plus l’attention sur les questions d’immigration à<br />

l’échelle communautaire, ainsi que parmi les<br />

administrations municipales et provinciales.<br />

Sous-financement des services d’établissement<br />

Comme la plupart des immigrants au <strong>Canada</strong><br />

s’établissaient à Montréal, à Toronto et à<br />

Vancouver, ces villes ont vu se développer de<br />

grandes communautés immigrantes dynamiques.<br />

Comparativement au reste du pays, leur popu -<br />

lation s’est davantage mobilisée pour les appuyer<br />

et leurs organismes d’aide à l’établissement ont<br />

reçu nettement plus de fonds fédéraux dans le<br />

cadre de ce qu’on appelle aujourd’hui le modèle<br />

d’affectation des fonds pour l’établissement. Le<br />

secteur de l’établissement était relativement plus<br />

faible dans l’Ouest et, par conséquent, il était<br />

moins apte à provoquer la discussion, le débat, et<br />

à promouvoir le développement de ressources et<br />

de collectivités solidaires.<br />

La plupart des organismes d’aide à l’établis -<br />

sement des Prairies ont pallié le manque de<br />

ressources en établissant des liens solides avec<br />

les bailleurs de fonds régionaux et locaux ainsi<br />

qu’avec les fournisseurs de services généraux.<br />

Ainsi, bien que la région compte moins de ces<br />

organismes qu’ailleurs au pays, ils sont de plus<br />

grande envergure.<br />

Dans les années 1990, les questions d’im -<br />

migration ont cessé d’intéresser uniquement les<br />

chercheurs universitaires et les fournisseurs<br />

de services d’établissement : devant l’aggravation<br />

des problèmes de main-d’œuvre et la croissance<br />

rapide de l’économie, les chefs d’entreprise de<br />

l’ensemble des Prairies ont placé les questions<br />

d’immigration au premier plan de leurs priorités.<br />

Ce mouvement a convaincu les trois gouver -<br />

nements provinciaux des Prairies et plusieurs<br />

administrations municipales de mettre sur pied<br />

des politiques plus dynamiques et d’intervenir<br />

directement pour attirer et retenir un nombre<br />

accru des nouveaux arrivants au <strong>Canada</strong>.<br />

Depuis 1997, les trois provinces ont mis en<br />

œuvre un éventail de stratégies afin de promouvoir<br />

leurs régions respectives. Par exemple, en 2005,<br />

l’Alberta a annoncé son cadre d’immigration, se<br />

donnant comme objectif de faire passer d’environ<br />

6,5 % à au moins 10 % sa part dans l’immigration<br />

totale du <strong>Canada</strong>. Ces stratégies ont obtenu un<br />

certain succès, mais elles n’ont pas été suffisantes<br />

pour remédier totalement à la pénurie croissante<br />

de main-d’œuvre que connaît actuellement l’Ouest<br />

canadien. Une mesure visant à combler le manque<br />

de travailleurs a été l’élargissement à grande<br />

échelle du Programme concernant les travailleurs<br />

étrangers temporaires (PTET), qui a donné<br />

naissance à une toute nouvelle série de difficultés<br />

en matière d’établissement et d’intégration.<br />

Aujourd’hui<br />

L’immigration demeure un enjeu de taille dans<br />

les provinces des Prairies; il est difficile d’assister<br />

à un forum de concertation, à une conférence ou<br />

à toute autre activité réunissant des intervenants<br />

communautaires sans que les principaux<br />

conférenciers ne mentionnent l’importance de<br />

l’immigration sur les plans économique, social,<br />

démographique et culturel. L’attitude de la<br />

collectivité à l’égard de l’immigration est de plus<br />

en plus positive, les immigrants étant perçus<br />

comme une solution à une demande de<br />

main-d’œuvre, spécialisée ou non, qui continue<br />

de prendre au dépourvu les entreprises, les<br />

gouvernements et la société dans son ensemble.<br />

Afin d’attirer et de retenir davantage d’im -<br />

mi grants, les gouvernements des Prairies ont<br />

adopté, de concert avec le gouvernement fédéral,<br />

bon nombre de méthodes novatrices visant à<br />

accélérer le processus d’immigration dans la<br />

région. En outre, ils sont en train de concevoir<br />

des solutions en matière d’immigration qui<br />

soient adaptées aux Prairies, afin d’essayer de<br />

résoudre directement le problème. Même si les<br />

trois provinces ont chacune abordé la question<br />

différemment, elles ont toutes obtenu des résultats<br />

similaires, ce qui a suscité une conscience accrue<br />

de l’importance de l’immigration au sein de<br />

la collectivité. En conséquence, un plus grand<br />

nombre d’immigrants choisissent les Prairies<br />

comme destination privilégiée et, alors qu’elle<br />

s’était maintenue à 9 % pendant 50 ans, la part<br />

des Prairies dans l’immigration avait doublé en<br />

2007, pour s’établir à 18 %.<br />

Appui des provinces et croissance<br />

du secteur de l’établissement<br />

La croissance du secteur de l’établissement a<br />

commencé lorsque les gouvernements provinciaux<br />

des Prairies ont pris l’initiative d’investir plus<br />

Nos diverses cités 31


L’attitude de la collectivité à l’égard de l’immigration est de plus en plus positive,<br />

les immigrants étant perçus comme une solution à une demande de maind’œuvre,<br />

spécialisée ou non, qui continue de prendre au dépourvu les<br />

entreprises, les gouvernements et la société dans son ensemble.<br />

32 Nos diverses cités<br />

de ressources afin d’améliorer les programmes<br />

d’établissement et d’intégration financés par<br />

le gouvernement fédéral. Parallèlement, compte<br />

tenu du nombre croissant d’immigrants et de la<br />

précision des données sur la migration secondaire<br />

dans les Prairies, le gouvernement fédéral a<br />

également augmenté son aide financière. Le<br />

secteur de l’établissement, qui comprend surtout<br />

des organismes communautaires à but non<br />

lucratif, grandit et gagne rapidement en capacité,<br />

et les efforts qu’il déploie pour influencer les<br />

politiques gouvernementales et défendre ses<br />

intérêts ont crû de façon spectaculaire. En<br />

outre, l’augmentation des ressources a attiré de<br />

nouveaux intervenants dans le domaine, comme<br />

des organismes à but lucratif, des fournisseurs<br />

de services privés et de grandes organisations.<br />

Travailleurs étrangers temporaires (TET)<br />

Une autre avancée majeure a été l’expansion du<br />

PTET. En 2006, plus de 23 000 TET sont arrivés<br />

en Alberta, soit plus que le total des résidents<br />

permanents. En 2007, ce nombre a presque<br />

doublé, passant à plus de 41 000, et d’après les<br />

résultats préliminaires, 2008 a également connu<br />

une augmentation appréciable. Même si les TET<br />

offrent une solution incomplète et à très court<br />

terme aux problèmes du marché du travail dans<br />

l’Ouest, ils présentent leurs propres défis, qui ne<br />

sont pas encore bien compris et doivent faire<br />

l’objet de recherches et d’analyses approfondies.<br />

Si les gouvernements et les entreprises voient<br />

dans les TET une réponse à la demande de maind’œuvre,<br />

la plupart de ces travailleurs, quant à<br />

eux, considèrent le Programme comme un moyen<br />

d’entrer rapidement au <strong>Canada</strong> dans l’espoir d’y<br />

demeurer de façon permanente. En raison du très<br />

grand nombre de TET qui ont ce souhait, les<br />

politiques appliquées par le passé ne sont plus<br />

appropriées. Dernièrement, le gouvernement de<br />

l’Alberta a commencé à financer des programmes<br />

pilotes afin de répondre aux besoins des TET en<br />

matière d’établissement. En outre, pour essayer<br />

de résoudre cette difficulté, le gouvernement<br />

du <strong>Canada</strong> propose une nouvelle catégorie de<br />

l’expérience canadienne, que peuvent utiliser les<br />

personnes qui se trouvent au <strong>Canada</strong> pour<br />

demander la résidence permanente.<br />

En ce qui concerne les services d’établissement<br />

et d’intégration offerts dans les Prairies, il existe<br />

environ 30 organismes (20 en Alberta, 5 en<br />

Saskatchewan et 5 au Manitoba) dont le mandat<br />

consiste à venir en aide aux immigrants et à<br />

travailler avec la collectivité afin de créer un<br />

milieu accueillant. Ces organismes commu -<br />

nautaires possèdent plus de 30 ans d’expérience.<br />

Ils offrent une vaste gamme de services<br />

d’établissement initiaux et à long terme et,<br />

depuis leurs débuts, ils aident les nouveaux<br />

arrivants à se familiariser avec la culture des<br />

Prairies. Ils défendent résolument les intérêts des<br />

immigrants et des réfugiés.<br />

Des organismes d’aide<br />

à l’établissement en bonne posture<br />

La région des Prairies, en particulier dans<br />

les centres urbains, a mis sur pied avec succès<br />

des services visant à faciliter l’établissement et<br />

l’intégration des nouveaux arrivants. Alors que<br />

son secteur souffrait par le passé d’un manque<br />

de ressources et d’attention de la part des<br />

gouvernements fédéral et provinciaux, la<br />

situation s’est améliorée au cours des dix<br />

dernières années. Les ressources fédérales<br />

disponibles ont augmenté et un vif intérêt<br />

pour la question se manifeste au sein de<br />

nos gouvernements provinciaux. De plus,<br />

nous cherchons à personnaliser encore plus<br />

l’immigration en encourageant une participation<br />

accrue des administrations municipales et des<br />

établissements locaux des Prairies.<br />

Les principaux obstacles<br />

en matière d’établissement<br />

Le secteur se réjouit des grandes améliorations<br />

apportées à chaque aspect de l’établissement et de<br />

l’intégration dans la région des Prairies. Toutefois,<br />

des problèmes de taille continuent de faire de<br />

l’établissement et de l’intégration une expérience<br />

difficile et pénible pour bon nombre de nouveaux<br />

arrivants. Ces problèmes ne sont pas nouveaux,<br />

mais ils semblent parfois plus difficiles à résoudre


en raison de la complexité de notre société et de<br />

l’augmentation du coût de la vie. Les difficultés<br />

suivantes exigent un débat communautaire,<br />

l’élaboration de politiques réalisables et<br />

l’affectation de ressources suffisantes :<br />

• Le logement;<br />

• L’intégration au marché du travail;<br />

• Le manque de préparation des organisations<br />

publiques en vue d’offrir des services à une<br />

population diversifiée;<br />

• L’intégration sociale, économique et politique;<br />

• Le manque de planification et d’investissements<br />

à long terme;<br />

• L’absence d’un véritable dialogue collectif sur<br />

l’immigration, l’établissement et l’intégration;<br />

• L’amélioration des stratégies visant à<br />

encourager les immigrants à s’établir dans les<br />

petits centres (environ 95 % des immigrants<br />

s’installent dans les grandes villes des Prairies);<br />

• L’augmentation des efforts déployés par<br />

les petits centres pour attirer et retenir les<br />

nouveaux arrivants.<br />

L’avenir<br />

L’évolution de l’immigration dans la région<br />

des Prairies offre de nombreuses possibilités<br />

d’améliorer l’expérience d’immigration, d’éta -<br />

blis sement et d’intégration des nouveaux<br />

arrivants dans la région. Nous continuons<br />

d’apprendre des autres régions du monde, de ce<br />

qui se fait ailleurs au <strong>Canada</strong> et de notre propre<br />

histoire. Nous pouvons nous inspirer des leçons<br />

apprises et des pratiques exemplaires afin<br />

d’obtenir une vision claire de l’immigration et<br />

de mobiliser toute la collectivité.<br />

Pour atteindre cet objectif, la région des<br />

Prairies bénéficie de certains avantages majeurs :<br />

• L’économie est vigoureuse et elle le demeurera<br />

fort probablement, compte tenu de l’exploi -<br />

tation des ressources naturelles et du<br />

développement d’une économie de plus en<br />

plus industrielle dans les grandes villes;<br />

• Le marché du travail, en particulier, continuera<br />

à se développer : l’Alberta prévoit une pénurie<br />

de 110 000 travailleurs d’ici 2017;<br />

• En raison des niveaux d’immigration demeurés<br />

bas pendant longtemps et de la grande diversité<br />

des pays sources (les dix principaux pays<br />

d’origine représentent moins de 20 % du<br />

total de nouveaux arrivants; chaque année, ou<br />

presque, chaque province accueille des<br />

immigrants d’environ 100 pays différents), les<br />

enclaves ethniques et l’isolement sont minimes,<br />

ce qui facilite le processus d’intégration. En fait,<br />

le manque de logements abordables dans la<br />

plupart des centres urbains des Prairies a forcé<br />

la plupart des communautés immigrantes à<br />

se répartir largement dans l’ensemble de la<br />

collectivité à mesure qu’elles ont accès à<br />

des logements;<br />

• La collectivité et le gouvernement re con -<br />

naissent qu’il est essentiel que les services<br />

d’établissement soient accessibles et efficaces,<br />

et ceux-ci sont offerts par des organismes<br />

d’envergure bien organisés dont la capacité<br />

croît rapidement;<br />

• Étant donné le fort intérêt porté aux questions<br />

liées à l’immigration, la région est très bien<br />

placée pour proposer des changements dans<br />

les politiques et pour adapter les systèmes et<br />

les initiatives d’établissement et d’intégration<br />

à ses propres besoins et possibilités;<br />

• Nous vivons dans un contexte économique<br />

mondial de prospérité qui est cependant très<br />

imprévisible et qui touche toutes les régions, y<br />

compris les Prairies. Malheureusement, en<br />

période de ralentissement économique, les<br />

investissements dans les services d’établis -<br />

sement et d’intégration ainsi que l’affectation<br />

de ressources aux initiatives liées à la diversité<br />

ont tendance à être relégués au second plan.<br />

Nous devons envisager à long terme nos<br />

efforts en vue d’attirer les immigrants, de<br />

les retenir et de les encourager à participer<br />

pleinement à la vie du <strong>Canada</strong>. Nous devons<br />

aussi veiller à ce qu’ils constituent toujours des<br />

priorités sociales et gouvernementales.<br />

Compte tenu de notre histoire et de notre<br />

situation actuelle, il semble qu’au cours des<br />

prochaines années, l’immigration et l’établis -<br />

sement dans les provinces des Prairies seront<br />

dynamiques, exceptionnels et très intéressants.<br />

À propos des auteurs<br />

FARIBORZ BIRJANDIAN est chef de la direction à la Calgary<br />

Catholic Immigration Society, où il est responsable de plus<br />

de 180 employés et 1 200 bénévoles, et supervise environ<br />

65 programmes. Il a reçu de nombreux prix et marques de<br />

reconnaissance pour son engagement indéfectible envers la<br />

diversité, l’égalité des droits et l’amélioration des politiques<br />

et des pratiques d’établissement et d’intégration des<br />

immigrants et des réfugiés en Alberta.<br />

Nos diverses cités 33


34 Nos diverses cités<br />

ROB BRAY est gestionnaire des Services aux familles et<br />

aux enfants à la Calgary Catholic Immigration Society. Il a<br />

travaillé dans le domaine de l’établissement pendant 22 ans,<br />

à Winnipeg et à Calgary. Il est titulaire de diplômes en<br />

anthropologie, anglais, philosophie et mathématiques<br />

obtenus à l’Université de Regina en 1986. Il a vécu au<br />

Liban, en Jordanie, au Maroc et en Zambie.<br />

Références<br />

<strong>Canada</strong>. Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (CIC). Archives<br />

des statistiques de l’immigration (de 1966 à 1996). Consulté<br />

à l’adresse .<br />

Electing a Diverse <strong>Canada</strong> propose les<br />

analyses les plus approfondies à ce jour sur<br />

la représentation électorale des immigrants,<br />

des minorités et des femmes au <strong>Canada</strong>. Les<br />

articles de ce recueil portent sur onze villes<br />

ainsi que sur le Parlement du <strong>Canada</strong>; son<br />

analyse de la représentation de divers<br />

groupes identitaires à différents ordres<br />

de gouvernement s’avère novatrice.<br />

La publication commence par brosser<br />

un portrait des études réalisées sur la<br />

représentation électorale et les grands concepts<br />

et cadres qui sous-tendent la recherche sur<br />

les immigrants, les femmes et les minorités.<br />

Au moyen d’enquêtes et de données de<br />

recensement, les différents chapitres proposent<br />

des profils des élus municipaux, provinciaux<br />

et fédéraux et comparent ces profils à celui<br />

de la population générale correspondante.<br />

Ce volume comprend également un examen<br />

des principaux résultats de recherche et des<br />

Commandez : <br />

tendances en ce qui a trait à la sur- et à la sousreprésentation<br />

au gouvernement du <strong>Canada</strong>.<br />

La représentation électorale est un<br />

important indicateur de la santé de la<br />

démocratie; nonobstant, la recherche dans<br />

ce domaine se résume à la question de la<br />

représentativité des élus. Electing a Diverse<br />

<strong>Canada</strong> fournit un point de référence sur<br />

lequel asseoir les futures recherches, non<br />

seulement en évaluant la représentation<br />

électorale, mais aussi en dégageant les<br />

grands enjeux qui compromettent l’état<br />

de la démocratie canadienne.<br />

Caroline Andrews est professeure à<br />

l’École d’études politiques de l’Université<br />

d’Ottawa. John Biles est directeur, Partenariats<br />

et transfert des connaissances, au projet<br />

<strong>Metropolis</strong>. Myer Siemiatycki est professeur au<br />

département de politique et d’administration<br />

———. Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (CIC). Faits<br />

et chiffres 2007 – Aperçu de l’immigration : Résidents<br />

permanents. Consulté à l’adresse .<br />

———. Statistique <strong>Canada</strong>. Population et composantes de la<br />

croissance démographique (Recensements de 1851 à 2001).<br />

Consulté à l’adresse .<br />

———. Statistique <strong>Canada</strong>. Population par année, par province<br />

et territoire. Consulté à l’adresse .<br />

———. Statistique <strong>Canada</strong>. Collection historique de<br />

l’Annuaire du <strong>Canada</strong> 1867-1967. Consulté à l’adresse<br />

.<br />

Dirigé par Caroline Andrew, John Biles, Myer Siemiatycki et Erin Tolley<br />

publique, Ryerson University. Erin Tolley est<br />

directrice du projet <strong>Metropolis</strong> international.<br />

Collaborateurs : John Biles, Karen Bird,<br />

Jerome H. Black, Irene Bloemraad, Michael<br />

Caverhill, Joseph Garcea, Karen Bridget<br />

Murray, Brenda O’Neill, Shannon Sampert,<br />

Myer Siemiatycki, Carolle Simard, Erin Tolley<br />

et Jared J. Wesley.<br />

Novembre 2008, 204 p., 15 cm x 23 cm<br />

14 cartes, 34 tableaux<br />

978-0-7748-1485-0 couverture rigide<br />

85 $ CAD / 98 $ USD<br />

Pour obtenir un exemplaire, composez<br />

le numéro sans frais 1-800-668-0821 ou<br />

commandez en ligne en vous rendant<br />

à l’adresse .


La Loi sur le recrutement et la protection des travailleurs pose les assises d’un processus de<br />

recrutement durable et positif, qui assurera aux entreprises l’accès à une main-d’œuvre<br />

étrangère temporaire fiable et compétente en plus de répondre aux préoccupations<br />

concernant la vulnérabilité des travailleurs étrangers temporaires.<br />

Recrutement et protection des<br />

travailleurs étrangers<br />

Le rôle de la Loi sur le recrutement et<br />

la protection des travailleurs du Manitoba<br />

L’HONORABLE NANCY ALLAN<br />

Gouvernement du Manitoba<br />

L’immigration représente aujourd’hui l’une des<br />

principales stratégies adoptées par le Manitoba<br />

pour assurer la croissance de sa population<br />

et de sa main-d’œuvre. Au troisième trimestre<br />

de 2008, par exemple, la population du<br />

Manitoba était estimée à 1 212 000 habitants,<br />

et la croissance démographique était attribuée<br />

principalement à la migration internationale<br />

(Manitoba Bureau of Statistics, 2008).<br />

De 2000 à 2007, le Manitoba a accueilli 56 815<br />

immigrants au total. Ce niveau d’immigration<br />

record est significatif non seulement à l’échelle<br />

provinciale, mais aussi à l’échelle nationale. En<br />

effet, les 10 955 nouveaux arrivants au Manitoba<br />

en 2007 représentaient 4,6 % de l’immigration<br />

totale au <strong>Canada</strong>. Ce résultat tranche avec celui<br />

de la deuxième moitié des années 1990 : le<br />

Manitoba accueillait alors moins de 2 % des<br />

immigrants au <strong>Canada</strong> (Tableau 1).<br />

Outre les résidents permanents, les résidents<br />

temporaires sont devenus une composante non<br />

négligeable du profil migratoire et démogra -<br />

phique du Manitoba, puisque les travailleurs<br />

étrangers temporaires (TET) et les étudiants<br />

peuvent demander la résidence permanente dans<br />

le cadre du Programme des candidats du<br />

Manitoba (PCM) après avoir travaillé pendant<br />

six mois ou obtenu un diplôme d’études post -<br />

secondaires au Manitoba. En 2007, par exemple,<br />

le Manitoba a accueilli 4 288 résidents tempo -<br />

raires, une augmentation de 18,2 % par rapport<br />

aux 3 626 admissions en 2006.<br />

La catégorie des TET, en particulier, affiche<br />

une croissance assez marquée, du fait que les<br />

employeurs sont de plus en plus nombreux à y<br />

voir une solution aux pénuries de travailleurs<br />

et de main-d’œuvre qualifiée. Cependant,<br />

l’arrivée d’un nombre accru de TET dans la<br />

province accentue aussi le besoin de les<br />

protéger contre les recruteurs et les employeurs<br />

sans scrupules. Le gouvernement du Manitoba<br />

veut prioritairement renforcer les initiatives<br />

éthiques et planifiées de recrutement de TET, et<br />

la Loi sur le recrutement et la protection des<br />

travailleurs 1 est l’une des mesures mises en<br />

place pour freiner un problème croissant. Le<br />

présent article propose un survol de la loi et<br />

explique en quoi elle appuie le recrutement et<br />

la protection des travailleurs étrangers au<br />

Manitoba.<br />

Contexte relatif au programme<br />

et à la politique<br />

La politique du Manitoba en matière d’immi -<br />

gration s’appuie sur le Plan stratégique de<br />

1<br />

Le texte de la loi peut être consulté à l’adresse suivante :<br />

.<br />

Nos diverses cités 35


TABLEAU 1<br />

Taux d’immigration au Manitoba, 1998-2007<br />

1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007<br />

Immigration économique 1 410 1 906 2 615 2 331 2 689 4 072 5 000 5 725 7 375 8 330<br />

Regroupement familial 945 1 025 952 1 097 949 1 119 1 116 1 192 1 332 1 343<br />

Réfugiés 659 771 1 017 1 160 983 1 235 1 252 1 094 1 241 1 170<br />

Autres - - - - - 66 59 86 103 112<br />

Total Manitoba 3 014 3 702 4 584 4 588 4 621 6 492 7 427 8 097 10 051 10 955<br />

(% du <strong>Canada</strong>)<br />

(1,7) (1,9) (2,0) (1,8) (2,0) (2,9) (3,1) (3,0) (4,0) (4,6)<br />

Total au <strong>Canada</strong> 174 169 189 835 227 346 250 484 229 091 221 352 235 824 262 236 251 649 236 758<br />

36 Nos diverses cités<br />

Source : Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (adapté par Travail et Immigration Manitoba).<br />

croissance économique du gouvernement du<br />

Manitoba (Plan stratégique). La croissance grâce<br />

à l’immigration étant l’un des sept éléments clés<br />

de la stratégie de croissance de la province, un<br />

objectif de 10 000 immigrants avait été fixé pour<br />

2006. Cet objectif a été atteint, et porté ensuite à<br />

un niveau annuel de 20 000 nouveaux arrivants<br />

jusqu’en 2016. Le Plan stratégique met aussi<br />

l’accent sur l’amélioration des services d’établis -<br />

sement et des programmes d’apprentissage de<br />

l’anglais langue seconde, les stratégies efficaces<br />

d’intégration sur le marché du travail et<br />

l’importance des collectivités accueillantes 2 .<br />

L’outil le plus dynamique du programme<br />

d’immigration provincial est le Programme des<br />

candidats du Manitoba. Mis en œuvre en 1998<br />

dans le cadre de l’Accord <strong>Canada</strong>-Manitoba<br />

en matière d’immigration, celcui-ci définit les<br />

rôles respectifs du Manitoba et du <strong>Canada</strong> 3 .<br />

Le Manitoba sélectionne dans un bassin de<br />

travailleurs qualifiés les candidats qui présentent<br />

les plus grandes chances de s’établir dans la<br />

province de manière permanente et réussie. Les<br />

candidats doivent prouver l’existence d’un lien<br />

solide avec la province (emploi, études, famille<br />

et amis) 4 . Le Manitoba a également le pouvoir<br />

de mettre sur pied et d’exécuter ses propres<br />

programmes d’établissement pour répondre aux<br />

besoins changeants des immigrants et des réfugiés<br />

qui s’y établissent.<br />

Comme l’illustre la Figure 1, le PCM repré -<br />

sente le principal mécanisme d’immigration au<br />

2<br />

Plan stratégique de croissance économique du gouvernement<br />

du Manitoba : .<br />

3<br />

Accord <strong>Canada</strong>-Manitoba en matière d’immigration :<br />

.<br />

4<br />

Programme des candidats du Manitoba : .<br />

Manitoba, comptant pour plus de la moitié de<br />

l’immigration annuelle dans la province depuis<br />

2004. Les candidats de la province représentaient<br />

33 % de l’immigration totale au Manitoba en<br />

2002, proportion qui avait plus que doublé (70 %)<br />

en 2007. À l’échelle nationale, le Manitoba a<br />

accueilli plus de la moitié de tous les candidats des<br />

provinces jusqu’en 2006 (Travail et Immigration<br />

Manitoba, 2008).<br />

Le gouvernement du Manitoba continuera de<br />

travailler en partenariat avec des acteurs clés afin<br />

de hausser le niveau d’immigration annuel dans la<br />

province à 20 000 arrivées d’ici 2016. Il poursuivra<br />

aussi la mise en œuvre de dynamiques initiatives<br />

relatives à l’établissement et aux collectivités<br />

accueillantes, améliorera le processus de recon -<br />

naissance des titres de compétence étrangers et<br />

intensifiera les efforts de régionali sation à<br />

l’extérieur de Winnipeg en plus de renforcer le<br />

régime de recrutement et de protec tion des<br />

travailleurs étrangers. Les paragraphes suivants<br />

exposent plus en détail l’approche novatrice<br />

adoptée par le Manitoba pour promouvoir le<br />

recrutement et la protection des travailleurs<br />

étrangers dans la province par le truchement<br />

de la Loi sur le recrutement et la protection<br />

des travailleurs.<br />

Arrivées de travailleurs étrangers<br />

temporaires au Manitoba<br />

Au cours de la dernière décennie, les arrivées de<br />

TET au Manitoba ont progressé continuellement<br />

pour répondre aux besoins en main-d’œuvre des<br />

employeurs. En quatre ans, soit de 2003 à 2007,<br />

elles ont doublé, passant de 1 426 à 2 878. Le<br />

nombre de TET au Manitoba en 2007 repré -<br />

sentait 1,74 % du nombre total enregistré pour le<br />

<strong>Canada</strong> cette année-là (Tableau 2).<br />

Deux mécanismes ont été créés pour faciliter le<br />

recrutement de TET dans la province, et dans tous<br />

les cas, le recrutement requiert une offre d’emploi


FIGURE 1<br />

Taux d’immigration au Manitoba, 1998-2007<br />

9 000<br />

8 000<br />

7 000<br />

6 000<br />

5 000<br />

4 000<br />

3 000<br />

2 000<br />

1 000<br />

0<br />

1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007<br />

Source : Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (adapté par Travail et Immigration Manitoba).<br />

légitime d’un employeur manitobain. D’abord,<br />

les TET viennent au Manitoba dans le cadre du<br />

Programme concernant les travailleurs étrangers<br />

temporaires (PTET) du gouvernement fédéral,<br />

lequel est administré conjointement par<br />

Ressources humaines et Développement social<br />

<strong>Canada</strong> (RHDSC) et Citoyenneté et Immigration<br />

<strong>Canada</strong> (CIC). Les étrangers admissibles peuvent<br />

travailler au <strong>Canada</strong> pour une période déterminée<br />

si l’employeur peut prouver qu’il lui est impossible<br />

de trouver des Canadiens ou des résidents<br />

permanents qualifiés pour pourvoir aux postes et<br />

que l’arrivée de travailleurs étrangers n’aura<br />

pas de répercussions néfastes sur le marché du<br />

travail canadien. Service <strong>Canada</strong> évalue un<br />

certain nombre de facteurs avant d’émettre un<br />

avis sur le marché du travail, notamment :<br />

• La profession que le travailleur étranger<br />

occupera;<br />

• Le salaire et les conditions d’emploi offerts;<br />

• Les efforts faits par l’employeur pour l’an -<br />

nonce et le recrutement;<br />

• Les avantages pour le marché du travail<br />

canadien associés à l’entrée du travailleur<br />

étranger; et<br />

• Les consultations, le cas échéant, avec le<br />

syndicat concerné5 .<br />

5 Voir à ce sujet le site Web de Ressources humaines et<br />

Développement des compétences <strong>Canada</strong>.<br />

Candidats de la province<br />

Regroupement familial<br />

Immigration économique<br />

Réfugiés<br />

Autre<br />

Le deuxième mécanisme facilitant le recru -<br />

tement de TET au Manitoba est le « volet<br />

employeur direct » du PCM. Il s’agit d’un volet<br />

d’évaluation prioritaire, qui aide les employeurs<br />

à recruter et à garder des travailleurs qualifiés en<br />

vue de la résidence permanente pour doter des<br />

postes permanents à temps plein qu’ils n’arrivent<br />

pas à pourvoir avec des résidents permanents ou<br />

des citoyens du <strong>Canada</strong>. Une fois la demande<br />

approuvée, Travail et Immigration Manitoba<br />

peut délivrer une lettre d’appui aux candidats<br />

sélectionnés afin de faciliter le traitement de leur<br />

demande de permis de travail sans l’obtention<br />

préalable d’un avis sur le marché du travail<br />

positif dans le cadre du PTET.<br />

Mesures de protection pour les travailleurs<br />

Afin d’optimiser les retombées économiques et<br />

sociales de l’arrivée de TET dans la province, le<br />

gouvernement du Manitoba a conçu des stratégies<br />

pour inciter les immigrants de cette catégorie à<br />

rester. Tel qu’on l’a vu, les TET peuvent présenter<br />

une demande au PCM après avoir travaillé<br />

au Manitoba pendant six mois, s’ils ont une<br />

offre d’emploi à temps plein de l’employeur. Si<br />

l’amé nagement de mécanismes facilitant l’acqui -<br />

sition de la résidence perma nente est l’un des<br />

éléments d’une stratégie d’immigration durable, le<br />

Manitoba reconnaît aussi qu’on peut attirer les<br />

TET en leur offrant de meilleures protections, afin<br />

que leur expérience au Manitoba soit positive.<br />

Comme on note une augmentation des arrivées<br />

de TET au Manitoba et dans les autres provinces<br />

Nos diverses cités 37


TABLEAU 2<br />

Arrivées de travailleurs étrangers temporaires au Manitoba, 1997-2007<br />

1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007<br />

Winnipeg 994 1 136 1 438 1 295 1 309 1 083 916 1 008 1 072 1 268 1 579<br />

Autre – Manitoba 592 636 546 656 638 659 510 627 831 896 1 299<br />

Total 1 586 1 772 1 984 1 951 1 947 1 742 1 426 1 635 1 903 2 164 2 878<br />

canadiennes, les situations montrant leur<br />

vulnérabilité sont de plus en plus médiatisées.<br />

Il s’agit de situations où, par exemple (Alberta<br />

Federation of Labour, 2007) :<br />

• des frais exorbitants sont exigés pour un<br />

placement;<br />

• les conditions du contrat ne sont pas<br />

respectées;<br />

• le statut d’immigration est utilisé comme<br />

moyen de coercition;<br />

• des renseignements inexacts sont donnés<br />

concernant l’admissibilité au statut perma -<br />

nent; et<br />

• des renseignements inexacts sont donnés<br />

concernant la législation sur la santé et la<br />

sécurité au travail.<br />

Voilà autant de raisons d’accroître la portée de<br />

la législation du travail, afin que tous les<br />

travailleurs soient protégés.<br />

Afin de corriger la situation, le Manitoba a<br />

adopté en juin 2008 la Loi sur le recrutement et<br />

la protection des travailleurs, pour réglementer<br />

les activités associées au recrutement de<br />

travailleurs étrangers, pour placer le gouver -<br />

nement provincial au début du processus de<br />

recrutement de travailleurs étrangers et pour<br />

réaffirmer que les travailleurs n’ont pas à payer<br />

pour obtenir un emploi.<br />

Avant l’adoption de la Loi sur le recrutement<br />

et la protection des travailleurs, les activités<br />

des bureaux de placement au Manitoba étaient<br />

régies par la Loi sur les services de placement.<br />

Cette loi, cependant, n’avait pas été revue ni<br />

modifiée depuis 1987, et elle avait été adoptée<br />

avant la montée des agences artistiques et<br />

de mannequins à la recherche de femmes et<br />

d’enfants, avant la croissance de l’industrie<br />

de la traite des personnes et l’augmentation<br />

massive des activités de recrutement à<br />

l’étranger par des tiers. À la suite de con -<br />

sultations avec les employeurs et d’autres<br />

acteurs intéressés, le Manitoba a modernisé la<br />

38 Nos diverses cités<br />

Source : Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (adapté par Travail et Immigration Manitoba).<br />

Loi sur les services de placement afin de<br />

refléter les change ments majeurs survenus<br />

dans l’industrie du recrutement.<br />

Loi sur le recrutement et la protection des<br />

travailleurs : un aperçu<br />

La Loi sur le recrutement et la protection des<br />

travailleurs (LRPT) pose les assises d’un processus<br />

de recrutement durable et positif, qui assurera<br />

aux entreprises l’accès à une main-d’œuvre<br />

étrangère temporaire fiable et compétente en plus<br />

de répondre aux préoccupations concernant la<br />

vulnérabilité des TET.<br />

La LRPT élargit la portée des normes<br />

d’emploi de manière à protéger les travailleurs<br />

étrangers contre les recruteurs et les<br />

employeurs sans scrupules. Sous le régime de<br />

cette loi, tous les employeurs doivent s’inscrire<br />

auprès de la Province avant de recruter des<br />

travailleurs étrangers. L’inscription garantit<br />

que les employeurs font affaire avec un<br />

recruteur autorisé et ont de bons antécédents<br />

de conformité à la législation du travail. De<br />

plus, les recruteurs doivent détenir une licence<br />

et il leur est interdit de percevoir, directement<br />

ou indirectement, des frais de recrutement<br />

des travailleurs.<br />

La LRPT vise les objectifs suivants :<br />

• Moderniser la législation existante sur les<br />

services de placement et établir le principe<br />

fondamental selon lequel ce sont les<br />

employeurs, et non les travailleurs, qui sont<br />

responsables des coûts liés au recrutement.<br />

– Améliorer les mécanismes d’application de<br />

la loi afin d’établir des règles équitables pour<br />

les employeurs qui confient leurs activités<br />

de recrutement à un bureau de placement.<br />

• Définir un rôle clair pour la Province aux<br />

premières étapes du processus de recrutement<br />

de travailleurs étrangers et obtenir ainsi un<br />

mécanisme simple et durable qui répond aux<br />

besoins des employeurs et des travailleurs<br />

étrangers.


Au cours de la dernière décennie, le nombre de travailleurs étrangers temporaires au<br />

Manitoba a augmenté continuellement pour répondre aux besoins en main-d’œuvre des<br />

employeurs. En quatre ans, soit de 2003 à 2007, elles ont doublé, passant de 1 426 à 2 878.<br />

– Les employeurs qui font venir des travailleurs<br />

étrangers au Manitoba devront s’inscrire<br />

auprès de la Province et auront accès à un<br />

guichet unique pour recruter des travailleurs<br />

étrangers et des résidents permanents.<br />

– Pour s’inscrire, l’employeur doit avoir de<br />

bons antécédents de conformité aux normes<br />

d’emploi provinciales et à la législation sur<br />

la santé et la sécurité au travail.<br />

– L’employeur qui utilise une agence de<br />

recrutement de travailleurs étrangers doit<br />

fournir le nom de l’agence autorisée dans<br />

le cadre du processus d’inscription.<br />

• Réglementer les activités des agences de recru -<br />

tement de travailleurs étrangers.<br />

– Les particuliers et les agences qui recrutent<br />

des travailleurs étrangers doivent être<br />

titulaires d’une licence. Pour obtenir une<br />

licence, l’intéressé doit être membre de la<br />

Société canadienne de consultants en immi -<br />

gration ou d’un barreau du <strong>Canada</strong> et fournir<br />

une lettre de crédit irrévocable de 10 000 $.<br />

– L’obligation d’obtenir une licence ne<br />

s’applique pas à l’agence de recrutement<br />

assujettie à des accords internationaux<br />

dont la province du Manitoba fait partie.<br />

– Il est interdit aux personnes qui recrutent des<br />

travailleurs étrangers de facturer des frais aux<br />

travailleurs pour le recrutement. Les recru -<br />

teurs canadiens seront tenus responsables de<br />

tous frais ou coûts exigés d’un travailleur<br />

étranger par l’agent de recrutement ou toute<br />

personne agissant pour le compte de celui-ci.<br />

• Étendre la portée des mesures d’application de<br />

la loi, afin de protéger les travailleurs contre les<br />

employeurs fautifs et les bureaux de placement<br />

sans scrupules et non réglementés.<br />

– La Division des normes d’emploi du<br />

Manitoba aura le pouvoir de refuser et de<br />

révoquer une licence, d’effectuer une enquête<br />

et de recouvrer une somme au nom d’un<br />

travailleur, lorsqu’un employeur ou un agent<br />

de recrutement tentera de percevoir des frais<br />

de recrutement.<br />

• Pour protéger les travailleurs étrangers contre<br />

la modification des conditions d’emploi<br />

promises, le contrat de travail convenu<br />

dans le cadre du processus d’admission du<br />

travailleur étranger au <strong>Canada</strong> deviendra la<br />

norme minimale observée par la Division des<br />

normes d’emploi.<br />

• Si un travailleur étranger ne respecte pas<br />

son contrat et met fin à son emploi sans<br />

raison valable, l’employeur pourra recouvrer<br />

les frais de recrutement, calculés au prorata.<br />

Échange de renseignements concernant<br />

les travailleurs étrangers temporaires<br />

Le Manitoba prévoit que la LRPT améliorera la<br />

situation des TET grâce aux nouvelles dispositions<br />

concernant l’octroi de licence, l’inscription et<br />

l’application de la loi. Néanmoins, le cadre de<br />

réglementation ne palliera pas le manque actuel<br />

de renseignements sur les arrivées de TET dans la<br />

province. Pour corriger la situation, le Manitoba et<br />

le <strong>Canada</strong> ont annoncé, en avril 2008, la création<br />

d’une lettre d’entente concernant l’échange de<br />

renseignements, afin de renforcer les mesures<br />

de protection pour les TET. Selon cette lettre<br />

d’entente, le <strong>Canada</strong> et le Manitoba échangeront<br />

des renseignements lorsqu’un lien direct avec la<br />

législation du Manitoba pourra être établi.<br />

Cet échange de renseignements concernant<br />

les TET est déterminant, en ce qu’il permet au<br />

Manitoba d’offrir une protection à ce groupe de<br />

travailleurs vulnérables, par le truchement d’un<br />

mécanisme de surveillance et d’application des<br />

normes d’emploi, de la législation sur la santé et<br />

la sécurité au travail, des normes salariales de<br />

l’industrie de la construction et de la législation<br />

en vigueur sur les services de placement. Il aidera<br />

également le Manitoba à réaliser, à l’intention<br />

des résidents temporaires et des employeurs, des<br />

campagnes d’information et de sensibilisation<br />

portant sur leurs droits et responsabilités en<br />

matière de santé et de sécurité au travail.<br />

Enfin, tôt dans le processus, le gouvernement<br />

du Manitoba sera mieux en mesure de<br />

renseigner les TET et les employeurs au sujet<br />

des options possibles pour la résidence perma -<br />

nente et d’évaluer les demandes présentées par<br />

Nos diverses cités 39


40 Nos diverses cités<br />

les TET au PCM. Des renseignements seront<br />

également transmis à Ressources humaines<br />

et Développement social <strong>Canada</strong> au sujet des<br />

employeurs et des bureaux de placement qui<br />

enfreignent les lois provinciales, afin d’aider au<br />

traitement des demandes d’avis sur le marché<br />

du travail.<br />

Conclusion<br />

Les TET sont susceptibles d’être exploités par les<br />

bureaux de placement et de recrutement<br />

intermédiaires, qui profitent de leur désir de<br />

commencer une nouvelle vie et une nouvelle<br />

carrière. Grâce à la Loi sur le recrutement et la<br />

protection des travailleurs, le Manitoba prend les<br />

mesures nécessaires pour protéger les travailleurs<br />

étrangers qui viennent dans la province. La<br />

législation jette également les fondements d’un<br />

processus de recrutement durable et positif, qui<br />

donne aux entreprises l’accès à une maind’œuvre<br />

qualifiée en plus de tenir compte de la<br />

vulnérabilité des travailleurs. La Province mise<br />

sur la coordination des services et la législation<br />

pour accroître le taux global de conformité aux<br />

normes d’emploi et à la législation sur la santé et<br />

la sécurité au travail, hausser les normes de<br />

professionnalisme et de conduite des bureaux de<br />

recrutement et établir des règles équitables pour<br />

les agents de recrutement légitimes.<br />

Bulletin mondial <strong>Metropolis</strong><br />

Le Bulletin mondial <strong>Metropolis</strong> est une publication annuelle<br />

produite par le projet <strong>Metropolis</strong> international, qui comprend<br />

des articles de fond sur les principaux enjeux du domaine<br />

de la migration et de la diversité. Sa date de publication coïncide<br />

avec la tenue des conférences internationales <strong>Metropolis</strong>.<br />

Les numéros antérieurs ont notamment exploré les questions<br />

suivantes : la migration et le développement, la gestion de la<br />

migration, nos diverses cités, les diasporas et le transnationalisme<br />

et la cohésion sociale.<br />

Pour commander votre exemplaire :<br />

<br />

À propos de l’auteure<br />

NANCY ALLAN est ministre du Travail et de l’Immigration<br />

du Manitoba et déléguée aux affaires multiculturelles.<br />

Elle a été élue à l’Assemblée législative du Manitoba en<br />

1999 et siège au Cabinet depuis 2003. Mme Allan a été<br />

membre de la Commission de régie de l’Assemblée<br />

législative du Manitoba, et elle a également exercé les<br />

fonctions d’adjointe législative du ministre de l’Éducation<br />

et de la Jeunesse ainsi que du ministre de la Culture, du<br />

Patrimoine et du Tourisme.<br />

Références<br />

Amoyaw, B. 2008. « Manitoba Immigration Policy and<br />

Programs », International Settlement <strong>Canada</strong>, vol. 21, no 3.<br />

Manitoba. Manitoba Bureau of Statistics. 2008. Manitoba:<br />

The Past, the Present and the Future. Consulté le 2 octobre<br />

2008 à l’adresse .<br />

———. Travail et Immigration Manitoba. 2008. Manitoba<br />

Immigration Facts 2007 Statistical Report. Consulté le<br />

3 octobre 2008 à l’adresse .<br />

Alberta Federation of Labour. 2007. Temporary Foreign<br />

Workers: Alberta’s Disposable Workforce, The Six-Month<br />

Report of the AFL’s Temporary Foreign Worker Advocate.<br />

Consulté le 3 octobre 2008 à l’adresse .


Le ministère de l’Enseignement postsecondaire, de l’Emploi et du Travail de la Saskatchewan<br />

prévoit, d’ici 2012, une pénurie annuelle de 13 000 à 15 500 employés. La convergence des<br />

facteurs liés au marché du travail a donné lieu à une approche stratégique et équilibrée pour le<br />

marché du travail, axée sur les priorités suivantes : enseigner et former les jeunes [...]; attirer les<br />

personnes qui ont quitté la province ainsi que les travailleurs qualifiés des autres provinces [...];<br />

accroître le nombre de travailleurs qualifiés étrangers qui s’installent dans la province.<br />

Saskatchewan :<br />

maintenir la vigueur de<br />

l’économie grâce à l’immigration<br />

ARLA CAMERON<br />

Ministère de l’Enseignement postsecondaire, de l’Emploi et du Travail de la Saskatchewan<br />

Comme c’est le cas partout au <strong>Canada</strong>, la province<br />

de la Saskatchewan a été bâtie grâce au dur<br />

labeur des Premières nations, des Métis et des<br />

immigrants. C’est également grâce à la diversité<br />

de sa population dynamique que la Saskatchewan<br />

a développé sa forte économie en croissance.<br />

Toutefois, la démographie de la Saskatchewan a<br />

changé au fil du temps, comme celle de presque<br />

tout l’Occident. Même si la Saskatchewan est<br />

depuis longtemps connue comme le « grenier » du<br />

<strong>Canada</strong> en raison de sa contribution majeure et de<br />

longue date à la production canadienne de blé et<br />

d’autres céréales, cette image ne représente plus la<br />

réalité de son économie prospère.<br />

On trouve en Saskatchewan de grands<br />

gisements de pétrole, de gaz naturel, de potasse,<br />

d’uranium et même de diamants. Puisque la<br />

province en entier progresse vers des formes<br />

spécialisées de production, l’économie a connu<br />

une réorientation rapide. Elle reposait autrefois<br />

sur les exportations de produits primaires,<br />

mais aujourd’hui, l’économie est plus diversifiée<br />

et comprend des industries manufacturières, de<br />

technologies et de services.<br />

L’économie de la Saskatchewan est aujourd’hui<br />

reconnue comme l’une des plus vigoureuses du<br />

pays. Le Conference Board du <strong>Canada</strong> prévoit une<br />

croissance de 4,7 % du PIB réel en 2008, et de<br />

3,2 % en 2009. Il est prévu que la croissance<br />

annuelle de l’emploi au cours des cinq prochaines<br />

années sera de 0,8 % (Conference Board, 2008).<br />

La force de l’économie se traduit également<br />

par une augmentation du nombre d’emplois. Entre<br />

octobre 2007 et octobre 2008, 10 500 emplois à<br />

temps plein et 6 600 emplois à temps partiel ont<br />

été créés. De plus, la Saskatchewan a connu le<br />

plus bas taux de chômage (3,3 %) du <strong>Canada</strong> en<br />

octobre 2008 (Statistique <strong>Canada</strong>, 2008).<br />

Toutefois, la force de l’économie de la<br />

Saskatchewan crée des besoins jamais vus sur le<br />

marché du travail. La population vieillit, le taux<br />

de naissance est en baisse et de plus en plus<br />

de personnes prennent leur retraite, et il y a de<br />

moins en moins de jeunes pour occuper les postes<br />

vacants. De plus, la concurrence pour attirer des<br />

employés augmente entre les provinces.<br />

Le ministère de l’Enseignement post -<br />

secondaire, de l’Emploi et du Travail de la<br />

Saskatchewan prévoit, d’ici 2012, une pénurie<br />

annuelle de 13 000 à 15 500 employés. La<br />

convergence des facteurs liés au marché du<br />

travail a donné lieu à une approche stratégique<br />

et équilibrée pour le marché du travail, axée sur<br />

les priorités suivantes :<br />

• Enseigner et former les jeunes, en mettant<br />

l’accent sur les communautés d’Autochtones<br />

et de Métis;<br />

Nos diverses cités 41


FIGURE 1<br />

Nouveaux arrivants en Saskatchewan, 1998-2007<br />

4 000<br />

Nombre d’immigrants % total de Canadiens<br />

3 500<br />

3 000<br />

2 500<br />

2 000<br />

1 500<br />

1 000<br />

500<br />

0<br />

1998 1999 2000<br />

Source : Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (2007).<br />

• Attirer les personnes qui ont quitté la province<br />

ainsi que les travailleurs qualifiés des autres<br />

provinces qui aimeraient travailler et vivre<br />

en Saskatchewan;<br />

• Accroître le nombre de travailleurs qualifiés<br />

étrangers qui s’installent dans la province.<br />

42 Nos diverses cités<br />

Les deux premières priorités sont essentielles<br />

pour maintenir le bien-être social et économique<br />

de la Saskatchewan. Toutefois, comme les<br />

populations locales ne sont pas encore assez fortes<br />

pour combler les besoins à long terme du marché<br />

du travail, la stratégie provinciale en matière<br />

d’immigration jouera un rôle indispensable dans<br />

la réussite de la province.<br />

Programme des candidats à l’immigration<br />

de la Saskatchewan<br />

Au cours des huit années précédant la signature<br />

du premier Accord <strong>Canada</strong>-Saskatchewan en<br />

matière d’immigration, en 1998, le taux d’immi -<br />

gration de la Saskatchewan avait chuté de<br />

30 % et atteint son plus bas niveau, soit 1 500<br />

nouveaux immigrants en 1998. L’Accord conclu<br />

avec le gouvernement fédéral (renouvelé en 2005)<br />

a permis à la Saskatchewan de mettre en œuvre<br />

le Programme des candidats des provinces, qui<br />

l’autorise à choisir les types d’immigrants aptes à<br />

combler ses besoins sur le marché du travail ainsi<br />

que ses lacunes démographiques.<br />

Le Programme des candidats à l’immigration de<br />

la Saskatchewan (PCIS) a complètement redressé<br />

la capacité de la province d’attirer et de<br />

conserver de nouveaux immigrants. Les niveaux<br />

2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007<br />

d’immigration ont plus que doublé depuis la<br />

création du programme en 1998. En 2007, environ<br />

3 500 nouveaux immigrants devaient s’installer<br />

en Saskatchewan, dont plus de la moitié étaient<br />

issus du programme des candidats des provinces<br />

(Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong>, 2008).<br />

Le PCIS est composé de huit catégories :<br />

travailleur qualifié, regroupement familial,<br />

étudiant étranger, professionnel de la santé,<br />

entrepreneur, propriétaire ou exploitant agricole,<br />

conducteur de grand véhicule routier ainsi que<br />

travailleur en hôtellerie et en accueil.<br />

La catégorie des travailleurs qualifiés permet<br />

aux travailleurs étrangers qualifiés ayant obtenu<br />

une offre d’emploi permanent d’un employeur en<br />

Saskatchewan de s’établir dans la province avec<br />

leur famille à titre de résident permanent afin de<br />

pourvoir un poste vacant pour un travailleur<br />

qualifié. La catégorie du regroupement familial<br />

attire les travailleurs étrangers qualifiés qui ont<br />

des proches en Saskatchewan. Elle favorise la<br />

réunification familiale tout en veillant à ce que<br />

les nouveaux immigrants de la province aient<br />

déjà un système d’appui en place pour les aider<br />

à s’établir. Plus de 85 % des participants au PCIS<br />

font partie de la catégorie des travailleurs<br />

qualifiés ou du regroupement familial.<br />

Le PCIS a également plusieurs catégories<br />

à l’intention des résidents temporaires du<br />

<strong>Canada</strong>, notamment pour les étudiants étrangers<br />

récemment diplômés d’un établissement d’ensei -<br />

gnement postsecondaire reconnu au <strong>Canada</strong>.<br />

D’autres catégories de résidents temporaires<br />

ciblent les personnes qui travaillent actuellement<br />

1,6<br />

1,4<br />

1,2<br />

1,0<br />

0,8<br />

0,6<br />

0,4<br />

0,2<br />

0


Le Programme des candidats à l’immigration de la Saskatchewan (PCIS) a complètement<br />

redressé la capacité de la province d’attirer et de conserver de nouveaux immigrants.<br />

Les niveaux d’immigration ont plus que doublé depuis la création du programme en 1998.<br />

dans la province grâce à un permis de<br />

travail temporaire, y compris les médecins, les<br />

infirmières et d’autres professionnels de la<br />

santé, les conducteurs de grand véhicule routier,<br />

les travailleurs qualifiés et les personnes qui<br />

occupent certains postes dans le secteur de<br />

l’hôtellerie et de l’accueil.<br />

La catégorie des entrepreneurs attire des<br />

immigrants qui ont les ressources et l’expertise<br />

pour investir dans une entreprise et l’exploiter<br />

ou pour acheter et exploiter une ferme en<br />

Saskatchewan. Depuis la restructuration de cette<br />

catégorie en 2006, le nombre de demandes a<br />

augmenté de façon considérable. La province<br />

révise actuellement la catégorie des entrepreneurs<br />

pour la rendre plus souple et améliorer les délais<br />

de traitement.<br />

Promotion du PCIS<br />

Quoique le PCIS ait eu des retombées intéressantes<br />

sur l’immigration en Saskatchewan, la croissance<br />

du programme ne sera assurée que si la province<br />

réussit à se faire connaître comme destination<br />

intéressante au <strong>Canada</strong> pour les étudiants<br />

étrangers, les travailleurs temporaires et les<br />

immigrants potentiels.<br />

La province redouble ses efforts de recrutement<br />

en augmentant les investissements dans le<br />

marketing, la promotion et les missions à<br />

l’étranger. Les efforts viseront à améliorer et<br />

à accroître les relations avec les communautés<br />

ethnoculturelles, les organismes communautaires,<br />

l’industrie, la main-d’œuvre, les municipalités<br />

et d’autres intervenants afin de promouvoir<br />

les avantages de l’immigration.<br />

La province coordonne des missions à l’étranger<br />

pour trouver des sources de travailleurs qualifiés,<br />

aider les employeurs à recruter des travailleurs<br />

étrangers et favoriser des relations de travail<br />

solides avec les bureaux des visas canadiens et les<br />

gouvernements locaux ainsi que nationaux.<br />

La province a lancé un projet pilote sur le<br />

processus d’évaluation à l’étranger en colla -<br />

boration avec les employeurs qui étaient<br />

en tournée de recrutement en 2007-2008. Ce<br />

processus a diminué considérablement le délai<br />

de traitement, puisque les agents de programme<br />

qui accompagnaient les employeurs à l’étranger<br />

rencontraient sur place les demandeurs ayant<br />

reçu une offre d’emploi et examinaient du même<br />

coup leurs documents et leur demande.<br />

La promotion efficace de la province fera<br />

grimper de façon notable le nombre de résidents<br />

permanents et temporaires qui s’installeront<br />

en Saskatchewan. Par conséquent, la province<br />

élabore un plan pour que cet afflux de travailleurs<br />

étrangers soit accompagné d’une sensibilisation<br />

accrue des droits et des responsabilités des<br />

travailleurs étrangers ainsi que des employeurs<br />

qui les embauchent.<br />

Une initiative conjointe entre le gouvernement<br />

provincial et fédéral visera à ce que les travailleurs<br />

et les employeurs soient bien informés de leurs<br />

droits et de leurs responsabilités et établira une<br />

ligne de communication claire pour enquêter sur<br />

les infractions, ou les signaler, ou pour obtenir<br />

de l’information sur les règlements en matière de<br />

santé et de sécurité au travail ainsi que les normes<br />

du travail. Au fur et à mesure que le PCIS prendra<br />

de la vigueur, la province mettra en œuvre<br />

des mesures pour veiller à ce que l’intégrité du<br />

programme ne soit pas atteinte.<br />

Établissement et maintien des immigrants<br />

dans la province<br />

Lorsque les immigrants arrivent en Saskatchewan,<br />

il est primordial de veiller à ce qu’ils aient accès<br />

à des programmes et à des services d’appui<br />

de qualité en matière d’établissement. Environ<br />

18 % des nouveaux immigrants en Saskatchewan<br />

s’établiront dans de petites collectivités. La<br />

province offre de bonnes ressources et collabore<br />

avec les collectivités et les groupes d’immigrants,<br />

les employeurs et les établissements d’ensei -<br />

gnement pour favoriser la prestation efficace et<br />

en temps opportun d’appui en matière d’établis -<br />

sement, par exemple des services d’aide à l’emploi<br />

et des services linguistiques. La province travaille<br />

à un nouveau modèle de prestation de services,<br />

qui veillera à ce que les fournisseurs de services à<br />

la population générale soient prêts à répondre aux<br />

besoins de la population croissante d’immigrants.<br />

Les immigrants jouent un rôle crucial dans<br />

le développement de la main-d’œuvre : non<br />

Nos diverses cités 43


44 Nos diverses cités<br />

seulement ils contribuent à la croissance de la<br />

population, mais, par-dessus tout, ils améliorent la<br />

capacité d’innovation au moyen de compétences,<br />

de nouvelles idées et de points de vue provenant<br />

de partout dans le monde. La réussite à long<br />

terme de l’immigration dépendra de la capacité<br />

d’améliorer la reconnaissance de la formation et<br />

de l’expérience acquises à l’étranger, afin d’aider<br />

les immigrants à mettre à profit toutes leurs<br />

compétences et leurs capacités dans leur nouvelle<br />

collectivité et leur nouveau lieu de travail.<br />

Pour ce faire, la Saskatchewan collabore<br />

avec des organisations de réglementation et<br />

d’accréditation professionnelle, des gouver -<br />

nements, des institutions et des employeurs<br />

pour faciliter la reconnaissance des titres de<br />

compétences acquis à l’étranger et développer la<br />

capacité provinciale à évaluer, reconnaître et<br />

tirer profit des connaissances et des compétences<br />

acquises à l’extérieur du <strong>Canada</strong>.<br />

La province dévoilera bientôt une nouvelle<br />

stratégie d’immigration à volets multiples, axée<br />

sur l’augmentation des niveaux d’immigration,<br />

l’amélioration des partenariats, la participation<br />

efficace, l’établissement et le maintien des<br />

immigrants dans la province, la croissance<br />

économique, l’entrepreneuriat et l’intégrité<br />

des programmes.<br />

Pour maintenir la croissance économique<br />

actuelle de la province, il est essentiel d’entretenir<br />

Le Pont<br />

Le Pont est un bulletin d'information publié toutes les<br />

six semaines par le Secrétariat du projet <strong>Metropolis</strong>.<br />

Ce bulletin électronique fait état des récentes activités<br />

dans chacun des six domaines prioritaires de recherche et<br />

comprend aussi des renseignements sur les événements<br />

à venir et les publications.<br />

Pour avoir accès au bulletin électronique, rendez-vous à<br />

l’adresse <br />

ou <br />

un programme d’immigration qui attire les<br />

nouveaux immigrants en Saskatchewan et qui<br />

leur donne des occasions pour se bâtir<br />

un avenir dans la province. Les programmes<br />

d’immigration provinciaux continueront à<br />

s’adapter et à répondre aux besoins changeants<br />

de ses collectivités ainsi que de son économie,<br />

et veilleront à ce que les immigrants soient<br />

accueillis favorablement dans leur nouvelle<br />

province, la Saskatchewan.<br />

À propos de l’auteure<br />

ARLA CAMERON est diplômée de la University of Regina<br />

en développement international. Elle travaille actuellement<br />

à la division des services d’immigration au ministère de<br />

l’Enseignement postsecondaire, de l’Emploi et du Travail.<br />

Références<br />

<strong>Canada</strong>. Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong>. 2008.<br />

Faits et chiffres 2007 – Aperçu de l’immigration :<br />

résidents permanents et temporaires. Consulté en<br />

novembre 2008 à l’adresse .<br />

———. Statistique <strong>Canada</strong>. 2008. Enquête sur la population<br />

active : octobre 2008. Consulté en octobre 2008 à l’adresse<br />

.<br />

Conference Board du <strong>Canada</strong>. 2008. Note de conjoncture<br />

provinciale : automne 2008, Ottawa, Conference Board<br />

du <strong>Canada</strong>.


Tandis que certaines régions du pays connaissaient un déclin de population ou se plaignaient<br />

d’une croissance minime ou d’une situation stagnante, d’autres affichaient des taux de<br />

croissance remarquables et attiraient la majorité des immigrants au <strong>Canada</strong>. Il était évident<br />

qu’il fallait voir à une répartition équitable des retombées de l’immigration partout au pays.<br />

Attirer et garder les immigrants :<br />

une boîte à outils pleine d’idées<br />

pour les petits centres *<br />

LYNNE BELDING<br />

Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong>, région des Prairies et des Territoires du Nord-Ouest<br />

JEAN McRAE<br />

Inter-Cultural Association of Greater Victoria<br />

La dispersion des immigrants sur l’ensemble du<br />

territoire canadien est une question qui retient de<br />

plus en plus l’attention des gouvernements, des<br />

fournisseurs de services et des organismes d’aide<br />

aux immigrants. Le Groupe de travail national<br />

sur les stratégies relatives aux petits centres, formé<br />

sous les auspices de l’Initiative sur le secteur<br />

bénévole et communautaire, a entrepris en 2001<br />

d’examiner différents modèles et stratégies pour<br />

modifier la tendance habituelle de dispersion. En<br />

2005, le groupe de travail partageait ses conclu -<br />

sions dans un document intitulé « Attirer et garder<br />

les immigrants : une boîte à outils pleine d’idées<br />

pour les petits centres ». Dans la deuxième édition,<br />

publiée en 2008, on retrouve bien d’autres exem -<br />

ples des divers projets qui sont mis sur pied par les<br />

collectivités partout au pays. Dans la dernière<br />

phase de l’initiative, l’exploration se poursuit alors<br />

que le groupe de travail fait participer les petits<br />

centres à la création et à la mise en œuvre de<br />

stratégies pour attirer et garder les immigrants.<br />

L’Initiative sur le secteur bénévole et<br />

communautaire (ISBC) est un accord intervenu<br />

entre le gouvernement du <strong>Canada</strong> et le secteur<br />

* Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur<br />

et ne reflètent pas nécessairement celles de Citoyenneté et<br />

Immigration <strong>Canada</strong> ou du gouvernement du <strong>Canada</strong>.<br />

bénévole en juin 2000. Il s’agit d’une initiative<br />

conjointe qui vise les objectifs durables suivants :<br />

• Renforcer la capacité du secteur bénévole de<br />

relever les défis de l’avenir;<br />

• Améliorer la relation entre le secteur bénévole<br />

et le gouvernement fédéral;<br />

• Accroître la capacité du secteur de servir<br />

les Canadiens;<br />

• Améliorer l’accès du secteur aux avantages<br />

de la technologie;<br />

• Promouvoir le secteur auprès du public et<br />

du gouvernement;<br />

• Acquérir un nouvel ensemble de connaissances,<br />

de compétences et de moyens d’action pour<br />

aider les organisations bénévoles à répondre<br />

aux besoins des Canadiens;<br />

• Proposer une nouvelle méthode de financement,<br />

durable et viable, pour le secteur bénévole;<br />

• Promouvoir le rôle des bénévoles comme<br />

héritage de l’Année internationale des bénévoles<br />

adoptée par les Nations Unies en 2001;<br />

• Appuyer l’élaboration des politiques par<br />

les ministères fédéraux, en donnant aux<br />

organisations du secteur bénévole la possibilité<br />

Nos diverses cités 45


L’une des recommandations issues de l’atelier sur la Stratégie relative aux<br />

petits centres concernait la conception d’une Boîte à outils pleine d’idées<br />

pour les petits centres qui voulaient attirer et garder des immigrants et<br />

souhaitaient inclure l’immigration dans leur stratégie démographique.<br />

46 Nos diverses cités<br />

de contribuer au processus par le truchement de<br />

la Participation du secteur à l’élaboration des<br />

politiques ministérielles (PSEPM) 1 .<br />

Tous les ministères intéressés, dont Patrimoine<br />

canadien et Santé <strong>Canada</strong>, ont donc signé un<br />

accord individuel avec le secteur bénévole.<br />

Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (CIC) a signé<br />

sa propre entente avec le secteur bénévole en<br />

1999, dans le but de renforcer la capacité du<br />

secteur bénévole au chapitre de l’établissement<br />

des immigrants.<br />

Le projet est composé de trois phases. La phase<br />

initiale s’est terminée avec la première Conférence<br />

nationale sur l’établissement, tenue à Kingston<br />

en 2001. Ce forum de travail visait à favoriser<br />

un dialogue productif sur la politique en matière<br />

d’établissement au <strong>Canada</strong>, à améliorer la capacité<br />

générale du secteur de l’établissement d’offrir<br />

des services et à faciliter l’acquisition de<br />

connaissances au sein du secteur. La conférence a<br />

notamment mené à la création de quatre groupes<br />

de travail stratégiques nationaux de l’ISBC,<br />

chargés d’examiner des questions particulières<br />

associées à l’établissement. Chaque groupe<br />

comptait des représentants de différents ordres<br />

de gouvernement et du secteur bénévole et était<br />

coprésidé par un représentant de CIC et un autre<br />

du secteur bénévole.<br />

L’un de ces groupes de travail était responsable<br />

de la Stratégie relative aux petits centres. Pendant<br />

la deuxième phase de l’accord, les groupes de<br />

travail ont rédigé des rapports préliminaires et<br />

formulé des recommandations touchant différents<br />

aspects de l’établissement. L’un des thèmes<br />

abordés était l’immigration dans les petits centres,<br />

puisque la régionalisation de l’immigration était,<br />

et demeure, une question d’intérêt au <strong>Canada</strong>.<br />

Tandis que certaines régions du pays connais -<br />

saient un déclin de population ou se plaignaient<br />

d’une croissance minime ou d’une situation<br />

stagnante, d’autres affichaient des taux de<br />

croissance remarquables et attiraient la majorité<br />

1 Pour de plus amples renseignements sur l’ISBC, voir<br />

.<br />

des immigrants au <strong>Canada</strong>. Il était évident<br />

qu’il fallait voir à une répartition équitable des<br />

retombées de l’immigration partout au pays.<br />

Ce sentiment avait d’ailleurs été exprimé<br />

unani mement par les ministres canadiens de<br />

l’immigration des paliers fédéral, provincial<br />

et territorial. Le groupe de travail sur les<br />

petits centres a été créé pour réagir à cette<br />

observation de la réalité.<br />

Lors de la deuxième Conférence nationale sur<br />

l’établissement, en octobre 2003, des documents<br />

ont été présentés dans le cadre d’ateliers pour<br />

discussion, recommandation et approbation.<br />

Cette conférence est venue terminer la troisième<br />

phase de l’accord. L’une des recommandations<br />

issues de l’atelier sur la Stratégie relative<br />

aux petits centres concernait la conception<br />

d’une Boîte à outils pleine d’idées pour les<br />

petits centres qui voulaient attirer et garder des<br />

immigrants et souhaitaient inclure l’immigration<br />

dans leur stratégie démographique. En 2004,<br />

le groupe de travail a obtenu de Citoyenneté et<br />

Immigration <strong>Canada</strong> un montant de 40 987 $<br />

pour créer cette Boîte à outils 2 .<br />

La première Boîte à outils a été lancée en 2005.<br />

Elle renferme un vaste éventail d’idées, de<br />

ressources, de stratégies et d’outils pour permettre<br />

aux petits centres de croître en attirant des<br />

immigrants. Elle contient des renseignements au<br />

sujet des tendances nationales et mondiales sur le<br />

plan de l’immigration, des détails sur le processus<br />

canadien d’admission des immigrants et des<br />

réfugiés, ainsi que des idées pour créer une<br />

stratégie de croissance démographique. On y<br />

trouve également des outils pour évaluer la<br />

capacité d’une collectivité d’accueillir des<br />

nouveaux arrivants et des idées pour mettre sur<br />

pied un plan d’action et créer une stratégie de<br />

« collectivité accueillante » afin de mobiliser la<br />

2<br />

Il est possible de télécharger une version imprimable de la<br />

Boîte à outils à partir de <br />

ou de .<br />

Des versions anglaise et française de la Boîte<br />

à outils sont offertes sur CD-ROM et sur papier et peuvent être<br />

commandées auprès de l’Inter-Cultural Association of Greater<br />

Victoria, à l’adresse .


collectivité. Enfin, la trousse contient une liste<br />

de ressources et de services gouvernementaux<br />

et communautaires.<br />

La Boîte à outils comporte cinq chapitres :<br />

• Le premier est une introduction qui présente le<br />

but de la Boîte à outils, une définition des<br />

petits centres et des renseignements généraux<br />

sur les ressources proposées, la façon de les<br />

utiliser et les réalités de l’immigration.<br />

• Le deuxième explique comment jeter les<br />

fondations d’une collectivité accueillante,<br />

par exemple comment s’organiser et formuler<br />

des stratégies pour obtenir le soutien de<br />

la collectivité.<br />

• Le troisième présente les facteurs clés<br />

d’une collectivité accueillante et souligne<br />

l’importance des liens familiaux, de l’emploi<br />

et du logement ainsi que la nécessité de<br />

surmonter les obstacles.<br />

• Le quatrième explique comment attirer des<br />

immigrants et comporte une section sur la<br />

façon de cerner et d’optimiser les forces<br />

existantes ainsi que d’améliorer les possibilités<br />

d’une collectivité donnée.<br />

• Le cinquième aborde d’autres aspects d’une<br />

collectivité accueillante, les facteurs essentiels<br />

pour créer une collectivité accueillante, les<br />

dispositions initiales à prendre pour accueillir<br />

de nouveaux arrivants et leur offrir le premier<br />

soutien à l’établissement.<br />

La Boîte à outils comprend également des<br />

listes de vérification, des statistiques utiles<br />

sur l’immigration ainsi que des liens vers les<br />

sites Web d’organismes fédéraux, provinciaux<br />

et communautaires.<br />

Le groupe de travail a poursuivi ses travaux et<br />

obtenu en 2007-2008 une somme de 52 140 $<br />

pour produire la deuxième édition de la Boîte à<br />

outils. Le document a été mis à jour et renferme<br />

une nouvelle section, intitulée « Une collectivité<br />

accueillante ». La nouvelle version de la Boîte<br />

à outils a été lancée à Lethbridge, en Alberta,<br />

en 2008.<br />

La prochaine étape du projet, financée par<br />

CIC à hauteur de 174 558 $ pour 2008-2009 et<br />

de 54 258 $ pour 2009-2010, viendra appuyer<br />

les activités de renforcement des capacités et<br />

les activités d’accueil dans les collectivités,<br />

notamment grâce à la distribution de matériel<br />

promotionnel aux petites collectivités de plusieurs<br />

provinces. Le groupe pourra ainsi travailler avec<br />

les gouvernements provinciaux et des ressources<br />

locales dans le but de sélectionner des collectivités<br />

et de réunir des intervenants clés dans les petits<br />

centres du <strong>Canada</strong>. Dans chacune des provinces<br />

désignées, des animateurs recevront une<br />

formation afin de les familiariser avec l’utilisation<br />

de la Boîte à outils et de les préparer à présenter<br />

au moins trois ateliers à deux collectivités<br />

dans chacune des provinces participantes.<br />

Cette initiative est financée par CIC à même le<br />

Fonds d’innovation, lequel vise principalement à<br />

appuyer les projets ayant une portée nationale.<br />

Les provinces qui participeront au projet sont la<br />

Colombie-Britannique, l’Alberta, la Saskatchewan,<br />

la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick et<br />

Terre-Neuve. La Province du Manitoba participera<br />

à la mise sur pied du programme de formation.<br />

Les provinces participantes recommanderont<br />

au moins deux petits centres qui bénéficieraient<br />

d’une formation sur l’utilisation de la Boîte<br />

à outils. Les animateurs organiseront trois<br />

rencontres dans chaque collectivité. Une<br />

évaluation des besoins sera effectuée, un plan<br />

d’action stratégique sera établi et une formation<br />

sur l’utilisation de la Boîte à outils sera offerte.<br />

Les animateurs travailleront avec les collectivités<br />

afin de les aider à devenir plus accueillantes et à<br />

accroître ainsi leur capacité d’attirer et de garder<br />

des immigrants.<br />

Une composante d’évaluation sera également<br />

créée et constituera un volet clé du projet.<br />

À propos des auteures<br />

LYNNE BELDING est coprésidente du Groupe de travail<br />

national sur les stratégies relatives aux petits centres<br />

depuis 2003. Elle travaille au gouvernement du <strong>Canada</strong><br />

depuis 1982 et compte 16 années d’expérience dans le<br />

secteur de l’immigration. Elle est actuellement rattachée<br />

au bureau régional des Prairies et des Territoires du Nord-<br />

Ouest de Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong>, en qualité<br />

de conseillère de programme.<br />

JEAN McRAE est directrice exécutive de l’Inter-Cultural<br />

Association of Greater Victoria. Elle travaille dans le<br />

domaine des services aux immigrants depuis 1982 et siège<br />

à plusieurs conseils provinciaux et nationaux s’intéressant<br />

à l’intégration des immigrants. Elle assure actuellement<br />

la coprésidence du Groupe de travail national sur les<br />

stratégies relatives aux petits centres.<br />

Nos diverses cités 47


La façon dont les villes de taille moyenne dans les Prairies vivent l’immigration n’est pas<br />

suffisamment étudiée et différera forcément de l’expérience des trois grandes métropoles<br />

canadiennes, et ce, de diverses façons et pour diverses raisons. Les caractéristiques de chaque ville<br />

influencent les décisions à l’échelle locale et permettent une analyse préliminaire des lacunes à<br />

combler en matière de politiques et de planification locale. La diversité de la population dans la<br />

communauté d’accueil, le revenu et le taux de pauvreté semblent étroitement liés au choix relatif à<br />

la réinstallation. Cette recherche examine comment certaines municipalités réagissent à ces enjeux<br />

et souligne les services qu’elles offrent aux nouveaux arrivants et aux immigrants qui s’y installent.<br />

Une analyse des tendances<br />

en matière d’attraction et de<br />

rétention des immigrants dans<br />

les RMR de l’Ouest canadien *<br />

VALERIE PRUEGGER<br />

University of Calgary et Ville de Calgary<br />

DEREK COOK<br />

Ville de Calgary<br />

48 Nos diverses cités<br />

Au cours de la dernière décennie (1991-2000),<br />

cinq villes de l’Ouest canadien – Winnipeg, Regina,<br />

Saskatoon, Calgary et Edmonton – ont accueilli<br />

un total de 184 632 immigrants, ce qui représente<br />

8,3 % de tous les immigrants au <strong>Canada</strong>. Durant<br />

cette décennie, la proportion des immigrants<br />

s’étant établis dans ces cinq villes de l’Ouest est<br />

passée de 7,4 % en 1996 à 9,5 % en 1991 et 1994.<br />

On prévoit qu’il y aura de sérieuses pénuries de<br />

main-d’œuvre au cours des 25 prochaines années.<br />

Elles ont d’ailleurs déjà commencé à poindre dans<br />

le marché du travail canadien et continueront<br />

de s’aggraver en raison du vieillissement de la<br />

population active. Étant donné que, selon les<br />

prévisions, l’accroissement de la population active<br />

reposera sur l’immigration, la capacité des villes –<br />

et de la région – de l’Ouest d’attirer et de retenir<br />

des travailleurs immigrants sera essentielle à la<br />

croissance économique. Cette capacité sera encore<br />

plus cruciale pour les centres de petite envergure,<br />

car la compétition intrarégionale pour la maind’œuvre<br />

pourrait s’accroître. Non seulement les<br />

villes de l’Ouest seront-elles en concurrence avec<br />

des centres d’immigration plus établis dans le<br />

centre du <strong>Canada</strong>, mais elles se feront également<br />

de plus en plus concurrence entre elles pour<br />

obtenir une part de la population immigrante qui<br />

se dirige vers l’Ouest du <strong>Canada</strong>. En conséquence,<br />

l’attraction et la rétention des immigrants seront<br />

un problème pressant et croissant.<br />

* Les auteurs aimeraient remercier leurs partenaires municipaux<br />

et communautaires dans les cinq villes à l’étude, qui ont<br />

grandement contribué à tous les aspects de la recherche, ainsi<br />

que Sibylle Richter-Salomons, qui a apporté son aide pour<br />

l’analyse des données et fourni des commentaires utiles sur<br />

l’ébauche de la recherche. Nous aimerions également remercier<br />

le Centre <strong>Metropolis</strong> des Prairies pour le financement qui a<br />

permis de mener cette recherche, ainsi que le personnel de<br />

Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong>, qui a fourni les données<br />

essentielles au présent rapport.


FIGURE 1<br />

Taux de rétention annuel, nombre total d’immigrants<br />

0,00 %<br />

-0,50 %<br />

-1,00 %<br />

-1,50 %<br />

-2,00 %<br />

-2,50 %<br />

-3,00 %<br />

-3,50 %<br />

-4,00 %<br />

-4,50 %<br />

-5,00 %<br />

-0,38 %<br />

-1,69 %<br />

-4,60 %<br />

Calgary Edmonton Regina Saskatoon Vancouver Winnipeg<br />

Afin d’être mieux préparées pour relever ces<br />

défis et de retenir davantage les immigrants, les<br />

municipalités doivent absolument mesurer les<br />

tendances en ce qui concerne les populations<br />

émergentes et comprendre les expériences des<br />

nouveaux arrivants qui s’établissent dans leurs<br />

communautés. Toutefois, à l’heure actuelle, il<br />

n’existe aucune méthode de mesure efficace qui<br />

présente une image claire de l’influence des<br />

tendances migratoires internes sur la diversité<br />

ethnique de ces populations. Afin de mieux<br />

comprendre ces tendances et leurs répercussions<br />

possibles sur les villes de l’Ouest du <strong>Canada</strong>, un<br />

outil de recherche a été conçu. Il vise à mettre au<br />

jour les tendances migratoires chez les divers<br />

groupes d’immigrants. De plus, des représentants<br />

de chacune des grandes villes de l’Ouest du<br />

<strong>Canada</strong> ont rempli des questionnaires concernant<br />

les efforts déployés à l’échelle municipale pour<br />

accueillir les immigrants et répondre à leurs<br />

besoins en matière d’intégration. L’objectif était<br />

d’utiliser les données amassées pour mieux<br />

orienter la planification des politiques et des<br />

programmes à l’échelle municipale, afin de<br />

mieux répondre aux besoins particuliers de ces<br />

populations émergentes.<br />

Méthodologie<br />

La présente recherche est fondée sur des analyses<br />

quantitatives et qualitatives et porte sur la<br />

période s’étendant de 1991 à 2000. Une analyse<br />

-3,64 %<br />

-0,31 %<br />

-2,37 %<br />

quantitative a été menée sur la base des données<br />

du Recensement fédéral et de Citoyenneté et<br />

Immigration <strong>Canada</strong> (CIC) sur les immigrants<br />

admis, afin d’établir les taux de rétention des six<br />

villes de l’Ouest. Les résultats de cette analyse ont<br />

été présentés lors d’un forum régional tenu en<br />

avril 2007, où des représentants des six villes ont<br />

discuté des résultats et ont fourni des données<br />

locales contextuelles. Ces données qualitatives<br />

ont ensuite été utilisées pour une autre analyse<br />

quantitative, dont le but était d’évaluer la<br />

répercussion des enjeux cernés par les inter -<br />

venants sur les taux de rétention locaux (pour<br />

consulter le rapport complet et obtenir des<br />

détails concernant le modèle, voir Pruegger et<br />

Cook, 2007). La Figure 1 présente les résultats<br />

de ces analyses.<br />

Résultats : aperçu régional<br />

Les résultats ont montré que les cinq villes des<br />

Prairies diffèrent quant à leurs tendances<br />

historiques en matière d’immigration et à leurs<br />

tendances actuelles concernant la rétention<br />

des immigrants. Même si la région de l’Ouest,<br />

dans son ensemble, a affiché une population<br />

immigrée relativement stable, celle-ci masque des<br />

changements et des différences notables entre les<br />

villes de la région. Parmi les villes des Prairies,<br />

en 1991, c’est Edmonton qui avait la plus grande<br />

population immigrée (152 830), suivie par<br />

Calgary (151 760), Winnipeg (113 755), Saskatoon<br />

Nos diverses cités 49


FIGURE 2<br />

Changement net dans la population immigrante, données réelles<br />

et prévisionnelles, Ouest canadien, 1991-2000<br />

0<br />

-5 000<br />

-10 000<br />

-15 000<br />

-20 000<br />

-25 000<br />

-30 000<br />

(17 150) et Regina (15 885) 1 (le rapport complet<br />

présente un aperçu détaillé des tendances<br />

en matière d’immigration et de rétention des<br />

immigrants pour chaque ville).<br />

Entre 1991 et 2001, les villes de Winnipeg, de<br />

Saskatoon et de Regina ont connu une perte nette<br />

d’immigrants, alors que Calgary et Edmonton<br />

démontraient un gain net. La plus grande perte<br />

d’immigrants a été signalée à Regina, dont la<br />

population immigrée a diminué de 11,8 %, suivie<br />

de Winnipeg avec une diminution de 3,8 % et<br />

de Saskatoon avec une diminution de 1,7 %. En<br />

revanche, la population immigrée a crû de 30,1 %<br />

à Calgary et de 8,1 % à Edmonton.<br />

Malgré la croissance rapide de la population<br />

immigrée dans les trois plus importantes villes de<br />

l’Ouest, la population immigrée totale des villes<br />

de l’Ouest, y compris celle des villes qui ont vu<br />

augmenter leur population immigrée, a descendu<br />

en dessous des projections en supposant une<br />

rétention de 100 %. En conséquence, dans<br />

l’Ouest canadien, toutes les grandes RMR (région<br />

métropolitaine de Recensement) ont connu des<br />

1<br />

-23 469<br />

50 Nos diverses cités<br />

-6 213<br />

-5 485<br />

Winnipeg Regina Saskatoon Calgary Edmonton Vancouver<br />

La recherche originale portait également sur Vancouver, mais<br />

ces données n’ont pas été incluses dans le présent article<br />

en raison de l’accent mis sur les provinces des Prairies dans<br />

ce numéro (elles demeurent toutefois dans les figures).<br />

Les chercheurs intéressés à consulter l’analyse complète<br />

peuvent communiquer avec Valerie Pruegger à l’adresse<br />

suivante pour obtenir une copie du rapport complet :<br />

vpruegger@calgary.ca.<br />

-5 951<br />

-24 328<br />

-16 626<br />

taux de rétention négatifs, ce qui indique des<br />

migrations de sortie secondaires de degrés divers.<br />

La ville de Calgary avait le meilleur taux de<br />

rétention (99,6 %), suivie d’Edmonton (98,3 %), de<br />

Winnipeg (97,6 %), de Saskatoon (96,4 %) et de<br />

Regina (95,4 %). En ce qui concerne la population<br />

réelle, la plus grande perte nette de population a<br />

été observée dans la RMR d’Edmonton (-24 328),<br />

suivie de Winnipeg (-23 469), de Regina (-6 213),<br />

de Calgary (-5 951) et de Saskatoon (-5 485).<br />

Les taux de rétention ont aussi varié<br />

considérablement selon la région source de<br />

l’immigration. Les immigrants d’Asie ont eu<br />

tendance à avoir les plus faibles taux de rétention<br />

dans toutes les villes, alors que les plus hauts taux<br />

de rétention avaient tendance à se trouver chez<br />

les immigrants venant d’Europe. Le faible taux<br />

de rétention des immigrants asiatiques pose<br />

problème en raison de l’importance de l’Asie pour<br />

l’immigration globale dans l’Ouest canadien. Il en<br />

résulte une perte considérable de main-d’œuvre<br />

potentielle dans certaines villes.<br />

Finalement, les taux de rétention varient de<br />

façon notable selon la période d’immigration.<br />

Ils étaient positifs dans toutes les villes pour<br />

les immigrants arrivés entre 1961 et 1980, et les<br />

moins élevés s’observaient parmi les immigrants<br />

arrivés entre 1981 et 1990. Toutefois, les RMR de<br />

Regina et de Saskatoon montraient des taux de<br />

rétention beaucoup plus bas chez les immigrants<br />

récents (1991-2000), Regina affichant un taux de


Étant donné que, selon les prévisions, l’accroissement de la population active reposera<br />

sur l’immigration, la capacité des villes – et de la région – de l’Ouest d’attirer et de<br />

retenir des travailleurs immigrants sera essentielle à la croissance économique.<br />

rétention de seulement 87,7 %. Parallèlement, la<br />

RMR de Calgary affichait un taux de rétention<br />

positif pour les immigrants récents, ce qui laisse<br />

croire à un certain mouvement d’immigrants<br />

récents d’autres RMR vers Calgary.<br />

Les représentants des différentes villes présents<br />

lors de la table ronde ont cerné une gamme de<br />

facteurs qui, selon eux, ont un effet sur les taux<br />

de rétention locaux. Parmi les facteurs qui attirent<br />

les immigrants, on trouve le bilinguisme (anglais<br />

et français) de la communauté (p. ex., Winnipeg)<br />

ainsi que la diversité de la population. Les facteurs<br />

dissuasifs comprenaient le manque de logements<br />

abordables, le racisme et la discrimination, le<br />

sous-emploi et le chômage, les transports publics<br />

inappropriés et l’absence de cours d’anglais<br />

langue seconde (CALS) de niveau adéquat et de<br />

services d’établissement adaptés. On a également<br />

avancé que les faibles taux de rétention<br />

pouvaient être attribuables au déclin général de la<br />

population dans certaines villes, et pas seulement<br />

en ce qui concerne les populations d’immigrants.<br />

Afin de mesurer ces facteurs, des indicateurs<br />

ont été choisis pour chacun, ainsi que pour la<br />

pauvreté. On a ensuite utilisé ces indicateurs pour<br />

faire une analyse de corrélation entre le facteur<br />

en question et le taux de rétention pour chaque<br />

groupe d’immigrants dans chaque ville. Les<br />

résultats ont montré qu’un certain nombre de<br />

facteurs étaient liés aux décisions prises en<br />

matière de migration, y compris le niveau de<br />

diversité dans la communauté d’accueil, de même<br />

que la diversité élevée de la population (mesurée<br />

selon la population d’immigrants et le nombre de<br />

membres des minorités visibles dans ces villes) et<br />

la sécurité économique. Les offres d’emploi et les<br />

logements abordables ne semblaient pas jouer de<br />

rôle significatif dans les décisions en matière de<br />

migration. En fait, le coût moyen du logement<br />

avait une corrélation positive avec la rétention.<br />

Cela peut laisser croire que les grandes villes<br />

attirent plus efficacement les immigrants pour<br />

diverses raisons, dont leur plus grande diversité,<br />

et que ces avantages peuvent atténuer le poids<br />

de certains facteurs comme le coût élevé des<br />

logements. Il est évident qu’une étude qualitative<br />

abordant ces questions avec les immigrants<br />

eux-mêmes améliorerait considérablement notre<br />

compréhension de ces conclusions.<br />

Difficultés locales<br />

Pour chaque municipalité, on a relevé un certain<br />

nombre de difficultés locales empêchant d’attirer<br />

et de retenir les immigrants. Même si certaines<br />

de ces difficultés étaient observées de façon<br />

ponctuelle dans une seule municipalité, bon<br />

nombre étaient communes à toutes. Le premier<br />

ensemble de difficultés concernait la capacité<br />

des organismes publics de s’attaquer d’une façon<br />

coordonnée aux obstacles qui se posent aux<br />

communautés immigrantes. Il semble y avoir un<br />

manque de coordination des services ainsi que des<br />

incertitudes quant aux rôles et aux responsabilités<br />

des divers ordres de gouvernement au regard<br />

de l’immigration et de l’établissement. Par<br />

ailleurs, on considère que les gouvernements et<br />

les organismes gouvernementaux n’ont pas la<br />

capacité organisationnelle et les ressources<br />

nécessaires pour s’attaquer efficacement aux<br />

problèmes de l’immigration.<br />

Les municipalités reçoivent de plus en plus de<br />

demandes de services visant à régler les difficultés<br />

en matière d’immigration et d’établissement, mais<br />

elles manquent de ressources pour répondre à ces<br />

demandes qui n’entrent pas dans leur mandat.<br />

Cette situation a donné lieu à une inquiétude<br />

croissante quant à la non-inclusion des<br />

municipalités dans les discussions portant sur<br />

les politiques d’immigration et l’établissement.<br />

Le manque de logements abordables et<br />

l’absence de transports publics adéquats ont<br />

également été désignés comme des problèmes<br />

locaux, tout comme les difficultés économiques,<br />

y compris le sous-emploi et le chômage des<br />

immigrants récents. On a laissé entendre que ce<br />

désavantage sur le marché du travail contribuait<br />

à augmenter l’écart de revenu dans les zones<br />

urbaines et soulignait le besoin de ressources pour<br />

aider les municipalités à élaborer des stratégies<br />

de développement économique de longue portée<br />

pour les communautés de nouveaux arrivants.<br />

La faible diversité culturelle dans les petites<br />

villes est une autre difficulté cernée par les<br />

intervenants, selon qui ce facteur entrave la<br />

Nos diverses cités 51


La question du logement joue un rôle important dans la réussite de l’établissement<br />

chez les immigrants. Les politiques en la matière doivent reconnaître qu’un logement<br />

convenable et sécuritaire est une condition préalable à la réussite sur de nombreux<br />

plans, y compris à la réussite scolaire et à l’obtention d’un emploi stable.<br />

52 Nos diverses cités<br />

création d’un environnement accueillant pour<br />

les nouveaux arrivants et peut les pousser à<br />

décider par la suite de quitter la communauté.<br />

Par ailleurs, le représentant de Winnipeg a<br />

précisé que la diversité culturelle de sa ville<br />

était un avantage lorsqu’il s’agissait d’attirer et<br />

de retenir les immigrants. Toutefois, la majorité<br />

des représentants municipaux ont manifesté<br />

une inquiétude concernant le racisme et<br />

la discrimination dans leurs communautés,<br />

considérant qu’il s’agissait d’un obstacle majeur à<br />

la création d’un environnement accueillant apte à<br />

attirer efficacement et à retenir les immigrants.<br />

Un certain nombre de nouveaux enjeux ont<br />

été cernés, dont le manque de représentation<br />

des immigrants ou des membres de minorités<br />

visibles au sein des commissions et des conseils<br />

municipaux. On a aussi noté la nécessité de<br />

tenir compte davantage des systèmes de santé et<br />

d’éducation dans la planification stratégique, le<br />

besoin d’une plus grande collaboration régionale<br />

et de meilleures communications entre les villes<br />

et au sein des communautés et la reconnaissance<br />

des déséquilibres dans le financement, qui<br />

restreignent les actions dans les petites villes.<br />

Soutien et services<br />

Pour relever ces défis, toutes les municipalités<br />

participant à l’étude disposent d’une gamme de<br />

services de soutien, qu’ils soient communautaires,<br />

sans but lucratif ou subventionnés par le<br />

gouvernement. Toutefois, les participants à la<br />

table ronde ont reconnu que la population<br />

immigrante croissante ayant des besoins de plus<br />

en plus complexes et diversifiés pousse à sa limite<br />

cette infrastructure qui est, au mieux, mal<br />

coordonnée. Les administrations municipales<br />

ont mis en place une panoplie de mesures<br />

pour répondre à cette demande de soutien et de<br />

services. Certaines administrations municipales,<br />

en particulier dans les régions qui s’efforcent<br />

d’attirer des immigrants, ont reconnu l’importance<br />

d’aborder la question des immigrants et de<br />

l’immigration dans leurs plans d’activités, leurs<br />

politiques et leurs pratiques (p. ex., Regina,<br />

Saskatoon et Edmonton), alors que d’autres voient<br />

ces questions comme la responsabilité d’autres<br />

ordres de gouvernement et hésitent à se charger<br />

d’un dossier complexe et coûteux qui ne fait pas<br />

partie de leur mandat.<br />

Orientations recommandées<br />

Il doit y avoir davantage de coopération<br />

intergouvernementale et une plus grande<br />

coordination des services. Les ententes bilatérales<br />

ou trilatérales sur l’immigration peuvent<br />

permettre la création d’approches plus globales<br />

et cohérentes en fournissant un levier pour<br />

regrouper les services et les politiques qui<br />

appuient les efforts visant l’amélioration des<br />

résultats des immigrants en ce qui concerne<br />

l’intégration économique et sociale (Cappe,<br />

2007). De nombreux participants à cette étude<br />

ont souligné l’importance de créer des ententes<br />

trilatérales pour s’assurer que les administrations<br />

locales ont voix au chapitre lorsque les politiques<br />

et les programmes d’immigration son établis.<br />

Tous ont convenu que les administrations<br />

municipales ont des rôles clés à jouer pour<br />

créer des communautés accueillantes et favoriser<br />

l’intégration des nouveaux arrivants.<br />

Il nous faut également envisager l’immigration<br />

à long terme et examiner les effets des facteurs<br />

d’établissement sur les différents groupes<br />

d’immigrants. À l’heure actuelle, nous voyons<br />

une diaspora croissante des immigrants et de<br />

leurs enfants nés au <strong>Canada</strong> à cause du manque<br />

de possibilités dans notre pays (voir Mandel-<br />

Campbell, 2007). Une étude récente révèle<br />

qu’environ quatre nouveaux arrivants sur 10<br />

appartenant aux catégories des gens d’affaires et<br />

des travailleurs qualifiés sont partis au cours des<br />

10 ans suivant leur arrivée (Statistique <strong>Canada</strong>,<br />

2006). Cela représente un drainage considé -<br />

rable des ressources et du capital communautaire.<br />

Com ment pouvons-nous contrer cette vague et<br />

comprendre ce qu’il faut proposer pour garder<br />

les gens au <strong>Canada</strong> ? De nombreuses personnes<br />

pointent du doigt le manque de possibilités pour<br />

les personnes des minorités visibles, ce qui met


en évidence la nécessité de régler la question<br />

de la reconnaissance des titres de compétence<br />

étrangers et de donner du poids au Plan d’action<br />

canadien contre le racisme.<br />

L’exploitation est également une question à<br />

examiner en ce qui concerne les travailleurs<br />

étrangers temporaires (TET). Il existe des preuves<br />

que ces programmes sont utilisés à des fins<br />

d’exploitation par certains employeurs, ce qui<br />

augmente la vulnérabilité des travailleurs sur<br />

les lieux de travail et dans la communauté en<br />

général. Des signes révèlent également un<br />

ressentiment croissant parmi les populations<br />

d’immigrants établis, qui estiment que les<br />

employeurs utilisent le Programme des TET pour<br />

accéder à de la main-d’œuvre vulnérable et bon<br />

marché de l’étranger au lieu de tenir compte<br />

des immigrants qualifiés déjà au <strong>Canada</strong> qui se<br />

cherchent un emploi. Au fur et à mesure que ces<br />

programmes prennent de l’ampleur, les autorités<br />

provinciales et fédérales doivent allouer des<br />

ressources pour surveiller les employeurs et<br />

répondre efficacement aux plaintes des<br />

travailleurs. Tous les efforts devraient être<br />

faits pour que les pratiques concernant les<br />

TET respectent les paramètres établis dans la<br />

législation sur les droits de la personne ainsi que<br />

les normes du travail, tant au niveau provincial<br />

que fédéral. (Pour un examen en profondeur<br />

de certains des enjeux et des recommandations<br />

pour l’Alberta, voir Alberta Federation of Labour,<br />

2007) Nous devons également examiner la<br />

question de l’exploitation des aides familiaux<br />

résidants et les incidences d’enjeux à long terme,<br />

comme la déqualification et les taux de pauvreté<br />

élevés, sur les communautés locales.<br />

La question du logement joue un rôle<br />

important dans la réussite de l’établissement<br />

chez les immigrants. Les politiques en la matière<br />

doivent reconnaître qu’un logement convenable<br />

et sécuritaire est une condition préalable à la<br />

réussite sur de nombreux plans, y compris à<br />

la réussite scolaire et à l’obtention d’un emploi<br />

stable. Nous devons nous assurer que les<br />

ministères concernés travaillent de concert pour<br />

le succès de l’intégration des nouveaux arrivants.<br />

Un échange accru d’information et une<br />

meilleure coordination entre les ministères sont<br />

également nécessaires pour s’attaquer aux besoins<br />

qui relèvent de plusieurs instances, par exemple<br />

dans des domaines de l’emploi, du logement, de<br />

la santé, de la justice et de l’aide à l’enfance. Le<br />

gouvernement fédéral doit veiller à ce que les<br />

administrations municipales et les organisations<br />

d’aide à l’établissement reçoivent un financement<br />

adéquat pour appuyer l’immigration et l’inté -<br />

gration. La compétition pour une réserve limitée<br />

de fonds empêche de nombreuses organisations<br />

d’aide à l’établissement de répondre à la demande<br />

de services, en particulier dans les petites<br />

communautés qui accueillent des immigrants. Il<br />

existe également des preuves que les tendances de<br />

migration interne représentent de plus en plus<br />

le mouvement de migrants secondaires. Il est<br />

nécessaire de fournir un effort plus concerté pour<br />

cerner ces mouvements, pour tenir compte de ces<br />

populations sur le plan des politiques et pour<br />

distribuer les ressources d’une manière souple<br />

qui répondra le mieux possible aux besoins<br />

changeants dans des municipalités et des régions<br />

données. Les gouvernements et les fournisseurs<br />

de services devraient élaborer un modèle de<br />

prestation de services à guichet unique afin de<br />

permettre aux immigrants d’accéder à l’aide dont<br />

ils ont besoin à leur arrivée pour participer<br />

pleinement à la vie de leur communauté, ce<br />

qui équivaut à adopter une approche globale<br />

(Cappe, 2007).<br />

Conclusion<br />

La mesure dans laquelle l’intégration est réussie,<br />

permettant à nos communautés de bénéficier<br />

de l’énorme capital social et économique que<br />

les nouveaux arrivants apportent, dépendra de<br />

notre capacité à travailler plus efficacement<br />

et de façon plus coordonnée avec les autres<br />

ordres de gouvernement et les organisations<br />

communautaires. Cette étude a démontré l’utilité<br />

du modèle pour aider les administrations locales<br />

à cerner les tendances dans leurs communautés,<br />

ce qui peut mener à la mise en place de solutions<br />

ciblées et de stratégies de coopération régionales.<br />

Même si, individuellement, les municipalités<br />

n’ont pas la compétence et les ressources<br />

nécessaires pour influencer bon nombre des<br />

facteurs qui contribuent aux décisions relatives<br />

aux migrations, l’élaboration d’une stratégie<br />

régionale pourrait leur fournir l’occasion<br />

d’aborder collectivement de telles questions.<br />

L’immigration continuera de présenter des<br />

défis et des possibilités pour les administrations<br />

municipales et les communautés dans un avenir<br />

rapproché. Nous devons être conscients des<br />

besoins et des difficultés particulières des<br />

immigrants dans différents domaines, afin de ne<br />

pas être tentés d’élaborer un modèle uniforme<br />

pour l’intégration et les services. Nous avons vu<br />

que les villes dans cette étude ont des difficultés<br />

Nos diverses cités 53


54 Nos diverses cités<br />

qui leur sont propres concernant l’attraction et la<br />

rétention des immigrants, et que ces difficultés<br />

nécessitent des solutions créatives. Nous avons<br />

également constaté la valeur de l’examen des<br />

tendances régionales comme moyen d’apprendre<br />

des approches et des pratiques efficaces<br />

appliquées par les autres.<br />

À propos des auteurs<br />

VALERIE PRUEGGER est professeure auxiliaire au<br />

département de psychologie de la University of Calgary<br />

et chercheuse-planificatrice sociale à la Ville de Calgary.<br />

Ses recherches portent sur l’établissement des immigrants;<br />

la discrimination systémique dans les politiques; les<br />

pratiques et les systèmes; les crimes haineux et les<br />

crimes motivés par les préjugés; et le profilage racial.<br />

DEREK COOK est chercheur-planificateur social à la Ville<br />

de Calgary. Ses recherches portent sur les questions de<br />

la pauvreté, de la diversité et de la main-d’œuvre et leurs<br />

effets sur l’inclusion sociale et la durabilité.<br />

Diversité canadienne / Canadian Diversity<br />

La citoyenneté au XXI e siècle :<br />

Approches internationales<br />

Le numéro d’automne 2008 de Diversité canadienne / Canadian<br />

Diversity présente une perspective comparative des stratégies<br />

internationales en matière de citoyenneté, sous les angles du<br />

statut juridique, de l’identité civique et de la pratique civique.<br />

Les profils de divers pays sont présentés dans les articles de ce<br />

numéro, nommément de l’Allemagne, l’Australie, l’Autriche,<br />

la Belgique, le <strong>Canada</strong>, la Corée, l’Espagne, les États-Unis,<br />

la Finlande, la France, la Grèce, l’Inde, l’Israël, l’Italie, Japon,<br />

la Norvège, la Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas, la Pologne,<br />

le Portugal, le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse.<br />

Références<br />

Alberta Federation of Labour. 2007. Temporary Foreign<br />

Workers – Alberta’s Disposable Workforce: The Six-Month<br />

Report of the AFL’s Temporary Foreign Worker Advocate,<br />

Edmonton, Alberta Federation of Labour.<br />

Cappe, M. 2007. Housing Needs of Immigrants:<br />

Roundtable’s Report, Ottawa, Association canadienne<br />

d’habitation et de rénovation urbaine.<br />

Mandel-Campbell, A. 2007. « Leaving <strong>Canada</strong> Behind:<br />

The Canadian Diaspora in Asia: An Opportunity Slowly<br />

Slipping Away », Maclean’s (avril).<br />

Pruegger, V. J., et D. Cook. 2007. An Analysis of Immigrant<br />

Attraction and Retention Patterns Among Western Canadian<br />

CMAs, Calgary, Ville de Calgary, Politiques et planification.<br />

On y trouve aussi des articles thématiques sur la relation entre citoyenneté et trans -<br />

nationalisme, le multiculturalisme et l’intégration, la citoyenneté des différentes parties<br />

concernées, la double citoyenneté, le vote des non-citoyens, ainsi que sur de récents<br />

débats au sur l’identité canadienne et sa « valeur ».<br />

Cette édition est le dernier d’une série de numéros faisant des comparaisons internationales<br />

dans le domaine de la migration et de la diversité. Des numéros précédents ont traité<br />

de l’intégration des nouveaux arrivants, de l’identité nationale et de la diversité, des<br />

stratégies internationales en matière de pluralisme et de la façon de composer avec<br />

le pluralisme religieux.<br />

Pour obtenir un exemplaire :


Planification de l’immigration<br />

dans les Prairies<br />

L’expérience d’une intervenante communautaire<br />

KIM SHUKLA<br />

Prairie Global Management<br />

On aurait du mal à trouver une collectivité<br />

dans les Prairies canadiennes qui ne cherche<br />

pas à augmenter sa population. Cela dit, bon<br />

nombre de collectivités n’ont pas de stratégie de<br />

croissance démographique ou, si elles en ont<br />

une, se débattent avec la notion d’immigration<br />

comme élément de cette stratégie.<br />

Selon les travaux et l’expérience de l’auteure,<br />

on trouve au Manitoba trois types de situations<br />

en ce qui concerne l’immigration et sa plani -<br />

fication dans les collectivités rurales :<br />

• Il n’existe pas de plan et les choses évoluent<br />

par elles-mêmes;<br />

• Il existe un plan, mais il ne donne aucun<br />

résultat;<br />

• Il existe un plan et il est mis en œuvre.<br />

Il n’existe pas de plan et les choses<br />

évoluent par elles-mêmes<br />

Cette situation n’est pas nécessairement catas -<br />

trophique pour la collectivité, mais elle cause<br />

des problèmes de taille pour les immigrants et<br />

le milieu d’accueil.<br />

Le principal obstacle auquel se heurtent<br />

les immigrants est l’incapacité d’accéder aux<br />

services pour commencer le processus d’établis -<br />

sement, ce qui risque d’engendrer chez eux un<br />

stress émotionnel et d’empêcher la collectivité<br />

de les retenir. En outre, les services sociaux<br />

communautaires, particulièrement en santé et en<br />

Un organisme central, autonome et sans entraves politiques, doit<br />

« diriger les travaux ». Le succès de l’établissement des immigrants<br />

dans une collectivité rurale est le résultat de la préparation de<br />

la collectivité et de son investissement dans le processus.<br />

éducation, sont les premiers à subir les effets<br />

de l’immigration.<br />

En l’absence de préparation, ces services<br />

sociaux peuvent être dans l’impossibilité de<br />

répondre aux besoins particuliers des immigrants<br />

ou de fournir un service en raison de problèmes<br />

de dotation – au chapitre des effectifs et de leur<br />

compétence. On peut aussi imaginer qu’ils ne<br />

sont tout simplement pas informés du besoin<br />

existant au sein de la communauté immigrante.<br />

Cette situation n’est pas nouvelle, mais ce qui<br />

l’est, c’est la clé du succès en matière d’établis -<br />

sement et de maintien en place des immigrants<br />

lorsqu’il n’existe pas de plan d’immigration.<br />

Les collectivités qui ont réussi à gérer l’immi -<br />

gration sans s’être d’abord dotées d’un plan n’ont<br />

pas tardé à se doter d’un agent de liaison central,<br />

c’est-à-dire d’une organisation ou d’une personne<br />

qui a été désignée, ou encore qui a reconnu le<br />

besoin et s’est mobilisée. Pour réussir, cet agent<br />

de liaison doit être polyvalent, compren dre la<br />

dynamique et l’aspect politique de la collectivité,<br />

connaître les réseaux non officiels et les services<br />

offerts dans la collectivité et être en mesure de<br />

répondre aux besoins immédiats des im mi grants<br />

ainsi qu’à ceux de la collectivité d’accueil.<br />

On l’a dit et répété, la communication<br />

et l’habileté à communiquer sont essentielles.<br />

Il est primordial de développer la collectivité<br />

parallèlement à l’augmentation du nombre<br />

d’immigrants. Dans ce contexte, le dévelop -<br />

pement communautaire passe par l’explication<br />

Nos diverses cités 55


Il est important de se montrer réaliste et ouvert en ce qui concerne les avantages et<br />

les limites de la collectivité, ainsi que de rester pragmatique en ce qui concerne le<br />

calendrier de planification, la mise en œuvre du plan et la constatation des résultats.<br />

Un délai de planification de deux ans n’est pas déraisonnable.<br />

56 Nos diverses cités<br />

des raisons justifiant l’immigration, la sensi -<br />

bilisation culturelle, la création et l’amélioration<br />

des services et la collaboration. La question<br />

des raisons de l’immigration n’est pas simple;<br />

elle n’a pas non plus reçu de réponse susceptible<br />

d’assurer une meilleure compréhension de la part<br />

de personnes qui ne sont ni des universitaires, ni<br />

des décideurs, ni des chercheurs. En général, le<br />

citoyen moyen, préoccupé par ses difficultés<br />

quotidiennes, n’a pas le temps de réfléchir au<br />

bien-fondé de l’immigration, pas plus qu’il<br />

n’a vu ou entendu ce message accrocheur de<br />

15 secondes sur la justification de l’immigration.<br />

L’absence de plan n’est pas idéale, mais<br />

la collectivité peut tout de même gérer avec succès<br />

l’immigration si elle concentre ses efforts. Toutes<br />

les personnes concernées doivent faire preuve<br />

de souplesse et d’un esprit de collaboration, et<br />

l’on a besoin de personnes clés ingénieuses, qui<br />

comprennent les commu nications et les rapports<br />

de force invisibles d’une collectivité.<br />

Steinbach, au Manitoba, est un exemple de<br />

collectivité qui fait partie de cette catégorie.<br />

Aujourd’hui, elle présente un bilan très positif<br />

en matière d’immigration. Elle n’avait pas de plan<br />

d’immigration, mais au cours des deux années qui<br />

ont suivi la plus récente arrivée d’immigrants,<br />

quelques personnes ont reconnu la nécessité<br />

d’instaurer un processus afin de soutenir les<br />

nouveaux arrivants. Aujourd’hui, la collectivité<br />

dispose d’un programme d’établissement et de<br />

maintien en place très efficace; toutefois, elle n’a<br />

pas de plan d’attraction et de recrutement.<br />

Il existe un plan,<br />

mais il ne donne aucun résultat<br />

Quelques collectivités ont consacré des ressources<br />

considérables, en argent et en temps, à la mise<br />

sur pied d’un plan d’immigration, mais sans<br />

succès. On distingue généralement deux facteurs<br />

expliquant cette absence de résultats concrets :<br />

le plan est déficient et les dirigeants – officiels ou<br />

non – de la collectivité n’y ont pas « adhéré ».<br />

Souvent, des collectivités constatent le succès<br />

d’autres collectivités de même taille au chapitre<br />

de l’immigration et croient qu’elles peuvent<br />

suivre le même modèle, sans tenir compte des<br />

éléments qui leur sont propres et qui peuvent<br />

avoir de profondes répercussions sur le résultat.<br />

Au nombre de ces éléments, mentionnons les<br />

assises financières, la préparation, les services<br />

sociaux et la diversité culturelle de la collectivité.<br />

Habituellement, on omet de concevoir des<br />

plans d’attraction et de recrutement, toute<br />

l’énergie étant consacrée à la préparation de la<br />

collectivité. De plus, l’attraction et le recrutement<br />

peuvent être des tâches décourageantes, qui<br />

exigent généralement de l’argent, l’obtention<br />

d’aide provenant de l’extérieur de la collectivité<br />

et une expertise en communication et en<br />

marketing. Heureusement, des ressources utiles<br />

sont disponibles : par exemple, le cycle de<br />

planification de l’immigration régionale, que l’on<br />

trouve sur le site Web du ministère du Travail et<br />

de l’Immigration du Manitoba, est un excellent<br />

outil pour les collectivités rurales qui cherchent<br />

à attirer et à retenir des immigrants 1 .<br />

Il y a également absence de résultat lorsqu’on<br />

a consacré tellement de temps et d’efforts à la<br />

planification que l’exécution devient une tâche<br />

trop ardue ou que les responsables de l’exécution<br />

n’ont pas participé au processus de planification,<br />

ce qui a créé un milieu propice à la résistance<br />

et au manque d’« adhésion ».<br />

Un plan qui ne donne aucun résultat peut être<br />

très destructeur pour une collectivité, minant la<br />

crédibilité de ceux qui ont participé au processus,<br />

engendrant une réticence à s’engager dans des<br />

travaux futurs et créant de fausses attentes pour<br />

la collectivité.<br />

Même si certains immigrants sont susceptibles<br />

de s’installer dans une collectivité en dépit du<br />

manque d’efforts de celle-ci pour les attirer, la<br />

possibilité qu’elle les retienne est limitée.<br />

Il existe un plan et il est mis en œuvre<br />

De toutes les situations, celle-ci est probablement<br />

la moins fréquente. Le point positif, c’est qu’on<br />

1 On peut consulter le site à l’adresse suivante :<br />

.


a créé d’excellents outils à l’intention des<br />

collectivités pour la conception et la mise en<br />

œuvre d’une stratégie d’immigration. Le défi<br />

consiste à trouver ces outils, à les échanger et<br />

à trouver les personnes qui pourront aider la<br />

collectivité à utiliser ces outils pour créer sa propre<br />

stratégie et à adapter les lignes directrices pour<br />

créer un modèle qui lui convienne. Il n’existe<br />

pas de « voie toute tracée » pour les collectivités<br />

qui voient en l’immigration une stratégie de<br />

croissance démographique. Une bonne part de<br />

ténacité et de dévouement est nécessaire. Il est<br />

important de se montrer réaliste et ouvert en ce<br />

qui concerne les avantages et les limites de la<br />

collectivité, ainsi que de rester pragmatique en ce<br />

qui concerne le calendrier de planification, la mise<br />

en œuvre du plan et la constatation des résultats.<br />

Un délai de planification de deux ans n’est<br />

pas déraisonnable.<br />

Être réaliste, c’est examiner tous les aspects<br />

d’une collectivité sans préjugés, ce qui est plus<br />

facile à dire qu’à faire. Les facteurs à prendre<br />

en compte sont les perspectives économiques<br />

pour la région, les infrastructures, l’emploi,<br />

le logement et les services sociaux.<br />

Il est primordial d’examiner les projets<br />

d’infras tructure prévus dans la région où la<br />

collectivité est située, et les investissements<br />

effectués par les entreprises et les propriétaires.<br />

Cela inclut l’examen du type de travail offert, la<br />

création d’un répertoire des entreprises et des<br />

débouchés, et la caractérisation de ces derniers<br />

(par exemple, ces débouchés sont-ils des emplois<br />

de premier échelon dans les domaines de la<br />

production, des métiers ou de l’administration ?).<br />

Les logements doivent également être répertoriés<br />

en fonction de leur accessibilité, de leur type et<br />

de leur proximité par rapport aux principaux<br />

secteurs commer ciaux. Les possibilités de<br />

logement et leur proximité par rapport aux<br />

emplois offerts sont souvent négligées en milieu<br />

rural, étant donné qu’on part du principe que<br />

tout le monde dispose d’un moyen de transport.<br />

Or, le problème supplémentaire qui se pose<br />

dans ces régions est le manque de transport en<br />

commun. Puisque la majorité des immigrants<br />

n’ont pas de moyen individuel de locomotion et<br />

qu’il n’existe pas de moyen de transport collectif,<br />

la possibilité de logement près du lieu de travail<br />

s’avère un facteur crucial. Une autre étape<br />

essentielle consiste à répertorier les services de<br />

santé en fonction des effectifs, des installations,<br />

des compétences lin guistiques et de la diversité<br />

culturelle. Ce ne sont là que quelques exemples<br />

de services communautaires qui doivent être<br />

répertoriés et évalués dans le cadre d’un plan<br />

d’immigration efficace.<br />

Au fil de la conception du plan, il est essentiel<br />

de recourir à l’expertise communautaire et<br />

de faire participer des représentants de différents<br />

secteurs. La mobilisation des intervenants<br />

est l’une des tâches les plus difficiles qui<br />

s’imposent aux responsables communautaires.<br />

Voici deux questions fréquemment posées :<br />

• Comment faire participer des personnes qui<br />

sont déjà très occupées ? (Il est assez normal<br />

pour les intervenants clés d’être déjà engagés<br />

dans de nombreuses activités communautaires.)<br />

• De qui faut-il solliciter la participation ? (Il<br />

s’agit d’une question difficile, la réponse variant<br />

selon la collectivité. )<br />

La mobilisation des intervenants, quelles<br />

que soient la méthode utilisée ou les personnes<br />

concernées, sensibilise les membres de la collec -<br />

tivité et permet d’obtenir des idées et des points<br />

de vue très utiles.<br />

Dans les collectivités qui ont réussi, les services<br />

sociaux, l’administration et les entreprises ont<br />

participé à la planification et aux discussions –<br />

sous la direction de la collectivité et avec<br />

l’appui de l’administration. Un organisme central,<br />

autonome et sans entraves politiques, doit<br />

« diriger les travaux ». Le succès de l’établissement<br />

des immigrants dans une collectivité rurale est le<br />

résultat de la préparation de la collectivité et de<br />

son investissement dans le processus. Une erreur<br />

fréquente consiste à ajouter l’immigration à<br />

l’agenda déjà complet d’un agent de dévelop -<br />

pement économique, ce qui peut, par inadvertance<br />

laisser penser que l’immigration n’est pas<br />

un secteur prioritaire de la recherche et de<br />

la planification.<br />

La région de Parkland au Manitoba est un<br />

exemple d’une collectivité faisant des progrès<br />

dans le domaine. Elle regroupe des communautés<br />

qui, en collaboration avec le gouvernement,<br />

ont conçu un plan en voie d’être mis en œuvre.<br />

La région continue de chercher et de mettre<br />

à l’essai des moyens de faire participer les<br />

communautés et de profiter des occasions qui se<br />

présentent. Elle a passé en revue les ressources<br />

disponibles et a commencé à les adapter à sa<br />

dynamique propre. En outre, elle a reconnu dès<br />

le départ l’importance d’établir un organisme<br />

central autonome qui ne soit pas affilié à la plus<br />

grande communauté de la région.<br />

Nos diverses cités 57


58 Nos diverses cités<br />

Conseils supplémentaires à l’intention des<br />

intervenants en immigration<br />

Catalyseurs de l’immigration dans la collectivité<br />

Dans les collectivités rurales observées au<br />

Manitoba, le catalyseur de l’immigration a été<br />

la survie et l’impulsion est venue du milieu<br />

des affaires, de l’ensemble de la collectivité ou<br />

des deux en collaboration. Dans plusieurs<br />

collec tivités, les promoteurs de l’immigration<br />

étaient les consultants en immigration – des<br />

entrepreneurs qui repèrent une possibilité et<br />

établissent un lien entre les collectivités d’accueil<br />

et les communautés d’immigrants. D’où la<br />

situation décrite précédemment : « il n’existe pas<br />

de plan et les choses évoluent par elles-mêmes ».<br />

Cours d’anglais<br />

Souvent, des cours d’anglais commencent à être<br />

offerts dans une collectivité à mesure que les<br />

immigrants s’y établissent. Les entreprises et<br />

la collectivité doivent agir sur le plan de la<br />

formation linguistique, à la fois pour l’organiser<br />

et pour l’offrir aux nouveaux arrivants. Une<br />

colla boration étroite entre les responsables des<br />

services d’aide à l’emploi, d’établissement et de<br />

formation linguistique fera en sorte que les<br />

problèmes et les possibilités seront abordés de<br />

manière concertée.<br />

La maîtrise insuffisante de l’anglais demeure<br />

le principal obstacle à l’intégration économique<br />

et sociale des immigrants. Par exemple, dans<br />

les milieux ruraux du Manitoba, de nombreux<br />

membres d’une communauté d’immigrants<br />

refusent obstinément d’apprendre l’anglais, ce<br />

qui limite considérablement leurs possibilités<br />

d’emploi. Pourtant, il n’est pas rare de les<br />

entendre exprimer leur frustration de ne pas<br />

trouver de travail lors d’entretiens avec un<br />

conseiller en emploi. Bien qu’il ne soit pas<br />

intégré socialement dans la collectivité d’accueil,<br />

ce groupe s’est intégré dans son propre groupe<br />

confessionnel, bâtissant des églises et offrant des<br />

cours particuliers; il compte suffisamment de<br />

membres pour ce faire, même s’il n’était<br />

constitué au départ que de trois familles. Les<br />

enfants d’âge scolaire de cette communauté<br />

se heurtent aussi à des difficultés liées à leur<br />

intégration sociale parmi leurs pairs de la<br />

collectivité d’accueil. Toutefois, certains enfants<br />

sportifs ont pu surmonter les obstacles grâce au<br />

soccer, en particulier lorsque les parents et les<br />

entraîneurs ont reconnu la possibilité d’utiliser<br />

le sport pour établir des rapprochements.<br />

Être prêt à faire face à l’échec<br />

Dans les collectivités rurales, les nouvelles vont<br />

vite et les mauvaises nouvelles, encore plus vite.<br />

Par conséquent, pendant le processus de<br />

planification, les collectivités doivent être prêtes<br />

à réagir aux mauvaises nouvelles. On peut citer<br />

de nombreux exemples, notamment celui d’un<br />

employeur ayant investi du temps et des efforts<br />

dans la formation d’un immigrant qui est parti<br />

dès qu’il a obtenu la résidence permanente,<br />

ou celui d’un immigrant ayant investi dans une<br />

petite entreprise lancée à grand renfort de<br />

publicité, mais forcé de la fermer quelques mois<br />

plus tard et de retourner dans son pays d’origine<br />

avec sa famille. Ces situations, bien qu’elles<br />

soient assez fréquentes, laissent des séquelles<br />

dans la collectivité d’accueil, mais il est rare<br />

qu’on les analyse afin de déterminer leurs causes,<br />

les améliorations à apporter à l’avenir et les<br />

leçons tirées de l’expérience. Or il faut les<br />

examiner et communiquer les conclusions à<br />

l’ensemble de la collectivité.<br />

Conclusion<br />

L’immigration en milieu rural au <strong>Canada</strong> se<br />

poursuivra sous différentes formes, en fonction<br />

des possibilités d’emploi, de l’accès à la terre, des<br />

centres ethniques existants ou d’une promotion<br />

dynamique. Certaines collectivités auront des<br />

plans d’immigration, d’autres non. La concurrence<br />

que se font les collectivités et les provinces pour<br />

attirer les immigrants s’intensifiera. Il n’existe pas<br />

de recette magique pour le succès; celui-ci exige<br />

un travail acharné, l’établissement de partenariats<br />

et une profonde compréhension de la collec -<br />

tivité dans laquelle on vit et on travaille.<br />

Les responsables communautaires continueront<br />

d’observer toutes sortes de conditions, les unes<br />

favorables, les autres défavorables, à mesure qu’ils<br />

concevront et mettront en œuvre une stratégie de<br />

croissance de la population immigrante. Ce qui<br />

importe, c’est d’apprendre de l’expérience des<br />

autres, de s’adapter aux besoins de sa collectivité<br />

et d’être réaliste quant aux résultats à espérer.<br />

À propos de l’auteure<br />

KIM SHUKLA vit à Steinbach, au Manitoba, où elle dirige<br />

le cabinet d’experts-conseils Prairie Global Management.<br />

Au cours des huit dernières années, elle a géré l’un des<br />

plus importants programmes d’établissement d’immigrants<br />

en milieu rural au Manitoba, et elle continue d’offrir des<br />

services de consultation aux collectivités manitobaines,<br />

au ministère du Travail et de l’Immigration du Manitoba<br />

et à Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong>.


Le profil socioéconomique des<br />

minorités visibles des Prairies<br />

Thèmes de recherche sur le multiculturalisme *<br />

KAMAL DIB ET SOFIA RODRIGUEZ-GALLAGHER<br />

Direction générale de la citoyenneté et du multiculturalisme, Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong><br />

Les provinces canadiennes des Prairies, soit<br />

le Manitoba, la Saskatchewan et l’Alberta,<br />

présentent des caractéristiques sociodémo -<br />

graphiques particulières. Parmi elles, mentionnons<br />

un pourcentage plus élevé d’Autochtones<br />

parmi leur population comparativement aux<br />

autres provinces, des étendues peu peuplées,<br />

un meilleur climat économique et un nombre<br />

croissant de nouveaux immigrants, en particulier<br />

dans le cas de l’Alberta. Une autre particularité<br />

des Prairies est le déclin de la dualité linguistique,<br />

illustré par une population francophone de<br />

plus en plus petite, voire en voie de disparition.<br />

Le présent article donne un aperçu des condi -<br />

tions socioéconomiques des minorités visibles<br />

au Manitoba, en Alberta et en Saskatchewan 1 .<br />

Les thèmes de recherche présentés ci-dessous<br />

ont été établis par nos experts-conseils après<br />

l’analyse de la situation socioéconomique et la<br />

consultation des univer sitaires et des spécialistes<br />

en politiques publiques de ces provinces 2 . Il est à<br />

espérer que ce survol encouragera les chercheurs<br />

et les universitaires des Prairies à s’intéresser aux<br />

thèmes proposés, dans le contexte de l’appui à la<br />

recherche sur le multiculturalisme canadien.<br />

*<br />

Les opinions exprimées dans le présent article sont celles<br />

des auteurs et ne représentent pas nécessairement celles<br />

de Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> ou du gouvernement<br />

du <strong>Canada</strong>.<br />

La majeure partie de la recherche effectuée au <strong>Canada</strong> sur les minorités porte<br />

sur les villes en général, et sur Montréal, Toronto et Vancouver en particulier.<br />

Toutefois, une plus forte proportion des nou veaux arrivants choisissent<br />

maintenant de s’établir au Manitoba et en Saskatchewan.<br />

Conditions socioéconomiques dans les Prairies<br />

Les provinces des Prairies forment une région<br />

vitale pour le <strong>Canada</strong>, compte tenu de leur<br />

popu lation nombreuse et de leur économie<br />

florissante. En 2006, la population totale du<br />

Manitoba, de la Saskatchewan et de l’Alberta<br />

s’élevait à 5,3 millions, ce qui équivalait à<br />

1<br />

Le présent article constitue la synthèse de rapports de recherche<br />

commandés par le ministère du Patrimoine canadien (Direction<br />

générale du multiculturalisme et des droits de la personne) à<br />

Paul Bramadat et à Lauren Hunter sur les conditions socio -<br />

économiques des minorités dans les Prairies et sur les thèmes de<br />

recherche à retenir. Il s’agit d’une version abrégée d’un texte plus<br />

long. Pour plus de détails, veuillez communiquer avec les auteurs.<br />

2<br />

Nous traitons surtout, dans cet article, des dix principaux<br />

groupes minoritaires visibles cités dans l’Enquête sur la diversité<br />

ethnique : les Noirs, les Chinois, les Sud-Asiatiques, les Philippins,<br />

les Asiatiques du Sud-Est, les Japonais, les Coréens, les Latino-<br />

Américains, les Asiatiques occidentaux et les Arabes. Cela<br />

n’exclut aucunement les Métis ou les sous-groupes comme les<br />

Pakistanais, les Tamouls et les Sud-Asiatiques népalais. Nous<br />

tenons aussi compte de six grandes traditions non chrétiennes<br />

(les musulmans, les sikhs, les hindous, les bouddhistes, les juifs<br />

et les « autres traditions asiatiques minoritaires »), ainsi que des<br />

plus importants groupes de chrétiens non dominants (les<br />

mormons et les mennonites), étant donné que ces deux<br />

communautés (en particulier dans les Prairies) sont assez<br />

nombreuses et suffisamment différentes des confessions<br />

chrétiennes dominantes pour justifier leur inclusion dans cette<br />

liste. Des renseignements sont également fournis sur les deux<br />

plus importantes confessions chrétiennes dans chaque province :<br />

l’Église unie du <strong>Canada</strong> et l’Église catholique.<br />

Nos diverses cités 59


TABLEAU 1<br />

Population des provinces des Prairies et produit intérieur brut (PIB)<br />

Manitoba Saskatchewan Alberta Total<br />

Population (en millions) 1,10 0,95 3,20 5,30<br />

PIB (en milliards de dollars) 37,5 36,7 170,1 244,3<br />

Source : Statistique <strong>Canada</strong>, Recensement du <strong>Canada</strong> de 2006.<br />

TABLEAU 2<br />

Caractéristiques de la population des minorités visibles : Manitoba a<br />

60 Nos diverses cités<br />

17 % de la population canadienne, et leur PIB<br />

combiné représentait 23 % du PIB canadien<br />

en 2007. L’Alberta se distingue parmi les trois<br />

provinces par le fait qu’elle représente près des<br />

deux tiers de la population, ainsi que les deux tiers<br />

de la production économique totale, compte tenu<br />

de sa richesse en ressources naturelles (réserves<br />

de pétrole).<br />

Comme ailleurs au <strong>Canada</strong>, le segment de<br />

la population formé par les minorités visibles<br />

augmente dans les Prairies. Selon les données<br />

du Recensement de 2006, ce segment représente<br />

10 % de la population totale au Manitoba, et<br />

94 % des membres des minorités visibles sont<br />

concentrés à Winnipeg. En Saskatchewan, les<br />

minorités visibles repré sentent à peine 4 % de<br />

la population, 44 % de leurs membres vivant à<br />

Saskatoon et 37 % à Regina. En Alberta, 42 % de<br />

la population font partie des minorités visibles et<br />

52 % de ce groupe sont concentrés à Calgary.<br />

Les personnes d’origine autochtone comptent<br />

pour 16 % de la population au Manitoba et<br />

en Saskatchewan et pour seulement 8 % en<br />

Alberta. La population francophone ne compte<br />

que pour 4 % au Manitoba et 2 % en Saskat -<br />

chewan et en Alberta.<br />

Winnipeg Manitoba<br />

Total Sexe masculin Sexe féminin Total Sexe masculin Sexe féminin<br />

Population totale<br />

Total de la population<br />

686 040 334 060 351 975 1 133 515 556 925 576 595<br />

des minorités visibles 102 940 51 240 51 700 109 100 54 335 54 760<br />

Chinois 12 810 6 455 6 355 13 705 6 955 6 750<br />

Sud-Asiatiques 15 290 7 850 7 445 16 565 8 535 8 030<br />

Noirs 14 470 7 545 6 925 15 660 8 135 7 525<br />

Philippins 36 935 17 550 19 385 37 785 17 885 19 905<br />

Latino-Américains 5 480 2 745 2 730 6 275 3 145 3 130<br />

Asiatiques du Sud-Est<br />

Minorités visibles non<br />

5 340 2 730 2 605 5 670 2 900 2 765<br />

incluses ailleurs 1 595 810 780 1 690 850 840<br />

Minorités visibles multiples 3 080 1 605 1 475 3 265 1 705 1 560<br />

Pas une minorité visible 583 100 282 825 300 280 1 024 415 502 585 521 830<br />

a<br />

Seuls les groupes de minorités visibles faisant partie des six premiers en importance sont compris dans ce tableau.<br />

Source : Statistique <strong>Canada</strong>, Recensement du <strong>Canada</strong> de 2006.<br />

Manitoba<br />

Selon les données du Recensement de 2006,<br />

au Manitoba, le revenu moyen des minorités<br />

visibles varie d’environ 14 000 $ pour les<br />

Coréens à environ 25 000 $ pour les Japonais, en<br />

passant par 20 000 $ pour les Latino-Américains,<br />

qui gagnent aussi un revenu assez faible, tandis<br />

que le revenu de 24 000 $ des Noirs et des Sud-<br />

Asiatiques s’aligne davantage sur la moyenne<br />

japonaise. Au Manitoba, le taux de chômage<br />

des minorités visibles présente aussi un certain<br />

écart par rapport à la moyenne de la popu -<br />

lation (6 %) : les Philippins (5 %) se situaient<br />

sous ce taux, alors que tous les autres groupes<br />

le dépassaient.<br />

Le taux de diplômés universitaires chez les<br />

minorités visibles au Manitoba est le plus élevé<br />

chez les Arabes et les Asiatiques occidentaux<br />

(34 %) et le plus faible chez les Asiatiques du Sud-<br />

Est (8 %). Les Sud-Asiatiques (29 %) se situent à<br />

l’extrémité la plus instruite de la fourchette, tandis<br />

que les Noirs (13 %) et les Philippins (12 %)<br />

se situent à l’autre extrémité. Le taux d’abandon<br />

scolaire au secondaire est le plus élevé chez les<br />

Asiatiques du Sud-Est (45 %) et le plus faible<br />

chez les Arabes (17 %).


TABLEAU 3<br />

Caractéristiques de la population des minorités visibles : Saskatchewan a<br />

Saskatoon Saskatchewan<br />

Total Sexe masculin Sexe féminin Total Sexe masculin Sexe féminin<br />

Population totale<br />

Total de la population<br />

230 850 112 375 118 480 953 850 469 400 484 445<br />

des minorités visibles 14 870 7 670 7 200 33 895 17 220 16 675<br />

Chinois 4 245 2 235 2 010 9 505 4 920 4 585<br />

Sud-Asiatiques 2 230 1 230 1 000 5 130 2 760 2 370<br />

Noirs 1 900 1 090 805 5 090 2 635 2 455<br />

Philippins 1 920 815 1 100 3 770 1 685 2 085<br />

Latino-Américains 1 050 505 550 2 520 1 270 1 250<br />

Asiatiques du Sud-Est<br />

Minorités visibles non<br />

1 010 565 445 2 555 1 280 1 270<br />

incluses ailleurs 115 50 65 405 185 220<br />

Minorités visibles multiples 345 180 165 810 465 340<br />

Pas une minorité visible 215 985 104 705 111 280 919 950 452 185 467 765<br />

a<br />

Seuls les groupes de minorités visibles faisant partie des six premiers en importance sont compris dans ce tableau.<br />

Source : Statistique <strong>Canada</strong>, Recensement du <strong>Canada</strong> de 2006.<br />

Les données sur les minorités visibles au<br />

Manitoba et dans sa ville principale, Winnipeg,<br />

figurent au Tableau 2. Au <strong>Canada</strong>, la vaste<br />

majorité des membres des minorités visibles<br />

sont des immigrants de première génération.<br />

Le seul groupe des dix minorités visibles<br />

comptant moins de 50 % d’immigrants de<br />

première génération est celui des Japonais, dont<br />

seulement 11 % appartiennent à cette catégorie.<br />

Au Manitoba, le français est parlé par un<br />

très faible pourcentage de la population (4 %),<br />

tandis qu’un grand nombre de membres de<br />

la catégorie des minorités visibles mentionnent<br />

une langue non officielle comme langue<br />

maternelle. Dans ce cas-ci, l’écart est consi dérable,<br />

variant de 7 % pour les Japonais à 62 % pour les<br />

Coréens; plusieurs autres groupes (les Chinois, les<br />

Asiatiques du Sud-Est, les Latino-Américains, les<br />

Arabes et les Asiatiques occidentaux) comptent<br />

également un grand nombre de personnes dont la<br />

langue n’est pas l’anglais ou le français. L’anglais<br />

est la langue maternelle de la grande majorité des<br />

Noirs (85 %) et des Canadiens d’origine japonaise<br />

(91 %), ces taux étant très proches du taux<br />

d’utilisation de l’anglais chez les personnes<br />

n’appartenant pas à un groupe de minorité visible.<br />

Le taux d’utilisation de l’anglais comme langue<br />

maternelle est le plus faible chez les Asiatiques<br />

occidentaux (29 %) et les Asiatiques du Sud-<br />

Est (33 %), même si cette situation est plutôt<br />

prévisible du fait que ces communautés sont<br />

assez récentes au <strong>Canada</strong>.<br />

Selon les statistiques sur l’état matrimonial, la<br />

plupart des Manitobains membres de minorités<br />

visibles ont un mode de vie similaire à celui de<br />

l’ensemble de la population.<br />

Saskatchewan<br />

En Saskatchewan, les données du Recensement<br />

de 2006 révèlent que le revenu moyen varie<br />

de 18 000 $ pour les Asiatiques du Sud-Est à<br />

33 000 $ pour les Sud-Asiatiques. Les Chinois<br />

(19 000 $) et les Philippins (20 000 $) ont un<br />

revenu presque aussi faible que celui des<br />

Asiatiques du Sud-Est, tandis que celui des<br />

Asiatiques occidentaux (27 000 $) se compare<br />

à celui des Sud-Asiatiques. En Saskatchewan, le<br />

taux de chômage indique également un certain<br />

écart par rapport à la moyenne relevée chez<br />

les personnes n’appartenant pas à une mino -<br />

rité visible, qui se situe à 6,3 %. Chez les<br />

Chinois, les Asiatiques du Sud-Est, les Latino-<br />

Américains et les Philippins, le taux de chômage<br />

se situait légèrement en dessous de cette<br />

moyenne; chez les Noirs, les Sud-Asiatiques,<br />

les Arabes et les Asiatiques occidentaux, il lui<br />

était supérieur.<br />

Le taux de diplômés universitaires chez les<br />

minorités visibles en Saskatchewan est le plus<br />

élevé pour les Sud-Asiatiques (48 %) et le plus<br />

faible pour les Asiatiques du Sud-Est (8 %), les<br />

Asiatiques occidentaux (41 %) et les Arabes (32 %)<br />

se situant plutôt à l’extrémité supérieure de la<br />

fourchette, et les Latino-Américains (14 %) et les<br />

Noirs (18 %), à son extrémité inférieure. Le taux<br />

d’abandon scolaire au secondaire est le plus élevé<br />

pour les Asiatiques du Sud-Est (47 %) et le plus<br />

faible pour les Sud-Asiatiques (11 %).<br />

Nos diverses cités 61


TABLEAU 4<br />

Caractéristiques de la population des minorités visibles : Alberta a<br />

Edmonton Calgary Alberta<br />

Sexe Sexe Sexe Sexe Sexe Sexe<br />

Total masculin féminin Total masculin féminin Total masculin féminin<br />

Population totale<br />

Total de la population<br />

1 024 820 509 295 515 530 1 070 295 533 760 536 530 3 256 360 1 630 870 1 625 485<br />

des minorités visibles 175 295 85 675 89 675 237 895 117 665 120 230 454 200 223 740 230 465<br />

Chinois 47 195 22 865 24 335 66 375 32 670 33 705 120 270 58 840 61 430<br />

Sud-Asiatiques 40 205 19 810 20 390 57 700 28 865 28 835 103 885 51 740 52 150<br />

Noirs 20 380 10 260 10 115 21 060 11 255 9 805 47 075 24 845 22 230<br />

Philippins 19 625 8 515 11 110 25 565 11 050 14 515 51 090 21 805 29 285<br />

Latino-Américains 9 210 4 645 4 565 13 410 6 490 6 920 27 265 13 410 13 855<br />

Asiatiques du Sud-Est 11 030 5 270 5 755 15 755 7 800 7 950 28 610 13 910 14 700<br />

Autres minorités visiblesb 27 655 14 255 13 390 38 020 19 535 18 495 76 000 39 195 36 805<br />

Pas une minorité visible 849 525 423 675 425 850 832 405 416 095 416 305 2 802 155 1 407 130 1 395 025<br />

a<br />

Seuls les groupes de minorités visibles faisant partie des six premiers en importance sont compris dans ce tableau.<br />

b<br />

Les autres minorités visibles comprennent, entre autres, les Arabes, les Coréens, les Japonais, les Asiatiques occidentaux, les minorités visibles non incluses ailleurs ainsi que les minorités visibles multiples.<br />

Source : Statistique <strong>Canada</strong>, Recensement du <strong>Canada</strong> de 2006.<br />

62 Nos diverses cités<br />

Les données relatives aux minorités visibles<br />

de la Saskatchewan et de sa ville la plus peuplée,<br />

Saskatoon, sont présentées dans le Tableau 3.<br />

La majorité des minorités visibles de la Saskat -<br />

chewan sont des immigrants de première<br />

génération. Le seul des dix principaux groupes de<br />

minorités visibles pour lequel le statut d’immi -<br />

grant de première génération est inférieur à 50 %<br />

est celui des Japonais, dont 19 % seulement font<br />

partie de cette catégorie.<br />

En Saskatchewan, le français est la langue<br />

maternelle d’un très petit nombre de membres<br />

des minorités visibles. Dans cette province, le<br />

pourcentage de la population n’appartenant pas<br />

à une minorité visible et dont la langue maternelle<br />

est le français est également faible (1,8 %). Un<br />

grand nombre de membres des minorités visibles<br />

ont une langue non officielle comme langue<br />

maternelle, cette proportion variant de 24 %<br />

pour les Noirs canadiens à 85 % pour les Latino-<br />

Américains. L’anglais est la langue maternelle de<br />

la grande majorité des Noirs (72 %) et des<br />

Japonais (53 %); ces taux sont inférieurs à celui<br />

des personnes n’étant pas membres d’une<br />

minorité visible (86 %), mais supérieurs à celui<br />

des autres catégories de minorités visibles.<br />

Les statistiques sur le statut matrimonial<br />

indiquent qu’en Saskatchewan, la plupart des<br />

minorités visibles vivent d’une manière similaire<br />

à celle de l’ensemble de la population.<br />

Alberta<br />

Le Tableau 4 présente les données sur les<br />

minorités visibles dans l’ensemble de l’Alberta,<br />

et dans ses deux villes principales, Edmonton et<br />

Calgary. La population de l’Alberta a augmenté<br />

considérablement au cours des cinq dernières<br />

années, en raison notamment de l’immigration<br />

internationale et interprovinciale suscitée par<br />

les possibilités d’emploi. Durant la période<br />

examinée, un tiers des nouveaux résidants de<br />

l’Alberta étaient membres d’une minorité visible.<br />

Selon les données du Recensement de Statistique<br />

<strong>Canada</strong>, entre 2001 et 2006, le pourcentage des<br />

minorités visibles dans la population albertaine<br />

est passé de 11 % à 14 %. La croissance des<br />

groupes minoritaires visibles et religieux a été<br />

rapide dans les grands centres urbains de la<br />

province. Selon le rapport sur le Recensement de<br />

2006, Calgary était la quatrième ville la plus<br />

diversifiée du <strong>Canada</strong>, après Toronto, Vancouver<br />

et Montréal. Les minorités visibles représen -<br />

taient 22 % de la population à Calgary et 17 %<br />

à Edmonton.<br />

Les rapports sur les indicateurs de la population<br />

active de 2006 et 2007, publiés par Statistique<br />

<strong>Canada</strong>, indiquent que les immigrants ont bien<br />

réussi ces dernières années en Alberta en raison<br />

de la forte demande de main-d’œuvre, et qu’ils<br />

ont bénéficié d’un accès très facile à des emplois<br />

à plein temps. Selon les études passées, il existe<br />

un écart considérable au chapitre de l’accès au<br />

marché du travail pour les membres des minorités<br />

visibles, en particulier les femmes, par rapport<br />

à la population en général. On doit analyser<br />

de manière plus détaillée les données du<br />

Recensement de 2006 afin de savoir si le boom<br />

économique albertain a amélioré cette situation


d’inégalité et de déterminer le degré de sécurité<br />

d’emploi dont peuvent jouir les travailleurs<br />

des minorités visibles et religieuses en cas de<br />

ralentissement de l’économie.<br />

La réussite économique qu’ont connue les<br />

provinces de l’Ouest au cours des dernières années<br />

s’est traduite par de très faibles taux de chômage,<br />

mais une forte demande de logements. En Alberta,<br />

cette tendance a provoqué une hausse specta cu -<br />

laire du prix des loyers à Calgary et à Edmonton.<br />

La situation des minorités visibles sur le marché<br />

de l’habitation est difficile, à cause de la conver -<br />

gence d’inégalités constantes au chapitre de la<br />

participation et de l’accès au marché du travail<br />

ainsi que de la hausse des coûts du logement.<br />

Depuis quelques années, des niveaux élevés<br />

d’immigration internationale et inter provinciale<br />

ont alourdi le fardeau qui pèse sur les services<br />

sociaux offerts à la population (p. ex., les centres<br />

communautaires, les piscines publiques, les soins<br />

de santé et l’infrastructure scolaire). Même s’il<br />

n’existe apparemment aucune étude ayant noté<br />

que cette tendance a une incidence dispropor -<br />

tionnée sur les minorités visibles et religieuses, la<br />

situation mérite un examen plus poussé.<br />

Au début de 2008, Calgary a été le théâtre d’une<br />

manifestation néo-nazie, et bien que le nombre<br />

de participants y était faible et que plusieurs<br />

manifestants antiracistes y ont exprimé leur<br />

opposition, le seul fait qu’elle ait eu lieu est<br />

embarrassant pour la province, qui déploie des<br />

efforts pour favoriser l’inclusion multiculturelle.<br />

Des incidents semblables mettent en lumière la<br />

difficulté qui existe dans toute société libérale de<br />

concilier les droits de la personne et les libertés<br />

individuelles, le manque d’information publique<br />

sur l’islam et le discours haineux en général.<br />

Thèmes relatifs au Manitoba<br />

et à la Saskatchewan<br />

1) Les relations des minorités visibles et religieuses<br />

avec les peuples autochtones<br />

Il suffit de passer une heure au centre-ville<br />

de Winnipeg, de Brandon, de Regina ou de<br />

Saskatoon pour se rendre compte de la prépon -<br />

dérance des questions autochtones dans ces<br />

collectivités. Les minorités religieuses et visibles,<br />

en particulier celles qui sont nouvellement<br />

arrivées, s’installent dans des secteurs de ces villes<br />

où vivent un nombre consi dérable d’Autochtones.<br />

Les nouveaux arri vants, y compris les réfugiés,<br />

deviennent soudain les camarades de classe, les<br />

voisins et les collègues de travail de personnes<br />

appartenant à des communautés aux prises<br />

avec des problèmes socioéconomiques énormes<br />

et qui commencent à peine à se redresser<br />

suite à des générations de marginalisation et de<br />

racisme au sein de la société canadienne.<br />

2) Les minorités visibles et religieuses dans les<br />

collectivités rurales et nordiques<br />

La majeure partie de la recherche effectuée au<br />

<strong>Canada</strong> sur les minorités porte sur les villes en<br />

général, et sur Montréal, Toronto et Vancouver en<br />

particulier 3 . Toutefois, une plus forte proportion<br />

des nou veaux arrivants choisissent maintenant de<br />

s’établir au Manitoba et en Saskatchewan, et les<br />

programmes comme le Programme des candidats<br />

du Manitoba permettent d’attirer un grand nom -<br />

bre d’immi grants (souvent des minorités visibles)<br />

dans cette province. Il serait donc nécessaire de<br />

comprendre la façon dont s’en sortent les mino -<br />

rités visibles et religieuses établies à l’exté rieur<br />

des grandes villes.<br />

3) Les minorités visibles francophones<br />

Tandis que des membres de minorités visibles<br />

franco phones (venant principalement de pays<br />

autrefois colonisés par la France) s’installent en<br />

nombre croissant dans les Prairies, les chercheurs<br />

et les décideurs doivent se demander si les<br />

politiques en vigueur répondent convenablement<br />

à leurs besoins. Les membres de cette commu -<br />

nauté ne sont pas d’origine européenne, ne sont<br />

pas blancs, ne sont pas anglophones et ne sont<br />

parfois pas de religion chrétienne; pourtant, ils<br />

vivent maintenant dans les Prairies, région<br />

peuplée majoritairement par des personnes<br />

anglophones, chrétiennes, blanches et d’origine<br />

européenne 4 .<br />

4) La promotion et protection du<br />

patrimoine canadien<br />

Depuis plus d’un siècle, le <strong>Canada</strong> est diversifié<br />

sur les plans ethnique, linguistique et religieux.<br />

3<br />

Voir la section « Nouveaux immigrants dans les régions<br />

métropolitaines », à l’adresse , ainsi que la section<br />

« Regionalization of Immigration » à l’adresse<br />

.<br />

4<br />

Pour de plus amples renseignements sur les autres initiatives<br />

gouvernementales qui abordent la question des communautés<br />

francophones en situation minoritaire, voir le Plan stratégique<br />

pour favoriser l’immigration au sein des communautés franco -<br />

phones en situation minoritaire, de Citoyenneté et Immigration<br />

<strong>Canada</strong>, à l’adresse .<br />

Nos diverses cités 63


D’ailleurs, l’un des changements les plus<br />

spectaculaires dont nous avons été témoins<br />

au cours du siècle passé a été la « déseuro -<br />

péanisation » du christianisme canadien. En fait,<br />

bon nombre de Canadiens auraient tendance<br />

à surestimer la taille de la population non<br />

chrétienne de notre pays, en présumant à tort<br />

que les nouveaux arrivants d’origine africaine et<br />

asiatique qu’ils croisent dans les milieux urbains<br />

ne sont pas chrétiens tandis que, bien souvent,<br />

ces nouveaux citoyens sont issus de familles qui<br />

sont chrétiennes depuis des siècles.<br />

5) Le sexe et le statut de minorité<br />

Dans le monde universitaire, il est maintenant<br />

fréquent que les chercheurs intègrent la différence<br />

entre les sexes dans leur recherche. Quoi qu’il en<br />

soit, bon nombre des enjeux centraux abordés<br />

dans les discussions publiques sur les minorités<br />

visibles et religieuses au <strong>Canada</strong> tournent autour<br />

de la question des droits de la femme dans les<br />

commu nautés minoritaires. À ce titre, la dif fé rence<br />

entre les sexes figure parmi les principales priorités<br />

de recherche en matière de minorités visibles et<br />

religieuses au <strong>Canada</strong> et dans les Prairies.<br />

6) Les manifestations publiques de l’identité<br />

(aliments, festivals, congés fériés et fêtes<br />

religieuses au sein des groupes de minorités<br />

visibles et religieuses)<br />

Il arrive souvent que des membres de l’élite<br />

culturelle tournent en dérision les festivals<br />

ethnoculturels en les accusant d’être bon marché,<br />

artificiels, commerciaux et dignes de Disney.<br />

Si une communauté décide de se présenter<br />

d’une certaine manière, ces choix méritent non<br />

seulement notre respect, mais une réflexion des<br />

chercheurs et un réexamen des politiques. Qu’on<br />

aime ou non le style et le mode de commu -<br />

nication commer cial couramment utilisés dans<br />

bon nombre de ces festivals, il n’en demeure pas<br />

moins qu’ils offrent aux personnes de l’extérieur<br />

une fenêtre extrêmement utile et souvent<br />

irremplaçable pour observer la manière dont une<br />

communauté donnée se perçoit.<br />

Thèmes relatifs à l’Alberta<br />

64 Nos diverses cités<br />

1) Les stratégies de lutte contre le racisme<br />

et la discrimination<br />

De toutes les provinces cana diennes, c’est l’Alberta<br />

qui a connu certains des débats publics les plus<br />

passionnés entre groupes antiracistes et groupes<br />

anti-immigrants au cours des dernières années<br />

(seul le Québec l’a peut-être éclipsée à ce chapitre).<br />

La promotion de programmes et de politiques<br />

antiracistes devrait être une priorité en Alberta. Il<br />

existe dans cette province un solide mouvement<br />

antiraciste communautaire, qui se voit souvent<br />

attribuer la tâche de dénoncer la discrimination et<br />

l’exclusion des minorités visibles et religieuses.<br />

2) La religion et l’inclusion<br />

Les questions de la religion et de l’inclusion<br />

sont étroitement liées à celle de l’antiracisme. Le<br />

sentiment anti musulman est particulièrement fort<br />

en Alberta, malgré le nombre proportionnel -<br />

lement faible d’immigrants arabes et musulmans<br />

dans cette province. La question de la participa -<br />

tion des médias et du profilage racial par rapport<br />

à l’inclusion religieuse devrait être explorée.<br />

3) La participation économique et le niveau de vie<br />

L’essor industriel en Alberta a entraîné un faible<br />

taux de chômage, ainsi que des coûts de logement<br />

élevés, un fardeau supplémentaire pour les<br />

ressources communautaires et un revenu dispo -<br />

nible considérable pour une grande partie de<br />

la population. Toutefois, la situation économique<br />

de la province pourrait changer au cours<br />

des prochaines années. Les minorités visibles et<br />

religieuses, qui se classent déjà sous la moyenne<br />

au chapitre de la participation au marché du<br />

travail, ont toujours besoin d’une intervention<br />

stratégique pour obtenir l’égalité d’accès à<br />

l’emploi et aux avantages sociaux. De plus, la<br />

compression actuelle des services sociaux dans la<br />

province soulève de sérieuses questions au sujet<br />

d’un accès équitable aux espaces publics et aux<br />

services sociaux pour les minorités visibles et<br />

religieuses. Ce sujet doit être approfondi.<br />

4) Les populations francophones et autochtones<br />

Même si l’on reconnaît que les communautés<br />

autochtones relèvent du ministère des Affaires<br />

indiennes et du Nord canadien, il est utile<br />

d’examiner la relation entre les Autochtones et les<br />

non-Autochtones dans un milieu multiculturel.<br />

De plus, la population francophone de l’Alberta<br />

semble aussi avoir besoin que l’on s’attarde à elle<br />

dans ce domaine.<br />

5) L’avenir de la politique canadienne sur<br />

le multiculturalisme<br />

Au cours des dernières années, on a émis plusieurs<br />

idées intéressantes susceptibles d’influer sur<br />

l’orientation future de la politique canadienne sur<br />

le multiculturalisme. Au <strong>Canada</strong>, les chercheurs se


sont demandés si la Loi sur le multiculturalisme<br />

canadien, sous sa forme actuelle, est suffisamment<br />

robuste pour assurer une véritable protection de<br />

l’égalité des libertés culturelles (Kallen, 1995).<br />

Ce thème de recherche rassemble les plus<br />

impor tantes théories relatives à l’avenir du multi -<br />

culturalisme. Il est à espérer que les décisions des<br />

responsables politiques seront mieux éclairées<br />

s’ils connaissent les situations suscep tibles de se<br />

présenter à l’avenir.<br />

À propos des auteurs<br />

KAMAL DIB, Ph.D., est économiste et directeur de<br />

la recherche au sein de la Direction générale de la<br />

citoyenneté et du multiculturalisme de Citoyenneté<br />

et Immigration <strong>Canada</strong>.<br />

SOFIA RODRIGUEZ-GALLAGHER est économiste et<br />

chercheuse au sein de la Direction générale de la<br />

citoyenneté et du multiculturalisme de Citoyenneté<br />

et Immigration <strong>Canada</strong>.<br />

Références<br />

Biles, J. 2002. « Everyone’s a Critic », Thèmes canadiens /<br />

Canadian Issues (février).<br />

Bissoondath, N. 1994. Selling Illusions: The Cult of<br />

Multiculturalism in <strong>Canada</strong>, Toronto, Penguin Books.<br />

Bramadat, P. 2001a. « Shows, Selves, and Solidarity:<br />

Ethnic Identity and Cultural Spectacles in <strong>Canada</strong> »,<br />

Études ethniques au <strong>Canada</strong> / Canadian Ethnic Studies,<br />

vol. 33, p. 78-98.<br />

———. 2001b. « For Ourselves, Our Neighbours, Our<br />

Homelands: Religion in Folklorama’s Israel Pavilion »,<br />

Ethnologies, vol. 23, p. 211-232.<br />

———. 2005. « Toward a New Politics of Authenticity: Ethno-<br />

Cultural Representation in Theory and Practice », Études<br />

ethniques au <strong>Canada</strong> / Canadian Ethnic Studies,<br />

vol. 37, p. 1-20.<br />

———. 2007. « Religion in 2017 <strong>Canada</strong>: Are We Prepared? »,<br />

Thèmes canadiens / Canadian Issues (automne), p. 119-122.<br />

Bramadat, P., et D. Seljak (dir.). 2005. Religion and<br />

Ethnicity in <strong>Canada</strong>, Toronto, Pearson Longman.<br />

———. 2008. Christianity and Ethnicity in <strong>Canada</strong>,<br />

Toronto, University of Toronto Press.<br />

<strong>Canada</strong>. Statistique <strong>Canada</strong>. 2008. Série d’analyses de<br />

la population active immigrante – Les immigrants sur<br />

le marché du travail canadien en 2007. Consulté le 1er juin<br />

2008 à l’adresse .<br />

Joppke, C., et E. Morawska (dir.). 2003. Towards Assimilation<br />

and Citizenship: Immigrants in Liberal Nation-States,<br />

Hampshire, Palgrave MacMillan.<br />

Kallen, E. 1995. Ethnicity and Human Rights in <strong>Canada</strong>,<br />

2e éd., Oxford, Oxford University Press.<br />

Kymlicka, W. 1998. Finding Our Way: Rethinking Ethnocultural<br />

Relations in <strong>Canada</strong>, Toronto, Oxford University Press.<br />

Lai, D. C., J. Paper, et L. C. Paper. 2005. « The Chinese in<br />

<strong>Canada</strong>: Their Unrecognized Religion », dans P. Bramadat<br />

et D. Seljak (dir.), Religion and Ethnicity in <strong>Canada</strong>, Toronto,<br />

Pearson Longman, p. 89-110.<br />

McLellan, J. 1999. Many Petals of the Lotus: Five Asian<br />

Buddhist Communities in Toronto, Toronto, University of<br />

Toronto Press.<br />

Seljak, D. 2008. « Secularization and the Separation<br />

of Church and State in <strong>Canada</strong> », Diversité canadienne /<br />

Canadian Diversity, vol. 6, p. 6-24.<br />

———. 2007. La religion et le multiculturalisme au <strong>Canada</strong>.<br />

Le défi posé par l’intolérance et la discrimination<br />

religieuse, rapport d’étude commandé par le ministère<br />

du Patrimoine canadien.<br />

Sweet, L. 1997. God in the Classroom: The Controversial<br />

Issue of Religion in <strong>Canada</strong>’s Schools, Toronto, McClelland<br />

and Stewart.<br />

Wortley, S. 2004. « Hidden Intersections: Research on Race,<br />

Crime and Criminal Justice in <strong>Canada</strong> », Études ethniques<br />

au <strong>Canada</strong> / Canadian Ethnic Studies, vol. 35, p. 99-117.<br />

———. 1996. « Justice for All? Race and Perceptions of Bias<br />

in the Ontario Criminal Justice System – A Toronto Survey »,<br />

Revue canadienne de criminologie / Canadian Journal of<br />

Criminology, vol. 38, p. 439-467.<br />

Nos diverses cités 65


Repenser le <strong>Canada</strong> : nouvelles<br />

perspectives sur la citoyenneté<br />

et le rôle des minorités *<br />

MARC ARNAL<br />

University of Alberta, Campus Saint-Jean<br />

66 Nos diverses cités<br />

Avant de prétendre pouvoir comprendre le<br />

positionnement social et les défis des commu -<br />

nautés francophones de l’Alberta, il est utile de se<br />

pencher sur l’évolution de notre conception de la<br />

citoyenneté au <strong>Canada</strong>. Cette réflexion m’apparaît<br />

comme étant une étape incontournable dans<br />

l’étude de tout groupe au <strong>Canada</strong>. Le cadre qui me<br />

semble le mieux convenir à cette compréhension<br />

est l’approche des « valeurs canadiennes » élaborée<br />

dans les années 1980.<br />

Retraçons d’abord les origines de cette approche.<br />

En 1999, la Fédération des commu nautés franco -<br />

phones et acadienne du <strong>Canada</strong> (FCFA) lançait son<br />

projet Dialogue, une vaste consultation populaire<br />

tenue aux quatre coins du pays par l’entremise<br />

d’audiences publiques et de rencontres ciblées. Les<br />

quatre commissaires chargés de ce projet avaient<br />

comme mandat de faire un état des lieux de nos<br />

communautés et d’analyser les liens entre les<br />

communautés minoritaires de langue française et<br />

les autres com po santes de la société canadienne,<br />

notamment les peuples autochtones (Premières<br />

nations, Inuits et Métis), les francophones du<br />

Québec dont nous nous étions éloignés pendant<br />

les épisodes constitutionnels qui se sont succédés,<br />

les commu nautés ethnoculturelles (d’expression<br />

française ou anglaise, selon leur principale langue<br />

* Cet article est fondé sur une allocution prononcée à Terre-Neuveet-Labrador<br />

par l’auteur dans le cadre d’un événement organisé<br />

par le Conseil canadien sur l’apprentissage, en juin 2008.<br />

Le premier de ces constats a été que les années de revendication<br />

de nos droits linguistiques nous avaient rendus insulaires<br />

et nous avaient mis sur la défensive face aux autres et que<br />

notre rapport à notre propre langue était souvent difficile.<br />

officielle d’usage) et la population anglophone<br />

dans toute sa complexité.<br />

Comme c’est souvent le cas, en allant à la<br />

rencontre des autres nous avons découvert des<br />

choses sur nous-mêmes. Le premier de ces constats<br />

a été que les années de revendication de nos droits<br />

linguistiques nous avaient rendus insulaires et<br />

nous avaient mis sur la défensive face aux autres<br />

et que notre rapport à notre propre langue était<br />

souvent difficile. Il s’agissait là de vestiges de<br />

l’ancien <strong>Canada</strong>, celui de mon enfance où il était<br />

interdit d’apprendre notre langue dans les écoles<br />

publiques (jusqu’en 1957 au Manitoba, plus tard<br />

même en Alberta), où les peuples autochtones<br />

étaient méprisés, où les langues autres que celle de<br />

la majorité n’étaient pas tolérées. Ce <strong>Canada</strong> a fait<br />

des victimes. Couture (2008) décrit sa principale<br />

conséquence comme : « une profonde insécurité<br />

qui mine les efforts de développement ».<br />

Ce premier constat d’insécurité nous a mené<br />

à une seconde observation : nous n’étions pas les<br />

seuls à nous sentir isolés et marginalisés, à souffrir<br />

d’un complexe de minorité. Aussi avons-nous<br />

constaté qu’il n’y avait aucun lien, aucune unité<br />

entre tous ces groupes, aucune vision rassem -<br />

bleuse. Nous nous sommes alors dit qu’il fallait<br />

repenser les assises de notre participation à partir<br />

de concepts unificateurs et inclusifs où tous<br />

et toutes pourraient s’identifier avec dignité au<br />

sein de leur groupe mais aussi à l’ensemble de<br />

la société. À ce propos, rappelons le rapport


Dialogue de 2002, qui inspire présen tement les<br />

travaux de la Fondation canadienne pour le<br />

dialo gue des cultures, responsable des Rendezvous<br />

de la Francophonie et de la parti cipation<br />

franco phone aux Jeux de Vancouver en 2010.<br />

La page 38 du rapport présente notre approche<br />

sous la rubrique « Pour une vision de la société<br />

canadienne ».<br />

La citoyenneté, élément de solidarité de premier<br />

ordre, peut être définie de différentes façons.<br />

Elle est influencée par des réalités historiques,<br />

linguistiques, géographiques, sociopolitiques,<br />

juridiques, économiques et autres.<br />

À la lumière des constats qu’il a dressés au<br />

cours de sa tournée nationale, le groupe de<br />

travail propose une vision de la société cana -<br />

dienne axée sur trois principes interdépendants,<br />

soit l’équité, la diversité et la communauté.<br />

Respecter le principe de l’équité, c’est offrir<br />

à chaque citoyen et citoyenne de la société<br />

canadienne toutes les chances possibles afin<br />

qu’ils parviennent à des résultats égaux,<br />

peu importe leurs conditions.<br />

Appuyer le principe de la diversité, c’est<br />

reconnaître que l’interaction entre les diverses<br />

composantes d’une société entraîne de meilleurs<br />

résultats. C’est aussi encourager l’idée que<br />

différentes perspectives permettent une prise de<br />

décision plus juste et éclairée dans le respect des<br />

spécificités raciales, linguistiques, culturelles,<br />

religieuses, régionales, etc. Au <strong>Canada</strong>, la<br />

diversité est ancrée dans la Constitution,<br />

notamment par les articles traitant des<br />

langues officielles, du multiculturalisme et des<br />

peuples autochtones.<br />

La communauté, c’est la cohabitation de la<br />

diversité et de l’équité. C’est adhérer en tant que<br />

citoyen et citoyenne à des valeurs sociales<br />

communes et assumer ses responsabilités indi -<br />

viduelles et collectives en contribuant au déve -<br />

loppement de la société canadienne 1 . Le principe<br />

de la communauté est en redéfinition constante.<br />

Pour nous, de la communauté nationale<br />

francophone, être citoyen canadien, c’est<br />

vivre pleinement notre francophonie dans le<br />

respect et l’ouverture aux autres, tout en étant<br />

conscient que les langues officielles sont un<br />

gage de l’identité canadienne.<br />

1<br />

Un membre québécois du groupe Dialogue, Germain Desbiens,<br />

préférait le terme « solidarité ».<br />

Cette interprétation n’était pas nouvelle :<br />

de fait, elle avait d’abord été formulée dans<br />

les années 1980 au Secrétariat d’état du <strong>Canada</strong><br />

par le ministre de l’époque, David Crombie.<br />

Pendant son mandat comme Secrétaire d’État,<br />

le ministre Crombie a intégré la « société juste »<br />

de Trudeau et la panoplie de programmes<br />

d’action sociale qui en a découlé – la plupart<br />

relevant du Secrétariat d’État – en une vision<br />

simple et intelligible des valeurs canadiennes.<br />

Cette vision a eu pour effet de renverser le vieux<br />

modèle de conformité à la majorité. Le modèle<br />

de Crombie est celui qui a été adopté dix ans plus<br />

tard par le groupe de travail Dialogue.<br />

En 1988, le ministre Crombie était à Edmonton<br />

pour présenter les nouvelles reconnaissances<br />

de citoyenneté, et comme à son habitude, il a<br />

annoncé qu’il « ne pourrait pas lire l’excellent<br />

discours préparé par mon Ministère » parce qu’il<br />

avait oublié ses lunettes. Nous étions prêts et<br />

nous avons enregistré ses remarques. Il décrivait<br />

ainsi l’approche :<br />

[Traduction]<br />

Chaque fois que notre pays a essayé de<br />

s’expliquer à lui-même, ça n’a été possible que<br />

de deux façons : soit par une compréhension<br />

de notre géographie et ses répercussions sur<br />

nous, soit par les valeurs.<br />

Nous sommes [en 1988] dans un processus<br />

d’élaboration de projets de loi dans trois<br />

domaines : le multiculturalisme, les langues<br />

offi cielles et la citoyenneté. Ce sont trois lois<br />

très importantes et très complexes qui<br />

déter mineront en grande mesure la toile de<br />

fond pour le développement du <strong>Canada</strong> au<br />

21e siècle. Les lois elles-mêmes seront peut-être<br />

complexes, mais leurs fondements ne le sont<br />

pas. Toutes trois – le multiculturalisme, les<br />

langues officielles et la citoyenneté – partagent,<br />

en effet, les trois mêmes principes fondamen -<br />

taux, soit les principes d’égalité, de diversité et<br />

de communauté.<br />

L’égalité. Chacun, sans exception, a le droit<br />

d’être inclus dans le cercle canadien. Chacun<br />

a le droit de se trouver en terre canadienne, que<br />

ce soit depuis sept générations, 107 générations<br />

ou sept ans. L’égalité est un principe fonda -<br />

mental de notre pays.<br />

La diversité. Dieu sait que nous avons de la<br />

diversité dans ce pays. Si quiconque vous<br />

dit qu’il y a une différence entre le multi -<br />

culturalisme et deux langues officielles,<br />

Nos diverses cités 67


Bien que je citerai la Charte canadienne des droits et libertés<br />

comme contribution importante à l’actualisation de cette vision,<br />

je crois qu’elle est incomplète en ce sens qu’elle ne reconnaît<br />

pas le caractère linguistique du Québec.<br />

68 Nos diverses cités<br />

j’affirmerai que tous deux s’abreuvent à la<br />

même source. Et cette source, c’est la diversité.<br />

Si nous ne respectons pas la diversité d’autrui,<br />

notre capacité de vivre en harmonie sera<br />

diminuée à travers le monde.<br />

La communauté. Je ne peux m’imaginer aucun<br />

principe qui ne soit plus important, à long<br />

terme, que le suivant : les êtres humains ont<br />

tous besoin d’attaches. La communauté, c’est<br />

le contexte, la matière au sein de laquelle<br />

les personnalités humaines sont développées.<br />

Mais rien n’est acquis. Nous avons besoin<br />

de gens qui comprennent qu’égalité, diversité<br />

et communauté doivent être assurées à<br />

coup d’efforts et de travail acharné. Il y a des<br />

gens dans chacune de nos communautés<br />

qui sont prêts à consentir les efforts requis<br />

pour atteindre ces objectifs. Il n’existe aucune<br />

citoyenneté au monde comme la citoyenneté<br />

canadienne. Il n`y aucun pays au monde qui<br />

offre des valeurs où la liberté est fondée sur<br />

l’équité, la diversité et la communauté.<br />

Ces mots ont servi d’inspiration pour Dialogue<br />

et ils continuent d’inspirer le travail de<br />

plusieurs associations francophones au pays.<br />

Avant de passer aux applications concrètes,<br />

explorons un peu plus avant le concept de<br />

« valeurs canadiennes ».<br />

Bien que je citerai la Charte canadienne des<br />

droits et libertés comme contribution importante<br />

à l’actualisation de cette vision, je crois qu’elle<br />

est incomplète en ce sens qu’elle ne reconnaît<br />

pas le caractère linguistique du Québec et<br />

la nécessité de mesures spéciales favorisant<br />

le développement de ce caractère, en tenant<br />

compte du contexte minoritaire nord-américain.<br />

Le Québec a refusé de signer la Charte, avec<br />

raison, je crois. La récente reconnaissance<br />

du Québec comme nation est un pas en avant,<br />

mais cela n’intègre toujours pas le Québec<br />

à la Constitution. Nonobstant, l’Article 15, la<br />

clause d’égalité, et la Section 1, la clause modé -<br />

ratrice, nous aident à actualiser l’égalité (ou<br />

l’équité). Aucun droit n’est absolu et il est<br />

possible d’utiliser des moyens asymétriques<br />

pour atteindre des résultats équitables. La<br />

Section 1 fait preuve de grand respect rela -<br />

tivement à la notion de liberté qui nous était<br />

enseignée au cours classique, c’est-à-dire<br />

« l’accep tation volontaire de contraintes raison -<br />

nables pour le bien commun ». La diversité est<br />

enchâssée dans les clauses sur la dualité<br />

linguistique, le pluralisme culturel et les droits<br />

autochtones. Ces trois reconnaissances sont<br />

l’essence même de notre engagement à l’endroit<br />

de la diversité. Bien qu’il y ait une dimension<br />

« dignité » à la diversité, il y a aussi une<br />

dimension « apprentissage ».<br />

Un modèle dynamique comme le nôtre est à la<br />

fois simple dans chacune de ses parties et<br />

complexe dans son fonctionnement. C’est sans<br />

doute plus facile de comprendre des balises<br />

claires et immuables comme c’est le cas dans<br />

la plupart des pays, que de vivre avec des<br />

principes qui occasionnent des réévaluations et<br />

reconfigurations constantes. Certes, nous avons<br />

des principes absolus, même s’ils ne sont pas<br />

énoncés comme tels : la démocratie repré -<br />

sentative, la non-violence. Mais le <strong>Canada</strong> est<br />

davantage un processus qu’un absolu ». C’est en<br />

ces termes que Michel Bastarache, juge de la<br />

Cour Suprême du <strong>Canada</strong>, faisait une distinction<br />

importante récemment en parlant de l’évolution<br />

des droits linguistiques au <strong>Canada</strong>. Il faisait la<br />

distinction entre une valeur assumée et une<br />

valeur qu’on accommode. Selon lui, lorsqu’une<br />

valeur est assumée, elle est intégrée à la fibre<br />

même de l’entité qui l’a intégrée et il n’y a plus<br />

de problème dans son application. Il citait son<br />

récent jugement sur les services en français<br />

par la GRC au Nouveau-Brunswick.« J’ai été<br />

heureux, disait-il, de pouvoir affirmer les droits<br />

au service en français mais triste de devoir<br />

encore le faire. » Paul Dubé, professeur à la<br />

University of Alberta, parlait récemment<br />

d’inclusion et de transculturalité : « Quand on<br />

parle d’inclusion, on vise à construire entre<br />

(les cultures) une relation convenable régulée<br />

permettant d’accéder à un nouveau plan :<br />

celui d’une formation unitaire harmonieuse<br />

transcendant leurs différences sans les évacuer ».


Ce n’est plus de l’assimilation, ni même de<br />

l’accommodement.<br />

Vous l’avez sans doute compris, cette façon de<br />

voir change sensiblement le rôle des minorités<br />

dans une société. En effet, ce sont ces éléments<br />

d’altérité qui provoquent la discussion et l’évo -<br />

lution de notre société vivante. Ainsi, de les voir<br />

simplement comme un problème d’accom -<br />

modement est très réducteur et peu conforme<br />

aux valeurs canadiennes. Regret tablement,<br />

plusieurs groupes minoritaires au <strong>Canada</strong><br />

ont été socialisés à ces perceptions négatives<br />

d’eux-mêmes.<br />

Dans la société que nous visons à créer,<br />

la diversité est vue comme un capital social<br />

important qui peut placer le <strong>Canada</strong> à l’avantplan<br />

de la société mondialisée dans laquelle nous<br />

vivions. La diversité engendre de nouvelles<br />

sources d’idées, d’attitudes, de visions, de<br />

perspectives, de défis et de possibilités. Les<br />

pratiques culturelles et les dialogues qui les<br />

entourent ne sont pas seulement des moyens de<br />

protéger de vieilles compréhensions mais aussi<br />

une façon d’introduire de nouvelles façons de<br />

comprendre. Ceci rappelle les propos de Paul<br />

Chartrand lors d’une conférence sur les relations<br />

francophones-métisses qui se tenait récemment<br />

à la University of Regina : « L’histoire, de dire<br />

le professeur, est un bon enseignant mais un<br />

mauvais maître. » Les conditions nécessaires<br />

à notre dialogue national sont l’ouverture<br />

culturelle, des institutions sociales appropriées et<br />

une capacité collective de dialogue démocratique<br />

et de débat. Notre vision du <strong>Canada</strong> en est une<br />

d’une société culturellement réseautée, une société<br />

diversifiée où l’apprentissage entre cultures est<br />

une capacité citoyenne et un but personnel.<br />

Tournons-nous maintenant du côté de la<br />

communauté francophone en Alberta. Le dernier<br />

recensement y a identifié 67 000 francophones de<br />

langue maternelle, soit 2 % de la population de<br />

la province, et 225 000 locuteurs du français,<br />

soit 7 %. À présent il y a 33 000 étudiants en<br />

immersion française, 5 000 dans les écoles franco -<br />

phones et 700 au Campus Saint-Jean (dont 65 %<br />

de langue maternelle anglaise). Les taux de<br />

mariages exogames, où un conjoint n’est pas de<br />

langue maternelle française, dépassent les 80 %.<br />

De récentes migrations de refugiés d’Afrique en<br />

provenance du Québec, leur destination initiale,<br />

augmentées par une immigration directe gran -<br />

dissante ont changé le profil racial et religieux des<br />

communautés francophones. Dans une école<br />

francophone à Edmonton, la vaste majorité des<br />

étudiants sont des « nouveaux arrivants », dont<br />

plusieurs d’origine africaine et on assiste à<br />

l’émergence d’une communauté francophone à<br />

Brooks où il n’y avait aucune francophonie<br />

jusqu’à tout récemment.<br />

Ces réalités démographiques ont remis en<br />

cause la façon dont se perçoit la communauté<br />

francophone traditionnelle de l’Alberta, largement<br />

de race blanche, catholique et d’origine albertaine<br />

de parents francophones, à tel point qu’il y a<br />

de moins en moins de ces francophones « de<br />

souche ». Ces changements remettent aussi en<br />

question les notions traditionnelles d’identité.<br />

En exemple, si un de nos étudiants au Campus<br />

Saint-Jean écrit un poème en français, devrait-on<br />

d’abord vérifier sa généalogie avant de l’inclure<br />

au corpus des productions culturelles de la<br />

francophonie albertaine ? Cette question ne se<br />

pose presque plus, heureusement. La notion<br />

d’une identité mono lithique et unidimensionnelle<br />

devient absurde dans le contexte d’aujourd’hui. Je<br />

suis marié à une femme du Panjab et nos enfants<br />

ont décidé qu’ils étaient Canadien-français. Notre<br />

aîné parle le japonais et il s’identifie lui-même<br />

comme Canadien-français, Indo-Canadien et un<br />

peu japonais, bien que ses parents n’aient aucun<br />

lien avec le Japon ou sa culture. Il est hindou et<br />

il valorise l’ouverture de cette foi aux autres<br />

religions, y compris le catholicisme de son père.<br />

L’idée qu’un petit groupe puisse définir la<br />

norme culturelle d’une communauté de langue<br />

officielle me semble impensable en regard des<br />

valeurs canadiennes. D’ailleurs, lors d’une visite<br />

au Campus Saint-Jean en 2006, l’Ambassadeur<br />

de France au <strong>Canada</strong> s’adressait à un groupe<br />

d’aînés francophones : « Vous avez réussi à faire<br />

vivre le français dans des circonstances très<br />

difficiles. Aujourd’hui, c’est une langue inter -<br />

nationale et bien qu’elle ait été développée en<br />

France, elle s’est adaptée à différents accents au<br />

point où elle n’appartient plus à la France mais à<br />

toute personne qui la parle ou qui y est attachée. »<br />

Aussi, la distinction entre développement<br />

culturel et patrimoine culturel me paraît impor -<br />

tante. Horst Schmid, ancien ministre de la<br />

Culture de l’époque Lougheed, disait qu’il valait<br />

mieux parler de patrimoine culturel que de<br />

multiculturalisme parce que chacun possède un<br />

patrimoine culturel, voire plusieurs. Les commu -<br />

nautés francophones ont de la difficulté à<br />

effectuer ce virage qui privilégierait le dévelop -<br />

pement au patrimoine. Les couples exogames,<br />

surtout dans les situations où les parents sont<br />

très différents, ont peut-être une plus grande<br />

Nos diverses cités 69


70 Nos diverses cités<br />

tendance vers l’ouverture, du fait qu’ils ne<br />

s’attendent pas à ce que leurs enfants leur<br />

ressemblent en tous points.<br />

De toute façon, il est encourageant de constater<br />

que nos collectivités évoluent vers une plus<br />

grande ouverture et une plus grande inclusion,<br />

à l’image de leur volonté croissante de tisser<br />

des liens avec d’autres groupes qui font, à leur<br />

manière, la promotion des valeurs canadiennes.<br />

À propos de l’auteur<br />

MARC ARNAL est doyen du Campus Saint-Jean de la<br />

University of Alberta depuis 2003. Auparavant, il a occupé,<br />

de 1993 à 2003, le poste de gestionnaire du personnel à la<br />

Alberta Teachers’ Association, après avoir travaillé pendant<br />

18 ans pour le gouvernement du <strong>Canada</strong>, au Secrétariat<br />

d’État. Il est coprésident du Comité directeur national<br />

sur l’immigration en milieu minoritaire francophone<br />

et acadien et président de la Fondation canadienne<br />

pour le dialogue des cultures. Il siège aussi au conseil<br />

d’administration de la Mahatma Gandhi Canadian<br />

Foundation for World Peace.<br />

Immigration et diversité au sein<br />

des communautés francophones<br />

en situation minoritaire<br />

<strong>Numéro</strong> thématique de<br />

Thèmes canadiens / Canadian Issues<br />

Références<br />

Couture, C. 2008. « Avenirs des minorités de langues<br />

officielles », Thèmes canadiens / Canadian Issues (été),<br />

p. 44-49.<br />

Crombie, D. 1987. Discours prononcé le 11 novembre 1987<br />

à l’occasion de la première cérémonie de citoyenneté à<br />

Edmonton, Alberta.<br />

Dubé, P. 2003. Pour une nouvelle symbolique francophone :<br />

la construction d’une idée interculturelle. Texte soumis.<br />

Fédération des communautés canadiennes et acadienne du<br />

<strong>Canada</strong> (FCFA). 2002. Parlons-nous. Rapport du groupe de<br />

travail Dialogue.<br />

Le projet <strong>Metropolis</strong> et l’Association d’études canadiennes ont<br />

produit un numéro thématique de Thèmes canadiens portant<br />

sur l’immigration et la diversité dans les communautés<br />

franco phones en milieu minoritaire. Ce numéro (printemps 2008)<br />

présente différentes façons d’aborder l’immigration franco -<br />

phone et la diversité au <strong>Canada</strong>. Depuis une dizaine d’années, les<br />

communautés francophones en milieu minoritaires ont désigné ces questions comme<br />

vitales à leur développement économique, social et culturel. Ce numéro comporte une<br />

introduction de Chedly Belkhodja de l’Université de Moncton, ainsi qu’une trentaine<br />

d’articles signés par des responsables des politiques, des chercheurs et des organisations<br />

non gouvernementales spécialisés dans ce domaine.<br />

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Cet article traite de l’expérience vécue par la ville de Brandon, au Manitoba, suite à l’arrivée<br />

de travailleurs étrangers temporaires embauchés par une usine de transformation du porc.<br />

Puisque les travailleurs étrangers temporaires peuvent s’inscrire au Programme des<br />

candidats des provinces au Manitoba, les fournisseurs de services locaux doivent gérer les<br />

répercussions d’une population de nouveaux arrivants « plus permanente que prévu ».<br />

Quand temporaire<br />

devient permanent<br />

Les incidences des travailleurs étrangers temporaires<br />

et de la diversité croissante à Brandon, au Manitoba<br />

JILL BUCKLASCHUK, ALISON MOSS ET ROBERT C. ANNIS<br />

Rural Development Institute, Brandon University<br />

Créés pour répondre à la pénurie de maind’œuvre<br />

qui touche divers secteurs dans tout<br />

le <strong>Canada</strong>, les programmes d’immigration<br />

temporaire administrés par le gouvernement<br />

fédéral 1 offrent aux employeurs la possibilité<br />

d’embaucher des travailleurs étrangers. Cette<br />

solution provisoire à un problème généralisé<br />

suscite la controverse, notamment à cause de la<br />

hausse marquée du nombre total de travailleurs<br />

étrangers temporaires (TET) au <strong>Canada</strong> : en 2007,<br />

leur nombre atteignait 115 470, soit une hausse<br />

de 19 % par rapport à l’année précédente (CIC,<br />

2008). Le débat sur la migration temporaire<br />

tourne souvent autour du risque de dépendance<br />

associé à de tels programmes, ainsi que de la<br />

vulnérabilité des étrangers qui sont recrutés et<br />

embauchés pour travailler temporairement au<br />

<strong>Canada</strong> (Gibb, 2007; Hennebry, 2001). Le présent<br />

article s’intéresse plutôt à l’incidence des besoins<br />

en main-d’œuvre sur la collectivité ainsi qu’aux<br />

répercussions de l’embauche et de l’établis -<br />

sement de TET à l’extérieur des grandes régions<br />

urbaines. Il est question ici des TET qui arrivent<br />

dans le cadre du Projet pilote relatif aux<br />

1 Pour de plus amples renseignements sur les programmes<br />

d’immigration temporaire du <strong>Canada</strong> : .<br />

professions exigeant un niveau réduit de<br />

formation (niveaux C et D du Code national des<br />

professions), aussi appelé le Projet pilote pour<br />

les travailleurs peu spécialisés 2 . Administré et<br />

exécuté par Citoyenneté et Immi gration <strong>Canada</strong><br />

(CIC) conjointement avec Ressources humaines<br />

et Développement des compétences <strong>Canada</strong><br />

(RHDCC), le projet pilote propose aux employeurs<br />

un processus d’embauche accéléré pour combler<br />

temporairement la pénurie de travailleurs.<br />

Sont présentées ici les répercussions de l’arrivée<br />

massive de TET à Brandon, et les expériences<br />

vécues par cette petite ville rurale située dans<br />

le sud-ouest du Manitoba. La croissance écono -<br />

mique, l’expansion de certaines industries comme<br />

la Maple Leaf Foods et la pénurie de maind’œuvre<br />

qui en découle dans les professions peu<br />

spécialisées ont incité les employeurs à revoir<br />

leurs pratiques de recrutement et d’embauche :<br />

ils n’hésitent pas à recruter à l’étranger lorsque<br />

les réserves locales, provinciales et nationales<br />

ne répondent pas à leurs besoins en travailleurs.<br />

2 Ce programme vise les professions qui, habituellement, ne<br />

nécessitent tout au plus qu’un diplôme d’études secondaires<br />

ou un maximum de deux ans de formation liée à l’emploi aux<br />

termes de la Classification nationale des professions (CNP) et<br />

qui sont classées dans les niveaux de compétence C ou D de<br />

cette classification.<br />

Nos diverses cités 71


L’administration municipale et la collectivité ont la responsabilité de<br />

reconnaître les problèmes et les changements sociaux qui y sont associés<br />

et de s’y préparer, sans quoi les retombées positives seront réduites.<br />

72 Nos diverses cités<br />

À Brandon même, la croissance démographique<br />

et économique apporte son lot de difficultés :<br />

pénurie de logements, problèmes de traduction<br />

et pressions sur les écoles et l’infra structure<br />

publique. L’arrivée d’un grand nombre de TET à<br />

Brandon est un phénomène relativement récent<br />

dont on ne connaît pas encore tous les effets.<br />

L’administration locale et les intervenants<br />

commu nautaires doivent mener une action<br />

proactive concertée afin de mettre en œuvre des<br />

stratégies et des plans en réponse aux problèmes<br />

présents et futurs.<br />

Contexte<br />

La province du Manitoba est reconnue pour<br />

l’excellence de ses stratégies en matière<br />

d’intégration et d’établissement des immigrants.<br />

Avec 10 955 immigrants arrivés en 2007, le<br />

Manitoba accueille 4,6 % de tous les immigrants<br />

au <strong>Canada</strong>. Première province à adopter et à<br />

utiliser le Programme des candidats des provinces,<br />

le Manitoba a su promouvoir efficacement le<br />

programme comme mécanisme permettant<br />

d’attirer des immigrants. Quelque 70 % de tous les<br />

immigrants arrivent dans le cadre du Programme<br />

des candidats de la province.<br />

Si les candidats de la province forment la<br />

majorité des immigrants accueillis par le<br />

Manitoba, la province a récemment enregistré<br />

une hausse du nombre de TET. Le nombre<br />

d’arrivées dans cette catégorie a plus que doublé<br />

en quatre ans, passant de 1 426 en 2003 à 2 878<br />

en 2007. Fait à noter, 45 % de tous les TET qui<br />

arrivent dans la province s’installent dans<br />

des collectivités autres que Winnipeg (Travail<br />

et Immigration Manitoba, 2008). Les TET se voient<br />

offrir la possibilité de demander le statut de<br />

candidat de la province après avoir travaillé dans<br />

la province pendant six mois, ce qui va à<br />

l’encontre des principes fondamentaux d’un<br />

programme d’immigration « temporaire ». Au<br />

Manitoba, cette catégorie d’immigrants est<br />

considérée comme une source de résidents<br />

permanents, contribuant ainsi aux niveaux<br />

d’immigration annuels de la province.<br />

Deuxième ville en importance au Manitoba<br />

et centre de services pour la région agrorurale<br />

environnante, Brandon connaît une période de<br />

croissance démographique. Selon les données du<br />

Recensement, la population est passée de 39 716<br />

à 41 511 habitants depuis 2001. La population<br />

de Brandon est, dans l’ensemble, ethniquement<br />

homogène, sa vaste majorité étant originaire des<br />

îles Britanniques (48 %) ou d’Europe (36 %). La<br />

plupart des personnes qui résident à Brandon ne<br />

sont pas des immigrants récents; au Recensement<br />

de 2006, 2 695 personnes ont déclaré un statut<br />

de première génération, tandis que 25 355 ont<br />

déclaré un statut de troisième génération ou plus.<br />

Peu d’entre eux ont déclaré un statut de minorité<br />

visible, mais on observe une légère hausse : au<br />

Recensement de 2001, 2 % de la population de<br />

Brandon avait déclaré être membre d’une minorité<br />

visible tandis qu’en 2006, ce nombre avait<br />

augmenté à 4 % (Statistique <strong>Canada</strong>, 2007).<br />

Parallèlement à cette croissance, la population<br />

de Brandon se diversifie sur le plan ethnique.<br />

Le taux d’immigration dans cette ville était jadis<br />

faible, mais cette tendance change elle aussi. En<br />

2007, Brandon a affiché la plus forte croissance de<br />

l’immigration au Manitoba, avec 642 nouveaux<br />

arrivants – environ trois fois plus qu’en 2006,<br />

quand leur nombre se situait à 172. Selon<br />

l’unique fournisseur de services aux immigrants à<br />

Brandon, les derniers résultats de fin d’exercice<br />

montrent que 205 nouveaux dossiers, repré -<br />

sentant des immigrants de 33 pays, ont été<br />

ouverts entre avril 2006 et mars 2007. Cette<br />

augmentation place maintenant Brandon au<br />

troisième rang des destinations de choix pour les<br />

immigrants au Manitoba, derrière Winnipeg et<br />

Winkler (Travail et Immigration Manitoba, 2008).<br />

L’un des principaux facteurs contribuant à ces<br />

changements démographiques est l’arrivée de TET<br />

embauchés par Maple Leaf Foods, usine de<br />

transformation du porc située à Brandon. Après<br />

une première tentative pour recruter et embaucher<br />

des résidants locaux, la direction de Maple Leaf<br />

Foods a dû utiliser d’autres méthodes pour<br />

combler son besoin criant de main-d’œuvre. En<br />

2001, l’entreprise menait sa première campagne<br />

de recrutement à l’étranger auprès de travailleurs<br />

du Mexique, et elle continue d’embaucher<br />

des travailleurs étrangers dans le cadre du


FIGURE 1<br />

Arrivées de travailleurs étrangers temporaires (TET) et nombre estimé d’arrivées<br />

de membres de la famille, 2002 à 2011<br />

6 000<br />

5 000<br />

4 000<br />

3 000<br />

2 000<br />

1 000<br />

0<br />

Nombre total<br />

d’arrivées de TET<br />

Programme pour les travailleurs peu spécialisés.<br />

Ces efforts se sont traduits par l’arrivée d’un<br />

millier de TET. Sur les 1 700 employés de l’usine<br />

de Brandon, 60 % sont des travailleurs étrangers<br />

(Boeve et Annis, 2008). L’usine emploie actuel -<br />

lement 939 travailleurs étrangers originaires du<br />

Mexique, d’El Salvador, d’Ukraine, de la Chine, de<br />

la Colombie et de l’île Maurice.<br />

On estime que plus de la moitié des TET<br />

employés par Maple Leaf Foods se sont vu<br />

accorder le statut de candidat de la province,<br />

tandis que les autres sont en voie de l’obtenir.<br />

Lorsqu’ils obtiennent ce statut, de 12 à 18 mois<br />

après leur arrivée, les TET peuvent faire venir des<br />

membres de leur famille au <strong>Canada</strong>. Au cours de<br />

la prochaine année, plus de 2 100 personnes<br />

devraient arriver à Brandon à titre de membres de<br />

la famille, et on estime que 3 953 personnes<br />

(enfants et conjoints) viendront au <strong>Canada</strong> d’ici<br />

2011 (Economic Development Brandon, 2008). À<br />

la lumière de ces estimations, la ville de Brandon<br />

peut s’attendre à un ajout stupéfiant de 5 692<br />

nouveaux résidants d’ici 2011 (voir la Figure 1), ce<br />

qui représente une augmentation de près de 14 %<br />

par rapport à la population totale actuelle. Les<br />

Nombre réel et anticipé d’arrivées<br />

de TET et de familles<br />

2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011<br />

répercussions sur la collectivité et son profil<br />

démographique seront énormes, augmentant la<br />

diversité et amenant de nouvelles difficultés.<br />

Les problèmes posés par une<br />

diversité croissante<br />

En dépit des six années d’expérience de Maple<br />

Leaf Foods dans le recrutement de travailleurs<br />

étrangers et les processus normalisés de prépa -<br />

ration avant leur arrivée et leur établissement,<br />

maints problèmes demeurent. Dans les mois et les<br />

années à venir, alors que beaucoup de membres<br />

de la famille de ces travailleurs arriveront dans<br />

la collectivité, d’autres difficultés surviendront<br />

immanquablement. Ces personnes auront<br />

des besoins en services très différents, qui<br />

exacerberont la pression sur le milieu scolaire,<br />

les soins de santé, le secteur du logement et les<br />

services de garde. Les TET ne sont pas des<br />

immigrants en tant que tels; néanmoins, dans<br />

le contexte du Manitoba, ils peuvent être<br />

considérés comme des travailleurs étrangers<br />

« transitoires », du fait que le statut temporaire<br />

n’est qu’une étape du processus menant à la<br />

résidence permanente. Les membres de leur<br />

Nos diverses cités 73


Puisque les programmes pour les travailleurs étrangers temporaires sont<br />

considérés officiellement comme des programmes temporaires, il peut être<br />

difficile d’amener les intervenants communautaires et l’administration<br />

municipale à reconnaître la nécessité de planifier l’avenir et à s’apercevoir<br />

que le statut temporaire peut déboucher sur la résidence permanente.<br />

74 Nos diverses cités<br />

famille, par contre, viennent en qualité d’immi -<br />

grants. Ainsi, les discussions sur l’établissement<br />

et le maintien des immigrants dans la province<br />

peuvent être utiles et pertinentes lorsqu’on<br />

s’intéresse aux difficultés associées à l’éta -<br />

blissement des TET et de leur famille. Les<br />

problèmes qui se posent à Brandon rappellent<br />

ceux qu’ont dû surmonter d’autres collectivités<br />

d’accueil non traditionnelles (Bruce et Lister,<br />

2005; Silvius et Annis, 2005).<br />

Prestation de services aux immigrants<br />

Dans les collectivités qui accueillent des TET, il<br />

arrive souvent qu’on ne sache pas qui assure ou<br />

devrait assurer la prestation de services aux<br />

nouveaux arrivants. Cette situation se traduit<br />

souvent par des dédoublements et des lacunes<br />

dans la prestation des services et des programmes.<br />

De plus, dans les régions rurales, l’accès aux<br />

services est déficient, les organismes d’aide<br />

aux immigrants étant limités ou inexistants et<br />

les collectivités ethnoculturelles établies, peu<br />

nombreuses. Brandon compte un fournisseur<br />

de services aux immigrants qui, jusqu’à tout<br />

récemment, avait comme seule activité financée la<br />

prestation de services aux résidents permanents.<br />

Reconnaissant le besoin d’appuyer les nouveaux<br />

arrivants ne faisant pas partie des catégories<br />

habituelles, l’administration provinciale a modifié<br />

ses politiques et programmes afin d’y inclure la<br />

prestation de services aux TET, à l’exception des<br />

cours d’anglais langue additionnelle (ALA) et<br />

des services de conseil en matière d’emploi. Face<br />

à la population croissante de TET au <strong>Canada</strong>,<br />

les responsables des politiques aux paliers fédéral<br />

et provincial travaillent à concevoir des pro -<br />

grammes, des stratégies et des politiques efficaces<br />

afin de garantir le bien-être de ces étrangers, de<br />

leur famille et de la collectivité 3 .<br />

Logement<br />

Dans le cadre du Programme pour les travailleurs<br />

peu spécialisés, il incombe aux employeurs de<br />

garantir la disponibilité de logements abordables<br />

pour les TET. Maple Leaf Foods s’assure d’avoir<br />

des logements avant l’arrivée des travailleurs et<br />

fixe un loyer raisonnable. Ainsi, heureusement, les<br />

TET n’ont pas à trouver leur propre logement sur<br />

le marché locatif saturé de Brandon. Sous l’effet<br />

combiné d’une forte demande et d’une faible offre<br />

de nouveaux logements, Brandon a enregistré en<br />

2007 le taux d’inoccupation le plus faible (0,2 %)<br />

de la province (Société canadienne d’hypothèques<br />

et de logement, 2007). Le problème de l’itinérance<br />

prend de l’ampleur et la demande auprès des<br />

banques alimentaires et autres organismes<br />

caritatifs est en hausse. Le manque de logements<br />

et la hausse des loyers ont une incidence<br />

néfaste sur les résidants de Brandon, y compris<br />

les étudiants universitaires et les personnes qui<br />

s’établissent en ville en quête d’un emploi. Le<br />

manque de logements abordables à Brandon est<br />

critique, et le problème risque fort d’être exacerbé<br />

par l’arrivée des familles des TET, puisqu’ils auront<br />

besoin d’un logement familial plus grand.<br />

Éducation<br />

Après des années de déclin, le milieu scolaire<br />

de Brandon enregistre une augmentation du<br />

nombre d’inscriptions. Le niveau sans précédent<br />

d’inscriptions aux programmes d’ALA est<br />

particulièrement remarquable. Ce programme<br />

recevait habituellement 50 étudiants en moyenne<br />

par année, et ces enfants provenaient pour la<br />

plupart de familles occupant des emplois plus<br />

spécialisés, possédant donc une connaissance<br />

préalable de l’anglais. Depuis 2005, le milieu<br />

scolaire vit une période d’adaptation et de<br />

transition faisant suite à l’arrivée d’un plus grand<br />

nombre d’élèves qui maîtrisent mal l’anglais. Le<br />

nombre d’écoles offrant un soutien en ALA est<br />

passé de deux à huit, et plus d’écoles ajoutent des<br />

programmes pour répondre à la demande. À ce<br />

3 Face à l’augmentation du nombre de travailleurs étrangers<br />

temporaires dans la province, le gouvernement du Manitoba<br />

a pris l’initiative d’adopter une loi qui protège les travailleurs<br />

vulnérables contre les recruteurs et les employeurs malhonnêtes.<br />

Pour de plus amples renseignements : .


jour, sur un total approximatif de 7 000 élèves,<br />

425 sont inscrits aux cours d’ALA, et 42 % d’entre<br />

eux n’ont qu’une connaissance de base ou limitée<br />

de l’anglais. Un système de préinscription et un<br />

processus d’inscription centralisé ont été mis en<br />

place, et des mesures supplémentaires ont été<br />

prises pour joindre les parents qui ont peut-être<br />

besoin d’une aide supplémentaire. La structure<br />

des modes de financement provinciaux a entraîné<br />

des pénuries de personnel et de ressources dans<br />

le milieu scolaire, problème que vient encore<br />

exacerber une réserve limitée d’enseignants à<br />

Brandon. Dans les années à venir, plus d’étudiants<br />

en ALA sont attendus, ce qui intensifiera encore la<br />

pression sur les ressources.<br />

Soutien linguistique<br />

Le manque de soutien linguistique représente<br />

un facteur d’échec non négligeable dans l’accès<br />

à l’éducation, à la prestation de services et à<br />

l’intégration sociale. Tandis que les TET reçoivent<br />

un certain soutien en ALA par l’entremise de leur<br />

employeur, les membres de leur famille n’ont pas<br />

accès aux mêmes possibilités d’apprentissage<br />

linguistique. L’utilisation d’un interprète pour<br />

prendre rendez-vous avec un médecin ou un<br />

agent bancaire est source de difficultés, de<br />

problèmes de commu nication et de malaises.<br />

En tant que collectivité homogène sur les plans<br />

ethnique et linguistique, Brandon a peu accès aux<br />

services de traduction et a de la difficulté à<br />

répondre aux demandes en communication<br />

multilingue. Dans nombre de cas, les agents<br />

d’établissement s’improvisent traducteurs, ce<br />

qui impose des responsabilités additionnelles<br />

et plus personnelles à des ressources déjà<br />

surchargées. La situation semble toutefois<br />

s’améliorer : des fournisseurs de services dans<br />

un certain nombre de secteurs suivent des<br />

cours d’espagnol et de mandarin et adoptent des<br />

méthodes et des technologies uniques et novatrices<br />

pour communiquer avec les nouveaux arrivants.<br />

Les récompenses d’une diversité croissante<br />

Certes, la croissance de la ville de Brandon pose<br />

d’innombrables difficultés, mais il y a aussi des<br />

aspects positifs à l’afflux de nouveaux arrivants<br />

et à l’accroissement démographique. L’évolution<br />

des caractéristiques démographiques favorise<br />

l’ouver ture et l’intérêt à l’égard de la diversité<br />

culturelle. Par exemple, dans une collectivité où<br />

les restaurants de type familial et les rôtisseries<br />

représentaient la norme, la clientèle peut<br />

aujourd’hui déguster des spécialités japonaises,<br />

indiennes et mexicaines. Les Brandoniens<br />

amateurs de cuisine découvrent des ingrédients<br />

nouveaux et exotiques dans deux épiceries<br />

ethniques – une de spécialité latino-américaine<br />

et l’autre, de spécialité asiatique. De son côté,<br />

le milieu scolaire travaille avec la collectivité afin<br />

d’accroître la sensibilisation aux cultures en<br />

organisant des foires, des événements et des<br />

célébrations sur le thème de la culture. La popu -<br />

lation de Brandon a ainsi été invitée à découvrir<br />

les nouvelles cultures, ethnies et traditions qui<br />

enrichissent maintenant leur collectivité.<br />

Le festival d’hiver du lieutenant-gouverneur,<br />

événement multiculturel qui se tient chaque<br />

année depuis 2003, illustre bien l’ouverture de la<br />

ville de Brandon à la diversité culturelle. Le<br />

carnaval d’hiver connaît du succès depuis ses<br />

débuts et gagne en popularité chaque année. Des<br />

pavillons sont installés un peu partout dans<br />

la ville et des groupes ethnoculturels y font<br />

la démonstration de différentes traditions. Le<br />

carnaval a de profondes répercussions sur<br />

l’ensemble de la collectivité et sur les groupes<br />

ethnoculturels qui y participent. Les organismes<br />

et les communautés ressentent une grande fierté<br />

quand un nombre croissant de participants se<br />

montrent intéressés à connaître leurs traditions<br />

culturelles. Après chaque carnaval, les groupes<br />

ethnoculturels deviennent plus organisés et<br />

poursuivent leur engagement dans la collectivité<br />

de Brandon en participant à des activités de<br />

bienfaisance et à des célébrations culturelles.<br />

Importance de la collaboration et de la<br />

communication dans la collectivité<br />

La présence de l’usine Maple Leaf Foods à<br />

Brandon sera toujours à la fois source d’avantages<br />

et d’inconvénients pour la ville. L’industrie veut<br />

prioritairement combler ses besoins en maind’œuvre<br />

et maintenir sa production; il ne lui<br />

revient pas de s’assurer que la collectivité est<br />

prête à gérer les difficultés qui accompagnent<br />

le développement économique et les fortes<br />

demandes en travailleurs. Heureusement,<br />

l’entreprise Maple Leaf Foods de Brandon fait des<br />

efforts pour s’engager dans la collectivité et établir<br />

une communication efficace avec l’administration<br />

municipale au moyen de consultations avec<br />

les intervenants. Grâce à cette collaboration, la<br />

ville peut se préparer aux nouvelles périodes<br />

de recrutement et faire connaître à d’autres<br />

organisations les processus d’établissement<br />

normalisés établis par la société Maple Leaf Foods.<br />

Une communication continue et renforcée<br />

Nos diverses cités 75


76 Nos diverses cités<br />

entre l’industrie, les fournisseurs de services et<br />

les autorités municipales permettra d’aplanir les<br />

difficultés et d’accroître les retombées positives<br />

de la croissance économique et démographique.<br />

En définitive, c’est la collectivité qui est<br />

directement touchée par la nature des pratiques<br />

de recrutement et d’embauche de l’industrie.<br />

L’administration municipale et la collectivité ont<br />

la responsabilité de reconnaître les problèmes et<br />

les changements sociaux qui y sont associés et<br />

de s’y préparer, sans quoi les retombées positives<br />

seront réduites (Broadway, 2000). Puisque les TET<br />

deviennent des résidents permanents, il est utile<br />

pour les collectivités du Manitoba de voir ces<br />

nouveaux arrivants comme des travailleurs<br />

étrangers « en transition » vers la résidence<br />

permanente. Les collectivités doivent s’organiser<br />

en vue de leur arrivée, notamment en créant des<br />

groupes multilatéraux au niveau communautaire<br />

ou régional pour exploiter toutes les possibilités<br />

liées à l’immigration et concevoir un plan qui<br />

expose les possibilités, les stratégies à mettre en<br />

place et les problèmes à surmonter. De plus, les<br />

dirigeants et les organismes communautaires ont<br />

besoin de formation et de soutien pour pouvoir<br />

encourager le développement des capacités<br />

communautaires, les partenariats, la résolution<br />

des conflits et la prise de décisions. Tous les ordres<br />

de gouver nement et la collectivité doivent<br />

partager la responsabilité de l’établissement et<br />

de l’intégration des nouveaux arrivants (Carter,<br />

Morrish et Amoyaw, 2008).<br />

Un tel mécanisme multilatéral communautaire<br />

de consultation et de participation a justement été<br />

créé après que le Rural Development Institute de la<br />

Brandon University a constaté le besoin de réunir<br />

des représentants de tous les ordres de gouver<br />

nement, de la collectivité, du secteur de la<br />

recherche et de l’industrie pour aborder les<br />

problèmes et le manque de connaissance associés<br />

à l’arrivée et à l’établissement des TET et de leurs<br />

familles. Un groupe de discussion sur les TET se<br />

réunit régulièrement et sert de mécanisme pour<br />

mieux comprendre le Programme pour les TET<br />

tout en créant un cadre ouvert propice à l’échange<br />

d’information entre les fournisseurs de services, les<br />

décideurs, l’industrie et les chercheurs. Le groupe<br />

choisit et aborde des sujets pertinents, et il invite<br />

souvent des conférenciers pour diriger la discus -<br />

sion et orienter le processus d’élaboration des<br />

politiques et programmes ainsi que la recherche.<br />

L’intérêt et la popularité de ce groupe de discussion<br />

augmentent à mesure que la valeur d’une telle<br />

tribune est reconnue par tous les intéressés.<br />

Partout à Brandon, on sent que de plus en<br />

plus d’intervenants reconnaissent l’importance<br />

de regrouper les ressources, de partager les<br />

responsabilités et d’éviter la redondance dans<br />

la prestation des services. Il est essentiel que<br />

les intervenants travaillent en partenariat à la<br />

création et à l’exécution d’une stratégie commu -<br />

nautaire pour l’orientation et l’établissement<br />

des immigrants. Par exemple, le centre de<br />

santé publique de Brandon travaille en étroite<br />

collaboration avec le fournisseur local de services<br />

aux immigrants afin d’appuyer la prestation des<br />

services et des programmes. De plus, une coalition<br />

d’intervenants, qui représentent notamment<br />

l’industrie, a été formée pour se pencher sur les<br />

préoccupations au sujet de l’ALA dans l’ensemble<br />

de la collectivité. L’élimination des obstacles à<br />

l’établissement et à l’intégration des nouveaux<br />

arrivants passe par la collaboration, la commu -<br />

nication et la sensibilisation des intervenants.<br />

Grâce au travail d’équipe et à la coopération, le<br />

partage de l’information et la mise sur pied de<br />

programmes de groupe appuieront la prestation<br />

des services. Une collectivité accueillante, dans<br />

laquelle les nouveaux arrivants se sentent<br />

soutenus et encouragés à participer à la vie<br />

communautaire, peut tirer profit des retombées<br />

d’une croissance économique et démographique<br />

et d’une diversité accrue.<br />

Conclusion<br />

Le phénomène des TET compromet la capacité des<br />

collectivités rurales d’offrir les services requis<br />

aux nouveaux arrivants. Puisque les programmes<br />

pour les TET sont considérés officiellement<br />

comme des programmes temporaires, il peut être<br />

difficile d’amener les intervenants commu -<br />

nautaires et l’administration municipale à<br />

reconnaître la nécessité de planifier l’avenir et<br />

à s’apercevoir que le statut temporaire peut<br />

déboucher sur la résidence permanente. Comme le<br />

montre l’expérience de Brandon, il devient de plus<br />

en plus évident que les TET viennent au <strong>Canada</strong><br />

dans l’intention d’y rester et d’y faire venir leur<br />

famille. L’aspect « transitoire » du Programme pour<br />

les TET se traduit par la présence, à Brandon,<br />

d’une population de nouveaux arrivants qui est<br />

plus permanente que prévu. Les intervenants<br />

commencent à comprendre que les afflux<br />

démographiques récents et la diversité qui en<br />

découle ne sont pas des phénomènes temporaires,<br />

et à mesure que des familles arrivent dans la<br />

collectivité, il devient plus évident que tous les<br />

fournisseurs de services doivent mettre au point


des stratégies pour faire face à une population<br />

grandissante. Ce que Brandon fera dans les années<br />

à venir déterminera si la ville devient un<br />

exemple à suivre ou à éviter. Pour peu qu’ils<br />

soient gérés d’une manière efficace et appropriée,<br />

les fruits de l’immigration et de la diversité<br />

l’emporteront sûrement sur les difficultés.<br />

À propos des auteurs<br />

JILL BUCKLASCHUK est adjointe de recherche au Rural<br />

Development Institute de la Brandon University. Elle<br />

codirige actuellement un important projet de recherche<br />

axé sur l’immigration rurale et les travailleurs étrangers<br />

temporaires à Brandon et dans le sud-ouest du Manitoba.<br />

ALISON MOSS est adjointe de recherche au Rural<br />

Development Institute de la Brandon University.<br />

Ces quatre dernières années, elle a eu l’occasion de<br />

participer activement à divers projets de développement<br />

communautaire en qualité d’adjointe de recherche et<br />

d’interne à l’institut et au ministère du Développement rural.<br />

ROBERT C. ANNIS est directeur du Rural Development<br />

Institute de la Brandon University. Depuis plus de 25 ans,<br />

il participe activement à des initiatives de développement<br />

communautaire menées dans tout le <strong>Canada</strong>. Il a dirigé des<br />

projets de recherche au <strong>Canada</strong>, en Écosse et en République<br />

centrafricaine. Il agit par ailleurs comme consultant auprès<br />

des gouvernements fédéral et provinciaux du <strong>Canada</strong>, ainsi<br />

que pour le compte d’organismes sans but lucratif dans<br />

les domaines de la recherche appliquée, de l’examen des<br />

programmes, de la planification stratégique et de la mise<br />

en valeur des ressources humaines.<br />

Références<br />

Boeve, S., et R. Annis. 2008. « Maple Leaf Foods and the Rural<br />

Development Institute Collaborate to Better Understand the<br />

Recruitment, Settlement, Integration and Future Residency<br />

of Temporary foreign workers in Manitoba », communication<br />

présentée au Conference Board du <strong>Canada</strong>, Table ronde des<br />

dirigeants sur l’immigration, Toronto.<br />

Broadway, M. J. 2000. « Planning for Change in Small Towns<br />

or Trying to Avoid the Slaughterhouse Blues », Journal of<br />

Rural Studies, vol. 16, p. 37-46.<br />

Bruce, D., et G. Lister. 2005. Repopulation des régions<br />

rurales du <strong>Canada</strong> atlantique, document de discussion,<br />

Ottawa, Agriculture et Agroalimentaire <strong>Canada</strong>.<br />

<strong>Canada</strong>. Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong>. 2008. Faits<br />

et chiffres 2007 – Aperçu de l’immigration : résidents<br />

permanents et temporaires. Consulté le 1er octobre 2008 à<br />

l’adresse .<br />

———. Société canadienne d’hypothèques et de logement<br />

(SCHL). 2007. Rapport sur le marché locatif. Faits saillants –<br />

Manitoba. Consulté le 1er octobre 2008 à l’adresse<br />

.<br />

———. Statistique <strong>Canada</strong>. 2007. Profils des communautés<br />

de 2006 – Brandon, Manitoba, Ottawa, Statistique <strong>Canada</strong>,<br />

no 92-591-XWF au catalogue. Consulté le 8 octobre 2008<br />

à l’adresse .<br />

Carter, T., M. Morrish, et B. Amoyaw. 2008. « Attracting<br />

Immigrants to Smaller Urban and Rural Communities:<br />

Lessons Learned from the Manitoba Provincial Nominee<br />

Program », Revue de l’intégration et de la migration<br />

internationale / International Migration and Integration<br />

Journal, vol. 9, p. 161-183.<br />

Economic Development Brandon. 2008. Dependent Arrival<br />

Projections 2007-2011. Consulté le 2 octobre 2008 à<br />

l’adresse .<br />

Gibb, H. 2007. « Temporary Foreign Worker Programs:<br />

Opportunities and Challenges », notes d’allocution pour<br />

l’atelier Building Value in Temporary Migration Programs,<br />

Institut Nord-Sud.<br />

Hennebry, J. L. 2001. « Ethical Implications of the Global<br />

Movement of People and Their Labour: The Case of<br />

Temporary Workers in <strong>Canada</strong> », communication présentée<br />

à l’Union internationale pour l’étude scientifique de la<br />

population, Brésil.<br />

Manitoba. Travail et Immigration Manitoba. 2008. Manitoba<br />

Immigration Facts: 2007 Statistical Report. Consulté le<br />

1er octobre 2008 à l’adresse .<br />

Silvius, R., et R. Annis. 2005. Manitoba Rural Immigration<br />

Case Studies. Issues in Rural Immigration: Lessons,<br />

Challenges, and Responses, document de travail de<br />

l’IDR 2005-09.<br />

Nos diverses cités 77


Le Nouvel Ouest : une crise<br />

identitaire imminente dans<br />

la ville du Stampede<br />

DEREK COOK<br />

Ville de Calgary<br />

En 2006, la Ville de Calgary a effectué une évaluation exhaustive des problèmes et<br />

des besoins de ses résidants. Cette enquête a permis de constater que les immigrants<br />

récents et les membres de minorités visibles se heurtent à des difficultés économiques<br />

beaucoup plus grandes que le reste de la population. Ils étaient considérablement plus<br />

susceptibles d’être préoccupés par le fait de ne pas avoir assez d’argent pour payer la<br />

nourriture ou le loyer, de ne pas épargner suffisamment ou d’avoir trop de dettes.<br />

78 Nos diverses cités<br />

L’Ouest canadien est en pleine évolution. Au<br />

cours des 30 dernières années, la croissance<br />

démographique des quatre provinces de l’Ouest a<br />

largement dépassé celle du <strong>Canada</strong>, à un point tel<br />

qu’aujourd’hui, la population de cette région<br />

compte pour près d’un tiers de la population<br />

canadienne – et plus de trois quarts de sa<br />

population est urbaine. L’économie prospère de<br />

l’Ouest continue d’attirer les gens de partout au<br />

<strong>Canada</strong> et du monde entier, qui viennent s’établir<br />

dans des villes dynamiques et en plein essor.<br />

Parallèlement à la croissance des provinces<br />

de l’Ouest, le profil de la région évolue. Celle-ci<br />

a toujours été un milieu multiculturel, bâti grâce<br />

aux efforts d’immigrants d’origines diverses :<br />

Ukrainiens, Scandinaves, Chinois, etc. Or, les<br />

récents changements dans les tendances d’immi -<br />

gration, notamment la diversification des pays<br />

sources, contribuent à enrichir ce patrimoine<br />

culturel florissant. Tandis que les communautés<br />

culturelles continuent de s’établir dans des villes<br />

comme Calgary, le profil de la région devient de<br />

plus en plus diversifié.<br />

Calgary se proclame fièrement le « cœur du<br />

Nouvel Ouest ». Toutefois, elle est aussi de plus<br />

en plus le « reflet du Nouvel Ouest ». Au cours<br />

des deux dernières décennies, l’immigration<br />

dans cette ville a constamment augmenté, tandis<br />

que les principaux pays sources d’immigrants<br />

ont changé. Comme dans le reste du pays, le<br />

nombre d’immi grants originaires des régions<br />

occidentales du monde a diminué à mesure<br />

qu’augmentait le nombre d’immigrants venant<br />

d’autres régions, comme l’Asie. Ce phénomène<br />

a contribué à accroître la diversité culturelle à<br />

Calgary, environ la moitié des nouveaux arrivants<br />

faisant partie des minorités visibles. En 2001,<br />

Calgary est devenue la quatrième région urbaine<br />

la plus multiethnique du <strong>Canada</strong>. Selon le<br />

Recensement de 2006, environ un Calgarien<br />

sur quatre est membre d’une minorité visible,<br />

et à peu près la même proportion de Calgariens<br />

sont des immigrants.<br />

La diversité culturelle croissante offre aux<br />

villes comme Calgary d’incroyables possibilités de<br />

mettre à profit les riches traditions, compétences<br />

et ressources de nos nombreuses communautés<br />

culturelles. Tandis que la ville s’impose comme<br />

centre d’influence mondial, il apparaît encore<br />

plus important de tirer parti de ce patri moine.<br />

Cependant, l’exploitation de ce potentiel présente<br />

des obstacles bien réels.<br />

Multiculturalisme et exclusion<br />

dans les villes canadiennes<br />

À mesure que la population canadienne se<br />

diversifie, l’exclusion possible des immigrants et<br />

des groupes raciaux de la vie sociale, économique


et culturelle de la collectivité suscite des inquié -<br />

tudes croissantes, en particulier dans les grands<br />

centres urbains du <strong>Canada</strong>, où l’on craint de<br />

plus en plus l’émergence de comportements<br />

d’exclusion bien ancrés. Cette préoccupation est<br />

alimentée en partie par l’importance grandissante<br />

de l’immigration pour la prospérité sociale et<br />

économique du <strong>Canada</strong>, l’immigration étant l’un<br />

des facteurs clés du multiculturalisme croissant de<br />

la société canadienne.<br />

Le <strong>Canada</strong> a adopté une politique de multi -<br />

culturalisme afin de faciliter la coexistence<br />

d’identités multiples au sein de la société, et de<br />

prévenir ainsi l’exclusion sociale. Toutefois, cette<br />

politique a récemment fait l’objet de critiques,<br />

ses détracteurs laissant entendre qu’elle nuit à la<br />

cohésion sociale en n’établissant pas de valeurs<br />

et d’objectifs communs pour la société dans son<br />

ensemble. Ces critiques découlent de la prise de<br />

conscience de plus en plus grande des tendances<br />

accrues de marginalisation et d’exclusion.<br />

L’une des principales formes d’exclusion est<br />

l’exclusion économique. Même si, par le passé, les<br />

immigrants devaient composer à leur arrivée avec<br />

des difficultés liées à l’établissement, en quelques<br />

années ils étaient capables de « rattraper » écono -<br />

miquement leurs homologues nés au <strong>Canada</strong>.<br />

Toutefois, on s’inquiète de plus en plus du fait que<br />

les immigrants récents ne progressent pas de la<br />

même manière que les générations précédentes :<br />

le taux de pauvreté chez les immi grants et les<br />

minorités visibles se maintient à un niveau<br />

élevé, tandis que les revenus et le taux d’emploi<br />

demeurent faibles.<br />

Tandis que s’établissent des tendances néga -<br />

tives, on s’inquiète également de l’en racinement<br />

de comportements de ségrégation et d’exclusion<br />

culturelles. Bien que les villes canadiennes ne<br />

manifestent pas encore le degré de ségrégation<br />

raciale que l’on observe aux États-Unis, des<br />

quartiers où les minorités ethniques et la pauvreté<br />

convergent ont tendance à se former. Cela risque<br />

de donner lieu à une exclusion bien enracinée, où<br />

les possibilités d’avancement sont restreintes en<br />

raison de la race, la classe et la géographie, des<br />

facteurs qui se renforcent mutuellement.<br />

Conditions socioéconomiques des<br />

communautés multiculturelles de Calgary<br />

Malgré une économie locale vigoureuse, les<br />

immigrants et les personnes appartenant à des<br />

minorités visibles continuent de se heurter à<br />

de grandes difficultés économiques. En 2005,<br />

à Calgary, le revenu moyen des familles<br />

immigrantes représentait à peine 87 % de celui du<br />

reste de la population, soit une baisse par rapport<br />

au taux de 89 % enregistré en 2000. Le revenu des<br />

immigrants récents était encore plus faible, soit<br />

67 % du revenu moyen de la population. Les<br />

résultats sur le marché du travail sont tout aussi<br />

faibles pour les immigrants récents. En 2006, le<br />

taux de chômage de ces derniers était de 7 %, soit<br />

presque le double du taux de 4 % de l’ensemble de<br />

la population de Calgary. Les taux de participation<br />

et d’emploi étaient également plus faibles<br />

d’environ 5 % (Statistique <strong>Canada</strong>, 2008). Même<br />

si les données pour 2006 ne sont pas encore<br />

publiées, les immigrants récents et les personnes<br />

appartenant à des minorités visibles enregistrent<br />

depuis toujours des taux de pauvreté beaucoup<br />

plus élevés que la moyenne.<br />

FIGURE 1<br />

Population âgée de 18 ans et plus ayant<br />

déclaré avoir des difficultés à subvenir<br />

à leurs besoins de base, selon le statut<br />

d’immigrant, Calgary, 2006<br />

Trop de<br />

dettes<br />

Épargne<br />

insuffisante<br />

Pas assez d’argent<br />

pour acheter de<br />

la nourriture<br />

Pas assez d’argent<br />

pour payer le loyer<br />

% 0 10 20 30 40 50 60 70<br />

Immigrants récents Personnes nées<br />

au <strong>Canada</strong><br />

FIGURE 2<br />

Population âgée de 18 ans et plus ayant<br />

déclaré avoir des difficultés à subvenir à leurs<br />

besoins de base, selon le statut de membre<br />

d’une minorité visible, Calgary, 2006<br />

Trop de<br />

dettes<br />

Épargne<br />

insuffisante<br />

Pas assez d’argent<br />

pour acheter de<br />

la nourriture<br />

Pas assez d’argent<br />

pour payer le loyer<br />

% 0 10 20 30 40 50 60<br />

Minorités visibles Reste de la<br />

population<br />

En 2006, la Ville de Calgary a effectué une<br />

évaluation exhaustive des problèmes et des<br />

besoins de ses résidants (Calgary, 2008). Cette<br />

enquête, intitulée Signposts, a permis de<br />

Nos diverses cités 79


constater que les immigrants récents et les<br />

membres de minorités visibles se heurtent à des<br />

difficultés économiques beaucoup plus grandes<br />

que le reste de la population. Les immigrants et<br />

les membres de minorités visibles sont considé -<br />

rablement plus susceptibles d’être préoccupés par<br />

le fait de ne pas avoir assez d’argent pour payer la<br />

nourriture ou le loyer, de ne pas épargner suffi -<br />

samment ou d’avoir trop de dettes. De fait, environ<br />

la moitié des minorités visibles et des immigrants<br />

récents craignaient un peu ou beaucoup de ne<br />

pas avoir assez d’argent pour leur nourriture.<br />

Les pressions financières peuvent causer<br />

beaucoup de stress. Même si le niveau de stress<br />

des immigrants et des personnes de minorités<br />

visibles est comparable à celui du reste de la<br />

population, leur accès à des activités de détente et<br />

de loisirs pour gérer ce stress semble beaucoup<br />

plus restreinte. Plus de 40 % des personnes<br />

appartenant à des minorités visibles et près de la<br />

moitié des immigrants récents se sont dits<br />

préoccupés par le fait qu’ils n’avaient pas de<br />

temps de détente ou de loisirs.<br />

FIGURE 4<br />

Population âgée de 18 ans et plus ayant<br />

déclaré éprouver du stress, selon le statut de<br />

membre d’une minorité visible, Calgary, 2006<br />

Pas de temps<br />

pour la détente<br />

ou les loisirs<br />

Sentiment<br />

de stress<br />

80 Nos diverses cités<br />

FIGURE 3<br />

Population âgée de 18 ans et plus ayant<br />

déclaré éprouver du stress, selon le statut<br />

d’immigrant, Calgary, 2006<br />

Pas de temps<br />

pour la détente<br />

ou les loisirs<br />

Sentiment<br />

de stress<br />

%<br />

%<br />

0 10 20 30 40 50 60 70<br />

Immigrants récents Personnes nées<br />

au <strong>Canada</strong><br />

0 10 20 30 40 50 60 70<br />

Membres d’une<br />

minorité visible<br />

Reste de la<br />

population<br />

Une ville pour tous ?<br />

L’inclusion sociale à Calgary<br />

Compte tenu des problèmes majeurs de margi -<br />

nalisation économique que vivent les immigrants<br />

et les minorités visibles à Calgary, l’ampleur<br />

de l’exclusion sociale et culturelle soulève aussi<br />

des préoccupations. L’enquête Signposts a montré<br />

que les immigrants et les membres de minorités<br />

visibles n’avaient pas moins tendance que les<br />

autres Calgariens à dire que la ville est un<br />

endroit agréable où vivre, qu’ils font confiance<br />

aux autres, qu’ils éprouvent un sentiment<br />

d’appar tenance et qu’ils sont acceptés par les<br />

autres. Cela semble indiquer que les immigrants<br />

et les membres de minorités visibles ne se sentent<br />

pas particulièrement exclus de la vie sociale.<br />

En ce qui concerne la participation, toutefois,<br />

les immigrants et les membres de minorités<br />

visibles avaient moins tendance que la population<br />

en général à dire qu’ils participaient à la vie<br />

sociale. Seuls 57 % des immigrants récents ont dit<br />

qu’ils participaient aux activités communautaires,<br />

comparativement à 65,9 % des membres de<br />

minorités visibles et à 68,2 % de la population en<br />

général. De même, seulement 54,2 % des immi -<br />

grants récents ont indiqué qu’ils faisaient du<br />

bénévolat, comparativement à 58 % des membres<br />

des minorités visibles et à 59,3 % de la population<br />

en général. De plus, les immi grants récents et les<br />

membres de minorités visibles avaient beaucoup<br />

moins tendance que la population totale à dire<br />

qu’ils votaient aux élections, bien que cela puisse<br />

être attribuable au fait que certains d’entre eux<br />

n’ont pas le droit de vote.<br />

En plus d’examiner les opinions et la parti -<br />

cipation, l’enquête abordait les préoc cupations<br />

des répondants. Ainsi, on a noté des écarts<br />

significatifs entre, d’une part, les immi grants<br />

et les minorités visibles et, d’autre part, la<br />

population en général. Bien qu’au départ ils<br />

affirmaient ressentir un sentiment « d’appar -<br />

tenance » à Calgary, lorsqu’on leur a demandé<br />

s’ils craignaient de ne pas être intégrés ou s’ils se<br />

sentaient étrangers, 37,6 % des immigrants<br />

récents et 34,6 % des membres de minorités<br />

visibles ont répondu par l’affirmative, compa -<br />

rativement à seulement 20 % de la popu lation<br />

en général. En outre, lorsqu’on leur a demandé<br />

s’ils avaient des préoccupations concernant le<br />

racisme et la discrimination, la moitié des<br />

immigrants récents (49,7 %) et des membres<br />

de minorités visibles (51 %) ont répondu par<br />

l’affirmative, comparativement à seulement un<br />

quart (25,7 %) du reste de la population.


FIGURE 5<br />

Population âgée de 18 ans et plus<br />

ayant exprimé des difficultés liées au<br />

sentiment d’appar tenance, selon le statut<br />

d’immigrant et de membre d’une minorité<br />

visible, Calgary, 2006<br />

60<br />

50<br />

40<br />

30<br />

20<br />

10<br />

Immigrants récents<br />

Minorités visibles<br />

Ensemble de la population<br />

0<br />

N’arrive pas à s’intégrer ou à res -<br />

%<br />

sentir un sentiment d’appartenance<br />

Victime de<br />

discrimination<br />

Par conséquent, selon l’enquête, même si les<br />

immigrants récents et les membres de minorités<br />

visibles estiment que Calgary est un endroit<br />

agréable où vivre et que les autres Calgariens les<br />

acceptent, plus du tiers demeurent préoccupés par<br />

le fait de ne pas être intégrés ou de se sentir étran -<br />

gers. Parallèlement, ils se préoccupent fortement<br />

du racisme et de la discrimination. En outre, les<br />

immigrants récents et les membres de minorités<br />

visibles ont tendance à signaler un plus faible<br />

niveau de participation aux activités commu -<br />

nautaires, au bénévolat, aux élections et à une<br />

association communautaire.<br />

La ville du Stampede :<br />

une identité nécessitant une crise<br />

Dans une chaîne d’épiceries de Calgary, une allée<br />

est réservée aux « aliments ethniques », les rayons<br />

contenant des articles comme du riz ou de la<br />

pâte de cari. La notion d’« aliment ethnique » est<br />

révélatrice, car son corollaire est l’aliment « non<br />

ethnique » qui, par défaut, englobe tous les autres<br />

aliments vendus dans le magasin. Or, aucun<br />

aliment n’est, à proprement parler, « non<br />

ethnique ». La classification singulière du riz et du<br />

cari comme aliments « ethniques », à l’exclusion<br />

de tout le reste, reflète la notion profondément<br />

enracinée selon laquelle les traditions culturelles<br />

non occidentales sont « autres ». Par extension,<br />

cela reflète la notion tout aussi enracinée que les<br />

personnes d’origine non européenne ne sont pas<br />

« d’ici » et suscite la question très mal accueillie<br />

« D’où venez-vous ? », par laquelle les personnes<br />

appartenant à des minorités visibles, quelle que<br />

soit leur citoyenneté, sont invaria blement saluées.<br />

La présupposition selon laquelle les personnes<br />

d’origine non européenne ne sont pas « d’ici » se<br />

situe au cœur de l’identité de Calgary, ancrée<br />

dans des traditions culturelles comme le Calgary<br />

Stampede, qui à son tour est fondé sur la célé -<br />

bration du patrimoine culturel de l’Ouest.<br />

De fait, l’image du « cow-boy » de Calgary, bien<br />

que forte, n’a jamais collé parfaitement à la<br />

réalité. Cette identité ne rend pas compte du rôle<br />

crucial qu’ont joué dans l’histoire de Calgary de<br />

nombreuses cultures, notamment les commu -<br />

nautés et les colons sikhs et chinois qui font partie<br />

intégrante de la ville depuis sa fondation. En<br />

outre, la présupposition systématique que les<br />

non-Européens et les non-Blancs sont « autres »<br />

cache le fait qu’au moins un tiers des membres de<br />

minorités visibles de Calgary sont nés au <strong>Canada</strong>.<br />

L’image du cow-boy ne reflète pas non plus<br />

l’envergure internationale de l’économie de la<br />

TABLEAU 1<br />

Indicateurs d’inclusion sociale et de participation à la vie municipale, Calgary, 2006<br />

Pourcentage de répondants qui sont « plutôt »<br />

ou « tout à fait » d’accord avec les énoncés<br />

Immigrants récents Minorités visibles Population totale de Calgary<br />

La Ville de Calgary est-elle un endroit agréable où vivre ? 96,7 % 96,2 % 97,2 %<br />

Échangez-vous avec d’autres habitants de Calgary ? 91,2 % 93,2 % 95,2 %<br />

Faites-vous du bénévolat pour un organisme ? 54,2 % 58,0 % 59,3 %<br />

Participez-vous aux activités communautaires ? 57,0 % 65,9 % 68,2 %<br />

Êtes-vous en mesure d’influencer les choses ? 65,5 % 56,0 % 58,3 %<br />

Vous sentez-vous à votre place à Calgary ? 92,3 % 93,0 % 91,9 %<br />

Avez-vous beaucoup en commun avec les autres ? 83,9 % 87,6 % 90,1 %<br />

Les Calgariens vous acceptent-ils ? 95,5 % 91,1 % 94,9 %<br />

Faites-vous confiance aux autres Calgariens ? 94,5 % 87,7 % 93,5 %<br />

Exercez-vous votre droit de vote ? 47,9 % 80,4 % 88,1 %<br />

Êtes-vous membre de votre association communautaire ? 18,1 % 25,7 % 31,3 %<br />

Nos diverses cités 81


82 Nos diverses cités<br />

ville, fondée surtout sur l’énergie. Calgary, un<br />

acteur clé sur les marchés mondiaux de l’énergie,<br />

échange régulièrement des professionnels et des<br />

travailleurs qualifiés avec les pays du Moyen-<br />

Orient, de l’Afrique et de l’Asie du Sud-Est, et<br />

entretient une relation très étroite avec le<br />

commerce international.<br />

Au moment où la composition culturelle de<br />

Calgary devient de plus en plus complexe, la<br />

définition que la ville se donne est contestée. Au<br />

cours des années à venir, Calgary devra concilier<br />

son identité publique de ville du Stampede avec<br />

la réalité d’une population et d’un milieu des<br />

affaires multiethniques et actifs sur le marché<br />

mondial. Les événements récents semblent<br />

indiquer que cette redéfinition ne se fera pas<br />

sans heurts. Selon Statistique <strong>Canada</strong> (2008),<br />

Calgary a enregistré en 2006 le taux de crimes<br />

haineux le plus élevé parmi les grandes villes<br />

canadiennes, soit pratiquement trois fois la<br />

moyenne nationale. En 2007, la ville a été le<br />

théâtre de 19 des 28 incidents antisémites<br />

survenus en Alberta (Klein et Bromberg, 2008).<br />

Au début de 2007, l’Aryan Guard, une orga -<br />

nisation militant pour la suprématie des Blancs,<br />

s’est constituée à Calgary après avoir essayé sans<br />

succès de s’établir à Edmonton et à Kitchener,<br />

en Ontario. Depuis, l’Aryan Guard a organisé<br />

plusieurs manifestations auxquelles se sont<br />

opposées de vigoureuses contre-manifestations<br />

organisées par des groupes antiracistes.<br />

La nécessité de s’adapter à une complexité<br />

culturelle croissante se pose également aux<br />

secteurs public et bénévole de Calgary. En 2007,<br />

l’Association canadienne pour les Nations Unies<br />

(ACNU) a organisé dans la ville un forum de<br />

concertation communautaire. Au cours de celuici,<br />

les participants ont soulevé diverses préoccu -<br />

pations concernant la diversité, notamment leur<br />

souci que les groupes ethniques et les personnes<br />

appartenant à des minorités visibles n’ont pas de<br />

relations dans la collectivité et sont donc exclus<br />

du pouvoir et de la prise de décisions. Le manque<br />

de modèles publics membres d’une minorité<br />

visible était également perçu comme un problème,<br />

en particulier dans le cas des jeunes. Même<br />

s’ils reconnaissaient que les organismes publics<br />

et communautaires cherchaient à répondre aux<br />

besoins d’une collectivité de plus en plus multi -<br />

culturelle, les participants étaient d’avis qu’ils<br />

n’étaient pas bien outillés pour cette tâche et qu’ils<br />

ne savaient pas non plus comment répondre<br />

aux personnes d’origine ethnique qui désiraient<br />

participer (ACNU, 2008).<br />

Il est essentiel de surmonter ces difficultés pour<br />

le bien-être futur de l’environnement social et<br />

économique de Calgary. Des recherches récentes<br />

indiquent que même si les nouveaux immigrants<br />

sont de plus en plus attirés par la ville, celle-ci<br />

enregistre un exode net d’immigrants de longue<br />

date (Pruegger et Cook, 2008). Au moment où<br />

Calgary compte de plus en plus sur les immigrants<br />

et cherche à les attirer pour combler ses besoins<br />

en main-d’œuvre, elle devra s’efforcer de devenir<br />

une collectivité de choix afin d’améliorer sa<br />

compétitivité à l’échelle nationale.<br />

Aller de l’avant<br />

Tandis que Calgary, en tant que collectivité,<br />

apprend à composer avec sa nouvelle identité,<br />

il convient de souligner plusieurs initiatives<br />

stratégiques mises en œuvre par la Ville au cours<br />

des dernières années afin d’améliorer la durabilité<br />

sociale. En 2003, la Ville a adopté une « approche<br />

axée sur un triple résultat » en matière de<br />

planification et de prise de décisions, qui exige<br />

qu’on tienne compte des répercussions sociales,<br />

économiques et environne mentales de chaque<br />

décision. L’un des objectifs stratégiques clés<br />

de cette politique est la création d’une « ville<br />

inclusive ». En outre, en 2007, la Ville de Calgary<br />

a adopté la politique Fair Calgary, qui vise à faire<br />

en sorte que ses programmes et ses installations<br />

soient accessibles à tous les citoyens, quelles que<br />

soient leurs caractéristiques cultu relles ou autres.<br />

Enfin, la Sustainable Ethical and Environmental<br />

Purchasing Policy de la Ville accorde une con -<br />

sidération particulière aux fournisseurs qui<br />

appliquent des stratégies orga nisationnelles en<br />

matière de diversité.<br />

Le 11 septembre 2006, la Ville de Calgary a<br />

signé officiellement une déclaration d’adhésion à<br />

la Coalition canadienne des municipalités contre<br />

le racisme et la discrimination, s’engageant à<br />

échanger des initiatives avec d’autres muni -<br />

cipalités et à élaborer un plan d’action pour<br />

éliminer le racisme et la discrimination à l’égard<br />

de tous les groupes marginalisés définis dans la<br />

législation sur les droits de la personne, y compris<br />

les peuples autochtones, les membres de minorités<br />

visibles et les personnes handicapées. En 2008, un<br />

plan d’action a été rédigé et adopté par le Conseil<br />

municipal, et l’on attend actuellement l’appro -<br />

bation de l’affectation des fonds par ce dernier.<br />

La Ville de Calgary cherche également à<br />

favoriser la compréhension des questions de<br />

diversité en appuyant la recherche en partenariat<br />

avec la University of Calgary. L’Urban Alliance


est un partenariat entre la Ville et l’université,<br />

qui cherche à établir un lien entre les chercheurs<br />

universitaires et les unités fonctionnelles de la<br />

Ville ayant des besoins en recherche axée sur<br />

les opérations. En 2008, l’Urban Alliance a fait<br />

de l’intégration des immigrants l’une de ses<br />

principales priorités en matière de recherche et<br />

d’innovation.<br />

Si Calgary est véritablement en train de devenir<br />

le reflet du Nouvel Ouest, elle devra continuer de<br />

porter un regard attentif à l’image qu’elle projette.<br />

Il ne fait aucun doute que le patrimoine et les<br />

traditions de l’Ouest figureront toujours en bonne<br />

place dans l’identité de la ville, dont le reflet<br />

continuera fort probablement d’inclure un<br />

chapeau de cow-boy pendant quelque temps<br />

encore. Toutefois, le défi qui se présente<br />

maintenant à la collectivité est de concilier<br />

efficacement cette identité avec les multiples<br />

autres identités et de permettre à chacun de se<br />

reconnaître dans l’image publique de la ville. En<br />

fin de compte, la viabilité sociale et économique à<br />

long terme de la ville pourrait en dépendre.<br />

À propos de l’auteur<br />

DEREK COOK est chercheur et planificateur social à la<br />

Ville de Calgary. Ses travaux portent sur l’incidence des<br />

questions de pauvreté, de diversité et de main-d’œuvre<br />

sur l’inclusion sociale et la durabilité.<br />

Références<br />

Association canadienne pour les Nations Unies (ACNU).<br />

2008. A Sense of Belonging: Calgary, AB Regional Planning<br />

Meeting. Year 1. Final Report, Ottawa, Association<br />

canadienne pour les Nations Unies.<br />

Calgary. 2008. Signposts 2006: A Survey of the Social<br />

Issues and Needs of Calgarians, Calgary, Ville de Calgary,<br />

Community and Neighbourhood Services, Social Policy<br />

and Planning Division.<br />

<strong>Canada</strong>. Statistique <strong>Canada</strong>. 2008. Recensement du<br />

<strong>Canada</strong>, Ottawa, Industrie <strong>Canada</strong>.<br />

Klein, R., et A. Bromberg. 2008. Rapport des incidents<br />

d‘antisémitisme 2007 : préjugés et intolérance au<br />

<strong>Canada</strong>, Toronto, Ligue des droits de la personne<br />

de B’nai Brith <strong>Canada</strong>.<br />

Le Quotidien. 2008. « Étude : Les crimes motivés par la<br />

haine » (9 juin).<br />

Pruegger, V., et D. Cook. 2008. An Analysis of Immigrant<br />

Retention Patterns among Western Canadian CMAs,<br />

Edmonton, Centre <strong>Metropolis</strong> des Prairies.<br />

Commandes (en provenance d’Amérique) Écrivez : Springer Order Department, PO Box 2485, Secaucus, NJ 07096-2485, USA<br />

Téléphone (sans frais) : 1-800-SPRINGER Télécopieur : 1-201-348-4505 Courriel : journal-ny@springer.com<br />

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▼<br />

Nos diverses cités 83


Une nouvelle identité ethnique ?<br />

Les jeunes dans les Prairies *<br />

JIM FRIDERES<br />

University of Calgary<br />

Un sondage réalisé auprès de jeunes immigrants et de jeunes nés au <strong>Canada</strong> avait pour<br />

objectif d’évaluer l’identité ethnique des répondants et les stratégies qu’ils emploient pour<br />

la préserver. On a également demandé aux répondants de donner leur appréciation de la<br />

« valeur » de l’ethnicité dans le cadre d’un certain nombre d’activités. Les résultats semblent<br />

indiquer que, même s’il existe des similarités non négligeables entre les deux groupes, les<br />

répondants emploient des stratégies différentes pour préserver leur identité ethnique.<br />

Les résultats appuient le modèle « intégration segmentée » pour les jeunes immigrants.<br />

84 Nos diverses cités<br />

Au cours des 50 dernières années, l’immigration<br />

a modifié le profil démographique et social de<br />

la société canadienne et l’on s’attend à ce qu’elle<br />

continue d’exercer des pressions considérables<br />

sur la composition ethnique de la société.<br />

Le présent article analyse les différences entre les<br />

jeunes immigrants et les jeunes nés au <strong>Canada</strong><br />

qui résident dans les Prairies en ce qui concerne<br />

l’identité ethnique et leur appréciation de la<br />

valeur de l’ethnicité.<br />

La démographie canadienne a toujours été<br />

très influencée par l’immigration. Le Tableau 1<br />

présente la contribution globale des immigrants<br />

à la croissance de la population canadienne<br />

pendant les 150 dernières années, ainsi que<br />

les prévisions pour l’avenir. Les données<br />

montrent que l’influence de l’immigration sur les<br />

institutions sociales, culturelles et éco nomiques<br />

du <strong>Canada</strong> n’a cessé d’augmenter et que cette<br />

influence va continuer de s’accroître dans un<br />

avenir rapproché. L’immigration a eu une<br />

incidence tout aussi importante sur les Prairies au<br />

cours des 25 dernières années. Historiquement,<br />

l’Ontario a toujours été la destination de choix<br />

des immigrants; cependant, l’augmentation de<br />

* Le travail de recherche dont il est question dans le présent<br />

article a bénéficié du soutien du Conseil de recherches en<br />

sciences humaines (CRSH), du Centre <strong>Metropolis</strong> des Prairies<br />

et du ministère du Patrimoine canadien.<br />

l’immigration et de la diversité ethnique dans<br />

les Prairies au cours des dernières années a<br />

été tout à fait remarquable. Lamba, Mulder et<br />

Wilkinson (2000) ont souligné qu’au cours des<br />

50 dernières années, le nombre d’immigrants<br />

qui se sont établis dans les provinces des Prairies<br />

a atteint son niveau le plus élevé en Alberta<br />

en 1957 (20 000 personnes) et son niveau le plus<br />

bas en Saskatchewan en 1998 (1 582 personnes).<br />

Comme l’ont remarqué Mulder et Korenic (2005),<br />

les provinces des Prairies ont accueilli une grande<br />

proportion d’immigrants au début du 20 e siècle,<br />

mais l’immigration a ensuite fortement diminué.<br />

Toutefois, au cours des 25 dernières années, cette<br />

tendance s’est inversée et le nombre de nouveaux<br />

immigrants dans les Prairies a augmenté<br />

TABLEAU 1<br />

Contribution des immigrants<br />

à la croissance de la population<br />

canadienne entre 1851 et 2036<br />

Année<br />

Contribution à la<br />

croissance démographique<br />

1851-1861 23 %<br />

1891-1901 24 %<br />

1941-1951 8 %<br />

1991-2001 59 %<br />

2036a 92 %<br />

a Les prévisions sont fondées sur des taux de natalité et de mortalité semblables à<br />

ceux de 2001, un taux de fécondité de 1,7 et 230 000 nouveaux arrivants par an.


TABLEAU 2<br />

Lieu de naissance des immigrants par province des Prairies en 2006<br />

Manitoba Saskatchewan Alberta<br />

Nombre total de personnes<br />

nées à l’étranger 151 230 48 160 527 030<br />

États-Unis 4,7 % 11,3 % 5,4 %<br />

Amérique latinea 11,7 % 5,3 % 5,9 %<br />

Caraïbes et Bermudes 2,7 % 1,5 % 2,0 %<br />

Europe 41,4 % 44,9 % 35,6 %<br />

Afrique 5,1 % 7,4 % 6,7 %<br />

Asie et Moyen-Orient 34,0 % 28,8 % 42,8 %<br />

Autre 0,4 % 0,8 % 0,6 %<br />

a Inclut l’Amérique centrale et l’Amérique du Sud.<br />

Sources : Statistique <strong>Canada</strong>, « Aperçu du Recensement – Immigration au <strong>Canada</strong> : un portrait de la population née à l’étranger », 2008a;<br />

Statistique <strong>Canada</strong>, Rapport sur l’état de la population du <strong>Canada</strong>, 2008b; Milan et Martel, « La conjoncture démographique au <strong>Canada</strong>,<br />

2005 et 2006 », 2008; Dion et Coulombe, « Portrait de la mobilité des Canadiens en 2006 : trajectoires et caractéristiques des migrants », 2008.<br />

considérablement. Statistique <strong>Canada</strong> (2008)<br />

indique qu’à l’heure actuelle, presque 13 % de<br />

la population totale des immigrants au <strong>Canada</strong><br />

habite les Prairies. Toutes les provinces des<br />

Prairies ont connu une augmentation de leur<br />

nombre d’immigrants; toutefois, l’Alberta s’est<br />

révélée la destination de choix, attirant près de<br />

75 % des immigrants arrivés dans les Prairies au<br />

cours des dix dernières années.<br />

Profil des immigrants qui résident<br />

dans les Prairies<br />

Au 19 e siècle, ainsi qu’au début du 20 e , la diversité<br />

ethnique des Prairies se limitait principalement<br />

aux immigrants européens traditionnels et à leurs<br />

descendants, c’est-à dire originaires d’Europe de<br />

l’Ouest et des États-Unis. Toutefois, l’immigration<br />

plus récente a changé le paysage social et la<br />

palette ethnique des Prairies. Ainsi, à la fin du<br />

20 e siècle, presque 80 % des immigrants qui se<br />

rendaient dans les Prairies étaient originaires<br />

d’Asie, d’Amé rique centrale, d’Amérique du Sud<br />

et d’Afrique.<br />

À la fin du 20 e siècle, les habitants des cinq plus<br />

grandes villes des Prairies avaient des origines<br />

ethniques très diverses. Aujourd’hui, plus de 8 %<br />

des habitants de Regina et de Saskatoon sont des<br />

immigrants, alors qu’à Winnipeg, le pourcentage<br />

passe à 17,4 %. Le nombre d’immigrants qui<br />

résident à Edmonton (19,7 %) et à Calgary (21,6 %)<br />

est même encore plus élevé. Des commu nautés<br />

plus petites des Prairies, comme Brandon, Grand<br />

Prairie ou Swift Current, comptent également<br />

des populations d’immi grants assez nombreuses<br />

(entre 6 % et 8 %). En outre, les communautés<br />

d’immi grants comptent maintenant beaucoup de<br />

personnes appartenant à des minorités visibles.<br />

Qui sont donc les nouveaux immigrants qui<br />

s’installent dans les Prairies et quelles sont<br />

leurs caractéristiques sociodémographiques ? Les<br />

données recueillies montrent que la plupart<br />

appartiennent à la catégorie de l’immigration<br />

économique (48 % sont des travailleurs qualifiés<br />

ou des gens d’affaires), tandis que 29 %<br />

appartiennent à la catégorie du regroupement<br />

familial; les autres sont des réfugiés (16 %), des<br />

candidats des provinces ou autres (7 %). Dans les<br />

Prairies, la majorité des immigrants (54 %) sont<br />

âgés de 45 ans ou plus et, parmi les autres, 33 %<br />

sont âgés de 25 à 44 ans. En ce qui concerne<br />

les sexes, leur représentation est égale. Le<br />

Tableau 2 présente les régions d’origine des<br />

immigrants qui habitent maintenant dans les<br />

Prairies. On observe qu’encore beaucoup d’entre<br />

eux ont des origines européennes variées.<br />

Cependant, on remarque également que les<br />

immigrants originaires d’Amérique latine,<br />

d’Afrique et d’Asie représentent maintenant un<br />

pourcentage élevé de la population des Prairies.<br />

Comme on l’a mentionné plus haut, les<br />

groupes minoritaires visibles qui s’établissent<br />

dans les Prairies sont de plus en plus variés et de<br />

plus en plus nombreux. En 1980, moins d’un<br />

tiers des immigrants qui résidaient dans les<br />

Prairies étaient membres d’un groupe minoritaire<br />

visible. Vingt-cinq ans plus tard, près de la<br />

moitié des immigrants appartiennent à des<br />

minorités visibles et trois nouveaux immigrants<br />

sur quatre qui viennent s’installer dans les<br />

Prairies appartiennent à des groupes minoritaires<br />

visibles. La structure linguistique a également<br />

changé au fil des ans. Avant 1961, un peu plus<br />

de 1 % des immigrants dans les Prairies n’étaient<br />

pas en mesure de parler une des deux langues<br />

Nos diverses cités 85


L’immigration a eu une incidence importante sur les Prairies au cours des 25 dernières années.<br />

Historiquement, l’Ontario a toujours été la destination de choix des immigrants; cependant,<br />

l’augmentation de l’immigration et de la diversité ethnique dans les Prairies au cours des<br />

dernières années a été tout à fait remarquable.<br />

86 Nos diverses cités<br />

officielles. Toutefois, en 2001, ce chiffre était<br />

passé à presque 8 %. Enfin, si l’on s’attarde sur<br />

les réalisations scolaires des immigrants qui<br />

vivent dans les Prairies, on constate que les<br />

immigrants arrivés le plus récemment sont les<br />

plus instruits. Comme Mulder et Korenic (2005)<br />

l’ont souligné, 40 % des immigrants et 32 % des<br />

immigrantes arrivés entre 1996 et 2001 étaient<br />

titulaires d’un diplôme d’études postsecondaires.<br />

Le profil établi ci-dessus présente une démo -<br />

graphie changeante des immigrants qui vivent<br />

dans les Prairies et donne à penser que les<br />

anciennes stratégies et politiques d’amélioration<br />

de l’intégration sont peut-être désuètes. Le présent<br />

article cherche principalement à déterminer si tel<br />

est effectivement le cas. Les jeunes immigrants<br />

sont-ils semblables à leurs homologues nés<br />

au <strong>Canada</strong> ? Existe-t-il des écarts sur le plan<br />

des valeurs, des normes et de l’identité ? Les<br />

gouvernements et les organismes non gouver -<br />

nementaux (ONG) doivent-ils mettre en place de<br />

nouvelles politiques et de nouveaux programmes<br />

à l’intention des communautés d’immigrants afin<br />

de répondre à leurs attentes et à leurs besoins en<br />

évolution constante ?<br />

Le monde vu par les immigrants<br />

De récents travaux de recherche donnent à penser<br />

que la définition de l’ethnicité et de l’identité<br />

nationale a beaucoup changé au fil des<br />

25 dernières années (DaCosta, 2007; Dhingra,<br />

2007). Des camps théoriques et politiques opposés<br />

se sont formés autour de cette question. Le<br />

premier est associé à une vision primordiale<br />

de l’ethnicité en tant qu’identité constante.<br />

Les tenants de cette vision considèrent que les<br />

identités ethniques sont exclusives et constantes<br />

et qu’une personne ne peut en avoir qu’une seule<br />

(Novak, 1971; Huntingdon, 2004). Ils soutiennent<br />

que les immigrants se considèrent eux-mêmes<br />

comme « ethniques » et qu’ils préservent couram -<br />

ment et ouvertement les icônes et les restes de<br />

leur appartenance ethnique, respectueusement,<br />

dans l’espoir de conserver leur ethnicité. Dès lors,<br />

les défenseurs de cette idée soutiennent que les<br />

différences entre les immigrants et les personnes<br />

nées au <strong>Canada</strong> sont majeures.<br />

D’autres universitaires soutiennent qu’il est<br />

possible d’avoir plusieurs identités. Par exemple,<br />

une personne peut être à la fois canadienne et<br />

chinoise (Portes et Rumbaut, 2001, Rockquemore<br />

et Brunsma, 2002). En outre, de nouvelles<br />

identités peuvent aussi être créées et se fondre<br />

avec les autres, pour créer, par exemple, l’identité<br />

sino-canadienne, qui n’est ni canadienne ni<br />

chinoise, mais plutôt une identité ethnique<br />

hybride (Gans, 1979; Gallant, 2008). Les jeunes<br />

immigrants apprennent la langue de leur pays<br />

d’accueil, adoptent les dernières nouveautés,<br />

suivent la mode et ont un style de vie identique<br />

à celui de la société canadienne « ordinaire »;<br />

pourtant, ils peuvent se sentir encore liés à leur<br />

ethnicité. Les tenants de cette théorie soutiennent<br />

que les immigrants apprennent rapidement que<br />

les caractéristiques ethniques distinctives, comme<br />

les langues ou les « habitudes culturelles », sont<br />

des sources de désavantages potentiels en ce qui<br />

a trait à l’intégration sociale ou économique; ils<br />

décident donc d’abandonner certaines de leurs<br />

« anciennes » caractéristiques ethniques. Il ne s’agit<br />

toutefois aucunement de laisser entendre qu’il<br />

existe une progression linéaire de l’assimilation.<br />

Les partisans de cette théorie indiquent qu’il<br />

existe des différences marquées entre les groupes<br />

d’immigrants sur le plan de leur intégration dans<br />

leur société d’accueil. Ces universitaires adoptent<br />

une approche plus « segmentée » et soutiennent<br />

que la réussite de l’intégration repose sur plusieurs<br />

facteurs sociaux. Ainsi, certains groupes d’immi -<br />

grants conservent leur identité et leurs valeurs<br />

ethniques, ne cherchent pas à s’intégrer et gardent<br />

leur originalité culturelle pendant très longtemps<br />

alors qu’en même temps, d’autres groupes<br />

d’immigrants s’intègrent très rapidement à leur<br />

société d’accueil après leur arrivée (Cohen, 2007;<br />

Gregg, 2006).<br />

Notre travail de recherche se penche sur ces<br />

différentes perspectives. Il ne fait aucun doute<br />

que l’immigration continue a transformé la<br />

société canadienne et a engendré l’apparition de<br />

nouvelles communautés et identités ethniques<br />

complexes. Étant donné les modifications démo -


graphiques et structurelles fondamentales de la<br />

société canadienne, peut-on observer des chan -<br />

ge ments comparables en ce qui a trait à l’identité<br />

ethnique des jeunes qui vivent dans les Prairies ?<br />

Comment ces jeunes perçoivent-ils le <strong>Canada</strong> ?<br />

Et quelle « valeur » accordent-ils à l’ethnicité<br />

dans le monde actuel ?<br />

Méthodologie<br />

Le présent article se fonde sur une étude plus vaste<br />

portant sur un échantillon d’étudiants univer -<br />

sitaires de partout au <strong>Canada</strong> (et également<br />

d’Australie). L’article ne s’intéresse qu’aux<br />

étudiants canadiens âgés de 18 à 24 ans et<br />

vivant dans une des provinces des Prairies. Des<br />

étudiants fréquentant un des huit établissements<br />

d’enseignement postsecondaire retenus dans les<br />

Prairies ont été contactés, par l’intermédiaire<br />

d’un membre du personnel enseignant, pour<br />

participer à l’étude pendant l’année. En nous<br />

concentrant uniquement sur les Prairies et sur<br />

une cohorte d’âge bien définie, nous avons<br />

inclus 474 étudiants dans notre étude. Parmi<br />

eux, 268 sont des jeunes nés au <strong>Canada</strong>, tandis<br />

que les autres sont nés à l’étranger. L’échantillon<br />

obtenu comprend des étudiants de différents<br />

milieux socioéconomiques, de divers groupes<br />

ethniques et d’origines religieuses variées, qui<br />

suivent des cours dans une gamme de spécialités<br />

universitaires, comme l’ingénierie, les lettres<br />

et sciences humaines, les sciences sociales, les<br />

sciences et l’enseignement. Tous les participants<br />

ont répondu à un question naire autoadministré<br />

(renseignements qualitatifs et quantitatifs) et ont<br />

pris de 30 à 45 minutes pour le faire.<br />

Résultats<br />

Nous commençons notre analyse en évaluant<br />

les réponses données par les participants à une<br />

question générale : « Quelle est l’importance<br />

de vos liens ethniques ? » Les résultats indiquent<br />

qu’il y a très peu de différence entre les jeunes<br />

immigrants et les jeunes nés au <strong>Canada</strong>. Près<br />

des deux tiers des répondants (jeunes nés à<br />

l’étranger et jeunes nés au <strong>Canada</strong> confondus)<br />

pensent qu’ils ont conservé des liens « très forts »<br />

ou « moyennement forts » avec la culture ethnique<br />

de leurs parents. De plus, près des trois quarts<br />

des jeunes estiment qu’il est « très important »<br />

de préserver ces liens. Un pourcentage équi -<br />

valent indique que la culture de leurs parents<br />

leur est précieuse.<br />

Nous avons ensuite demandé aux participants<br />

comment ils « s’identifient habituellement » sur<br />

TABLEAU 3<br />

Déclaration volontaire des jeunes Canadiens<br />

Groupe<br />

Canadien<br />

avec des origines<br />

ethnique étrangères<br />

Canadien précis (identité hybride)<br />

Jeunes nés<br />

au <strong>Canada</strong> 75 % 12 % 13 %<br />

Immigrants 45 % 23 % 32 %<br />

le plan de l’ethnicité. À titre d’exemple, Gallant<br />

(2008) a constaté dans son étude que moins de<br />

la moitié des répondants ont cité un groupe<br />

ethnique rattaché au pays d’origine de leurs<br />

parents. Le Tableau 3 présente la répartition<br />

des réponses obtenues. Il met en lumière des<br />

différences majeures entre les jeunes nés au<br />

<strong>Canada</strong> et ceux nés à l’étranger en ce qui<br />

concerne la déclaration volontaire. Près d’un<br />

quart des jeunes immigrants se définissent<br />

par leur identité « ethnique » et un tiers par<br />

une identité hybride. Quant aux jeunes nés au<br />

<strong>Canada</strong>, trois quarts d’entre eux se perçoivent<br />

seulement comme des Canadiens (voir Jedwab,<br />

2008, pour une analyse plus approfondie sur<br />

le sujet).<br />

En somme, un nombre surprenant de jeunes<br />

immigrants indiquent que leurs origines ethniques<br />

représentent une dimension essentielle de leur<br />

identité. À l’opposé, les jeunes nés au <strong>Canada</strong> sont<br />

plus susceptibles de se voir uniquement comme<br />

des « Canadiens ». Pour analyser cette relation de<br />

manière plus approfondie, nous avons établi un<br />

indice de l’identité ethnique au moyen de cinq<br />

questions sur ce thème. Nous avons trouvé une<br />

corrélation de -0,35 avec la naissance, qui semble<br />

indiquer une relation superficielle entre les deux –<br />

identité ethnique plus importante pour les<br />

jeunes nés à l’étranger, identité ethnique moins<br />

importante pour les jeunes nés au <strong>Canada</strong>.<br />

Nous avons ensuite remis aux participants un<br />

schéma composé de sept cercles concentriques<br />

et leur avons expliqué que le centre représente<br />

les activités de base de leur « groupe ethnique »<br />

dans la ville ou la région où ils vivent. Nous<br />

leur avons demandé d’indiquer à quelle distance<br />

du centre ils pensent se situer, sur une échelle de<br />

1 à 7, 1 représentant le centre et indiquant qu’ils<br />

se sentent le plus près possible de ces activités,<br />

et 7 indiquant qu’ils s’en sentent très éloignés.<br />

La moyenne générale obtenue est de 4,1, avec<br />

moins de 10 % des répondants se situant dans<br />

chacun des deux premiers cercles. La comparaison<br />

des deux groupes révèle que les immigrants ont<br />

Nos diverses cités 87


TABLEAU 4<br />

Intérêt porté par les jeunes Canadiens aux questions et aux événements canadiens<br />

Beaucoup Plutôt Un peu Pas du tout<br />

Politique canadienne<br />

Jeunes nés au <strong>Canada</strong> 22 % 31 % 24 % 23 %<br />

Immigrants<br />

Sports canadiens<br />

17 % 33 % 26 % 24 %<br />

Jeunes nés au <strong>Canada</strong> 34 % 29 % 20 % 17 %<br />

Immigrants<br />

Auteurs canadiens<br />

29 % 26 % 24 % 21 %<br />

Jeunes nés au <strong>Canada</strong> 13 % 31 % 37 % 19 %<br />

Immigrants<br />

Chanteurs canadiens<br />

10 % 27 % 33 % 30 %<br />

Jeunes nés au <strong>Canada</strong> 15 % 18 % 37 % 30 %<br />

Immigrants<br />

Nourriture canadienne<br />

13 % 19 % 38 % 30 %<br />

Jeunes nés au <strong>Canada</strong> 25 % 42 % 27 % 6 %<br />

Immigrants 24 % 41 % 25 % 11 %<br />

obtenu 3,9 alors que les jeunes nés au <strong>Canada</strong><br />

ont obtenu 4,2 (cet écart n’est pas significatif sur<br />

le plan statistique). Un nombre surprenant de<br />

participants (37 %) se sont situés dans les cercles<br />

6 et 7. Ces résultats indiquent que, bien que les<br />

jeunes soient attachés à leur groupe ethnique<br />

respectif, cet attachement n’est pas universel.<br />

Pour mieux interpréter les résultats obtenus,<br />

il reste encore à analyser en détail et à vérifier<br />

toute une série de facteurs, comme le sexe, le<br />

groupe ethnique ou le statut socio économique<br />

des parents.<br />

Nous avons poursuivi notre évaluation de<br />

l’identité en demandant aux jeunes quels sont les<br />

comportements qu’ils ont adoptés pour préserver<br />

les liens avec leurs origines ethniques, comme<br />

lire des journaux ou des magazines rédigés dans<br />

une langue autre que l’anglais, avoir des amis de<br />

la même origine ethnique ou participer à des<br />

soirées organisées par un groupe ethnique. Alors<br />

que 40 % des jeunes immigrants ont déclaré lire<br />

des imprimés rédigés dans une langue autre que<br />

l’anglais, moins de 8 % des jeunes nés au <strong>Canada</strong><br />

ont déclaré faire de même. En outre, 60 % des<br />

jeunes immigrants écoutent des émissions de<br />

radio ou regardent des émissions de télévision<br />

dans leur langue d’origine, en comparaison de<br />

moins de 10 % pour les jeunes nés au <strong>Canada</strong>.<br />

Enfin, près de la moitié des jeunes immigrants<br />

déclarent avoir au moins trois amis intimes qui<br />

partagent les mêmes origines ethniques, mais<br />

moins d’un quart des jeunes nés au <strong>Canada</strong><br />

déclarent la même chose. Par contre, en ce qui<br />

concerne la question portant sur la participation à<br />

des soirées ethniques, nous n’avons pas trouvé<br />

88 Nos diverses cités<br />

de différences statistiques entre les deux<br />

groupes. Dans l’ensemble, la moitié des jeunes<br />

participent à des danses ou des fêtes ethniques,<br />

ou partent en vacances dans des endroits qui<br />

attirent les personnes qui appar tiennent à un<br />

groupe ethnique semblable au leur. Les résultats<br />

obtenus indiquent que les jeunes essaient de<br />

préserver leur identité ethnique par différents<br />

moyens, mais ils mettent également en lumière<br />

qu’il existe des différences notables entre les<br />

jeunes immigrants eux-mêmes.<br />

Nous avons également établi un indice<br />

d’intégration sociale. Notre analyse se concentre<br />

principalement sur la mesure dans laquelle les<br />

jeunes s’intéressent aux questions canadiennes.<br />

Le Tableau 4 donne un aperçu des différents<br />

intérêts des participants, selon leurs réponses à<br />

la question suivante : « Dans quelle mesure les<br />

sujets suivants vous intéressent-ils ? » Les résultats<br />

montrent qu’il existe peu de différences entre les<br />

jeunes immigrants et les jeunes nés au <strong>Canada</strong><br />

à plusieurs égards. Cependant, on constate que les<br />

immigrants semblent avoir tendance à moins<br />

s’inté resser aux questions et événements cana -<br />

diens que leurs homologues nés au <strong>Canada</strong>, et ce,<br />

de façon constante.<br />

Enfin, nous avons demandé à chaque étudiant<br />

quelle était sa perception de la « valeur » attachée<br />

à l’ethnicité au <strong>Canada</strong>. Le Tableau 5 présente les<br />

évaluations données dans le cadre d’échanges<br />

sociaux et économiques. Les résultats indiquent<br />

que les jeunes immigrants et les jeunes nés au<br />

<strong>Canada</strong> ont des « idées » identiques dans un<br />

certain nombre de domaines. Peu de jeunes<br />

considèrent l’ethnicité comme un désavantage au


TABLEAU 5<br />

Distribution de la valeur accordée<br />

à l’ethnicité par les étudiants<br />

Valeur de l’ethnicité<br />

Avantage Neutre Désavantage<br />

Obtenir un emploi<br />

Jeunes nés au <strong>Canada</strong> 33 % 59 % 8 %<br />

Immigrants<br />

Entrer à l’université<br />

30 % 60 % 10 %<br />

Jeunes nés au <strong>Canada</strong> 19 % 77 % 4 %<br />

Immigrants<br />

Avoir un petit ami,<br />

une petite amie<br />

18 % 78 % 4 %<br />

Jeunes nés au <strong>Canada</strong> 23 % 74 % 3 %<br />

Immigrants<br />

Se marier<br />

21 % 75 % 4 %<br />

Jeunes nés au <strong>Canada</strong> 20 % 77 % 3 %<br />

Immigrants<br />

Acheter une maison<br />

20 % 78 % 2 %<br />

Jeunes nés au <strong>Canada</strong> 20 % 76 % 4 %<br />

Immigrants<br />

Acheter un véhicule<br />

20 % 77 % 3 %<br />

Jeunes nés au <strong>Canada</strong> 21 % 77 % 2 %<br />

Immigrants<br />

Se faire des amis<br />

20 % 78 % 2 %<br />

Jeunes nés au <strong>Canada</strong> 22 % 77 % 1 %<br />

Immigrants 21 % 76 % 3 %<br />

<strong>Canada</strong>. Cependant, une proportion non<br />

négli geable des participants considère que<br />

l’ethnicité est un des facteurs majeurs (un<br />

avantage) qui influent sur le résultat de toute<br />

une série d’échanges quotidiens. Les données<br />

obtenues montrent également que l’obtention<br />

d’un emploi est un échange qualitativement<br />

différent des autres types d’échanges, et que les<br />

deux groupes recon naissent l’importance de<br />

l’ethnicité (aspects positifs et négatifs) lorsqu’il<br />

s’agit d’obtenir un emploi.<br />

Conclusion<br />

Selon les résultats du présent travail de<br />

recherche, l’assimilation des jeunes immigrants<br />

n’a pas tendance à se faire de manière linéaire.<br />

Les résultats indiquent que, pour comprendre<br />

la question de l’identité des jeunes immigrants,<br />

il est préférable de suivre une approche<br />

« seg mentée ». Comme le soulignent Gallant<br />

(2008) et Khanlou (2008), l’ethnicité ne représente<br />

pas forcément une dimension décisive de l’identité<br />

des jeunes immigrants. Dans l’ensemble, notre<br />

étude montre que, même si l’identité ethnique<br />

leur semble importante, les jeunes immigrants ne<br />

sont pas si différents de leurs homologues nés<br />

au <strong>Canada</strong>.<br />

Les résultats obtenus semblent appuyer le<br />

concept d’« intégration » déjà présenté par certains<br />

universitaires, qui présuppose que les jeunes<br />

immi grants cherchent à préserver leur culture<br />

ethnique, mais s’aperçoivent également qu’ils<br />

doivent interagir au quotidien avec des personnes<br />

qui appartiennent à d’autres groupes ethniques.<br />

Comme Berry le mentionne : [Traduction] « (la<br />

personne) maintient un certain niveau d’intégrité<br />

culturelle, tout en cherchant en même temps, à<br />

titre de membre d’un groupe ethnoculturel, à faire<br />

partie intégrante du réseau social élargi » (2008,<br />

p. 51). Nos constatations appuient sa conclusion<br />

selon laquelle les jeunes immigrants semblent<br />

vouloir atteindre un équilibre entre leur culture<br />

d’origine et leur culture canadienne tant dans<br />

leurs relations que dans leurs compétences<br />

acquises. Les jeunes ont remarqué sans équivoque<br />

que la « valeur » de l’ethnicité entraîne des consé -<br />

quences positives et négatives. Même si une<br />

majorité des participants pensent que dans le<br />

cadre de nombreux échanges quotidiens, l’ethni -<br />

cité a un effet neutre, ils admettent aussi que dans<br />

certaines situations, l’ethnicité peut constituer un<br />

avantage ou un désavantage.<br />

Références<br />

Berry, J. 2008. « Acculturation et adaptation des jeunes<br />

immigrants », Diversité canadienne / Canadian Diversity,<br />

vol. 6, n° 2, p. 56-59.<br />

<strong>Canada</strong>. Statistique <strong>Canada</strong>. 2008a. « Aperçu du<br />

recensement – Immigration au <strong>Canada</strong> : un portrait de<br />

la population née à l’étranger, Recensement de 2006 »,<br />

Tendances sociales canadiennes, no 85, Catalogue<br />

no 11-008-XWF, Ottawa, Statistique <strong>Canada</strong>.<br />

———. Statistique <strong>Canada</strong>. 2008b. Rapport sur l’état de la<br />

population du <strong>Canada</strong>, Catalogue no 91-209-XIF, Ottawa,<br />

Statistique <strong>Canada</strong>.<br />

Cohen, A. 2007. The Unfinished Canadian: The People<br />

We Are, Toronto, MacMillan.<br />

DaCosta, K. M. 2007. Making Multiracials: State, Family,<br />

and Market in the Redrawing of the Color Line, Stanford,<br />

Stanford University Press.<br />

Dhingra, P. 2007. Managing Multicultural Lives: Asian<br />

American Professionals and the Challenge of Multiple<br />

Identities, Stanford, Stanford University Press.<br />

Dion, P., et S. Coulombe. 2008. « Portrait de la mobilité des<br />

Canadiens en 2006 : trajectoires et caractéristiques des<br />

migrants », Rapport sur l’état de la population du <strong>Canada</strong>,<br />

Catalogue no 91-209-XIF, Ottawa, Statistique <strong>Canada</strong>.<br />

Gallant, N. 2008. « Identité et participation politique<br />

des jeunes immigrants de deuxième génération », Diversité<br />

canadienne / Canadian Diversity, vol. 6, no 2, p. 52-55.<br />

Nos diverses cités 89


Gans, H. 1979. « Symbolic Ethnicity: The Future of Ethnic<br />

Groups and Cultures in America », Ethnic and Racial<br />

Studies, n° 2, p. 1-20.<br />

Gregg, A. 2006. « Identity Crisis. Multiculturalism:<br />

A Twentieth Century Dream Becomes a Twenty-first<br />

Century Conundrum », Walrus (mars).<br />

Huntington, S. 2004. Qui sommes-nous ? Identité<br />

nationale et choc des cultures, Paris, Odile Jacob.<br />

Jedwab, J. 2008. « Appartenance ethnique et nationale<br />

chez les Canadiens de deuxième génération : essor des<br />

Canadiens ‘inassimilables’ ? », Diversité canadienne /<br />

Canadian Diversity, vol. 6, no 2, p. 28-38.<br />

Khanlou, N. 2008. « Intégration psychosociale au<br />

<strong>Canada</strong> des jeunes racialisés des deuxième et troisième<br />

générations », Diversité canadienne / Canadian Diversity,<br />

vol. 6, no 2, p. 60-64.<br />

Lamba, N., M. Mulder, et L. Wilkinson. 2000. Immigrants<br />

and Ethnic Minorities on the Prairies: A Statistical<br />

Compendium, Edmonton, Centre d’excellence des Prairies<br />

pour la recherche en immigration et en intégration.<br />

90 Nos diverses cités<br />

Diversité canadienne / Canadian Diversity<br />

L’avenir de l’immigration<br />

Milan, A., et L. Martel. 2008. « La conjoncture<br />

démographique au <strong>Canada</strong>, 2005 et 2006 », Rapport sur<br />

l’état de la population du <strong>Canada</strong>, Catalogue no 91-209-XIF,<br />

Ottawa, Statistique <strong>Canada</strong>.<br />

Mulder, M., et B. Korenic. 2005. Portraits of Immigrants<br />

and Ethnic Minorities in <strong>Canada</strong>: Regional Comparisons,<br />

Edmonton, Centre d’excellence des Prairies pour la<br />

recherche en immigration et en intégration.<br />

Novak, M. 1971. The Rise of the Unmeltable Ethnics,<br />

New York, Macmillan.<br />

Portes, A. Q., et R. Rumbaut. 2001. Legacies: The Story of<br />

the Immigrant Second Generation, Berkeley, University<br />

of California Press.<br />

Rockquemore, K., et D. Brunsma. 2002. Beyond Black:<br />

Biracial Identity in America, Thousand Oaks, Sage<br />

Publications.<br />

Le numéro d’été 2008 de Diversité canadienne / Canadian<br />

Diversity est consacré à l’avenir de l’immigration. Il renferme<br />

des articles sur les tendances et les habitudes en matière de<br />

migration, ainsi que sur le nouveau phénomène de migration.<br />

Ce numéro fait suite à un séminaire interconférence <strong>Metropolis</strong><br />

organisé par le Monash Institute for the Study of Global Movements<br />

et tenu à Prato, en Italie, en mai 2006. Les articles sont fondés sur<br />

des communications présentées à l’occasion de ce séminaire, de<br />

même que sur des communications de la 12 e conférence inter -<br />

nationale <strong>Metropolis</strong> tenue à Melbourne, en Australie. S’inspirant<br />

des thèmes explorés par les conférenciers, les auteurs traitent des<br />

futurs flux d’immigration, de la propension à la migration circulaire et à la migration<br />

de retour, de la féminisation accrue de la migration, de la croissance de l’Asie comme<br />

concurrent sur le plan de la migration, de la migration et de l’environnement ainsi que de<br />

l’éthique de la migration. Avec une introduction de Demetrios Papademetriou du Migration<br />

Policy Institute, ce numéro propose aux chercheurs, aux responsables des politiques et aux<br />

intervenants différents points de vue sur l’avenir de l’immigration.<br />

Été 2008<br />

Directeur invité : Demetrios Papademetriou (Migration Policy Institute)<br />

Pour commander un exemplaire :<br />


Les jeunes et les milieux urbains<br />

en tant que formes d’attachement :<br />

une étude menée à Calgary<br />

YVONNE HÉBERT<br />

University of Calgary<br />

Les études sur l’attachement des jeunes aux espaces urbains présentent un intérêt général<br />

en matière d’élaboration des politiques. Elles touchent le pouvoir d’absorption des villes et<br />

des États, ainsi que leur capacité de façonner les identités et les attaches dans le cadre du<br />

développement urbain et humain et de comprendre comment les quartiers et les paysages<br />

urbains sont transformés, en théorie et en pratique, par les jeunes immigrants.<br />

JENNIFER WENSHYA LEE<br />

National Taiwan University<br />

De nos jours, on porte un intérêt croissant à<br />

l’identité et au lieu, en particulier en ce qui a trait<br />

au développement de l’identité, de la culture et<br />

des connaissances des jeunes comme citoyens de<br />

pays démocratiques pluralistes. Les processus<br />

d’attachement et d’identification des jeunes sont<br />

d’un intérêt crucial pour les pays qui cherchent à<br />

intégrer les immigrants et les réfugiés à l’intérieur<br />

de territoires aussi délimités que poreux, car<br />

l’attachement et l’identification jouent un rôle<br />

essentiel en ce qui concerne les thèmes récurrents<br />

de la cohésion sociale et du partage des valeurs.<br />

Nous nous intéressons à l’intersection entre<br />

les nouvelles cultures des jeunes et les relations<br />

sociales qui constituent l’espace, ainsi qu’à leurs<br />

significations pour la citoyenneté.<br />

Les villes, les quartiers et les jeunes<br />

Les villes fonctionnent en maintenant l’ordre<br />

sur leur territoire, en façonnant leurs résidants,<br />

en formant leurs citoyens, en définissant leurs<br />

monuments et leurs services, et en construisant<br />

des endroits de souvenir et de commémoration<br />

(Osborne, 2001). Les quartiers servent de cadres<br />

pour recevoir les immigrants et initier les gens<br />

aux espaces, créant ainsi de nouvelles formes de<br />

quartiers et de lieux publics et modifiant celles qui<br />

existaient déjà (Appadurai, 1996). Tout comme les<br />

rapports avec la famille et les amis peuvent varier<br />

en intensité et en durée, il en va de même pour les<br />

liens avec les quartiers, qui servent de points de<br />

repère aux nouveaux arrivants de même qu’aux<br />

résidants de longue date, avec leurs rues fami -<br />

lières, leurs voies de circulation, leurs magasins,<br />

leurs moyens de transport et leurs établissements<br />

(écoles, hôpitaux, tribunaux, lieux de culte, etc.).<br />

De plus, compte tenu de l’évolution du concept<br />

de culture – passant des racines au parcours,<br />

comme l’avance Massey (1998) –, les racines et les<br />

parcours des jeunes dans le milieu urbain revêtent<br />

une importance considérable pour l’intégration.<br />

Selon plusieurs études australiennes, les<br />

controverses publiques ont tendance à se<br />

concentrer sur les activités des jeunes dans les<br />

espaces publics, alors que le principal lieu<br />

d’interaction sociale de ceux-ci est l’espace privé<br />

du domicile. Les jeunes de Melbourne passent le<br />

plus clair de leur temps chez eux ou chez un ami<br />

(White et coll., 1997, cités dans White et Wyn,<br />

2004). Pour les jeunes de Melton, les critères selon<br />

lesquels un lieu est accueillant ou hostile à leur<br />

endroit sont notamment le type de personnes qui<br />

le fréquentent, l’acceptation, la cordialité dont<br />

ces personnes font preuve, l’environnement, la<br />

Nos diverses cités 91


Les participants disent clairement être conscients de l’importance<br />

du lieu et du souvenir pour nouer des liens significatifs avec le<br />

milieu local en tant que résidants et citoyens.<br />

92 Nos diverses cités<br />

qualité du divertissement, l’absence de violence<br />

ou de menaces à la sécurité et la possibilité de se<br />

procurer des aliments et des boissons bon marché.<br />

Les lieux hostiles se caractérisent par un service<br />

et un emplacement médiocres, un personnel peu<br />

courtois, des bagarres et un sentiment d’insécurité,<br />

la consommation de drogues et d’alcool, la<br />

présence policière et le fait d’être le seul ado -<br />

lescent dans cet endroit (Wooden, 1997). Même<br />

si les liens avec le quartier et la loyauté à son<br />

égard peuvent coexister avec des pratiques et des<br />

opinions racistes, le lieu de résidence et les points<br />

de repère communs constituent le fondement<br />

de l’établissement et du maintien des amitiés<br />

interethniques et de l’appropriation du territoire<br />

de la rue (Hewitt, 1986; Wulff, 1995).<br />

Étude menée à Calgary :<br />

méthodologie et participants<br />

Calgary est située dans une vaste prairie riche<br />

en pétrole, à proximité des contreforts est des<br />

Rocheuses. Sa population, en croissance rapide,<br />

était de 988 193 habitants lors du Recensement<br />

de 2006, ce qui représente une augmentation de<br />

12,4 % par rapport au Recensement précédent;<br />

l’augmentation de la population canadienne<br />

pour la même période n’était que de 5,4 %. La<br />

ville compte quatre secteurs – nord-ouest, nordest,<br />

sud-ouest et sud-est – abritant des résidants<br />

très divers, en plus du centre-ville. En général,<br />

les secteurs nord-ouest et sud-ouest sont les plus<br />

aisés de la ville, les deux secteurs situés à l’est<br />

étant les plus hétérogènes.<br />

Un total de 390 étudiants inscrits dans 11 écoles<br />

secondaires de deuxième cycle et une école de<br />

1<br />

Les données traitées dans le présent article sont tirées du<br />

projet Identity Formation of Immigrant Youth: Strategic<br />

Competence, qui a bénéficié du soutien financier du<br />

Conseil de recherches en sciences humaines du <strong>Canada</strong>, du<br />

Programme du multiculturalisme de Patrimoine canadien, et<br />

du Centre <strong>Metropolis</strong> des Prairies. Il a été réalisé entre 1998<br />

et 2001 sous la direction d’Yvonne Hébert comme chercheuse<br />

principale. Le codage et l’analyse des données ont été réalisés<br />

par Jennifer Wenshya Lee, adjointe à la recherche, et les<br />

interviews ont été menés par Christine Racicot, Chiara Berti,<br />

Xiaohong Shirley Sun et Jennifer Wenshya Lees. Un collègue,<br />

Jim Frideres, a contribué à l’analyse statistique.<br />

langues ancestrales du samedi ont participé à une<br />

étude visant à déterminer leurs espaces urbains<br />

préférés. Cette étude comprenait un exercice de<br />

définition des liens établis avec le milieu urbain<br />

ainsi que 14 entrevues de suivi 1 . Les participants<br />

devaient fournir le nom de leur quartier et<br />

indiquer depuis combien de temps ils y<br />

habitaient. Ensuite, à l’aide de cinq cartes à petite<br />

échelle de la ville, ils devaient indiquer leurs<br />

deux endroits préférés et fournir par écrit les<br />

raisons de leur choix pour chaque secteur et ses<br />

environs, ainsi que pour les zones situées à<br />

l’extérieur de la ville 2 .<br />

Au moment de la collecte de données, la<br />

majorité des étudiants participants (74,1 %)<br />

étaient en 11 e année, 20 % étaient en 12 e année et<br />

le reste, en 10 e année. Parmi eux, 116 (29,7 %) sont<br />

des immigrants de première génération, tandis<br />

que 105 (26,9 %) sont de deuxième génération et<br />

le reste, des étudiants nés au pays 3 . Des 390 jeunes<br />

participants, 41,3 % sont des garçons et 58,7 %,<br />

des filles. En réponse à une question concernant<br />

leur ascendance 4 , les participants ont indiqué leur<br />

origine ethnique, se disant à 20,8 % Est/Sud-<br />

Est-Asiatiques, à 11,5 % Britanniques, à 10 %<br />

Européens continentaux, à 5,6 % Canadiens, à<br />

9 % Arabes ou Ouest/Sud-Asiatiques, à 4,1 %<br />

Latino-Américains, et à 13,6 % de multiples<br />

origines. Près de 19 % des participants n’ont pas<br />

précisé leur origine ethnique.<br />

Les parents des participants qui vivent dans<br />

le secteur nord-ouest ont un niveau de scolarité<br />

beaucoup plus élevé que ceux des autres secteurs :<br />

73,7 % des pères y possèdent un ou plusieurs<br />

diplômes universitaires, comparativement à<br />

2<br />

Pour toutes les citations fournies dans le présent document,<br />

nous avons utilisé un numéro de cas ou un pseudonyme (nom<br />

de code choisi volontairement par les jeunes eux-mêmes à la<br />

fin du questionnaire), suivi de marqueurs pour le sexe, l’école,<br />

l’année d’études, l’âge et l’origine ethnique.<br />

3<br />

Pour les besoins de la présente analyse, les jeunes nés à l’étranger<br />

de parents nés à l’étranger ont été classés dans la catégorie<br />

« première génération », les jeunes nés au <strong>Canada</strong> dont l’un des<br />

parents ou les deux sont d’origine immigrante ont été classés<br />

dans la catégorie « deuxième génération », tandis que les jeunes<br />

nés au <strong>Canada</strong> de parents aussi natifs du <strong>Canada</strong> ont été classés<br />

dans la catégorie « jeunes non issus de l’immigration ».


TABLEAU 1<br />

Génération de l’immigrant, selon le secteur de la ville (N = 379)<br />

Nord-ouest Nord-est Sud-ouest Sud-est<br />

Jeunes de la 1re génération 24,5 % 32,6 % 44,4 % 42,5 %<br />

Jeunes de la 2e génération 26,9 % 27,4 % 27,8 % 32,5 %<br />

Jeunes non issus de l’immigration 48,6 % 40,0 % 27,8 % 25,0 %<br />

Total (208) (95) (36) (40)<br />

* = 13,1; p < 0,05<br />

TABLEAU 2<br />

Exploration des secteurs de la ville, selon le type de lieu urbain préféré (N = 360)<br />

Centres Centres Lieux de rencontre Lieux de rencontre<br />

commerciaux Domiciles sportifs institutionnels non institutionnels Nature<br />

Centre-ville 72,2 % 2,2 % 6,9 % 3,3 % 4,1 % 4,1 %<br />

Nord-ouest 40,6 % 18,4 % 9,8 % 9,5 % – 8,4 %<br />

Nord-est 46,2 % 16,1 % 12,4 % – 6,8 % –<br />

Sud-ouest 52,7 % 10,3 % 16,4 % 5,5 % – 4,1 %<br />

Sud-est 27,1 % 30,5 % 15,3 % – 6,8 % 11,9 %<br />

27,2 % dans le secteur nord-est et à 33,3 % dans<br />

le secteur sud-est, où le pourcentage des parents<br />

ayant terminé l’école secondaire est le plus élevé.<br />

Les niveaux de scolarité des mères suivent un<br />

schéma semblable.<br />

Les centres commerciaux :<br />

lieux urbains de prédilection<br />

Les six principaux lieux de Calgary préférés<br />

par les participants sont les zones commerciales,<br />

les domiciles, les centres sportifs, les lieux de<br />

rencontre institutionnels et non institutionnels,<br />

et la nature (plein air), ces espaces étant tous<br />

destinés aux jeunes ou accueillants à leur égard 5 .<br />

La majorité des participants qui explorent le<br />

4 Réunies afin de faciliter l’analyse statistique des données<br />

globales, les catégories d’appartenance ethnique utilisées dans<br />

la présente analyse comprennent les regroupements suivants.<br />

Les « Est/Sud-Est-Asiatiques » englobent, par exemple, les<br />

groupes d’origine chinoise, japonaise, coréenne, philippine,<br />

cambodgienne, vietnamienne et indonésienne. Les « Britanniques »<br />

comprennent les groupes d’origine anglaise, irlandaise, écossaise<br />

et galloise. Les « Européens continentaux » englobent les groupes<br />

d’origine autrichienne, néerlandaise, allemande, suisse, française,<br />

tchèque, hongroise, polonaise, russe, ukrainienne, danoise,<br />

suédoise et norvégienne. Les « Canadiens » comprennent les<br />

Québécois, les Acadiens, les Canadiens-français et ceux qui se<br />

déclarent Canadiens. Les « Arabes ou Ouest/Sud-Asiatiques »<br />

comprennent les groupes d’origine égyptienne, iraquienne,<br />

libanaise, marocaine, palestinienne, arabe, afghane, iranienne,<br />

turque, perse, bengali, panjabi, bangladaise, indo-orientale<br />

et cachemirienne. Les « Latino-Américains » comprennent les<br />

groupes d’origine chilienne, guatémaltèque, hispanique,<br />

salvadorienne et vénézuélienne, entre autres.<br />

centre-ville et le secteur sud-ouest sont attirés<br />

par les vastes centres commerciaux qui sont<br />

partout présents dans ces zones de Calgary;<br />

toutefois, les participants qui explorent le secteur<br />

sud-est ont des lieux de prédilection différents,<br />

étant davantage attirés par les domiciles que<br />

par les centres commerciaux, comme l’indique<br />

le Tableau 2.<br />

Ainsi, les jeunes de trois des secteurs, dont<br />

49,2 % ne sont pas issus de l’immigration,<br />

préfèrent les centres commerciaux, alors que<br />

les jeunes du secteur sud-est, dont 75 % sont<br />

issus de l’immigration, préfèrent les domiciles,<br />

probablement en raison d’influences culturelles<br />

et de liens familiaux profonds.<br />

À propos de leurs deux lieux préférés, trois<br />

questions étaient posées aux jeunes dans<br />

l’exercice de définition des liens avec le milieu<br />

urbain (Pourquoi allez-vous à cet endroit ? En<br />

5<br />

Les centres commerciaux comprennent les galeries marchandes,<br />

les centres commerciaux linéaires et les petits magasins de<br />

quartier. Les centres sportifs comprennent les terrains de jeu, les<br />

courts, les patinoires, les centres de loisirs, les YMCA, ainsi que les<br />

parcs s’ils sont utilisés pour la pratique du sport. Les domiciles<br />

comprennent la demeure de l’adolescent, d’un ami ou d’une<br />

amie, du petit ami ou de la petite amie, d’un proche ou d’un<br />

professeur particulier (p. ex., leçons de musique). Les lieux de<br />

rencontre institutionnels comprennent les clubs de jeunes et les<br />

centres communautaires, les campus scolaires et universitaires,<br />

et les églises. Les lieux de rencontre non institutionnels<br />

comprennent les salles de jeux électroniques, de billard, les clubs<br />

de quilles et les restaurants. La nature englobe les parcs publics,<br />

les aires pour animaux en liberté, les cours d’eau, les plages<br />

et les forêts.<br />

Nos diverses cités 93


TABLEAU 3<br />

Lieux de Calgary et des environs que les jeunes des groupes ethniques préfèrent explorer<br />

quoi cet endroit vous plaît-il ? Pourquoi préférezvous<br />

cet endroit ?). En réponse à ces questions,<br />

un participant a écrit ceci à propos du marché<br />

de l’Eau Claire, près de la rivière Bow, dans le<br />

secteur sud-ouest :<br />

Pour les jeux, les salles de jeux électroniques,<br />

et pour flâner et magasiner […] Tous nos amis<br />

aiment les jeux et le magasinage; ils veulent<br />

aussi s’éloigner de leurs aînés libanais, qui leur<br />

font des reproches s’ils rentrent tard. (Tony<br />

Montana, no 287, F, école J, 11 e année, 17 ans,<br />

Libanaise, née au Liban d’un père né au Liban<br />

et d’une mère née en Syrie, au <strong>Canada</strong> depuis<br />

12 ans.)<br />

Les entrevues de suivi ont fourni des<br />

explications supplémentaires concernant la<br />

préférence marquée pour le domicile :<br />

J’aime rester chez moi […] J’y retrouve mes<br />

sœurs, ma plus jeune sœur. Nous parlons de<br />

nos problèmes, juste pour le plaisir. J’aime<br />

rester à la maison; je n’aime pas aller traîner<br />

au centre commercial. Je ne fréquente pas<br />

les boîtes de nuit, ce genre d’endroits. Mon<br />

endroit préféré, c’est la maison, je la connais<br />

bien […] La maison, c’est un lieu que j’aime<br />

beaucoup… (Il Trumpetor, no 350, F, école M,<br />

12e année, 17 ans, d’origines britannique,<br />

américaine et irlandaise, née au <strong>Canada</strong> d’un<br />

père né au Royaume-Uni et d’une mère née<br />

aux États-Unis, au <strong>Canada</strong> depuis 17 ans.)<br />

Les racines sont importantes...<br />

Les analyses de l’incidence éventuelle du niveau<br />

de scolarité des parents, de la génération<br />

Arabes ou Ouest/ Latino- Est/Sud-Est-<br />

Sud-Asiatiques Canadiens Américains Asiatiques Britanniques Européens<br />

Exploration à Calgary<br />

Secteur où le domicile<br />

n’est pas situé<br />

Secteur où le domicile<br />

2,9 % 0,0 % 18,8 % 10,3 % 9,1 % 2,6 %<br />

est situé uniquement<br />

Centre-ville et<br />

48,6 % 23,8 % 31,3 % 11,5 % 29,5 % 21,1 %<br />

autres secteurs<br />

Exploration à l’extérieur<br />

34,3 % 33,3 % 37,5 % 59,0 % 38,6 % 36,8 %<br />

de Calgary 14,3 % 42,9 % 12,5 % 19,2 % 22,7 % 39,5 %<br />

Nombre total de réponses (35) (21) (16) (78) (44) (38)<br />

* = 50,8; p < 0,05<br />

94 Nos diverses cités<br />

d’immigrants et du sexe n’ont pas montré de<br />

différences statistiquement significatives quant<br />

au type et à la nature de l’exploration urbaine par<br />

les participants. Toutefois, l’origine ethnique se<br />

conjugue de manière intéressante à l’exploration,<br />

par les participants, des espaces urbains de<br />

Calgary et à leur attachement à ceux-ci. Chez<br />

les jeunes Arabes ou Ouest/Sud-Asiatiques, la<br />

préférence pour le secteur où leur domicile est<br />

situé est influencée par de forts liens familiaux et<br />

ethnoculturels. Les membres de ce groupe et les<br />

participants d’origine britannique sont les seuls<br />

pour qui on retrouve les centres sportifs parmi les<br />

lieux le plus souvent choisis dans le secteur où<br />

leur domicile est situé.<br />

Les trois principales raisons de l’attachement<br />

au secteur du centre-ville les plus fréquemment<br />

citées par les adolescents est/sud-est asiatiques<br />

sont, dans l’ordre, l’aspect pratique (49,1 %),<br />

l’appré ciation (19,8 %) et les amis (12,8 %). Les<br />

trois principales raisons fournies par les jeunes<br />

Arabes ou Ouest/Sud-Asiatiques sont l’aspect<br />

pratique (52,1 %), l’appréciation (18,8 %) et les<br />

amis (10,4 %), tandis que les raisons invoquées<br />

par les adolescents canadiens sont l’aspect<br />

pratique (50,8 %) et l’appréciation (29,2 %). Pour<br />

illustrer ces tendances, un participant invoque<br />

comme raisons l’aspect pratique, l’appréciation<br />

et la famille :<br />

Je vais au Sportsplex du Nord-Est pour jouer<br />

au soccer et utiliser le grand gymnase. L’équipe<br />

de mon oncle s’y entraîne. Mon deuxième<br />

choix est le centre récréatif, pour jouer au<br />

basket-ball; on trouve toujours des gens avec<br />

qui jouer. (Big Bow Wow, n o 296, M, école J,


11 e année, 16 ans, Panjabi, né au <strong>Canada</strong><br />

de parents nés en Inde, au <strong>Canada</strong> depuis<br />

16 ans.)<br />

Du fait que Chinatown est situé au centre-ville,<br />

les adolescents est/sud-est-asiatiques explorent<br />

intensément cette partie de la ville, comme<br />

l’indique un adolescent d’origine chinoise :<br />

Je vais à Chinatown rendre visite à mon ami.<br />

Je m’y sens proche des Chinois. (no 318, M,<br />

école L, 11 e année, 18 ans, Chinois, né en Chine<br />

de parents nés en Chine, au <strong>Canada</strong> depuis<br />

trois ans, secteur nord-ouest.)<br />

La préférence des Canadiens et des Européens<br />

continentaux pour l’exploration à l’extérieur<br />

de Calgary découle de leur attachement à la<br />

nature, y compris à la terre. Une étudiante livre<br />

ses réflexions sur les centres commerciaux<br />

omniprésents, qu’elle oppose à son profond<br />

attachement pour la ferme, un lieu imprégné<br />

d’une signification intense, presque mythique :<br />

Oh, les centres commerciaux, vous savez, ils<br />

cessent d’être familiers parce qu’ils changent<br />

tellement. Prenez le nôtre, par exemple, le<br />

centre Northland, il perd... ils essaient d’attirer<br />

les personnes âgées, d’où des boutiques vieux<br />

jeu, comme Tan Jay, vous savez, ce genre de<br />

vêtements. La ferme, je ne cesserai jamais de<br />

l’aimer; c’est un refuge, et même si elle<br />

change, ce sera toujours mon paradis. C’est<br />

aussi un endroit familier [...] je suis restée<br />

très cow-girl, pour ainsi dire, je suis une fille<br />

de la campagne… (Evann Vaughn, n o 239, G,<br />

école L, 11 e année, 16 ans, Caucasienne, née au<br />

<strong>Canada</strong> de parents nés au <strong>Canada</strong>, au <strong>Canada</strong><br />

depuis 16 ans.)<br />

Les parcours sont importants...<br />

Ce qui est peut-être essentiel, c’est la similarité<br />

qui existe généralement entre tous les groupes<br />

dans leur manière d’explorer le paysage social,<br />

au sein et à l’extérieur de la ville :<br />

Je vais très souvent chez un ami ou je flâne au<br />

centre-ville, du côté de la 17 e Avenue ou ailleurs,<br />

ou bien je reste chez moi […] Parce que je n’ai<br />

pas encore l’âge d’aller n’importe où, donc la<br />

plupart des endroits où je vais se trouvent au<br />

centre-ville. Je n’ai pas de voiture, je ne peux<br />

pas me déplacer facilement; j’habite au milieu<br />

de nulle part, il me faut deux heures pour venir<br />

ici en autobus, donc habituellement je ne me<br />

donne pas la peine. Si je veux aller quelque<br />

part, mes parents m’emmènent, à condition que<br />

l’endroit où je veux aller soit convenable, selon<br />

eux... (Carla, n o 82, F, école S, 12 e année, 17 ans,<br />

Chinoise, née en Chine de parents nés en Chine,<br />

au <strong>Canada</strong> depuis dix ans et demi.)<br />

Les participants disent clairement être<br />

conscients de l’importance du lieu et du souvenir<br />

pour nouer des liens significatifs avec le milieu<br />

local en tant que résidants et citoyens. En voici<br />

un exemple :<br />

Lorsque vous habitez dans un endroit où vous<br />

vous sentez chez vous, c’est pour cette raison,<br />

je suppose, que vous commencez à l’aimer.<br />

Si vous vous en éloignez, il vous manquera<br />

probablement […] Je suppose qu’avec le temps,<br />

les endroits où vous êtes allé et où vous n’êtes<br />

pas resté longtemps, où vous n’avez pas fait<br />

quelque chose dont vous pouvez vous rappeler<br />

à jamais ou dont vous avez souvenir, un<br />

souvenir spécial, par exemple des photos ou<br />

autre chose [...] Je suppose que vous l’oublierez<br />

si vous n’avez pas tout ça. (n o 56, F, école Q,<br />

11 e année, 16 ans, Cachemirienne, née au<br />

Cachemire de parents nés au Cachemire, au<br />

<strong>Canada</strong> depuis trois ans, secteur nord-est.)<br />

Toutefois, les préférences peuvent changer,<br />

comme l’explique une répondante est-asiatique<br />

qui se détache peu à peu de Chinatown :<br />

Ce n’est pas parce que je n’aime pas les gens<br />

qui se trouvent là, c’est parce que la plupart<br />

des Orientaux y vont et j’ai alors l’impression<br />

d’être dans un lieu complètement différent,<br />

comme isolé. J’y vois moins de Canadiens et<br />

cela renforce l’impression d’isolement. (n o 88,<br />

F, école L, 12 e année, 19 ans, Chinoise, née à<br />

Taïwan de parents nés à Taïwan, au <strong>Canada</strong><br />

depuis six ans, secteur nord-ouest.)<br />

En cherchant à être plus canadienne, elle<br />

exprime son désir d’établir des liens multiples<br />

tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de son groupe<br />

ethnique, en prenant une certaine distance<br />

par rapport aux lieux qui sont imprégnés des<br />

significations collectives d’une communauté<br />

ethnoculturelle forte.<br />

Interprétations et conclusion<br />

Contrairement aux jeunes Australiens cités<br />

précédemment, ces adolescents de Calgary, à<br />

Nos diverses cités 95


96 Nos diverses cités<br />

l’exception de ceux du secteur sud-est, ont<br />

tendance à préférer d’abord les centres<br />

commerciaux et ensuite les domiciles. Cela a une<br />

portée considérable en ce qui concerne l’espace<br />

public et la citoyenneté.<br />

Par le passé, la notion d’« espace public »<br />

désignait une rue, une aire commune, une<br />

place ou un parc public. L’arrivée des centres<br />

commerciaux a remis en question cette idée, parce<br />

que ce sont des milieux soigneusement adaptés,<br />

orientés vers le magasinage, le divertissement<br />

et les loisirs, qui forment des enclaves sûres<br />

pour la classe moyenne. On peut interpréter d’au<br />

moins deux manières cette notion changeante de<br />

l’espace public. D’une part, la notion d’espace<br />

public à Calgary est redéfinie pour inclure les<br />

espaces utilisés de manière intensive (Livesey<br />

et Down, 2000). Ces derniers incluent, par<br />

exemple, les petits restaurants-minute et les<br />

cafés, les campus aménagés comme des parcs,<br />

les mégacentres commerciaux, les complexes<br />

cinématographiques multisalles et les magasins<br />

hybrides qui servent de librairie, de bibliothèque<br />

et de café. L’attrait de ces petits endroits fermés<br />

est renforcé par le climat froid, en particulier<br />

durant les rudes hivers canadiens. D’autre part,<br />

une redéfinition des espaces publics utilisés de<br />

manière intensive rend floue la distinction entre<br />

les espaces ouverts sous condition au public,<br />

comme les centres commerciaux, les églises et les<br />

cafés, et ceux qui sont ouverts sans restriction,<br />

comme le Calgary Olympic Plaza, au centreville<br />

(Maas, 2002). Par exemple, un mendiant<br />

en haillons malodorants sera expulsé sur-lechamp<br />

de Holt Renfrew ou de Starbucks, mais il<br />

aura parfaitement le droit de s’asseoir dans<br />

un espace public comme Prince’s Island, au<br />

centre-ville.<br />

Compte tenu de leur fort penchant pour<br />

le centre-ville et les centres commerciaux, les<br />

jeunes participants ont compris leur attrait, leur<br />

attribuant la vitalité des espaces publics ouverts<br />

sans restriction. Ces espaces deviennent des lieux<br />

d’attachement significatifs par un processus<br />

d’établissement de repères. De plus, nos<br />

conclusions appuient les théories d’Appadurai<br />

sur la production du lieu comme élément<br />

essentiel de la formation de l’identité, de la<br />

cohésion sociale et de la citoyenneté.<br />

Les études sur l’attachement des jeunes aux<br />

espaces urbains présentent un intérêt général<br />

en matière d’élaboration des politiques. Elles<br />

touchent le pouvoir d’absorption des villes et<br />

des États, ainsi que leur capacité de façonner<br />

les identités et les attaches dans le cadre du<br />

déve lop pement urbain et humain et de com -<br />

prendre comment les quartiers et les paysages<br />

urbains sont transformés, en théorie et en<br />

pratique, par les jeunes immigrants. Toutefois,<br />

la prépon dérance des lieux de consommation<br />

dans une économie de marché néolibérale est<br />

préoc cupante sur le plan de la citoyenneté,<br />

car elle semble indiquer que le magasinage<br />

rem place l’exercice du droit de vote et de<br />

l’engagement civique. Comme Ken Osborne le<br />

prévoyait en 1997, on verra bientôt apparaître<br />

le citoyen-consommateur.<br />

La nature de ces liens, déterminée par l’appar -<br />

tenance ethnique dans le cas des jeunes issus de<br />

l’immigration, remet en question ce que veut dire<br />

être Canadien. Les néo-Canadiens s’établis -<br />

sement directement dans les grands centres<br />

urbains et leurs liens fondamentaux avec ce<br />

pays sont ceux de leur ville de résidence. Selon<br />

notre analyse, la nature des liens de citoyenneté<br />

change, ceux-ci étant davantage axés sur la<br />

production de points de repère urbains assortis<br />

de liens transnationaux qui varient dans le<br />

temps et dans l’espace. Cette multitude de points<br />

de repère est source d’ambiguïté lorsqu’on<br />

entend par intégration l’inclusion, la cohésion et<br />

la fédération (Bauböck, 2001). Le développement<br />

des citoyens s’effectuant dans une collectivité<br />

imaginée (Anderson, 1991), l’imagination doit<br />

dépasser les notions abstraites et juridiques de<br />

ce que veut dire être Canadien, pour englober<br />

des concepts et des pratiques d’appartenance<br />

souples reposant sur des relations sociales<br />

capitales dans des lieux significatifs. Mais où est<br />

le citoyen-consommateur ?<br />

À propos des auteures<br />

YVONNE HÉBERT est professeure à la Faculté d’éducation<br />

de la University of Calgary. Elle s’intéresse à la citoyenneté,<br />

aux questions de culture et aux minorités dans le domaine<br />

de l’éducation. Au nombre de ses ouvrages, mentionnons<br />

Negotiating Transcultural Lives: Belongings and Social<br />

Capital Among Youth in Comparative Perspective (recueil de<br />

textes préparé en collaboration avec D. Hoerder et I. Schmitt)<br />

et Citizenship in Transformation in <strong>Canada</strong>.<br />

JENNIFER WENSHYA LEE est directrice adjointe du Center<br />

for Teaching and Learning Development de la National<br />

Taiwan University. Elle a reçu de la fondation Chian<br />

Ching-Kuo (CCK) une bourse de doctorat et une bourse de<br />

postdoctorat, toutes deux pour l’exécution de recherches<br />

à la University of Calgary. Elle a récemment publié des<br />

articles dans l’International Journal of Citizenship<br />

Teaching and Learning et dans l’Alberta Journal of<br />

Educational Research.


Références<br />

Appadurai, A. 1996. Modernity at Large: Cultural Dimensions<br />

of Globalization, Minneapolis, University of Minnesota Press.<br />

Anderson, B. 1991. Imagined Communities: Reflections on<br />

the Origin and Spread of Nationalism, éd. rév., Londres, Verso.<br />

Bauböck, R. 2001. « International Migration and Liberal<br />

Democracies: The Challenge of Integration », Patterns of<br />

Prejudice, vol. 35, no 4, p. 33-49.<br />

Hewitt, R. 1986. White Talk, Black Talk: Inter-Racial<br />

Friendship and Communication Among Adolescents,<br />

Cambridge, Cambridge University Press.<br />

Livesey, G., et D. Down. 2000. « Unexpected Public Spaces »,<br />

Avenue (mai), p. 26-33.<br />

Maas, P. 2002. Conversation par courriels, janvier-février,<br />

Calgary, Ville de Calgary, Land Use Planning and Policy.<br />

Massey, D. 1998. « The Spatial Construction of Youth<br />

Cultures », dans T. Skelton et G. Valentine (dir.), Cool Places:<br />

Geographies of Youth Cultures, Londres, Routledge.<br />

Thèmes canadiens / Canadian Issues<br />

Nouveaux arrivants, minorités et<br />

participation politique au <strong>Canada</strong><br />

Osborne, B. S. 2001. « Landscapes, Memory, Monuments<br />

and Commemoration: Putting Identity in its Place », Études<br />

ethniques au <strong>Canada</strong> / Canadian Ethnic Studies, vol. 33,<br />

no 3, p. 39-77.<br />

Osborne, K. 1997. « Education is the Best National<br />

Insurance: Citizenship Education in Canadian Schools.<br />

Past and Present », Éducation canadienne et internationale /<br />

Canadian and International Education, vol. 25, no 2,<br />

p. 31-58.<br />

White, R., et J. Wyn. 2004. Youth and Society: Exploring the<br />

Social Dynamics of Youth Experience, Auckland, Oxford<br />

University Press.<br />

White, R., et coll. 1997. Any Which Way You Can: Youth<br />

Livelihoods, Community Resources and Crime, Hobart,<br />

Australian Clearinghouse for Youth Studies.<br />

Wooden, F. 1997. Youth Access Audit: 6 Month Progress<br />

Report, Melton, Australie, Shire of Melton.<br />

Wulff, H. 1995. « Inter-Racial Friendship: Consuming Youth<br />

Styles, Ethnicity and Teenage Femininity in South London »,<br />

dans V. Amit-Talai et H. Wulff (dir.), Youth Cultures:<br />

A Cross-Cultural Perspective, Londres, Routledge.<br />

Le projet <strong>Metropolis</strong>, le Réseau de recherche sur la participation<br />

politique ainsi que la direction générale de l’Intégration à<br />

Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> ont collaboré avec<br />

l’Association d’études canadiennes à la production d’un numéro<br />

spécial de la revue Thèmes canadiens / Canadian Issues, portant<br />

sur le thème de « La participation civique des nouveaux arrivants<br />

et des minorités au <strong>Canada</strong> : se tailler une place à la table ».<br />

John Biles et Erin Tolley (projet <strong>Metropolis</strong>) sont les directeurs<br />

invités de ce numéro, qui renferme des entrevues avec les chefs de<br />

tous les principaux partis politiques du <strong>Canada</strong> (sauf le Bloc Québécois, qui a refusé l’invitation)<br />

et 22 articles rédigés par des chercheurs, des responsables des politiques publiques et des<br />

praticiens des quatre coins du <strong>Canada</strong>.<br />

Été 2005<br />

Directeur invités : John Biles et Erin Tolley (projet <strong>Metropolis</strong>)<br />

Pour obtenir une copie, écrivez à : <br />

Nos diverses cités 97


Cet article présente les éléments théoriques d’une recherche présentement en cours,<br />

dont le principal objectif est d’examiner le rôle que jouent les Églises chrétiennes africaines<br />

francophones dans le processus d’intégration sociale et citoyenne des nouveaux arrivants<br />

d’origine africaine dans la région d’Edmonton, en Alberta. On s’attarde ici au contexte, à la<br />

problématique, aux objectifs et aux orientations méthodologiques du projet en question.<br />

Les Églises chrétiennes africaines<br />

francophones de la région<br />

d’Edmonton et l’intégration<br />

sociale et citoyenne des<br />

nouveaux arrivants *<br />

PAULIN MULATRIS<br />

University of Alberta, Campus Saint-Jean<br />

98 Nos diverses cités<br />

L’immigration francophone africaine en Alberta<br />

est un phénomène relativement récent. Cepen -<br />

dant, entre 1996 et 2001, près de 24 % des<br />

francophones arrivés en Alberta étaient d’origine<br />

africaine 1 . Bien qu’on n’ait pas encore accès à<br />

l’ensemble des données du Recensement de 2006,<br />

tout semble indiquer que la proportion d’immi -<br />

grants francophones africains installés en Alberta<br />

a augmenté. À l’échelle nationale, 10,6 % des<br />

nouveaux arrivants au <strong>Canada</strong> étaient d’origine<br />

africaine, soit près de 2 % de plus qu’en 2001<br />

(8,3 %). Les villes de Calgary, d’Edmonton et, dans<br />

une moindre mesure, de Fort McMurray et de<br />

Brooks, sont les principaux lieux d’établissement<br />

de ces immigrants.<br />

Dans chacune de ces villes, afin de faire face<br />

à un processus d’adaptation souvent difficile et<br />

à l’insuffisance des structures d’accueil, ces<br />

nou veaux arrivants, pour la plupart chrétiens,<br />

*<br />

Cette recherche bénéficie du financement du Centre <strong>Metropolis</strong><br />

des Prairies (2008-2009).<br />

1<br />

Voir .<br />

organisent des associations communautaires,<br />

parmi lesquelles figurent des Églises chrétiennes.<br />

En quelques années, sous des confessions<br />

diverses, une quarantaine d’Églises chrétiennes<br />

africaines ont vu le jour en Alberta et sont<br />

devenues les principaux lieux de rassemblement<br />

hebdomadaire et de foisonnement des cultures<br />

africaines. Ainsi, chaque fin de semaine, les<br />

membres de la con grégation ont l’occasion de<br />

se replonger dans leur milieu d’origine (chants,<br />

langues, valeurs, etc.) avant de retrouver, le lundi<br />

matin, les préoccu pations liées à l’immigration<br />

(travail, études, etc.). Quelles sont les consé -<br />

quences de ce va-et-vient entre deux mondes ?<br />

Orientations théoriques<br />

Deux approches émergent des études portant sur<br />

ce phénomène des Églises chrétiennes africaines.<br />

La première approche met l’accent sur les<br />

caractéristiques culturelles des sociétés africaines<br />

(Stamm, 1995) pour expliquer la place de la reli -<br />

gion dans ce contexte. Eboussi-Boulaga (1977),<br />

par exemple, note que les sociétés africaines<br />

présentent une organisation sacrale fondée sur


Ville Nombre de membresa TABLEAU 1<br />

Églises chrétiennes africaines établies en Alberta<br />

Christian City Multicultural Church of Calgary Calgary 50-60<br />

Cité de réveil spirituel Calgary 90-100<br />

Deeper Life Bible Church Edmonton 65-70<br />

Église source de vie Edmonton 15-25<br />

Fellowship Christian Reformed Church Edmonton 87<br />

Église francophone de Brooks Brooks<br />

Jerusalem City Church Edmonton 130-135<br />

Le Corps du Christ Edmonton 40-50<br />

Life of Faith Christian Church of Calgary Calgary 200-250<br />

Penuel Christian Assembly Edmonton 20-25<br />

Restoration and Victory International Ministries Edmonton 45-50<br />

Shiloh Baptist Church Edmonton 110-120<br />

The Kingdom Citizen Ministry International Red Deer 30-40<br />

Victoria Church Edmonton 25-30<br />

Zion Temple Celebration Centre Edmonton 65<br />

a<br />

Estimations non vérifiées, fournies par les responsables de ces institutions.<br />

Source : Données d’une enquête exploratoire.<br />

l’origine. Dans ce type d’organisation, la religion<br />

joue un rôle déterminant. La deuxième approche<br />

relève des études développées dans le contexte des<br />

sociétés d’immigration. Ces études considèrent<br />

l’établis sement des Églises chrétiennes nationa -<br />

listes comme une réponse au besoin d’adaptation<br />

des immigrants à leur nouveau milieu de vie<br />

(Thompson, 1988). Selon Bowlby (2003), ces<br />

rassemblements religieux sont les premiers lieux<br />

de ressourcement pendant la période d’adaptation<br />

à la société canadienne. Il semble que le rôle<br />

crucial des groupements chrétiens est de contri -<br />

buer au bien-être psychologique, spirituel et social<br />

des immigrants, comme ce fut le cas pour les<br />

premiers pionniers venus d’Europe (Bramadat<br />

et Seljak, 2008). Ils fournissent un ancrage<br />

aux personnes qui entreprennent un processus<br />

d’établissement dans un pays étranger.<br />

Plusieurs nouveaux arrivants considèrent<br />

l’Église comme l’institution la plus accueillante et<br />

offrant le plus grand soutien. Dans ce contexte,<br />

des solidarités actives et quotidiennes se déve -<br />

loppent (Menjivar, 2003). L’homogénéité culturelle<br />

retrouvée dans ces Églises se construit autour<br />

de la langue, des valeurs, des traditions et des<br />

croyances partagées. Les membres considèrent<br />

que la religion est une composante primordiale de<br />

leur identité. Parce que la langue utilisée dans<br />

ces Églises ethniques reste celle du pays d’origine,<br />

on constate un taux élevé de rétention de la<br />

langue maternelle, élément central de l’identité<br />

ethnique et de la cohésion culturelle (Leblanc,<br />

2002; Meintel, 2003). S’ensuit alors une quête<br />

d’équilibre entre, d’un côté, les liens avec la<br />

commu nauté d’origine et, de l’autre, l’effort<br />

d’inté gration (Van Kaam, 1967). Le besoin<br />

d’ouverture aux membres ne parlant pas ces<br />

langues ancestrales – principalement ceux de la<br />

seconde ou de la troisième génération – justifierait<br />

un changement quant aux langues utilisées.<br />

D’après Bramadat et Seljak (2008), l’accent mis<br />

sur la culture d’origine disparaîtrait au fil des ans.<br />

Les valeurs, traditions ou croyances véhiculées par<br />

ces Églises évolueraient au gré des changements<br />

générationnels, et s’aligneraient graduellement<br />

sur celles de la société canadienne dominante.<br />

Cet espoir de voir les paroissiens adopter les<br />

valeurs dominantes de la société canadienne<br />

contraste avec les remarques de Mol (1961) et<br />

Barnouw (1937), qui perçoivent l’attachement à<br />

ces Églises chrétiennes nationales comme une<br />

entrave à la démarche d’intégration sociale et<br />

citoyenne. Selon Mol (1979), moins un groupe<br />

d’immigrants est intégré, plus ces nouvelles<br />

communautés religieuses auraient tendance à<br />

s’isoler de la société. À la lumière du récent<br />

débat sur les accommodements raisonnables au<br />

Québec, ce constat confirme le besoin de s’inter -<br />

roger sur le rôle des Églises nationales dans le<br />

processus d’intégration sociale et citoyenne de<br />

leurs membres.<br />

Cette préoccupation apparemment théorique<br />

rejoint un souci de plusieurs organismes franco -<br />

phones d’Edmonton qui œuvrent dans le milieu<br />

de l’intégration sociale des nouveaux arrivants<br />

francophones (Association multiculturelle franco -<br />

Nos diverses cités 99


100 Nos diverses cités<br />

phone de l’Alberta, Alliance jeunesse famille de<br />

l’Alberta Society, Centre d’accueil et d’établis -<br />

sement, Fédération des parents francophones de<br />

l’Alberta). En effet, dans une enquête récente<br />

réalisée à la demande de l’Association cana -<br />

dienne-française de l’Alberta (ACFA), 68,1 %<br />

des répondants estimaient que les Églises<br />

des communautés francophones immigrantes<br />

pouvaient jouer un rôle dans l’intégration<br />

sociale des immigrants en Alberta (ACFA, 2008).<br />

Schéma de recherche<br />

Même si ces organismes réclament une parti -<br />

cipation accrue des Églises dans les activités<br />

relatives à l’accueil et à l’établissement des<br />

nouveaux arrivants, deux préoccupations doivent<br />

être prises en compte. La première est liée à la<br />

société canadienne où, selon Bramadat et Seljak<br />

(2008), les valeurs chrétiennes, bien que non<br />

négligeables, ne déterminent cependant pas les<br />

rapports sociaux publics. La deuxième porte sur le<br />

rôle et les impacts précis de ces Églises chrétiennes<br />

nationales qui n’ont, à ce jour, reçu aucune<br />

attention particulière dans les études consacrées<br />

aux phénomènes religieux. Cette double préoc -<br />

cupation de la recherche permet de se concentrer<br />

sur quatre objectifs précis :<br />

• Répertorier et documenter les Églises chré -<br />

tiennes africaines francophones en Alberta;<br />

• Faire ressortir le rôle que jouent ces Églises et<br />

leurs répercussions sur la société;<br />

• Établir les perspectives des adeptes de ces<br />

Églises chrétiennes par rapport à la société<br />

d’accueil canadienne et albertaine et connaître<br />

leur influence sur le projet d’intégration<br />

citoyenne;<br />

• Mesurer, à l’aide d’indicateurs d’intégration<br />

sociale, le degré d’ouverture de ces Églises et<br />

de leurs adeptes face aux valeurs de la société<br />

d’accueil canadienne.<br />

Le caractère exploratoire de cette recherche et la<br />

particularité de la population cible imposent de<br />

faire des choix méthodologiques adaptés. Afin<br />

de réduire le champ d’investigation permettant<br />

de bien circonscrire la recherche, seules deux<br />

des plus anciennes Églises chrétiennes africaines<br />

d’Edmonton seront étudiées : Jerusalem City<br />

Church et Shiloh Baptist Church. Une perspective<br />

propre aux immigrants africains francophones<br />

membres de ces Églises sera privilégiée.<br />

Ainsi, pour éviter toute analyse disjointe de<br />

l’expérience immigrante, les théories antiracistes<br />

(Dei, 1993; James, 1996) fourniront une base<br />

pour effectuer un examen critique de la manière<br />

dont les différences sociales (langue, religion,<br />

race, etc. interfèrent dans le développement de<br />

ces Églises. Suivant la théorie féministe noire<br />

(Davis, 1981), ces éléments (religion, race,<br />

langue, valeurs, etc.) seront analysés dans<br />

leur intersectionnalité. Ces justifications de la<br />

démarche entraînent le recours à des stratégies<br />

complémentaires :<br />

• Des entrevues avec des paroissiens et des<br />

dirigeants de deux Églises chrétiennes<br />

africaines d’Edmonton;<br />

• Quelques observations participantes (lors des<br />

réunions de ces Églises);<br />

• Un groupe de discussion;<br />

• Une analyse des documents publiés par<br />

ces Églises.<br />

Conclusion<br />

Il est difficile, pour une recherche en déve -<br />

loppement, de proposer des remarques finales.<br />

L’accueil et l’inclusion des nouveaux arrivants<br />

sont des démarches complexes qui touchent<br />

plusieurs aspects de la vie. Le caractère public<br />

des institutions canadiennes d’accueil a tendance<br />

à reléguer au second plan les préoccupations<br />

spirituelles du nouvel arrivant africain. Pourtant,<br />

le quotidien de ce dernier et le sentiment<br />

d’appartenance à sa culture d’origine laissent<br />

entendre que ces aspects spirituels peuvent<br />

jouer un rôle déterminant dans son processus<br />

d’arrimage à la société canadienne. Ainsi, aux<br />

pourvoyeurs de services matériels se juxtaposent<br />

des pourvoyeurs de services spirituels, dont le rôle<br />

et les effets sont méconnus. Dans le contexte<br />

d’une immigration francophone africaine en<br />

croissance et en mal d’intégration, ces rôles<br />

apparemment marginaux peuvent devenir<br />

des clés pour comprendre les obstacles auxquels<br />

fait face le nouvel arrivant et la façon de les<br />

surmonter. Ce sont ces clés de lecture que cette<br />

étude pilote tentera de mettre à jour.<br />

À propos de l’auteur<br />

PAULIN MULATRIS est professeur adjoint de sociologie et<br />

de philosophie au campus Saint-Jean de la University of<br />

Alberta. Ses recherches portent sur l’immigration dans<br />

les communautés francophones en situation minoritaire,<br />

particulièrement en Alberta. Il a été membre du Conseil<br />

d’administration de l’Association canadienne-française de<br />

l’Alberta (ACFA) et du Comité stratégique pour l’immigration.


Références<br />

Association canadienne-française de l’Alberta (ACFA).<br />

2008. Enquête sur l’immigration francophone en Alberta,<br />

Edmonton, Association canadienne-française de l’Alberta.<br />

Barnouw, A. J. 1937. « Dutch Americans », dans F. J. Brown et<br />

coll. (dir), Our Racial and National Minorities. Their History,<br />

Contributions and Present Problems, New York, Prentice Hall.<br />

Bowlby, P. 2003. « Diasporic Religions in <strong>Canada</strong>:<br />

Opportunities and Challenges », Thèmes canadiens /<br />

Canadian Issues.<br />

Bramadat, P., et D. Seljak. 2008. « Charting the New Terrain:<br />

Christianity and Ethnicity », Christianity and Ethnicity in<br />

<strong>Canada</strong>, Toronto, University of Toronto Press.<br />

Davis, A. 1981. Woman, Race and Class, New York,<br />

Vintage Books.<br />

Dei, G. 1993. « The Challenges of Antiracist Education in<br />

<strong>Canada</strong> », Études ethniques au <strong>Canada</strong> / Canadian Ethnic<br />

Studies, vol. 25, no 2, p. 36-51.<br />

Eboussi-Boulaga, F. 1977. La crise du Muntu. Authenticité<br />

africaine et philosophie, Paris, Présence africaine.<br />

Elias, N. 1991. La société des individus, Paris, Fayard.<br />

Fédération des communautés francophones et acadienne du<br />

<strong>Canada</strong> (FCFA). s.d. Profil de la communauté francophone<br />

de l’Alberta. Consulté à l’adresse .<br />

James, C. 1996. « Introduction: Proposing an Anti-Racism<br />

Framework for Change », dans C. James (dir.), Perspectives<br />

on Racism and the Human Services Sector: A Case for<br />

Change, Toronto, University of Toronto Press.<br />

L’Immigration et<br />

les intersections de la diversité<br />

<strong>Numéro</strong> thématique de Thèmes canadiens / Canadian Issues<br />

Ce numéro de Thèmes canadiens / Canadian Issues porte sur<br />

l’immigration et les intersections de la diversité. Publié sous la<br />

direction de Myer Siemiatycki, responsable du programme de<br />

maîtrise en immigration à la Ryerson University, il propose 25 articles<br />

rédigés par des chercheurs, des responsables des politiques et des<br />

organisations non gouvernementales, et portant sur l’hétérogénité<br />

de l’expérience de l’immigration au <strong>Canada</strong>. Le numéro comprend<br />

également trois articles sur le sans-abrisme et l’immigration.<br />

Leblanc, M. 2002. « Processes of Identification Among<br />

French-Speaking West African Migrants in Montréal »,<br />

Études ethniques au <strong>Canada</strong> / Canadian Ethnic Studies,<br />

vol. 34, no 3.<br />

Meintel, D. 2002. «cCape Verdean Transnationalism,<br />

Old and New », Anthropologica, vol. 44, no 1.<br />

Menjivar, C. 2003. « Religion and Immigration in<br />

Comparative Perspective: Catholic and Evangelical<br />

Salvadorans in San Francisco, Washington, D.C. and<br />

Phoenix », Sociology of Religion, vol. 64, no 1, p. 21-45.<br />

Mol, H. 1961. « Churches and Immigrants (A Sociological<br />

study of the mutual effect of religion and emigrant<br />

adjustment) », REMP Bulletin, vol. 9, no 5.<br />

———. 1979. « Theory and Data on the Religious Behaviour<br />

of Migrants », Social Compass, vol. 26, no 1, p. 31-39.<br />

Scott, J. L. 2003. « English Language and Communication:<br />

Issues for African and Caribbean Immigrant Youth in<br />

Toronto », dans P. Anisef et K. M. Kilbride (dir.), Managing<br />

Two Worlds: Immigrant Youth in Ontario, Toronto, Canadian<br />

Scholar’s Press.<br />

Stamm, A. 1995. Les religions africaines, Paris, Presses<br />

universitaires de France.<br />

Thompson, E. P. 1988, La formation de la classe ouvrière<br />

anglaise, Paris, Éditions du Seuil.<br />

Van Kaam, A. 1967. Religion et personnalité, Mulhouse,<br />

Éditions Salvator.<br />

Printemps 2005<br />

Directeur invité : Myer Siemiatycki (Ryerson University)<br />

Pour obtenir un exemplaire en français ou en anglais : <br />

Nos diverses cités 101


La réserve, ou la « Première nation », est la source principale de l’identité et de la culture<br />

autochtones, et définit aussi bien la personne que l’endroit d’où elle provient. Les Autochtones<br />

vivant en milieu urbain reviennent dans leur réserve à l’occasion d’activités culturelles,<br />

de célébrations, de festivals et d’enterrements et préservent ainsi leur identité culturelle.<br />

Les Autochtones dans les villes<br />

des Prairies<br />

Certains s’y sont perdus, d’autres s’y sont trouvés<br />

DOUGLAS DURST<br />

University of Regina<br />

102 Nos diverses cités<br />

Un soir de 1947, des membres bienveillants de<br />

la YWCA de Regina se sont réunis pour parler<br />

d’un problème de plus en plus préoccupant. Des<br />

hommes et des femmes, parfois accompagnés<br />

d’enfants en bas âge, débarquaient régulièrement<br />

à la gare routière en provenance de « réserves<br />

indiennes » du sud de la Saskatchewan (Novik,<br />

1995). Comme ils n’avaient nulle part où aller, ils<br />

passaient parfois deux nuits, voire plus, dans la<br />

gare. Ces nouveaux venus semblaient perdus et<br />

mal équipés pour survivre en ville. Les citoyens<br />

cherchaient donc des solutions pour les accueillir<br />

et les aider à s’adapter au mode de vie urbain. Le<br />

gouvernement fédéral avait supprimé certaines<br />

mesures de contrôle à l’égard des Premières<br />

nations après 80 ans de restrictions qui avaient<br />

conduit à l’isolement forcé des membres dans leur<br />

réserve désignée. Ce qui était au départ un mince<br />

filet d’individus perdus se frayant un chemin<br />

jusqu’aux villes des Prairies s’est transformé<br />

rapidement en un flot continu. Dès le milieu<br />

des années 1950, des efforts ont été entrepris<br />

pour créer un centre d’accueil et d’assistance,<br />

qui est finalement devenu le Native Friendship<br />

Centre de Regina (Novik, 1995). À l’heure actuelle,<br />

le <strong>Canada</strong> compte 114 centres d’amitié qui offrent<br />

différents services aux Autochtones, dont des<br />

activités culturelles et sociales, de la formation<br />

professionnelle et du counselling (ANCA, 2008).<br />

C’est maintenant chose courante de voir les<br />

Autochtones migrer de la campagne vers la ville<br />

dans les Prairies canadiennes.<br />

Le présent article propose d’abord des<br />

renseignements généraux sur la situation actuelle<br />

des Autochtones vivant dans les villes des Prairies.<br />

Il examine le nombre d’Autochtones et leur<br />

pourcentage de la population totale, ainsi que<br />

le nombre de membres des Premières nations<br />

installés à l’intérieur et à l’extérieur des réserves. Il<br />

y aurait matière à écrire un article sur chacune des<br />

difficultés auxquelles se heurtent les Autochtones<br />

vivant en milieu urbain dans les Prairies, mais<br />

un résumé suffit à mettre en lumière certaines de<br />

leurs préoccupations. Les inquiétudes ont beau<br />

être grandes, tout n’est pas « perdu », car la<br />

croissance de la classe moyenne autochtone est en<br />

train de modifier la composition démographique<br />

du paysage urbain de l’Ouest du <strong>Canada</strong>.<br />

Situation actuelle : des Autochtones pas<br />

aussi « ruraux » qu’on ne le pensait<br />

Selon les résultats du Recensement de 2006, la<br />

population autochtone a augmenté de 45 % au<br />

<strong>Canada</strong> entre 1996 et 2006, soit presque six fois<br />

plus rapidement que la population non autoch -<br />

tone, dont le taux de croissance se situait à<br />

seulement 8 %. Les populations autoch tones qui<br />

vivent dans les villes des trois provinces des<br />

Prairies canadiennes (le Manitoba, la Saskat -<br />

chewan et l’Alberta) sont assez nombreuses et<br />

continuent d’augmenter, entraînant des chan -<br />

gements démographiques considérables.<br />

Le Tableau 1 montre le nombre d’Autochtones,<br />

de Métis et de membres des Premières nations


TABLEAU 1<br />

Population canadienne par appartenance à un groupe autochtone et par lieu de résidence urbain<br />

Population urbaine Population totale Pourcentage de la Pourcentage de la popupopulation<br />

urbaine lation totale du <strong>Canada</strong><br />

<strong>Canada</strong> – Total 24 971 480 31 241 030 79,9 100<br />

Autochtones a 623 470 1 172 790 53,2 100<br />

Premières nations 312 055 698 025 44,7 100<br />

Métis 270 555 389 780 69,4 100<br />

Prairies – Total 4 091 410 5 343 720 76,6 17,1<br />

Autochtones a 268 835 505 650 53,2 43,1<br />

Premières nations 116 625 289 325 40,3 41,4<br />

Métis 144 600 205 420 70,4 52,7<br />

a<br />

Dans le tableau, la population inuite, relativement petite, est incluse dans la catégorie « Autochtones ».<br />

Source : Recensement du <strong>Canada</strong> (2006).<br />

vivant actuellement en milieu urbain 1 . Selon les<br />

définitions utilisées par Statistique <strong>Canada</strong>, pour<br />

être considérée comme urbaine, une région doit<br />

avoir une population minimale de 1 000 personnes<br />

et une densité minimale de 400 personnes par<br />

kilomètre carré. Contrairement à ce que l’on pense<br />

habituellement, le <strong>Canada</strong> est une nation urbaine :<br />

près de 80 % de la population canadienne vit dans<br />

des agglomérations urbaines. Toutefois, selon les<br />

résultats du Recensement de 2006, les Autochtones<br />

vivent en milieu urbain en moindre proportion par<br />

rapport à la population générale (53,2 %). Quant à<br />

eux, les Métis sont plus urbains (69,4 %) et plus<br />

près de la moyenne nationale que les membres des<br />

Premières nations, dont moins de la moitié vivent<br />

en ville (44,7 %). Pour ce qui est des trois<br />

provinces des Prairies, les chiffres suivent la ten -<br />

dance nationale, avec une répartition semblable<br />

chez les Autochtones (53,2 %), les Métis (70,4 %)<br />

et les membres des Premières nations (40,3 %)<br />

(Statistique <strong>Canada</strong>, 2006).<br />

Bien que la population des Prairies ne repré -<br />

sente que 17,1 % de la population canadienne,<br />

elle comprend 43,1 % de tous les Autochtones et<br />

plus de 50 % des Métis du <strong>Canada</strong>. Les chiffres<br />

indiquent clairement qu’une forte proportion<br />

d’Autochtones vit dans nos villes, ce qui<br />

vient contredire l’idée reçue selon laquelle les<br />

Autochtones vivent majoritairement dans des<br />

réserves et dans des collectivités rurales.<br />

Il importe d’examiner dans quelles villes des<br />

Prairies vivent les Autochtones. Les chiffres et les<br />

1 Dans le présent article, le terme « membre des Premières nations »<br />

est utilisé pour décrire les Indiens inscrits au sens de la Loi sur<br />

les Indiens du <strong>Canada</strong>. Le terme « Autochtones » représente les<br />

personnes identifiées dans le Recensement de 2006 comme des<br />

Indiens de l’Amérique du Nord, des Métis ou des Inuits et inclut<br />

les membres des Premières nations.<br />

pourcentages du Tableau 2 portent principalement<br />

sur les Autochtones et incluent les membres des<br />

Premières nations, les Métis, les Inuits et tous ceux<br />

qui se définissent comme « Autochtones ».<br />

Ces derniers ne représentent que 3,8 % de la<br />

population canadienne, mais cette proportion ne<br />

cesse d’augmenter. L’Alberta compte la population<br />

autochtone la plus importante, avec près de<br />

190 000 personnes, soit 5,8 % de la population<br />

totale de la province. Quoique moins nombreux,<br />

les Autochtones vivant au Manitoba et en<br />

Saskatchewan représentent une plus grande<br />

proportion de la population, soit respectivement<br />

15,5 % et 14,9 %. Winnipeg compte la plus forte<br />

population autochtone de toutes les villes<br />

canadiennes, à la fois en nombre effectif (63 745<br />

personnes) et en pourcentage (10,2 %). Même si<br />

leur nombre y est moins important, les Autoch -<br />

tones représentent un pourcentage appréciable<br />

de la population de Saskatoon et de Regina,<br />

soit 9,9 % et 9,3 % respectivement (Statistique<br />

<strong>Canada</strong>, 2006). Ces proportions sont très élevées<br />

par rapport aux villes albertaines d’Edmonton<br />

(5,3 %) et de Calgary (2,5 %) (Ibid.). À titre<br />

de compa raison, la population autochtone est<br />

pratiquement invisible à Montréal et à Toronto, où<br />

elle ne représente que 0,5 % de la population, et<br />

passe presque inaperçue à Vancouver (1,9 %).<br />

En ce qui concerne les membres des<br />

Premières nations, ou les Indiens inscrits, on<br />

observe des variations provinciales. Environ<br />

64 % des membres des Premières nations<br />

du Manitoba et de l’Alberta vivent dans des<br />

réserves, comparativement à 50 % seulement<br />

en Saskatchewan (AINC, 2008a). Pour des<br />

raisons obscures, un nombre élevé de membres<br />

des Premières nations de la Saskatchewan<br />

vivent hors réserve, principalement dans les<br />

villes de Saskatoon et de Regina. La répartition<br />

Nos diverses cités 103


démographique par âge dans les trois provinces<br />

reste semblable. De façon constante, la popu -<br />

lation qui vit dans les réserves est plus jeune que<br />

celle qui vit hors réserve. En effet, une plus<br />

grande proportion de membres des Premières<br />

nations âgés de 35 à 64 ans vivent à l’extérieur<br />

des réserves.<br />

S’établir en ville<br />

La relation entre les peuples des Premières nations<br />

des Prairies et l’État, fondée sur des traités<br />

historiques, est différente de celle des autres<br />

peuples autochtones canadiens. Ces traités ont<br />

été signés entre 1871 et 1906 et le Traité nº 6<br />

comporte une clause relative aux médicaments,<br />

qui stipule que les soins de santé sont à la<br />

charge du gouvernement fédéral. L’observation<br />

stricte des traités a permis aux membres des<br />

Premières nations des Prairies de rester fortement<br />

connectés à la vie de la réserve ou de la bande. La<br />

réserve, ou la « Première nation », constitue la<br />

source principale de l’identité et de la culture<br />

autochtones, et définit aussi bien la personne que<br />

l’endroit d’où elle provient. Les Autochtones<br />

vivant en milieu urbain reviennent dans<br />

leur réserve pour les activités culturelles, les<br />

célébrations, les festivals et les enterrements et<br />

préservent ainsi leur identité culturelle. Le rôle<br />

des aînés et la langue permettent également de<br />

préserver la culture des Autochtones vivant en<br />

ville, mais dans le contexte urbain, elle se<br />

transforme et se renouvelle. La culture n’est pas<br />

statique et le mode de vie urbain a entraîné<br />

de nouvelles façons d’exprimer la culture<br />

traditionnelle, notamment au moyen des iPod et<br />

des services Internet haute vitesse.<br />

TABLEAU 2<br />

Population autochtone en pourcentage de la population totale<br />

Il est difficile d’expliquer les raisons qui<br />

poussent les membres des Premières nations<br />

à s’établir en ville. Un certain nombre<br />

d’influences structurelles et personnelles les<br />

conduisent à quitter leur réserve et définissent<br />

leurs rapports avec la ville (Frideres et Gadacz,<br />

2001; Norris, Cooke et Clatworthy, 2003). Les<br />

tendances migratoires varient selon l’âge et le<br />

sexe; ainsi, les jeunes adultes sont très portés à<br />

se déplacer et les femmes sont plus susceptibles<br />

de se déplacer que les hommes. Les hommes ont<br />

tendance à s’installer en milieu urbain pour avoir<br />

un emploi, tandis que les femmes espèrent<br />

améliorer les conditions de vie de leur famille<br />

(Norris, Cooke et Clatworthy, 2003). Même si la<br />

population urbaine a augmenté, le mouvement<br />

de va-et-vient n’a pas énormément modifié la<br />

répartition des membres des Premières nations<br />

à l’intérieur et à l’extérieur des réserves (Ibid.).<br />

Certains chercheurs proposent une répartition<br />

des Autochtones urbains en quatre catégories : le<br />

navetteur, l’itinérant, le migrant et le citadin. Si les<br />

distances et l’état des routes le permettent, on<br />

observe un plus grand nombre de mouvements en<br />

direction de la ville et au départ de celle-ci, ce qui<br />

facilite le mode de vie du navetteur, qui conserve<br />

sa résidence dans sa réserve, mais passe une très<br />

grande partie de son temps en ville. Si le déve lop -<br />

pement communautaire et économique de la<br />

bande est efficace et offre des possibilités<br />

intéressantes au sein de la communauté, ses<br />

membres sont plus enclins à rester dans la réserve.<br />

Les itinérants se déplacent de ville en ville et<br />

effectuent des allers-retours entre la ville et la<br />

réserve sans jamais avoir de véritable résidence<br />

permanente. Ils dépendent de leurs amis et de leur<br />

Population autochtone Population totale Pourcentage d’Autochtones<br />

Manitoba 175 395 1 133 515 15,5<br />

Winnipeg 63 745 625 700 10,2<br />

Saskatchewan 141 890 953 850 14,9<br />

Regina 16 535 176 915 9,3<br />

Saskatoon 19 820 199 380 9,9<br />

Alberta 188 365 3 256 360 5,8<br />

Calgary 24 425 979 480 2,5<br />

Edmonton<br />

Autres<br />

38 170 722 260 5,3<br />

Montréal 7 600 1 593 725 0,5<br />

Toronto 13 605 2 476 565 0,5<br />

Vancouver 11 145 571 600 1,9<br />

Source : Recensement du <strong>Canada</strong> (2006).<br />

104 Nos diverses cités


Au racisme s’ajoutent les répercussions des pensionnats autochtones sur les différentes<br />

générations [...] les enfants autochtones étaient arrachés à leur foyer et élevés dans des<br />

pensionnats stériles et froids dirigés par des représentants des principales Églises et<br />

financés par le gouvernement fédéral. Pendant près de 100 ans, ces pensionnats<br />

ont tenté d’éliminer « l’identité indienne » des enfants.<br />

famille – on les appelle parfois des « squatteurs de<br />

canapés » – et on peut les considérer comme des<br />

sans-abri. Les migrants, quant à eux, sont des<br />

Autochtones qui s’installent en ville, mais qui ne<br />

nouent de relations qu’avec d’autres Autochtones.<br />

Ils ne s’adaptent ou ne s’intègrent jamais au mode<br />

de vie urbain. Enfin, on trouve les citadins, qui<br />

s’installent en ville de manière permanente<br />

(Frideres et Gadacz, 2001). Certains d’entre eux<br />

sont nés en ville, mais conservent encore de<br />

solides liens culturels avec la réserve de leur<br />

famille. D’autres sont devenus des citadins<br />

permanents pour faire leurs études, trouver un<br />

emploi ou obtenir des services particuliers qui<br />

ne sont pas offerts dans la réserve. Il arrive que<br />

certains services et programmes pour personnes<br />

handicapées ne soient offerts qu’en milieu urbain<br />

(Durst et Bluechardt, 2001; Durst et coll., 2007).<br />

L’idée selon laquelle les Autochtones habitent<br />

dans des collectivités distinctes et isolées ne tient<br />

plus la route et la majorité des Autochtones vivent<br />

maintenant avec l’ensemble de la population<br />

dans des agglomérations urbaines partout au<br />

<strong>Canada</strong> (UATF, 2007). Hanselmann déclare que ce<br />

changement au sein de la population autochtone<br />

« ne s’est pas accompagné de politiques publiques<br />

fructueuses » et que « les gouvernements fédéral et<br />

provinciaux continuent de nier leur responsabilité<br />

dans ce domaine » (Hanselmann, 2003, p. 183). Il<br />

faut donc réorienter les politiques publiques et,<br />

avec la collaboration active des dirigeants autoch -<br />

tones, envisager de nouvelles propositions de<br />

programmes à tous les paliers de gouvernement.<br />

Les problèmes et préoccupations des<br />

Autochtones vivant en milieu urbain<br />

Selon un rapport de 2007 de la Commission<br />

d’étude sur les Autochtones vivant en milieu<br />

urbain (CEAMU) 2 , le racisme flagrant constitue<br />

le plus grand problème auquel font face quoti -<br />

diennement les Autochtones urbains. Ils subissent<br />

le racisme des propriétaires quand ils cherchent<br />

un logement à prix abordable, des employeurs<br />

quand ils sollicitent un emploi, des commis et<br />

des serveurs dans les magasins et les restaurants<br />

quand ils se servent de leur carte de statut d’Indien<br />

et de la police ou des autorités qui appliquent<br />

le principe de « tolérance zéro » (UATF, 2007).<br />

Le racisme est ciblé et généralisé; il fait partie<br />

intégrante du système et est difficile à éliminer. Il<br />

a des effets dévastateurs et s’attaque à l’estime de<br />

soi des personnes visées; il fait reculer les progrès<br />

réalisés par les individus et les collectivités qui<br />

ont choisi de faire de la ville leur « chez-soi ».<br />

Toutefois, les initiatives de lutte contre le racisme<br />

dans le domaine de l’emploi et de l’éducation sont<br />

considérées très utiles et elles constituent un bon<br />

point de départ pour sensibiliser le public. Même<br />

la Journée nationale des Autochtones parvient<br />

à susciter des attitudes positives; cependant, les<br />

changements sont d’une lenteur prodigieuse.<br />

Au racisme s’ajoutent les répercussions des<br />

pensionnats autochtones sur les différentes<br />

générations. Tout particulièrement dans les<br />

provinces des Prairies, les enfants autochtones<br />

étaient arrachés à leur foyer et élevés dans des<br />

pensionnats stériles et froids dirigés par des<br />

représentants des principales Églises et financés<br />

par le gouvernement fédéral. Pendant près de<br />

100 ans, ces pensionnats ont tenté d’éliminer<br />

« l’identité indienne » des enfants et leur ont fait<br />

2<br />

La CEAMU a étudié les expériences des Autochtones vivant en<br />

milieu urbain. L’étude a été réalisée en Ontario, dans six<br />

agglomérations urbaines : Toronto, Ottawa, Thunder Bay,<br />

Kenora, Sudbury et Barrie-Midland. Le comité exécutif mixte<br />

formé de la Ontario Federation of Indian Friendship Centres<br />

(OFIFC), de la Ontario Native Woman’s Association (ONWA) et de<br />

la Ontario Métis Aboriginal Association (OMAA) a été le premier à<br />

reconnaître la nécessité d’établir une commission d’étude pour se<br />

pencher sur la question des Autochtones urbains. Le comité a<br />

souligné l’importance de tenir compte de l’étude réalisée en 1981<br />

par la première Commission d’étude sur les Autochtones vivant<br />

en milieu urbain, qui représentait le premier grand travail de<br />

recherche sur le sujet au <strong>Canada</strong>. En l’absence d’études<br />

semblables réalisées dans les autres provinces et régions du<br />

<strong>Canada</strong>, et indépendamment des enjeux régionaux, cette étude<br />

demeure une excellente source de renseignements au sujet des<br />

expériences des Autochtones urbains au <strong>Canada</strong>, abstraction<br />

faite de l’endroit où ils vivent.<br />

Nos diverses cités 105


106 Nos diverses cités<br />

perdre leur culture, leur langue, leurs compétences<br />

parentales et leur santé émotionnelle (Castellano,<br />

Archibald et DeGagne, 2008). Depuis quelques<br />

années, cette forme d’oppression omniprésente a<br />

été reconnue pour ce qu’elle était. Des efforts<br />

de guérison ont été amorcés, notamment par la<br />

Convention de règlement relative aux pensionnats<br />

indiens, qui a accordé une certaine compensation<br />

pour le tort causé (AINC, 2008b). Ces efforts<br />

concernaient tous les Autochtones, y compris<br />

les citadins.<br />

Le manque de logements à prix abordable<br />

constaté par les membres de la YWCA en 1947<br />

représente encore aujourd’hui un problème de<br />

taille. Il s’agit d’un besoin immédiat et pressant,<br />

tant pour les personnes seules que pour les<br />

familles, et l’accession à la propriété reste difficile,<br />

même pour ceux qui disposent d’un revenu stable<br />

(UATF, 2007). Les faibles revenus, la pauvreté et le<br />

chômage influencent les conditions de logement,<br />

et la communauté autochtone est en grande<br />

majorité pauvre et défavorisée. De nombreuses<br />

familles font appel aux banques d’alimentation<br />

pour joindre les deux bouts. Le taux d’emploi des<br />

Autochtones s’est amélioré depuis quelques<br />

années, mais il demeure toujours plus bas que<br />

celui de l’ensemble de la population (Statistique<br />

<strong>Canada</strong>, 2006), surtout en ce qui concerne les<br />

jeunes Autochtones.<br />

Les jeunes Autochtones qui vivent en milieu<br />

urbain se heurtent à trois difficultés : il leur<br />

est difficile de former une identité autochtone<br />

positive, de trouver des occasions d’emploi<br />

convenables et de terminer avec succès leurs<br />

études secondaires (UATF, 2007). Ces difficultés<br />

les poussent souvent vers les gangs de rue et<br />

la criminalité, et résultent en dépendances, en<br />

problèmes de santé mentale et en tentatives de<br />

suicide. Les solutions se sont fait attendre, mais<br />

certaines initiatives visant à orienter les jeunes<br />

vers des programmes et des services adaptés et<br />

à régler les problèmes qui perdurent ont été<br />

couronnées de succès. Les jeunes Autochtones<br />

forment un bassin croissant et inexploité de<br />

travailleurs et on prévoit que, d’ici 2026, 36 % des<br />

personnes de 15 à 29 ans en Saskatchewan et<br />

28 % des 15 à 29 ans au Manitoba seront Autoch -<br />

tones (Hull, 2008). Il est urgent d’encourager<br />

ces jeunes à adopter un mode de vie sain. Les<br />

conséquences d’une inaction dans ce domaine<br />

seraient désastreuses.<br />

On dit souvent que les femmes autochtones<br />

doivent surmonter le double obstacle d’être à la<br />

fois femmes et Autochtones. Elles ont du mal à<br />

répondre aux besoins fondamentaux (logement,<br />

nourriture et vêtements) de leurs enfants dans<br />

un environnement hostile où elles sont isolées et<br />

souvent seules, sans le soutien de leur conjoint ni<br />

de leur père (UATF, 2007). Leur situation est<br />

aggravée par la violence, les maladies mentales<br />

et la toxicomanie. Il existe bien des services<br />

d’urgence, mais très peu de services proposent du<br />

soutien continu et à long terme ou de l’aide à<br />

l’intégration. Les résultats d’une étude menée à<br />

Regina montrent que beaucoup de femmes<br />

appellent la ligne d’écoute téléphonique offerte<br />

24 heures sur 24 par les services sociaux de la<br />

province. Même si cette ligne est associée aux<br />

« redoutés » services de protection de l’enfance,<br />

les mères ont indiqué que les travailleurs sociaux<br />

avaient répondu rapidement et consciencieuse -<br />

ment à leurs appels et leur avaient fourni de<br />

l’aide immédiate (Sisson, 1997).<br />

Au sein de la communauté autochtone, les<br />

femmes sont plus susceptibles que les hommes<br />

de faire du bénévolat et de travailler dans les<br />

divers services sociaux et récréatifs pour les<br />

collectivités autochtones (UATF, 2007). Même<br />

si de nombreuses femmes sont exploitées<br />

et vulnérables, ce sont elles qui s’investissent<br />

le plus pour mettre fin à l’oppression et à<br />

la discrimination.<br />

Au fil du temps, on a vu se multiplier le nombre<br />

d’organismes de service social où des travailleurs<br />

autochtones offrent des services à d’autres<br />

Autochtones. La plupart de ces organismes<br />

sont organisés et gérés par des leaders autoch -<br />

tones et d’autres sont des divisions distinctes<br />

d’organismes non autochtones. Généralement, ces<br />

services sont mieux adaptés sur le plan culturel<br />

à la communauté autochtone urbaine, et sont<br />

privilégiés par les clients autochtones. La Stratégie<br />

pour les Autochtones vivant en milieu urbain du<br />

gouvernement fédéral finance plus d’une centaine<br />

de projets qui touchent notamment aux aptitudes<br />

à la vie quotidienne, à la préparation à l’emploi, à<br />

l’entrepreneuriat et au soutien aux familles et aux<br />

enfants (AINC, 2008c). Malheureusement, les<br />

organismes autochtones sont généralement moins<br />

subventionnés que les organismes non autoch -<br />

tones et ils ne disposent pas d’un financement de<br />

base très stable. Puisque le finan cement est<br />

temporaire, les programmes sont précaires et les<br />

employés sont anxieux, travaillant de semaine<br />

en semaine avec la peur de perdre leur emploi.<br />

S’ajoutent à cela le problème des conflits<br />

de compétence entre les différents ordres de<br />

gouvernement en matière de politiques et de


Plusieurs Autochtones sont venus grossir les rangs d’une classe moyenne en pleine<br />

croissance [...] Avec des taux de scolarisation et d’emploi effectif qui ne cessent<br />

d’augmenter et de nombreux efforts entrepreneuriaux couronnés de succès,<br />

ils ont atteint la stabilité économique et la prospérité.<br />

programmes, et le fait qu’aucun gouvernement<br />

n’accepte de responsabilité claire à cet égard<br />

(Hanselmann, 2003). Les membres des<br />

Premières nations reçoivent des subventions du<br />

gouvernement fédéral tandis que la plupart des<br />

programmes sociaux et des programmes de santé<br />

relèvent des provinces. Par exemple, les familles<br />

des Premières nations qui vivent à l’extérieur des<br />

réserves peuvent avoir beaucoup de difficulté à<br />

obtenir des services de santé non assurés. Une<br />

simple tâche pour une mère de famille, comme<br />

obtenir des lunettes pour ses enfants, peut virer<br />

au cauchemar logistique lorsqu’elle se retrouve à<br />

faire des allers-retours incessants entre le bureau<br />

du conseil de bande, les bureaux du programme<br />

fédéral de santé des Premières nations et des<br />

Inuits et les autorités provinciales.<br />

Pourtant, tout n’est pas si sombre pour les<br />

Autochtones dans le paysage urbain; plusieurs<br />

sont venus grossir les rangs d’une classe<br />

moyenne en pleine croissance. Le parc de<br />

stationnement de la First Nations University of<br />

<strong>Canada</strong>, avec son étalage impressionnant de<br />

véhicules neufs, en est la preuve concrète. Avec<br />

des taux de scolarisation et d’emploi effectif qui<br />

ne cessent d’augmenter et de nombreux efforts<br />

entrepreneuriaux couronnés de succès, ils ont<br />

atteint la stabilité économique et la prospérité<br />

(Wotherspoon, 2003). Puisque les membres de<br />

cette classe moyenne ne font pas appel aux<br />

services sociaux en place, il est difficile d’évaluer<br />

leur nombre. Peu de travaux de recherche se sont<br />

intéressés à ce groupe, mais certaines études<br />

semblent indiquer que ses membres se tiennent à<br />

l’écart de la communauté autochtone urbaine et<br />

conservent des liens avec leur communauté<br />

d’attache (UATF, 2007). Ils peuvent représenter<br />

une ressource éventuelle et il existe peut-être un<br />

besoin d’activités sociales et récréatives adaptées<br />

sur le plan culturel pour ce nouveau groupe.<br />

Il s’agit manifestement d’un domaine de<br />

recherche à explorer et qui pourrait avoir des<br />

répercussions très importantes sur les politiques<br />

et les programmes.<br />

Conclusion<br />

Il ne fait aucun doute que la population déjà<br />

nombreuse des Autochtones vivant en milieu<br />

urbain augmentera et changera profondément<br />

les villes des Prairies. En raison de leur histoire<br />

et de leur culture distinctes, les Autochtones<br />

n’utilisent pas les services offerts à l’ensemble<br />

de la population; ils cherchent plutôt des<br />

services particuliers adaptés à leur culture.<br />

Beaucoup d’entre eux se sont « perdus » et font<br />

face à des difficultés que les administrations<br />

municipales, les gouvernements provinciaux et<br />

le gouvernement fédéral ne peuvent continuer<br />

d’ignorer. Pourtant, les exemples d’expériences<br />

réussies abondent et le succès se trouve dans<br />

l’établissement de partenariats avec des leaders<br />

autochtones, hommes ou femmes. On observe<br />

également de plus en plus le succès des<br />

Autochtones qui se joignent à la classe<br />

moyenne et qui participent au mode de vie<br />

urbain sur le plan économique, social et<br />

politique. À l’heure actuelle, on rencontre<br />

dans les villes des Prairies canadiennes à la<br />

fois des Autochtones qui s’y sont « perdus »<br />

et d’autres qui s’y sont « trouvés ».<br />

À propos de l’auteur<br />

DOUGLAS DURST, Ph.D., est professeur de travail social<br />

à la University of Regina, où il enseigne la recherche<br />

et les politiques sociales. Ses propres travaux portent<br />

principalement sur la diversité, notamment en ce qui<br />

a trait aux immigrants, aux réfugiés, aux membres des<br />

Premières nations et aux Autochtones. Ses recherches<br />

lui ont permis de bâtir un partenariat avec l’Association<br />

nationale des centres d’amitié.<br />

Références<br />

Association nationale des centres d’amitié (ANCA).<br />

2008. Page d’accueil du site Web de l’ANCA, .<br />

<strong>Canada</strong>. Affaires indiennes et du Nord canadien (AINC).<br />

2008a. Population indienne inscrite selon le sexe et la<br />

résidence, 2007, Ottawa, Affaires indiennes et du<br />

Nord canadien.<br />

Nos diverses cités 107


———. Affaires indiennes et du Nord canadien (AINC). 2008b.<br />

Résolution des questions des pensionnats indiens du <strong>Canada</strong>,<br />

Ottawa, Affaires indiennes et du Nord canadien. Consulté à<br />

l’adresse .<br />

———. Affaires indiennes et du Nord canadien (AINC). 2008c.<br />

Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain,<br />

Ottawa, Affaires indiennes et du Nord canadien. Consulté à<br />

l’adresse .<br />

———. Statistique <strong>Canada</strong>. 2006. Recensement de 2006,<br />

tableaux des Affaires indiennes et du Nord canadien,<br />

Ottawa, Statistique <strong>Canada</strong>.<br />

Castellano, M. B., L. Archibald, et M. DeGagne. 2008.<br />

De la vérité à la réconciliation : transformer l’héritage des<br />

pensionnats, Ottawa, Fondation autochtone de guérison.<br />

Durst, D. et M. Bluechardt. 2001. Urban Aboriginal<br />

Persons with Disabilities: Triple Jeopardy! Regina,<br />

University of Regina.<br />

Durst, D., G. Morin, S. Wall, et M. Bluechardt. 2007. « A First<br />

Nations Woman with Disabilities: ‘Listen To What I Am<br />

Saying!’ », Native Social Work Journal, vol. 6, no 1 (Resistance<br />

and Resiliency: Addressing Historical Trauma of Aboriginal<br />

Peoples), p. 57-77.<br />

Frideres, J., et R. Gadacz. 2001. Aboriginal Peoples in <strong>Canada</strong>:<br />

Contemporary Conflicts, 6e éd., Toronto, Prentice Hall.<br />

Hanselmann, C. 2003. « Permettre la réalisation du rêve<br />

urbain : la responsabilité partagée et la mise sur pied<br />

d’organisations efficaces pour les Autochtones en milieu<br />

urbain », dans D. Newhouse et E. Peters (dir.), Des gens<br />

d’ici : les Autochtones en milieu urbain, Ottawa, Affaires<br />

indiennes et du Nord canadien, Projet de recherche sur<br />

les politiques.<br />

108 Nos diverses cités<br />

Dirigé par Paul Bramadat et David Seljak<br />

Hull, J. 2008. « Les jeunes Autochtones et le marché du<br />

travail canadien », Horizons, vol. 10, no 1, p. 40-44.<br />

Newhouse, D., et E. Peters (dir.). 2003. Des gens d’ici :<br />

les Autochtones en milieu urbain, Ottawa, Affaires<br />

indiennes et du Nord canadien, Projet de recherche<br />

sur les politiques.<br />

Norris, M. J., M. Cooke, et S. Clatworthy. 2003.<br />

« Aboriginal Mobility and Migration Patterns and the<br />

Policy Implications », dans J. P. White, P. S. Maxim et<br />

D. Beavon (dir.). Aboriginal Conditions: Research as a<br />

Foundation for Public Policy, Vancouver, UBC Press.<br />

Novik, N. L. 1995. Live by the Circle, Die by the Cycle,<br />

projet de maîtrise en travail social, University of Regina.<br />

Sisson, P. 1997. A Study of Abused Women Seeking Help<br />

from Regina’s Mobile Crisis Services, projet de maîtrise<br />

en travail social, University of Regina.<br />

Urban Aboriginal Task Force (UATF). 2007. Urban Aboriginal<br />

Task Force: Final Report, Ontario, Ontario Federation of<br />

Indian Friendship Centres, Ontario Métis Aboriginal<br />

Association et Ontario Native Women’s Association.<br />

Wotherspoon, T. 2003. « Perspectives d’une nouvelle<br />

classe moyenne parmi les peuples autochtones »,<br />

dans D. Newhouse et E. Peters (dir.), Des gens d’ici : les<br />

Autochtones en milieu urbain, Ottawa, Affaires indiennes<br />

et du Nord canadien, Projet de recherche sur les politiques.<br />

Christianity and Ethnicity in <strong>Canada</strong> propose une analyse<br />

détaillée du rôle de la religion au sein des communautés<br />

ethniques et du rôle de l’ethnicité dans les communautés<br />

religieuses. Les collaborateurs se penchent sur la façon dont<br />

l’évolution de la composition ethnique influe sur la pratique<br />

et l’identité religieuses, ainsi que la façon dont les traditions<br />

religieuses influent sur les identités ethniques collectives<br />

et individuelles.<br />

En vente en librairie ou depuis le site <br />

Pb 9780802095848 / 49,95 $<br />

Cl 9780802098757 / 100,00 $


Étude sur les services en matière<br />

de santé mentale et de bien-être<br />

des immigrantes et des réfugiées<br />

vivant en Saskatchewan<br />

JUDY WHITE<br />

University of Regina<br />

Le présent article énonce les conclusions du mémoire intitulé Enhancing and Developing<br />

Policies, Modes and Practices to Address the Mental Health Needs of Immigrant and Refugee<br />

Women Living in Saskatchewan, fondé sur une étude qui a pris fin à l’automne 2007. Il offre<br />

un bref aperçu des tendances en matière d’immigration en Saskatchewan depuis les<br />

années 1990, décrit le cadre théorique et la méthode de recherche utilisés, puis<br />

présente un sommaire des conclusions, une analyse et des recommandations.<br />

L’immigration en Saskatchewan<br />

depuis les années 1990 et les réponses<br />

du gouvernement et de la collectivité<br />

Les tendances en matière d’immigration pour la<br />

Saskatchewan ont suivi celles d’autres régions<br />

du <strong>Canada</strong>, à la différence près qu’elle a reçu<br />

beaucoup moins d’immigrants que les grandes<br />

provinces comme l’Ontario et la Colombie-<br />

Britannique. Toutefois, le nombre de nouveaux<br />

arrivants a été relativement stable (Lamba,<br />

Mulder et Wilkinson, 2000). Comme ailleurs<br />

au <strong>Canada</strong>, le nombre d’immigrants venant des<br />

pays africains, asiatiques, antillais et latinoaméricains<br />

a augmenté depuis les années 1990<br />

(Frideres, 1999; Henry et coll., 2000; Rice et<br />

Prince, 2000; <strong>Canada</strong> Immigrant Job Issues, s.d.).<br />

L’émigration des Saskatchewanais a constitué<br />

un problème de taille pour les gouvernements<br />

de la province jusqu’à il y a un an environ (Elliott,<br />

2003). Le gouvernement provincial, en partenariat<br />

avec le gouvernement du <strong>Canada</strong>, a mis à l’essai<br />

le Programme des candidats à l’immigration de la<br />

Saskatchewan. Dans le cadre de ce projet pilote,<br />

il a créé officiellement, en 2001, la Direction<br />

générale de l’immigration au sein du ministère de<br />

l’Enseignement postsecondaire, de l’Emploi et du<br />

Travail, une étape majeure dans ses efforts pour<br />

attirer des immigrants. Le « boom économique »,<br />

provoqué en grande partie par la hausse du prix<br />

du pétrole et par les profits réalisés dans les<br />

secteurs minier et gazier (Saskatchewan, 2008)<br />

est un autre facteur qui neutralise les tendances<br />

antérieures à l’exode. Par ailleurs, les villes, les<br />

petits centres et les collectivités rurales de la<br />

Saskatchewan participent activement à l’atteinte<br />

des objectifs d’attraction et de maintien des<br />

immigrants dans la province (Saskatchewan, s.d.).<br />

En plus de tenter d’attirer des immigrants<br />

qualifiés, la Saskatchewan a toujours accueilli des<br />

réfugiés par souci humanitaire. En 1996, 13,1 %<br />

des immigrants qui sont arrivés dans la<br />

province étaient des réfugiés, ce qui représente un<br />

pourcentage beaucoup plus élevé que la moyenne<br />

nationale de 7,2 % (Lamba, Mulder et Wilkinson,<br />

2000). Malgré cet engagement humanitaire<br />

évident, le débat sur les besoins des nouveaux<br />

arrivants a porté principalement sur les besoins<br />

liés à l’emploi ou sur l’aspect économique<br />

(Saskatchewan, 2004). En faisant l’examen des<br />

besoins en santé mentale des immigrantes et des<br />

réfugiées qui vivent en Saskatchewan, le présent<br />

article met l’accent sur l’importance d’adopter<br />

Nos diverses cités 109


La mondialisation et la technologie ont eu une incidence sur la manière dont les femmes vivent<br />

aujourd’hui l’établissement et l’intégration. La communication est plus facile grâce au téléphone<br />

et à Internet, et la télévision a apporté des images frappantes de la guerre dans les foyers de<br />

bon nombre de nouvelles arrivantes. Ces technologies présentent des avantages, mais elles<br />

ont également intensifié les frustrations et l’anxiété de plusieurs participantes.<br />

110 Nos diverses cités<br />

une méthode plus inclusive et mieux adaptée<br />

aux besoins des nouveaux arrivants.<br />

Cadre théorique :<br />

le multiculturalisme critique<br />

Un cadre théorique fondé sur le multi culturalisme<br />

critique a été utilisé pour cette étude. Cette théorie<br />

reconnaît que les membres des sociétés multi -<br />

culturelles apportent des conceptions culturelles<br />

différentes à leur entourage (Lee, 1997a, 1997b;<br />

Pederson, 1999). L’accent mis par ce cadre sur une<br />

approche critique témoigne du caractère central<br />

de questions comme le déséquilibre des forces,<br />

l’iniquité et les contextes (Blanch et Levin, 1998;<br />

Bryan, 2001). La culture, définie de façon<br />

générale, reconnaît les nombreux moyens par<br />

lesquels les pratiques et les traditions culturelles<br />

influencent tous les niveaux de décision<br />

(Pederson, 1999; Mullaly, 2002).<br />

Ce cadre théorique comprend deux volets : les<br />

processus multiculturels et les structures multi -<br />

culturelles. Les processus multiculturels désignent<br />

les valeurs et les croyances que les personnes<br />

apportent à leur entourage, ainsi que les moyens<br />

par lesquels celles-ci influencent les échanges<br />

multiculturels. Les structures multiculturelles,<br />

quant à elles, désignent les politiques, les lois<br />

et les règlements qui façonnent les contextes dans<br />

lesquels ont lieu ces échanges et ces processus<br />

multiculturels. Par conséquent, les gouvernements<br />

et les collectivités doivent s’assurer que les poli -<br />

tiques, les lois et les règlements favorisent des<br />

relations et des processus justes et équitables.<br />

Méthode<br />

Le mémoire repose sur une étude de cas axée<br />

sur les moyens d’améliorer les politiques, les<br />

programmes et les services de la Saskatchewan –<br />

ou d’en concevoir de nouveaux – afin de<br />

favoriser le bien-être mental des immigrantes et<br />

des réfugiées vivant dans cette province. En se<br />

concentrant sur le cas de la Saskatchewan<br />

uniquement, l’auteure a pu examiner les aspects<br />

particuliers et multidimensionnels du contexte<br />

de la province à partir de la documentation<br />

existante, d’entrevues individuelles et de séances<br />

de discussion en groupe (Berg, 2004; Grosof et<br />

Sardy, 1985; Stake, 1994, 1995; Yin, 1994, 2004;<br />

Maxwell, 1996). L’application du cadre théorique<br />

à cette étude de cas a garanti une reconnaissance<br />

du lien entre toutes les questions (Berg, 2004), et<br />

une prise en compte systématique de questions<br />

comme le sexe et les expériences de racialisation<br />

et de racisme. Plus précisément, le contexte du<br />

multiculturalisme a été reconnu, mais l’analyse a<br />

toujours porté sur l’équité et le pouvoir.<br />

Les données ont été recueillies au moyen de<br />

séances de discussion en groupe – six avec des<br />

fournisseurs de services et cinq avec des immi -<br />

grantes et des réfugiées. En outre, 11 entrevues<br />

individuelles ont été menées. Toutes les immi -<br />

grantes et réfugiées ayant participé aux entrevues<br />

maîtrisaient suffisamment l’anglais pour qu’on<br />

n’ait pas à utiliser les services d’interprètes. Toutes<br />

ont rempli des formulaires de consentement.<br />

Analyse et constatations :<br />

confirmation des enjeux<br />

Beaucoup des constatations de l’auteure<br />

confirment les conclusions tirées en 1988 par le<br />

Groupe chargé d’étudier les problèmes de santé<br />

mentale des immigrants et des réfugiés au<br />

<strong>Canada</strong>. Au nombre des problèmes relevés,<br />

mentionnons la dépression, les traumatismes,<br />

le racisme, les préjugés, la discrimination, le<br />

choc culturel, les obstacles linguistiques, le sousemploi<br />

et le chômage, la non-reconnaissance<br />

des titres de compétences, la honte de la maladie<br />

mentale, l’isolement et la séparation d’avec la<br />

famille et les communautés résidant toujours<br />

dans le pays d’origine (Groupe chargé d’étudier<br />

les problèmes de santé mentale des immigrants<br />

et des réfugiés au <strong>Canada</strong>, 1988).<br />

Nouvelles tendances<br />

Aide aux personnes restées dans le pays d’origine<br />

La mondialisation et la technologie ont eu<br />

une incidence sur la manière dont les femmes<br />

vivent aujourd’hui l’établissement et l’intégration.


La communication est plus facile grâce au<br />

téléphone et à Internet, et la télévision a apporté<br />

des images frappantes de la guerre dans les foyers<br />

de bon nombre de nouvelles arrivantes. Ces<br />

technologies présentent des avantages, mais elles<br />

ont également intensifié les frustrations et<br />

l’anxiété de plusieurs participantes. Une femme<br />

a parlé du sentiment de dépression qu’elle<br />

éprouvait après les conversations téléphoniques<br />

avec ses proches, en raison des appels à l’aide<br />

incessants. Les familles ont continué d’aider leurs<br />

membres restés dans le pays d’origine, mais<br />

souvent au prix d’énormes sacrifices sur les plans<br />

matériel et émotionnel. Au moins un fournisseur<br />

de services a mentionné que l’envoi de fonds crée<br />

souvent des difficultés financières pour les<br />

immigrants. Les familles dans le pays d’origine<br />

demandent de façon pressante des médicaments,<br />

de la nourriture et de l’argent, et les nouveaux<br />

arrivants, incapables de répondre à ces demandes,<br />

se tournent vers la communauté en général, qui se<br />

retrouve à son tour dans une situation difficile.<br />

Dans l’ensemble, les femmes ne se plaignaient pas<br />

de ces demandes, mais elles disaient éprouver un<br />

sentiment d’impuissance et de culpabilité.<br />

La langue et l’alphabétisation<br />

Les barrières linguistiques existent bel et<br />

bien, mais l’analphabétisme de base (incapacité<br />

de lire et d’écrire) constitue un problème<br />

supplémentaire. Cela s’explique par les situations<br />

de guerre et d’agitation politique, et leur incidence<br />

sur les nouvelles arrivantes. Certains fournisseurs<br />

de services ont laissé entendre que les services de<br />

garde d’enfants et de transport étaient des facteurs<br />

clés pour assurer aux femmes l’accès aux cours de<br />

langue et d’alphabétisation.<br />

Besoins en matière de santé et d’établissement<br />

Les fournisseurs de services ont précisé qu’ils<br />

travaillaient avec des familles où la femme avait<br />

dû devenir « chef du ménage » et remplir des<br />

rôles qu’elle n’avait jamais tenus auparavant,<br />

l’homme étant parfois mort ou disparu.<br />

La dépression et les traumatismes non résolus<br />

semblaient être une constante chez beaucoup de<br />

ces femmes. Plusieurs fournisseurs de services<br />

commençaient à voir de plus en plus de clientes<br />

ayant d’importants besoins en santé, laissant<br />

entendre que beaucoup de ces femmes avaient<br />

besoin de ressources accrues pour s’établir et<br />

s’intégrer dans la collectivité.<br />

La violence à l’égard des femmes a été citée<br />

comme un problème important, de même que<br />

la question connexe du silence attribuable aux<br />

pressions de la collectivité et à la peur de<br />

l’expulsion, de l’inconnu et de l’isolement. Dans<br />

leur pays d’origine, lorsqu’elles étaient victimes de<br />

violence, les femmes avaient leur façon tradi -<br />

tionnelle d’y faire face. En Saskatchewan, elles en<br />

sont encore à créer des réseaux de soutien et à<br />

chercher des moyens de s’adapter à la situation. Le<br />

maintien du silence des femmes s’explique aussi<br />

par leur ignorance des lois en matière d’immi -<br />

gration et de leurs droits en tant que femmes.<br />

Sous-utilisation des services généraux<br />

de santé mentale<br />

La sous-utilisation des services de santé mentale<br />

généraux ou traditionnels par les immigrantes et<br />

les réfugiées a été décrite dans différents rapports<br />

(Groupe chargé d’étudier les problèmes de santé<br />

mentale des immigrants et des réfugiés au<br />

<strong>Canada</strong>, 1988; Williams, 2002; IRVMW, 2002;<br />

Omorodion et White, 2003), et évoquée à<br />

maintes reprises par les personnes interrogées.<br />

Certains fournisseurs de services de santé<br />

mentale ont précisé qu’ils n’avaient que très peu<br />

d’expérience, voire aucune, du travail auprès des<br />

nouvelles arrivantes; certains ont laissé entendre<br />

que pour déterminer la pertinence du service,<br />

il fallait d’abord évaluer si les clientes étaient<br />

prêtes à le recevoir. Le commentaire qui revenait<br />

le plus fréquemment était que la structure<br />

des services et des programmes n’était pas<br />

nécessairement appropriée pour bien des<br />

immigrantes et des réfugiées.<br />

Bon nombre de ces fournisseurs de service<br />

« immigrantes » étaient d’origine et de tradition<br />

non occidentales, et ils ne reconnaissaient guère la<br />

diversité des femmes ni le fait qu’il est inapproprié<br />

d’examiner leur situation sous l’angle d’une<br />

simple opposition entre Occidentales et non-<br />

Occidentales. Par conséquent, lors des discussions,<br />

on a souvent désigné les femmes comme étant<br />

« les autres ». Parallèlement, les fournisseurs<br />

de services semblaient disposés à discuter de la<br />

manière de fournir des services aux femmes issues<br />

de contextes et de cultures très différents de ceux<br />

de la Saskatchewan.<br />

Plusieurs participants estimaient que le modèle<br />

clinique traditionnel ne convenait pas à bon<br />

nombre de nouvelles arrivantes. Les fournisseurs<br />

de services étaient conscients que la réticence<br />

à utiliser les services de santé mentale et le<br />

problème de la honte associée à la maladie<br />

mentale n’étaient pas propres aux nouvelles<br />

arrivantes. Les discussions sont revenues<br />

Nos diverses cités 111


112 Nos diverses cités<br />

plusieurs fois sur la nécessité d’explorer d’autres<br />

moyens de fournir les services.<br />

Accessibilité et capacité des organismes<br />

Tous les fournisseurs de services souhaitaient<br />

manifestement faire mieux, améliorer l’acces -<br />

sibilité aux services et renforcer leur capacité afin<br />

de pouvoir répondre aux besoins de leur clientèle<br />

multiculturelle. Les personnes ayant des liens<br />

personnels avec les groupes ethnoculturels en<br />

raison de leur propre appartenance ethnique ou de<br />

leur travail pastoral, bénévole ou communautaire<br />

étaient d’avis qu’elles avaient influencé le travail<br />

de leur organisme. D’autres estimaient que leur<br />

organisme était disposé à s’interroger et à cher -<br />

cher d’autres moyens de fournir des services. Une<br />

travailleuse a admis que si on lui avait demandé<br />

d’évaluer la capacité de l’organisme avant son<br />

engagement dans un récent projet mené auprès<br />

d’immigrants, elle aurait répondu avoir davantage<br />

confiance en ses propres connaissances et compé -<br />

tences pour exécuter son travail. Sa participation<br />

à ce programme lui a permis de reconnaître à quel<br />

point elle était peu informée, tout en constatant la<br />

grande complexité du travail et la nécessité pour<br />

l’organisme d’offrir ses services autrement.<br />

Faire les choses « autrement » signifiait plus de<br />

visites à domicile, d’efforts de développement<br />

communautaire et de travail dans la collectivité<br />

(en dehors de la clinique traditionnelle). Les<br />

participants ont bien compris que les organismes<br />

habitués à offrir des services au moyen de<br />

séances de counselling de 50 à 60 minutes à<br />

des personnes et à des couples verraient leurs<br />

ressources davantage sollicitées.<br />

Pour un organisme, disposer d’une capacité<br />

d’offrir des services adaptés signifie posséder<br />

un savoir théorique, des connaissances à jour<br />

et des compétences professionnelles appropriées.<br />

Les fournisseurs de services ont supposé qu’une<br />

compréhension des politiques d’immigration<br />

les aiderait à mieux répondre aux besoins des<br />

femmes. Dans l’ensemble, ils étaient convaincus<br />

de posséder de solides connaissances et<br />

compétences professionnelles générales dans<br />

le domaine des traumatismes, de la violence<br />

et des mauvais traitements. Toutefois, ils ont<br />

mentionné à maintes reprises que leur point<br />

faible était selon eux l’aspect « culturel ».<br />

Les moyens dont disposent les femmes<br />

pour s’aider elles-mêmes<br />

Les entrevues avec les femmes ont été très<br />

instructives. Une analyse des conclusions de<br />

l’étude montre que les femmes ont leurs propres<br />

moyens traditionnels de s’aider elles-mêmes<br />

et qu’elles avaient déjà commencé à utiliser<br />

des solutions qui leur semblaient pertinentes.<br />

Mention nons, en particulier, le recours aux<br />

organismes communautaires, aux amis, à la<br />

famille, aux groupes confessionnels et à la spiri -<br />

tualité. Les entrevues ont rappelé que les femmes<br />

sont issues de contextes culturels diversifiés, et il<br />

était donc nécessaire de relever les particularités<br />

des récits de chacune. Les entrevues ont<br />

également mis en lumière le lien étroit qui existe<br />

entre les traditions, les valeurs et les croyances<br />

collectives et le vécu individuel des femmes.<br />

Recommandations<br />

La recherche a souligné l’importance d’utiliser une<br />

approche multidimensionnelle pour la prestation<br />

de services en santé mentale. Le cadre théorique a<br />

servi d’outil pour écouter les participantes dans le<br />

but de se familiariser avec leurs valeurs et leurs<br />

croyances concernant diverses questions. Il a<br />

également servi de guide pour évaluer dans quelle<br />

mesure les programmes et les politiques étaient<br />

adaptés à ces valeurs et à ces croyances eu égard<br />

aux besoins et aux aspirations des immigrantes et<br />

des réfugiées.<br />

Faire connaître les services et<br />

les programmes aux communautés<br />

Comme on l’a déjà mentionné, peu d’immi -<br />

grantes et de réfugiées utilisent les services et<br />

les programmes de santé mentale généraux ou<br />

traditionnels. Elles ont plutôt recours à d’autres<br />

ressources : église, groupes confessionnels ou<br />

spirituels, organismes d’aide à l’établissement,<br />

amis et autres groupes. Néanmoins, les<br />

immigrantes qui viennent de pays semblables au<br />

<strong>Canada</strong> semblent être plus à l’aise avec les<br />

systèmes locaux.<br />

L’une des recommandations portait sur la<br />

nécessité, pour les fournisseurs de services de<br />

santé mentale, d’aller dans les endroits fréquentés<br />

par les immigrantes et les réfugiées, par exemple<br />

d’y envoyer des professionnels de la santé mentale<br />

itinérants, des consultants et des travailleurs en<br />

éducation et en développement communautaires.<br />

En bref, le « travail en santé mentale » auprès des<br />

immigrantes et des réfugiées prendrait différentes<br />

formes. Les « communautés » pourraient englober<br />

des groupes ethnoculturels ou des organismes<br />

d’aide à l’établissement où les femmes ont<br />

établi de nouveaux liens « familiaux ». Pour<br />

cela, il faudrait intensifier la collaboration avec


les organismes d’aide à l’établissement. On a<br />

demandé aux professionnels de la santé mentale<br />

de collaborer davantage avec les médecins et<br />

les autres professionnels de la santé auxquels<br />

les femmes s’adressent pour obtenir de l’aide.<br />

Accroître la collaboration et les partenariats entre<br />

les immigrants et les réfugiés, les organismes d’aide<br />

aux immigrants et aux réfugiés et les organismes<br />

de santé mentale généraux<br />

Les fournisseurs de services de différents secteurs<br />

ont indiqué leur volonté de collaborer plus<br />

étroitement. Plusieurs ont recommandé l’em -<br />

bauche de personnes qui conseilleraient les<br />

collectivités ou encourageraient la formation de<br />

partenariats communautaires. Les organismes<br />

d’aide à l’établissement ont déjà établi des<br />

relations assez solides avec le secteur scolaire,<br />

et celles-ci doivent être encouragées par un<br />

financement permanent et suffisant. L’établis -<br />

sement de régions sanitaires a progressé, mais<br />

moins rapidement.<br />

L’augmentation du nombre de partenariats<br />

signifie une collaboration accrue avec les<br />

immigrantes et les réfugiées. Cela impliquerait<br />

de poursuivre un dialogue sur les valeurs et<br />

les croyances que les différents intervenants<br />

apportent dans le processus d’interaction.<br />

Apprendre du travail auprès<br />

des communautés autochtones<br />

Les fournisseurs de services ayant travaillé auprès<br />

des communautés autochtones ont parlé des types<br />

d’initiatives, de programmes et de méthodes qui<br />

avaient été efficaces. Leurs discussions ont porté<br />

sur la forme des programmes, comme les cuisines<br />

communautaires et les groupes de grands-mères.<br />

Parmi les autres activités, mentionnons les cours<br />

de cuisine, de couture et d’artisanat, qui ont tous<br />

permis aux femmes de se réunir, d’apprendre les<br />

unes des autres et de s’entraider. Le rôle du<br />

professionnel de la santé mentale devait être de<br />

fournir un appui constant, de se rendre disponible<br />

pour offrir un soutien et un counselling<br />

individualisés ou de faire simplement partie du<br />

groupe dirigé par les participantes.<br />

Les professionnels estimaient posséder un<br />

savoir et des compétences qui seraient utiles aux<br />

femmes. Ils se mettraient à leur disposition comme<br />

ressources. Ils pourraient leur offrir une inter -<br />

vention et un soutien directs et individuels lorsque<br />

cela serait approprié. Parfois, ils pourraient les<br />

aiguiller vers d’autres ressources ou faire du<br />

lobbying ou du travail en défense des droits. Ils<br />

pourraient également faire de l’éducation commu -<br />

nautaire. Ils ont aussi remarqué que les exposés<br />

faits par les membres mêmes des communautés<br />

culturelles avaient un grand impact. Les exposés<br />

visant les communautés autochtones ont notam -<br />

ment porté sur l’histoire des peuples autochtones<br />

du <strong>Canada</strong>. Les parti cipants ont suggéré d’essayer<br />

de réaliser des activités similaires dans le cas des<br />

nouveaux arrivants.<br />

Recruter des personnes possédant les connaissances<br />

et les compétences nécessaires pour répondre aux<br />

besoins des immigrantes et des réfugiées<br />

Les participants étaient déterminés à se doter d’un<br />

effectif représentatif et à embaucher des personnes<br />

connaissant bien le milieu afin de faciliter le<br />

rapprochement entre les différents groupes. Ils ont<br />

recommandé que l’on veille à ce que les processus<br />

d’inscription pour les professionnels formés<br />

à l’étranger soient conviviaux. Dans le même<br />

ordre d’idées, ils ont conseillé que l’on envisage de<br />

reconnaître en partie l’expérience professionnelle<br />

dans les situations où une personne ne possède<br />

pas le titre de compétence universitaire ou<br />

technique exigé.<br />

Dernières observations<br />

La conception que les immigrantes et les réfugiées<br />

se faisaient de la santé mentale reflétait la mesure<br />

dans laquelle leurs rapports avec autrui et leurs<br />

activités quotidiennes influaient sur leur santé<br />

psychologique et leur bien-être mental. Il existe<br />

une nette distinction entre, d’une part, les<br />

problèmes en matière d’établis sement et d’inté -<br />

gration éprouvés par les immigrantes et les<br />

réfugiées et, d’autre part, les traumatismes et<br />

les pertes subis par les réfugiées; les réponses<br />

doivent donc être différentes. Plus précisément, les<br />

professionnels de la santé mentale reconnaissaient<br />

l’importance de tenir compte des problèmes et<br />

contextes multiples de la vie des femmes, ainsi<br />

que des besoins particuliers des femmes venant de<br />

régions touchées par la guerre et ayant subi des<br />

traumatismes extrêmes.<br />

La conception que se faisaient en général les<br />

immigrantes et les réfugiées de la santé mentale<br />

témoignait d’une tendance à aborder leur<br />

environnement d’une manière très globale. Elles<br />

ont mentionné combien il était important pour<br />

elles de vivre dans un milieu sûr et orienté vers<br />

l’inclusion sociale, et reconnu l’interdépendance<br />

des différentes régions du monde et leurs liens<br />

avec d’autres pays. Les croyances et les valeurs<br />

qu’elles ont exprimées quant à leur univers<br />

Nos diverses cités 113


vont à l’encontre de la pensée économique<br />

unidimensionnelle et indiquent ce dont elles<br />

croient avoir besoin pour parvenir au bien-être<br />

et à la santé mentale.<br />

À propos de l’auteure<br />

JUDY WHITE est professeure agrégée à la Faculté du<br />

travail social de la University of Regina. Née et élevée à<br />

Trinité, elle vit en Saskatchewan depuis 1987, où elle est<br />

travailleuse sociale autorisée et bénévole dévouée dans<br />

le secteur de l’établissement.<br />

Références<br />

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Social Sciences, Boston, Allyn and Bacon.<br />

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2e éd., Applied Social Research Methods Series, vol. V,<br />

Thousand Oaks, Sage Publications.<br />

——— (dir). 2004. The Case Study Anthology, Thousand Oaks,<br />

Sage Publications.


L’établissement des réfugiés<br />

parrainés par le secteur privé<br />

à Winnipeg, au Manitoba<br />

TOM CARTER<br />

Université de Winnipeg<br />

À l’heure actuelle, environ 600 réfugiés parrainés par le secteur privé arrivent au Manitoba<br />

chaque année. La plupart viennent d’Afrique et la majorité s’établissent à Winnipeg.<br />

Les personnes qui viennent dans le cadre du programme de parrainage par le secteur privé<br />

constituent maintenant plus de la moitié de l’ensemble des réfugiés qui arrivent au Manitoba.<br />

Les réfugiés parrainés par le secteur privé (RPSP)<br />

constituent un fort contingent des réfugiés<br />

qui arrivent au Manitoba. Les signataires<br />

d’ententes de parrainage, par exemple le diocèse<br />

anglican et le Mennonite Central Committee,<br />

pour ne nommer que ceux-là, travaillent avec<br />

des groupes communautaires, des groupes ethno -<br />

culturels, des individus et des familles pour<br />

parrainer des réfugiés provenant de nombreux<br />

pays. À l’heure actuelle, environ 600 RPSP<br />

arrivent au Manitoba chaque année. La plupart<br />

viennent d’Afrique et la majorité s’établissent à<br />

Winnipeg. Les personnes qui viennent dans le<br />

cadre du programme de parrainage par le secteur<br />

privé constituent maintenant plus de la moitié de<br />

l’ensemble des réfugiés qui arrivent au Manitoba<br />

(Travail et Immigration Manitoba, 2007).<br />

On sait peu de choses de l’expérience d’éta -<br />

blis sement des RPSP. La présente étude 1 , menée<br />

en 2007 et 2008, vise à répondre à certaines<br />

questions clés, notamment : Les répondants<br />

respectent-ils leurs obligations ? Y a-t-il des<br />

parrainages qui échouent ? Du point de vue<br />

des réfugiés, les indicateurs d’établissement<br />

et d’intégration sont-ils positifs ? La situation<br />

des réfugiés s’améliore-t-elle au fil du temps ?<br />

Si non, quels sont les aspects particuliers de<br />

l’établissement qui posent des problèmes ?<br />

1 L’auteur souhaite remercier le ministère du Travail et de<br />

l’Immigration du Manitoba pour l’aide financière accordée<br />

à ces travaux de recherche.<br />

Dans le cadre de l’étude, nous avons mené des<br />

entrevues avec un adulte dans 50 ménages de<br />

RPSP à Winnipeg. Chaque entrevue a duré en<br />

moyenne 2 heures 30. L’étude visait les ménages<br />

arrivés de un à cinq ans avant l’entrevue (2002 à<br />

2006). Le minimum d’un an a été retenu afin que<br />

la période de parrainage soit complète et que les<br />

participants puissent réfléchir sur leur expérience<br />

de parrainage. Le délai de cinq ans faisait en<br />

sorte qu’ils avaient eu suffisamment de temps<br />

pour porter un jugement sur leur expérience<br />

d’établissement.<br />

Échantillon<br />

La moitié des personnes interrogées étaient au<br />

<strong>Canada</strong> depuis moins de deux ans et demi, et<br />

l’autre moitié, de deux ans et demi à cinq ans.<br />

Dans une proportion de 82 %, ils venaient<br />

d’Afrique et du Moyen-Orient, ce qui reflétait<br />

bien la proportion de 86 % des RPSP arrivés au<br />

Manitoba de 2002 à 2006 en provenance de ces<br />

régions. La répartition d’âge, de même que les<br />

types de ménages et de familles de l’échantillon<br />

étaient également comparables aux caracté -<br />

ristiques de l’ensemble des réfugiés arrivés de<br />

2002 à 2006. Comparativement à la population<br />

de Winnipeg, l’âge moyen du groupe étudié était<br />

beaucoup moins élevé (24 ans comparativement<br />

à 39 ans) et la taille des ménages était plus<br />

grande (3,3 personnes comparativement à 2,4<br />

personnes). La population étudiée comprenait<br />

davantage de ménages avec enfants (50 %,<br />

Nos diverses cités 115


116 Nos diverses cités<br />

comparativement à 44 %) et plus de ménages<br />

monoparentaux (39 % comparativement à 19 %)<br />

que la population de Winnipeg (Statistique<br />

<strong>Canada</strong>, 2008).<br />

L’expérience de parrainage<br />

La majorité (68 %) des ménages interrogés étaient<br />

satisfaits du soutien reçu des répondants, mais<br />

30 % ont fait état de problèmes et sept<br />

(14 %) parrainages ont échoué. Parmi les facteurs<br />

à l’origine des échecs, mentionnons la réticence<br />

des réfugiés à dire aux répondants qu’ils avaient<br />

besoin davantage de soutien, par crainte<br />

d’alourdir le fardeau de ces derniers; l’inquiétude<br />

que cela nuise à leurs répondants ou compromette<br />

le programme; le manque de connaissances sur<br />

la structure du programme de parrainage et le fait<br />

de ne pas savoir qu’ils auraient pu s’adresser<br />

à d’autres groupes ou organismes au sein de<br />

la structure pour obtenir de l’aide; le fait que<br />

personne n’était chargé de vérifier régulièrement<br />

s’il y avait des problèmes. Ceux qui ont rapporté<br />

les expériences d’établissement les plus réussies<br />

sont ceux qui bénéficiaient du soutien de<br />

nombreuses personnes ou institutions – plusieurs<br />

parents ou amis, un organisme communautaire ou<br />

une combinaison des deux options.<br />

L’établissement et l’intégration<br />

L’étude était axée sur trois ensembles d’indica -<br />

teurs d’établissement : les indicateurs touchant le<br />

logement et le quartier, les caractéristiques de<br />

l’emploi et du revenu et, enfin, les indicateurs<br />

sociaux. Comme nous le verrons plus loin, les<br />

indicateurs d’établissement témoignent d’expé -<br />

riences positives et négatives.<br />

En majorité, les ménages participants esti -<br />

maient que leur situation de logement ne causait<br />

pas de problèmes majeurs dans leur expérience<br />

d’établissement. Toutefois, deux fois plus de<br />

ménages utilisaient au moins 30 % de leur revenu<br />

brut pour se loger, comparativement aux ménages<br />

de Winnipeg (Tableau 1), malgré le fait que<br />

les locataires payaient 100 $ de moins que la<br />

moyenne des gens de Winnipeg pour des<br />

logements de même dimension. Le tiers des<br />

ménages vivaient dans des logements n’ayant pas<br />

suffisamment de chambres à coucher pour tous<br />

les membres de la famille. À quelques exceptions<br />

près, ils déclaraient que leur logement était en bon<br />

état, estimaient qu’il était sécuritaire, avaient hâte<br />

d’être à la maison à la fin de la journée et étaient<br />

globalement heureux de leur logis. Cinq ménages<br />

(10 %) étaient propriétaires et plus de la moitié des<br />

TABLEAU 1<br />

Indicateurs concernant le logement<br />

et le quartier<br />

Ménages étudiés Winnipeg<br />

(%) (%)<br />

Payaient 30 % ou plus<br />

de leur revenua 41 21<br />

Locataires 42 37<br />

Propriétaires<br />

Rapport moyen<br />

33 12<br />

logement / revenu<br />

Propriétaires de<br />

26 17<br />

leur logement<br />

Logements non<br />

10 67<br />

conformes à la NNOb Ont eu de la difficulté<br />

34 S.O.<br />

à trouver un logement<br />

Vivaient dans le<br />

24 S.O.<br />

centre urbain 56 S.O.<br />

Aimaient leur quartier<br />

Se sentaient en sécurité<br />

92 S.O.<br />

dans leur quartier 90 S.O.<br />

a Les ménages canadiens à revenu faible ou modeste payant 30 % ou plus de leur revenu<br />

pour le logement sont considérés comme ayant un problème d’abordabilité du logement.<br />

b Selon la Norme nationale d’occupation (NNO), le nombre de chambres à coucher<br />

était insuffisant pour répondre aux besoins de la structure du ménage selon l’âge,<br />

le sexe et le statut conjugal.<br />

Source : Échantillon de l’étude et Recensement de 2006, Statistique <strong>Canada</strong> (2008).<br />

autres espéraient acheter une maison. Au fil du<br />

temps, ils avaient obtenu de meilleurs logements<br />

et leur stabilité rési dentielle avait augmenté. Un<br />

peu plus de la moitié (56 %) des ménages vivaient<br />

dans le centre urbain de la ville. La plupart ont<br />

mentionné qu’ils aimaient leur quartier, que celuici<br />

soit en ville ou en banlieue. Dans une propor -<br />

tion de 90 %, ils ont indiqué se sentir en sécurité<br />

dans leur quartier. Toutefois, deux tiers ont men -<br />

tion né qu’ils préfé reraient vivre ailleurs, géné -<br />

ralement dans des quartiers à l’extérieur du centre<br />

urbain et moins touchés par le déclin urbain.<br />

Trois quarts des participants connaissaient leurs<br />

voisins, mais à peine un peu plus de la moitié<br />

évaluaient de façon favorable leur interaction<br />

avec eux, ce qui laisse penser que l’interaction et<br />

la communication étaient quelque peu limitées.<br />

Cette situation pouvait nuire au développement<br />

d’un sentiment d’appartenance à leur quartier, de<br />

même qu’à leur apprentissage de la culture locale.<br />

Toutefois, les deux tiers des personnes interrogées<br />

estimaient que les connaissances transmises par<br />

leurs répondants étaient suffisantes pour faciliter<br />

leur intégration. Ils se sentaient suffisamment à<br />

l’aise de vivre à Winnipeg pour s’y sentir « à<br />

leur place ».<br />

Près de 80 % avaient un emploi au moment<br />

de l’entrevue, mais la moitié de ceux qui avaient


cherché du travail avaient eu de la difficulté à<br />

en trouver (Tableau 2). Les compétences linguis -<br />

tiques limitées, le manque d’expérience de travail<br />

au <strong>Canada</strong>, les problèmes de reconnaissance des<br />

titres de compétence étrangers et l’absence de<br />

références ou de recommandations canadiennes<br />

étaient parmi les obstacles majeurs à l’accès à<br />

l’emploi. La moitié de ceux qui avaient un<br />

emploi ne travaillaient pas dans leur domaine<br />

de com pétence, la moitié se sentaient surqualifiés<br />

pour le poste qu’ils occupaient et la quart se<br />

voyaient obligés d’avoir plus d’un emploi. Ils<br />

étaient très peu nombreux à avoir un emploi<br />

hautement rémunéré exigeant des compétences<br />

élevées. Pour la plupart, ils travail laient dans le<br />

secteur de la vente et des services. Le revenu<br />

moyen des membres de l’échantillon était environ<br />

la moitié de celui des ménages de Winnipeg et<br />

68 % étaient dans une situation de pauvreté,<br />

soit trois fois plus que chez l’ensemble de la<br />

population. La moitié des ménages parti cipants ont<br />

mentionné avoir de la difficulté à économiser et<br />

plus du tiers d’entre eux avaient dû, à l’occasion,<br />

recourir aux banques alimentaires (Tableau 2).<br />

Globalement, les membres du groupe à l’étude<br />

estimaient que leur situation, sur le plan physique<br />

et affectif, s’était améliorée depuis leur arrivée et,<br />

à leur avis, leur capacité à faire face au stress<br />

quotidien était meilleure (Tableau 3). Pourtant,<br />

près de 20 % avaient des problèmes de santé<br />

pour lesquels ils n’avaient pas reçu d’aide. Même<br />

si la majorité des ménages estimaient avoir établi<br />

de solides réseaux de soutien, certains ressentaient<br />

encore de la solitude et de l’iso lement social, et<br />

n’avaient ni famille ni amis proches au pays. Fait<br />

étonnant, personne n’était devenu membre<br />

d’un groupe politique ou d’une organisation<br />

commu nautaire ou de quartier, bien que plus<br />

de la moitié avaient fait du bénévolat. Dans<br />

l’ensemble, le niveau d’engagement dans la<br />

société en général était faible.<br />

Le tiers des personnes rencontrées ont déclaré<br />

avoir subi du harcèlement ou de la discrimination<br />

au travail, à l’école ou dans les lieux publics, mais<br />

la plupart estimaient avoir appris comment y faire<br />

face et 70 % d’entre eux se sentaient à l’aise de<br />

s’exprimer et de vivre selon leur propre culture.<br />

La majorité pensaient que les autorités (police<br />

et gouvernement) étaient compréhensives, et les<br />

protégeraient et les aideraient avec justice et<br />

équité (Tableau 3). Les trois quarts estimaient<br />

être toujours traités de la même façon que les<br />

autres Canadiens s’il s’agissait d’avoir accès aux<br />

services ou de faire valoir leurs droits. Le tiers des<br />

TABLEAU 2<br />

Caractéristiques concernant<br />

l’emploi et le revenu<br />

Ménages<br />

étudiés Winnipeg<br />

Ont cherché du travail 90 % S.O.<br />

Ont eu de la difficulté à<br />

trouver du travail 46 % S.O.<br />

Sont employés 78 % S.O.<br />

S’estiment surqualifiés<br />

pour leur emploi 46 % S.O.<br />

Travaillent dans leur<br />

domaine de compétence 39 % S.O.<br />

Se disent heureux de<br />

leur emploi 77 % S.O.<br />

Travaillent dans la<br />

vente et les services 43 % 25 %<br />

Revenu moyen 32 300 $ 63 025 $<br />

Fréquence de la pauvreté 68 % 20 %<br />

Difficulté à économiser 52 % S.O.<br />

Incapables de répondre aux<br />

besoins fondamentaux<br />

du ménage 36 % S.O.<br />

Ont eu recours à une<br />

banque alimentaire a 36 % 3,7 %<br />

a Données de l’Association canadienne des banques alimentaires (2007).<br />

Source : Échantillon de l’étude et Recensement de 2006, Statistique <strong>Canada</strong>, 2008.<br />

TABLEAU 3<br />

Indicateurs sociaux d’établissement<br />

Ont vu leur santé physique et<br />

émotionnelle s’améliorer 54 %<br />

Ont éprouvé des problèmes affectifs<br />

depuis l’arrivée 60 %<br />

Ont amélioré leur capacité à faire face<br />

au stress 86 %<br />

Se sentent à l’aise de faire appel à la police 67 %<br />

Se sentent à l’aise de solliciter<br />

l’aide de fonctionnaires 84 %<br />

Ne connaissent pas leurs voisins 22 %<br />

Ont des compétences pour faire face<br />

à la discrimination 81 %<br />

Se sentent chez eux à Winnipeg 82 %<br />

Ont vu leur bien-être matériel<br />

s’améliorer depuis l’arrivée 84 %<br />

Trouvent la vie au <strong>Canada</strong> meilleure<br />

qu’ils ne le prévoyaient 62 %<br />

Source : Échantillon de l’étude.<br />

participants ont mentionné que la langue était<br />

l’obstacle le plus difficile à surmonter dans<br />

le processus d’établissement. Les deux tiers<br />

avaient suivi une formation linguistique, mais<br />

plusieurs avaient dû se trouver un emploi immé -<br />

diatement et n’ont donc pas pu suivre de cours<br />

de langue seconde.<br />

Nos diverses cités 117


TABLEAU 4<br />

Amélioration au fil du temps – Indicateurs de comparaison<br />

Moins de 2,5 ans Plus de 2,5 ans<br />

Distribution des participants 50 % 50 %<br />

Satisfaits de leur emploi 90 % 68 %<br />

Insatisfaits de leur revenu 56 % 65 %<br />

Travaillent dans leur domaine de compétence 33 % 53 %<br />

Se sentent surqualifiés pour leur travail 28 % 44 %<br />

Revenu moyen du ménage (mensuel) 2 515 $ 2 853 $<br />

Sous le seuil de faible revenu 67 % 68 %<br />

Ratio entre le coût du logement et le revenu 25 % 27 %<br />

Vivent dans des logements sociaux 12 % 20 %<br />

Bien-être matériel meilleur qu’à l’arrivée 80 % 80 %<br />

Heureux des progrès accomplis dans l’adaptation à leur nouvelle vie 28 % 40 %<br />

Source : Échantillon de l’étude.<br />

118 Nos diverses cités<br />

Trajectoires positives au fil du temps ?<br />

Les RPSP visés par la présente étude ont-ils<br />

eu des trajectoires positives, au fil du temps,<br />

dans leur expérience d’établissement et<br />

d’inté gration ? Comme le révèle le Tableau 4,<br />

les résultats sont mitigés. À Winnipeg, la<br />

satisfaction concernant l’emploi a décliné au<br />

fil du temps, même si, dans un pourcentage<br />

plus élevé, les réfugiés travaillaient dans leur<br />

domaine de compétence. Malgré ce dernier<br />

fait, un pourcentage croissant d’entre eux<br />

s’estimaient surqualifiés pour leur travail. Les<br />

revenus avaient augmenté, mais la proportion<br />

des ménages en situation de pauvreté n’avait pas<br />

beaucoup changé. Le rapport entre le revenu et<br />

le coût du logement avait légèrement augmenté,<br />

malgré une plus forte proportion de logements<br />

sociaux, où les loyers sont fixés à 27 % du<br />

revenu. Le surpeuplement des logements avait<br />

diminué et 10 % des personnes interrogées<br />

étaient devenues propriétaires, de sorte que<br />

l’augmentation de la qualité de l’hébergement<br />

peut avoir augmenté le ratio entre le coût du<br />

logement et le revenu. Les 25 participants qui<br />

étaient au <strong>Canada</strong> depuis plus de deux ans et<br />

demi étaient satisfaits de leur logement; les deux<br />

répondants insatisfaits étaient au <strong>Canada</strong> depuis<br />

moins de deux ans et demi. La satisfaction<br />

concernant le quartier était élevée peu importe la<br />

durée du séjour à Winnipeg, mais la proportion<br />

de personnes interrogées affirmant avoir appris<br />

suffisamment pour se sentir à l’aise de vivre dans<br />

la ville ou atteindre leur potentiel avait diminué.<br />

Conséquences stratégiques et orientation<br />

des recherches ultérieures<br />

D’après les résultats de la présente étude, en<br />

règle générale, le programme manitobain de<br />

parrainage des réfugiés par le secteur privé<br />

fonctionne généralement bien. Toutefois, certains<br />

problèmes doivent être réglés. Les parrainages<br />

ne réussissent pas tous. Certaines causes des<br />

échecs ont été relevées par l’étude, mais des<br />

recherches plus poussées s’imposent pour établir<br />

si les répondants ont la capacité d’assumer des<br />

parrainages (souvent, ils sont presque aussi<br />

pauvres que les personnes qu’ils parrainent). Il<br />

apparaît également évident que les personnes<br />

parrainées devraient recevoir de meilleurs<br />

renseignements sur le processus de parrainage<br />

à leur arrivée, notamment sur les organismes<br />

concernés et les endroits où elles peuvent<br />

s’adresser pour obtenir de l’aide si elles sont<br />

abandonnées par leurs répondants. Il serait<br />

également avantageux de désigner une personne<br />

ou un organisme qui soit responsable du suivi,<br />

pour vérifier auprès des personnes parrainées si<br />

le processus de parrainage et d’établissement se<br />

déroule bien. D’après les constatations, le suivi est<br />

insuffisant et, si les parrainages échouent, les gens<br />

sont souvent laissés à eux-mêmes, en terre étran -<br />

gère et dans une culture qu’ils ne connaissent pas.<br />

Bien que le logement n’était pas considéré<br />

comme un obstacle majeur à l’établissement,<br />

il semble qu’au départ, l’accès à un logement<br />

abordable soit difficile. Une augmentation du<br />

nombre de logements abordables faciliterait le<br />

processus d’établissement.<br />

Manifestement, l’une des grandes préoc cu -<br />

pations des RPSP est leur expérience du marché<br />

du travail. Des problèmes majeurs découlent de<br />

la difficulté de trouver du travail, du fait que les<br />

réfugiés ne travaillent pas dans leur domaine de<br />

compétence ou sont surqualifiés pour leur poste,<br />

et qu’ils occupent des emplois peu qualifiés,<br />

souvent sans avenir, dans lesquels ils deviennent


piégés. L’un des obstacles est leur faible niveau<br />

de compétence linguistique. Reçoivent-ils la<br />

formation linguistique dont ils ont besoin ? Si tel<br />

n’est pas le cas, quelle en est la raison ? Doiventils<br />

entrer trop tôt sur le marché du travail pour<br />

subvenir à leurs besoins, parce que leurs répon -<br />

dants n’ont pas la capacité d’assumer les coûts<br />

du parrainage et, par conséquent, sont incapables<br />

de les soutenir pendant qu’ils suivent des cours<br />

de langue seconde ? Faut-il penser que leurs<br />

qualifications et titres de compétences ne sont<br />

pas reconnus adéquatement par les employeurs<br />

canadiens ? Certes, il s’agit là de problèmes, mais<br />

des recherches approfondies s’imposent pour<br />

établir de quelle façon les résoudre.<br />

Il apparaît également évident que le soutien<br />

fourni par les répondants n’est pas toujours<br />

adéquat. En règle générale, les répondants doivent<br />

offrir un soutien financier qui est au moins<br />

égal aux taux courants de l’aide sociale dans<br />

la collectivité. Toutefois, ces taux n’ont pas été<br />

ajustés à l’augmentation du coût de la vie ces<br />

dernières années et n’offrent à personne, pas<br />

plus aux réfugiés qu’aux autres, un niveau de vie<br />

adéquat. Certains répondants sont plus généreux,<br />

mais si les ménages de réfugiés nouvellement<br />

arrivés n’ont que peu de moyens financiers pour<br />

survivre, leur établissement est certainement plus<br />

difficile. La nécessité de recherches plus poussées<br />

se fait sentir, notamment sur le niveau de soutien<br />

(en argent et en nature) fourni par les répondants<br />

et sur le niveau qui serait jugé adéquat.<br />

Les résultats de l’étude sont très utiles pour<br />

évaluer l’efficacité du programme et les expé -<br />

riences d’établissement des réfugiés au Manitoba,<br />

mais il est difficile de les généraliser à l’échelle du<br />

pays. Les caractéristiques des organismes et des<br />

groupes de parrainage, le processus de parrainage,<br />

la situation du marché du travail et des marchés<br />

du logement, et nombre d’autres facteurs diffèrent<br />

d’une ville à l’autre. L’étude de Winnipeg peut<br />

donner des indications générales pertinentes sur<br />

une base géographique plus large et pourrait<br />

être un bon modèle à utiliser pour mettre au<br />

point des initiatives de recherche dans d’autres<br />

villes. Cependant, il faut des études à l’échelle<br />

nationale pour dégager et régler les problèmes<br />

auxquels peuvent se buter les RPSP.<br />

Conclusion<br />

La majorité des RPSP ayant participé à l’étude<br />

avaient une opinion favorable de leur expérience<br />

d’établissement à Winnipeg. En règle générale,<br />

ils estimaient que leur bien-être matériel s’était<br />

amélioré depuis leur arrivée, même si la pro -<br />

portion se disant très heureux de leurs progrès<br />

avait diminué (Tableau 4). Globalement, il y a<br />

raison d’être optimistes. Toutefois, tous n’ont pas<br />

vu leurs attentes comblées, les indicateurs d’éta -<br />

blis sement et d’intégration n’illustrent pas tous<br />

des trajectoires positives et des progrès doivent<br />

être faits dans nombre de domaines avant que les<br />

RPSP atteignent la même qualité de vie que la<br />

société d’accueil.<br />

D’après l’autoévaluation de leur expérience<br />

d’établissement et d’intégration, les RPSP qui sont<br />

à Winnipeg depuis plus longtemps semblent<br />

moins satisfaits. Pour quelle raison ? Parmi les<br />

raisons possibles, mentionnons les suivantes :<br />

ils avaient prévu une amélioration constante et<br />

cela ne s’est pas produit; certaines attentes, par<br />

exemple l’accession à la propriété, n’ont pas été<br />

satisfaites. De plus, leurs attentes étaient peut-être<br />

irréalistes. C’est dans les domaines de l’emploi et<br />

du revenu que les progrès semblent les moins<br />

grands. Les revenus n’ont pas augmenté de façon<br />

appréciable au fil du temps, les niveaux de pau -<br />

vreté demeurent élevés et les situations d’emploi<br />

ne se sont pas beaucoup améliorées. Ces mêmes<br />

problèmes ont été dégagés dans d’autres études.<br />

À propos de l’auteur<br />

TOM CARTER est titulaire de la Chaire de recherche du<br />

<strong>Canada</strong> en évolution et adaptation urbaine et professeur<br />

de géographie à l’Université de Winnipeg. Ses intérêts en<br />

matière de recherche et de politique englobent le logement,<br />

l’évolution des quartiers, la revitalisation urbaine, la politique<br />

sociale et l’intégration des nouveaux arrivants.<br />

Références<br />

Association canadienne des banques alimentaires. 2007.<br />

Bilan-Faim : 2007, Toronto, Association canadienne des<br />

banques alimentaires.<br />

<strong>Canada</strong>. Statistique <strong>Canada</strong>. 2008. Profils des<br />

communautés de 2006 : région métropolitaine de<br />

recensement de Winnipeg, Ottawa, Statistique <strong>Canada</strong>.<br />

Manitoba. Travail et Immigration Manitoba. 2007.<br />

Données factuelles sur l’immigration au Manitoba : rapport<br />

statistique de 2007, Winnipeg, gouvernement du Manitoba.<br />

Nos diverses cités 119


L’évolution sur le plan du logement<br />

pour les réfugiés établis à<br />

Edmonton, à Calgary et à Winnipeg<br />

RICK ENNS<br />

University of Calgary<br />

TOM CARTER<br />

Université de Winnipeg<br />

Les réfugiés ont de la difficulté à trouver des logements abordables. Ce problème est<br />

d’autant plus sérieux qu’ils ne savent pas comment ni où se procurer des renseignements<br />

sur le logement. Ils n’ont pas d’information à jour, fiable et complète sur le marché locatif<br />

et les caractéristiques de chaque quartier offrant des logements. Cette lacune peut être<br />

à l’origine de mauvaises décisions quant au choix du logement et du quartier.<br />

120 Nos diverses cités<br />

De 2006 à 2008, une étude longitudinale sur<br />

les conditions d’établissement et d’intégration<br />

des réfugiés récemment arrivés a été menée<br />

à Winnipeg, Calgary et Edmonton 1 . L’étude<br />

a permis de recueillir des données sur les<br />

caractéristiques socioéconomiques des ménages,<br />

ainsi que sur l’évolution des conditions de<br />

logement et de voisinage de ceux-ci. Au moment<br />

de leur première entrevue, les ménages<br />

interrogés habitaient leurs villes respectives<br />

depuis appro ximativement un an ou moins.<br />

Le présent article porte essentiellement sur<br />

les données recueillies au cours des deux<br />

premières années de l’étude. La première année,<br />

75 ménages ont été interviewés à Winnipeg,<br />

41 à Calgary et 35 à Edmonton. Un an plus tard,<br />

55 de ces mêmes ménages ont été interviewés<br />

à nouveau à Winnipeg, 17 l’ont été à Calgary<br />

et 12 à Edmonton. La discussion portera<br />

essen tiellement sur l’évolution de certains<br />

indicateurs de logement, d’une année à l’autre,<br />

dans les trois villes citées, ainsi que sur d’autres<br />

aspects de l’évolution des conditions dans<br />

1<br />

Les auteurs tiennent à remercier <strong>Metropolis</strong> et Ressources<br />

humaines et Développement des compétences <strong>Canada</strong><br />

d’avoir subventionné ces travaux.<br />

lesquelles vivent les ménages de Winnipeg, dont<br />

nous avons un échantillonnage plus nombreux.<br />

Évolution sur le plan du logement à<br />

Winnipeg, Calgary et Edmonton<br />

Sur le plan du revenu, les données recueillies<br />

démontrent que la situation des ménages<br />

participants s’est graduellement améliorée, et ce,<br />

dans les trois villes à l’étude. La première année,<br />

le revenu mensuel brut moyen était de 1 409 $ à<br />

Edmonton, de 1 836 $ à Calgary et de 1 865 $ à<br />

Winnipeg. La deuxième année, le revenu moyen<br />

des ménages a beaucoup augmenté, soit de<br />

52 % à Calgary, de 32 % à Edmonton et de<br />

31 % à Winnipeg. En ce qui a trait au loyer<br />

moyen, celui-ci était beaucoup plus élevé à<br />

Calgary, où il se situait à 756 $ par mois, tandis<br />

qu’il était de 561 $ à Edmonton et de 566 $ à<br />

Winnipeg. La deuxième année, le loyer avait<br />

augmenté dans les trois villes, mais c’est à<br />

Calgary que la hausse à été la plus importante,<br />

soit de 49 % comparativement à 11 % et 4 %<br />

pour Winnipeg et Edmonton, respectivement<br />

(Tableau 1).<br />

Durant la première année, après déduction de<br />

leur loyer, les ménages de Winnipeg disposaient<br />

de 1 300 $ pour couvrir toutes les autres dépenses


TABLEAU 1<br />

Évolution sur le plan du logement à Winnipeg, à Calgary et à Edmonton<br />

Winnipeg Calgary Edmonton<br />

1re année 2e année Écart 1re année 2e année Écart 1re année 2e année Écart<br />

Revenu brut mensuel des ménages 1 865 $ 2 446 $ 31 % 1 836 $ 2 798 $ 52 % 1 409 $ 1 859 $ 32 %<br />

Loyer mensuel 566 $ 626 $ 11 % 756 $ 1 118 $ 49 % 581 $ 603 $ 4 %<br />

Revenu après déduction du loyer 1 299 $ 1 820 $ 52 % 1 080 $ 1 680 $ 56 % 828 $ 1 256 $ 52 %<br />

Loyer moyen par rapport au revenu 34 % 25 % – 42 % 42 % – 41 % 37 % –<br />

Loyer exigeant 30 % ou plus du revenu 51 % 22 % – 88 % 76 % – 83 % 42 % –<br />

Logement non conforme aux NNO<br />

Loyer moyen d’un logement de<br />

– 36 % – – 25 % – – 36 % –<br />

deux chambres – 746 $ – – 1 096 $ – – 1 000 $ –<br />

Taux d’inoccupation – 1,0 % – – 2,0 % – – 3,4 % –<br />

Source : Les données sous « Loyer moyen d’un logement de deux chambre » et « Taux d’inoccupation » proviennent des Rapports sur le marché locatif de la Société canadiennes d’hypothèques et de logements<br />

(SCHL). Toutes les autres données sont tirées des entrevues menées dans le cadre de cette étude.<br />

de subsistance; ceux de Calgary disposaient<br />

1 080 $, et ceux d’Edmonton, de 828 $. La<br />

deuxième année, grâce à l’augmentation des<br />

revenus, le revenu disponible des ménages après<br />

déduction du loyer avait augmenté d’un peu plus<br />

de 50 % dans les trois villes. Le coût moyen du<br />

logement par rapport au revenu a diminué, entre<br />

la première et la deuxième année, de 34 à 25 %<br />

à Winnipeg, et de 41 à 37 % à Edmonton, mais<br />

il est demeuré stable à 42 % à Calgary, en raison<br />

de la hausse marquée du loyer moyen des<br />

ménages. Le pourcentage des ménages aux prises<br />

avec des difficultés relatives au coût du loyer<br />

(c’est-à-dire dire dont le loyer coûte 30 % ou<br />

plus de leur revenu) varie considérablement<br />

d’une ville à l’autre. Durant la première année,<br />

plus de 80 % de tous les ménages de Calgary et<br />

d’Edmonton devaient consacrer 30 % ou plus<br />

de leur revenu brut, avant taxes, à leur logement.<br />

À Winnipeg, ce pourcentage était de 51 %. La<br />

deuxième année, la situation s’était beaucoup<br />

améliorée à Calgary et à Winnipeg, où le<br />

pourcentage de ménages éprouvant de telles<br />

difficultés a chuté pour atteindre 42 % et 22 %<br />

respectivement. À Calgary toutefois, la situation<br />

ne s’est guère améliorée, avec 76 % des ménages<br />

devant consacrer une part considérable de leur<br />

revenu à leur loyer.<br />

Bien que la capacité de payer un loyer dépende<br />

du revenu, la situation du marché locatif joue<br />

également un rôle majeur. Un appartement de<br />

deux chambres à Calgary coûte 350 $ de plus par<br />

mois que l’équivalent à Winnipeg et, de ce fait,<br />

l’augmentation du revenu, bien qu’elle soit plus<br />

élevée à Calgary, ne résout pas le problème du<br />

coût du loyer comme c’est le cas à Winnipeg. Le<br />

marché locatif d’Edmonton est légèrement plus<br />

abordable que celui de Calgary, mais les loyers<br />

demeurent bien plus élevés qu’à Winnipeg et, par<br />

conséquent, une grande proportion de ménages<br />

(42 %) doivent encore consacrer 30 % ou plus<br />

de leur revenu au logement.<br />

Les types de logements sur le marché locatif,<br />

conçus pour les familles typiques canadiennes,<br />

ne conviennent pas toujours aux familles de<br />

réfugiés, souvent nombreuses. Par conséquent,<br />

ces dernières ont souvent de la difficulté à<br />

trouver ou à payer des appartements ayant<br />

un nombre suffisant de chambres pour loger<br />

convenablement tous les membres de leur<br />

famille. Parmi les rares logements en location<br />

ayant trois chambres ou plus, pratiquement<br />

aucun n’est inoccupé. Et quand un tel logement<br />

devient disponible, le loyer est trop cher pour la<br />

plupart des ménages de réfugiés. De ce fait, ils<br />

vivent dans des logements qui ne satisfont pas<br />

aux Normes nationales d’occupation (NNO) 2 .<br />

Ces logements sont surpeuplés en raison du<br />

rapport entre la taille du ménage, le nombre de<br />

chambres, l’âge des membres, leur sexe et leur<br />

situation matrimoniale. Cette situation touche<br />

36 % des ménages de Winnipeg et d’Edmonton<br />

et 25 % de ceux de Calgary. Dans les trois villes,<br />

on a noté une très légère amélioration sur ce<br />

plan entre la première et la deuxième année.<br />

Situation à Winnipeg<br />

La base de données de Winnipeg a permis<br />

d’approfondir l’analyse de la situation du<br />

2 Selon la Norme nationale d’occupation du <strong>Canada</strong>, il ne<br />

devrait pas y avoir plus de deux personnes par chambre.<br />

Les époux et les couples partagent une chambre, les parents<br />

ne partagent pas de chambre avec les enfants, les personnes<br />

à charge âgées de 18 ans ou plus ne partagent pas leur<br />

chambre et les enfants à charge âgés de cinq ans ou plus,<br />

de sexe opposé, ne partagent pas leur chambre.<br />

Nos diverses cités 121


Un logement adéquat, abordable et offrant la sécurité d’un contrat de bail ne peut pas<br />

régler tous les problèmes auxquels font face les réfugiés, mais il peut leur fournir une base<br />

solide à partir de laquelle ils seront à même de relever plus facilement d’autres défis.<br />

logement et du voisinage telle que vécue par les<br />

ménages de réfugiés. À Winnipeg, ces derniers<br />

faisaient preuve d’une très grande mobilité tandis<br />

qu’ils recherchaient de meilleures conditions de<br />

vie. Au cours de la première année, 93 % ont<br />

déménagé plus d’une fois et 25 %, plus de trois<br />

fois. La durée moyenne d’occupation n’était que<br />

de 12 semaines, ce qui ne peut pas favoriser<br />

l’intégration. Près de 80 % des ménages habitaient<br />

le centre urbain de leur ville. Un quart ne se<br />

sentaient pas en sécurité dans leur quartier et<br />

un pourcentage équivalent ont déclaré que<br />

leur logement était insalubre et leur occa -<br />

sionnait des problèmes de santé. Près de 70 %<br />

souhaitent déménager; la plupart d’entre eux<br />

auraient préféré habiter à l’extérieur du centre<br />

urbain, dans des quartiers à l’abri des problèmes<br />

associés au déclin urbain, tels que la criminalité et<br />

l’insécurité (Tableau 2).<br />

TABLEAU 2<br />

Indicateurs d’établissement et d’intégration<br />

1re année 2e année<br />

Sécurité du quartier<br />

Habite le centre urbain<br />

de la ville 78 % 64 %<br />

Ne se sent pas en sécurité 26 % 17 %<br />

Souhaite déménager<br />

Dimension, état et<br />

salubrité du logement<br />

67 % 57 %<br />

Dimensions correctes 60 % 69 %<br />

En bon état 75 % 58 %<br />

Réparations nécessaires 26 % 42 %<br />

Danger pour les enfants 22 % 16 %<br />

Insalubrité 24 % 13 %<br />

Source : Étude de cas de la ville de Winnipeg.<br />

122 Nos diverses cités<br />

Bien que seulement un quart des ménages<br />

estimaient que les propriétaires et les concierges<br />

étaient peu coopératifs, 19 % ne connaissaient pas<br />

leurs droits et leurs devoirs à titre de locataires<br />

et 40 % n’avaient aucune idée des droits et des<br />

devoirs de leurs propriétaires. Certains estimaient<br />

être victimes de discrimination sur le marché<br />

locatif, ce qui rendait leurs recherches de<br />

logement plus difficiles encore. Sur le plan du<br />

logement, les ménages de réfugiés à Winnipeg ne<br />

pouvaient pas être considérés comme étant un<br />

groupe établi au moment de la première entrevue.<br />

Les entrevues menées la deuxième année<br />

font état d’améliorations avec, notamment, une<br />

satisfaction croissante à l’égard des dimensions<br />

du logement, de la répartition des pièces et de la<br />

sécurité du bâtiment et de l’unité. Les ménages<br />

étaient également plus satisfaits des propriétaires<br />

et des concierges et connaissaient mieux les<br />

responsabilités à la fois du propriétaire et du<br />

locataire. On évoquait moins la question de la<br />

discrimination et un nombre croissant de ménages<br />

se disaient mieux équipés pour y faire face. Une<br />

moindre proportion d’entre eux se sentaient<br />

menacés dans leur quartier, mais près de 60 %<br />

souhaitaient toujours déménager.<br />

En revanche, contrairement à ces tendances<br />

posi tives, on a constaté une insatisfaction<br />

croissante parmi les ménages en ce qui concerne<br />

l’état de leur logement et le délai d’attente pour<br />

obtenir des réparations. À la première entrevue,<br />

25 % déclaraient que leur logement était en<br />

mauvais état. Une année plus tard, ce pourcentage<br />

était passé à 42 %. Les préoccupations concernant<br />

les délais de réparation ont augmenté, passant de<br />

26 % des ménages à 42 %. Or, il se pourrait que<br />

ces chiffres reflètent une meilleure compréhension<br />

des normes auxquelles ils sont en droit de<br />

s’attendre, ou encore le fait qu’ils hésitent moins<br />

à exprimer leurs préoccupations, plutôt qu’une<br />

dégradation réelle de l’état du logement ou de<br />

négligences dans les réparations.<br />

Les caractéristiques de l’emploi, le taux de pau -<br />

vreté et les dépenses des ménages de Winnipeg<br />

mettent en évidence d’autres améliorations, mais<br />

également la situation difficile dans laquelle se<br />

trouvent encore de nombreux ménages après<br />

deux ans. Le pourcentage des ménages dont un<br />

membre est employé à plein temps a augmenté,<br />

passant de 42 % à 66 % entre la première et<br />

la deuxième année. Mais le revenu annuel<br />

moyen, bien qu’il ait augmenté considérablement,<br />

correspond à la moitié seulement du revenu<br />

moyen des ménages de Winnipeg (63 025 $). De<br />

plus, si le taux de pauvreté a diminué, il atteignait<br />

néanmoins trois fois celui de Winnipeg (20 %).<br />

Les dépenses en logement et en alimentation, les


emboursements de dettes et les virements de<br />

fonds ont augmenté, de même que le solde restant<br />

après le paiement de ces frais. Les ménages<br />

disposaient en moyenne de 980 $ par mois<br />

pour couvrir l’ensemble des dépenses : transport,<br />

études, vêtements, épargne, produits de consom -<br />

mation courante, articles personnels, mobilier,<br />

assurances, loisirs, téléphone, câblodiffusion,<br />

Internet et autres (Tableau 3). Il n’est guère<br />

étonnant qu’à la deuxième année, plus de la<br />

moitié des ménages avaient encore de la difficulté<br />

à régler leurs dépenses mensuelles courantes<br />

et à mettre un peu d’argent de côté, notamment<br />

quand les familles étaient presque deux fois<br />

plus nombreuses que la moyenne de Winnipeg<br />

(3,9 personnes contre 2,4).<br />

TABLEAU 3<br />

Caractéristiques de l’emploi, du revenu<br />

et des dépenses des ménages<br />

1re année 2e année<br />

Employé 42 % 66 %<br />

Revenu brut annuel 22 374 $ 29 357 $<br />

Taux de faible revenu 92 % 73 %<br />

Loyer mensuel moyen<br />

Coût mensuel moyen<br />

566 $ 626 $<br />

de l’alimentation<br />

Remboursement mensuel<br />

456 $ 618 $<br />

moyen des dettes 179 $ 197 $<br />

Virements de fonds moyens 168 $ 311 $<br />

Solde du revenu<br />

Difficultés à régler<br />

690 $ 979 $<br />

les dépenses<br />

Impossibilité d’économiser<br />

60 % 54 %<br />

sur une base régulière 66 % 53 %<br />

Source : Étude de cas de la ville de Winnipeg.<br />

Il est à noter que ceux qui ont eu accès au<br />

logement social de Winnipeg ont bénéficié<br />

d’avan tages particuliers en matière de logement.<br />

La première année, un tiers des participants habi -<br />

taient les logements sociaux, mais au cours de la<br />

deuxième année, le pourcentage avait augmenté à<br />

46 %. Dans l’ensemble, les ménages qui habitaient<br />

un logement social étaient plus satisfaits de<br />

leurs conditions de logement que ceux qui<br />

habitaient un logement du secteur privé : le<br />

logement était mieux adapté à leurs besoins et ils<br />

étaient davantage satisfaits de la gestion et de la<br />

sécurité du bâtiment, ainsi que des dimensions, de<br />

l’agencement et de l’état de l’unité. Toutefois,<br />

ils étaient moins heureux de leur quartier et<br />

expri maient des préoccupations au sujet de<br />

l’insécurité du voisinage, sans doute liées<br />

au fait que la plupart des logements sociaux à<br />

Winnipeg ont été construits dans le centre urbain.<br />

Le plus grand avantage des logements sociaux<br />

était leur coût. Les loyers des logements sociaux<br />

étant fixés à 27 % du revenu brut du locataire 3 ,<br />

peu de ménages consacraient plus de 20 % de<br />

leur revenu au loyer, même en tenant compte des<br />

charges supplémentaires qu’ils devaient payer.<br />

En moyenne, les locataires de logements sociaux<br />

payaient 150 $ de moins par mois que les<br />

locataires du secteur privé. En comparaison avec<br />

le logement du secteur privé, le logement social<br />

semble offrir des avantages qui facilitent le<br />

processus d’établissement, comme le montre le<br />

Tableau 4.<br />

TABLEAU 4<br />

Logement social comparé au logement privé<br />

1 re année 2 e année<br />

Privé Social Privé Social<br />

Échantillonnage 68 % 32 % 54 % 46 %<br />

Conforme aux NNO 39 % 65 % 58 % 64 %<br />

Logement satisfaisant 56 % 94 % 73 % 82 %<br />

Sécurité des lieux 74 % 77 % 86 % 68 %<br />

Sécurité du quartier 75 % 71 % 81 % 71 %<br />

Loyer moyen 563 $ 421 $ 610 $ 421 $<br />

Source : Étude de cas de la ville de Winnipeg.<br />

Les réfugiés de l’étude de Winnipeg ont signalé<br />

être aux prises avec des difficultés liées au fait<br />

qu’ils n’étaient pas familiers avec le marché<br />

locatif, les caractéristiques du quartier, et les droits<br />

et les devoirs du locataire. Ils ne connaissaient<br />

pas d’endroit où ils pourraient obtenir les rensei -<br />

gnements fiables et complets dont ils avaient<br />

besoin. Durant la première année d’établissement,<br />

ils ont reçu un soutien considérable de la part de<br />

leurs répondants et des services aux immigrants.<br />

À la deuxième année, les réfugiés avaient<br />

davantage de ressources quand venait le temps de<br />

trouver un logement : leur réseau social était plus<br />

vaste, ils se renseignaient auprès d’agences<br />

immobilières et de sociétés de gestion immo -<br />

bilière, consultaient les sites Web et les journaux<br />

et se sentaient à l’aise pour explorer les différentes<br />

quartiers à pied ou en voiture. Ils connaissaient<br />

mieux la ville et le marché locatif, mais estimaient<br />

qu’ils n’avaient toujours pas suffisamment<br />

d’information pour prendre les meilleures<br />

décisions possibles.<br />

3<br />

Le rapport entre le loyer et le revenu a été établi par Services<br />

à la famille et Logement Manitoba.<br />

Nos diverses cités 123


124 Nos diverses cités<br />

Répercussions sur le plan de la politique<br />

Les difficultés que vivent les réfugiés pour trouver<br />

un logement adéquat et abordable laissent penser<br />

qu’un certain nombre de changements sur le<br />

plan des politiques et des programmes pourrait<br />

faciliter le processus d’établissement et d’inté -<br />

gration. Nous abordons ci-dessous quelques<br />

exemples de ces initiatives.<br />

Il est nécessaire de créer une organisation qui<br />

aurait pour mandat de fournir toute l’infor -<br />

mation sur le logement et les quartiers aux<br />

nouveaux arrivants. Les réfugiés ont de la<br />

difficulté à trouver des logements abordables.<br />

Ce problème est d’autant plus sérieux qu’ils<br />

savent ni comment ni où se procurer des<br />

rensei gnements sur le logement. Ils n’ont pas<br />

d’information à jour, fiable et complète sur le<br />

marché locatif et les caractéristiques de chaque<br />

quartier offrant des logements. Cette lacune peut<br />

être à l’origine de mauvaises décisions quant au<br />

choix du logement et du quartier. Le manque<br />

d’information sur leurs droits et leurs devoirs<br />

rend également les nouveaux arrivants vulné -<br />

rables à l’exploitation ou à l’erreur, du fait qu’ils<br />

peuvent mal interpréter les contrats de bail. Le<br />

problème est exacerbé par le fait qu’il n’existe<br />

aucun organisme pouvant fournir l’information<br />

nécessaire. Plusieurs des personnes interviewées<br />

ont exprimé leur frustration d’avoir à traiter<br />

avec un si grand nombre d’agences pour tenter<br />

d’obtenir l’information dont ils ont besoin.<br />

Bien que l’on constate souvent des relations<br />

relativement positives entre les réfugiés et le<br />

personnel de gestion des propriétés, il apparaît<br />

nécessaire de préparer de l’information et de<br />

la documentation sur le logement, afin que les<br />

propriétaires et les concierges se familiarisent<br />

avec les différences culturelles des nouveaux<br />

arrivants; cela éviterait des malentendus suscep -<br />

tibles de causer des problèmes de bail, voire<br />

des expulsions.<br />

La construction de logements de transition<br />

faciliterait l’établissement et l’intégration. Les<br />

réfugiés considéraient que le fait de pouvoir être<br />

hébergé dès leur arrivée serait bénéfique et leur<br />

serait d’un grand soutien. Un lieu sécuritaire où<br />

vivre était perçu comme la clé de la réussite pour<br />

s’établir dans un nouveau pays. Il assurerait la<br />

stabilité nécessaire pour se reprendre en main.<br />

La priorité absolue en matière de politique est<br />

l’augmentation du parc de logements locatifs<br />

abordables. Les conclusions de l’étude sur l’accès<br />

au logement dans les trois villes, et l’information<br />

supplémentaire sur les locataires du logement<br />

social à Winnipeg, mettent en évidence les avan -<br />

tages de l’accès au logement subventionné. Un<br />

logement adéquat, abordable et offrant la sécurité<br />

d’un contrat de bail ne peut pas régler tous les<br />

problèmes auxquels font face les réfugiés, mais<br />

il peut leur fournir une base solide à partir de<br />

laquelle ils seront à même de relever plus<br />

facilement d’autres défis. Les loyers élevés, on le<br />

constate, épuisent les ressources des ménages,<br />

rongent leurs budgets pour les besoins essentiels<br />

tels que la scolarité, les soins de santé, les<br />

vêtements et l’alimentation. De mauvaises condi -<br />

tions de logement peuvent également menacer la<br />

stabilité de la vie familiale et contribuer à des<br />

sentiments négatifs envers leur milieu.<br />

L’étude illustre l’importance d’un bon logement<br />

dans le processus d’intégration et donne une<br />

bonne idée des situations difficiles que vivent de<br />

nombreux ménages. Elle montre également à quel<br />

point l’état du marché locatif peut se répercuter<br />

sur la capacité des réfugiés à se loger selon<br />

leurs moyens. Toutefois, le logement est un seul<br />

élément parmi une série de facteurs complexes<br />

qui contribuent à une bonne intégration, soit<br />

les compétences linguistiques, la réussite de la<br />

population active, l’absence de discrimination,<br />

l’accès aux renseignements et au soutien adéquats<br />

et le type de quartier. Si l’accès à un logement<br />

convenable et abordable n’est qu’une seule étape<br />

vers un établissement et une intégration réussie,<br />

il procure aux réfugiés la stabilité dont ils ont<br />

besoin pour relever tous les autres défis qui<br />

accom pagnent ce processus de longue haleine.<br />

À propos des auteurs<br />

TOM CARTER est titulaire de la Chaire de recherche <strong>Canada</strong><br />

sur l’Évolution et le changement urbains et professeur de<br />

géographie à l’Université de Winnipeg. Sa recherche et ses<br />

intérêts en matière de politique portent sur le logement,<br />

l’évolution des quartiers, la revitalisation des centres urbains,<br />

la politique sociale et l’intégration des nouveaux arrivants.<br />

RICK ENNS est professeur adjoint à la Faculté de travail<br />

social de la University of Calgary, région du Centre et du<br />

Nord. Ses intérêts en recherche et en enseignement<br />

portent sur l’immigration et le logement, l’immigration<br />

et la pratique du travail social et la santé mentale.<br />

Références<br />

<strong>Canada</strong>. Statistique <strong>Canada</strong>. 2008. Profils des<br />

communautés de 2006 : région métropolitaine de<br />

recensement, Ottawa, Statistique <strong>Canada</strong>.<br />

———. Société canadienne d’hypothèques et de logement.<br />

2007. Rapports sur le marché locatif, Ottawa, Société<br />

canadienne d’hypothèques et de logement.


Parcours scolaires favorisant<br />

l’intégration sociale des élèves<br />

réfugiés africains au Manitoba *<br />

YATTA KANU<br />

University of Manitoba<br />

Pour un État-nation multiculturel comme le<br />

<strong>Canada</strong>, un des enjeux du phénomène migratoire<br />

international tient à la problématique de<br />

l’enseignement, notamment la recherche de<br />

solutions qui reflètent les déclarations et les<br />

idéologies démocratiques nationales. En tant<br />

que politique publique, le multiculturalisme revêt<br />

deux dimensions : la reconnaissance de la diver -<br />

sité culturelle et l’égalité sociale des membres des<br />

minorités (Castles, 2004). La reconnaissance de<br />

la diversité culturelle signifie que la population<br />

majoritaire ainsi que les diverses minorités<br />

acceptent que la société soit composée de groupes<br />

ayant des langues, des religions ainsi que des<br />

valeurs et des pratiques culturelles différentes, et<br />

que la mise en place d’un climat d’acceptation et<br />

de respect réciproques est le préalable à une<br />

société cohésive et pacifique. Les structures et les<br />

pratiques institutionnelles sont nécessairement<br />

adaptées à ce point de vue, de manière à éliminer<br />

les préjugés culturels. La dimension d’égalité<br />

sociale requiert une intervention de l’État pour<br />

garantir que les membres des minorités ethniques<br />

jouissent des mêmes chances dans toutes les<br />

sphères de la société – et sur le marché du travail<br />

en particulier, puisque l’accès aux possibilités<br />

économiques joue un rôle déterminant dans les<br />

résultats sociaux obtenus.<br />

*<br />

Les établissements scolaires peuvent offrir l’égalité des chances et des occasions<br />

d’avancement en intégrant la diversité au programme d’études, aux méthodes pédagogiques<br />

et à l’organisation de la vie scolaire, ainsi qu’en prenant des mesures particulières pour éviter<br />

que les différences socioculturelles et les écarts dans les acquis scolaires attribuables à la<br />

migration et à d’autres facteurs sociaux ne mènent à défavoriser ou à isoler certains jeunes.<br />

L’étude a bénéficié de l’appui financier du Centre <strong>Metropolis</strong><br />

des Prairies (2006-2007).<br />

De toute évidence, l’enseignement joue un<br />

rôle central dans les deux dimensions du multi -<br />

culturalisme. Les établissements scolaires peuvent<br />

offrir l’égalité des chances et des occasions<br />

d’avancement en intégrant la diversité au<br />

programme d’études, aux méthodes péda gogiques<br />

et à l’organisation de la vie scolaire, ainsi qu’en<br />

prenant des mesures particulières pour éviter que<br />

les différences socioculturelles et les écarts dans<br />

les acquis scolaires attribuables à la migration et à<br />

d’autres facteurs sociaux ne mènent à défavoriser<br />

ou à isoler certains jeunes. Là où les occasions et<br />

les chances sont inexistantes, les élèves membres<br />

d’une minorité ont tendance à se retrouver pris<br />

dans un engrenage débouchant sur l’assimilation<br />

dans une sous-classe d’un quartier défavorisé<br />

(Portes et Zhou, 1993) et à établir un faible lien<br />

d’attachement avec l’État-nation (Bank, 2008).<br />

Ainsi, à mesure qu’ils voient les clientèles scolaires<br />

se diversifier sur les plans culturel, racial, ethnique<br />

et linguistique, les États-nations démocratiques<br />

multiculturels ont besoin d’outils solides et fiables<br />

pour les aider à surmonter les obstacles que pose<br />

la migration internationale dans l’enseignement.<br />

Sont présentés ici les résultats d’une recherche<br />

menée en 2006-2007, qui visait justement à<br />

recommander un tel outil pour un groupe<br />

d’immigrants arrivés depuis peu au <strong>Canada</strong> :<br />

des élèves réfugiés africains. Ce groupe affichait<br />

déjà un taux élevé de décrochage scolaire. L’article<br />

définit quels sont les besoins éducatifs et les<br />

Nos diverses cités 125


Plus de la moitié des élèves participants ont dit qu’ils occupaient un emploi à plein temps<br />

(travaillant de 16 h à minuit) pour subvenir à leurs besoins et à ceux des parents laissés<br />

derrière, ainsi que pour rembourser au gouvernement canadien le coût du transport<br />

aérien et du programme de réinstallation. Il est presque impossible de conjuguer<br />

huit heures de travail chaque jour avec les travaux scolaires.<br />

126 Nos diverses cités<br />

obstacles propres à ce groupe d’élèves, en souli -<br />

gnant ce que les décideurs, les établissements<br />

scolaires, les enseignants, les administrateurs<br />

scolaires et autres fournisseurs de services peuvent<br />

faire pour faciliter l’acculturation, l’intégration<br />

sociale et la réussite scolaire des élèves réfugiés<br />

africains dans la province canadienne du Mani -<br />

toba. À l’échelle mondiale, les résultats de cette<br />

étude trouvent application dans d’autres pays qui<br />

accueillent des groupes similaires d’élèves réfugiés.<br />

Problématique de recherche<br />

Ces sept dernières années, sept des dix prin cipaux<br />

pays sources de réfugiés pour le Manitoba étaient<br />

des pays du continent africain, ces nouveaux<br />

arrivants comptant pour plus de la moitié de<br />

la population de réfugiés au Manitoba (Mackay<br />

et Tavares, 2005). La composition actuelle de<br />

la population de réfugiés dans les écoles reflète<br />

les principaux pays sources – l’Éthiopie,<br />

l’Afghanistan, le Soudan, la Sierra Leone et la<br />

Somalie – qui contribuent actuellement à l’afflux<br />

de réfugiés au Manitoba. Représentant la plus<br />

forte proportion d’élèves réfugiés dans les écoles<br />

du Manitoba, les élèves africains méritent de<br />

faire l’objet d’une recherche pour deux raisons<br />

principales : d’abord, leurs besoins en ensei -<br />

gnement sont particuliers, en tant qu’adolescents<br />

et jeunes dont les études ont été perturbées par un<br />

contexte de guerre, sans programmes de soutien<br />

efficaces et suffisants pour eux; ensuite, leur<br />

difficulté à s’intégrer dans la culture du pays hôte<br />

est propre à leur situation, en raison de leur<br />

phénotype, de leur ethnicité et de leurs croyances<br />

islamiques, tous des éléments qui, selon les<br />

études réalisées antérieurement, alimentent la<br />

discri mination et le racisme à leur égard (McBrien,<br />

2005; Mackay et Tavares, 2005). Ces conditions<br />

pourraient avoir nui à l’adaptation psychosociale<br />

et au bien-être des élèves réfugiés africains; c’est<br />

d’ailleurs un thème récurrent dans la docu -<br />

mentation publiée sur les besoins des réfugiés (par<br />

exemple, Bankston et Zhou, 2002; Mosselson,<br />

2002). De tels obstacles peuvent compromettre la<br />

capacité d’apprentissage des élèves réfugiés<br />

affectés par la guerre (Sinclair, 2001) et expliquent<br />

peut-être l’effarant taux de décrochage scolaire<br />

enregistré dans le groupe des élèves réfugiés<br />

africains dans l’Ouest canadien. Par exemple,<br />

Roessingh et Field (2000) ont fait état d’un taux de<br />

décrochage aussi bas que 60 % ou aussi élevé que<br />

95 % chez les élèves d’anglais langue seconde<br />

(ALS) de niveau débutant en Alberta (nombre<br />

d’entre eux sont des élèves réfugiés africains)<br />

pendant les années d’études secondaires. Dans le<br />

cadre de leur recherche au Manitoba, Mackay et<br />

Tavares (2005) ont également découvert que la<br />

plupart des élèves réfugiés quittent le système<br />

scolaire avant d’avoir atteint la douzième année<br />

de scolarité. Ce taux élevé de décrochage<br />

peut expliquer l’augmentation des activités de<br />

gangs de criminels, de la prostitution et de la<br />

toxicomanie chez nombre de jeunes Africains<br />

(ACOMI, 2006). Cette situation a pour résultat<br />

qu’ils sont représentés dans les médias comme la<br />

cause « d’un fléau en croissance dans le centreville<br />

» (Winnipeg Free Press, 2005).<br />

La présente recherche s’articule autour de trois<br />

questions : 1) De quoi les élèves réfugiés africains<br />

ont-ils besoin pour réussir dans les écoles<br />

canadiennes ? 2) Quels sont les obstacles à leur<br />

réussite ? 3) Quels genres d’interventions leur per -<br />

met traient de surmonter ces obstacles ? Les besoins<br />

en matière d’éducation englobent les besoins<br />

scolaires, sociaux, psychologiques, linguistiques et<br />

économiques. Il s’agit d’une étude exploratoire<br />

ayant pour objet de définir les conditions inter -<br />

dépendantes qui renforcent ou compro mettent la<br />

capacité des élèves réfugiés africains à participer<br />

pleinement à la vie canadienne.<br />

Méthodologie<br />

L’étude portait sur un groupe de réfugiés africains<br />

affectés par la guerre et fréquentant deux écoles<br />

secondaires de Winnipeg. Ils étaient originaires<br />

notamment de l’Éthiopie, du Soudan, de la Sierra<br />

Leone et de la Somalie. Ces sujets ont été choisis<br />

non seulement parce qu’une forte proportion des<br />

élèves arrivés récemment au Manitoba étaient des<br />

réfugiés des pays sources énumérés ci-dessus,


mais aussi en raison des difficultés qu’ils repré -<br />

sentent pour les enseignants, les établis sements<br />

scolaires et la communauté du Manitoba. Les<br />

écoles secondaires de Winnipeg ont été choisies<br />

pour trois raisons : la majorité des élèves réfugiés<br />

habitent les centres urbains, ils sont de plus en<br />

plus visibles surtout dans la région de Winnipeg<br />

et la difficulté de répondre à leurs besoins est<br />

particulièrement aiguë pendant les études<br />

secondaires (Mackay et Tavares, 2005).<br />

Au nombre des participants à l’étude figuraient<br />

40 élèves africains de deux écoles secondaires<br />

ayant la plus forte concentration d’élèves<br />

originaires de l’Éthiopie, du Soudan, de la Sierra<br />

Leone et de la Somalie (de 15 % à 20 % de<br />

l’effectif scolaire), le directeur et quatre ensei -<br />

gnants de chaque école, quatre parents et un<br />

dirigeant communautaire pour chacune des<br />

quatre communautés africaines susmentionnées.<br />

La collecte des données a été effectuée au moyen<br />

de groupes de discussion réunissant les élèves<br />

africains, par l’observation des interactions<br />

que ces élèves avaient avec leurs pairs et les<br />

enseignants dans l’école et en classe, et par le suivi<br />

de leur participation aux activités sportives et<br />

récréatives de l’école. Des entrevues individuelles<br />

ont également été réalisées avec 20 élèves ainsi<br />

qu’avec les directeurs, les enseignants, les parents<br />

et les dirigeants communautaires participants.<br />

Les données recueillies ont été interprétées<br />

plusieurs fois, regroupées sous forme d’unités<br />

d’analyse pertinentes et codées. Les chercheurs<br />

ont utilisé à la fois des codes a priori (élaborés au<br />

préalable d’après les questions de recherche et les<br />

cadres théoriques de l’étude – soit des théories<br />

d’acculturation axées sur le bien-être psycho social,<br />

l’adaptation et l’intégration des immigrants) et des<br />

codes inductifs produits à partir de l’examen des<br />

données. Des catégories et des thèmes ont ensuite<br />

été déterminés et analysés à l’aide de logiciels<br />

d’analyse tels que NUD*IST et Ethnograph.<br />

Résultats<br />

Élèves<br />

Pour les élèves réfugiés africains, le réétablis -<br />

sement au <strong>Canada</strong> comporte des avantages et des<br />

inconvénients. D’un côté, la chance de vivre en<br />

paix au <strong>Canada</strong> et d’aller à l’école est jugée « d’une<br />

valeur inestimable », l’équivalent de « gagner à<br />

la loterie », et certains enseignants offrent géné -<br />

ralement de l’aide en classe. De l’autre côté, de<br />

multiples facteurs, souvent fort complexes, créent<br />

des difficultés d’ordre scolaire, économique et<br />

psychologique, et constituent des obstacles à<br />

l’intégration et à la réussite scolaire. Au nombre<br />

de ces facteurs figurent la pauvreté, la séparation<br />

de la famille, l’isolement, la discordance culturelle<br />

et le stress lié à l’acculturation, le racisme perçu,<br />

l’accès limité au counselling psychologique, la<br />

difficulté d’obtenir les compétences scolaires<br />

requises, la maîtrise limitée de l’anglais, les<br />

lacunes attribuables à la perturbation des études,<br />

les sentiments de peur et de méfiance à l’égard des<br />

figures d’autorité (notamment des ensei gnants), la<br />

peur de parler devant la classe et en public pour<br />

les élèves qui n’ont pas « l’accent canadien », et la<br />

crainte d’être la cible des gangs dans les quartiers<br />

pauvres du centre-ville. D’après les observations<br />

effectuées dans l’école et en classe, les élèves<br />

réfugiés africains échangent très peu avec leurs<br />

pairs non africains, et ils ne participent pas aux<br />

sports scolaires, à l’exception de quelques élèves<br />

qui jouent au soccer. Plusieurs jeunes de la Sierra<br />

Leone et du Soudan ont relaté des expériences<br />

horribles qu’ils ont vécues avant leur émigration.<br />

Quelques-uns, par exemple, ont vu des enfants se<br />

faire couper les mains ou ont été témoins de<br />

l’assassinat de membres de leur famille dans les<br />

camps de réfugiés. Le souvenir de ces trauma -<br />

tismes et d’autres expériences éprouvantes les<br />

habite toujours, et comme ils n’ont reçu aucun<br />

traitement médical ou psychologique, ces expé -<br />

riences interfèrent avec leur apprentissage. Au<br />

sujet des expériences postérieures à leur arrivée au<br />

<strong>Canada</strong>, nombre des élèves disent se débrouiller<br />

par eux-mêmes, parce qu’ils ont perdu leurs<br />

parents et sont arrivés au pays en tant que<br />

« mineurs non accompagnés ». D’autres vivent<br />

avec un parent célibataire ou dans une famille<br />

reconstituée composée principalement des amis<br />

qu’ils se sont faits dans les camps de réfugiés. Plus<br />

de la moitié des élèves participants ont dit qu’ils<br />

occupaient un emploi à plein temps (travaillant de<br />

16 h à minuit) pour subvenir à leurs besoins et à<br />

ceux des parents laissés derrière, ainsi que pour<br />

rembourser au gouvernement canadien le coût du<br />

transport aérien et du programme de réinstal -<br />

lation. Il est presque impossible de conjuguer huit<br />

heures de travail chaque jour avec les travaux<br />

scolaires; ces conditions, en plus du classement<br />

en fonction de l’âge plutôt qu’en fonction des<br />

compétences scolaires, contribuent à leur mauvais<br />

rendement scolaire et à leur frustration. En<br />

dépit de ces épreuves, et contrairement aux<br />

conclusions d’études antérieures, aucun de ces<br />

élèves n’envisage d’abandonner les études avant<br />

d’avoir terminé le secondaire. Bon nombre<br />

Nos diverses cités 127


128 Nos diverses cités<br />

aspirent à devenir des travailleurs professionnels<br />

capables d’apporter une contribution à leur<br />

nouveau pays.<br />

Les interventions proposées par les élèves<br />

visent, pour la plupart, à améliorer le contexte<br />

scolaire et à aider les jeunes originaires de pays<br />

affectés par la guerre. Parmi leurs suggestions,<br />

notons l’adaptation par les enseignants du<br />

rythme et du contenu du programme d’études;<br />

la mise sur pied d’activités sportives et récré -<br />

atives adaptées à la réalité culturelle; l’accès à<br />

des services de counselling psychologique; la<br />

patience de la part de certains enseignants;<br />

un soutien scolaire, surtout en mathématiques et<br />

en science; des programmes de cours d’anglais<br />

prolongés; moins de racisme de la part de<br />

certains enseignants, administrateurs scolaires et<br />

pairs nés au <strong>Canada</strong>; une école plus accueillante<br />

(par exemple, en ajoutant des mets ethniques au<br />

menu de la cafétéria de l’école ou en réservant<br />

une salle pour les prières musulmanes). Les<br />

élèves en appellent également au gouvernement<br />

fédéral pour qu’il diminue le stress économique<br />

et psychologique imposé aux familles de réfugiés<br />

en renonçant au remboursement du prêt d’aide<br />

au réétablissement et en reconnaissant les<br />

qualifications et études antérieures de leurs<br />

parents (« afin que mon père puisse obtenir un<br />

emploi mieux rémunéré au <strong>Canada</strong> »).<br />

Directeurs<br />

Les directeurs estiment que les décideurs doivent<br />

être renseignés au sujet des difficultés particulières<br />

relatives à l’éducation des élèves réfugiés, en vue<br />

de faire financer des programmes qui appuient<br />

l’adaptation de ces derniers – par exemple, des<br />

cours de perfection nement professionnel pour les<br />

enseignants et les administrateurs scolaires; des<br />

cours d’anglais prolongés pour les élèves réfugiés;<br />

des programmes de counselling psychologique<br />

« qui seraient offerts dans l’école même et non<br />

quelque part dans une quelconque communauté<br />

éloignée »; des programmes de rattrapage<br />

extrascolaires qui aideraient à combler les lacunes<br />

des élèves étrangers et les tiendraient éloignés<br />

des gangs; des pro grammes de cours d’anglais<br />

pour les parents réfugiés (afin de faciliter la<br />

communication avec l’école); l’embauche d’un<br />

plus grand nombre d’assistants en éducation pour<br />

pouvoir offrir un enseignement individualisé<br />

en classe aux élèves réfugiés africains; l’embauche<br />

d’un membre du personnel pour assurer la liaison<br />

entre l’école et les communautés et pour appuyer<br />

les élèves réfugiés.<br />

Enseignants<br />

Les enseignants qui ont participé à l’étude ont<br />

exprimé beaucoup d’intérêt et d’espoir à<br />

l’égard de la réussite scolaire de leurs élèves<br />

réfugiés africains, et quelques-uns d’entre eux<br />

ont dit investir beaucoup de temps et de<br />

ressources personnelles afin d’aider ces élèves<br />

à réussir sur les plans scolaire et social – par<br />

exemple, en assistant à des séances d’infor -<br />

mation au sujet des élèves réfugiés africains,<br />

en se rendant disponibles en dehors des heures<br />

de classe et en utilisant leur propre argent pour<br />

acheter des ressources pédagogiques adaptées à<br />

la culture. Beaucoup ont cependant commenté<br />

la com plexité des rôles et des responsabilités qu’ils<br />

assumaient désormais en tant que con seillers<br />

psycho logiques, travailleurs sociaux, mentors<br />

et employés de centre de réfugiés, pour enseigner<br />

à ces élèves comment vivre dans la société<br />

canadienne. Fait intéressant, il ressort de l’étude<br />

que même si la clientèle étudiante des écoles<br />

participantes montrait une certaine évolution, le<br />

programme d’études, les méthodes d’ensei -<br />

gnement et d’éva luation et les modèles d’inter -<br />

action de nombreux enseignants ne semblaient<br />

pas s’adapter à cette population changeante.<br />

Il semble que les objectifs péda go giques, la<br />

conception de la matière et les croyances à l’égard<br />

des élèves déter minent dans une grande mesure si<br />

les enseignants entre pre nnent ou non de revoir<br />

et de modifier le programme d’études et leurs<br />

méthodes pédagogiques.<br />

Parents<br />

Les parents qui ont participé à l’étude nourrissent<br />

de grandes aspirations pour leurs enfants dans<br />

leur nouveau pays. Cependant, les préoccupations<br />

à l’égard de la survie éco nomique (par exemple,<br />

certains occupent trois emplois), le rythme plus<br />

lent d’acculturation et d’adaptation compara -<br />

tivement à celui des enfants, l’impression d’avoir<br />

perdu leur autorité parentale dans la nouvelle<br />

culture, la maîtrise limitée de l’anglais ainsi que la<br />

solitude et la frustration des parents (« Nous ne<br />

savons pas où aller pour obtenir des conseils ou<br />

du soutien ») sont autant de facteurs qui rendent<br />

les parents inaptes à fournir le soutien dont<br />

leurs enfants ont besoin pour réussir à l’école.<br />

Les parents ont également cité le manque de<br />

reconnaissance de leurs acquis scolaires et<br />

professionnels comme principale source de stress<br />

psychosociale et économique, en conséquence<br />

de quoi ils doivent conserver des emplois peu<br />

qualifiés et mal rémunérés.


À en juger d’après les besoins en main-d’œuvre prévus au Manitoba, la province<br />

bénéficierait de la réussite scolaire des jeunes immigrants, y compris les élèves réfugiés<br />

africains, dont le nombre a augmenté continuellement ces sept dernières années.<br />

Dirigeants communautaires<br />

Les dirigeants communautaires ont énuméré<br />

quelques succès. Par exemple, quelques-uns de<br />

leurs jeunes sont rendus au niveau universitaire,<br />

des équipes de soccer et des cours d’été ont été<br />

créés pour aider les jeunes à rester dans le droit<br />

chemin. Ils ont également mentionné des échecs,<br />

dont un nombre croissant de jeunes qui se<br />

retrouvent en prison pour des affaires de drogues<br />

ou d’autres crimes. Chaque dirigeant a décrit les<br />

organisations ethniques communautaires qui ont<br />

été mises sur pied – grâce aux fonds d’organismes<br />

locaux comme la Winnipeg Foundation – pour<br />

aider les jeunes à s’intégrer et à réussir en milieu<br />

scolaire. Ils en appellent aux admi nistrations pro -<br />

vin ciales et municipales pour qu’elles augmentent<br />

leur soutien financier, car les installations<br />

récréatives existantes dans leurs communautés<br />

(par exemple, les patinoires) ne sont pas<br />

appropriées pour les Africains (« Nous ne jouons<br />

pas au hockey et n’avons personne pour<br />

l’enseigner à nos enfants »).<br />

Incidence sur les politiques<br />

Malgré les différences de nationalité et d’ethni -<br />

cité observées entre les participants à l’étude,<br />

leurs expériences communes en tant que réfugiés<br />

ont permis d’établir des parallèles intéressants eu<br />

égard à leurs besoins en éducation et aux enjeux<br />

de l’intégration et de la réussite scolaire. De toute<br />

évidence, le stress psychologique vécu avant et<br />

pendant l’émigration, stress qui demeure non<br />

traité à ce jour, ajouté aux difficultés éprouvées<br />

après l’arrivée dans le pays hôte, compromettent<br />

la capacité de ces élèves à s’adapter à leur<br />

nouvelle vie et à bien gérer leur travail scolaire.<br />

Quand cette situation est exacerbée par le<br />

racisme perçu chez les pairs et les enseignants, la<br />

confiance et l’estime de soi des élèves réfugiés se<br />

trouvent gravement atteintes. Un tel contexte<br />

favorise la naissance de sentiments de rejet,<br />

d’impuissance et de frustration. Elle favorise aussi<br />

le décrochage scolaire, même quand ce dernier<br />

recours n’est pas souhaité. Quant aux parents,<br />

leurs croyances personnelles au sujet de leur rôle<br />

et de leur autorité, sans compter leurs propres<br />

difficultés d’intégration et de survie, font en<br />

sorte qu’ils sont mal préparés à fournir à leurs<br />

enfants le soutien dont ils ont besoin pour réussir<br />

à l’école. Les ressources insuffisantes des écoles<br />

et l’isolement des divers fournisseurs de services<br />

– éducateurs, services d’hébergement et d’aide<br />

aux familles, travailleurs du domaine de la santé<br />

– peuvent grandement compromettre la capacité<br />

de ces organismes à offrir les services nécessaires<br />

pour appuyer les élèves réfugiés affectés par<br />

la guerre.<br />

Les données laissent entendre que des amélio -<br />

rations sont nécessaires tant dans le macrosystème<br />

(gouvernements fédéral et provinciaux) que dans<br />

le microsystème (école, famille). Le gouvernement<br />

fédéral doit adopter des politiques qui aideraient à<br />

atténuer quelques-unes des difficultés cernées dans<br />

le cadre de l’étude. Par exemple, une augmentation<br />

marquée du nombre d’agents d’immigration<br />

canadiens en poste dans les pays et régions de<br />

l’Afrique permettrait d’accélérer le processus de<br />

sélection des réfugiés et d’approbation pour le<br />

réétablis sement au <strong>Canada</strong>; les études des jeunes<br />

seraient ainsi moins perturbées, puisque le temps<br />

d’attente dans les camps de réfugiés s’en trouverait<br />

raccourci. L’amélioration des modes d’intégration<br />

des réfugiés – par exemple, en renonçant au<br />

remboursement des prêts d’aide au réétablis sement<br />

accordés par le gouver nement fédéral, en recon -<br />

naissant les titres de compétences étrangers pour<br />

certains métiers et professions et en offrant des<br />

occasions de recyclage dans d’autres domaines –<br />

aiderait à réduire le fardeau écono mique des<br />

familles de réfugiés, augmenterait les chances des<br />

parents réfugiés d’obtenir des emplois mieux<br />

rémunérés et diminuerait le stress psycho logique<br />

des familles.<br />

À en juger d’après les besoins en main-d’œuvre<br />

prévus au Manitoba (Travail et Immigration<br />

Manitoba, 2006), la province bénéficierait de la<br />

réussite scolaire des jeunes immigrants, y compris<br />

les élèves réfugiés africains, dont le nombre a<br />

augmenté continuellement ces sept dernières<br />

années. La province doit donc augmenter les<br />

ressources financières et autres afin d’améliorer le<br />

microsystème dans lequel ces élèves évoluent. Des<br />

programmes de counselling psychologique et de<br />

meilleurs logements dans des quartiers plus sûrs<br />

Nos diverses cités 129


130 Nos diverses cités<br />

augmenteraient le bien-être des élèves réfugiés et<br />

diminueraient leur niveau de stress. Une meilleure<br />

coordination des services de soutien aux réfugiés,<br />

qui s’appuierait sur un dialogue avec les réfugiés<br />

eux-mêmes, augmenterait l’efficacité des services<br />

offerts. De plus, un financement provincial<br />

accru renforcerait la capacité des établissements<br />

scolaires à offrir les programmes spécialisés<br />

nécessaires pour l’éducation des élèves réfugiés.<br />

Il ressort de l’étude que les écoles ont déjà<br />

entrepris plusieurs initiatives pour répondre<br />

aux besoins des élèves étrangers. Elles doivent<br />

cependant faire davantage pour honorer leur<br />

engagement à l’égard de la diversité et de<br />

l’inclusivité ainsi que pour éliminer quelques-uns<br />

des obstacles relevés par l’étude. Par exemple, de<br />

meilleures pratiques d’évaluation initiale et de<br />

classement contribueraient à apaiser la frustration<br />

des élèves réfugiés et stimuleraient leur motivation<br />

pour l’appren tissage. Une meilleure compré -<br />

hension de la situation des parents réfugiés (par<br />

exemple, que les parents se battent pour assurer<br />

leur survie économique et s’adapter à une nouvelle<br />

culture) atténuerait la frustration chez les<br />

enseignants et les administrateurs scolaires<br />

par rapport au manque d’implication des parents<br />

dans l’éducation de leurs enfants qu’ils croient<br />

percevoir. Cette compréhension favo riserait<br />

également la formation de meilleures relations<br />

avec la communauté. La déségrégation des élèves<br />

d’ALS par rapport à leurs pairs nés au <strong>Canada</strong><br />

favoriserait l’interaction entre les deux groupes,<br />

accélérerait l’acculturation, briserait l’isolement et<br />

augmenterait la confiance chez les élèves réfugiés<br />

africains. Les enseignants ont besoin de cours de<br />

développement professionnel pour approfondir<br />

leurs connaissances et modifier leurs attitudes à<br />

l’égard de ce nouveau groupe d’élèves. Par ce<br />

genre de formation, les ensei gnants accroîtraient<br />

leur efficacité personnelle et collective, ce qui<br />

mènerait peut-être à l’adaptation des programmes<br />

d’études et des méthodes pédagogiques au profit<br />

des élèves réfugiés africains. Enfin, en s’efforçant<br />

de recueillir et de diffuser des renseignements<br />

culturels exacts sur les élèves réfugiés africains,<br />

l’école aiderait à diminuer les préjugés et à modi -<br />

fier les attitudes négatives. Mais les enseignants<br />

doivent aussi adopter une vision plus large qui<br />

englobe les objectifs pédagogiques et les croyances<br />

au sujet de la matière et des élèves. Dans cette<br />

optique, en créant une solide communauté<br />

professionnelle et en maintenant le dialogue<br />

avec leurs collègues d’autres écoles pour les aider<br />

à répondre aux besoins d’une clientèle diversifiée,<br />

les enseignants obtiendraient le soutien dont ils<br />

ont besoin pour adopter de nouvelles pratiques<br />

profitables à tous les élèves.<br />

À propos de l’auteure<br />

YATTA KANU est professeure adjointe à la faculté d'éducation<br />

de la University of Manitoba, où elle enseigne la recherche<br />

qualitative sur les programmes de cours et les études<br />

sociales en éduction. Ses recherches portent sur la culture et<br />

l'appren tissage des étudiants, l'éducation des réfugiés et la<br />

théorie des programmes de cours. On peut communiquer<br />

avec elle à .<br />

Références<br />

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School ESL Learners », TESL <strong>Canada</strong> Journal, no 18, p. 17-31.<br />

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Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, Genève,<br />

Publications des Nations Unies.<br />

Winnipeg Free Press. 2005. « African Gangs: A Growing<br />

Problem in the Inner City » (30 novembre), section B6.


Dans une perspective de choix rationnel, quelles bonnes raisons peut avoir un immigrant<br />

francophone, appartenant à une minorité dite « visible », de vouloir s’intégrer<br />

professionnellement au sein de la minorité francophone du Manitoba<br />

plutôt qu’à la majorité anglophone ? Quels avantages y voit-il ?<br />

Quels sont les obstacles qu’il doit surmonter ?<br />

L’intégration en emploi des<br />

immigrants francophones<br />

racisés à Winnipeg<br />

Résumé d’une étude exploratoire<br />

JEAN LAFONTANT<br />

Université du Québec à Montréal<br />

Ce texte résume une étude exploratoire de<br />

nature qualitative (Lafontant, 2007), à portée<br />

essentiel lement descriptive et indicative, qui<br />

a été effectuée en 2004 sur les expériences<br />

d’intégration, notamment dans le marché<br />

de l’emploi, d’un ensemble d’immigrants<br />

francophones résidant à Winnipeg, presque<br />

exclusivement composé d’hommes. Certains sont<br />

au pays depuis 1996, mais la plupart sont arrivés<br />

après l’année 2000, en provenance de l’Afrique<br />

sub-saharienne et surtout de la République<br />

démocratique du Congo. La question socio logique<br />

qui a guidé cette étude peut être formulée comme<br />

suit : dans une perspective de choix rationnel,<br />

quelles bonnes raisons 1 peut avoir un immigrant<br />

francophone, appartenant à une minorité dite<br />

1 Outre, bien entendu, l’atout technique de pouvoir communiquer<br />

en français dans ce qu’on pourrait désigner comme le circuit<br />

d’emplois où le français est la langue de travail. Pour les besoins<br />

de l’étude, un circuit est défini comme un marché limité, c’est-àdire<br />

un marché comportant des conditions préalables de statut<br />

socialement héritées, (c’est-à-dire de parenté biologique ou de<br />

familiarité culturelle); par opposition, un marché, dans le sens<br />

strict du mot, est un système ouvert où seules comptent les<br />

compétences professionnelles dont l’acquisition est accessible à<br />

tous et résulte donc d’un choix personnel.<br />

« visible 2 », de vouloir s’intégrer profession -<br />

nellement au sein de la minorité francophone du<br />

Manitoba plutôt qu’à la majorité anglophone ?<br />

Quels avantages y voit-il ? Le cas échéant, quels<br />

sont les obstacles qu’il doit surmonter ?<br />

L’hypothèse de départ était que les enjeux liés<br />

à l’emploi (rapidité d’obtention d’un emploi,<br />

satisfaction quant au niveau de qualification et<br />

de rétribution de ces emplois en fonction des<br />

qualifications et de l’expérience du candidat)<br />

constituent les facteurs majeurs de l’insertion<br />

des immigrants dans leur nouvelle société. À<br />

cela s’ajoutent les questions d’accueil (sentiment<br />

d’être les bienvenus) et de négociation (des<br />

immigrants avec eux-mêmes et avec les<br />

accueillants) quant au partage des traditions du<br />

pays d’origine et de celles de leur nouveau pays.<br />

Repères méthodologiques<br />

À part les registres du Recensement, et exception<br />

faite de certains groupes tels les réfugiés et<br />

les immigrants désignés (sponsored) par les<br />

provinces signataires de l’Accord, il n’existait<br />

pas, au moment de la planification de l’enquête<br />

(début 2004), de listes par province ou région<br />

métropolitaine dans lesquelles on puisse<br />

Nos diverses cités 131


La grande majorité des répondants se perçoivent différents des<br />

Canadiens à cause de leur couleur de peau et de l’altérité que<br />

cette couleur laisse supposer […] Cette différence n’est pas neutre.<br />

Telle qu’ils l’estiment perçue par la population d’accueil, elle tend à<br />

diminuer leur estime d’eux-mêmes, dans diverses situations quotidiennes.<br />

132 Nos diverses cités<br />

retrouver des informations détaillées sur les<br />

immigrants de tous les statuts ainsi que sur les<br />

« minorités visibles ». Il a donc fallu établir une<br />

liste qui refléterait le mieux possible la réalité du<br />

terrain, sans qu’on puisse pourtant s’en assurer<br />

autrement qu’en confrontant a posteriori les<br />

résultats avec ceux des recherches faites à partir<br />

des microdonnées (celles du Recensement de<br />

2001, alors à venir).<br />

La première étape de la recherche a été<br />

d’établir une liste maîtresse des sujets visés par<br />

l’enquête. Les données de base provenaient des<br />

listes de membres d’associations ethniques<br />

d’immigrants africains à Winnipeg, fournies<br />

entre autres grâce à l’appui d’agences publiques<br />

fournissant des services-conseils aux nouveaux<br />

arrivants. Les contacts personnels, le bouche-àoreille,<br />

les annonces radiophoniques et les affiches<br />

dans les écoles de langue pour immigrants ont<br />

également été mis à contribution.<br />

2<br />

Le terme de minorité visible, bien que d’emploi courant, voire<br />

officiel, et bien qu’on ne puisse lui prêter d’intention sémantique<br />

malveillante, occasionne certaines critiques. À la Chaire de<br />

recherche sur l’immigration, l’ethnicité et la citoyenneté (CRIEC,<br />

UQÀM) on lui préfère l’adjectif racisé (minorité racisée),<br />

un néologisme qui se justifie pour diverses raisons.<br />

Le fait de nommer race un groupe est un construit idéologique<br />

résultant d’un rapport de forces dans le champ politique et<br />

symbolique. Ce construit idéologique désigne les membres de<br />

plusieurs prétendues « races inférieures » qui, selon les enjeux<br />

historiques, ont été : Nègres, Jaunes, Peaux-rouges ou Sauvages,<br />

Juifs, Arabes, Orientaux, etc., par opposition à une race<br />

supérieure à épithètes variables : Blanche, Aryenne, Européenne,<br />

Occidentale. Bien entendu, le processus de construction<br />

idéologique qu’est la racisation peut se produire à divers niveaux<br />

sociaux où un enjeu concret oppose un dominant et un dominé,<br />

tous deux singuliers ou pluriels. Dominant et dominé peuvent<br />

d’ailleurs partager les mêmes traits phénotypiques. En pareil cas,<br />

le dominant « racise » le ou les dominés en référence à des traits<br />

culturels (façons de parler, us et coutumes, croyances religieuses,<br />

arrivée plus ou moins récente sur le territoire, etc.). La racisation<br />

réfère donc essentiellement au regard du dominant et à son<br />

pouvoir de nommer, comme bon lui semble, les groupes<br />

dominés, dans le but d’établir entre lui et eux une distance<br />

symbolique visant à les exclure du partage de certains<br />

privilèges. Toutefois, le terme de « minorité visible » étant le<br />

plus courant dans le langage commun, il a été utilisé dans<br />

le questionnaire et les entrevues.<br />

Selon certaines informations, et compte tenu<br />

des évènements internationaux, il semblait délicat<br />

et difficile d’accéder à des listes d’associations déjà<br />

existantes en ce qui a trait aux personnes ori gi -<br />

naires d’Afrique du Nord. Certes, certains Nord-<br />

Africains faisaient déjà partie d’autres listes<br />

générales (par exemple celle de l’Amicale de la<br />

franco phonie multiculturelle du Manitoba), mais la<br />

proportion d’entre eux qui y figurait était inconnue.<br />

Ces listes de provenances diverses ont été<br />

comparées afin de repérer les personnes<br />

comptabilisées plus d’une fois, et ce, toujours dans<br />

le but d’établir une liste maîtresse. Cette liste<br />

comptait finalement 263 personnes. De ce total,<br />

un échantillon de 60 personnes était ciblé.<br />

Compte tenu des ressources humaines dispo -<br />

nibles (deux assistants de recherche) et du fait que<br />

nombre de personnes avec qui nous avons<br />

communiqué ont refusé de répondre au question -<br />

naire ou de passer une entrevue, 29 personnes<br />

seulement ont été interrogées au moyen du<br />

questionnaire et 18 d’entre elles ont passé une<br />

entrevue.<br />

Le parcours d’emplois<br />

Les réponses, obtenues au moyen du question -<br />

naire et des entrevues, révèlent dans la plupart des<br />

cas un parcours de petits emplois occupés<br />

successivement, et parfois parallèlement, exigeant<br />

pas ou peu de qualification profes sionnelle 3 .<br />

Pareille expérience est particulièrement<br />

éprouvante pour deux des huit personnes qui<br />

détiennent un diplôme spécialisé. S’agit-il d’un<br />

« purgatoire » temporaire ? Peut-être. Pour six<br />

de ces huit personnes, en particulier pour les<br />

immigrants parrainés par la province, la mobilité<br />

ascendante, parfois rapide, qu’a permis la<br />

succession d’emplois les laisse espérer.<br />

3 Au moment de l’enquête, les 29 répondants au questionnaire<br />

avaient, ensemble et au total, occupé 75 emplois : 52/75 (69 %)<br />

étaient des emplois d’exécution, ne requérant aucune<br />

qualification technique; 12/75 (16 %) étaient des emplois<br />

d’exécution requérant une certaine qualification technique;<br />

11/75 (15 %) étaient des emplois d’expertise technologique<br />

ou requérant un diplôme universitaire.


L’atout en emploi que constitue la connais -<br />

sance de l’anglais apparaît clairement dans le<br />

discours et l’expérience des répondants. Au<br />

moment de l’enquête (février et mars 2004),<br />

quatre participants sur 29 ont déclaré que<br />

l’emploi qu’ils occupaient alors exigeait<br />

seulement l’usage du français. Pour tous les<br />

autres, l’anglais était aussi nécessaire que le<br />

français (neuf sur 29), voire la seule langue<br />

exigée (16 sur 29). L’apprentissage et l’usage<br />

de l’anglais n’apparaissent donc pas comme<br />

un choix personnel des répondants, mais<br />

comme une nécessité contextuelle à laquelle ils<br />

estiment devoir s’adapter. Du point de vue des<br />

participants, sachant que le marché du travail<br />

anglophone manitobain offre une plus grande<br />

ouverture (accès, choix, mobilité) que le circuit<br />

de travail francophone et que, même si des<br />

francophones sont présents dans le milieu de<br />

travail, l’anglais prédomine, l’important est de<br />

trouver un emploi dans leur domaine de<br />

formation, ou un domaine connexe, et qui soit<br />

bien rétribué.<br />

Les questions relatives à l’accueil<br />

L’étude s’est également intéressée au sentiment<br />

que peut éprouver l’immigrant récent, de<br />

minorité visible, dans un milieu culturel différent<br />

de celui de son pays d’origine. Au <strong>Canada</strong>, se<br />

sent-il différent, « visible » ? A-t-il déjà subi, de<br />

son point de vue, des incidents discriminatoires ?<br />

En réponse au questionnaire, 27 participants sur<br />

29 estiment faire partie (autoperception) des<br />

« minorités visibles » au <strong>Canada</strong> et 21 sentent<br />

(exoperception) que leur entourage canadien les<br />

perçoit comme tels. Dans quatre cas, il n’y a pas<br />

correspondance entre la perception de soi comme<br />

minorité visible et celle que l’on prête à<br />

l’entourage canadien « blanc ». Une personne<br />

répond, sur le mode ironique, qu’elle est<br />

« invisible » pour elle-même ainsi que pour son<br />

entourage canadien « blanc ». « Si je suis vraiment<br />

une minorité visible, on va me gratifier, on va me<br />

donner quelque chose... On ne m’en donne pas.<br />

Est-ce que je suis encore visible ? Non, je suis<br />

invisible » (R12). Enfin, trois participants sur<br />

29 n’ont pas répondu à la question sur l’auto -<br />

perception et l’exoperception.<br />

Un extrait d’entrevue (R9) illustre ce que peut<br />

ressentir un immigrant racisé, dans des<br />

situations apparemment anodines :<br />

Ah oui, je dirais que si je suis dans un endroit,<br />

je suis servi en dernier, malheureusement.<br />

Et si je suis avec une personne blanche ou<br />

d’origine canadienne en public, si jamais il y<br />

avait une question, on questionnerait surtout<br />

la personne blanche ou on s’adresserait à cette<br />

personne-là, même si je suis avec elle ou que<br />

les choses qu’on veut savoir me concernent<br />

directement. Mais on se tournerait plutôt vers<br />

la personne de race blanche.<br />

En résumé, la grande majorité des répondants<br />

se perçoivent différents des Canadiens à cause<br />

de leur couleur de peau et de l’altérité que cette<br />

couleur laisse supposer (aux Canadiens) quant<br />

à leur origine nationale. Cette différence n’est<br />

pas neutre. Telle qu’ils l’estiment perçue par la<br />

population d’accueil, elle tend à diminuer leur<br />

estime d’eux-mêmes, dans diverses situations<br />

quotidiennes. Elle devient carrément discrimi -<br />

natoire quand elle s’accompagne d’un traitement<br />

inéquitable dans l’évaluation de leurs<br />

compétences (à l’école, au travail) pour la moitié<br />

des répondants. Un répondant fait valoir que<br />

le fait d’être un immigrant francophone, ajouté<br />

à celui d’être Noir, augmente le degré de<br />

minorisation sociale (au Manitoba et, peut-on<br />

ajouter, dans toutes les provinces canadiennes<br />

autres que le Québec), proposition à laquelle fait<br />

écho la thèse de Maddibo (2006).<br />

Les négociations culturelles auxquelles font<br />

face les arrivants (acculturation)<br />

Les immigrants interrogés s’intègrent-ils aux us<br />

et coutumes de leur nouveau pays ou ont-ils<br />

tendance à se replier dans un communautarisme<br />

culturel dominé par leurs traditions ? En général,<br />

les référents culturels de leur culture d’origine<br />

(valeurs, normes, langues) sont toujours actifs<br />

dans l’environnement privé (famille, amis de<br />

même origine). La plupart (près des trois quarts)<br />

y accordent une « certaine importance », le degré<br />

de celle-ci variant selon le répondant. Toutefois,<br />

dans la vie professionnelle, un nombre moindre<br />

semble tenir à conserver ces référents culturels.<br />

En matière d’usages linguistiques, les langues<br />

africaines prévalent dans les rapports familiaux,<br />

bien qu’il puisse s’y incorporer du français<br />

et de l’anglais. Notons cependant que,<br />

pour un répondant sur cinq, le français est<br />

la principale langue de communication à la<br />

maison. Avec les amis les plus proches, un<br />

multilinguisme convoquant autant les langues<br />

africaines que le français et l’anglais semble la<br />

pratique la plus courante. Cependant, à mesure<br />

que s’élargit le cercle des interactions, notam ment<br />

Nos diverses cités 133


134 Nos diverses cités<br />

en contexte public et commercial, le français et<br />

surtout l’anglais deviennent les langues prépon -<br />

dérantes de la communication. Par ailleurs, les<br />

répondants participent en général aux activités des<br />

associations regroupant les ressortissants de leur<br />

pays d’origine ou celles d’autres pays africains,<br />

ainsi que de l’Amicale de la franco phonie multi -<br />

culturelle du Manitoba, organisme-parapluie qui<br />

rassemble de nombreuses associations ethniques.<br />

La participation à des événements célébrant<br />

les cultures d’origine n’est pas un comportement<br />

antinomique à l’intégration socioculturelle dans<br />

le pays d’accueil. Bien au contraire, ces activités<br />

et regroupements facilitent l’intégration des<br />

arrivants en permettant une insertion plus en<br />

douceur à leur nouveau pays. Maintes recherches<br />

sociologiques le confirment : l’intégration (et<br />

non pas la reddition des libertés individuelles) se<br />

réalise avec la durée, en particulier avec les<br />

nouvelles générations nées en sol canadien 4 .<br />

Conclusion<br />

Les dimensions psychosociologiques (norma tives,<br />

linguistiques, identitaires) de l’adaptation des<br />

nouveaux arrivants à leur pays d’accueil<br />

constituent un domaine de recherche bien<br />

documenté en sciences sociales. Cependant,<br />

ces dimensions ne devraient pas faire perdre de<br />

vue les écueils structurels susceptibles d’aggraver<br />

les difficultés de l’intégration, lesquels se révèlent<br />

au niveau d’ensemble dans le système de<br />

stratification ethnique (hiérarchisation des statuts<br />

socioéconomiques et symboliques). Parmi ces<br />

obstacles, il faut compter l’histoire des groupes<br />

occupant déjà le territoire et les arrangements<br />

politiques, constitutionnels ou non – et, du reste,<br />

pas nécessairement équitables – auxquels ces<br />

groupes sont parvenus entre eux, à des époques<br />

où l’immigration n’avait ni l’ampleur, ni les<br />

caractéristiques actuelles. Aujourd’hui, les immi -<br />

grants s’attendent à trouver une république<br />

libérale (All-Werther Liberal, selon la typologie de<br />

R. K. Merton 5 ). Or, ils trouvent, de jure ou de<br />

facto, une hiérarchie de statuts de préséance à<br />

la filiation d’origine 6 et résultant de tensions ou<br />

de conflits historiques entre les deux « peuples<br />

fondateurs ». Cette donne affecte en particulier<br />

les minorités immi grantes racisées, plus<br />

ou moins récentes, quand leurs demandes<br />

menacent cet arrangement statutaire 7 .<br />

4<br />

Voir, par exemple Isajiw (1999, chap. 7, « Cultural Identity<br />

Incorporation. The Factors Hastening or retarding the Process »).<br />

5<br />

Pour un résumé, voir Isajiw (1999, p. 152).<br />

Les recherches sur le processus d’intégration des<br />

immigrants francophones racisés à l’extérieur du<br />

Québec sont bien entamées. Elles méritent d’être<br />

poursuivies et élargies, en termes d’envergure<br />

(définition et représentativité statistique des<br />

échantillons) et en termes de facteurs socio -<br />

logiques mesurés (multiplicité des contextes et<br />

des variables, comparaisons interprovinciales).<br />

Or les communautés franco phones en situation<br />

minoritaire constituent des lieux d’observation<br />

privilégiés, parce qu’elles sont circonscrites et<br />

non affectées par la dynamique politique<br />

d’indé pendance nationale, comme c’est le cas au<br />

Québec. Si le Québec constitue une minorité<br />

politique dans l’ensemble canadien, que dire alors<br />

des immigrants francophones racisés qui, au<br />

<strong>Canada</strong>, le sont de triple façon : à titre d’immi -<br />

grants, de francophones et de membres de<br />

minorités « visibles ». Une quatrième minorisation,<br />

mise en lumière notamment par Madibbo (2006),<br />

risque également de se développer en fonction de<br />

l’action collective privilégiée par ces arrivants<br />

pour un traitement équitable.<br />

6<br />

Statuts de préséance relatifs aux origines ou à la proximité<br />

originelle, réelle ou imaginée. Par exemple, les immigrants<br />

francophones « blancs », arrivant de France, de Belgique ou de<br />

Suisse, sans être Québécois ou Canadiens-français, sont tout de<br />

même perçus comme des « cousins », plus ou moins éloignés. De<br />

la même façon, les Britanniques et les Américains « blancs » sont<br />

perçus comme des « membres de la famille » par l’élite politique<br />

blanche canadienne-anglaise. Or, si on en croit des publications<br />

comme celle de Amal Madibbo (2006), il est probable que, par<br />

exemple, des Congolais francophones racisés et des Jamaïcains<br />

anglophones racisés n’ont pas le sentiment d’arriver chez des<br />

membres d’une grande famille, en débarquant au <strong>Canada</strong> à titre<br />

d’immigrants. Du reste, la filiation ethnique comme fondement<br />

du droit d’occupation d’un territoire est un critère piégé, dans la<br />

mesure où ce critère dépend du pouvoir discrétionnaire des<br />

premiers occupants de définir les limites de l’origine, donc<br />

l’inclus et l’exclus. Ainsi, les Amérindiens du <strong>Canada</strong> ne sont pas<br />

considérés comme des « fondateurs », mais seulement comme<br />

« Premières nations », quelque part dans le grenier de l’Histoire,<br />

là où ils ne peuvent pas déranger.<br />

7<br />

Au sujet de l’immigration francophone et de la communauté<br />

franco-torontoise, un groupe de chercheurs notent : « Il n’y a<br />

pas vraiment de milieu francophone auquel les nouveaux<br />

arrivants peuvent s’intégrer; les francophones d’origine<br />

canadienne-française cherchent à créer des zones unilingues<br />

pour se protéger de la domination de l’anglais au moyen<br />

d’institutions, organismes ou associations francophones;<br />

les nouveaux arrivants doivent atteindre un certain niveau<br />

de compétence en anglais pour fonctionner dans la société<br />

anglophone dominante. Il existe donc des intérêts et des besoins<br />

presque conflictuels entre les divers groupes » (Chambon et coll.,<br />

2001, p. 10). En Alberta, Dalley (2007, p. 55) observe que « derrière<br />

l’accent [de prononciation du français] se cache une lutte [entre<br />

communauté historique et communauté immigrante] pour une<br />

ressource limitée : le travail en français ».


Références<br />

Chambon A., M. Heller, F. Kanouté, N. Labrie, A. Madibbo.,<br />

J. Maury, et M. Malubingi. 2001. L’immigration et la<br />

communauté franco-torontoise, Rapport final, Joint Centre<br />

of Excellence for Research on Immigration and Settlement<br />

(CERIS), Toronto. Consulté à l’adresse<br />

.<br />

Dalley, P. 2008. « Immigration et travail en milieu<br />

minoritaire : Le cas de l’Alberta francophone », Thèmes<br />

canadiens / Canadian Issues (printemps).<br />

Isajiw, W. W. 1999. Understanding Diversity: Ethnicity<br />

and Race in the Canadian Context, Toronto, Thompson<br />

Educational Publishing Inc.<br />

Lafontant, J. 2007. L’intégration en emploi, à Winnipeg, des<br />

immigrants francophones racisés : une étude exploratoire,<br />

Institut canadien de recherche sur les minorités<br />

linguistiques et Centre de recherche sur l’immigration,<br />

l’ethnicité et la citoyenneté (CRIEC), Les Cahiers du CRIEC,<br />

no 32.<br />

Madibbo, A. 2006. Minority Within a Minority. Black<br />

Francophone Immigrants and the Dynamics of Power and<br />

Resistance, New York et Londres, Routledge.<br />

Nos diverses cités<br />

Nos diverses cités est une publication spéciale de <strong>Metropolis</strong> qui examine les questions liées à la diversité, à<br />

l’intégration et à l’immigration dans les villes. Les trois volumes publiés à ce jour font partie des lectures obligatoires<br />

de nombreux cours universitaires dans tout le pays. Plusieurs articles de Nos diverses cités portent sur la région<br />

des Prairies :<br />

<strong>Numéro</strong> 1, printemps 2004<br />

• Paul A. Bramadat (University of Winnipeg) « Miroir et mortier :<br />

les festivals ethnoculturels et la vie urbaine au <strong>Canada</strong> »<br />

• Valerie J. Pruegger, Derek Cook et Bob Hawkesworth<br />

(Ville de Calgary) « Incidences de la diversité urbain sur<br />

la situation de logement »<br />

• Michael A. Phai (Ville d’Edmonton) « Le quartier McDougall<br />

à Edmonton : la diversité sociale à l’échelle locale »<br />

• Teresa Woo-Paw (Ethno-Cultural Council of Calgary)<br />

« Établir un lien entre la recherche et la pratique pour<br />

une participation civique active »<br />

<strong>Numéro</strong> 2, été 2006<br />

• J. S. Frideres (University of Calgary) « L’intégration des<br />

immigrants dans les villes : l’avenir des centres de deuxième<br />

et de troisième rangs »<br />

• Tracey Derwing et Harvey Krahn (Centre d’excellence des<br />

Prairies pour la recherche en immigration et en intégration,<br />

University of Alberta) « Stratégie d’Edmonton pour attirer et<br />

retenir les nouveaux arrrivants »<br />

• Joe Garcea (University of Saskatchewan) « Attraction et rétention<br />

d’immigrants au sein des grandes villes de la Saskatchewan »<br />

• Tom Carter, Mechyslava Polevychok and Anita Friesen (Université<br />

de Winnipeg) « Les quartiers centraux de la ville de Winnipeg<br />

et les problématiques associées à la diversité croissante »<br />

• Candy Khan (Edmonton Mennonite Centre for Newcomers,<br />

et University of Alberta) « L’angle mort » – Racisme et<br />

discrimination au travail<br />

• Jillian Dowding (University of Calgary) and Farinaz Razi<br />

(Calgary Catholic Immigration Society) « Appel à l’action :<br />

pour ouvrir la voie à une intégration efficace des immigrants »<br />

<strong>Numéro</strong> 3, été 2007<br />

• Anisa Zehtab-Martin et Kenneth B. Beesley (Brandon<br />

University) « Lacunes dans les services aux immigrants<br />

offerts dans une petite ville : Brandon, au Manitoba »<br />

• Ray Silvius (Carleton University et Brandon University)<br />

et Robert C. Annis (Brandon University) « Réflexions sur<br />

l’expérience d’immigration en milieu rural dans les diverses<br />

collectivités rurales du Manitoba »<br />

• Joseph Garcea (University of Saskatchewan)<br />

« L’immigration vers les plus petites communautés de<br />

la Saskatchewan »<br />

• John Harding (University of Lethbridge) « Le bouddhisme<br />

Jo-do Shin-shudans le sud de l’Alberta »<br />

Pour obtenir un exemplaire en français ou en anglais d’un numéro prédécent ou du présent numéro,<br />

veuillez écrire à <br />

Nos diverses cités 135


La discrimination vécue par<br />

les minorités visibles dans<br />

les petites collectivités *<br />

DANIEL W. L. LAI ET NEDRA HUFFEY<br />

University of Calgary<br />

136 Nos diverses cités<br />

Le racisme et la discrimination sont monnaie<br />

courante (Cannon, 1995; Foster, 1996). Le <strong>Canada</strong>,<br />

pays diversifié sur le plan culturel, est doté d’une<br />

politique officielle de multi culturalisme, mais<br />

selon de nombreux résultats de recherche, la<br />

discrimination contre les minorités visibles<br />

perdure (Kunz, Milan et Schetagne, 2000;<br />

Pruegger et Kiely, 2002) 1 . De nombreuses<br />

minorités visibles sont convaincues d’être<br />

devenues des victimes de formes voilées de<br />

racisme (Fondation canadienne des relations<br />

raciales, 2001).<br />

Les groupes ethnoculturels de minorités visibles<br />

font souvent l’objet de discrimination, de<br />

stéréotypie et de racisme systémiques (Calgary<br />

Cultural and Racial Diversity Task Force, 2001).<br />

La discrimination et les préjugés peuvent se<br />

manifester dans les domaines de l’éducation (Watt<br />

et Roessingh, 1994), de l’emploi (Gunderson,<br />

Musznski et Keck, 1990; Jeffs, 1996; Wickens,<br />

1996), de la santé (Beiser et coll., 1988; Santé<br />

<strong>Canada</strong>, 1999) et dans l’accès aux services sociaux<br />

(Calgary Catholic Immigration Society, 1994). Au<br />

<strong>Canada</strong>, 20 % des membres des minorités visibles<br />

*<br />

1<br />

Peu d’études portent sur le racisme dans les petites collectivités […] En outre,<br />

comme la recherche n’est axée que sur les groupes de minorités visibles<br />

vivant dans les villes canadiennes de grande taille, on suppose à tort<br />

que le racisme n’existe pas dans les petites collectivités.<br />

Le présent article est fondé sur un projet de recherche financé<br />

par le Centre <strong>Metropolis</strong> des Prairies.<br />

La Loi sur l’équité en matière d’emploi définit ainsi les minorités<br />

visibles : « Font partie des minorités visibles les personnes, autres<br />

que les Autochtones, qui ne sont pas de race blanche ou qui<br />

n’ont pas la peau blanche » (Statistique <strong>Canada</strong>, 2003).<br />

ont signalé avoir fait l’objet de discrimination à<br />

quelques reprises ou souvent au cours des cinq<br />

dernières années (Statistique <strong>Canada</strong>, 2003). Selon<br />

une autre étude, 26 % des réfugiés de l’Asie du<br />

Sud-Est qui se sont réétablis au <strong>Canada</strong> ont<br />

déclaré avoir fait l’objet de racisme au moins une<br />

fois (Beiser et coll., 2001).<br />

Peu d’études portent sur le racisme dans les<br />

petites collectivités; par conséquent, la population<br />

en général n’est pas au courant de cette situation.<br />

En outre, comme la recherche n’est axée que sur<br />

les groupes de minorités visibles vivant dans les<br />

villes canadiennes de grande taille, on suppose<br />

à tort que le racisme n’existe pas dans les<br />

petites collectivités. Pour déterminer la nature et<br />

l’ampleur du racisme et de la discrimination dans<br />

les petites villes canadiennes, il importe de révéler<br />

les expériences vécues par les personnes dans ces<br />

collectivités. La question de recherche dans le<br />

cadre de cette étude est donc la suivante :<br />

« Quelles sont les expériences vécues par les<br />

minorités raciales dans les petites villes ? »<br />

Analyse documentaire<br />

Les minorités visibles dans les villes canadiennes<br />

ont fait l’objet de discrimination et de préjugés<br />

(Lalonde, Taylor et Moghaddam, 1992; Kunz,<br />

Milan et Schetagne, 2000; Pruegger et Kiely,<br />

2002). Des recherches antérieures ont démontré<br />

que la discrimination touche de nombreuses<br />

sphères de la vie, y compris la santé physique


et mentale des minorités visibles (Moghaddam<br />

et coll., 2002; Williams et Hunt, 1997; Beiser,<br />

1999). Par exemple, les femmes membres de<br />

minorités visibles à Fredericton éprouvaient des<br />

problèmes dans les domaines des services publics,<br />

du transport, du travail et dans divers autres<br />

aspects du quotidien (Miedema et Nason-Clark,<br />

1989). Des recherches ont également montré<br />

que les immigrants chinois ont été victimes de<br />

discrimination en dépit de leur niveau de scolarité<br />

élevé, et qu’ils ont dû déployer des efforts plus<br />

grands que les immigrants européens pour être<br />

acceptés (Li, 1982).<br />

Très peu de recherches portent sur les<br />

expériences des minorités visibles dans les<br />

régions rurales au <strong>Canada</strong>, aux États-Unis et en<br />

Angleterre. Les recherches démontrent des taux<br />

très faibles de maintien des réfugiés dans les<br />

villes canadiennes les plus petites; les réfugiés<br />

expliquent qu’ils ont quitté ces collectivités<br />

principalement en raison du manque de travail et<br />

de possibilités d’éducation (Abu-Laban et coll.,<br />

1999). Il sera donc intéressant d’examiner la<br />

nature et l’ampleur de la discrimination dont<br />

font l’objet les minorités visibles dans les petites<br />

villes canadiennes, afin de mettre sur pied des<br />

politiques et d’adopter des pratiques antiracistes,<br />

le cas échéant.<br />

Méthodologie<br />

Des entrevues semi-structurées visaient à étudier<br />

les impressions et les expériences de 19 membres<br />

de minorités visibles qui vivent dans de petites<br />

villes en Alberta. Les participants admissibles ont<br />

été recrutés grâce au réseautage auprès de prin -<br />

cipales personnes-ressources dans les collectivités,<br />

à des sondages en boule de neige, et à la<br />

collaboration du Comité sur les relations<br />

interraciales et la compréhension culturelle à<br />

Calgary, qui maintient des liens étroits avec les<br />

communautés ethniques en Alberta. Un consen -<br />

tement éclairé écrit ou de vive voix a été obtenu<br />

au début de chaque entrevue. Le guide d’entrevue<br />

était axé sur les expériences vécues, leurs<br />

significations et les impressions des participants,<br />

et a créé une possibilité de discussions au sujet du<br />

racisme et d’autres formes d’oppression.<br />

Les participants ont pris part à des entrevues en<br />

profondeur à l’endroit de leur choix. Toutes les<br />

entrevues ont été effectuées en personne, sauf<br />

une qui a eu lieu au téléphone. La plupart des<br />

entrevues ont été enregistrées sur bande magné -<br />

tique, puis retranscrites afin d’être analysées par la<br />

suite. Comme trois participants n’ont pas donné<br />

la permission d’enregistrer leur entrevue, les<br />

chercheurs ont pris des notes.<br />

L’analyse inductive des données a été utilisée<br />

dans le cadre de cette étude. Il s’agit d’une<br />

méthode de recherche qualitative qui permet de<br />

comprendre les entrevues en dégageant des<br />

thèmes et des catégories d’analyse à partir des<br />

données (Creswell, 1998; Morrow et Smith,<br />

1998). En se fondant sur une analyse des<br />

entrevues transcrites, l’équipe de recherche a<br />

établi un cadre de codage initial. Une fois que<br />

les adjoints de recherche avaient codé les<br />

transcriptions de façon indépendante, les codes<br />

ont été comparés afin d’assurer leur fiabilité, et<br />

des thèmes ont été dégagés.<br />

Résultats<br />

Les participants<br />

Les participants étaient 19 membres des<br />

minorités visibles de diverses nationalités qui<br />

vivaient ou travaillaient dans plusieurs petites<br />

collectivités du centre et du sud de l’Alberta.<br />

Afin de protéger l’identité des participants,<br />

l’emplacement des collectivités n’a pas été<br />

mentionné. Douze femmes et sept hommes, âgés<br />

de 20 à 60 ans, ont pris part à l’étude. Deux sont<br />

nés au <strong>Canada</strong>, tandis que 17 avaient immigré au<br />

<strong>Canada</strong> au moins un an avant l’entrevue,<br />

et jusqu’à plus de 40 ans auparavant. La majorité<br />

des participants avaient terminé des études<br />

postsecondaires et travaillé à titre de profes -<br />

sionnels dans leur pays d’origine avant de<br />

venir au <strong>Canada</strong>. Quatre thèmes ont découlé de<br />

l’analyse des données : les obstacles linguistiques,<br />

le manque de reconnaissance, le traitement<br />

différentiel et les différences entre les générations.<br />

Pour les participants, le fait d’être membre d’une<br />

minorité visible signifie « être différent ».<br />

Les obstacles linguistiques<br />

Un des principaux sujets dont les participants<br />

ont discuté était leur difficulté perçue à maîtriser<br />

l’anglais et la discrimination sociale et en<br />

matière d’emploi qui s’y rattachait. Pour certains<br />

participants, l’anglais n’était pas une langue<br />

facile à apprendre. L’un d’eux a déclaré :<br />

« L’anglais est vraiment une langue folle, difficile<br />

à apprendre et folle » 2 . Cet obstacle linguistique<br />

a eu des incidences sur les possibilités d’emploi<br />

et de promotion. Un des participants a déclaré ce<br />

2<br />

Note : Toutes les citations des participants sont traduites<br />

de l’anglais.<br />

Nos diverses cités 137


Bien que la majorité des participants soient venus s’installer dans de plus petites<br />

collectivités pour répondre à des offres d’emploi, plusieurs n’ont pu décrocher un<br />

emploi dans la profession de leur choix [...] La société a tendance à discréditer leurs<br />

titres professionnels et à tenir compte du pays d’origine, de l’ethnicité ou de la<br />

couleur de la peau plutôt que de donner une juste valeur à leurs compétences.<br />

138 Nos diverses cités<br />

qui suit : « Quand on ne parle pas la langue,<br />

des obstacles se posent instantanément […] Un<br />

grand nombre d’employeurs ne peuvent pas<br />

communiquer avec nous ». Ils avaient l’impression<br />

que les employeurs étaient injustes en<br />

n’embauchant pas, pour des postes dans<br />

leur profes sion, des membres instruits des<br />

minorités visibles qui ne parlaient pas l’anglais<br />

couramment. Cependant, les obstacles lingui -<br />

stiques n’avaient pas toujours empêché<br />

l’embauche ou les promotions. En effet, une<br />

des participantes a décrit l’expérience de son<br />

père de la façon suivante : « On l’a formé<br />

pendant presque deux ans et maintenant, il est<br />

superviseur d’atelier ». Il est donc possible que les<br />

employeurs jouent un rôle considérable dans la<br />

lutte contre la discrimination, en veillant à ce<br />

que les minorités visibles aient un accès égal aux<br />

possibilités d’emploi.<br />

Le manque de connaissance de la langue a<br />

également créé des problèmes pour les membres<br />

de minorités visibles dans leur quotidien.<br />

Un participant a expliqué comment certains<br />

membres des minorités visibles composaient<br />

avec la difficulté d’établir des réseaux sociaux :<br />

« Certaines personnes vivent essentiellement<br />

dans leur propre monde […] Ils n’ont pas besoin<br />

d’interaction ». D’autres ont refusé de laisser la<br />

langue poser des obstacles linguistiques à leur<br />

vie sociale. Un participant a affirmé ce qui suit :<br />

« Je ne pouvais pas comprendre les gens et ils ne<br />

pouvaient pas me comprendre. Je n’ai pas suivi<br />

de cours d’anglais. J’ai plutôt appris seul, en<br />

regardant la télévision et en parlant avec mes<br />

collègues au travail ».<br />

Manque de reconnaissance<br />

Les participants ont aussi fait état d’un manque de<br />

reconnaissance – de la part des employeurs, des<br />

établissements scolaires et du gouvernement – des<br />

études faites dans leur pays d’origine et des titres<br />

professionnels et de l’expérience professionnelle<br />

qu’ils y avaient acquis. Bien que la majorité des<br />

participants soient venus s’installer dans de plus<br />

petites collectivités pour répondre à des offres<br />

d’emploi, plusieurs n’ont pu décrocher un emploi<br />

dans la profession de leur choix. Il y avait une<br />

impression très nette que la société a tendance à<br />

discréditer leurs titres professionnels et à tenir<br />

compte du pays d’origine, de l’ethnicité ou de la<br />

couleur de la peau plutôt que de donner une juste<br />

valeur à leurs compétences. Un autre immigrant a<br />

déclaré : « Si seulement on acceptait les gens selon<br />

leurs capacités et leurs études, et non parce qu’ils<br />

ont la peau rose, jaune, blanche, noire ou bleue ».<br />

Pour obtenir une reconnaissance profes -<br />

sionnelle ou pour améliorer leurs compétences,<br />

ces immigrants devaient retourner à l’université<br />

ou au collège, comme l’a indiqué un participant :<br />

« Il faut que je retourne aux études pour obtenir<br />

un certificat canadien, parce que c’est ce que la<br />

plupart des employeurs exigent. Sinon, je n’aurai<br />

pas un bon emploi ». Même si les membres de ces<br />

minorités visibles consentent à se recycler en<br />

retournant aux études, bon nombre d’entre eux<br />

considèrent que ce long processus est difficile en<br />

raison des frais de scolarité et de leur âge. Un<br />

participant a confié ce qui suit : « Il a fallu que je<br />

reparte à zéro. C’est difficile. D’autant plus que je<br />

ne suis plus jeune ». Certains considéraient que<br />

c’était irréaliste sur le plan financier de payer<br />

des frais pour obtenir des titres de compétence,<br />

car c’était le gouvernement qui était responsable<br />

de ces problèmes. Voici ce qu’un immigrant a<br />

affirmé : « Cela coûte très cher. Il faut rendre cela<br />

plus facile et plus accessible ». Les participants ont<br />

dénoncé ce problème de la reconnaissance des<br />

titres de compétences étrangers au <strong>Canada</strong> et ses<br />

répercussions sur leurs possibilités d’emploi.<br />

Traitement différentiel<br />

En tant que membres de minorités visibles,<br />

certains participants se sont sentis bien accueillis<br />

et acceptés et estimaient que les gens dans<br />

les petites collectivités étaient sympathiques,<br />

chaleureux et prêts à aider. Malheureusement, de<br />

nombreux participants se sont dits victimes<br />

d’une forme ou d’une autre de discrimination.<br />

Par exemple, une participante considérait que<br />

des personnes ont été impolies à son égard


et envers ses amis, « parce que nous parlons<br />

notre langue en leur présence ». Quand une<br />

participante née au <strong>Canada</strong> s’est vu demander<br />

comment elle se sentait en tant que membre<br />

d’une minorité visible qui avait grandi dans une<br />

petite collectivité, elle a répondu : « Cela m’a<br />

toujours frappée, même quand j’étais jeune […]<br />

j’étais la seule à ne pas être invitée à passer la<br />

nuit chez les copines. À mon avis, quand on fait<br />

partie d’une minorité, on essaie tellement de<br />

s’intégrer qu’on ne veut pas exposer sa culture<br />

ou toute autre différence qui fait partie de soi ».<br />

En ce qui a trait au travail, une participante<br />

chinoise considérait que les gens dans sa petite<br />

ville étaient sévères, voire jaloux à l’égard de son<br />

succès, parce qu’elle était membre d’une minorité<br />

visible. Un autre participant a fait remarquer<br />

que même si l’entreprise pour laquelle il travaillait<br />

comptait des centaines d’employés, à sa connais -<br />

sance, il n’y avait pas « d’étranger » au niveau de<br />

la direction. Un immigrant chinois a résumé les<br />

impressions de plusieurs partici pants, selon qui<br />

être membre d’une minorité visible est un<br />

inconvénient quand on veut obtenir un emploi,<br />

« parce que les minorités visibles tendent à être<br />

considérées comme un peu secondaires ».<br />

Quand on leur a demandé de comparer leurs<br />

expériences ou points de vue par rapport au<br />

racisme, à la discrimination et aux différents<br />

traitements dans les petites collectivités en<br />

comparaison avec la situation dans les grandes<br />

villes, les réponses des participants étaient très<br />

différentes. Certains considéraient les grandes<br />

villes comme plus multiculturelles; selon eux,<br />

le problème y était donc moins prononcé.<br />

Un immigrant de la Sierra Leone a affirmé ce qui<br />

suit : « Il y a du racisme dans les grandes villes,<br />

mais il n’est pas trop répandu, parce que la<br />

population y est trop multiculturelle. Le racisme<br />

existe dans les petites villes, bien sûr, parce que<br />

les gens ne sont pas habitués aux minorités ».<br />

Le traitement ressenti à titre de membres d’une<br />

minorité visible dans les petites villes variait<br />

énormément d’un participant à l’autre, puisque<br />

certains participants considéraient que le<br />

contraire était vrai. L’un d’eux prétendait que<br />

les petites collectivités étaient un milieu idéal<br />

pour élever des enfants, tandis que selon un<br />

immigrant du Sri Lanka, le problème de la<br />

discrimination était pire dans les grandes villes :<br />

« Il y a beaucoup de ressentiment envers les<br />

minorités. C’est différent quand on vit dans une<br />

grande ville, car les stéréotypes y prennent<br />

vraiment de l’ampleur ».<br />

Les participants ont également exprimé leurs<br />

points de vue au sujet des raisons de la discri -<br />

mination et de l’attitude des Canadiens moyens à<br />

l’égard des minorités visibles. Les raisons les plus<br />

souvent citées étaient l’étroitesse d’esprit, l’igno -<br />

rance, le manque de compréhension et le manque<br />

de connaissance des autres cultures. Un participant<br />

né au <strong>Canada</strong> et qui y a grandi considérait que<br />

c’était le « racisme voilé » qui le dérangeait le plus.<br />

En réponse au traitement particulier dont ils ont<br />

fait l’objet, des participants ont tenté activement<br />

de faire changer les impressions des gens à leur<br />

égard. Par exemple, une participante originaire de<br />

Chine pensait qu’il lui incombait de faire bonne<br />

impression sur les Canadiens et elle s’est efforcée<br />

de voir à ce que ces derniers aient une très bonne<br />

opinion des immigrants chinois. Une autre<br />

personne a répondu au traitement différentiel<br />

par une attitude positive, en choisissant de ne pas<br />

porter attention aux éléments négatifs.<br />

Différences entre les générations<br />

Les familles faisant partie des minorités visibles<br />

devaient aussi faire face aux problèmes inter -<br />

générationnels. De nombreux immigrants de<br />

première génération membres des minorités<br />

visibles constataient qu’il était plus difficile pour<br />

eux de s’adapter à la culture canadienne, tandis<br />

que c’était plus naturel pour leurs enfants.<br />

Comme l’a affirmé un immigrant : « En ce qui me<br />

concerne, le problème est que j’ai grandi dans une<br />

autre culture et je suis arrivé dans une nouvelle<br />

culture, et je trouve qu’il est très difficile<br />

d’accepter les choses ici ». Les parents de minorités<br />

visibles considéraient qu’il était facile pour les<br />

enfants de connaître la nouvelle culture et de se<br />

mêler aux autres Canadiens, mais ils étaient<br />

préoccupés par le fait qu’ils puissent oublier leur<br />

propre culture et leur propre langue. L’un d’eux a<br />

souligné qu’il souhaitait conserver « au moins, sa<br />

culture et sa langue ».<br />

Les parents n’étaient pas les seuls à éprouver<br />

des difficultés. En effet, les enfants nés au <strong>Canada</strong><br />

étaient confrontés à un dilemme. Un membre des<br />

minorités visibles né au <strong>Canada</strong> a déclaré : « Le<br />

problème pour la deuxième génération, c’est<br />

qu’elle ne veut pas perdre sa culture. Moi, je vis<br />

avec deux cultures ».<br />

Discussion et incidences sur le<br />

plan des politiques<br />

Les expériences des minorités visibles qui vivent<br />

dans les petites communautés étaient à la fois<br />

posi tives et négatives. Les participants semblaient<br />

Nos diverses cités 139


140 Nos diverses cités<br />

vouloir atténuer les expériences de la discri -<br />

mination ou les accepter comme des aspects<br />

inaltérables de la vie. Ces réponses ne sont<br />

pas inédites; elles se trouvent déjà dans des<br />

recherches effectuées antérieurement (Matthews,<br />

2006; Moghaddam et coll., 2002; Ruggiero et<br />

Taylor, 1997; Taylor, Wright et Ruggerio, 2000).<br />

Le fait que les participants vivant dans les petites<br />

collectivités minimisent l’importance du racisme et<br />

de la discrimination peut être lié à l’obtention d’un<br />

emploi satisfaisant ou à la comparaison de leur<br />

situation actuelle avec les conditions qu’ils<br />

trouveraient dans leurs pays d’origine, comme<br />

l’ont souligné des recherches antérieures<br />

(Matthews, 2006; Ruggiero et Taylor, 1997). Cette<br />

atténuation pourrait s’expliquer en partie par le<br />

fait qu’il pourrait être plus avan tageux pour les<br />

membres de minorités visibles de nier qu’ils font<br />

l’objet de discri mination que de reconnaître<br />

ouvertement les problèmes (Taylor, Wright et<br />

Ruggiero, 2000; Ruggiero et Taylor, 1997).<br />

Les participants ont énoncé des recomman -<br />

dations pour réduire la discrimination dans les<br />

petites villes. Plusieurs thèmes sont ressortis dans<br />

les réponses. Des participants ont laissé entendre<br />

que l’éducation communautaire au sujet de<br />

différents groupes ethniques et diverses cultures<br />

par l’intermédiaire d’institutions et d’événements<br />

publics, de même que l’offre de services axés sur<br />

les immigrants et de possibilités d’emploi pour<br />

les membres des minorités visibles aideraient ces<br />

derniers à se sentir les bienvenus dans les petites<br />

villes. Les priorités quant aux services et aux<br />

ressources de soutien étaient des cours d’anglais,<br />

des possibilités d’emploi et le logement abordable.<br />

Les recommandations présentées par les parti -<br />

cipants offrent aux décideurs et aux fournisseurs<br />

de services des conseils précieux concernant<br />

les services d’immigration et d’établissement, le<br />

logement abordable, l’éducation et l’emploi.<br />

La collaboration entre les organisations qui<br />

répondent à ces besoins en matière de politiques<br />

et de services sera essentielle afin d’améliorer<br />

l’accès aux services et à l’appui, tout en évitant<br />

la concurrence, l’insensibilité culturelle et la<br />

coordination inadéquate (Stewart et coll., 2008).<br />

À propos des auteurs<br />

DANIEL W. L. LAI est professeur et doyen associé (Recherche<br />

et Partenariats) à la Faculté de travail social de la University<br />

of Calgary. Ses recherches, qui portent particulièrement<br />

sur la diversité culturelle, sont financées par le Conseil de<br />

recherches en sciences humaines dans divers domaines, dont<br />

l’examen de l’expérience des minorités visibles au <strong>Canada</strong>.<br />

NEDRA HUFFEY est titulaire d’une maîtrise en service<br />

social dans le domaine des collectivités, de la gestion<br />

organisationnelle et des politiques. Elle a œuvré dans les<br />

secteurs de l’immigration et auprès des séropositifs. Elle<br />

est également spécialisée dans l’évaluation de programmes<br />

et les recherches axées sur les collectivités. Elle est<br />

présentement chercheuse à la faculté de travail social<br />

de la University of Calgary.<br />

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Nos diverses cités 141


Un grave déficit en capital social peut nuire au fonctionnement d’une société dans divers<br />

domaines, notamment au chapitre du rendement économique, des mesures de protection<br />

de la population, de la santé, de l’éducation et de la gouvernance démocratique.<br />

Le capital social des Prairies :<br />

un bilan<br />

ABDIE KAZEMIPUR<br />

University of Lethbridge<br />

142 Nos diverses cités<br />

Certains croient que les provinces des Prairies<br />

pourraient être moins touchées par le ralen -<br />

tissement économique actuel que le reste du<br />

<strong>Canada</strong>. La nouvelle a de quoi réjouir les habitants<br />

de ces trois provinces. Cependant, elles doivent<br />

se préoccuper d’un autre type de déficit et de<br />

ralentissement, lié celui-là à leur capital social.<br />

Le concept de capital social est utilisé depuis le<br />

début des années 1990 pour faire référence aux<br />

ressources dont les particuliers et les collec tivités<br />

peuvent profiter grâce à la richesse des rapports<br />

sociaux et des liens communautaires. Une telle<br />

richesse se reflète normalement par une confiance<br />

accrue à l’égard des concitoyens et du gouver -<br />

nement, l’accès à des réseaux sociaux plus vastes<br />

et une participation plus grande à la vie commu -<br />

nautaire. Nombre d’études réalisées au cours des<br />

deux dernières décennies montrent qu’une forte<br />

dotation en capital social n’est pas un simple<br />

luxe dont une collectivité peut se passer. On a<br />

plutôt constaté qu’un grave déficit en capital<br />

social peut nuire au fonctionnement d’une société<br />

dans d’autres sphères, notamment au chapitre<br />

du rendement économique, des mesures de<br />

pro tec tion de la population, de la santé, de<br />

l’édu cation et de la gouvernance démocratique.<br />

Un dévelop pement social durable requiert donc<br />

une croissance vigoureuse non seulement dans<br />

le secteur économique conventionnel, mais<br />

également dans celui du capital social.<br />

L’état du capital social d’une collectivité est<br />

particulièrement préoccupant dans les villes,<br />

provinces ou pays susceptibles de vivre un<br />

changement majeur sur une courte période :<br />

essor économique, changement démographique<br />

appréciable ou transformation rapide du paysage<br />

culturel et social de la collectivité. Dans le cas des<br />

Prairies, ces trois éléments semblent présents. Ces<br />

provinces ont connu un essor économique, ont<br />

accueilli un grand nombre de personnes d’autres<br />

provinces et ont enregistré une croissance rapide<br />

de leur population d’immigrants, dont la plupart<br />

proviennent de pays en développement. Dans ce<br />

contexte, le présent article jette un regard sur<br />

l’état du capital social dans les trois provinces des<br />

Prairies, en les comparant les unes avec les autres<br />

et avec le reste du <strong>Canada</strong>.<br />

Il convient de préciser que le capital social n’est<br />

pas un phénomène monolithique. Les dimen sions<br />

en sont nombreuses et, de plus, elles ne vont<br />

pas toujours de pair. Une collectivité peut donc<br />

progresser dans certains domaines et accuser du<br />

retard dans d’autres. Selon la composition de<br />

son capital social, une collectivité particulière<br />

peut devenir plus forte dans un domaine tout en<br />

devenant plus vulnérable dans un autre. Il faut<br />

donc, dans un premier temps, déterminer les<br />

composantes du capital social.<br />

Trois thèmes sont abordés, en les situant dans le<br />

contexte défini plus haut. Premièrement, diverses<br />

dimensions du capital social sont brièvement<br />

présentées. On propose ensuite une analyse de<br />

l’état du capital social dans les provinces des<br />

Prairies, au regard de certaines dimensions. Enfin,<br />

la relation entre l’une de ces dimensions – la<br />

confiance sociale – et la diversité ethnoculturelle<br />

dans les villes canadiennes est examinée. À cette<br />

fin, différentes sources de données ont été<br />

utilisées, en particulier le Recensement du <strong>Canada</strong><br />

de 2001 et l’Enquête sociale générale (cycle 17)


TABLEAU 1<br />

Les dimensions du capital social<br />

Capacité de faire confiance aux gens<br />

Niveau de confiance : membres de la famille<br />

Niveau de confiance : gens du voisinage<br />

Niveau de confiance : gens du milieu de travail ou de l'école<br />

Niveau de confiance : inconnus<br />

Confiance envers la police<br />

Confiance envers le système de justice<br />

Confiance envers le système de santé<br />

Confiance envers le système d'éducation<br />

Confiance envers le système d'aide sociale<br />

Confiance envers le gouvernement<br />

Participation aux dernières élections fédérales<br />

Participation aux dernières élections provinciales<br />

Participation aux dernières élections municipales ou locales<br />

Année précédente : membre ou participant d'un groupe religieux<br />

Assistance aux offices religieux<br />

Importance des croyances religieuses et spirituelles dans la façon de mener sa vie<br />

Année précédente : membre ou participant d'un autre type d'organisation<br />

Année précédente : bénévolat non rémunéré pour une organisation<br />

Nombre moyen d'heures de bénévolat par mois<br />

Année précédente : membre ou participant d'un groupe ou parti politique<br />

Année précédente : bénévolat pour un parti politique<br />

Mois précédent : a rendu service à un voisin<br />

Mois précédent : a obtenu un service d'un voisin<br />

Année précédente : a cherché de l'information de nature politique<br />

Année précédente : a exprimé son opinion en communiquant avec un journal ou un politicien<br />

Année précédente : a exprimé son opinion durant une réunion publique<br />

Mois précédent : a donné de l'aide (enseignement, coaching, conseil pratique)<br />

Confiance envers les banques<br />

Confiance envers les grandes sociétés<br />

Année précédente : membre ou participant d'une organisation sportive<br />

Fréquence de participation aux activités et réunions de groupe<br />

À l'école primaire ou secondaire, a participé à un sport d'équipe organisé<br />

Année précédente : a signé une pétition<br />

Année précédente : a participé à une manifestation ou à une marche<br />

Nombre de connaissances (autres que les parents et amis intimes)<br />

Mois précédent : fréquence de rencontre d'amis<br />

Année précédente : membre ou participant d'une organisation culturelle<br />

Année précédente : membre ou participant d'un groupe scolaire ou d'une association de quartier<br />

Confiance envers les gens d'affaires<br />

Année précédente : a fait un don d'argent ou de biens à une organisation ou œuvre de bienfaisance<br />

À l'école primaire ou secondaire, appartenait à un groupe de jeunes<br />

Année précédente : membre ou participant d'un syndicat ou d'une association professionnelle<br />

Année précédente : membre ou participant d'un club social ou d'une société fraternelle<br />

Fréquence de suivi des nouvelles et de l'actualité<br />

Confiance<br />

Confiance envers<br />

les institutions<br />

publiques<br />

Participation<br />

électorale<br />

Engagement<br />

religieux<br />

Bénévolat<br />

Participation à<br />

un parti politique<br />

Relations<br />

avec les voisins<br />

Engagement<br />

politique<br />

Confiance envers<br />

le secteur privé<br />

Participation à des<br />

activités récréatives<br />

Activisme politique<br />

informel<br />

Réseaux sociaux<br />

informels<br />

Engagement culturel<br />

et communautaire<br />

Dons (de temps<br />

et d'argent)<br />

Participation sociale<br />

par intérêt personnel<br />

Nos diverses cités 143


FIGURE 1 (SUITE À LA PAGE SUIVANTE)<br />

Dotations en capital social des autres provinces<br />

comparativement à l’Alberta, 2003 a<br />

Participation électorale<br />

0,1200<br />

0,1000<br />

0,0800<br />

0,0600<br />

0.0400<br />

0,0200<br />

0,0000<br />

-0,0200<br />

-0,0400<br />

-0,0600<br />

Confiance<br />

0,0800<br />

0,0600<br />

0,0400<br />

0,0200<br />

0,0000<br />

-0,0200<br />

-0,0400<br />

-0,0600<br />

-0,0800<br />

T.-N.-L. I.-P.-É. N.-É. N.-B. Qué. Ont. Man. Sask. C.-B.<br />

T.-N.-L. I.-P.-É. N.-É. N.-B. Qué. Ont. Man. Sask. C.-B.<br />

Confiance envers les institutions publiques<br />

0,2000<br />

0,1500<br />

0,1000<br />

0,0500<br />

0,0000<br />

-0,0500<br />

-0,1000<br />

T.-N.-L. I.-P.-É. N.-É. N.-B. Qué. Ont. Man. Sask. C.-B.<br />

Confiance envers les institutions privées<br />

0,0800<br />

0,0700<br />

0,0600<br />

0,0500<br />

0,0400<br />

0,0300<br />

0,0200<br />

0,0100<br />

0,0000<br />

T.-N.-L. I.-P.-É. N.-É. N.-B. Qué. Ont. Man. Sask. C.-B.<br />

144 Nos diverses cités<br />

menée au <strong>Canada</strong> en 2003. Cette dernière<br />

comprend les réponses de plus de 25 000<br />

Canadiens à un ensemble de questions touchant à<br />

l’engagement social, ce qui en fait une source de<br />

données extrêmement précieuse pour la recherche<br />

sur le capital social.<br />

Les différentes dimensions du capital social<br />

Le Tableau 1 présente les 15 dimensions du capital<br />

social ainsi que les variables associées à chacune<br />

d’elles (pour plus de détails sur les procédés<br />

techniques utilisés, voir Kazemipur, 2008a et<br />

2008b). Les catégories suivantes ont été utilisées<br />

pour faciliter l’analyse : 1) confiance; 2) confiance<br />

envers les institutions publiques; 3) participation<br />

électorale; 4) engagement religieux; 5) bénévolat;<br />

6) participation à un parti politique; 7) relations<br />

avec les voisins; 8) engagement politique;<br />

9) confiance envers le secteur privé; 10) parti -<br />

cipation à des activités récréatives; 11) activisme<br />

politique informel; 12) réseaux sociaux informels;<br />

13) en ga gement culturel et communautaire;<br />

14) dons (de temps et d’argent); 15) participation<br />

sociale par intérêt personnel.<br />

Le capital social dans les Prairies<br />

par rapport au reste du <strong>Canada</strong><br />

La Figure 1 présente le classement des provinces<br />

canadiennes au regard de sept des 15 dimensions<br />

susmentionnées. Il s’agit des dimensions pour<br />

lesquelles les différences entre les provinces<br />

étaient statistiquement significatives. Dans tous<br />

les graphiques, l’Alberta est utilisée comme point<br />

de référence en raison de sa situation parti culière,<br />

même à l’intérieur des Prairies. Tous les scores<br />

présentés reflètent donc la situation de chaque<br />

province en comparaison avec l’Alberta, les<br />

valeurs positives et négatives indiquant un<br />

excédent ou un déficit par rapport à l’Alberta. De<br />

plus, les deux autres provinces des Prairies, soit le<br />

Manitoba et la Saskatchewan, sont représentées<br />

par des bandes noires afin de faciliter la compa -<br />

raison des Prairies avec le reste du <strong>Canada</strong>.<br />

Les différents graphiques dans la Figure 1<br />

montrent une combinaison variée et intéressante.<br />

L’écart le plus marqué est lié à l’indice de<br />

participation électorale : toutes les provinces<br />

affichent un score visiblement supérieur à celui<br />

de l’Alberta, à l’exception de la Colombie-<br />

Britannique. La province qui se classe le plus<br />

près de l’Alberta quant à la fréquence de<br />

participation électorale est l’Ontario. Les scores<br />

relativement faibles enregistrés pour le Manitoba<br />

et la Saskatchewan, bien qu’ils leur donnent une


légère avance sur l’Alberta, témoignent d’un<br />

niveau globalement plus faible de participation<br />

électorale dans les Prairies. Une tendance similaire<br />

se dégage en ce qui concerne la confiance<br />

envers les institutions publiques et l’engagement<br />

politique, à l’exception du Québec, qui se situe le<br />

plus loin de l’Alberta pour la première dimension<br />

et le plus près pour la deuxième.<br />

Les scores pour la confiance sociale, les<br />

relations avec les voisins et l’engagement reli -<br />

gieux suivent une tendance similaire, l’Alberta<br />

accusant un retard évident sur toutes les autres<br />

provinces, à l’exception du Québec. Ce constat<br />

revêt une importance particulière, puisque la<br />

confiance sociale facilite le développement d’un<br />

cadre social sain et agréable, distinct des<br />

institutions officielles. La confiance envers les<br />

institutions privées constitue une troisième<br />

tendance; ici, l’Alberta obtient un score inférieur<br />

à celui de toutes les autres provinces. Ce résultat<br />

est inquié tant, compte tenu du rôle que jouent<br />

les institutions privées dans la croissance<br />

économique de l’Alberta.<br />

Diversité ethnique et confiance<br />

L’incidence de la diversité ethnoculturelle sur les<br />

sociétés d’accueil est un enjeu qui attire de plus en<br />

plus l’attention. La plupart des études confirment<br />

l’existence d’un lien négatif entre l’accroissement<br />

de la diversité et certaines dimensions du capital<br />

social, dont la confiance (voir Putnam, 2007; voir<br />

également Lloyd, 2006a et 2006b; Coffe et Geys,<br />

2006; Letki, 2008; Alesina et Ferrara, 2000 et<br />

2002; Leigh, 2006a et 2006b; Howe, Everitt et<br />

Desserud, 2006; Aizlewood et Pendakur, 2005;<br />

Kay et Johnston, 2007). Dans une étude anté -<br />

rieure, l’auteur a démontré que, sauf à Montréal<br />

où une grande diversité ethnique est associée à un<br />

niveau de confiance sociale extrêmement faible,<br />

dans toutes les autres villes canadiennes, un lien<br />

positif existe entre la confiance et la diversité<br />

ethnique (voir Kazemipur, 2006). La Figure 2<br />

illustre ce lien positif.<br />

Dans une étude plus récente (Kazemipur, 2008b),<br />

l’auteur a examiné quelques-unes des raisons<br />

possibles de cette « exception montréalaise » et a<br />

conclu que le faible niveau de confiance semble lié<br />

aux interactions sociales limitées entre les per -<br />

sonnes d’origines ethniques différentes. Dans le cas<br />

de Montréal, par exemple, cette combinaison inha -<br />

bituelle de grande diversité ethnique et de faible<br />

confiance serait attribuable à l’importante ségré -<br />

gation résidentielle des groupes ethniques. Quand<br />

la ségrégation est présente, la diversité existante ne<br />

FIGURE 1 (SUITE)<br />

Dotations en capital social des autres provinces<br />

comparativement à l’Alberta, 2003 a<br />

Engagement politique<br />

0,0400<br />

0,0350<br />

0,0300<br />

0,0250<br />

0,0200<br />

0,0150<br />

0,0100<br />

0,0050<br />

0,0000<br />

-0,0050<br />

T.-N.-L. I.-P.-É. N.-É. N.-B. Qué. Ont. Man. Sask. C.-B.<br />

Engagement religieux<br />

0,1000<br />

0,0800<br />

0,0600<br />

0,0400<br />

0,0200<br />

0,0000<br />

-0,0200<br />

-0,0400<br />

-0,0600<br />

-0,0800<br />

-0,1000<br />

T.-N.-L. I.-P.-É. N.-É. N.-B. Qué. Ont. Man. Sask. C.-B.<br />

Relations avec les voisins<br />

0,1500<br />

0,1000<br />

0,0500<br />

0,0000<br />

-0,0500<br />

-0,1000<br />

-0,1500<br />

T.-N.-L. I.-P.-É. N.-É. N.-B. Qué. Ont. Man. Sask. C.-B.<br />

a L’Alberta sert de point de référence dans tous les graphiques.<br />

Source : Calculs de l’auteur basés sur l’Enquête sociale générale (2003)<br />

et sur le Recensement du <strong>Canada</strong> (2001).<br />

peut se traduire en interactions sociales et, par<br />

consé quent, le développement de la confiance<br />

entre individus de différentes origines ethniques<br />

différentes pourra être particulièrement lent.<br />

Le lien entre la confiance et la diversité dans<br />

les Prairies est illustré à la Figure 3. La tendance<br />

est représentée par un lien positif jusqu’à un<br />

certain degré de diversité et une association<br />

négative à partir de ce point. Cette tendance dite<br />

curviligne signale un changement possible dans<br />

l’environnement social et dans la nature des<br />

Nos diverses cités 145


FIGURE 2<br />

Niveau de confiance selon la diversité ethnique, villes canadiennes, 2003<br />

% de personnes croyant<br />

« qu’on peut faire confiance<br />

à la plupart des gens »<br />

80<br />

70<br />

60<br />

50<br />

40<br />

30<br />

20<br />

10<br />

0<br />

0,00 0,10 0,20 0,30 0,40 0,50 0,60 0,70 0,80 0,90 1,00<br />

liens entre les résidants d’une ville, par suite<br />

d’une croissance rapide de la diversité. Blalock<br />

(1967) avait déjà observé une tendance similaire<br />

pour les opinions des résidants blancs de<br />

quartiers américains face à l’augmentation du<br />

nombre de résidants noirs (voir également<br />

Fox, 2004; Glaser, 1994). Ces chercheurs avaient<br />

attribué ce changement à une menace perçue, de<br />

la part des Blancs, contre leur mode de vie.<br />

Bien que le nombre restreint de villes incluses<br />

dans l’analyse ne permette pas de tirer une<br />

conclusion définitive quant à l’existence d’une<br />

tendance particulière pour les Prairies, la présence<br />

d’une telle tendance permet certainement de se<br />

faire une meilleure idée de la situation globale<br />

au <strong>Canada</strong>.<br />

Répercussions sur les politiques<br />

La stabilité économique relative des provinces<br />

des Prairies exerce un attrait certain sur les<br />

Indice de diversité ethnique<br />

Source : Calculs de l’auteur basés sur l’Enquête sociale générale (2003) et sur le Recensement du <strong>Canada</strong> (2001).<br />

FIGURE 3<br />

Niveau de confiance selon la diversité ethnique, villes des Prairies, 2003<br />

% de personnes croyant<br />

« qu’on peut faire confiance<br />

à la plupart des gens »<br />

72<br />

70<br />

68<br />

66<br />

64<br />

62<br />

60<br />

146 Nos diverses cités<br />

0,80 0,82 0,84 0,86 0,88 0,90 0,92 0,94 0,96<br />

Indice de diversité ethnique<br />

Source : Calculs de l’auteur basés sur l’Enquête sociale générale (2003) et sur le Recensement du <strong>Canada</strong> (2001).<br />

immigrants, tant au niveau local qu’à l’étranger.<br />

Comme l’indiquent les résultats de cette analyse<br />

préliminaire, l’environnement social de ces<br />

provinces ne semble toutefois pas particulière -<br />

ment prêt à accueillir ces nouveaux habitants.<br />

L’état du capital social, par exemple, est le plus<br />

inquiétant en Alberta, qui affiche la croissance la<br />

plus rapide dans la région. Aussi conviendraitil<br />

d’accorder une attention particulière, et un<br />

investissement substantiel, dans l’infrastructure<br />

sociale. L’accroissement de la diversité ethnique<br />

dans les villes des Prairies, tendance qui se<br />

poursuivra compte tenu des courants d’immi -<br />

gration actuels, semble entraîner également un<br />

fléchissement du niveau de confiance, contrai -<br />

rement à la tendance générale observée<br />

dans d’autres villes canadiennes. La réaction<br />

défavorable à l’égard des immigrants soudanais<br />

dans la ville de Brooks, en Alberta, est une<br />

manifestation récente du genre de problèmes


qui peuvent éclater quand on néglige d’investir<br />

dans la préparation sociale des communautés<br />

de cette région. Il faudrait mieux comprendre<br />

ce problème dans les Prairies – grâce à des<br />

recherches approfondies et plus ciblées – afin que<br />

la prospérité économique future de cette région ne<br />

soit pas entravée par son capital social déficitaire.<br />

À propos de l’auteur<br />

ABDIE KAZEMIPUR est professeur agrégé de sociologie<br />

à la University of Lethbridge. Il étudie les expériences des<br />

minorités ethniques et des immigrants au <strong>Canada</strong>, ainsi<br />

que les tendances socioculturelles au Moyen-Orient. Ses<br />

plus récents ouvrages sont Generation X: A Sociological<br />

Account of the Iranian Youth (2008) et Social Capital and<br />

Diversity: Some Lessons from <strong>Canada</strong> (2008). Il dirige<br />

actuellement des recherches sur l’intégration des<br />

immigrants musulmans au <strong>Canada</strong>.<br />

Références<br />

Aizlewood, A., et R. Pendakur, 2005. « Ethnicity and Social<br />

Capital in <strong>Canada</strong> », Études ethniques au <strong>Canada</strong> /<br />

Canadian Ethnic Studies, vol. 37, no 2, p. 77-102.<br />

———. 2007. « Ethnicity and Social Capital in <strong>Canada</strong> », dans<br />

F. M. Kay et R. Johnston (dir.), Social Capital, Diversity and<br />

the Welfare State, Vancouver, UBC Press, p. 169-198.<br />

Alesina, A., et E. La Ferrara. 2000. « Participation in<br />

Heterogeneous Communities », The Quarterly Journal<br />

of Economics (août), p. 847-904.<br />

———. 2002. « Who Trusts Others? », Journal of Public<br />

Economics, vol. 85, p. 207-234.<br />

Blalock, H. M. Jr. 1967. Toward a Theory of Minority-Group<br />

Relations, New York, John Wiley and Sons, Inc.<br />

Coffe, H., et B. Geys. 2006. « Community Heterogeneity:<br />

A Burden for the Creation of Social Capital? », Social<br />

Science Quarterly, vol. 87, no 1, p. 1053-1072.<br />

Fox, C. 2004. « The Changing Color of Welfare? How Whites’<br />

Attitudes Toward Latinos Influence Support for Welfare »,<br />

American Journal of Sociology, vol. 110, no 3, p. 580-625.<br />

Glaser, J. M. 1994. « Back to the Black Belt: Racial<br />

Environment and White Racial Attitudes in the South »,<br />

The Journal of Politics, vol. 56, n o 1, p. 21-41.<br />

Howe, P., J. Everitt, et D. Desserud. 2006. « Social Capital<br />

and Ethnic Harmony: Evidence from the New Brunswick<br />

Case », Études ethniques au <strong>Canada</strong> / Canadian Ethnic<br />

Studies, vol. 38, n o 3, p. 37-57.<br />

Kay, F. M., et. R. Johnston (dir.). 2007. Social Capital,<br />

Diversity and the Welfare State, Vancouver, UBC press.<br />

Kazemipur, A. 2006. « A Canadian Exceptionalism: Trust<br />

and Diversity in Canadian Cities », Revue de l’intégration et<br />

de la migration internationale / Journal of International<br />

Migration and Integration, vol. 7, n o 2, p. 219-240.<br />

———. 2008a. « Social Capital Profiles: Immigrants and the<br />

Native-Born in <strong>Canada</strong> », Centre <strong>Metropolis</strong> des Prairies,<br />

document de travail WP02-08.<br />

———. 2008b. Social Capital and Diversity: Some Lessons<br />

from <strong>Canada</strong>, Bern, Peter Lang AG.<br />

Leigh, A. 2006a. « Diversity, Trust and Redistribution »,<br />

Dialogue, vol. 25, n o 3, p. 43-49.<br />

———. 2006b. « Trust, Inequality and Ethnic Heterogeneity »,<br />

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Letki, N. 2008. « Does Diversity Erode Social Cohesion?<br />

Social Capital and Race in British Neighbourhoods »,<br />

Political Studies, vol. 56, n o 3.<br />

Lloyd, J. 2006a. « Research Shows Disturbing Picture of<br />

Modern Life », Financial Times (en ligne). Consulté le<br />

8 octobre 2008 à l’adresse .<br />

———. 2006b. « Harvard Study Paints Bleak Picture of Ethnic<br />

Diversity », Financial Times (en ligne). Consulté le 8 octobre<br />

2008 à l’adresse .<br />

Putnam, R. D. 2007. « E Pluribus Unum: Diversity and<br />

Community in the Twenty-First Century », Scandinavian<br />

Political Studies, vol. 30, n o 2, p. 137-174.<br />

Nos diverses cités 147


S’appuyant sur des entrevues tenues avec des représentants de programmes d’établissement<br />

des immigrants et sur des discussions en groupe auxquelles ont participé une trentaine de<br />

Philippines dans le sud de l’Alberta, le présent article donne un aperçu des services de<br />

transition et du soutien que les aides familiales résidantes d’origine philippine obtiennent au<br />

<strong>Canada</strong> ainsi que de leur utilisation des services offerts par le gouvernement philippin.<br />

De travailleuses temporaires<br />

à résidentes permanentes<br />

Services de transition pour les aides familiales<br />

résidantes d’origine philippine dans le<br />

sud de l’Alberta *<br />

GLENDA LYNNA ANNE TIBE BONIFACIO<br />

University of Lethbridge<br />

148 Nos diverses cités<br />

Entre 1981 et 2004, quelque 90 000 femmes<br />

philippines sont venues au <strong>Canada</strong> à titre d’aides<br />

familiales résidantes (POEA, 2004) et en 2006,<br />

parmi les 6 895 aides familiaux résidants<br />

admis au pays par Citoyenneté et Immigration<br />

<strong>Canada</strong> (CIC, 2007), 77 % étaient originaires<br />

des Philippines (Abano, 2007). Province la plus<br />

prospère du <strong>Canada</strong>, l’Alberta a attiré en 2007<br />

une bonne part des 49 309 travailleurs étrangers<br />

temporaires philippins venus au pays, dont<br />

de nombreux aides familiaux (Uy, 2008).<br />

Ce nombre devrait encore augmenter par suite<br />

de la signature, en octobre 2008, d’un nouveau<br />

protocole d’entente entre Marianito Roque,<br />

secrétaire du Travail des Philippines, et<br />

Hector Goudreau, ministre de l’Emploi et de<br />

l’Immigration de l’Alberta (Jaymalin, 2008).<br />

La ville de Calgary, dans le sud de l’Alberta,<br />

se classe au quatrième rang des destinations<br />

de choix des immigrants au <strong>Canada</strong> (Alberta<br />

* Cet article est une version révisée d’un article antérieur publié<br />

par l’auteure sous le titre « I Care for You, Who Cares for Me?<br />

Transitional Services for Filipino Live-in Caregivers in <strong>Canada</strong> »<br />

dans Asian Women: Gender Issues in International Migration,<br />

vol. 24, n o 1, p. 25-50.<br />

Finance and Enterprise, 2008). Avec une<br />

économie forte soutenue par l’industrie pétrolière<br />

et gazière, l’Alberta compte un certain nombre de<br />

ménages de classe moyenne qui recrutent<br />

des aides familiales résidantes d’origine<br />

philippine pour prendre soin de leurs enfants,<br />

des aînés, des malades et des personnes ayant<br />

une déficience physique.<br />

Bien que l’admission des aides familiaux<br />

résidants (AFR) soit facilitée par un visa<br />

de résident temporaire assorti de conditions<br />

strictes dans le cadre du Programme concernant<br />

les aides familiaux résidants (PAFR), certains<br />

y voient une porte d’accès à la résidence<br />

permanente et, éventuellement, à la citoyenneté.<br />

La transition de travailleur temporaire à<br />

résident permanent semble être une étape<br />

cruciale, surtout pour les femmes philippines<br />

qui prévoient le parrainage, l’établissement<br />

et l’intégration de leur famille dans la<br />

société canadienne.<br />

Lorsqu’une AFR a rempli les conditions du<br />

PAFR et qu’elle amorce sa transition vers la<br />

résidence permanente, quels services peut-elle<br />

s’attendre à recevoir des organisations d’aide


aux immigrants et d’autres organismes commu -<br />

nautaires ? S’appuyant sur des entrevues tenues<br />

avec des représentants de programmes<br />

d’établissement des immigrants et sur des<br />

discussions en groupe auxquelles ont participé<br />

une trentaine de Philippines dans le sud de<br />

l’Alberta en 2006 et 2007 sous les auspices du<br />

Centre <strong>Metropolis</strong> des Prairies, le présent article<br />

donne un aperçu des services de transition et du<br />

soutien que ces femmes obtiennent au <strong>Canada</strong><br />

ainsi que de leur utilisation des services offerts<br />

par le gouvernement philippin. La première<br />

partie présente les types de services offerts aux<br />

nouveaux arrivants au <strong>Canada</strong> et leur utilisation<br />

par les AFR philippines dans le sud de l’Alberta.<br />

La deuxième partie s’intéresse au point de vue<br />

de ces femmes concernant les sources de soutien<br />

et de services existant dans la collectivité.<br />

La troisième partie résume enfin le rôle du<br />

gouvernement des Philippines dans la vie des<br />

AFR au <strong>Canada</strong>.<br />

Services pour les nouveaux arrivants<br />

Les services font partie intégrante de l’établis -<br />

sement des nouveaux arrivants (Omidvar et<br />

Richmond, 2003). S’inscrivant dans une longue<br />

histoire d’immigration au <strong>Canada</strong>, les services<br />

aux nouveaux arrivants sont dispensés par des<br />

organismes gouvernementaux et non gouver -<br />

nementaux et forment un programme essentiel<br />

qui vise à optimiser la contribution des étrangers<br />

à la société canadienne en tant que travailleurs<br />

et citoyens. Dans les années 1970, les organismes<br />

d’aide aux immigrants installés dans différentes<br />

collectivités au <strong>Canada</strong> ont été désignés comme<br />

organismes de première ligne afin de les aider<br />

à surmonter les obstacles d’une société multi -<br />

culturelle en croissance (Holder, 1998).<br />

L’emplacement et les types de services offerts<br />

par les organismes d’établissement déterminent<br />

la mesure dans laquelle ils sont utilisés<br />

efficacement par les immigrants. Une carte<br />

géographique (Truelove, 2000) montrant<br />

l’emplacement des fournisseurs de services aux<br />

immigrants à Toronto révèle une forte<br />

concentration d’organismes à proximité des<br />

routes de transport. Bien qu’on trouve des<br />

services sociaux pour les nouveaux arrivants<br />

dans les régions métropolitaines de Recensement<br />

et les villes de taille moyenne du <strong>Canada</strong>,<br />

des études révèlent que des obstacles – comme<br />

la langue, le manque de sensibilisation aux<br />

différences culturelles dans la prestation<br />

des services, le manque d’information et les<br />

contraintes financières – empêchent nombre<br />

d’immigrants d’utiliser les ressources présentes<br />

dans leur collectivité (Guo, 2006). Par conséquent,<br />

les organisations ethniques comblent l’écart au<br />

chapitre du service en offrant des programmes<br />

adaptés aux différentes cultures.<br />

Les services communautaires pour les<br />

immigrants au <strong>Canada</strong>, selon Ng (1988, p. 89),<br />

reflètent souvent la façon dont l’État reproduit<br />

les rapports de force, particulièrement dans les<br />

rapports entre les gens. Les types de services<br />

offerts aux immigrants tendent à confiner<br />

ces derniers dans certains secteurs d’activités;<br />

ceux qui ne font pas partie des structures de<br />

programme établies, comme les travailleurs<br />

étrangers temporaires ou les aides familiaux<br />

résidants, demeurent des agents de changement<br />

dont l’expérience d’immigration est invisible.<br />

Le PAFR crée un bassin de travailleurs qui<br />

évoluent progressivement entre deux statuts<br />

opposés dans le régime canadien, passant de<br />

non-citoyens à citoyens. Ce changement de<br />

statut requiert nécessairement une transition<br />

pendant laquelle différents agents de l’État<br />

et de la société civile fournissent des services.<br />

Comme les travailleurs étrangers contribuent<br />

à l’économie de la société hôte, les États<br />

ont l’obligation morale de les aider, selon Bell<br />

(2001, p. 26), « à prendre le chemin menant à<br />

la citoyenneté » 1 .<br />

Dans le sud de l’Alberta, les immigrants ont<br />

principalement accès aux services suivants :<br />

information et orientation, interprétation et<br />

traduction, aiguillage vers des organismes<br />

communautaires, services de soutien, campagnes<br />

de sensibilisation du public et autres initiatives<br />

communautaires portant sur divers aspects de<br />

la vie au <strong>Canada</strong> (LIS, 2005). Néanmoins, les<br />

services d’établissement sont clairement conçus<br />

pour les immigrants et les réfugiés, et ne<br />

s’adressent pas, en général, aux travailleurs<br />

étrangers temporaires. Les AFR sont considérés<br />

comme des immigrants économiques, l’une des<br />

trois principales catégories de clients (avec<br />

les réfugiés et les nouveaux arrivants de la<br />

catégorie du regroupement familial) aux fins du<br />

Programme d’établissement et d’adaptation des<br />

immigrants (PEAI) et devraient donc, à ce titre,<br />

avoir accès aux services d’établissement, offerts<br />

tant par des organismes privés que publics (CIC,<br />

2005; CIC, s.d.). Selon un représentant de<br />

1<br />

Note : Toutes les citations dans cet article sont des traductions<br />

de l’anglais.<br />

Nos diverses cités 149


Les participantes à l’étude [...] ont aussi révélé que la plupart de celles<br />

qui ont perdu leur emploi quelques mois après le début du PAFR n’ont<br />

pas eu droit à l’assurance-emploi. Aucune n’était au courant des<br />

services d’hébergement temporaire offerts par le gouvernement.<br />

150 Nos diverses cités<br />

l’organisme Lethbridge Immigrant Services, les<br />

AFR « ont droit aux mêmes services que tout autre<br />

étranger au <strong>Canada</strong>, c’est-à-dire à une suite<br />

complète de programmes, rensei gnements et<br />

services d’orientation touchant pratiquement tous<br />

les aspects de la vie dans la collectivité ». Au cours<br />

des cinq dernières années, pourtant, aucune AFR<br />

philippine ni aucune famille de ce groupe n’ont<br />

reçu quelque forme de service que ce soit en lien<br />

avec leur établissement à Lethbridge.<br />

Selon la Saamis Immigration Services<br />

Association (SISA) de Medicine Hat, les ententes<br />

passées entre les gouvernements fédéral et<br />

provincial et les organismes d’établissement<br />

définissent l’admissibilité des clients aux<br />

programmes et aux services. Les AFR philippines<br />

à Medicine Hat n’utilisent pas les programmes et<br />

services offerts par la SISA, sans doute parce<br />

qu’elles maîtrisent déjà suffisamment l’anglais.<br />

Comme l’indiquait le représentant de la SISA,<br />

« si elles viennent par elles-mêmes et possèdent<br />

des compétences linguistiques, elles peuvent<br />

obtenir les services dont elles ont besoin sans<br />

demander notre aide ou une recommandation ».<br />

Dans la ville de Brooks, le Global Friendship<br />

Immigration Centre (GFIC) existe depuis cinq ans<br />

et sert principalement des réfugiés originaires<br />

d’Afrique, dont plusieurs ont entrepris une<br />

migration secondaire pour venir travailler à<br />

Lakeside Packers. Comme le financement de<br />

l’organisme a été récemment réduit, l’aiguillage est<br />

le principal service d’établissement offert. Même si<br />

Brooks devient également le lieu de travail<br />

secondaire d’anciennes AFR, une seule femme<br />

philippine s’est présentée au centre d’immi gration,<br />

ce qui constituait un fait très rare, selon le<br />

représentant du GFIC. Dans ce cas, l’employeur<br />

avait contacté le centre pour s’informer des<br />

services qu’il était en mesure d’offrir à l’aide<br />

familiale, et avait même fait un don en argent.<br />

Comparativement à d’autres villes du sud de<br />

l’Alberta, Calgary offre à nombre d’anciens AFR<br />

plus de débouchés d’emploi à meilleur salaire.<br />

En fait, toutes les AFR ayant participé à l’étude<br />

ont quitté les régions rurales pour accepter<br />

du travail à Calgary. En date de novembre 2006,<br />

les principaux programmes offerts par la Calgary<br />

Catholic Immigration Society (CCIS), l’un des neuf<br />

organismes d’aide aux immigrants existant à<br />

Calgary, couvraient les secteurs suivants : services<br />

aux entreprises, placement et formation; inté -<br />

gration et développement communautaire;<br />

réinstallation et intégration; services à la<br />

famille et à l’enfance. En particulier, les services<br />

d’établissement et d’intégration incluent un<br />

programme d’accueil à l’aéroport et de don de<br />

vêtements, un programme de services intégrés,<br />

le Margaret Chisholm Resettlement Centre, un<br />

programme d’aide à l’établissement et un<br />

programme de soins de santé. Le nombre de<br />

Philippins qui utilisent ces programmes et services<br />

est assez faible, selon le représentant de la CCIS.<br />

Les Philippines sollicitent habi tuellement les<br />

services du Centre lorsque leur contrat de travail<br />

comme AFR est terminé et qu’elles ont déjà obtenu<br />

la résidence permanente. Comme le mentionnait<br />

un représentant de la CCIS, ces femmes utilisent<br />

« quelques-uns de nos programmes de formation<br />

en cours d’emploi et d’orientation professionnelle;<br />

elles viennent parfois postuler parce que nous<br />

exploitons deux garderies et que la plupart<br />

d’entre elles peuvent travailler comme éducatrices<br />

autorisées ». Cependant, la faible participation des<br />

Philippins en général et des AFR en particulier<br />

incite à s’interroger sur la pertinence des<br />

programmes et services offerts pendant le contrat<br />

de travail de deux ans et par la suite.<br />

Le droit d’accès aux services d’établissement<br />

est déterminé par le nombre d’années passées au<br />

<strong>Canada</strong>. Le représentant de la CCIS explique que<br />

« selon la règle, nous pouvons servir les personnes<br />

pendant leurs deux premières années au <strong>Canada</strong>,<br />

et nous devons limiter le pourcentage de<br />

personnes qui n’ont pas la résidence permanente ».<br />

Ainsi, l’AFR qui a passé ses deux premières<br />

années au <strong>Canada</strong> dans une situation de travail<br />

contraignante ne serait pas admissible.<br />

Si les programmes d’établissement et les services<br />

connexes sont bien implantés dans les villes, on<br />

n’en trouve aucun dans les petites localités<br />

comme Cardston, High River et Picture Butte. Par<br />

ailleurs, ces régions n’offrent pas de transport


public. L’information sur l’éta blis sement provient<br />

apparemment des bibliothèques publiques.<br />

Les aides familiales résidantes philippines<br />

et les services communautaires<br />

De Picture Butte à Calgary, aucune AFR philippine<br />

faisant partie du groupe d’étude n’a eu recours<br />

aux organismes d’établissement pendant la<br />

période de contrat du PAFR. Parmi les facteurs en<br />

cause, signalons le manque flagrant d’information<br />

sur les services offerts dans la collectivité et<br />

l’isolement relatif inhérent à la nature de cet<br />

emploi. Par exemple, les AFR travaillent habituel -<br />

lement pendant les heures normales du lundi<br />

au vendredi, ce qui coïncide avec les heures<br />

d’ouverture de nombreux organismes.<br />

Si ce n’est auprès des fournisseurs de services<br />

aux immigrants, où ces femmes peuvent-elles<br />

obtenir de l’aide dans la collectivité ? Quatre<br />

sources principales de services et de soutien<br />

s’offrent aux AFR philippines dans le sud de<br />

l’Alberta : la famille et les amis, les associations<br />

philippines, les agences de recrutement et les<br />

organismes confessionnels.<br />

Famille et amis<br />

Des amitiés sont nouées avec d’autres AFR<br />

philippines rencontrées dans des lieux publics tels<br />

qu’un centre commercial, un parc, une école ou<br />

une église, ou avec des Philippins dont les noms<br />

et coordonnées ont été obtenus avant leur<br />

immigration. Les associations philippines orga -<br />

nisent également des réunions de fraternisation.<br />

Le réseau social informel formé par les proches et<br />

les amis semble être la « façon courante » pour les<br />

femmes immigrantes d’obtenir accès aux services<br />

existant dans la collectivité (Neufeld et coll., 2001,<br />

p. 13). Celles qui doivent trouver rapidement un<br />

logement et un soutien financier par suite de la<br />

résiliation soudaine d’un contrat de travail ou qui<br />

attendent la délivrance d’un autre permis de<br />

travail se tournent d’abord vers leur petit cercle<br />

d’amis dans la collectivité. Les Philippins adhèrent<br />

à une valeur fondamentale (ou trait de person -<br />

nalité) appelée kapwa (un semblable) qui définit<br />

leurs relations sociales (Marcelino, 1990). On verra<br />

donc, dans la diaspora, des Philippins faire preuve<br />

de bienveillance, ou pakikipagkapwa (Aquino,<br />

2004), à l’égard de leurs compatriotes qui sont<br />

dans le besoin.<br />

Associations philippines<br />

Témoignant de la croissance de la communauté<br />

philippine au <strong>Canada</strong>, des associations philippines<br />

voient le jour dans les grandes villes et localités<br />

et sont plus ou moins structurées en fonction<br />

de la région, de la religion, du dialecte, d’intérêts<br />

commerciaux ou sportifs, entre autres (Silva,<br />

2006). À Calgary, le Filipino 2004 Telephone<br />

Guide contenait 38 associations philippines.<br />

Celles qui sont établies à Calgary et à Lethbridge,<br />

cependant, n’offrent pas de services comme tels<br />

aux AFR. La plupart organisent des rencontres<br />

sociales qui permettent aux Philippins de former<br />

de nouvelles amitiés et de renouer des liens qui<br />

ont été brisés en quittant leur pays.<br />

Agences de recrutement<br />

Les agences de recrutement offrent du soutien<br />

pour la recherche d’emploi dans le cas où le<br />

premier contrat de travail est dissous en raison<br />

d’un décès, d’une mise à pied, de conditions<br />

abusives ou autre. Cependant, ces agences<br />

n’offrent aucune forme d’aide en cas de difficulté<br />

pendant les deux années de travail comme AFR.<br />

Les AFR philippines peuvent néanmoins compter<br />

sur les amis, qui proviennent souvent de la même<br />

agence, et sur la famille pour leur venir en aide.<br />

Églises et organismes confessionnels<br />

Dans la diaspora philippine, l’église symbolise la<br />

continuité des mœurs culturelles, comme la messe<br />

du dimanche pour nombre de catholiques. L’église<br />

est aussi un lieu où rencontrer un kababayan<br />

(compatriote philippin) en terre étrangère. Les<br />

églises catholiques romaines deviennent des<br />

centres d’interaction sociale pour de nombreux<br />

Philippins. Dans les endroits où il n’y a pas d’église<br />

catholique, certaines femmes établies dans les<br />

collectivités rurales voient en la croix chrétienne<br />

une invitation à rencontrer d’autres Canadiens.<br />

L’église, comme les centres commerciaux et les<br />

bibliothèques, fait partie des lieux publics qui sont<br />

ouverts durant le congé de fin de semaine.<br />

La spiritualité philippine devient une source<br />

d’aide face aux incertitudes de la vie au<br />

<strong>Canada</strong>. Shimabukuro, Daniels et D’Andrea<br />

(1999) ont examiné la façon dont les traditions<br />

et les croyances spirituelles influent sur le<br />

développement psychologique des membres<br />

des communautés ethniques. Dans le cas des<br />

AFR philippines, les manifestations spirituelles,<br />

comme le fait d’assister à une messe, préservent<br />

la dimension culturelle et le connu.<br />

Recours personnel<br />

Tandis que les AFR philippines participant à<br />

l’étude ont principalement recherché le soutien<br />

Nos diverses cités 151


152 Nos diverses cités<br />

d’amis et de proches pendant la transition de<br />

travailleuses temporaires à résidentes perma -<br />

nentes, et lors de difficultés éprouvées dans le<br />

cadre du PAFR, plus de la moitié d’entre elles se<br />

sont fiées à l’information reçue au point d’entrée<br />

au <strong>Canada</strong>. Celles qui sont arrivées à Vancouver et<br />

à Toronto ont reçu une trousse de documentation<br />

sur l’établissement au <strong>Canada</strong> contenant une<br />

liste d’organismes gouvernementaux et de<br />

coordonnées pour obtenir des services de tous<br />

genres (par exemple, soins de santé ou impôt).<br />

Mais les connaissances sont difficiles à mettre<br />

en pratique. De nombreuses AFR d’origine<br />

philippine ont exprimé leur déception face à<br />

l’inefficacité des numéros sans frais gouver -<br />

nementaux, ayant essayé pendant plus de cinq<br />

minutes de comprendre les choix proposés par un<br />

système automatisé plutôt que par une personne.<br />

En désespoir de cause, elles ont dû demander<br />

l’aide d’amis et de parents dans la collectivité.<br />

Celles qui n’avaient pas de proches à contacter<br />

devaient essayer de trouver des groupes sociaux<br />

pour résoudre leurs problèmes, surtout pour traiter<br />

avec des employeurs exploiteurs ou lorsqu’elles se<br />

retrouvaient sans employeur pendant la période<br />

de validité du PAFR. De façon générale, les<br />

participantes à l’étude croient que les organismes<br />

gouvernementaux ne sont pas en mesure de<br />

fournir une assistance immédiate pour l’héber -<br />

gement et le soutien du revenu en cas de rupture<br />

du contrat de travail. Elles ont aussi révélé que<br />

la plupart de celles qui ont perdu leur emploi<br />

quelques mois après le début du PAFR n’ont pas<br />

eu droit à l’assurance-emploi. Aucune n’était au<br />

courant des services d’hébergement temporaire<br />

offerts par le gouvernement.<br />

Rôle du gouvernement des Philippines<br />

Aux Philippines, un atelier obligatoire d’orien -<br />

tation avant le départ garantit que tous les<br />

Philippins qui vont travailler à l’étranger ont<br />

une connaissance de la « culture ainsi que des<br />

conditions de vie et de travail » (Rodriguez,<br />

2005; DFA, 2004) des pays de destination, dont<br />

le <strong>Canada</strong>. En date de février 2006, la Overseas<br />

Workers Welfare Administration (OWWA)<br />

supervisait l’orientation sur les sujets suivants :<br />

« règlement sur les voyages, procédures<br />

d’immigration, différences culturelles, questions<br />

relatives à l’établissement, questions relatives<br />

à l’emploi et à la sécurité sociale, droits et<br />

obligations des immigrants philippins » (CFO,<br />

2007). L’atelier d’orientation semble avoir une<br />

portée générale tandis que certaines agences<br />

privées offrent des programmes adaptés aux<br />

pays de destination et axés sur les attributs<br />

comportementaux des travailleurs philippins, en<br />

particulier pour « discipliner les Philippines »<br />

(Rodriguez, 2005, p. 20) dans les pays étrangers<br />

ou enseigner comment projeter une bonne image<br />

du travailleur philippin dans la société hôte.<br />

Pendant l’affectation à l’étranger, que ce<br />

soit au <strong>Canada</strong> ou ailleurs, les travailleurs<br />

temporaires philippins se trouvent princi -<br />

palement sous la protection de la OWWA par<br />

le truchement de ses services « centraux », du<br />

programme de rapatrie ment et du régime de<br />

protection des travailleurs (Agunias et Ruiz,<br />

2007, p. 14). Un service d’aide juridique pour les<br />

travailleurs philippins à l’étranger a été mis sur<br />

pied en 2006 dans certains pays. On ne trouve<br />

cependant aucun bureau en Amérique du Nord.<br />

Les bureaux internationaux sont principalement<br />

situés en Asie et au Moyen-Orient, ainsi qu’à<br />

quelques endroits en Europe, et on les trouve<br />

généralement dans les États qui accueillent des<br />

travailleurs temporaires. En comparaison, le<br />

<strong>Canada</strong> est un pays d’accueil traditionnel pour<br />

les Philippins.<br />

La prestation de services gouvernementaux aux<br />

AFR au <strong>Canada</strong> dépend de leur inscription<br />

officielle auprès des agences philippines appro -<br />

priées. La situation se complique lorsque les AFR<br />

arrivent d’un pays tiers comme Singapour ou<br />

Taïwan et n’ont pas pu enregistrer leur migration<br />

secondaire au <strong>Canada</strong> après leur départ des<br />

Philippines. Même ceux qui sont inscrits ne savent<br />

pas à quel service s’attendre du gouvernement<br />

philippin. Wickramasekera (2002, p. 28) constate<br />

qu’un pays source « peut difficilement aider ses<br />

travailleurs à l’étranger ». En général, le gouver -<br />

nement philippin est incapable de défendre les<br />

droits de ses citoyens à l’étranger (Parreñas, 2001).<br />

Les principaux services offerts aux AFR<br />

au <strong>Canada</strong> concernent l’administration des<br />

passeports et le règlement d’autres exigences<br />

bureaucratiques pour les citoyens philippins.<br />

D’après le consul général honoraire à Calgary,<br />

interviewé en 2006, l’aide fournie aux AFR porte<br />

sur « la présentation des documents », y compris<br />

pour l’authentification. Le bureau du consulat<br />

général honoraire est toutefois intervenu pour<br />

des AFR qui, ayant enfreint les dispositions du<br />

PAFR, ont été expulsés. Comme le gouvernement<br />

philippin n’a pas les ressources financières pour<br />

engager des avocats chargés de représenter les<br />

AFR ayant des démêlés avec la justice dans le sud<br />

de l’Alberta, le consulat général à Calgary peut


seulement recommander un avocat. Au moment<br />

de l’entrevue, le bureau consulaire à Calgary était<br />

administré par une société privée qui appartient<br />

au Consulat général honoraire et dont le<br />

personnel offre des services administratifs aux<br />

Philippins sur rendez-vous seulement.<br />

Conclusion<br />

Les AFR d’origine philippine se lancent sur un<br />

chemin souvent ardu pour devenir citoyens.<br />

Cependant, les services de transition utilisés par<br />

les AFR dans le sud de l’Alberta démontrent le<br />

manque de pertinence des programmes unifor -<br />

misés d’établissement et d’intégration offerts<br />

par les organismes d’aide aux immigrants. Par<br />

exemple, leur admission au <strong>Canada</strong> dans le cadre<br />

du PAFR suppose une connaissance de l’anglais.<br />

Le fait qu’aucune femme philippine du groupe<br />

d’étude n’ait demandé l’aide d’organismes<br />

d’établissement révèle un manque de services<br />

adaptés aux besoins particuliers de ce groupe. Les<br />

programmes et les services disponibles sont établis<br />

en fonction d’un type d’immigrant qui n’est<br />

pas nécessairement représentatif des besoins<br />

particuliers des aides familiaux résidants.<br />

Il y a un manque flagrant de communication<br />

entre tous les participants du PAFR : le gouver -<br />

nement, les agences de recrutement privées, les<br />

employeurs et les AFR philippines. Ces femmes<br />

reçoivent une formation avant leur départ des<br />

Philippines, tandis que leurs employeurs cana -<br />

diens ne reçoivent pas, en général, d’orientation<br />

adéquate au sujet des rôles, des droits et des<br />

obligations des AFR. Ces dernières sont admises<br />

dans le cadre d’une initiative fédérale, et leurs<br />

services sont cruciaux dans le quotidien de<br />

nombreuses familles canadiennes de classe<br />

moyenne. Par conséquent, il faudrait créer des<br />

programmes particuliers et effectuer une<br />

évaluation critique des services adaptés à cette<br />

catégorie de travailleurs privés, car après tout, les<br />

modèles universels coexistent rarement avec les<br />

réalités particulières.<br />

À propos de l’auteure<br />

GLENDA LYNNA ANNE TIBE BONIFACIO est professeure<br />

agrégée en études de la condition féminine à la<br />

University of Lethbridge. Elle s’intéresse aux<br />

recoupements entre le sexe, la migration et la<br />

citoyenneté dans le contexte de la mondialisation<br />

et du développement. Quelques-uns de ses travaux<br />

sur la migration des femmes philippines en Australie<br />

ont été publiés par le Asian and Pacific Migration<br />

Journal et le Review of Women Studies.<br />

Références<br />

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Inquirer Magazine (11 novembre). Consulté le 10 novembre<br />

2008 à l’adresse .<br />

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Workers: Lessons and Cautions from the Philippines »,<br />

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11 novembre 2008 à l’adresse .<br />

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Bell, D. 2001. « Equal Rights for Foreign Resident Workers?<br />

The Case of Filipina Domestic Workers in Hong Kong and<br />

Singapore », Dissent, vol. 48, no 4 (automne), p. 26-34.<br />

Consulté le 5 septembre 2006 à l’adresse<br />

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<strong>Canada</strong>. Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (CIC). 2005.<br />

Évaluation du Programme d’établissement et d’adaptation<br />

des immigrants (PEAI). Consulté le 11 novembre 2008 à<br />

l’adresse .<br />

———. Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (CIC).<br />

2007. Rapport annuel au Parlement sur l'immigration,<br />

2007. Consulté le 11 novembre 2008 à l’adresse<br />

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Foire aux questions : travailler temporairement au <strong>Canada</strong>.<br />

Programme des aides familiaux résidants. Consulté le<br />

11 novembre 2008 à l’adresse .<br />

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Immigrants: A Community-Based Holistic Approach,<br />

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Holder, B. S. 1998. The Role of Immigrant Service<br />

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Study, thèse de doctorat, University of Toronto.<br />

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2008 à l’adresse .<br />

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Neufeld, A., et coll. 2001. Immigrant Women’s Experience<br />

as Family Caregivers; Support and Barriers, rapport de<br />

recherche, Edmonton, University of Alberta.<br />

Ng, R. 1988. The Politics of Community Services: Immigrant<br />

Women, Class and the State, Toronto, Garamond Press.<br />

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and Social Inclusion in <strong>Canada</strong>, Toronto, Laidlaw Foundation.<br />

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l’adresse .<br />

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le 4 avril 2007 à l’adresse .<br />

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Consulté le 11 novembre 2007 à l’adresse<br />

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154 Nos diverses cités<br />

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Shimabukuro, K., J. Daniels, et M. D’Andrea. 1999.<br />

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The Case of the Grieving Filipino Boy », Journal of<br />

Multicultural Counseling and Development, vol. 27, no 4,<br />

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Development: An Investigation of Filipino Hometown<br />

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Fraser University. Consulté le 5 octobre 2007 à l’adresse<br />

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An Evaluation of Locations », The Canadian Geographer,<br />

vol. 44, no 2, p. 135-151.<br />

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Nation (1er octobre). Consulté le 11 novembre 2008<br />

à l’adresse .<br />

Wickramasekera, P. 2002. « Asian Labour Migration: Issues<br />

and Challenges in an Era of Globalization », International<br />

Migration Paper, no 57, Gèneve, Migrations internationales,<br />

Bureau de l’Organisation Internationale du Travail.<br />

Consulté le 6 octobre 2006 à l’adresse .<br />

<strong>Numéro</strong> thématique de la Revue canadienne de recherche urbaine<br />

Nos diverses cités :<br />

défis et possibilités<br />

Cette édition de la Revue canadienne de recherche urbaine / Canadian<br />

Journal of Urban Research (vol. 15, n o 2, 2006) est le fruit d’une<br />

collaboration entre les rédacteurs invités Tom Carter et Marc Vachon<br />

(Université de Winnipeg), John Biles et Erin Tolley (projet <strong>Metropolis</strong>), et<br />

Jim Zamprelli (Société canadienne d’hypo thèques et de logement). Cette<br />

revue présente une sélection d’articles portant sur la politique, la religion,<br />

le logement, les bandes de jeunes, les sports ainsi que les services récréatifs.<br />

On y aborde les défis que pose la concentration de plus en plus grande de<br />

groupes religieux, linguistiques, ethniques et raciaux au sein des villes cana -<br />

diennes, et on y propose des moyens de faciliter le processus d’intégration.<br />

Pour obtenir une copie gratuite de la revue, veuillez écrire à


Aussi indispensables que puissent être les programmes et les services offerts par les<br />

organismes d’aide aux immigrants, tant pour la collectivité en général que pour les milliers<br />

de personnes qu’ils desservent, ils ne peuvent pas être les seuls responsables de l’élaboration<br />

et de la refonte de nos politiques d’immigration et d’emploi.<br />

Toiles d’araignée,<br />

diversité et inclusion *<br />

GAYLA ROGERS<br />

University of Calgary et Urban Alliance<br />

En guise de présentation, je me permets de<br />

mentionner que je dirige l’une des plus impor -<br />

tantes écoles de travail social au <strong>Canada</strong>. La<br />

faculté de travail social de la University of Calgary<br />

s’est engagée à changer des vies, tant celles de nos<br />

étudiants que celles des personnes pour qui ils<br />

travailleront; elle vise à trouver des solutions aux<br />

problèmes sociaux les plus difficiles, épineux<br />

et négligés, et à faire une différence dans la vie<br />

d’individus et de collectivités, en particulier<br />

les plus vulnérables, troublés ou traumatisés. Je<br />

suis également à la tête d’Urban Alliance, un<br />

partenariat de recherche novateur avec la Ville<br />

de Calgary, qui vise à faciliter la transition de<br />

la recherche vers des mesures et des politiques<br />

gouver nementales concrètes.<br />

Il y a neuf ans, quand j’en suis devenue<br />

doyenne, la faculté s’est lancée dans un projet<br />

collectif bien réfléchi. Au départ, nous avions<br />

comme philosophie d’être sensible à la diversité<br />

ethnique. Mais cette philosophie a vite évolué<br />

pour tenir compte également de la diversité<br />

culturelle de nos étudiants et des populations<br />

que nous servons, en tant que professionnels. Par<br />

la suite, nous avons aussi pris position contre<br />

le racisme et l’oppression; nous avons veillé<br />

à ce que cette position soit reflétée dans les<br />

programmes et politiques de la faculté en<br />

nous donnant un objectif stratégique qui<br />

déclarait : « la justice sociale doit être promue<br />

* Cet article est fondé sur un discours prononcé par l’auteure à<br />

l’assemblée générale annuelle d’Immigrant Services, tenue à<br />

Calgary le 7 juin 2007.<br />

et la diversité reconnue, respectée, célébrée<br />

et insufflée dans toutes nos activités ».<br />

Cela a profondément transformé la faculté,<br />

tant à l’interne qu’à l’externe. Il serait juste de<br />

dire que chacun de nous y a trouvé l’occasion<br />

d’une profonde réflexion et d’un réapprentissage.<br />

Aussi, ce que nous enseignons et la manière dont<br />

nous l’enseignons, nos thèmes ainsi que notre<br />

méthodologie de recherche, ont été grandement<br />

influencés par cette vision, qui consiste à<br />

favoriser le bien-être de la société et à créer une<br />

société juste.<br />

En tant qu’organisation sensible à la diversité,<br />

la faculté a fait d’énormes progrès sur plusieurs<br />

plans, dont le recrutement d’étudiants, l’embauche<br />

d’enseignants et d’autres membres du person nel,<br />

les méthodes d’enseignement, les projets de<br />

recherche, ainsi que les contributions aux services<br />

communautaires. Assistez à une de nos céré -<br />

monies de remise des diplômes et vous verrez<br />

défiler un groupe de finissants des plus diversifiés.<br />

Jetez un coup d’œil aux curriculum vitæ de notre<br />

corps enseignant et vous constaterez toute<br />

l’étendue du travail réalisé auprès d’organismes<br />

communautaires d’un bout à l’autre de la province<br />

en vue d’améliorer les services et les programmes<br />

offerts aux immigrants et aux réfugiés.<br />

Chacun de nous est concerné par la diversité et<br />

l’inclusion. Chaque organisme, chaque industrie,<br />

chaque ministère peut et doit être sensible à la<br />

diversité et favoriser l’inclusion. Nous ne pouvons<br />

pas y échapper si nous voulons que tous ceux et<br />

celles qui viennent s’installer dans cette ville, cette<br />

province et ce pays puissent s’établir et s’intégrer<br />

Nos diverses cités 155


156 Nos diverses cités<br />

avec succès, tant sur le plan social qu’écono -<br />

mique. Qui plus est, la viabilité de notre maind’œuvre<br />

et la robustesse de notre société reposent<br />

sur l’immigration.<br />

Aussi indispensables que puissent être les<br />

programmes et les services offerts par les<br />

organismes d’aide aux immigrants, tant pour la<br />

collectivité en général que pour les milliers de<br />

personnes qu’ils desservent, ils ne peuvent pas<br />

être les seuls responsables de l’élaboration et<br />

de la refonte de nos politiques d’immigration<br />

et d’emploi.<br />

Nous sommes perdants économiquement si<br />

les immigrants instruits sont au chômage ou<br />

sous-employés. Notre tissu social ne s’enrichit<br />

pas si les immigrants sont victimes de préjugés,<br />

de racisme et d’obstacles systémiques à l’établis -<br />

sement et à l’intégration. Nos commu nautés<br />

sont perdantes si les immigrants sont ghettoïsés<br />

et enclavés, plutôt que partie prenante de la<br />

mosaïque dynamique et vitale de notre société.<br />

Notre système d’éducation est perdant si<br />

les écoles ne sont plus « publiques » au sens<br />

propre du terme et, du coup, si nous renforçons<br />

des stéréotypes, la peur de « l’Autre » ou la<br />

suprématie d’une certaine religion ou d’une<br />

certaine culture. Nous devons investir vérita -<br />

blement dans l’éducation publique, pour que<br />

tous les enfants et les jeunes aient accès à<br />

l’apprentissage des langues et des langages<br />

– pas seulement l’anglais ou le français, mais<br />

le langage du respect, de l’inclusion, de la<br />

compréhension mutuelle. Comme l’a souligné une<br />

juriste canadienne, l’honorable Rosalie Abella, y<br />

a-t-il objectif plus louable pour les droits de la<br />

personne que celui de bâtir un monde dans lequel<br />

tous les enfants affi cheraient librement leur<br />

identité, avec fierté et paix d’esprit ?<br />

Les organismes d’aide aux immigrants sont<br />

donc essentiels lorsqu’il est question de composer<br />

avec la multiplicité des besoins des immigrants et<br />

des réfugiés dans notre communauté. Mais nous<br />

ne pouvons pas baisser la garde sous prétexte<br />

qu’ils sont là pour faire le boulot, surtout quand<br />

on sait que le soutien financier accordé à ces<br />

organismes et programmes est incertain, instable<br />

ou imprévisible.<br />

Les obstacles que doivent surmonter les immi -<br />

grants, les nouveaux comme les plus anciens, sont<br />

intimidants et comportent de nombreuses facettes.<br />

Plusieurs étapes peuvent s’avérer fort complexes :<br />

apprendre une nouvelle langue, se trouver un<br />

logement, inscrire ses enfants à l’école, se créer un<br />

réseau social, trouver un emploi satisfaisant et<br />

lucratif, faire reconnaître ses diplômes ou encore<br />

suivre une formation dans le but d’obtenir de<br />

nouvelles compétences. Nous pouvons diffici -<br />

lement con cevoir à quel point il est difficile de<br />

préserver les coutumes de sa culture d’origine tout<br />

en s’adaptant, en s’ajustant à une nouvelle société<br />

et en adoptant de nouvelles traditions.<br />

En résumé, les nouveaux arrivants peuvent<br />

trouver difficile de naviguer entre les écueils qui<br />

font obstacle à leur établissement, à leur<br />

nouvelle vie et à leur participation à la vie<br />

sociale, économique et culturelle de leur nouveau<br />

chez-soi. À cela peut s’ajouter une certaine<br />

détresse émotionnelle, du stress psychologique<br />

et de l’isolement, qui sont souvent associés au<br />

déracinement et à la réinstallation, surtout si<br />

la migration a été traumatisante. Assurément,<br />

il n’existe pas de solution miracle, tout comme<br />

il n’existe pas un programme, une approche ou<br />

une solution unique qui réponde aux besoins<br />

particuliers des hommes, des femmes, des<br />

enfants et des jeunes qui immigrent.<br />

Plusieurs immigrants ont besoin de toute la<br />

gamme de services offerts par les orga nismes<br />

d’aide aux immigrants. D’autres arrivent à<br />

s’installer sans trop de mal et de manière<br />

autonome et, plutôt que de recourir aux services<br />

offerts, décident eux-mêmes de fournir des<br />

services et de travailler bénévolement au sein<br />

de leur communauté pour aider les autres.<br />

Tous ceux qui immigrent peuvent contribuer à<br />

notre société et bâtir notre pays comme ceux qui<br />

sont venus avant eux. Comment réagissonsnous<br />

à ces besoins différents ? Et comment<br />

favorisons-nous et facilitons-nous la réalisation<br />

d’un tel potentiel ?<br />

Il est certes injuste de dépeindre tous les<br />

immigrants comme « nécessiteux », mais nous<br />

devons veiller à ce que les services nécessaires<br />

soient offerts et accessibles. Pour offrir ces<br />

services, il faut des politiques publiques efficaces,<br />

la coopération de tous les ordres de gouver -<br />

nement, la pleine recon naissance des droits de<br />

la personne et une volonté politique. Et d’où<br />

vient cette volonté politique ? De l’enga gement<br />

des citoyens. De tous ceux parmi nous qui<br />

comprenons que nous faisons tous partie de la<br />

solution. Comme le disait si bien Elie Wiesel,<br />

lauréat du prix Nobel, c’est la haine qui a créé<br />

Auschwitz, mais c’est l’indifférence qui l’a nourri.<br />

Nul doute qu’aujourd’hui, plus que jamais, la<br />

population a à cœur le sort des démunis, des<br />

personnes déplacées et des personnes dans le<br />

besoin. En fait, ici même dans cette ville, il y a


plein de gens généreux et accueillants. Même s’ils<br />

ne seront jamais en quantité suffisante, nous<br />

avons des programmes et des organismes sociaux<br />

qui font l’envie d’autres pays; leur rayonnement<br />

dépasse les frontières, les religions, les langues et<br />

les ethnies. Nous avons fait des progrès à plusieurs<br />

égards, qui témoignent de la nature bienveillante<br />

du genre humain.<br />

Mais, comme l’affirmait le général Roméo<br />

Dallaire, il faut se méfier de la corruption et de<br />

la peur, parce qu’elles peuvent transformer les<br />

humains. Derrière ce fonds de compassion, il y a<br />

donc un côté sombre, un côté barbare, un côté<br />

violent et inhumain qui infligent douleur et<br />

peine aux autres, ou encore une indifférence<br />

aveugle qui conduit à l’apathie. Voilà notre défi,<br />

voilà notre champ de bataille collectif.<br />

D’après un proverbe éthiopien, « quand des<br />

toiles d’araignée s’unissent, elles peuvent entraver<br />

un lion ». Cette image porte un message. Nous ne<br />

sommes pas seuls dans notre lutte pour la justice<br />

sociale et les droits de la personne quand nous<br />

nous rassemblons en réseau, quand nous formons<br />

Reconnaissance des titres de<br />

compétence acquis à l’étranger<br />

<strong>Numéro</strong> thématique de Thèmes canadiens / Canadian Issues<br />

Le numéro de printemps 2007 de la revue Thèmes canadiens<br />

invite le lecteur à jeter un regard neuf sur le débat relatif à la<br />

reconnaissance des titres de compétence acquis à l’étranger.<br />

Les quelque 35 articles de ce numéro, précédés d’une introduction<br />

de Lesleyanne Hawthorne (University of Melbourne), brossent un<br />

tableau exhaustif des enjeux liés à la reconnaissance des acquis et<br />

proposent un éventail de stratégies canadiennes visant à résoudre<br />

cette question.<br />

une « toile » avec ceux qui, comme nous, veulent<br />

ficeler le lion, c’est-à-dire l’oppression, l’exclu -<br />

sion, l’intolérance, l’injustice, la discrimination et<br />

le racisme.<br />

Par conséquent, au nom de la prospérité, des<br />

perspectives d’avenir et de l’humanité, nous<br />

devons accueillir la diversité et nous battre pour<br />

l’inclusion. En fait, il s’agit là de la seule guerre<br />

qui mérite d’être faite.<br />

L’équipe d’Urban Alliance est une toile<br />

d’araignée qui cherche à comprendre ce qu’il<br />

faut faire et comment transmettre concrètement<br />

nos connaissances aux Calgariens au cours de la<br />

prochaine décennie. Visitez notre site Web, à<br />

l’adresse .<br />

À propos de l’auteure<br />

GAYLA ROGERS est doyenne de la Faculté de travail social<br />

de la University of Calgary, l’une des plus grandes écoles de<br />

travail social au <strong>Canada</strong>. Elle est aussi coprésidente d’Urban<br />

Alliance, un partenariat novateur entre la Ville de Calgary<br />

et l’université. Elle est une professeure et une chercheuse<br />

réputée dans le domaine du travail social.<br />

Les auteurs discutent notamment des normes établies par les organismes de réglementation,<br />

de la « légitimité » du processus de reconnaissance des acquis, de la prévalence des préjudices<br />

et du protectionnisme professionnel, des stratégies de reconnaissance des acquis au<br />

<strong>Canada</strong> et à l’étranger, des façons de faciliter les évaluations professionnelles, des modalités<br />

d’accréditation des immigrants, des programmes de perfectionnement et de transition,<br />

et de la contribution économique, sociale et culturelle qu’ils apportent au <strong>Canada</strong>.<br />

Printemps 2007<br />

Directrice invitée : Lesleyanne Hawthorne (University of Melbourne)<br />

Pour commander un exemplaire : <br />

Nos diverses cités 157


158 Nos diverses cités<br />

D’après un sondage mené en 2002, les employeurs albertains croient que le respect<br />

des droits de la personne est « bon pour les affaires », mais ils aimeraient être mieux<br />

renseignés sur leurs responsabilités au regard de la législation, sur la façon de<br />

traiter les plaintes relatives aux droits de la personne dans leur organisation et sur<br />

les stratégies à mettre en œuvre pour favoriser un milieu de travail plus inclusif.<br />

Sensibilisation du public<br />

et partenariats<br />

Mesures prises pour bâtir<br />

des collectivités accueillantes et combattre<br />

le racisme et la discrimination en Alberta<br />

CASSIE PALAMAR<br />

Commission albertaine des droits de la personne et de la citoyenneté<br />

Selon un sondage mené en Alberta, une majorité<br />

d’adultes croient que les droits de la personne<br />

sont bien protégés dans la province 1 . Nous<br />

savons néanmoins que certains se sentent<br />

exclus, marginalisés, victimes de discrimination<br />

et incapables d’apporter leur pleine contribution<br />

à la communauté (Cooper et Bartlett, 2006). Les<br />

questions liées aux droits de la personne gagnent<br />

en complexité à mesure que la diversité<br />

augmente dans les collectivités de l’Alberta. Le<br />

règlement des plaintes concernant les droits de la<br />

personne représente une grande part du mandat<br />

d’une commission des droits de la personne.<br />

Cependant, certains soutiennent que la sensi -<br />

bilisation et l’intervention dans la collectivité<br />

revêtent une importance équivalente, peut-être<br />

même plus grande, dans les efforts menés à ce<br />

chapitre. Tout comme la compréhension et la<br />

collaboration axées sur la prévention représentent<br />

les fondements d’un milieu de travail sécuritaire,<br />

elles sont essentielles aux mesures visant à créer<br />

1 En 2006-2007, 88,1 % des répondants croyaient que<br />

les droits de la personne étaient bien protégés en<br />

Alberta (Alberta Finance and Enterprise, 2008, p. 69).<br />

des organisations et des collectivités non<br />

discriminatoires, qui accueillent les immigrants<br />

et les membres de différents groupes, et où tous<br />

se sentent à leur place.<br />

Le présent article donne un aperçu de<br />

l’éventail des programmes de sensibilisation et<br />

des partenariats mis sur pied par la Commission<br />

albertaine des droits de la personne et<br />

de la citoyenneté 2 pour promouvoir l’égalité,<br />

2<br />

La Commission albertaine des droits de la personne et de la<br />

citoyenneté est un organisme indépendant du gouvernement<br />

de l’Alberta, qui relève du ministère de la Culture et de<br />

l’Esprit communautaire. Elle a pour mandat de favoriser<br />

l’égalité et de réduire la discrimination. Elle offre des<br />

programmes d’information et d’éducation du public, et aide<br />

les Albertains à régler des plaintes relatives aux droits de la<br />

personne. La Commission met en œuvre des programmes<br />

communautaires et des initiatives de sensibilisation avec<br />

le soutien financier du Human Rights, Citizenship and<br />

Multiculturalism Education Fund de l’Alberta. Ce fonds<br />

apporte une aide financière aux organisations et aux<br />

institutions publiques, ainsi qu’à la Commission, qui mettent<br />

sur pied des initiatives de sensibilisation axées sur l’égalité,<br />

la justice et l’inclusion dans la collectivité, et qui aident à<br />

éliminer la discrimination et les obstacles afin que tous les<br />

Albertains puissent contribuer pleinement à la société.


combattre la discrimination et aider à créer des<br />

collectivités et des milieux de travail accueillants<br />

et inclusifs pour tous les Albertains. Le champ<br />

d’intervention de la Commission ne se limite pas<br />

à la diffusion d’information sur la législation en<br />

matière de droits de la personne; en collaboration<br />

avec les collectivités, les organisations et<br />

d’autres partenaires, elle mène des initiatives<br />

pour promouvoir l’engagement civique 3 . Nombre<br />

de ses programmes et mesures prennent appui<br />

sur un cadre de développement communautaire<br />

axé sur la rétroaction, la participation et la<br />

coopération des collectivités. Les mesures<br />

s’inspirent également du modèle proposé dans<br />

Pathways to Change, dont se servent un nombre<br />

croissant d’organismes de promotion de l’égalité<br />

en Alberta pour la mise en œuvre de stratégies et<br />

de projets axés sur les résultats, en vue de créer<br />

des conditions favorables à l’engagement civique<br />

(Cooper, 2007).<br />

En raison de l’afflux de plaintes et de demandes<br />

de renseignements liées à l’emploi, et compte<br />

tenu du pourcentage élevé de plaintes<br />

de discrimination fondées sur le sexe, une<br />

incapacité, la race, la couleur, l’origine et le lieu<br />

de naissance 4 , les efforts de sensibilisation de la<br />

Commission prennent essentiellement la forme<br />

de stratégies visant à réduire la discrimination en<br />

matière d’emploi et à créer des milieux de travail<br />

respectueux et inclusifs. D’après un sondage<br />

mené en 2002 auprès de plus de 560 employeurs<br />

de l’Alberta (Howard Research and Instructional<br />

Systems Inc., 2002), les employeurs albertains<br />

croient que le respect des droits de la personne<br />

est « bon pour les affaires », mais ils aimeraient<br />

être mieux renseignés sur leurs responsabilités<br />

au regard de la législation, sur la façon de traiter<br />

les plaintes relatives aux droits de la personne<br />

dans leur organisation et sur les stratégies à<br />

mettre en œuvre pour favoriser un milieu de<br />

travail plus inclusif. Ces constats ont amené<br />

la Commission à élargir son pro gramme de<br />

sensibilisation afin d’y inclure plus de ressources<br />

exhaustives et approfondies sur les thèmes mis<br />

3<br />

Selon Cooper (2007, p. 1), l’engagement civique suppose<br />

[Traduction] « que des groupes et des particuliers, membres<br />

ou non d’une minorité, participent et contribuent pleinement<br />

à tous les aspects de la société et en tirent profit, sans subir<br />

de la discrimination ou du racisme ni se heurter à d’autres<br />

obstacles, individuels ou systémiques ».<br />

4<br />

En 2007-2008, quelque 82 % des plaintes reçues étaient<br />

fondées sur l’article 7, soit le domaine des pratiques d’emploi,<br />

et 16 % des motifs cités portaient sur la race, la couleur,<br />

l’origine et le lieu de naissance (Commission albertaine des<br />

droits de la personne et de la citoyenneté, 2008).<br />

au jour par le sondage. Le matériel porte entre<br />

autres sur l’obligation d’adaptation, les droits de<br />

la personne dans l’industrie de l’accueil et le<br />

règlement des questions liées aux droits de la<br />

personne par la médiation en milieu de travail.<br />

L’accessibilité est un facteur clé pour les<br />

commissions des droits de la personne, et un<br />

projet récent vise un groupe d’adultes qui<br />

était difficile à joindre dans le passé : ceux qui<br />

possèdent un faible niveau de littératie en anglais,<br />

y compris les immigrants et les adultes pour qui<br />

l’anglais est une langue seconde. En partenariat<br />

avec l’organisme Alberta Advanced Education<br />

and Career Development et un groupe consultatif<br />

formé de représentants de la collectivité, la<br />

Commission a produit une publication de style<br />

journalistique intitulée Human Rights in Alberta<br />

pour faire connaître les mesures de protection<br />

prévues en vertu de la législation albertaine sur les<br />

droits de la personne et expliquer en quoi consiste<br />

le travail de la Commission. Le langage simple<br />

et clair, les reportages photo et la conception<br />

graphique rendent l’information facile à com -<br />

prendre pour tous les Albertains, peu importe leur<br />

niveau de littératie. À notre connaissance, il s’agit<br />

de la première publication du genre sur le sujet au<br />

<strong>Canada</strong>. Un guide d’accompagnement pour les<br />

enseignants et les tuteurs propose des thèmes de<br />

discussion, les coordonnées de ressources sur<br />

les droits de la personne ainsi que des exercices<br />

de lecture et d’écriture pour les apprenants. Une<br />

version audio a également été produite afin que le<br />

document puisse être écouté et lu simultanément.<br />

Quelque 60 000 exemplaires de la publication<br />

ont été distribués aux orga nismes d’aide à<br />

l’établissement, aux responsables de cours<br />

d’anglais langue seconde (ALS) et de programmes<br />

d’alphabétisation ainsi qu’à d’autres programmes<br />

et organismes communautaires de la province. À<br />

mesure que la publication gagne en popularité<br />

grâce à son contenu intéressant et facile à lire,<br />

elle trouve de nouveaux lecteurs en dehors du<br />

groupe cible prévu.<br />

Aux organisations qui souhaitent rendre leur<br />

milieu de travail respectueux et inclusif, la<br />

Commission offre une série de six modules de<br />

formation sur des thèmes clés concernant les<br />

droits de la personne. Le programme et son<br />

contenu servent de modèle à d’autres commis -<br />

sions. Chaque année, environ 3 000 Albertains<br />

provenant d’organisations de secteurs variés<br />

parti cipent à une centaine d’ateliers, chacun<br />

adapté à des besoins particuliers. Les organismes<br />

sans but lucratif qui aident les immigrants<br />

Nos diverses cités 159


La Commission a publié Human Rights in Alberta pour faire connaître les mesures de<br />

protection prévues en vertu de la législation albertaine sur les droits de la personne<br />

et expliquer en quoi consiste le travail de la Commission. Le langage simple et clair,<br />

les reportages photo et la conception graphique rendent l’information facile à<br />

comprendre pour tous les Albertains, peu importe leur niveau de littératie.<br />

160 Nos diverses cités<br />

professionnels à se préparer à trouver un<br />

emploi dans leur domaine d’expertise utilisent le<br />

programme de la Commission pour les renseigner<br />

sur les droits de la personne sur le marché du<br />

travail en Alberta. Des partenariats ont été créés<br />

avec un certain nombre de gros employeurs, en<br />

vue de les appuyer dans leurs efforts pour créer<br />

des environnements de travail inclusifs, en offrant<br />

plusieurs séances pour que tous les employés<br />

puissent y assister. La présentation d’exposés dans<br />

des établissements postsecondaires aide à préparer<br />

les étudiants à intégrer le marché du travail.<br />

En plus d’offrir des ateliers personnalisés, la<br />

Commission consulte des organisations qui<br />

conçoivent des politiques en matière d’inclusion<br />

et de droits de la personne.<br />

Afin de reconnaître publiquement les efforts<br />

déployés par des employeurs pour créer des<br />

milieux de travail inclusifs et respectueux, et dans<br />

le but d’encourager les autres à en faire autant,<br />

la Commission s’est associée à la Chambre<br />

de commerce de l’Alberta dans le cadre de son<br />

programme de prix pour entreprises, l’Alberta<br />

Business Awards of Distinction. Le Diversity<br />

Leadership Award of Distinction, parrainé par<br />

la Commission, reconnaît et honore les orga -<br />

nisations qui favorisent la diversité au sein de leur<br />

effectif, qui encouragent le respect et l’inclusion et<br />

qui prennent des mesures pour éliminer la<br />

discrimination et les obstacles à l’emploi. Au<br />

nombre des lauréats de ce prix figurent des<br />

organisations de tous genres, dont d’importantes<br />

sociétés pétrolières, un petit établissement hôtelier,<br />

un établissement d’enseignement postsecondaire<br />

et un organisme communautaire sans but lucratif.<br />

La présentation des finalistes et des gagnants<br />

illustre l’incidence positive d’un milieu de travail<br />

diversifié et inclusif sur la capacité d’attirer et de<br />

garder des employés, sur la satisfaction de la<br />

clientèle et sur la conscience sociale.<br />

Collaborer avec la Coalition des municipalités<br />

contre le racisme et la discrimination<br />

Comme le racisme et la discrimination revêtent<br />

une forme concrète dans les collectivités où<br />

les gens vivent et travaillent, la Commission<br />

collabore avec les autorités municipales et<br />

d’autres partenaires afin d’harmoniser tous<br />

les efforts déployés sous les auspices de la<br />

Coalition des municipalités contre le racisme et<br />

la discrimination (CMARD). La Commission est<br />

représentée au sein du groupe de travail<br />

pancanadien de la Commission canadienne pour<br />

l’UNESCO, qui a rédigé et mis en œuvre la<br />

CMARD, version canadienne de la Coalition<br />

internationale contre le racisme de l’UNESCO. La<br />

Commission de l’Alberta comptait parmi les<br />

partenaires et organisateurs du lancement<br />

national de la CMARD en juin 2007, à l’occasion<br />

de la Conférence de la Fédération canadienne des<br />

municipalités tenue à Calgary.<br />

La Commission se fait le champion et le<br />

promoteur de la CMARD auprès des municipalités,<br />

partenaires et organismes communautaires<br />

intéressés qui participent à la lutte contre le<br />

racisme et la discrimination depuis le début. La<br />

Commission a préparé pour l’Alberta une version<br />

adaptée du livret d’information sur la CMARD, qui<br />

énonce les dix engagements et modèles d’action<br />

courants que les muni cipalités peuvent adopter.<br />

Le document contient également une déclaration<br />

modèle que les municipalités doivent signer<br />

lorsqu’elles se joignent à la coalition, le cadre<br />

juridique en matière de droits de la personne<br />

qui sous-tend la CMARD et une description des<br />

modalités de participation pour les municipalités,<br />

autres organismes et parti culiers intéressés.<br />

L’Alberta devance actuellement les autres<br />

provinces de l’Ouest, avec ses six municipalités<br />

membres de la CMARD : Brooks, Calgary, Drayton<br />

Valley, Edmonton, Lethbridge et la Municipalité<br />

régionale de Wood Buffalo. Ces municipalités<br />

font de réels progrès dans la conception de<br />

plans d’action pour combattre le racisme et la<br />

discrimination dans leur collectivité. D’autres<br />

municipalités ont manifesté leur intérêt à devenir<br />

membres. La coalition est également appuyée<br />

par l’Alberta Urban Municipalities Association<br />

(AUMA), organisme-cadre regroupant les<br />

municipalités urbaines de l’Alberta, qui a mis


au point une « boîte à outils à l’intention des<br />

collectivités accueillantes et inclusives » afin<br />

d’aider ses membres à mettre au point des<br />

stratégies dans ce domaine. Les membres et<br />

partenaires ont aussi participé à une séance<br />

de renforcement des capacités organisée par la<br />

Commission, en partenariat avec les Amis du<br />

Centre Simon Wiesenthal pour les études sur<br />

l’Holocauste (Toronto) et le Simon Wiesenthal<br />

Center Museum of Tolerance (Los Angeles).<br />

Pour améliorer la communication et la<br />

coordination entre les trois ordres de gouver -<br />

nement et les organismes qui travaillent à attirer<br />

et à garder les immigrants en Alberta et à<br />

combattre le racisme et la discrimination, la<br />

Commission, la province et la AUMA ont lancé<br />

un partenariat de trois ans sur le thème des<br />

collectivités accueillantes et inclusives. Ce projet<br />

novateur vise à former des réseaux pour l’échange<br />

de connaissances et d’idées, à définir les outils et<br />

les ressources nécessaires ainsi qu’à appuyer la<br />

collaboration entre les secteurs et les régions.<br />

Un plan de commu nication et de diffusion sera<br />

proposé pour promouvoir les programmes et les<br />

ressources offerts aux collectivités accueillantes et<br />

inclusives. En plus d’offrir une source d’infor -<br />

mation et de soutien pour les municipalités qui<br />

mettent en œuvre leur propre plan, le partenariat<br />

encouragera d’autres municipalités à devenir plus<br />

accueillantes et inclusives et à devenir membres<br />

de la CMARD. Enfin, il évaluera l’avancement et<br />

les résultats de ces projets.<br />

Autres mesures<br />

Consciente du potentiel de la télévision pour<br />

joindre un plus vaste public, la Commission a<br />

conclu une entente avec Global TV Alberta et<br />

d’autres partenaires pour concrétiser un projet de<br />

marketing social par les médias, afin d’encourager<br />

les Albertains à trouver des façons de contribuer à<br />

la création de collectivités accueillantes et<br />

inclusives. Le projet Help Make a Difference<br />

propose une série de messages d’intérêt public de<br />

30 et de 60 secondes, mettant en vedette des<br />

Albertains d’origines diverses qui racontent leur<br />

expérience et leur vision de la diversité et des<br />

droits de la personne. Ces messages ont joint un<br />

grand nombre de téléspectateurs dans toute<br />

l’Alberta. Le site Web 5 offre des renseignements<br />

sur le projet ainsi que des ressources, dont un DVD<br />

et un guide pour les enseignants. Les visiteurs<br />

peuvent y visionner la série de messages et se<br />

renseigner sur les moyens concrets qu’ils peuvent<br />

prendre pour aider à bâtir des relations<br />

interculturelles plus solides dans leur propre<br />

collectivité. Une recherche qualitative effectuée à<br />

l’aide de groupes de discussion réunissant des<br />

immigrants, jeunes et adultes, montre à quel point<br />

ces capsules médiatiques sont pertinentes pour les<br />

membres des communautés ethnoculturelles et<br />

linguistiques diverses. Ce projet est un modèle<br />

pour d’autres commissions qui cherchent à joindre<br />

de plus grands publics.<br />

Également sensible à la nécessité de joindre les<br />

jeunes, et pour souligner le 60 e anniversaire de la<br />

Déclaration universelle des droits de l’homme,<br />

la Commission s’est associée à des éducateurs<br />

d’autres commissions des droits de la personne au<br />

<strong>Canada</strong> pour créer un projet éducatif interactif sur<br />

le Web, qui vise à guider les jeunes Canadiens<br />

dans un apprentissage et un dialogue sur les droits<br />

de la personne, et à les renseigner sur les enjeux<br />

courants relatifs aux droits de la personne, le<br />

mandat des commissions des droits de la personne<br />

et le cadre législatif applicable. Le projet propose<br />

également des idées pratiques pour les jeunes qui<br />

souhaitent promouvoir et protéger les droits de la<br />

personne, ainsi que des modules interactifs tels<br />

que des groupes de discussion, une galerie d’art<br />

en ligne et des appels à l’action. Le projet est mené<br />

en collaboration avec TakingITGlobal, organisme<br />

de défense des intérêts des jeunes qui exploite<br />

un forum jeunesse en ligne, et avec le John<br />

Humphrey Centre for Peace and Human Rights,<br />

situé à Edmonton. La Commission albertaine est<br />

fière d’avoir été à la tête du comité responsable de<br />

ce projet.<br />

Étant donné le recoupement de différents motifs<br />

de discrimination, les mesures qui ne ciblent pas<br />

précisément les immigrants ou les membres de<br />

groupes ethnoculturels peuvent quand même aider<br />

à modifier les conditions d’inégalité persistantes<br />

qui défavorisent les minorités. Les incapacités<br />

mentales et physiques comptent pour la moitié<br />

environ des motifs cités dans les plaintes relatives<br />

aux droits de la personne en Alberta, et elles<br />

touchent des membres de toutes les commu nautés<br />

ethno culturelles. Pour appuyer la pleine parti -<br />

cipation des étudiants handicapés dans l’ensei -<br />

gnement postsecondaire et la vie étudiante, la<br />

Commission a formé un partenariat avec un<br />

groupe d’établissements postsecondaires de<br />

l’Alberta, des fournisseurs de services aux per -<br />

sonnes handi capées, des groupes de défense des<br />

intérêts des personnes handicapées et des étudiants<br />

handicapés pour produire une publication intitulée<br />

5 <br />

Nos diverses cités 161


Étant donné le recoupement de différents motifs de discrimination, les mesures qui ne ciblent<br />

pas précisément les immigrants ou les membres de groupes ethnoculturels peuvent quand<br />

même aider à modifier les conditions d’inégalité persistantes qui défavorisent les minorités.<br />

Accommodating Students with Disa bilities in<br />

Post-Secondary Institutions. Conçue pour<br />

répondre aux besoins d’information, cette<br />

ressource est maintenant largement utilisée dans<br />

les établissements postsecondaires de<br />

l’Alberta. Selon une évaluation des utilisateurs,<br />

elle aiderait à faire connaître la législation,<br />

inciterait les étudiants à demander des mesures<br />

d’adaptation, accroîtrait la sensibilisation des<br />

établissements à leur obligation de fournir des<br />

mesures d’adaptation aux étudiants handicapés, et<br />

encou ragerait la modification des politiques au<br />

sein des établis sements postsecondaires.<br />

La Commission collabore avec des ministères<br />

provinciaux et d’autres ordres de gouvernement<br />

pour participer à la production de publications ou<br />

fournir du contenu. Une publication très popu -<br />

laire, Becoming a Parent, est née d’un partenariat<br />

entre la Commission, le ministère provincial<br />

responsable de l’emploi et le gouver nement<br />

fédéral. Il s’agit d’une ressource d’information<br />

complète mise à la disposition des Albertains qui<br />

veulent se renseigner sur les répercussions qu’une<br />

naissance ou une adoption peut avoir sur les<br />

droits et indemnités en emploi ainsi qu’au chapitre<br />

des droits de la personne; ce sont des informations<br />

très peu connues en général. Dans au moins deux<br />

autres régions, des partenaires se sont inspirés de<br />

ce projet pour en créer de nouveaux, adaptés aux<br />

besoins de leurs groupes cibles. La Commission a<br />

apporté son concours à des publications produites<br />

par le ministère de l’Emploi et de l’Immigration de<br />

l’Alberta qui portent sur la diversité et les<br />

travailleurs qualifiés, ainsi que sur les droits et les<br />

responsabilités en milieu de travail albertain.<br />

Le site Web de la Commission 6 est une source<br />

d’information clé qui permet aux particuliers<br />

de se renseigner sur les droits de la personne<br />

en Alberta. Il aide également le personnel à<br />

répondre efficacement aux dizaines de milliers de<br />

demandes de renseignements que la Commission<br />

reçoit annuellement. En raison de sa taille, le site<br />

Web de la Commission a été remanié en plusieurs<br />

étapes et sur plusieurs années. Le nouveau<br />

contenu reflète mieux les besoins des visiteurs et<br />

offre un meilleur accès à l’information sur la<br />

6 <br />

162 Nos diverses cités<br />

prévention de la discrimination et la création de<br />

collectivités et de milieux de travail inclusifs. La<br />

Commission a été l’une des premières au <strong>Canada</strong><br />

à publier un bulletin électronique pour que les<br />

inter venants et les groupes intéressés puissent se<br />

tenir au fait des modifications apportées à la<br />

législation sur les droits de la personne et à la<br />

gamme de programmes et services de la<br />

Commission.<br />

Les quelques mesures et projets présentés ici<br />

ne représentent qu’une partie des efforts de<br />

sensibilisation et de partenariat auxquels la<br />

Commission prête son concours. Il y en a d’autres<br />

que nous ne pouvons aborder ici, faute d’espace,<br />

notamment un projet de partenariat multisectoriel<br />

qui vise à mettre en œuvre une stratégie<br />

provinciale de lutte contre les crimes haineux<br />

et les activités motivées par les préjugés, et des<br />

stratégies conçues pour accroître la sensibilisation<br />

et renforcer les liens avec l’une des plus grandes<br />

communautés autochtones urbaines de l’Alberta.<br />

La protection des droits de la personne, de<br />

même que la promotion de l’égalité et de l’accès,<br />

s’avèrent une tâche complexe et difficile qui fait<br />

intervenir de multiples dimensions de la société et<br />

de nombreux intéressés. Des progrès énormes ont<br />

été réalisés, mais il reste encore beaucoup à faire.<br />

Il faut sans cesse sensibiliser les Albertains quant<br />

à la portée et aux conséquences de la discri -<br />

mination et de l’exclusion que vivent certaines<br />

personnes dans la province. Il faut aussi amener<br />

les organisations qui ne s’intéressent aux droits de<br />

la personne que lorsqu’un problème survient, à<br />

mettre en place des politiques en la matière dans<br />

leur milieu de travail. Malgré la complexité et la<br />

difficulté de la tâche, les organisations et les<br />

collectivités doivent s’employer à devenir plus<br />

accueillantes et plus inclusives. Les municipalités<br />

et les partenaires ont besoin d’être appuyés<br />

dans leurs efforts pour combattre le racisme et<br />

la discrimination. Enfin, il faut accroître la sensi -<br />

bilisation aux droits de la personne et à la<br />

diversité et continuer à faire connaître le travail de<br />

la Commission. L’avancement de la cause passe<br />

par un engagement durable de la part de tous les<br />

intervenants du système des droits de la personne<br />

à changer concrètement les choses. La Commis -<br />

sion, le secteur privé, les institutions publiques, les


gouvernements et les orga nisations commu -<br />

nautaires, tous ont un rôle à jouer et partagent<br />

avec les Albertains la responsabilité de bâtir des<br />

collectivités respectueuses et inclu sives, où tous<br />

ont le sentiment d’avoir une place et la capacité de<br />

contribuer à leur communauté.<br />

À propos de l’auteure<br />

CASSIE PALAMAR est directrice de l’éducation et des<br />

services communautaires à la Commission albertaine<br />

des droits de la personne et de la citoyenneté. Elle siège<br />

au groupe de travail pancanadien de la Commission<br />

canadienne pour l’UNESCO pour la Coalition des<br />

municipalités contre le racisme et la discrimination.<br />

Elle préside le réseau de Partenaires en éducation<br />

publique et populaire de l’Association canadienne des<br />

commissions et conseil des droits de la personne.<br />

Références<br />

Alberta. Alberta Finance and Enterprise. 2008. Culture and<br />

Community Spirit Business Plan 2008-11, Edmonton,<br />

gouvernement de l’Alberta.<br />

Commission albertaine des droits de la personne et de la<br />

citoyenneté. 2008. Annual Review – April 1, 2007-March 31,<br />

2008, Edmonton, Commission albertaine des droits<br />

de la personne et de la citoyenneté.<br />

Cooper, M. 2007. Pathways to Change: Facilitating the Full<br />

Civic Engagement of Diversity Groups in Canadian Society,<br />

Calgary, gouvernement de l’Alberta.<br />

Cooper, M., et D. Bartlet. 2006. Creating Inclusive<br />

Communities Stakeholder Consultation: What We Heard,<br />

rapport des intervenants présenté au Human Rights,<br />

Citizenship and Multiculturalism Education Fund Advisory<br />

Committee le 14 juillet 2006, Calgary, gouvernement<br />

de l’Alberta.<br />

Howard Research and Instructional Systems Inc. 2002.<br />

Alberta Human Rights and Citizenship Commission:<br />

Employers’ Perspective Research Project, Edmonton,<br />

gouvernement de l’Alberta.<br />

Au sujet du programme d’études supérieures<br />

Maîtrise en études de l’immigration de l’Université Ryerson<br />

Le premier programme canadien d’études supérieures consacré aux hautes études des politiques,<br />

des services et de l’expérience en immigration a été lancé en septembre 2004 à l’Université<br />

Ryerson. La maîtrise en études de l’immigration et de l’établissement est un nouveau programme<br />

qui examine les tendances, les politiques et les programmes de l’immigration au <strong>Canada</strong> dans une<br />

perspective multidisciplinaire. Offert à temps plein ou à temps partiel, ce programme a pour objet :<br />

• d’améliorer, grâce à quatre cours principaux, la connaissance de la documentation et des questions<br />

importantes liées à l’histoire, à la théorie, à la méthode, aux politiques et aux programmes en matière<br />

d’immigration et d’établissement au <strong>Canada</strong>;<br />

• d’étudier et d’évaluer d’un point de vue critique, par un choix de cours et de séminaires, certains des aspects sociaux,<br />

économiques, politiques, culturels, spatiaux et stratégiques de l’immigration et de l’établissement et certains aspects<br />

liés à la prestation des services et aux droits de la personne;<br />

• de comparer l’expérience du <strong>Canada</strong> en matière de migration et d’établissement avec celle d’autres pays,<br />

par l’intégration d’une perspective internationale au programme d’études;<br />

• de prévoir des discussions ciblées des questions et des concepts théoriques et méthodologiques que les intervenants<br />

se doivent de connaître et auxquels ils ont besoin de réfléchir quand ils utilisent une information connexe;<br />

• de développer une compréhension critique des problèmes méthodologiques et pratiques auxquels se heurte<br />

la recherche dans le domaine;<br />

• de développer, grâce à des travaux pratiques, la compréhension de la manière dont l’information est utilisée dans le<br />

domaine, à la fois dans la pratique et dans l’élaboration des politiques;<br />

• de faire preuve d’une capacité de contribuer aux connaissances dans le domaine par la préparation d’un<br />

document de recherche ou d’un document sur un projet expérimental.<br />

<br />

Nos diverses cités 163


Diversité culturelle, relations<br />

interraciales, immigration<br />

et intégration<br />

Initiatives municipales à Saskatoon,<br />

en Saskatchewan *<br />

JOSEPH GARCEA<br />

University of Saskatchewan<br />

SMITA GARG<br />

Ville de Saskatoon<br />

Au fil des ans, deux des dispositions prises par la Ville de Saskatoon ont tout<br />

particulièrement été couronnées de succès : d’abord, la mise en place du cadre<br />

de politiques et de programmes et du cadre organisationnel interne, puis l’établissement<br />

de partenariats et d’ententes de collaboration avec les gouvernements provincial<br />

et fédéral et des organismes communautaires de divers secteurs.<br />

164 Nos diverses cités<br />

Les deux dernières décennies ont vu la Ville de<br />

Saskatoon devenir davantage proactive dans sa<br />

façon d’aborder les enjeux relatifs à la diversité<br />

culturelle, aux relations inter raciales, à l’immi -<br />

gration et à l’intégration. Le présent article<br />

propose un survol des principales initiatives<br />

entreprises par la Ville de Saskatoon au cours des<br />

20 dernières années pour traiter de ces enjeux.<br />

Aux fins de l’analyse, ces initiatives ont été<br />

regroupées en deux périodes, la première<br />

s’étendant de 1989 à 1999 et la deuxième, de<br />

2000 à 2008.<br />

Le lecteur constatera que les initiatives menées<br />

avant 2000 visaient principalement à mettre<br />

en place un cadre organisationnel et un cadre<br />

de politiques et de programmes en matière de<br />

diversité culturelle et de relations interraciales,<br />

*<br />

Les auteurs souhaitent remercier Lynne Lacroix, directrice du<br />

développement communautaire à la Ville de Saskatoon, pour<br />

son aide et ses suggestions dans la rédaction de l’article.<br />

tandis que celles menées depuis 2000, et<br />

surtout depuis 2004, portaient également sur<br />

l’attraction, l’intégration et le maintien des<br />

immigrants et des réfugiés dans la collectivité.<br />

Il ressort également que ces initiatives ont<br />

été entreprises par la Ville en réponse aux<br />

pressions exercées par les orga nisations<br />

ethnoculturelles et, éventuellement, en réponse<br />

aux travaux réalisés par le comité municipal<br />

qui a été établi, suite aux pressions de ces<br />

mêmes organisations, pour traiter des enjeux<br />

susmentionnés.<br />

Au fil des ans, deux des dispositions prises<br />

par la Ville de Saskatoon ont tout parti -<br />

culièrement été couronnées de succès : d’abord,<br />

la mise en place du cadre de politiques et<br />

de programmes et du cadre organisationnel<br />

interne, puis l’établissement de partenariats<br />

et d’ententes de collaboration avec les<br />

gouvernements provincial et fédéral et des<br />

organismes communautaires de divers secteurs.


Diversité de Saskatoon<br />

Bien que la population de Saskatoon ne soit pas<br />

aussi diverse sur le plan racial ou ethnoculturel que<br />

celles de métropoles telles que Montréal, Toronto<br />

ou Vancouver, elle demeure diverse. Cette diversité<br />

est significative et le restera (Garcea, 2008). Selon<br />

les recensements nationaux de 2001 et de 2006, la<br />

population de Saskatoon née à l’étranger repré -<br />

sente environ 8 % de la popu lation, les minorités<br />

visibles 5 %, et la population autochtone 10 %.<br />

Saskatoon a une proportion élevée d’Autochtones<br />

par rapport à d’autres villes de plus de 50 000<br />

habitants (Statistique <strong>Canada</strong> 2001, 2006). Au<br />

cours de la dernière décennie, la population de<br />

Saskatoon en est venue à comprendre et à accepter<br />

le fait que la proportion d’Autochtones va sans<br />

doute augmenter avec le temps, le taux de natalité<br />

des Autochtones à Saskatoon et le taux de<br />

migration des Autochtones vers Saskatoon étant<br />

plus élevés que chez les non-Autochtones. Plus<br />

récemment, elle a aussi pris conscience du fait<br />

que la croissance économique locale attirera<br />

probablement plus d’immigrants et de migrants de<br />

différentes origines raciales et ethnoculturelles,<br />

contribuant à une plus grande diversité raciale et<br />

ethnoculturelle de la province. Les incidences<br />

exactes de divers facteurs, dont le taux de natalité<br />

des Autochtones, l’arrivée d’Autochtones en<br />

provenance d’autres régions de la province et du<br />

pays, et l’arrivée d’immigrants et de migrants non<br />

autochtones, demeurent inconnues. Toutefois, on<br />

croit géné ralement que ces facteurs accentueront<br />

la diversité de la population de Saskatoon.<br />

Initiatives menées entre 1989 et 1999<br />

Entre 1989 et 1999, la Ville de Saskatoon a mis<br />

en œuvre plusieurs initiatives en vue de la<br />

création d’un cadre organisationnel et d’un cadre<br />

de politiques et de programmes en matière de<br />

diversité culturelle et de relations interraciales 1 .<br />

Les fondements du cadre organisationnel ont été<br />

posés le 10 avril 1989 lorsque le conseil muni -<br />

cipal, suivant la recommandation du comité de<br />

la législation et des finances, a créé un comité<br />

des relations interraciales, le Race Relations<br />

Com mittee (RRC). Celui-ci était le fruit de deux<br />

années de lobbying mené par des organisations<br />

culturelles (par exemple, le Saskatoon Multi -<br />

cultural Council et le African Cultural Congress of<br />

1<br />

L’information présentée dans cette section est principalement<br />

tirée du document Tenth Anniversary Report of the City of<br />

Saskatoon Race Relations Committee 1989-1999: Celebrating<br />

a Decade of ‘Living in Harmony’ (Saskatoon, 1999).<br />

Saskatchewan) qui estimaient qu’un tel comité<br />

était essentiel pour traiter des différents enjeux<br />

dans le domaine.<br />

Au cours des années suivantes, le RRC a<br />

travaillé à l’élaboration de son cadre orga -<br />

nisationnel et s’est efforcé de se doter d’un<br />

mandat clair et de former trois sous-comités :<br />

d’abord le sous-comité d’examen de la politique<br />

et des programmes et le sous-comité de<br />

l’éducation et de l’action communautaires, puis,<br />

deux ans plus tard, le sous-comité des relations<br />

avec les Autochtones, en reconnaissance de<br />

l’importante proportion d’Autochtones parmi<br />

la population de Saskatoon. Conformément<br />

au mandat du RRC, les sous-comités ont<br />

commencé à passer en revue les politiques<br />

et les programmes de la Ville en matière de<br />

gestion des ressources humaines, de l’application<br />

de la loi, de services récréatifs, de logement et<br />

de services communautaires, d’éducation et<br />

de formation, de l’utilisation des installations<br />

municipales, de planification urbaine et de<br />

zonage. Cet exercice a permis aux sous-comités<br />

de faire des recommandations en vue de<br />

l’amélioration des politiques et programmes ou<br />

de l’élaboration de nouveaux moyens d’action.<br />

En 1991, le RRC a fait valoir à la Ville<br />

qu’un coordonnateur devait être nommé au<br />

programme des relations interraciales pour<br />

fournir le soutien administratif requis. Lorsque<br />

la Ville a accepté, le RRC a réussi à obtenir<br />

du Secrétariat d’État du <strong>Canada</strong> deux<br />

subventions à cette fin. Grâce au soutien du<br />

coordonnateur, [Traduction] « le comité a pu<br />

produire un guide pour les locataires [le Renters’<br />

Handbook], organiser un certain nombre<br />

d’activités, dont une conférence communautaire,<br />

dans le cadre de la Journée internationale<br />

pour l’élimination de la discrimination raciale,<br />

élargir les consultations communautaires et<br />

mettre sur pied un programme pour encourager<br />

la participation des Autochtones aux conseils,<br />

comités et commissions de la Ville ». En mars<br />

1993, le conseil municipal a approuvé la recom -<br />

mandation de rendre permanent le poste de<br />

coordonnateur au sein de l’administration. Cette<br />

décision a été prise même si, à l’époque, la Ville<br />

effectuait une réduction de ses effectifs et<br />

qu’aucun nouveau poste n’avait été créé en cinq<br />

ans. Relevant directement du commissaire de<br />

la ville, le coordonnateur avait la responsabilité<br />

d’appuyer le travail du RRC et d’élaborer et<br />

exécuter des programmes de sensibilisation et de<br />

soutien pour les employés municipaux. Lors<br />

Nos diverses cités 165


Le rapport Building Saskatoon to Become a Global City: A Framework for an Action<br />

Plan recommande que la Ville joue un rôle de premier plan de coordination<br />

d’initiatives visant à encourager l’immigration à Saskatoon et répondre aux<br />

besoins des immigrants en matière d’établissement et d’intégration.<br />

166 Nos diverses cités<br />

d’une vaste réorganisation menée au cours de<br />

l’exercice 1996-1997, la Ville a également créé<br />

une division des relations interraciales et<br />

un centre de documentation sur les relations<br />

interraciales dont les ressources sont accessibles<br />

à ses employés, aux étudiants et au grand public.<br />

Entre 1989 et 1999, Saskatoon a également fait<br />

des progrès considérables dans l’élaboration d’un<br />

cadre de politiques et de programmes en matière<br />

de diversité culturelle et de relations interraciales.<br />

Cet exercice a commencé en 1992 lorsque le<br />

comité a présenté au conseil municipal un<br />

projet de politique visant à promouvoir l’équité<br />

et combattre le racisme. Cinq ans plus tard,<br />

précisément le 1 er décembre 1997, le conseil<br />

adoptait une politique officielle en ce sens. Cet<br />

instrument s’inspire largement de la politique<br />

sur les relations interraciales de la ville de<br />

Scarborough. De l’avis des élus municipaux de<br />

Saskatoon et des membres du comité, il s’agissait<br />

du modèle le plus pertinent parmi tous ceux<br />

examinés. Cette politique-cadre, qui s’appliquait<br />

au conseil municipal et à l’administration muni -<br />

cipale, est venue compléter, et non remplacer, les<br />

politiques existantes sur des sujets précis comme<br />

le harcèlement en milieu de travail et l’équité<br />

en matière d’emploi. Elle est restée en vigueur<br />

jusqu’en 2004, année où, comme nous le verrons<br />

dans la suite de l’article, la Ville de Saskatoon l’a<br />

remplacée par une nouvelle politique.<br />

Les progrès réalisés par la Ville de Saskatoon<br />

ont reçu une reconnaissance nationale en 1996,<br />

année où elle a remporté le tout premier Prix<br />

des relations interraciales décerné par la<br />

Fédération canadienne des municipalités. Cette<br />

récompense est venue confirmer non seulement<br />

la valeur des résultats déjà obtenus, mais<br />

également l’importance d’en faire davantage au<br />

cours des années à venir.<br />

Initiatives menées entre 2000 et 2008<br />

Entre 2000 et 2008, la Ville de Saskatoon a su<br />

consolider et mettre à profit les initiatives de la<br />

décennie précédente. Ses efforts ont commencé<br />

en 2000 quand elle a élargi le mandat et la<br />

composition du RRC; celui-ci a été renommé le<br />

Cultural Diversity and Race Relations Committee<br />

(CDRRC), puisqu’on y ajoutait la dimension de<br />

diversité culturelle. La composition de ses<br />

membres s’est élargie de sorte à assurer une<br />

meilleure représentation des membres de la<br />

communauté et à accueillir des fonctionnaires<br />

municipaux élus et nommés. Son mandat est de<br />

conseiller le Conseil municipal sur des enjeux<br />

relatifs à la politique sur la diversité culturelle<br />

et les relations raciales. Il compte 18 membres<br />

nommés par le conseil municipal pour un mandat<br />

d’un ou de deux ans. Le CDRRC, dont au moins<br />

50 % des membres sont des minorités visibles,<br />

est ainsi constitué :<br />

• Un membre du conseil scolaire public;<br />

• Un membre du conseil scolaire des écoles<br />

séparées;<br />

• Le chef de police ou son remplaçant désigné;<br />

• Un membre de la Saskatchewan Intercultural<br />

Association;<br />

• Un membre de la Saskatoon Health Region;<br />

• Un représentant de la communauté Métis;<br />

• Un représentant de la communauté des<br />

Premières nations;<br />

• Un représentant du ministère des Ressources<br />

communautaires;<br />

• Un représentant du ministère des Services<br />

correctionnels et de la Sécurité publique;<br />

• Jusqu’à huit représentants du grand public;<br />

• Jusqu’à deux conseillers municipaux.<br />

Politique de Saskatoon en matière de diversité<br />

culturelle et de relations interraciales<br />

Quatre ans plus tard, le conseil municipal<br />

approuvait la politique sur la diversité culturelle<br />

et les relations interraciales, intitulée la Cultural<br />

Diversity and Race Relations Policy (CDRRP).<br />

Ainsi se lit l’énoncé de vision formulé dans<br />

la politique : [Traduction] « La Ville de Saskatoon<br />

travaillera de concert avec les syndicats, les<br />

entreprises et les organisations communautaires,<br />

tous les ordres de gouvernement et d’autres


intervenants, à créer une collectivité inclusive<br />

où la diversité ethnoculturelle est acceptée et<br />

appré ciée, et où chacun peut vivre avec dignité<br />

et réaliser son plein potentiel sans craindre le<br />

racisme ou la discrimination » (Saskatoon, 2004a).<br />

La CDRRP énonce également quatre objectifs<br />

communautaires généraux : l’effectif municipal<br />

sera représentatif de la population de Saskatoon;<br />

une politique de tolérance zéro en matière de<br />

racisme et de discrimination sera appliquée à<br />

Saskatoon; les décideurs communautaires seront<br />

représentatifs de l’ensemble de la population de<br />

Saskatoon; et il y aura sensibilisation, compré -<br />

hension et acceptation par la collectivité des<br />

diverses cultures présentes à Saskatoon. Depuis<br />

2000, ces résultats trouvent écho dans les chapitres<br />

des plans d’activités de la Ville qui traitent de la<br />

coopération multiculturelle et des partenariats<br />

avec les Autochtones (Saskatoon, 2004b, 2006,<br />

2008). Les plans d’activités souli gnaient également<br />

l’importance pour la Ville de collaborer avec les<br />

gouvernements fédéral et provincial ainsi qu’avec<br />

la Saskatoon Regional Economic Development<br />

Authority (SREDA) pour accroître les taux<br />

d’immi gration à Saskatoon et offrir aux immi -<br />

grants des débouchés d’emploi appropriés.<br />

En accord avec ces objectifs communautaires,<br />

la Ville de Saskatoon mène depuis 2004<br />

une série d’initiatives axées sur l’immigration<br />

et l’intégration. Elle répond ainsi à une recom -<br />

mandation formulée en 2004 par le CDRRC, qui<br />

estimait qu’un rapport devait être préparé sur les<br />

besoins de Saskatoon en matière d’immigration<br />

et sur les besoins des immigrants à Saskatoon.<br />

Le CDRRC a également recommandé que la<br />

Ville tente d’obtenir des fonds des principaux<br />

organismes fédéraux et provinciaux intervenants<br />

dans ce secteur. Ces recommandations ont<br />

été approuvées par le conseil municipal le<br />

29 novembre 2004. L’année suivante, les élus<br />

municipaux ont réussi à négocier une entente<br />

avec leurs homologues provinciaux et fédéraux<br />

pour cofinancer et coordonner une ronde de<br />

consultations communautaires et la production<br />

d’un rapport sur l’immigration et l’intégration. Le<br />

comité directeur tripartite a collaboré étroitement<br />

en supervisant les consultations et la production<br />

du rapport, amorcées à la fin de 2005.<br />

Building Saskatoon to Become<br />

a Global City : le rapport<br />

Le rapport Building Saskatoon to Become a Global<br />

City: A Framework for an Action Plan recom -<br />

mande que la Ville joue un rôle de premier plan<br />

de coordination d’initiatives visant à encourager<br />

l’immigration à Saskatoon et répondre aux<br />

besoins des immigrants en matière d’établis -<br />

sement et d’intégration.<br />

Le rapport présente une analyse des éléments<br />

suivants : les facteurs liés à l’attraction, à<br />

l’intégration et au maintien des immigrants<br />

dans la collectivité; les besoins de Saskatoon en<br />

ce qui a trait à l’accueil des nouveaux arrivants;<br />

les besoins des immigrants; les besoins des<br />

organismes offrant des services aux immigrants<br />

et à la communauté; et les besoins des orga -<br />

nismes gouvernementaux. Le rapport contient<br />

également des propositions conçues pour<br />

renforcer les capacités de Saskatoon dans les<br />

cinq domaines suivants :<br />

• Planification et coordination des initiatives<br />

en matière d’immigration et d’intégration;<br />

• Recrutement de nouveaux immigrants à<br />

l’étranger et dans d’autres provinces;<br />

• Accueil des immigrants à leur arrivée à<br />

Saskatoon;<br />

• Intégration économique des immigrants;<br />

• Intégration communautaire des immigrants.<br />

Enfin, on formule dans le rapport une série de<br />

recommandations pour que la Ville établisse un<br />

mécanisme de leadership et de coordination,<br />

dont : 1) l’élaboration et l’exécution d’un plan<br />

d’action en matière d’immigration et d’inté -<br />

gration qui soit en accord avec d’autres plans<br />

d’action, surtout ceux qui touchent la population<br />

autochtone; 2) la mise sur pied d’un cadre<br />

organisationnel à l’hôtel de ville afin de fournir<br />

soutien et leadership dans l’élaboration et la mise<br />

en œuvre d’un tel plan d’action en immigration;<br />

3) la mise sur pied d’un comité de coordination<br />

tripartite formé de représentants des sphères<br />

municipale, provinciale et fédérale; et 4) la<br />

création de mécanismes de consultation et de<br />

coordination, reposant sur une participation<br />

sectorielle et intersectorielle.<br />

En avril 2007, après avoir reçu le rapport<br />

susmentionné, la Ville a mis au point un plan<br />

d’action en cinq étapes, approuvé par le conseil<br />

municipal (Saskatoon, 2007a, 2007b). Les cinq<br />

étapes sont les suivantes :<br />

• Poursuivre la collaboration avec les gouver -<br />

nements fédéral et provincial en vue d’élaborer<br />

une stratégie propre à Saskatoon pour recruter<br />

et garder les immigrants;<br />

Nos diverses cités 167


168 Nos diverses cités<br />

• Étendre la portée du plan d’intervention afin<br />

d’y inclure des stratégies axées sur l’immi -<br />

gration et la migration dans notre ville;<br />

• Élaborer un modèle de gouvernance pour<br />

l’élaboration du plan détaillé d’intervention<br />

et de durabilité;<br />

• Faire le point sur les initiatives en cours à<br />

Saskatoon et dans la région environnante qui<br />

visent les immigrants;<br />

• Élaborer une campagne d’information publique<br />

pour sensibiliser la population à l’immigration<br />

et améliorer la compréhension de celle-ci.<br />

La Ville de Saskatoon a par la suite présenté des<br />

demandes de financement auprès de Citoyenneté<br />

et Immigration <strong>Canada</strong> (CIC) et du ministère de<br />

l’Enseignement postsecondaire, de l’Emploi et du<br />

Travail de la Saskatchewan – Direction générale<br />

de l’immigration, et a reçu des fonds de ces deux<br />

organismes. Les principaux résultats escomptés<br />

comprenaient des activités susceptibles de faire<br />

avancer les recom mandations approuvées par le<br />

conseil ainsi que l’embauche d’un coordonnateur<br />

des ressources communautaires pour les immi -<br />

grants (Saskatchewan, 2008) (en date d’octobre<br />

2007). Deux initiatives importantes ont été lancées<br />

en 2008 pour aider Saskatoon à élaborer et à<br />

exécuter un plan d’action en immigration.<br />

Rapport sur l’analyse des lacunes et<br />

conférence de visionnement d’avenir<br />

La première initiative consistait à préparer un<br />

rapport sur l’analyse des lacunes qui permettrait<br />

de faire des recommandations en vue d’élaborer<br />

un plan d’action en immigration (Insightrix,<br />

2008b). L’exercice comprenait l’examen appro -<br />

fondi du rapport Building Saskatoon to Become a<br />

Global City, l’examen d’autres documents pour<br />

compléter le rapport précédent, des discussions<br />

avec d’autres municipalités, des entrevues<br />

approfondies avec des représentants d’orga -<br />

nismes, de groupes ethnoculturels et de bailleurs<br />

de fonds, ainsi que la tenue d’une conférence<br />

de visionnement d’avenir. À l’occasion de la<br />

conférence en question, des représentants de<br />

différents secteurs ont passé en revue ce qu’ils<br />

considéraient être les principales questions et<br />

possibilités entourant l’élaboration d’un plan<br />

d’action cohésif. Ce processus a assuré la<br />

participation de la collectivité à la définition<br />

des 28 recommandations issues de cet exercice<br />

et à l’identification des priorités. Ces recomman -<br />

dations sont résumées dans le rapport en fonction<br />

des échéanciers proposés, des intervenants<br />

possibles, des initiatives déjà en cours et de<br />

l’augmen tation suggérée des activités ou des<br />

bailleurs de fonds. Les trois principales recom -<br />

man dations étaient la création d’un site Web<br />

convivial et complet sur l’immigration, l’élabo -<br />

ration d’un guide à l’intention des nouveaux<br />

arrivants et la mise sur pied d’un centre de<br />

ressources. Faisait également partie du rapport<br />

une liste de vérification pour le plan d’action,<br />

intitulée le Checklist for Immigration Action Plan.<br />

Celle-ci renferme des suggestions pour améliorer<br />

le système dans six secteurs principaux : pro -<br />

mouvoir Saskatoon comme milieu de vie et de<br />

travail idéal, faciliter l’intégration économique des<br />

immigrants, améliorer les services d’établis sement,<br />

renforcer l’intégration sociale et communautaire<br />

des immigrants, et améliorer les politiques, les<br />

programmes et les procédés afin que la Ville<br />

puisse offrir de meilleurs services et davantage de<br />

débouchés pour les immigrants.<br />

Forums sectoriels<br />

L’analyse des lacunes a mené à la définition<br />

d’une stratégie générale pour un plan d’action<br />

permettant d’attirer, de garder et d’intégrer les<br />

immigrants à Saskatoon. Afin d’appuyer l’élabo -<br />

ration et la mise en œuvre des différents éléments<br />

du plan d’action, une autre initiative clé a été<br />

menée, c’est-à-dire l’organisation d’une série de<br />

forums sectoriels auxquels ont été invités des<br />

représentants d’organisations clés de chacun des<br />

secteurs concernés : services de police et justice,<br />

éducation, santé, développement économique et<br />

emploi, établissement et logement. Ces forums<br />

visaient à donner aux représentants d’organismes<br />

gouvernementaux et non gouver nementaux de<br />

chaque secteur l’occasion de partager leurs<br />

con naissances sur des stratégies existantes, de<br />

mieux comprendre l’importance d’initiatives<br />

additionnelles, et d’élaborer des straté gies pour<br />

entreprendre conjointement (ou du moins en<br />

coordination) des initiatives constructives.<br />

Initiatives futures<br />

Au début de 2009, une fois les forums sectoriels<br />

terminés, la Ville de Saskatoon prévoit organiser<br />

un forum intersectoriel, dont l’objectif est de<br />

partager les idées soulevées aux forums<br />

précédents et de favoriser une collaboration entre<br />

les secteurs. Il lui faudra également déterminer<br />

quelles autres initiatives devront être menées dans<br />

ce secteur stratégique. Sans aucun doute, les<br />

prochaines interventions prendront appui sur les


conclusions issues de ces forums et sur les deux<br />

rapports principaux qui ont été produits ces deux<br />

dernières années. Les choix effectués à cet égard<br />

dépendront d’ailleurs de deux facteurs clés, soit les<br />

préférences des participants aux forums sectoriels<br />

et la volonté des gouvernements fédéral et<br />

provincial de continuer à collaborer avec la Ville<br />

à l’élaboration et à la mise en œuvre de nouvelles<br />

initiatives. Tout porte à croire que la Ville assu -<br />

mera un rôle d’orientation, d’animation, d’appui<br />

et de coordination. Les représentants municipaux<br />

élus et nommés estiment que la meilleure<br />

contribution que la Ville puisse faire est d’aider<br />

la multitude d’organismes gouver nementaux et<br />

non gouvernementaux concernés à réaliser leurs<br />

mandats. Bref, la Ville veut appuyer, plutôt que<br />

remplacer, de tels organismes dans l’exécution de<br />

leurs tâches dans ce secteur.<br />

À propos des auteurs<br />

JOSEPH GARCEA est professeur agrégé au département<br />

de science politique de la University of Saskatchewan.<br />

SMITA GREG est coordonnatrice des ressources<br />

communautaires pour les immigrants à la Ville<br />

de Saskatoon.<br />

Références<br />

<strong>Canada</strong>. Statistique <strong>Canada</strong>. 2002. Profil des communautés<br />

de 2001 – Subdivision de recensement : Saskatoon, Ottawa,<br />

Statistique <strong>Canada</strong>, no 93-F0053-XIF au catalogue.<br />

Consulté à l’adresse .<br />

———. Statistique <strong>Canada</strong>. 2008. Profil des communautés de<br />

2006 – Subdivision de recensement : Saskatoon, Ottawa,<br />

Statistique <strong>Canada</strong>, no 92-591-XWF au catalogue. Consulté<br />

à l’adresse .<br />

Garcea, J. 2008. « Representation Deficits in Regina and<br />

Saskatoon », dans C. Andrew, J. Biles, M. Siemiatycki et<br />

E. Tolley (dir.), Political Participation in <strong>Canada</strong>, Vancouver,<br />

UBC Press, p. 156-179.<br />

Insightrix. 2008a. Checklist for Immigration Action Plan,<br />

document préparé pour la Ville de Saskatoon. Consulté<br />

à l’adresse .<br />

———. 2008b. Immigration Action Plan Gap Analysis, rapport<br />

préparé pour la Ville de Saskatoon. Consulté à l’adresse<br />

.<br />

Pontikes, K., et J. Garcea. 2006. Building Saskatoon to<br />

Become a Global City: A Framework for an Immigration<br />

Action Plan, rapport préparé pour la Ville de Saskatoon.<br />

Consulté à l’adresse .<br />

Saskatchewan. 2008. « Saskatoon Announces Immigration<br />

Project Designed to Support Settlement and Retention of<br />

Newcomers », communiqué de presse (28 mars), Regina,<br />

gouvernement de la Saskatchewan.<br />

Saskatoon. 1999. Tenth Anniversary Report of the City<br />

of Saskatoon Race Relations Committee 1989-1999:<br />

Celebrating a Decade of ‘Living in Harmony’, Saskatoon,<br />

Ville de Saskatoon, Saskatoon Race Relations Committee.<br />

———. 2004a. Cultural Diversity and Race Relations Policy,<br />

Saskatoon, Ville de Saskatoon. Consulté à l’adresse<br />

.<br />

———. 2004b. Corporate Business Plan 2004-2006,<br />

Saskatoon, Ville de Saskatoon.<br />

———. 2006 Corporate Business Plan, 2006-2008, Saskatoon,<br />

Ville de Saskatoon.<br />

———. Saskatoon. 2007a. Procès-verbal de réunion (16 avril),<br />

Saskatoon, Ville de Saskatoon. Consulté à l’adresse<br />

.<br />

———. 2007b. Immigration Council Report, Saskatoon, Ville<br />

de Saskatoon. Consulté à l’adresse .<br />

———. 2008 Corporate Business Plan, 2008-2010, Saskatoon,<br />

Ville de Saskatoon. Consulté à l’adresse .<br />

Nos diverses cités 169


Le rôle des municipalités dans<br />

l’intégration des immigrants :<br />

l’expérience d’Edmonton<br />

JOHN REILLY<br />

Ville d’Edmonton<br />

170 Nos diverses cités<br />

Soucieuse de favoriser l’intégration des immigrants dans la population active, la<br />

Ville d’Edmonton a pris des mesures pour améliorer ses propres pratiques de<br />

gestion des ressources humaines et trouver des moyens d’appuyer les<br />

efforts d’intégration en collaboration avec les employeurs de la région.<br />

Au printemps 2005, le conseil municipal<br />

d’Edmonton a ajouté l’immigration et l’établis -<br />

sement à ses priorités stratégiques de son plan<br />

triennal. Le nouveau maire, Stephen Mandel,<br />

était préoccupé par la stagnation de l’immi -<br />

gration à Edmonton alors que d’autres villes, en<br />

particulier Calgary, enregistraient une forte<br />

hausse de leur nombre d’immigrants 1 . Le secteur<br />

énergétique de la région d’Edmonton connaissait<br />

une importante transformation et souffrait<br />

parallèlement d’une pénurie de main-d’œuvre.<br />

Au même moment, Citoyenneté et Immigration<br />

<strong>Canada</strong> (CIC) prévoyait qu’en 2011, la totalité<br />

de l’augmen tation de la population active au<br />

<strong>Canada</strong> proviendrait de l’immigration (CIC,<br />

2001), exacerbant la crainte qu’à défaut d’attirer<br />

une main-d’œuvre qualifiée dans la région, la<br />

croissance économique serait menacée.<br />

En outre, le conseil municipal et l’admi -<br />

nistration de la Ville se préoccupaient alors de<br />

veiller à une diversité de l’effectif municipal qui<br />

soit proportionnelle à celle de la population<br />

globale de la ville et de la région, ainsi que de la<br />

capacité de la Ville d’attirer et d’intégrer plus<br />

efficacement les immigrants et les membres des<br />

minorités visibles dans son effectif. Lors du<br />

1 Selon les statistiques de Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong>,<br />

même si le nombre d’immigrants à Edmonton et à Calgary était<br />

presque égal en 1995, une décennie plus tard, deux fois plus<br />

d’immigrants choisissaient Calgary de préférence à Edmonton.<br />

Recensement fédéral de 2006 (Statistique <strong>Canada</strong>,<br />

2008), la ville d’Edmonton comptait 730 372<br />

habitants et sa région métropolitaine de<br />

Recensement, 1 024 820, ces populations étant<br />

respectivement constituées à 22,9 % et 17,1 %<br />

de minorités visibles, et à 22,9 % et 18,5 % de<br />

personnes nées à l’étranger. Or dans un sondage<br />

mené par la Ville d’Edmonton en 2006 auprès de<br />

ses employés, 13 % de ceux-ci avaient déclaré être<br />

des personnes de couleur, soit un pourcentage<br />

considérablement plus faible que celui qui<br />

correspondait à celui de la population générale.<br />

En outre, même si les immigrants récents installés<br />

à Edmonton étaient dans l’âge d’activité maxi -<br />

male et avaient un niveau de scolarité plus<br />

élevé que leurs homologues nés au <strong>Canada</strong>, ils<br />

présentaient un taux d’emploi plus faible et un<br />

taux de chômage plus élevé.<br />

Afin d’examiner de plus près ces questions,<br />

le conseil a demandé au Centre <strong>Metropolis</strong> des<br />

Prairies d’effectuer une recherche sur la manière<br />

dont la municipalité pourrait attirer et retenir les<br />

immigrants. La recherche a été menée grâce à des<br />

fonds de CIC et, en novembre 2005, le rapport<br />

de recherche et ses 27 recom mandations étaient<br />

présentés au conseil municipal d’Edmonton<br />

(Derwing et coll., 2005).<br />

Le conseil municipal a réagi en chargeant<br />

deux conseillers d’alors, Michael Phair et Terry<br />

Cavanagh, d’effectuer un examen approfondi<br />

du rapport et de lui recommander des mesures


d’intervention précises. Parallèlement, le directeur<br />

municipal a alloué des ressources au Bureau<br />

de la diversité et de l’inclusion d’Edmonton et<br />

un nouvel expert-conseil en diversité et inclu -<br />

sion a été embauché afin d’appuyer les travaux<br />

du conseil.<br />

Les recommandations du rapport relevant des<br />

compétences municipales ont été cernées, les<br />

pratiques exemplaires d’autres municipalités ont<br />

été examinées et des consultations publiques ont<br />

été menées en mars 2006. Près de 80 personnes<br />

représentant des groupes d’immi grants, des<br />

organismes d’aide à l’établis sement et d’autres<br />

ordres de gouvernement se sont réunies à la<br />

bibliothèque publique d’Edmonton afin de se<br />

pencher sur les recommandations et de fournir<br />

une orientation et un appui aux deux conseillers<br />

dans le choix des priorités. Les politiques et les<br />

pratiques d’autres municipalités ont été exposées<br />

et les participants se sont répartis en petits<br />

groupes afin de déterminer les mesures prioritaires<br />

que la Ville devait envisager.<br />

En avril 2006, les conseillers Phair et Cavanagh<br />

ont présenté leur rapport au conseil municipal,<br />

recommandant à la Ville d’examiner plus à fond<br />

les initiatives possibles en matière d’attraction<br />

de la main-d’œuvre, de sensibilisation du public,<br />

de services d’information, de services commu -<br />

nautaires et de ressources humaines. Le conseil a<br />

approuvé les recommandations et a chargé l’admi -<br />

nistration d’examiner les politiques municipales<br />

possibles dans le domaine de l’immigration et de<br />

l’établissement. Le Bureau de la diversité et de<br />

l’inclusion a mis sur pied un groupe de travail<br />

qui comprenait des repré sentants des Services<br />

communautaires, de la Direction générale des<br />

ressources humaines et de la Direction générale<br />

des communications de la Ville, ainsi qu’un<br />

représentant du groupe de développement de la<br />

main-d’œuvre de l’Edmonton Economic Develop -<br />

ment Corporation (EEDC).<br />

Après d’autres consultations publiques, une<br />

analyse des politiques et la création de pro -<br />

grammes, l’administration est revenue devant<br />

le conseil municipal en novembre 2006 avec<br />

des recommandations visant la mise en œuvre<br />

de plusieurs projets d’aide à l’immigration et à<br />

l’établissement, ainsi que d’un cadre stratégique<br />

pour orienter la prestation de ces nouveaux<br />

programmes et services. En décembre de la même<br />

année, le conseil a approuvé un budget qui<br />

octroyait des fonds prélevés sur l’impôt à plusieurs<br />

projets en cours et a chargé l’administration<br />

municipale de lui présenter des politiques<br />

possibles en matière d’immigration et d’établis -<br />

sement. En mai 2007, le conseil a approuvé une<br />

politique d’immigration et d’établissement axée<br />

sur sept domaines des services et programmes<br />

municipaux visant l’attraction et le maintien<br />

de nouveaux arrivants; l’intégration économique;<br />

les relations inter gouvernementales; l’accès aux<br />

services et l’équité; la planification et la coor -<br />

dination; les communications, la sensibilisation<br />

du public et l’éducation; le développement<br />

communautaire et l’inclusion; et, finalement,<br />

les femmes immigrantes. C’est le Bureau de la<br />

diversité et de l’inclusion de la Ville qui est<br />

responsable de mettre en œuvre cette politique.<br />

Intégration économique<br />

Soucieuse de favoriser l’intégration des immi -<br />

grants dans la population active, la Ville a pris des<br />

mesures pour améliorer ses propres pratiques de<br />

gestion des ressources humaines et trouver des<br />

moyens d’appuyer les efforts d’intégration en<br />

collaboration avec les employeurs de la région. La<br />

Direction générale des ressources humaines a créé<br />

un programme de prise de contact et embauché<br />

une conseillère en ressources humaines chargée<br />

de travailler expressément à la mise sur pied<br />

d’un effectif plus représentatif de la composition<br />

ethno culturelle de la population régionale. La<br />

personne choisie, elle-même une immigrante,<br />

possédait une expérience considérable dans la<br />

création de programmes de transition et d’inté -<br />

gration au travail pour les immigrants. Depuis,<br />

elle a conçu et mis en œuvre un programme<br />

de stage pour les immigrants, qui a permis à la<br />

Direction générale des ressources humaines et au<br />

Service des transports de la Ville d’accueillir huit<br />

stagiaires. Plusieurs de ces stagiaires occupent<br />

maintenant des postes permanents à la Ville,<br />

tandis que les autres sont en voie de terminer<br />

leur stage.<br />

La conseillère en ressources humaines organise<br />

des salons de l’emploi au sein d’organismes<br />

d’aide à l’établissement et d’autres organisations<br />

communautaires bien connues des immigrants<br />

et des réfugiés, et anime dans la collectivité<br />

des colloques qui fournissent aux immigrants<br />

des renseignements utiles sur les processus de<br />

demande d’emploi à la Ville. Au moyen de<br />

fonds provinciaux et de marchés conclus avec<br />

des établissements d’enseignement, elle offre<br />

également un soutien spécialisé (p. ex., des cours<br />

sur la diversité culturelle et des programmes<br />

linguistiques) aux unités fonctionnelles de la<br />

Ville où les pénuries de travailleurs sont<br />

Nos diverses cités 171


La Ville et les gouvernements provincial et fédéral collaborent actuellement à<br />

la publication d’un guide des nouveaux arrivants à Edmonton, à l’exploitation<br />

d’un centre d’information pour les nouveaux arrivants et à la conception<br />

et la mise en œuvre d’un plan d’action contre le racisme à Edmonton.<br />

172 Nos diverses cités<br />

particulièrement aiguës ou qui font l’objet de<br />

plaintes des immigrants quant au manque d’accès<br />

aux emplois municipaux. De plus, la conseillère a<br />

mis sur pied un programme d’accès à l’emploi.<br />

Dans le cadre de celui-ci, la Ville collabore avec<br />

un collège communautaire de la région et avec<br />

une agence qui fournit des services d’emploi aux<br />

immigrants, dont une formation professionnelle<br />

et linguistique, en vue d’accroître le nombre<br />

d’immigrants travaillant au sein du service des<br />

transports en commun et du service médical<br />

d’urgence de la Ville. Le contenu des cours<br />

est présentement en voie d’élaboration et le<br />

pro gramme devrait être lancé en mai 2009, avec<br />

une deuxième cohorte de participants prévue<br />

pour septembre 2009. Le service de transports<br />

en commun d’Edmonton a investi d’importantes<br />

ressources au projet.<br />

La Ville a également collaboré avec la EEDC,<br />

des employeurs locaux et des intervenants<br />

communautaires à la création de l’Edmonton<br />

Region Immigrant Employment Council (ERIEC).<br />

S’inspirant du succès du Toronto Region<br />

Immi grant Employment Council (TRIEC), la Ville<br />

a coprésidé, avec la EEDC, un comité de plani -<br />

fication qui a effectué une étude de faisabilité et<br />

établi un plan d’action provisoire. Notamment<br />

grâce au travail d’un expert-conseil local, le<br />

comité a pu se procurer des fonds auprès de<br />

multiples partenaires et mettre sur pied un conseil<br />

d’administration pour l’organisme. L’ERIEC a<br />

embauché un directeur administratif et lancé<br />

ses activités en septembre 2008. L’organisme<br />

complétera et, dans certains cas, appuiera<br />

activement les initiatives de la Ville en matière de<br />

ressources humaines. En 2009, la Ville contribuera<br />

d’ailleurs 25 000 $ en financement à l’ERIEC.<br />

Relations intergouvernementales<br />

En 2005, le gouvernement de l’Alberta a<br />

rendu public son cadre stratégique en matière<br />

d’immigration, intitulé Supporting Immigrants<br />

and Immigration to Alberta 2 , dans lequel il<br />

s’engageait à collaborer avec les municipalités<br />

afin d’attirer et de retenir des immigrants.<br />

Saisissant l’occasion, le maire Mandel a entrepris<br />

d’établir des rapports de collaboration avec les<br />

ministres fédéraux et provinciaux responsables<br />

de l’immigration, tandis que le Bureau des<br />

affaires intergouvernementales et le Bureau de la<br />

diversité et de l’inclusion de la Ville participaient<br />

à divers groupes de planification provinciaux<br />

se penchant sur les questions de durabilité<br />

économique et démographique. La muni -<br />

cipalité a participé à un sous-comité entièrement<br />

consacré à la question de l’immigration et de son<br />

lien avec la durabilité économique. L’Accord<br />

de collaboration <strong>Canada</strong>-Alberta en matière<br />

d’immigration, dévoilé en 2007, engageait les<br />

autres ordres de gouver nement à entamer un<br />

[Traduction] « dialogue sur le rôle qu’il convient<br />

de faire jouer aux municipalités dans l’élabo -<br />

ration des programmes et des politiques » (CIC,<br />

2007). Malgré cette invitation, ce dialogue n’a<br />

toujours pas eu lieu.<br />

Toutefois, la Ville a beaucoup mieux réussi sur<br />

le plan administratif. En 2006, le Bureau de la<br />

diversité et de l’inclusion a créé un poste<br />

consultatif entièrement consacré aux questions<br />

touchant l’immigration, l’établissement et le<br />

multiculturalisme. Les liens entre les divers<br />

services et les différents paliers de gouvernement<br />

établis par ce bureau ont entraîné la création<br />

de partenariats de financement avec les<br />

divers ordres de gouvernement. La Ville et les<br />

gouvernements provincial et fédéral ont<br />

collaboré à la création d’un guide des nouveaux<br />

arrivants à Edmonton, à l’exploitation d’un<br />

centre d’information pour les nouveaux<br />

arrivants et à la conception et la mise en œuvre<br />

d’un plan d’action contre le racisme à Edmonton.<br />

Ces partenariats englobent Alberta Human<br />

Rights, le Citizenship and Multiculturalism<br />

Education Fund, le ministère de l’Emploi et<br />

de l’Immigration de l’Alberta, Citoyenneté et<br />

Immigration <strong>Canada</strong> et Patrimoine canadien.<br />

2<br />

Le cadre stratégique de la politique mentionne expressément<br />

l’appui aux municipalités. Pour obtenir des renseignements<br />

supplémentaires, on pourra consulter le document (en anglais) à<br />

l’adresse suivante : .


Planification et coordination pour<br />

l’amélioration de l’accès aux services<br />

et de l’équité<br />

En 2005, le directeur municipal a mis sur pied<br />

le Bureau de la diversité et de l’inclusion. Depuis<br />

la fermeture en 1997 de son Bureau des initiatives<br />

en matière de diversité, la Ville faisait face à des<br />

difficultés sur le plan des ressources humaines et<br />

de l’accès aux services, découlant de l’exclusion<br />

et d’obstacles limitant l’accès à l’emploi et aux<br />

services. Le Bureau de la diversité et de l’inclusion<br />

se situe dans les bureaux du directeur municipal<br />

adjoint et relève directement de la haute direction<br />

de la Ville, qui comprend le directeur municipal,<br />

son adjoint et les directeurs généraux de tous<br />

les services municipaux. Le personnel du Bureau<br />

a travaillé avec la haute direction pour définir<br />

les objectifs de la Ville en matière de diversité<br />

et d’inclusion, des objectifs visant à assurer un<br />

effectif municipal représentatif des communautés<br />

d’Edmonton. Collaborant avec un groupe de<br />

travail composé de représentants de différents<br />

services muni cipaux, le Bureau a également<br />

conçu un cadre et un plan de mise en œuvre de<br />

la diversité et de l’inclusion 3 , qui contient une<br />

stratégie globale ainsi que des outils pour atteindre<br />

les objectifs de diversité et d’inclusion de la Ville.<br />

Un projet plus vaste de politique sur la diversité et<br />

l’inclusion a été présenté au conseil municipal et<br />

approuvé à la fin de 2008.<br />

Actuellement, dans chaque service, il existe<br />

des équipes pour la diversité et l’inclusion qui<br />

cherchent des moyens de modifier les politiques,<br />

les pratiques, les programmes et les services afin<br />

de répondre aux besoins d’une population et d’un<br />

effectif diversifiés. On y met notamment l’accent<br />

sur les besoins d’une population de plus en plus<br />

multiculturelle. La politique et les projets de la Ville<br />

en matière d’immigration et d’établissement vont<br />

dans le sens de ces objectifs et constituent le<br />

fondement d’une meilleure satisfaction des besoins<br />

manifestés par les divers groupes ethnoculturels<br />

qui choisissent de vivre, de travailler et de se<br />

divertir dans la région d’Edmonton.<br />

Communication, sensibilisation<br />

et éducation du public<br />

Grâce aux recherches menées par le Centre<br />

<strong>Metropolis</strong> des Prairies, aux recherches sur<br />

3<br />

Le Diversity and Inclusion Framework and Implementation Plan.<br />

Il s’agit d’un document interne de la Ville, dont on peut obtenir<br />

un exemplaire en communiquant avec le Bureau de la diversité<br />

et de l’inclusion de la Ville d’Edmonton au 780-496-5779 ou<br />

par courriel à officeofdiversityandinclusion@edmonton.ca.<br />

les pratiques exemplaires et à la consultation<br />

avec la collectivité, il est devenu clair pour<br />

l’admi nistration municipale et le conseil muni -<br />

cipal que la Ville devait s’efforcer de mieux<br />

faire connaître ce qu’elle avait à offrir aux<br />

immigrants éventuels, y compris ses services<br />

d’établissement. Les travaux du Centre<br />

<strong>Metropolis</strong> des Prairies laissent entendre que<br />

les nouveaux arrivants ont choisi Edmonton<br />

pour ses possibilités d’emploi, ses institutions<br />

d’ensei gnement et sa qualité de vie. La<br />

Ville s’est associée à la EEDC pour créer un<br />

site Web visant à attirer les travailleurs,<br />

, qui souligne<br />

ces éléments particuliers de la vie à Edmonton<br />

et qui présente aux nouveaux arrivants les<br />

mesures de soutien mises à leur disposition.<br />

Le site Web comprend des capsules vidéo en<br />

sept langues, dans lesquelles des immigrants<br />

récents expli quent pourquoi ils aiment vivre<br />

à Edmonton.<br />

La Ville a également créé un guide à l’intention<br />

des nouveaux arrivants à Edmonton, publié<br />

en huit langues : anglais, français, mandarin,<br />

espagnol, arabe, hindi, panjabi et vietnamien. Ce<br />

guide, publié en octobre 2008, est venu compléter<br />

le réseau 3-1-1 de la Ville, entré en vigueur<br />

en janvier 2009, qui offre des services<br />

d’interprétation téléphonique en ligne dans<br />

plus de 150 langues. Le réseau 3-1-1 fournit<br />

des renseignements sur l’ensemble des services<br />

offerts par la Ville à tous les citoyens, qu’ils soient<br />

nouveaux arrivants ou résidants de longue date,<br />

et les aiguille vers les services communautaires<br />

pertinents. Ces deux services appuient indi -<br />

rectement les activités du nouveau centre<br />

d’information aux citoyens et aux nouveaux<br />

arrivants de la Ville, situé à l’hôtel de ville, où des<br />

agents agréés du réseau 3-1-1 fournissent en<br />

personne des renseignements sur les services de<br />

la Ville et dirigent les nouveaux arrivants vers les<br />

services d’établissement communautaires. Ce<br />

centre fait l’objet de publi cité et le guide pour<br />

les nouveaux arrivants est distribué dans des<br />

points stratégiques de la ville (bibliothèques,<br />

centres d’accueil, aéroports, organismes d’aide<br />

à l’établissement et four nis seurs de services<br />

communautaires). Le guide et le centre d’infor -<br />

mation à l’intention des nouveaux arrivants,<br />

s’inscrivant parfaitement dans la section<br />

« Welcoming Communities » du cadre stratégique<br />

sur l’immigration du gouver nement de l’Alberta,<br />

ont reçu une subvention du ministère de l’Emploi<br />

et de l’Immigration de l’Alberta.<br />

Nos diverses cités 173


Afin d’aider les communautés africaines de la ville à surmonter certains<br />

des nombreux obstacles auxquels ils font face, le bureau du maire et les<br />

Services communautaires ont travaillé avec des groupes communautaires<br />

pour créer un centre africain dans une école publique.<br />

174 Nos diverses cités<br />

Développement communautaire,<br />

inclusion et besoins des immigrants<br />

Pendant les consultations publiques, on a rappelé<br />

à maintes reprises à la Ville que la meilleure<br />

stratégie de recrutement consistait en une<br />

stratégie solide visant à retenir les immigrants. Ces<br />

derniers choisissent de s’installer dans les villes<br />

où ils ont des parents ou des amis qui leur<br />

communiquent les expériences positives qu’ils<br />

ont vécues au moment de leur arrivée et de leur<br />

établissement dans la collectivité. Les nouveaux<br />

arrivants ont souligné des difficultés susceptibles<br />

de miner les efforts déployés par la Ville pour<br />

accueillir les immigrants, les réfugiés et leurs<br />

familles. Les organisations d’aide aux immigrants<br />

n’avaient pas les ressources nécessaires pour<br />

mettre en œuvre des programmes répondant<br />

aux besoins sociaux, culturels et éducatifs de ces<br />

nouveaux arrivants. Certains groupes d’immi -<br />

grants étaient incapables de trouver de la place<br />

dans les programmes d’accueil et faisaient parfois<br />

l’objet d’une discrimination flagrante quand ils<br />

tentaient d’obtenir une place dans des instal -<br />

lations communautaires. Le travail inlassable des<br />

nouveaux arrivants passait souvent inaperçu et,<br />

dans bon nombre de collectivités, des bénévoles<br />

souffraient d’épuisement. En outre, il a été<br />

démontré que de nombreux nouveaux arrivants<br />

n’ont pas besoin des services des organismes<br />

d’aide à l’établissement et que certains n’y sont<br />

pas admissibles; il arrive aussi qu’ils n’aient<br />

pas recours aux services de la Ville et à d’autres<br />

services susceptibles de répondre efficacement à<br />

leurs besoins en établissement.<br />

À l’aide des renseignements et du soutien<br />

communautaire obtenus dans le cadre de vastes<br />

consultations auprès de groupes d’immigrants<br />

et de représentants des organismes d’aide à<br />

l’établissement, la Ville a instauré plusieurs<br />

nouvelles initiatives par l’intermédiaire de<br />

ses Services communautaires. La première est<br />

un programme de subventions destiné aux<br />

nouveaux groupes d’immigrants et de réfugiés.<br />

Ce programme unique en son genre permet<br />

l’octroi de subventions provenant d’un fonds de<br />

450 000 $ à des organismes qui offrent des<br />

services allant des programmes d’enseignement<br />

des langues ancestrales aux clubs de devoirs,<br />

en passant par les programmes sportifs et les<br />

programmes d’activités culturelles.<br />

La deuxième initiative inclut un éventail<br />

de mesures de soutien pour aider les groupes<br />

d’immigrants à se faire une place dans la collec -<br />

tivité. Une subvention locative est actuellement<br />

offerte aux organismes dont les budgets ne<br />

couvrent pas le loyer de bureaux ou de locaux<br />

pour la prestation de leurs programmes. En outre,<br />

la Ville dresse présentement une liste exhaustive<br />

des locaux publics et privés à la disposition de<br />

groupes d’immigrants, et conçoit une boîte à<br />

outils pour aider ceux-ci à acquérir les compé -<br />

tences nécessaires leur permettant d’accéder<br />

aux locaux en question. Des discussions sont en<br />

cours pour déterminer comment le personnel des<br />

Services pourrait intervenir dans les cas où ces<br />

groupes sont victimes de discrimination. En 2007,<br />

le conseil municipal a approuvé une déclaration<br />

d’adhésion à la Coalition canadienne des muni -<br />

cipalités contre le racisme et la discrimination,<br />

et il a adopté récemment un plan d’action qui<br />

abordera ces questions et d’autres formes de<br />

discrimination raciale dans la collectivité. Afin<br />

d’aider les communautés africaines de la ville<br />

à surmonter certains des nombreux obstacles<br />

auxquels ils font face, le bureau du maire et les<br />

Services communautaires ont travaillé avec des<br />

groupes communautaires pour créer un centre<br />

africain dans une école publique. Le bureau<br />

du maire et les Services continuent d’étudier la<br />

possibilité de construire un centre multiculturel<br />

afin de répondre à certains de ces besoins.<br />

Enfin, les Services communautaires envisagent<br />

de créer un programme visant à reconnaître<br />

les précieuses contributions des immigrants à la<br />

qualité de vie dans les collectivités d’Edmonton.<br />

Par ce programme, toujours au stade de l’éla -<br />

boration, on espère créer des moyens de rendre<br />

hommage aux personnes et aux groupes qui<br />

consacrent de leur temps et de leur énergie à des<br />

projets qui aident la Ville à réaliser son objectif<br />

d’attirer et de retenir un plus grand nombre<br />

d’immigrants.


Conclusion<br />

De toute évidence, ces initiatives donnent<br />

des résultats positifs pour l’ensemble de la<br />

collectivité et pour les nouveaux arrivants à<br />

Edmonton. Deux fois par année, la Ville organise<br />

des rassemblements communautaires intitulés<br />

les Immigration and Settlement Community<br />

Gatherings, qui attirent de plus en plus de parti -<br />

cipants. Les évaluations des activités laissent<br />

entendre que les nouveaux arrivants et les<br />

fournisseurs de services sont de mieux en mieux<br />

informés des mesures de soutien et des services<br />

offerts aux immigrants et à leurs familles, et qu’ils<br />

apprécient l’attention portée à leurs besoins. La<br />

Ville est de plus en plus consciente des difficultés<br />

auxquelles font face les immigrants, ainsi que des<br />

talents et des compétences qu’ils ont à lui offrir, à<br />

l’échelle de la main-d’œuvre et de la collectivité.<br />

Ces relations constructives et ces politiques claires<br />

continuent de fournir une base solide pour<br />

bâtir des collectivités où chaque citoyen se sent<br />

respecté et inclus, et où les nouveaux arrivants<br />

peuvent bénéficier de la qualité de vie à laquelle<br />

ils s’attendent quand ils choisissent de s’établir<br />

à Edmonton.<br />

Édition canadienne<br />

À propos de l’auteur<br />

JOHN REILLY est conseiller principal en diversité et<br />

inclusion au Bureau de la diversité et de l’inclusion<br />

de la Ville d’Edmonton. Il aide le conseil municipal<br />

d’Edmonton, les administrateurs de la Ville et les<br />

intervenants communautaires à concevoir et à mettre<br />

en œuvre l’Immigration and Settlement Initiatives Policy<br />

et le Racism Free Edmonton Action Plan de la Ville.<br />

Références<br />

<strong>Canada</strong>. Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (CIC). 2001.<br />

Rapport ministériel sur le rendement, pour la période se<br />

terminant le 31 mars 2001, Ottawa, Travaux publics et<br />

Services gouvernementaux <strong>Canada</strong>, no BT31-4/26-2001 au<br />

catalogue. Consulté à l’adresse .<br />

———. Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (CIC). 2007. Accord<br />

de coopération <strong>Canada</strong>-Alberta en matière d’immigration,<br />

Ottawa, Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong>. Consulté<br />

à l’adresse .<br />

———. Statistique <strong>Canada</strong>. 2008. Profils des communautés<br />

de 2006, Ottawa, Statistique <strong>Canada</strong>, no 92-591-XWF au<br />

catalogue. Consulté à l’adresse .<br />

Derwing, T., H. Krahn, J. Foote, et L. Diepenbroek. 2005.<br />

The Attraction and Retention of Immigrants to Edmonton,<br />

rapport présenté au conseil municipal d’Edmonton et à<br />

Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong>, Edmonton, Centre<br />

<strong>Metropolis</strong> des Prairies et University of Calgary. Consulté à<br />

l’adresse .<br />

Religion and Ethnicity in <strong>Canada</strong> brosse le portrait de six grandes religions<br />

pratiquées au <strong>Canada</strong> : le judaïsme, l’hindouisme, le sikhisme, le boudhisme,<br />

l’islam, et les religions chinoises. Ce livre aborde également la question de la<br />

place qu’occupe la religion dans la société canadienne eu<br />

égard à l’élaboration des politiques publiques, à l’immigration,<br />

à l’économie, et aux lois et normes régissant l’éducation.<br />

Nos diverses cités 175


Créer un effectif<br />

exemplaire pour l’avenir<br />

Les initiatives de Winnipeg en matière<br />

d’équité et de diversité<br />

JACKIE HALLIBURTON<br />

Ville de Winnipeg<br />

176 Nos diverses cités<br />

La Ville de Winnipeg est le deuxième plus gros employeur de la ville. Au<br />

début de 2008, elle avait un effectif de près de 8 300 employés rémunérés,<br />

dont des employés permanents, temporaires, à temps partiel, occasionnels,<br />

et des étudiants. À l’instar des résidants de Winnipeg, les employés<br />

municipaux ont des origines culturelles variées, et nous en sommes fiers.<br />

Winnipeg : une ville diversifiée<br />

La ville de Winnipeg, capitale du Manitoba,<br />

devient une ville des plus diversifiées. Selon<br />

Statistique <strong>Canada</strong>, la population de Winnipeg en<br />

2006 comptait 633 451 habitants (Statistique<br />

<strong>Canada</strong>, 2008). Après avoir vu sa population<br />

augmenter de 25 000 habitants (4,0 %) depuis<br />

1998, la ville maintiendra une croissance<br />

démographique modeste par rapport aux autres<br />

grandes villes canadiennes. Cette augmentation<br />

est largement attribuable à l’immigration.<br />

Winnipeg a toujours été la destination d’environ<br />

80 % des immigrants qui arrivent au Manitoba<br />

(Ville de Winnipeg, 2007).<br />

On s’attend à ce que la main-d’œuvre de<br />

Winnipeg subisse de grands changements à long<br />

terme, notamment en raison du vieillis sement<br />

de la population. Heureusement, l’immigration<br />

à Winnipeg et dans la province en général<br />

est réussie depuis quelques années. En 2007,<br />

l’immigration au Manitoba a augmenté de 9 %,<br />

pour atteindre la barre des 10 955 immigrants, un<br />

record en 50 ans. Depuis 1999, le Manitoba a reçu<br />

plus de 60 500 immigrants (Main d’œuvre et<br />

Immigration Manitoba, 2007). Selon les prévisions<br />

à long terme, l’immigration jouera un rôle de<br />

plus en plus grand dans l’accrois sement démo -<br />

graphique, et la capacité de Winnipeg d’attirer<br />

de nou veaux immigrants sera déterminante pour<br />

son avenir économique (Conference Board du<br />

<strong>Canada</strong>, 2007).<br />

La population autochtone de Winnipeg est<br />

considérable. Selon le Recensement de 2006,<br />

Winnipeg compte la plus grande population<br />

autochtone parmi les grandes villes du <strong>Canada</strong>.<br />

Quelque 63 745 Autochtones habitent la ville<br />

de Winnipeg et représentent maintenant 10 %<br />

environ de la population locale.<br />

Engagement en matière d’équité<br />

et de diversité à la Ville de Winnipeg<br />

La Ville de Winnipeg est le deuxième plus gros<br />

employeur de la ville. Au début de 2008, elle avait<br />

un effectif de près de 8 300 employés rémunérés,<br />

dont des employés permanents, temporaires, à<br />

temps partiel, occasionnels, et des étudiants. À<br />

l’image des résidants de Winnipeg, les employés<br />

municipaux ont des origines culturelles variées,<br />

et nous en sommes fiers. Il y a plus de dix ans,<br />

l’administration municipale lançait une initiative<br />

en matière d’équité et de diversité afin de créer<br />

et de maintenir un effectif plus diversifié et<br />

plus représentatif.<br />

L’organisation n’a pas de politique distincte<br />

pour la diversité. Or, la diversité fait partie<br />

intégrante du mode de gestion des ressources


humaines et de toutes les politiques, directives<br />

et pratiques dans ce domaine. De fait, le<br />

plan stratégique de la Ville en matière de<br />

ressources humaines, approuvé par le conseil<br />

municipal en 2001, reconnaît l’importance de<br />

la diversité.<br />

Les efforts déployés au chapitre de l’équité<br />

et de la diversité s’articulent autour de trois<br />

grands objectifs :<br />

• La diversité : mettre en valeur les différences<br />

au sein du personnel et tirer parti de celles-ci;<br />

• L’équité : créer un milieu de travail juste<br />

et respectueux;<br />

• La création d’un effectif diversifié : prendre<br />

des mesures pour recruter et garder un effectif<br />

diversifié et qualifié (notamment aux fins de<br />

l’équité en matière d’emploi).<br />

La diversité<br />

La diversité, c’est les différences (de race, de<br />

sexe, de situation familiale et d’éducation) entre<br />

les personnes et non seulement les différences de<br />

groupes spécifiques. Nous nous distinguons les<br />

uns des autres en raison de nos différences<br />

sur les plans de la religion, de l’éducation, de<br />

l’orientation sexuelle, de la culture, du style, des<br />

croyances, des mentalités, etc. En valorisant ces<br />

différences, nous prônons l’équité pour tous et<br />

traitons chaque personne avec dignité et respect.<br />

La formule fondée sur la diversité est une<br />

stratégie inclusive qui touche l’ensemble du<br />

personnel municipal, et qui est avantageuse<br />

pour la Ville. Une main-d’œuvre diversifiée<br />

et représentative de la collectivité est plus à<br />

même de comprendre les besoins des citoyens.<br />

Notre objectif est de gérer et de motiver, de la<br />

meilleure manière qui soit, une main-d’œuvre<br />

très diversifiée.<br />

L’équité<br />

L’équité consiste à traiter les gens avec<br />

impartialité. Quand nous traitons les gens<br />

également, nous ne tenons pas compte des dif -<br />

férences. Quand nous les traitons équitablement,<br />

nous reconnaissons les différences. L’équité exige<br />

de reconnaître les différences, de les respecter et<br />

de s’y adapter quand il est raisonnablement<br />

possible de le faire. À cette fin, nous devons<br />

identifier des façons d’approfondir la compré -<br />

hension des cultures, des religions, des<br />

styles d’apprentissage, etc. Il nous faut aussi<br />

trouver des façons de gérer les conflits qui<br />

accompagnent le phénomène d’une maind’œuvre<br />

de plus en plus diversifiée.<br />

Au <strong>Canada</strong>, quatre groupes ont été désignés<br />

comme faisant face à des obstacles arbitraires et<br />

injustes sur le marché de l’emploi. Les conditions<br />

d’emploi inéquitables se traduisent habituellement<br />

par des taux de chômage plus élevés et par leur<br />

concentration dans les emplois moins rémunérés<br />

offrant peu d’avancement. Ces groupes sont<br />

les femmes, les Autochtones, les membres des<br />

minorités visibles et les personnes handicapées.<br />

Les stratégies d’équité en matière d’emploi<br />

visent à éliminer les obstacles, à trouver des<br />

façons d’augmenter le nombre d’embauches<br />

de candidats qualifiés parmi ces quatre groupes<br />

et à former des partenariats avec des organismes<br />

communautaires qui offrent des formations de<br />

préparation à l’emploi.<br />

La Ville de Winnipeg a adopté un « énoncé<br />

d’engagement » concernant l’équité en matière<br />

d’emploi, qui souligne l’importance de redresser<br />

les torts de longue date. C’est pourquoi nous<br />

nous considérons toujours comme un employeur<br />

soucieux de l’équité en emploi. Mais bientôt,<br />

peut-être, nous n’aurons plus besoin de le préciser<br />

et nous pourrons simplement dire que nous<br />

avons un engagement envers la diversité de<br />

chacun. À l’heure actuelle, comme les groupes<br />

désignés sont toujours sous-représentés dans<br />

certains emplois, la Ville continue de mettre<br />

l’accent sur l’équité en matière d’emploi.<br />

La création d’un effectif diversifié<br />

En septembre 2002, la haute direction a approuvé<br />

un plan d’action pour créer un effectif diversifié.<br />

Le plan a été élaboré à la suite d’un examen des<br />

systèmes d’emploi et d’une analyse de l’effectif qui<br />

visait à évaluer le niveau de sous-représentation<br />

des personnes appartenant aux groupes désignés.<br />

Le plan d’action fait état des initiatives en vertu<br />

desquelles la Ville entend encourager et gérer<br />

efficacement la diversité.<br />

Tous les services municipaux ont la respon -<br />

sabilité d’aider à créer un milieu de travail<br />

plus diversifié et respectueux. Chacun d’eux<br />

dépose un rapport annuel sur les activités et les<br />

initiatives qui y ont été menées. Ces rensei -<br />

gnements sont ensuite intégrés à une fiche<br />

annuelle de rendement sur la diversité,<br />

laquelle décrit les activités entreprises par la<br />

Ville et rend compte des progrès réalisés dans<br />

la repré sentation des groupes désignés. Voici<br />

quelques faits saillants de la fiche de rendement<br />

pour 2006-2007 :<br />

Nos diverses cités 177


L’équité consiste à traiter les gens avec impartialité. Quand nous traitons les<br />

gens également, nous ne tenons pas compte des différences. Quand nous les<br />

traitons équitablement, nous reconnaissons les différences. L’équité exige de<br />

reconnaître les différences, de les respecter et de s’y adapter quand il est<br />

raisonnablement possible de le faire.<br />

• Le plan d’action pour créer un effectif<br />

diversifié fonctionne bien, mais quelques<br />

points à amé liorer ont été soulevés, notam -<br />

ment la nécessité pour tous les services<br />

de participer à la création de stages, ainsi<br />

que l’importance de cerner et d’éliminer les<br />

obstacles au recrutement et à l’embauche des<br />

personnes handicapées;<br />

• La représentation globale des groupes désignés<br />

est demeurée stable;<br />

• En 2006, le taux ou la part d’embauches de la<br />

Ville dépassait celle du marché de l’emploi pour<br />

tous les groupes désignés à l’exception des<br />

personnes handicapées, lesquelles demeurent<br />

sous-représentées dans les bassins de candidats<br />

et d’embauches;<br />

• Les activités de rayonnement ont augmenté et<br />

visent particulièrement à renseigner les jeunes<br />

au sujet des possibilités de carrière à la Ville<br />

de Winnipeg.<br />

178 Nos diverses cités<br />

Initiatives et projets particuliers<br />

Camp d’été pour sensibiliser les jeunes aux carrières<br />

Depuis 2004, la Ville de Winnipeg organise un<br />

camp d’été de cinq jours pour les jeunes de 12 à<br />

15 ans. Le camp vise à renseigner les jeunes sur<br />

les nombreuses carrières offertes à la Ville et à<br />

appuyer le message « l’école avant tout », étant<br />

donné que de nombreux emplois exigent un<br />

diplôme d’études postsecondaires. Quatre des cinq<br />

camps ciblent les jeunes Autochtones et un autre<br />

s’adresse aux jeunes immigrants et réfugiés.<br />

Projet d’assistants sur le terrain<br />

Ce projet est le fruit d’un partenariat entre le<br />

Service d’évaluation et de taxation de la Ville,<br />

l’Assemblée des chefs du Manitoba (ACF), la<br />

Fédération des Métis du Manitoba (FMM) et le<br />

Syndicat canadien de la fonction publique.<br />

Grâce au soutien financier et aux ressources<br />

fournis par l’ACF et la FMM, jusqu’à quatre<br />

personnes peuvent suivre une formation à<br />

distance menant à l’obtention d’un certificat en<br />

évaluation des biens immobiliers. Les personnes<br />

qui réussissent le programme se voient offrir<br />

un emploi comme auxiliaire au Service d’éva -<br />

luation et de taxation. Des discussions ont<br />

présentement lieu avec un autre organisme<br />

d’aide aux nouveaux immi grants en vue d’une<br />

collaboration possible.<br />

Programme de bourses d’études et<br />

de récompenses pour Autochtones<br />

Notre Service d’urbanisme, des biens et de<br />

l’aménagement et nos Services généraux, en<br />

partenariat avec la division scolaire de<br />

Winnipeg, offrent un programme de bourses et<br />

de récompenses pour les étudiants autochtones<br />

de premier et deuxième cycles du secondaire.<br />

Le programme vise, entre autres, à offrir des<br />

emplois d’été, des occasions de jumelage et<br />

de mentorat professionnel ainsi que d’autres<br />

mesures de soutien aux étudiants autochtones<br />

qui montrent de l’intérêt et du talent dans le<br />

domaine de l’urbanisme municipal et autres<br />

domaines connexes.<br />

Fonds de stages 2008<br />

La Ville de Winnipeg a créé un fonds pour<br />

appuyer la mise sur pied de stages en 2008.<br />

Le programme a comme objectif d’offrir à des<br />

étudiants un emploi d’été bien rémunéré qui<br />

pourrait mener à des études plus poussées, ou<br />

d’offrir un stage rémunéré à des personnes<br />

qui possèdent diplômes et attestations mais qui<br />

manquent d’expérience, ou encore à des immi -<br />

grants récents ou à des personnes han dicapées.<br />

Lorsque possible, la Ville conclut aussi des<br />

partenariats avec des bailleurs de fonds externes<br />

pour créer les stages. À ce jour, dix stages ont été<br />

créés pour de jeunes Autochtones, des immigrants<br />

et des personnes handicapées.<br />

Programme des ingénieurs étrangers<br />

Le programme Internationally Educated<br />

Engineers Qualification Program (IEEQ) offre


aux immigrants qui ont été formés en génie à<br />

l’étranger la possibilité de satisfaire certaines<br />

exigences de la réglementation pour l’exercice<br />

du génie professionnel au Manitoba. Il s’agit<br />

d’un programme de la University of Manitoba, et<br />

la Ville y participe en offrant des occasions<br />

d’emploi rémunéré aux ingénieurs participants.<br />

Programme des intervenants en<br />

services communautaires<br />

Ce projet d’expérience de travail rémunéré<br />

est exécuté par les Services communautaires.<br />

Il permet aux participants d’acquérir une expé -<br />

rience professionnelle et sert de tremplin pour un<br />

emploi futur. Le projet a été conçu pour fournir<br />

une expérience de travail enrichissante dans un<br />

environnement positif. Les participants sont, pour<br />

la plupart, des Autochtones et des nouveaux<br />

immigrants. Ils font des stages de travail d’une<br />

durée maximale de six mois au sein d’organismes,<br />

y effectuant des tâches d’entretien. Le programme<br />

offre maints avantages, dont une expérience<br />

professionnelle récente au <strong>Canada</strong>, un curriculum<br />

vitæ à jour pour tous les participants, un<br />

aiguillage vers d’autres emplois, des occasions<br />

d’études ou de formation et des journées de<br />

recherche d’emploi rémunérées.<br />

Réseaux d’entraide<br />

Le groupe des employés autochtones se réunit<br />

régulièrement pour se pencher sur les moyens<br />

de promouvoir et de faire connaître la culture<br />

autochtone. Le Service de police de Winnipeg<br />

appuie le Women’s Network, qui aborde les<br />

questions propres aux policières, notamment<br />

au chapitre du recrutement, du mentorat, du<br />

maintien en fonction et de l’avancement. De<br />

plus, le groupe Females in Transit (FIT) tient des<br />

rencontres pour examiner et régler les problèmes<br />

auxquels font face les femmes à l’emploi du<br />

Service de transition; ce groupe bénéficie du<br />

soutien de la direction du Service.<br />

Comité de l’équité pour les citoyens<br />

Depuis 2001, ce comité soumet des recom -<br />

mandations au maire et au conseil municipal sur<br />

les questions d’équité et de diversité en lien avec<br />

les politiques, les procédures et les services de la<br />

Ville de Winnipeg. Le comité est composé de<br />

neuf citoyens, de deux conseillers municipaux<br />

et d’un représentant des gouvernements fédéral<br />

et provincial.<br />

Information et soutien pour les nouveaux arrivants<br />

Une trousse d’information à l’intention des<br />

citoyens autochtones et des nouveaux arrivants<br />

(immigrants et réfugiés) est offerte sur le site<br />

Web de la Ville de Winnipeg. Le site fournit<br />

également de l’information sur les services<br />

municipaux qui revêtent un intérêt particulier<br />

pour les nouveaux arrivants.<br />

L’avenir<br />

Parmi les grandes questions qui retiendront<br />

l’attention de la Ville de Winnipeg au cours<br />

des années à venir, signalons l’évolution des<br />

caractéristiques démographiques du marché du<br />

travail (le vieillissement de la main-d’œuvre,<br />

l’augmentation du nombre d’immigrants et<br />

d’Autochtones à la recherche d’emploi), la<br />

probabilité que la main-d’œuvre continue de<br />

diminuer et la difficulté d’offrir une formation sur<br />

la diversité tout en répondant aux autres besoins<br />

en formation, notamment dans le domaine<br />

des technologies en constante évolution. Tous<br />

ces enjeux signifient qu’il est plus important que<br />

jamais de bâtir un effectif diversifié pour l’avenir.<br />

À propos de l’auteure<br />

JACKIE HALLIBURTON est entrée au service de la Ville<br />

de Winnipeg il y a 23 ans comme infirmière de la santé<br />

publique. Depuis les 12 dernières années, elle occupe le<br />

poste de coordonnatrice de la diversité et de l’équité en<br />

matière d’emploi. On peut communiquer avec elle à<br />

l’adresse jhalliburton@winnipeg.ca.<br />

Références<br />

<strong>Canada</strong>. Statistique <strong>Canada</strong>. 2008. Profils des<br />

communautés de 2006, Ottawa, Statistique <strong>Canada</strong>.<br />

Consulté à l’adresse .<br />

Conference Board of <strong>Canada</strong>. 2007. Long-Term Demographic<br />

and Economic Forecast for Winnipeg’s Census Metropolitan<br />

Area, rapport préparé pour la Ville de Winnipeg.<br />

Manitoba. Main d’œuvre et Immigration Manitoba. 2007.<br />

Manitoba Immigration Facts: 2007 Statistical Report.<br />

Consulté à l’adresse .<br />

Ville de Winnipeg. 2007. The City of Winnipeg 2007 Annual<br />

Financial Report. Consulté à l’adresse .<br />

Nos diverses cités 179


La moitié des enfants des nouvelles familles immigrantes vivent dans la pauvreté, et les<br />

ingénieurs et comptables très instruits qui intègrent les programmes de transition du<br />

EMCN ont déclaré un revenu moyen d’environ 15 000 $ pour la dernière année.<br />

Les immigrants à Edmonton<br />

Portrait d’une ville en<br />

pleine mutation<br />

JIM GURNETT<br />

Edmonton Mennonite Centre for Newcomers<br />

180 Nos diverses cités<br />

Juste au nord du centre-ville d’Edmonton, un<br />

immeuble en briques de taille modeste a été laissé<br />

à l’abandon il y a plusieurs années, à côté d’un<br />

refuge pour sans-abri et à l’ombre d’un chantier<br />

de construction duquel émergera une nouvelle<br />

tour à bureaux de 28 étages. Derrière l’immeuble,<br />

des condominiums luxueux s’élèvent rapidement<br />

à l’endroit où se trouvait jadis le chemin de fer<br />

emprunté par les milliers d’immigrants européens<br />

qui arrivaient par le Quai 21 pour commencer<br />

une nouvelle vie en Alberta. Cependant, dans<br />

les rues avoisinant l’ancien Immigration Hall, la<br />

transformation continuelle du visage humain de<br />

la capitale albertaine est perceptible. Aujourd’hui,<br />

les familles débarquent à la gare Greyhound,<br />

située à quelques rues de là. Souvent, elles ont<br />

quitté une autre province du <strong>Canada</strong> pour venir<br />

s’établir à Edmonton, séduites par les récits<br />

entendus au sujet de cette terre fabuleuse où<br />

abondent les emplois et les richesses.<br />

Aujourd’hui, ces familles sont originaires<br />

d’Afrique ou d’Asie. Toutefois, elles ne sont plus<br />

fraîchement débarquées au pays comme c’était le<br />

cas il y a plus de 50 ans. Fort probablement, elles<br />

ont vécu dans le centre du <strong>Canada</strong> pendant un<br />

an ou plus, jusqu’à ce que la désillusion et les<br />

difficultés les incitent à tenter leur chance plus<br />

à l’Ouest. En route avec leurs bagages vers<br />

un organisme local d’aide aux immigrants, elles<br />

traversent des quartiers très fréquentés où des<br />

Chinois et des Asiatiques du Sud-Est arrivés avant<br />

eux ont installé leurs commerces. Ajoutant à<br />

une dynamique déjà complexe, les Autochtones,<br />

toujours plus nombreux à quitter les réserves et<br />

les agglomérations rurales sans avenir et sans<br />

eau potable, pour constater, malheureusement,<br />

l’insuffisance de logements abordables dans la<br />

région, regardent passer ces nouveaux venus<br />

en attendant aux portes d’un organisme de<br />

placement, espérant obtenir un emploi journalier<br />

qui ne paie qu’une fraction de ce qu’il en<br />

coûte pour vivre à Edmonton. Les Autochtones<br />

ont été mis à l’écart sur les terres qui jadis<br />

leur appartenaient.<br />

D’autres familles arrivent de l’étranger dans<br />

un avion qui survole le centre d’immigration<br />

avant d’amorcer son atterrissage à l’aéroport<br />

international d’Edmonton. Ces immigrants ont<br />

fait un choix réfléchi, ont attendu pendant<br />

des années et envisagent avec confiance les<br />

possi bilités qui découleront logiquement d’un<br />

taux de chômage inférieur à 3 % et de la valeur<br />

de leurs acquis scolaires et professionnels.<br />

Peut-être le doute commence-t-il à s’installer<br />

en eux alors qu’ils s’engagent en taxi sur le<br />

boulevard Gateway tout en discutant avec le<br />

chauffeur, un médecin somalien ou un<br />

géologue pakistanais chevronné...<br />

Pour quelques-unes des personnes arrivées<br />

à Edmonton à l’époque du Immigration Hall,<br />

la nouvelle réalité est préoccupante. Lorsque le<br />

Edmonton Mennonite Centre for Newcomers<br />

(EMCN) a inauguré un nouvel édifice en<br />

2008 dans un quartier où habitent beaucoup<br />

d’immigrants européens depuis des décennies et<br />

où ils vivent aujourd’hui une retraite modeste,


les responsables du centre ont reçu des appels<br />

anonymes leur signifiant que le centre n’était pas<br />

bienvenu, qu’on ne voulait pas de « ces gens »<br />

dans le quartier. D’autres, par contre, se<br />

souviennent de leurs propres difficultés et<br />

se montrent généreux dans leur accueil. Les<br />

immigrants européens arrivés il y a un demisiècle<br />

offrent de leur temps, jour après jour, pour<br />

accompagner les nouveaux arrivants de l’Asie<br />

centrale, alors qu’ils pourraient jouer aux cartes<br />

ou faire de l’artisanat avec leurs amis dans un<br />

centre pour personnes du troisième âge.<br />

Les contrastes sont visibles partout à Edmonton.<br />

Les riches immigrants de la première génération<br />

sont d’importants promoteurs immobiliers, des<br />

leaders dans des domaines professionnels de<br />

tous genres, dont le spectaculaire nouveau centre<br />

de cardiologie Mazankowski; une personne<br />

arrivée en qualité d’enfant réfugié a rempli quatre<br />

mandats comme député et présidé le caucus<br />

national à Ottawa. Mais selon Campagne 2000 1 ,<br />

la moitié des enfants des nouvelles familles<br />

immigrantes vivent dans la pauvreté, et les<br />

ingénieurs et comptables très instruits qui<br />

intègrent les programmes de transition du EMCN<br />

ont déclaré un revenu moyen d’environ 15 000 $<br />

pour la dernière année.<br />

Après des années de négligence, le gouver -<br />

nement de l’Alberta et la Ville d’Edmonton<br />

ont élaboré au cours des trois dernières années<br />

des cadres d’action qui reconnaissent enfin<br />

l’importance des immigrants. La Coalition des<br />

municipalités contre le racisme et la discri -<br />

mination, appuyée par l’UNESCO, compte plus<br />

de municipalités de l’Alberta que de toute autre<br />

province canadienne.<br />

Si la période de croissance a été très profitable<br />

à certains, pour les nouveaux immigrants, le<br />

chemin qui mène à une vie meilleure est parsemé<br />

d’embûches. Avec la progression rapide des loyers,<br />

il est difficile de conserver un logement adéquat,<br />

abordable, salubre et sécuritaire. L’élimination<br />

quasi complète du fonds social d’aide au<br />

logement, il y a 15 ans, a été terriblement néfaste<br />

pour Edmonton, qui voit les logements à bon<br />

marché disparaître plus rapidement qu’ils ne sont<br />

construits. Des milliers de modestes immeubles<br />

1 Campagne 2000 est une coalition nationale qui lutte contre la<br />

pauvreté en sensibilisant le public. En 1989, la Chambre des<br />

communes a adopté une résolution pour éradiquer la pauvreté<br />

infantile avant l’an 2000. Créée pour suivre les progrès réalisés,<br />

la coalition Campagne 2000 présente un rapport d’avancement<br />

annuel. Pour plus d’information, voir .<br />

sans ascenseur situés dans les quartiers du centreville<br />

ont été convertis en condominiums à<br />

l’intention d’une nouvelle clientèle jeune de<br />

classe moyenne qui souhaite vivre en ville, surtout<br />

depuis que le prix des logements en banlieue<br />

est monté en flèche. La législation provinciale<br />

a commencé, mais trop tard, à restreindre les<br />

propriétaires à une augmentation de loyer par<br />

année, sans toutefois fixer un taux maximum.<br />

Le taux provincial de prestations d’aide sociale,<br />

qui détermine le taux des allocations versées<br />

la première année aux réfugiés parrainés par<br />

le gouvernement, demeure au dernier rang au<br />

<strong>Canada</strong> et bien au-dessous du coût de la vie<br />

à Edmonton.<br />

Pourtant, comme les histoires racontées au sujet<br />

de l’Alberta dans d’autres régions du <strong>Canada</strong> sont<br />

plus roses que la réalité, les nouveaux arrivants<br />

ne cessent d’affluer 2 . Quand on aborde la question<br />

des ressources nécessaires pour aider ces<br />

nouveaux arrivants, la réponse officielle est qu’il<br />

est impossible de mesurer exactement le nombre<br />

d’immigrants qui arrivent d’une autre province<br />

canadienne, de sorte que le financement fédéral<br />

pour les services aux immigrants demeure fondé<br />

sur le lieu d’établissement, intensifiant la<br />

pression exercée sur les organismes d’aide à<br />

l’établissement. Comme le nombre de logements<br />

est insuffisant, les familles se regroupent, les<br />

enfants dorment entassés sur des planchers<br />

de sous-sol et n’ont pas d’endroit où étudier—<br />

certains doivent changer d’école plusieurs<br />

fois dans l’année lorsque ces arrangements<br />

précaires s’effondrent. Même les installations de<br />

conservation et de préparation de la nourriture<br />

sont inadéquates pour de nombreuses familles.<br />

Ces trois dernières années, un nouveau<br />

phénomène s’est ajouté à cette mosaïque. Le<br />

Programme concernant les travailleurs étrangers<br />

temporaires a été modifié afin d’admettre<br />

des travailleurs étrangers peu spécialisés. Le<br />

2 Selon les statistiques gouvernementales, en 2007, quelque<br />

20 000 immigrants se sont établis en Alberta à leur arrivée de<br />

l’étranger, dont 6 000 à Edmonton. La migration secondaire,<br />

par contre, en provenance d’autres régions du <strong>Canada</strong>, n’est<br />

pas documentée. Les organismes d’aide aux immigrants font<br />

des estimations en demandant leur lieu de provenance aux<br />

personnes qui utilisent leurs services. Environ un tiers disent<br />

arriver d’une autre province canadienne, et les autres, de<br />

l’étranger. Le pourcentage de personnes arrivant d’un autre<br />

endroit au <strong>Canada</strong> a toujours oscillé autour de 15 %, et il<br />

semblait y avoir égalité entre les départs et les arrivées.<br />

Ces dernières années cependant, le nombre d’arrivées<br />

semble avoir augmenté tandis que les départs vers d’autres<br />

régions du <strong>Canada</strong> semblent avoir diminué.<br />

Nos diverses cités 181


182 Nos diverses cités<br />

Grâce au soutien du programme de transition du EMCN, des<br />

centaines d’ingénieurs et de comptables formés à l’étranger ont<br />

pu quitter des emplois sous-rémunérés pour obtenir des postes<br />

correspondant à leurs compétences (photo : Jim Gurnett).<br />

programme est tellement populaire auprès des<br />

employeurs qu’en 2007, plus de travailleurs<br />

étrangers temporaires que de résidents perma -<br />

nents sont venus en Alberta. Un pourcentage<br />

élevé de ces travailleurs disent que les courtiers<br />

exigent des sommes exorbitantes pour garantir<br />

les emplois, sans parler de diverses autres formes<br />

d’abus. Ces travailleurs finissent souvent par<br />

vivre dans l’isolement et la peur. L’immigration<br />

en tant que contribution au développement<br />

social d’une nation est un idéal qui est<br />

rapidement abandonné à la faveur de la<br />

demande sur le marché du travail. Et la liste<br />

des professions bénéficiant d’un « traitement<br />

accéléré », pour lesquelles les employeurs n’ont<br />

pas à prouver leur incapacité de recruter<br />

des personnes au <strong>Canada</strong> avant de pouvoir<br />

embaucher des travailleurs étrangers, s’allonge 3 .<br />

L’EMCN et son « approche globale intégrée »<br />

La dynamique qui caractérise l’Alberta contem -<br />

poraine est loin d’être simple, surtout pour les<br />

immigrants. Peu d’entre nous mènent une vie<br />

simple et douillette, d’ailleurs. Si nous sommes<br />

conscients que notre propre vie est compliquée,<br />

désorganisée, incertaine et ambiguë, nous<br />

devrions admettre sans peine que la situation<br />

est au moins aussi difficile pour les immigrants<br />

qui vivent de grands changements alors qu’ils<br />

commencent une nouvelle étape de leur vie au<br />

<strong>Canada</strong>. Après avoir écouté les personnes qui,<br />

chaque année, passent les portes de l’EMCN en<br />

provenance d’une centaine de régions du monde<br />

entier, et constaté que le but premier de leur<br />

venue au bureau cachait souvent bien d’autres<br />

besoins, les employés de l’EMCN, pour la plupart<br />

des immigrants qui ont vécu les mêmes<br />

expériences, ont décidé qu’il était essentiel de<br />

nommer la nature de leur engagement auprès des<br />

nouveaux arrivants.<br />

L’expression « approche globale intégrée » a été<br />

choisie pour décrire le mode de fonctionnement<br />

de l’organisation. Plus qu’un simple fournisseur<br />

de services d’établissement, l’EMCN aurait pour<br />

mission de contribuer à la vie interculturelle<br />

et démocratique d’Edmonton. Cette désignation<br />

singulière est devenue le cadre de travail de<br />

l’organisation. Elle engage à une mission qui<br />

vise trois grands objectifs : d’abord, fournir des<br />

services qui aident les immigrants à s’épanouir<br />

dans leur vie; ensuite, mener des activités de<br />

sensibilisation et appuyer un changement de<br />

mentalité au sein de la culture dominante<br />

(« Maintenant qu’ils sont ici, ils doivent s’adapter<br />

à notre façon de faire »); enfin, contribuer à<br />

la mise en place d’une politique publique qui<br />

favorise la pleine participation des immigrants<br />

de toutes origines à la vie en Alberta.<br />

L’approche globale intégrée est digne. Elle<br />

reconnaît que la vie de la collectivité se trouve<br />

enrichie par l’arrivée de chaque immigrant. En<br />

accueillant ainsi les nouveaux arrivants au lieu<br />

de simplement les diriger ici et là pour attendre<br />

en file et remplir des formulaires de demande de<br />

services, on permet à chacun d’utiliser ses forces<br />

individuelles et familiales pour tracer et suivre le<br />

chemin choisi vers l’intégration et la réussite.<br />

3<br />

La plupart des situations signalées se seraient produites<br />

dans le pays d’origine et non au <strong>Canada</strong>, aussi est-il difficile<br />

de documenter ou d’aborder le problème. Cependant, les<br />

difficultés éprouvées par les travailleurs temporaires une fois<br />

au <strong>Canada</strong>, qu’il s’agisse d’employeurs qui ne respectent pas<br />

les normes du travail ou changent les conditions de l’offre<br />

d’emploi originale, de logements insalubres ou de problèmes<br />

de santé, atteignent de telles proportions en Alberta que le<br />

gouvernement provincial a créé en 2007 une équipe chargée de<br />

traiter les plaintes et a commencé en 2008 à financer quelques<br />

organismes d’aide à l’établissement pour qu’ils offrent aux<br />

travailleurs temporaires des services similaires à ceux offerts<br />

aux immigrants. À mesure que se développe le programme, de<br />

nouvelles ambiguïtés et de nouveaux problèmes sont mis au<br />

jour, comme la capacité des travailleurs temporaires d’amener<br />

des enfants d’âge scolaire afin de les inscrire dans des écoles<br />

publiques, ou le statut des travailleurs temporaires dans un lieu<br />

de travail touché par une grève ou un lock-out. Un projet pilote<br />

du gouvernement fédéral autorise les employeurs de l’Alberta<br />

et de la Colombie-Britannique à accueillir des travailleurs<br />

temporaires dans 33 professions de la catégorie du « traitement<br />

accéléré », dont celles de serveur à un comptoir de service<br />

alimentaire, de réceptionniste et même d’instructeur de planche<br />

à neige, et les employeurs n’ont pas à prouver leur incapacité<br />

à trouver des travailleurs au <strong>Canada</strong>. Il s’agit d’une coupure<br />

marquée par rapport à l’idéologie à la base du programme<br />

des travailleurs temporaires.


Si nous sommes conscients que notre propre vie est compliquée, désorganisée,<br />

incertaine et ambiguë, nous devrions admettre sans peine que la situation est au<br />

moins aussi difficile pour les immigrants qui vivent de grands changements alors<br />

qu’ils commencent une nouvelle étape de leur vie au <strong>Canada</strong>.<br />

La ténacité et le courage démontrés par les<br />

personnes qui travaillent à l’accueil sont déjà<br />

également présents chez les nouveaux arrivants.<br />

Cette nouvelle approche suppose l’abandon<br />

du « prêt-à-manger » servi dans le secteur des<br />

services sociaux, où un beau gros comptoir<br />

sépare les deux côtés, surmonté d’un tableau<br />

attrayant déclinant un menu très précis (et où,<br />

à exactement 11 h 45 chaque jour, le menu du<br />

déjeuner se retourne et laisse place au menu du<br />

midi…), avec un type aimable portant l’uniforme<br />

de la franchise qui demande si vous avez fait<br />

votre choix et si vous le voulez en grand format.<br />

L’approche globale intégrée ressemble plutôt<br />

à la cuisine collective. Les gens arrivent et<br />

déposent sur une table commune leurs<br />

différentes spécialités, peut-être avec des noms<br />

difficiles à prononcer et des saveurs inconnues<br />

jusqu’à maintenant. Les gens conversent et<br />

font connaissance entre eux, les tâches sont<br />

attribuées selon les compétences et les intérêts, et<br />

des plats aussi inédits que délicieux sont créés, et<br />

peut-être aussi partagés.<br />

Pour que l’approche globale intégrée fonc -<br />

tionne, les employés doivent être bien<br />

renseignés au sujet des services qui existent en<br />

dehors de leur sphère de responsabilité immédiate,<br />

de façon à pouvoir établir des contacts et<br />

recommander une gamme de services appropriés<br />

de manière aussi pratique et efficace que possible.<br />

Un immigrant arrive et demande de l’aide pour<br />

préparer un curriculum vitæ qui répondra aux<br />

exigences des employeurs canadiens. La<br />

prestation de ce service ne marque pas la fin<br />

du travail. L’immigrant et l’employé prennent le<br />

temps de déterminer ensemble si les objectifs<br />

d’emploi sont trop modestes (ou trop ambitieux)<br />

pour les compétences. Des suggestions peuvent<br />

être formulées et de bons employeurs recom -<br />

mandés. Une fois invité à partager son expérience<br />

d’établissement en général, l’immigrant parle<br />

peut-être de son épouse, qui souhaite étudier<br />

l’anglais, mais qui a un enfant d’âge préscolaire à<br />

la maison. L’employé de l’EMCN contacte un<br />

collègue qui peut aider à inscrire cette personne<br />

au programme CLIC, lequel offre un service<br />

gratuit de gardiennage. La conversation se<br />

poursuit et l’immigrant parle de l’isolement et<br />

de la tristesse que vit son adolescent au premier<br />

cycle du secondaire. Voilà une autre occasion de<br />

communiquer avec un membre de l’équipe qui<br />

travaille dans les écoles et qui peut inviter le jeune<br />

à participer à un programme. Les enfants ont<br />

besoin de bicyclettes ? Nous pouvons en obtenir<br />

d’un organisme partenaire de la collectivité,<br />

qui offre gratuitement du matériel de sport aux<br />

familles à faible revenu. L’immigrant exprime<br />

alors son inquiétude face au fait que le revenu du<br />

ménage ne permettra pas d’assumer la hausse de<br />

loyer annoncée récemment. Un autre contact peut<br />

être établi avec un spécialiste du logement, qui<br />

aidera l’immigrant à s’inscrire à un programme<br />

provincial de prévention des expulsions. Il craint<br />

que ses enfants ne perdent rapidement leur langue<br />

maternelle en faveur de la langue dominante<br />

parlée au <strong>Canada</strong> – voilà l’occasion de lui<br />

parler des ressources World of Story (un monde<br />

d’histoires) de l’EMCN : il s’agit d’histoires écrites<br />

dans plus de 30 langues à utiliser en famille dans<br />

le cadre d’activités d’alphabétisation. Et la journée<br />

suit son cours.<br />

Des familles provenant de plus de 15 différents pays se côtoient<br />

et vivent ensemble dans les immeubles d’habitation financés par<br />

l’EMCN, où ils ont accès à des services adaptés et forment une<br />

nouvelle communauté (photo : Ben Lemphers).<br />

L’immigrant repart avec des renseignements,<br />

des rendez-vous, des ressources, un sentiment<br />

d’appartenance et une plus grande maîtrise de<br />

sa vie. Le service global intégré est pratique, mais<br />

plus encore, c’est la façon humaine de travailler. Il<br />

suppose une compréhension de la vie en général,<br />

une attention au fait qu’une petite situation peut<br />

Nos diverses cités 183


184 Nos diverses cités<br />

se répercuter sur tous les autres aspects de la vie.<br />

L’écoute offerte aux immigrants, si chère à<br />

l’EMCN, nous a permis de constater que les<br />

réfugiés qui arrivent traumatisés après de longues<br />

et terribles expériences de violence et de danger<br />

sont peu susceptibles de réussir à décrocher et à<br />

garder un emploi, à exceller dans un programme<br />

d’études ou à faire face aux complexités du<br />

quotidien dans une nouvelle culture. Alors<br />

qu’aucun bailleur de fonds canadien n’était prêt<br />

à reconnaître que les services d’établissement<br />

doivent également répondre aux besoins<br />

psychologiques des immigrants, l’EMCN a réussi à<br />

obtenir des ressources du Haut Commissariat des<br />

Nations Unies pour les réfugiés à cette fin. Il est<br />

ainsi devenu l’un des rares organismes reconnus à<br />

l’échelle internationale qui offrent un tel service<br />

au <strong>Canada</strong>. Toujours en écoutant, nous avons<br />

compris qu’un accès aux services limité aux<br />

« heures de bureau » était insuffisant pour<br />

beaucoup. L’EMCN a créé un programme d’aide au<br />

logement grâce auquel de nouveaux arrivants –<br />

en particulier les réfugiés – ont pu intégrer un<br />

contexte résidentiel favorisant le développement<br />

de l’autonomie et la création de liens dans un<br />

milieu sécurisant. Au logement abordable et sécu -<br />

ritaire s’ajoutait l’accès à des services d’assistance<br />

pendant des heures prolongées. Une centaine<br />

de personnes vivent aujourd’hui dans deux<br />

immeubles d’habitation qui appliquent ce modèle.<br />

Les immigrants nous ont aussi parlé du coût<br />

humain élevé associé à la non-reconnaissance<br />

au <strong>Canada</strong> de la scolarité et de l’expérience<br />

acquises dans leur profession, expérience qu’ils<br />

jugent peut-être même plus douloureuse que le<br />

coût économique. De ce constat sont nés les<br />

programmes de transition de l’EMCN. Une<br />

évaluation soignée permet de découvrir les<br />

nombreuses forces des professionnels très<br />

expérimentés qui ont été formés à l’étranger et<br />

de cerner les lacunes particulières bloquant leur<br />

accès au marché du travail canadien. L’EMCN<br />

élabore des programmes qui permettent de<br />

préparer rapidement les immigrants au marché<br />

du travail canadien, en mettant l’accent sur les<br />

petites lacunes à combler au lieu d’encourager<br />

ces personnes à « tout recommencer » ou de<br />

les abandonner à leur sort. Selon la rétroaction<br />

obtenue, les personnes qui trouvent un emploi<br />

dans leur domaine éprouvent une profonde<br />

satisfaction lorsque le revenu commence à<br />

refléter leurs capacités réelles, et elles constatent<br />

aussi que leur famille est plus heureuse, que le<br />

stress a diminué et que tous peuvent commencer<br />

à s’engager dans leur nouvelle collectivité.<br />

L’approche globale intégrée peut causer<br />

des maux de tête au bailleur de fonds qui<br />

connaît seulement le modèle où chacun a des<br />

programmes particuliers à financer dont il doit<br />

rendre compte dans un cadre particulier. Il peut<br />

être difficile pour un organisme communautaire<br />

de regrouper des fonds de plusieurs sources pour<br />

offrir des services intégrés. Si les deux parties<br />

apprennent ensemble cette nouvelle façon de<br />

faire, il ne fait aucun doute que les immigrants<br />

et les collectivités en bénéficieront.<br />

L’approche globale intégrée n’a rien de<br />

mystérieux ou d’incroyable. Il s’agit, par un effort<br />

consciencieux, de transposer dans la vie d’un<br />

organisme communautaire les compor tements que<br />

les personnes chaleureuses adoptent naturellement<br />

entre elles depuis des temps immémoriaux. Mais<br />

comme tous les Edmontoniens tireront profit de<br />

la réussite des immigrants qui s’établissent dans<br />

la municipalité, et alors que trop d’immigrants<br />

connaissent des résultats très décevants dans leur<br />

ville d’adoption, l’EMCN est convaincu qu’il est<br />

tout à fait sensé de redoubler d’ardeur pour créer<br />

un milieu auquel chaque personne peut contribuer<br />

à sa pleine mesure.<br />

À propos de l’auteur<br />

JIM GURNETT est directeur général du Edmonton Mennonite<br />

Centre for Newcomers (www.emcn.ab.ca) et président de<br />

l’Alliance canadienne du secteur d’établissement des<br />

immigrants. Il siège au conseil d’administration de la<br />

Edmonton Chamber of Voluntary Organizations et au<br />

comité consultatif du département de service social du<br />

Grant MacEwan College. Il travaille également avec la<br />

Edmonton Coalition on Housing and Homelessness.


Au-delà de l’établissement<br />

Renforcer les familles immigrantes,<br />

les collectivités et la société<br />

canadienne grâce au courtage culturel<br />

YVONNE CHIU<br />

Multicultural Health Brokers Co-operative<br />

LUCENIA ORTIZ<br />

Multicultural Health Brokers Co-operative<br />

RUTH WOLFE<br />

University of Alberta<br />

En 2006, les personnes nées à l’étranger représentaient 19 % de la population<br />

d’Edmonton, et cette ville se classait au sixième rang des villes comptant une forte<br />

proportion d’immigrants récents au <strong>Canada</strong>. Bien que les Philippines, l’Inde, la Chine, le<br />

Pakistan et les États-Unis forment les cinq premiers pays sources, les habitants<br />

d’Edmonton proviennent néanmoins d’une cinquantaine de pays du monde entier.<br />

Les premiers courtiers en santé multiculturelle<br />

sont arrivés à Edmonton (Alberta) au milieu des<br />

années 1990, période où les membres des groupes<br />

minoritaires faisaient l’objet d’un traitement<br />

inégal, ne bénéficiant pas de programmes et de<br />

politiques adaptés à leur culture ni d’un accès<br />

équitable aux services sociaux offerts dans la<br />

collectivité (Ortiz, 2003). L’émergence de cette<br />

profession n’est pas accidentelle. Dans le passé,<br />

les courtiers culturels ont fait leur apparition<br />

puisque leurs services de médiation étaient<br />

nécessaires pour assurer la communication entre<br />

des groupes sociaux aux pouvoirs inégaux,<br />

souvent chevauchant des groupes culturels<br />

et servant d’entremetteurs (Paine, 1972; Szasz,<br />

1994). Dans le contexte contem porain, l’émer -<br />

gence des courtiers en santé multiculturelle a<br />

eu lieu au confluent des forces mondiales de<br />

la migration, d’une part, et de l’action – ou<br />

de l’inaction – des gouvernements nationaux,<br />

provinciaux et municipaux. Les courtiers en<br />

santé multiculturelle sont des membres de la<br />

communauté qui répondent aux besoins et<br />

préoccupations immédiats et urgents des<br />

immigrants et des réfugiés dans leur propre<br />

communauté, tout en examinant les conditions<br />

et circonstances qui pourraient mener à la mise<br />

sur pied de nouveaux programmes et d’initiatives<br />

de renforcement des ressources et de changement<br />

du système. Le présent article décrit le travail<br />

de la Multicultural Health Brokers Co-operative<br />

(la coopérative), établie en 1998, et donne un<br />

aperçu des conditions ayant favorisé l’émergence<br />

des courtiers en santé multiculturelle et leur<br />

croissance continue. Le lecteur découvrira<br />

également comment ces conditions façonnent la<br />

pratique unique du courtage culturel pour aider<br />

les immigrants à surmonter les nombreux défis<br />

qui les attendent dans une ville intermédiaire des<br />

Prairies (Frideres, 2006).<br />

Entre 1998 et 2008, l’immigration en Alberta<br />

a connu une augmentation spectaculaire qui<br />

est notamment attribuable à une vague de pro -<br />

spérité économique. Depuis 1998, la proportion<br />

Nos diverses cités 185


FIGURE 1<br />

Dimensions du courtage en santé multiculturelle<br />

Rapprochement des parents et<br />

des familles<br />

• Groupe de soutien entre mères<br />

• Ateliers sur l’art d’être parent<br />

• Cuisines collectives<br />

• Groupes récréatifs pour les familles<br />

• Projets de développement<br />

microéconomiques<br />

Écoute et attention aux<br />

multiples facteurs<br />

touchant les enfants et<br />

les familles<br />

• Soins holistiques<br />

personnalisés (tenant<br />

compte des détermi -<br />

nants de la santé)<br />

• Soutien familial<br />

• Aiguillage et liaison<br />

avec les services et<br />

ressources réguliers<br />

Source : Labonte (1993).<br />

186 Nos diverses cités<br />

Développement de petits groupes<br />

• « Créer des liens pour favoriser<br />

le changement »<br />

Soins personnels<br />

• « Offerts dans<br />

le respect des<br />

besoins de la<br />

personne »<br />

Organisation communautaire<br />

• « Le rassemblement<br />

dynamique des gens »<br />

• La communauté est au<br />

cœur de la pratique<br />

d’immigrants en Alberta augmente de 1 ou 2 %<br />

annuellement, et la plupart d’entre eux s’éta -<br />

blissent dans les deux grands centres de la<br />

province, soit Edmonton et Calgary 1 . En 2006,<br />

les personnes nées à l’étranger représentaient<br />

19 % de la population d’Edmonton, et cette<br />

ville se classait au sixième rang des villes<br />

comptant une forte proportion d’immigrants<br />

récents 2 au <strong>Canada</strong> (CIC, 2006). Bien que<br />

les Philippines, l’Inde, la Chine, le Pakistan<br />

et les États-Unis forment les cinq premiers<br />

pays sources, il n’empêche que les habitants<br />

d’Edmonton proviennent d’une cinquantaine<br />

de pays du monde entier. Plus du tiers (39 %)<br />

des étrangers arrivés en 2006 ne parlaient ni<br />

l’anglais ni le français (Ville d’Edmonton, 2006).<br />

Le cinquième de la population d’Edmonton parle<br />

l’anglais comme langue seconde (Statistique<br />

<strong>Canada</strong>, 2006).<br />

1<br />

Calculs fondés sur les données de Citoyenneté<br />

et Immigration <strong>Canada</strong>, Faits et chiffres 2006.<br />

2<br />

Personnes ayant immigré au <strong>Canada</strong> au cours des trois<br />

dernières années.<br />

Coalition<br />

• Défense des intérêts pour aider<br />

les clients ou les groupes à se<br />

faire entendre<br />

Considérations<br />

liées aux<br />

politiques, aux<br />

programmes et<br />

à la pratique<br />

Mobilisation communautaire<br />

• Élaboration et diffusion de condensés<br />

d’information pour les familles par les<br />

médias ethniques et autres voies<br />

• Formation en organisation communautaire<br />

• Engagement des dirigeants communautaires<br />

et religieux<br />

Défense des intérêts<br />

auprès des fournisseurs<br />

et des institutions<br />

• Soins en collaboration<br />

avec les fournisseurs de<br />

service réguliers<br />

• Formation en soins<br />

adaptés à la culture<br />

• Alliances<br />

intersectorielles pour<br />

aborder les questions<br />

difficiles de santé<br />

sociale<br />

Défense des intérêts au<br />

niveau systémique<br />

• Initiative ISBC pour engager<br />

les membres de la communauté<br />

dans les discussions sur<br />

les politiques<br />

• Participation d’immigrants aînés<br />

dans l’initiative « Blue Print »<br />

de la Ville d’Edmonton<br />

Le gouvernement du <strong>Canada</strong> contrôle les<br />

critères d’admission des immigrants et finance<br />

un ensemble de mesures de soutien et de services<br />

d’aide à l’établissement, pour une période allant<br />

jusqu’à trois ans après l’arrivée des immigrants<br />

au <strong>Canada</strong>, selon leur catégorie d’immigration<br />

(CIC, 2007, 2007a). Nombre des difficultés<br />

auxquelles font face les immigrants vont au-delà<br />

de la nature, de la portée et de la période des<br />

programmes d’établissement désignés par le<br />

gouvernement. Les services offerts durant la<br />

période initiale d’établissement accusent de<br />

nombreuses lacunes, dont l’orientation des<br />

nouveaux arrivants dans les méandres des<br />

programmes sociaux et de santé. De plus, il<br />

existe peu de mécanismes officiels de soutien et<br />

de service facilitant la transition entre l’établis -<br />

sement et la pleine intégration au <strong>Canada</strong> ou<br />

permettant de relever les défis qui continuent de<br />

surgir sur les trajectoires de vie (Frideres, 2006;<br />

Wayland, 2006). Depuis quelques années, le<br />

soutien à l’établissement a de plus en plus été<br />

dévolu aux fournisseurs de services aux<br />

immigrants (FS). Même lorsque les services sont


FIGURE 2<br />

Modèle de courtage en santé multiculturelle pour le système de santé<br />

Système de soins<br />

de santé<br />

• Culture médicale<br />

• Fournisseurs<br />

• Installations<br />

• Services<br />

financés par le gouvernement, l’officialisation<br />

des liens contractuels entre les FS et les gouver -<br />

nements fédéral et provinciaux entraîne, et<br />

requiert parfois, des mandats organisationnels,<br />

des niveaux de service et des mécanismes de<br />

reddition de compte plus stricts, des limites<br />

quant à la gamme de services offerts et aux<br />

modes de prestation, ainsi que des restrictions<br />

quant à l’admissibilité aux services (Baines, 2004;<br />

Mitchell, 2007; Oxman-Martinez et Hanley, 2005;<br />

Wayland, 2006). L’Enquête longitudinale auprès<br />

des immigrants du <strong>Canada</strong> (ELIC) (CIC, 2004)<br />

révèle que de fortes proportions d’immigrants<br />

ont eu de la difficulté à obtenir un emploi (70 %),<br />

une formation (40 %), un logement (38 %) et des<br />

services de santé (22 %), pendant les six premiers<br />

mois suivant l’arrivée 3 . Selon les données de l’ELIC<br />

de 2005 (Statistique <strong>Canada</strong>, 2007), alors que<br />

les deux tiers des nouveaux immigrants estiment<br />

que la vie au <strong>Canada</strong> répond à leurs attentes,<br />

près de la moitié (46 %) ont mentionné que leur<br />

plus grande difficulté depuis leur arrivée avait<br />

été de trouver un emploi adéquat tandis que,<br />

pour plus du quart (26 %), la principale diffi -<br />

culté tenait à l’apprentissage de l’anglais ou<br />

du français.<br />

3 Proportions d’immigrants qui ont tenté d’obtenir de l’aide.<br />

Courtiers en santé multiculturelle<br />

Fonctions<br />

• Favoriser la communication entre les patients,<br />

les fournisseurs, les autres organismes et les<br />

membres de la communauté<br />

• Aider les patients à surmonter les obstacles à<br />

l’obtention de soins<br />

• Offrir un avis culturel dans l’évaluation de la<br />

santé, le diagnostic et le traitement<br />

• Assurer une gestion des cas et un suivi<br />

adaptés à la culture dans un contexte<br />

communautaire<br />

• Rassurer les patients, tout particulièrement<br />

dans les situations de santé complexes et<br />

difficiles au sein des traditions culturelles<br />

Culture et communauté<br />

du patient<br />

• Attributs personnels<br />

• Dynamique familiale<br />

• Soutien communautaire<br />

La Multicultural Health Brokers Co-operative<br />

Bon nombre d’organismes non gouverne -<br />

mentaux (ONG) communautaires ont été créés<br />

pour combler les lacunes dans le secteur de<br />

l’établissement, notamment la Multicultural<br />

Health Brokers Co-operative (la coopérative).<br />

Son mandat consiste à [Traduction] « aider les<br />

immigrants et les réfugiés à atteindre une santé<br />

optimale au moyen de programmes d’éducation<br />

à la santé, de développement communautaire et<br />

de soutien pour la défense des droits »; il repose<br />

sur des principes de gouvernance démocratique,<br />

d’intervention directe et de responsabilité, de<br />

même que de facilitation pour l’équité et la justice<br />

sociale (MCHBC, s.d.).<br />

Les courtiers en santé multiculturelle tra -<br />

vaillaient au départ comme éducateurs en<br />

périnatalité. Ainsi, la santé des femmes et<br />

des enfants a toujours représenté un point<br />

d’entrée pour les interventions de la coopé -<br />

rative. En établissant des liens de confiance<br />

et en se faisant les témoins des difficultés<br />

que vivent les familles, les courtiers peuvent<br />

aborder les causes sous-jacentes des problèmes<br />

immé diats et mettre au jour les obstacles qui<br />

empêchent ces personnes d’obtenir des résultats<br />

optimaux sur le plan du bien-être et de la<br />

santé et de contribuer de façon significative à<br />

la société.<br />

Nos diverses cités 187


188 Nos diverses cités<br />

Au cours des 15 dernières années, les courtiers<br />

ont participé à une myriade d’initiatives axées<br />

sur les facteurs déterminants de la santé (Labonte,<br />

1993; Raphael, 2004) dans les parcours de vie,<br />

du stade prénatal à la vieillesse. Ces initiatives<br />

ont amené la coopérative et les courtiers en santé<br />

multiculturelle à s’investir dans les secteurs de la<br />

santé, des services sociaux, de l’apprentissage des<br />

jeunes enfants, de l’éducation et de l’emploi aux<br />

échelons municipal, régional, provincial et<br />

national. La Figure 1 illustre le cadre conceptuel<br />

de la coopérative. De huit qu’ils étaient au<br />

départ, on compte aujourd’hui 35 courtiers qui<br />

s’investissent auprès de nombreuses collectivités<br />

à Edmonton – afghane, bosniaque, centra -<br />

méricaine et sud-américaine, chinoise (parlant le<br />

cantonais et le mandarin), congolaise, croate,<br />

érythréenne, éthiopienne, philippine, karen,<br />

coréenne, kurde, iraquienne, iranienne, indienne,<br />

moyen-orientale, pakistanaise, rwandaise, serbe,<br />

sierra-léonienne, somalienne, soudanaise, vietna -<br />

mienne et serbe.<br />

Au cours des trois dernières années, la charge<br />

de travail de la coopérative a triplé sans pour<br />

autant être accompagnée d’une réelle augmen -<br />

tation du financement ou de la rémunération.<br />

Cette progression découle de deux tendances<br />

migratoires fort différentes. Premièrement, un<br />

grand nombre de réfugiés sont arrivés à<br />

Edmonton, et beaucoup d’entre eux avaient subi<br />

des traumatismes physiques et psychologiques<br />

pendant les 15 à 20 années passées dans des<br />

camps de réfugiés avant d’arriver au <strong>Canada</strong>. En<br />

fait, une proportion importante des réfugiés qui<br />

arrivent aujourd’hui au <strong>Canada</strong> sont nés et ont<br />

grandi dans des camps de réfugiés aménagés, par<br />

exemple, dans les jungles de la Thaïlande, dans<br />

le cas des Karens du Myanmar, et dans des<br />

régions montagneuses éloignées en Turquie, en<br />

Iraq, en Iran et en Syrie, dans le cas des Kurdes.<br />

Ces nouveaux arrivants sont démunis face à la<br />

vie urbaine. Plusieurs femmes et enfants parmi<br />

les nouveaux arrivants sont analphabètes dans<br />

leur langue maternelle, et ne parlent pas<br />

l’anglais. Ceux qui vivaient dans un milieu rural<br />

isolé n’ont jamais vu un médecin, et plusieurs<br />

camps de réfugiés n’offraient pas de soins<br />

médicaux ou dentaires. Ces personnes doivent<br />

souvent composer avec des problématiques<br />

multiples et complexes de santé physique et<br />

mentale ainsi que des troubles sociaux qui<br />

nuisent à leur établissement.<br />

Deuxièmement, un grand nombre de tra -<br />

vailleurs étrangers temporaires ont été recrutés<br />

en réponse aux pénuries de main-d’œuvre<br />

provoquées par la croissance économique. La<br />

plupart de ces travailleurs sont des hommes et,<br />

souvent, leur épouse et leurs enfants n’ont<br />

pas droit aux soins de santé, ce qui les rend<br />

extrêmement vulnérables dans un cas de maladie<br />

ou de grossesse ou d’autres situations imprévues.<br />

Selon les prévisions du gouvernement provincial,<br />

leurs nombres devraient dépasser les 30 000<br />

annuellement (ministère de l’Emploi et de l’Immi -<br />

gration de l’Alberta, 2008).<br />

Initiatives dans le domaine de la santé<br />

Le soutien prénatal et à la famille a toujours été<br />

une préoccupation principale de la coopérative, et<br />

source de financement annuel renouvelable dans<br />

le secteur de la santé. En 2007-2008, les courtiers<br />

ont apporté un soutien prénatal à plus de 1 500<br />

femmes et à leur famille, organisant 95 rencontres<br />

prénatales dans six langues, formant 183 groupes<br />

d’éducation familiale dans sept langues, donnant<br />

1 028 cours prénatals individuels et offrant à<br />

51 femmes un accompagnement à l’accou -<br />

chement. L’expérience de la coopérative montre<br />

que la prestation de services amène un courtier<br />

avisé à intervenir dans la vie des familles et des<br />

collectivités. Au cours de la dernière décennie, la<br />

coopérative a participé à des projets touchant à<br />

divers secteurs de la santé, allant de la saine<br />

sexualité et de la santé mentale à la prise en<br />

charge d’une maladie chronique et au dépistage<br />

du cancer du col utérin, en plus de participer à un<br />

projet de dépistage préscolaire des problèmes de<br />

dévelop pement et à plusieurs projets de recherche.<br />

Ces trois dernières années, elle a été partenaire<br />

d’un projet visant la création et la mise en œuvre<br />

de l’organisme New Canadian Health Centre pour<br />

les réfugiés 4 .<br />

Même si beaucoup de nouveaux arrivants<br />

subissent l’examen médical exigé par Citoyenneté<br />

et Immigration <strong>Canada</strong>, ces examens, de l’avis<br />

d’experts internationaux en santé 5 , ne sont pas<br />

4<br />

L’organisme New Canadian Health Centre est une<br />

initiative conjointe de nombreux organismes à Edmonton<br />

qui vise à offrir un examen médical initial, des services<br />

préventifs de santé et des soins primaires aux réfugiés<br />

et aux immigrants récemment arrivés. Cette petite unité<br />

est ouverte une journée et demie par semaine dans une<br />

maison d’accueil pour immigrants et compte une équipe<br />

pluridisciplinaire formée d’employés et de travailleurs<br />

du groupe Capital Health, de la faculté de médecine de<br />

l’Université de l’Alberta, de l’organisme Catholic Social<br />

Services, de la Multicultural Health Brokers Co-op et du<br />

Mennonite Centre for Newcomers.


assez approfondis et complets pour révéler les<br />

interventions nécessaires. La plupart des résidents<br />

permanents et les demandeurs d’asile ont accès<br />

aux soins de santé nécessaires; or la disponibilité<br />

des services ne garantit pas l’accès à ces derniers.<br />

Beaucoup d’immigrants et de réfugiés se butent<br />

à d’importants obstacles dans le secteur des<br />

soins de santé. Tout nouvel arrivant à Edmonton<br />

a de la difficulté à se trouver un médecin de<br />

famille, alors pour une personne qui ne connaît<br />

pas l’anglais et qui n’a aucune expérience<br />

culturelle de la vie dans un milieu urbain de la<br />

société occidentale, la tâche devient atrocement<br />

difficile. Au nombre des enjeux les plus graves,<br />

les courtiers citent le besoin d’un soutien et de<br />

services complets pour résoudre les complexes<br />

problèmes de santé et sociaux des réfugiés,<br />

lesquels sont exacerbés par la pauvreté. Certains<br />

courtiers voient la discrimination raciale et<br />

linguistique comme un obstacle récurrent et<br />

tenace pour les immigrants minoritaires. Une<br />

étude en cours a révélé que les courtiers jugent<br />

que le système a été conçu pour les personnes<br />

nées au <strong>Canada</strong> et qu’il ne « convient pas à tous »<br />

(participants de la recherche).<br />

Familles et enfants<br />

Qui veut s’occuper des problématiques que<br />

connaissent les familles immigrantes doit<br />

s’investir dans les programmes régionaux de<br />

services à l’enfance, qui comprennent des<br />

services de soutien au rôle parental et au<br />

développement du jeune enfant, dans les visites<br />

à domicile fréquentes, dans le soutien aux<br />

familles ayant des enfants handicapés, et depuis<br />

peu, dans les services d’enrichissement familial,<br />

d’intervention et de protection de l’enfance. La<br />

coopérative s’investit beaucoup dans les initiatives<br />

d’apprentissage des jeunes enfants – aussi bien<br />

en appuyant les intervenants afin qu’ils répondent<br />

adéquatement aux besoins des familles à l’aide de<br />

programmes d’intervention précoce auprès des<br />

jeunes enfants, qu’en appuyant les programmes<br />

d’alphabétisation pour parents et enfants.<br />

Nouvelles initiatives<br />

La coopérative a également commencé à<br />

s’immiscer dans le secteur de l’emploi, entre autres<br />

raisons en réponse au problème de sous-emploi<br />

et de chômage qui touche une bonne partie de la<br />

clientèle qu’elle dessert – dont quelques-uns des<br />

5 Membres du comité de la Collaboration canadienne pour<br />

la santé des immigrants et des réfugiés (CCSIR), 2008.<br />

courtiers – et en raison de la situation que vivent<br />

de nombreux réfugiés et travailleurs étrangers<br />

temporaires. La nécessité d’intervenir dans le<br />

secteur de l’emploi est profondément liée à<br />

d’autres problèmes touchant plusieurs commu -<br />

nautés d’immigrants. Si les jeunes constatent que<br />

la grande scolarité de leurs parents ne s’est pas<br />

traduite par un emploi proportionnel à ce niveau<br />

d’instruction, leur optimisme face à l’avenir<br />

s’évanouit. Les taux de décrochage scolaire sont<br />

très élevés, et les conflits intergénérationnels<br />

représentent un problème majeur dans presque<br />

toutes les collectivités. Les collègues des services<br />

à l’enfance dans les régions signalent à la<br />

coopérative que leur clientèle est maintenant<br />

formée de façon disproportionnée d’immigrants<br />

et de réfugiés, en proie à des problèmes de conflit<br />

intergénérationnel et au désespoir. La violence<br />

familiale est un phénomène répandu dans<br />

certaines communautés, qui découle de la torture,<br />

des mauvais traitements et de la violence subis<br />

dans des pays dont l’histoire est marquée par la<br />

guerre civile.<br />

Un dernier secteur dans lequel le courtage a<br />

fait son apparition ces dernières années est celui<br />

des services aux personnes âgées vivant dans<br />

l’isolement. En collaboration avec un important<br />

ONG pluridisciplinaire intervenant auprès<br />

des aînés, la Seniors Association of Greater<br />

Edmonton, des aînés hispanophones, coréens,<br />

kurdes, érythréens et d’Europe de l’Est ont été<br />

dirigés pour la première fois vers des cours<br />

d’anglais et des ressources de soutien social. Les<br />

partenariats de ce genre ont débouché sur un<br />

important forum pour les aînés immigrants, tenu<br />

en mai 2008. Des chercheurs, des responsables<br />

de l’élaboration de politiques et de programmes<br />

ainsi que des professionnels intervenant auprès<br />

des personnes âgées y ont participé dans le but<br />

d’explorer avec les aînés immigrants les diffi -<br />

cultés uniques qu’ils rencontrent. L’événe ment a<br />

permis de mettre au jour des lacunes importantes<br />

dans les dispositions sur la sécurité du revenu<br />

pour les aînés immigrants – une source de rudes<br />

épreuves pour nombre d’entre eux.<br />

La coopérative s’est toujours attachée à<br />

promouvoir les partenariats intersectoriels qui<br />

s’intéressent à la réalité complexe des immigrants<br />

et des réfugiés. Par sa participation en tant<br />

que partenaire clé à l’initiative Families First<br />

Edmonton, la coopérative a contribué à un vaste<br />

projet de recherche à long terme de la Ville<br />

d’Edmonton axé sur les besoins des familles à<br />

faible revenu en matière d’emploi, d’immigration,<br />

Nos diverses cités 189


190 Nos diverses cités<br />

de logement, de loisirs et d’éducation. Ce projet<br />

de recherche concerté montre la réalité chan -<br />

geante de notre collectivité : les immigrants et<br />

les réfugiés, comme les Autochtones, représentent<br />

un nombre disproportionné de personnes en<br />

situation de pauvreté dans notre collectivité, qui<br />

tombent entre les mailles du filet. De plus, les<br />

programmes et services existants ne reflètent<br />

pas adéquatement l’importance d’avoir des<br />

services complets et spécialisés pour appuyer une<br />

pleine intégration sociale et économique. Il est<br />

évident que le soutien à l’établissement n’est pas<br />

offert assez longtemps, pas toujours au bon<br />

moment et dans une mesure insuffisante. Un<br />

changement systémique est requis pour atteindre<br />

deux objectifs : l’égalité d’accès à des services<br />

humains et aux ressources communautaires, et<br />

la participation de tous les immigrants au sein<br />

de la société.<br />

Faire le point<br />

Célébrant tout juste son 10e anniversaire en tant<br />

qu’organisme officiel, la coopérative profite de<br />

l’occasion pour faire le point et revoir sa vision<br />

à la lumière des difficultés que connaissent<br />

toujours les immigrants. Les exemples présentés<br />

ci-dessous illustrent les priorités courantes de<br />

la coopérative.<br />

• Renforcer la capacité des immigrants, en tant<br />

que particuliers, familles ou collectivités, afin<br />

de les amener à devenir maîtres de leur vie et<br />

responsables de leur santé;<br />

• Travailler à l’intégration des courtiers en santé<br />

multiculturelle dans le système de santé;<br />

• Par le dialogue et la formation, renforcer la<br />

capacité du système et des fournisseurs de<br />

services d’offrir un contenu adapté à la culture<br />

de leurs interlocuteurs;<br />

• Encourager les occasions permettant de mettre<br />

sur pied des projets et des programmes<br />

novateurs qui s’attaquent aux difficultés que<br />

vivent les immigrants et les réfugiés;<br />

• Former une coalition de membres des collec -<br />

tivités immigrantes pour revendiquer des<br />

changements au moyen d’une action politique;<br />

• Coordonner des processus qui encouragent les<br />

immigrants à participer activement et à se faire<br />

entendre.<br />

En conclusion, les courtiers culturels voient<br />

les signes d’un changement positif graduel.<br />

La plupart ne peuvent néanmoins imaginer<br />

un avenir où leurs services ne seront plus requis.<br />

Les nombreux problèmes persistants, exacerbés<br />

par l’apparition continuelle de problèmes<br />

sociaux et sanitaires plus complexes, incitent la<br />

coopé rative à réitérer son engagement à mener<br />

des initiatives axées sur le dévelop pement de<br />

compé tences commu nautaires et le changement<br />

systémique. Pour reprendre la pensée d’un<br />

courtier : « Ce que je veux, c’est les aider. Je veux<br />

les installer pour qu’ensuite, ils soient maîtres de<br />

leur destinée et qu’ils puissent se tourner vers<br />

l’avenir. Je préférerais les aider à faire ce qu’il<br />

faut… c’est une motivation fondamentale. On en<br />

retire de l’espoir. Autrement, quelle sorte d’espoir<br />

y a-t-il, s’il faut répéter les choses encore et<br />

encore ? » Un autre courtier résume sa vocation<br />

en ces termes : « Le courtage n’est pas un simple<br />

boulot, vous savez. Il s’agit, en quelque sorte, de<br />

changer les choses et de mettre les gens en<br />

contact avec le système; pour que les deux côtés,<br />

le système et le client, travaillent ensemble<br />

pour le bien-être de la personne, de la famille et<br />

de la société. »<br />

À propos des auteures<br />

YVONNE CHIU est codirectrice exécutive de la Multicultural<br />

Health Brokers Co-operative.<br />

LUCENIA ORTIZ est codirectrice exécutive de la<br />

Multicultural Health Brokers Co-operative.<br />

RUTH WOLFE agit comme consultante en évaluation dans<br />

la collectivité et professeure agrégée adjointe au Centre<br />

d’études pour la promotion de la santé, Faculté de santé<br />

publique, University of Alberta. Elle est candidate au<br />

doctorat en écologie humaine à la University of Alberta.<br />

Références<br />

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du <strong>Canada</strong>.<br />

Nos diverses cités 191


L’établissement dans les Prairies :<br />

la Regina Open Door Society<br />

s’adapte aux besoins croissants<br />

DARCY DIETRICH<br />

Regina Open Door Society<br />

Afin de faire face aux pénuries croissantes de main-d’œuvre, au déclin de la population<br />

et au départ à la retraite des enfants de l’après-guerre, la Saskatchewan a mis en<br />

œuvre de nombreuses stratégies : par exemple, elle a revu à la hausse ses objectifs<br />

d’immigration […] et s’est lancée dans une grande campagne de recrutement de<br />

Canadiens provenant des autres provinces, qu’ils soient de souche ou d’adoption.<br />

192 Nos diverses cités<br />

Le 25 avril 2008, Rob Norris, ministre de<br />

l’Enseignement supérieur, de l’Emploi et du<br />

Travail de la Saskatchewan, annonçait un nouvel<br />

objectif d’immigration, soit 2 800 can didats<br />

désignés, pour l’exercice 2008-2009. Si l’on<br />

tient compte des membres de la famille de ces<br />

candidats, cela représente plus de 7 500 nouveaux<br />

arrivants dans la province. La Direction générale<br />

de l’immigration de la Saskatchewan n’a été créée<br />

qu’en 2001, et durant sa première année d’activité,<br />

25 demandeurs ont été désignés. Au cours de<br />

l’exercice 2007-2008, c’est 1 692 candidats qui<br />

ont été désignés dans le cadre du Programme des<br />

candidats à l’immi gration de la Saskatchewan<br />

(PCIS), soit une hausse de 435 candidats (34,6 %)<br />

par rapport à 2006-2007. Nous voilà soudain<br />

devant un nouveau défi : faire en sorte que la<br />

vision stratégique de la province maintienne une<br />

longueur d’avance sur les courants d’immigration,<br />

tandis que l’ensemble des secteurs et des insti -<br />

tutions, depuis les écoles jusqu’aux hôpitaux et<br />

aux milieux de travail, se préparent à répondre<br />

aux besoins de nouveaux arrivants. Afin de faire<br />

face aux pénuries croissantes de main-d’œuvre,<br />

au déclin de la population et au départ à la retraite<br />

des enfants de l’après-guerre, la Saskatchewan a<br />

mis en œuvre de nombreuses stratégies : par<br />

exemple, elle a revu à la hausse ses objectifs<br />

d’immigration, a créé de nouvelles possibilités de<br />

formation pour stimuler l’emploi au sein de la<br />

population autochtone, et s’est lancée dans une<br />

grande campagne de recrutement de Canadiens<br />

provenant des autres provinces, qu’ils soient de<br />

souche ou d’adoption. Au cours d’une récente<br />

visite de recrutement à Toronto, Brad Wall,<br />

premier ministre de la Saskatchewan, a annoncé<br />

que la province a 10 000 nouveaux emplois à<br />

pourvoir dans tous les secteurs d’activité, depuis la<br />

construction jusqu’aux soins de santé.<br />

Même si la Saskatchewan déploie aujourd’hui<br />

plus d’efforts que jamais pour attirer et retenir<br />

les immigrants, elle doit s’assurer du soutien<br />

d’organismes professionnels d’aide aux immi -<br />

grants, comme la Regina Open Door Society<br />

(RODS), afin de répondre aux divers besoins<br />

des nouveaux arrivants à Regina en matière<br />

de renseignements, d’orientation, d’aide initiale à<br />

l’établissement, de services et de programmes.<br />

La Regina Open Door Society<br />

La RODS est un organisme communautaire sans<br />

but lucratif dirigé par un conseil d’administration<br />

formé de bénévoles. L’organisme a été créé en<br />

1976 par des membres de la collectivité qui<br />

voulaient instaurer des services d’établissement<br />

et d’intégration axés sur les besoins des réfugiés<br />

et des immigrants. Comptant d’abord un seul<br />

employé qui travaillait à temps partiel dans le


sous-sol d’une église locale, la RODS s’est peu<br />

à peu développée, s’engageant à fournir aux<br />

nouveaux arrivants des services axés sur leurs<br />

besoins et du soutien constant tout au long du<br />

processus ardu d’établissement. Après plus de trois<br />

décennies au service de la collectivité, la RODS a<br />

acquis une solide réputation comme premier<br />

organisme officiel d’aide à l’établissement<br />

des immigrants en Saskatchewan. À l’échelle<br />

nationale, on la considère comme un chef de file<br />

dans le domaine des services d’établissement<br />

pour les nouveaux arrivants. Elle a mis sur pied<br />

la première maison d’accueil pour nouveaux<br />

arrivants du comté et a reçu le Certificat du mérite<br />

civique en 1998. En sa qualité de seul organisme<br />

d’aide à l’établissement des réfugiés et des<br />

immigrants à Regina, la RODS offre une vaste<br />

gamme de services à une clientèle très diversifiée,<br />

notamment à des réfugiés qui fuient la guerre<br />

et la persécution ainsi qu’à toutes les autres<br />

catégories d’immigrants, dont plusieurs sont de<br />

plus en plus nombreux grâce au PCIS. Le principal<br />

groupe client de la RODS est traditionnellement<br />

constitué d’environ 200 réfugiés parrainés par le<br />

gouvernement (RPG), qui s’établissent chaque<br />

année à Regina grâce aux efforts concertés du<br />

Haut Commissariat des Nations Unies pour les<br />

réfugiés, de Citoyenneté et Immi gration <strong>Canada</strong><br />

(CIC), de la RODS, de groupes de répondants, de<br />

membres de leurs familles, de bénévoles et de<br />

partenaires communautaires.<br />

Par différents moyens, la RODS collabore<br />

étroitement avec ses partenaires pour créer une<br />

collectivité plus accueillante, où les nouveaux<br />

arrivants peuvent s’établir de façon permanente.<br />

Ce travail découle directement du plan straté -<br />

gique actuel de l’organisme, de l’élargissement et<br />

de l’amélioration de ses services en collaboration<br />

avec divers bailleurs de fonds et organisations, et<br />

du travail du Regina Settlement and Integration<br />

Coordinating Committee, qui regroupe des<br />

intervenants de différents organismes non<br />

gouvernementaux et de tous les ordres de<br />

gouvernement. En plus d’offrir des services à un<br />

nombre croissant d’immigrants qui s’établissent à<br />

Regina dans le cadre du PCIS, la RODS poursuit sa<br />

collaboration avec CIC afin de continuer à offrir<br />

des services et des programmes spécialisés aux<br />

RPG et aux autres réfugiés parrainés à Regina.<br />

La RODS est heureuse de participer aux efforts<br />

humanitaires déployés par le <strong>Canada</strong> pour<br />

réinstaller des réfugiés provenant de pays comme<br />

le Myanmar (réfu giés karens), l’Afghanistan, la<br />

Colombie, le Congo, la République démocratique<br />

du Congo, l’Érythrée, l’Éthiopie, l’Iran, le Libéria,<br />

le Rwanda, la Somalie et le Soudan. De concert<br />

avec les groupes communautaires de Regina qui<br />

parrai nent des réfugiés, l’organisme a participé au<br />

traitement groupé, très fructueux, des demandes<br />

de réfugiés karens en 2006, qui a permis<br />

d’accueillir un premier groupe de 133 personnes;<br />

on compte aujourd’hui plus de 300 réfugiés<br />

karens à Regina. Au cours des dernières années,<br />

la RODS et le groupe de soutien aux réfugiés<br />

ont également lancé les calendriers Dispelling<br />

the Myths dans le cadre de campagnes de<br />

sensibilisation du public, afin de souligner les<br />

engagements humanitaires du <strong>Canada</strong> ainsi que<br />

l’apport et les compétences des réfugiés dans notre<br />

collectivité, et de dissiper les mythes à propos<br />

des réfugiés, des mythes qui persistent malheu -<br />

reusement dans notre société.<br />

Le développement et l’amélioration des pro -<br />

grammes, des services et de l’organisme dans<br />

son ensemble sont des processus permanents que<br />

la RODS prend au sérieux. L’organisme est<br />

déterminé à demeurer à jour et créatif afin<br />

de répondre aux besoins changeants et croissant<br />

de sa clientèle et de la collectivité. Au cours des<br />

dernières années, le conseil d’administration et<br />

les employés ont travaillé très fort pour diriger<br />

et gérer efficacement le développement sans<br />

précédent et la mise à jour des programmes et<br />

des services, pour mieux répondre aux besoins<br />

particuliers du nombre croissant de nouveaux<br />

arrivants à Regina. Le conseil a récemment<br />

approuvé un nouveau plan stratégique visant à<br />

donner à l’organisation une visibilité accrue et<br />

à lui permettre de renouveler son engagement<br />

d’aider la collectivité à renforcer sa capacité de<br />

travailler avec des nouveaux arrivants. Grâce<br />

à cette nouvelle stratégie, l’organisme pourra<br />

améliorer la prestation de ses services et faire<br />

face à la croissance future, au nombre accru de<br />

clients, ainsi qu’aux tendances et aux problèmes<br />

nouveaux qui se présenteront à la collectivité.<br />

La RODS continuera de contribuer à la création<br />

d’un milieu plus accueillant, d’encourager la<br />

sensibilisation interculturelle et de sensibiliser la<br />

population aux nombreux avantages de l’immi -<br />

gration. Elle élabore actuellement un plan de<br />

communications afin de se promouvoir en<br />

tant que passerelle centrale vers l’obtention<br />

de renseignements et de services en matière<br />

d’établissement pour les nouveaux arrivants<br />

(réfugiés, immigrants du regroupement familial<br />

et immigrants économiques) qui s’établissent à<br />

Regina. Au cours des prochaines années, la RODS<br />

Nos diverses cités 193


194 Nos diverses cités<br />

continuera d’établir de nouveaux partenariats<br />

stratégiques avec tous les ordres de gouver -<br />

nement, les conseils scolaires, les fournisseurs de<br />

soins de santé, les organismes communautaires,<br />

les entreprises privées et les sociétés. L’organisme<br />

continuera également de jouer un rôle de chef<br />

de file par l’entremise de son engagement<br />

dans la Saskatchewan Association of Immigrant<br />

Settlement and Integration Agencies (SAISIA),<br />

un organisme provincial en plein essor et, à<br />

l’échelle fédérale, dans l’Alliance canadienne<br />

du secteur de l’établissement des immigrants<br />

(ACSEI).<br />

Services et programmes<br />

La RODS offre un grand nombre de services<br />

diversifiés et spécialisés aux immigrants et aux<br />

réfugiés 1 . Par ailleurs, une équipe de l’organisme<br />

présente chaque année de nombreux exposés sur<br />

des sujets comme la sensibilisation aux<br />

différences culturelles et le parrainage de réfugiés.<br />

Au fil des ans, la RODS a mis en œuvre une foule<br />

d’initiatives, notamment des pro grammes pour les<br />

jeunes arrivants, des projets liés au rôle parental<br />

dans les familles interculturelles et à l’alphabé -<br />

tisation familiale, ainsi que des projets de centre<br />

de consultation. Ces initiatives sont évaluées<br />

à l’aide d’une méthode de gestion axée sur les<br />

résultats, qui sert à mesurer la réussite des<br />

programmes et des services, ainsi que le degré de<br />

réussite de l’intégration de nouveaux arrivants.<br />

Des discussions en groupe, des entrevues et des<br />

consultations communautaires menées avec des<br />

nouveaux arrivants et des bénévoles permettent<br />

1 Au nombre de ces services et programmes, mentionnons<br />

l’Enhanced Assessment and Referral Project (EARP), le<br />

Programme d’aide au réétablissement (PAR), le Programme<br />

d’établissement et d’adaptation des immigrants (PEAI), le Host<br />

and Volunteer Program, les services d’évaluation en santé sur<br />

place et de recommandation aux soins spécialisés à la clinique<br />

communautaire de Regina, les programmes Settlement Social<br />

Worker (SSW) et Settlement Social Worker in Schools (SSWIS),<br />

les Cours de langue pour les immigrants au <strong>Canada</strong> (CLIC)<br />

offerts à environ 180 apprenants adultes chaque jour (plus<br />

de 300 annuellement), la garderie de la RODS, titulaire d’un<br />

permis provincial, les services d’aide à l’emploi, notamment le<br />

counselling, l’enseignement en classe et les programmes de<br />

formation propres au secteur, les Cours de langue de niveau<br />

avancé (CLNA) pour les professionnels immigrants et le<br />

Saskatchewan Nominee Assistance Program (SNAP) qui aide les<br />

employeurs à planifier l’établissement, le Summer Program for<br />

Refugee and Immigrant Children, le progamme Families In<br />

Transition (FIT) et le programme KidsFirst Regina – exécuté en<br />

partenariat avec d’autres organismes communautaires à<br />

l’intention des familles vulnérables qui ont des enfants<br />

d’âge préscolaire.<br />

de s’assurer que les programmes et les services<br />

répondent aux besoins des clients et de la collec -<br />

tivité, et que les changements nécessaires à<br />

leur amélioration sont apportés, au besoin.<br />

Conformément à la tradition et afin de rester en<br />

contact avec les membres, les clients, les bénévoles<br />

et les autres partenaires commu nautaires, rési -<br />

dants et intervenants intéressés, la RODS organise<br />

des activités annuelles à des fins de célébration,<br />

de sensibilisation, de reconnaissance et de<br />

planification. Malgré le développement rapide, le<br />

personnel de l’organisme continue de se consacrer<br />

à des activités comme celles de la période des fêtes<br />

et du pique-nique estival (qui ont toutes deux lieu<br />

annuellement depuis 30 ans), la journée de<br />

remerciement des bénévoles, et les activités très<br />

importantes de sensibilisation du public orga -<br />

nisées chaque année en juin, de concert avec les<br />

groupes de parrainage de réfugiés de Regina, dans<br />

le cadre de la Journée mondiale des réfugiés.<br />

Au cours des deux dernières années, afin de<br />

répondre aux besoins croissants, le per sonnel de<br />

la RODS est passé de 35 à près de 90 employés. Un<br />

troisième bâtiment situé en bordure du centreville,<br />

dans le magnifique parc Wascana,<br />

accueillera bientôt les services administratifs, les<br />

services d’établissement et les services à la famille<br />

de l’organisme. Le bâtiment principal actuel, au<br />

centre-ville de Regina, sera rénové à l’automne<br />

2008 et accueillera les services linguistiques et la<br />

garderie. Le pro priétaire, Adam Niesner, a signé<br />

avec l’organisme un acte de donation par lequel il<br />

transférera à la RODS le titre de propriété de cet<br />

immeuble et d’une partie du terrain de station -<br />

nement à la fin du bail actuel, en mars 2012. Ce<br />

don généreux de la part d’un dirigeant avantgardiste<br />

du milieu des affaires de Regina nous<br />

encourage dans l’atteinte de notre objectif de créer<br />

une collectivité véritablement accueillante pour<br />

tous. Un autre immeuble, situé à moins d’un coin<br />

de rue au nord, héberge le centre d’aide à l’emploi<br />

de la RODS. Au personnel multiculturel de la<br />

RODS s’ajoute un noyau bien établi de bénévoles<br />

infatigables. Bien que plusieurs des employés et<br />

des membres du conseil d’administration de la<br />

RODS représentent fièrement les communautés<br />

d’immigrants et de réfugiés de Regina, et que<br />

certains soient originaires d’autres régions du<br />

<strong>Canada</strong>, beaucoup sont des professionnels<br />

dévoués et polyvalents nés dans les Prairies et<br />

élevés en Saskatchewan. Tous sont déterminés à<br />

accueillir les réfugiés et les immigrants dans notre<br />

merveilleuse collectivité, et à faciliter leur<br />

établissement et leur intégration.


La RODS reconnaît que la réussite de l’inté -<br />

gration des nouveaux arrivants dans notre société<br />

exige l’appui, l’engagement et la participation<br />

sans réserve de la collectivité. Même si la RODS<br />

a établi de solides partenariats au cours des<br />

32 dernières années, à l’avantage des nouveaux<br />

immigrants de Regina, la collec tivité tout entière<br />

doit être sensibilisée et mobilisée si nous voulons<br />

attirer un plus grand nombre d’immigrants et de<br />

réfugiés et leur donner envie de rester dans la<br />

région. Il ne suffit pas que ceux qui interviennent<br />

bénévolement ou travaillent auprès des nouveaux<br />

arrivants de façon régulière créent une collectivité<br />

accueillante : c’est grâce à l’appui d’employeurs<br />

encourageants ou de voisins souriants et atten -<br />

tionnés, qui inspirent confiance aux nouveaux<br />

arrivants et les font se sentir chez eux, que nous<br />

assurerons le succès de leur établissement et de<br />

leur intégration, et qu’ils voudront demeurer<br />

parmi nous. S’ils sont accueillis à Regina par des<br />

services d’établissement et un soutien social<br />

efficaces, les nouveaux arrivants s’intégreront<br />

rapidement et restitueront à leur tour à la société<br />

ce qu’elle leur aura donné dans la mesure où, au<br />

moment de leur arrivée, ils auront été encouragés<br />

à y participer. La RODS est prête à opérer les<br />

changements qui s’imposent afin de demeurer au<br />

premier plan en ce qui concerne la création d’une<br />

culture canadienne, d’un mode de vie qui met à<br />

profit et respecte les compétences, les pratiques et<br />

les traditions culturelles existantes, tout en inté -<br />

grant des habiletés, des coutumes et des notions<br />

nouvelles, pour façonner en Saskatchewan une<br />

société diversifiée et dynamique.<br />

À propos de l’auteur<br />

DARCY DIETRICH, reconnu en Saskatchewan et à<br />

l’échelle nationale pour son expertise dans le domaine<br />

de l’établissement et de l’intégration des nouveaux<br />

arrivants, possède 20 ans d’expérience dans le secteur<br />

de l’établissement. Il travaille actuellement comme<br />

directeur exécutif de la Regina Open Door Society. Il a<br />

également été président et vice-président de la<br />

Saskatchewan Association of Immigrant Settlement<br />

and Integration Agencies.<br />

Références<br />

Jimenez, M. 2008. « Head West, Sask. Premier Tells New<br />

Canadians », Globe and Mail (29 septembre).<br />

Pawliw, R. 2008. « Saskatchewan Immigration, Where Are<br />

We Now ? », communication donnée au Forum sur<br />

l’immigration en Saskatchewan de la Chambre de<br />

commerce de la Saskatchewan (11 avril).<br />

Saskatchewan. Ministère de l’Enseignement supérieur, de<br />

l’Emploi et du Travail. 2007. « Making Immigration Work for<br />

SK », communication donnée au Panel de la construction<br />

de la Saskatchewan, Regina (2 mai).<br />

———. Ministère de l’Enseignement supérieur, de l’Emploi<br />

et du Travail. 2008. « Province Sets Aggressive New<br />

Immigration Target », communiqué de presse (25 avril).<br />

Nos diverses cités 195


Bien qu’elle occupe une position géographique centrale au <strong>Canada</strong>, Winnipeg est isolée et<br />

elle a essuyé des revers par le passé, ce qui a engendré une culture fondée sur l’autonomie<br />

et la cohésion collective. Aujourd’hui, l’économie de Winnipeg est sans doute la plus stable<br />

du <strong>Canada</strong>, sans explosion ni crise, mais solide en raison de son côté diversifié.<br />

Parrainage privé de réfugiés<br />

à Winnipeg, au Manitoba<br />

TOM DENTON<br />

Manitoba Refugee Sponsors<br />

196 Nos diverses cités<br />

Parrainer des réfugiés pour qu’ils viennent<br />

s’établir au <strong>Canada</strong> est toute une affaire à<br />

Winnipeg. En effet, la ville se situe au premier<br />

rang des villes canadiennes pour son utilisation<br />

du Programme de parrainage privé des réfugiés<br />

(PPPR) du <strong>Canada</strong>, et bien qu’elle ne compte<br />

que pour 2 % de la population du pays, en 2006<br />

et en 2007, elle a accueilli près de 17 % des<br />

nouveaux réfugiés parrainés par le secteur privé 1 .<br />

Les chiffres relatifs aux nouvelles demandes<br />

présentées sont encore plus surprenants : en 2007,<br />

40 % des demandes provenaient de Winnipeg. De<br />

fait, si l’on exclut les demandes présentées sous<br />

la catégorie Groupes de cinq (G5), rarement<br />

utilisée à Winnipeg, parmi toutes les nouvelles<br />

demandes présentées par l’intermédiaire de<br />

signataires d’entente de parrainage, 56 % étaient<br />

de Winnipeg 2 . Qui plus est, selon la tendance<br />

1<br />

Le PPPR du <strong>Canada</strong>, établi depuis de nombreuses années,<br />

est exemplaire. Plus de 80 signataires d’entente de parrainage<br />

(SEP) au <strong>Canada</strong> ont conclu avec le gouvernement fédéral<br />

des ententes leur permettant de parrainer des réfugiés<br />

arrivant au pays comme résidents permanents s’ils<br />

satisfont aux critères de sélection du <strong>Canada</strong>. Les SEP<br />

sont généralement des organismes religieux, des groupes<br />

ethnoculturels ou des organismes humanitaires. Ces SEP<br />

peuvent habiliter leurs sous-groupes ou Groupes constitutifs<br />

(GC) – généralement des paroisses locales – à faire office<br />

de répondants dans le cadre de l’entente conclue par<br />

l’organisation mère. Des demandes de parrainage privé<br />

peuvent également être présentées sous la catégorie<br />

Groupes de cinq (G5), qui permet à des groupes formés<br />

de cinq personnes admissibles de parrainer des réfugiés<br />

(ce mécanisme est fréquemment utilisé à Toronto, mais<br />

plus rarement à Winnipeg).<br />

observée, ces chiffres seront encore plus élevés<br />

en 2008. Mais quelles sont les raisons expliquant<br />

ce phénomène ?<br />

La première raison réside peut-être dans<br />

l’histoire et la nature de la ville. Bien qu’elle<br />

occupe une position géographique centrale au<br />

<strong>Canada</strong>, Winnipeg est isolée et elle a essuyé des<br />

revers par le passé, ce qui a engendré une culture<br />

fondée sur l’autonomie et la cohésion collective.<br />

Aujourd’hui, l’économie de Winnipeg est sans<br />

doute la plus stable du <strong>Canada</strong>, sans explosion ni<br />

crise, mais solide en raison de son côté diversifié<br />

(qui reflète la diversité de ses habitants). En<br />

conséquence, le taux de chômage y est toujours<br />

relativement faible, ce qui laisse entrevoir, pour<br />

les nouveaux arrivants, une possibilité raison -<br />

nable de trouver du travail 3 .<br />

La deuxième raison réside dans l’historique<br />

des services aux réfugiés à Winnipeg et dans la<br />

cohésion qui existe depuis longtemps au sein des<br />

2 En 2007, 3 587 personnes ont été admises au <strong>Canada</strong> en<br />

vertu du PPPR, et 3 028 nouvelles demandes regroupant<br />

6 855 personnes ont été présentées. Bien que seulement<br />

880 des nouvelles demandes étaient présentées par des G5,<br />

chacune de celles-ci était pour trois personnes en moyenne,<br />

tandis que les demandes soumises par des SEP visaient<br />

chacune deux personnes en moyenne. Un pourcentage<br />

important de personnes parrainées sont rejetées par le<br />

<strong>Canada</strong> à l’étranger, parce qu’elles ne satisfont pas aux<br />

critères. Les chiffres cités dans le présent document sont<br />

fondés sur des données gracieusement fournies à l’auteur<br />

par Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong>.<br />

3 Au moment de la rédaction du présent article, le taux de<br />

chômage au Manitoba était de 3,9 %, comparativement à<br />

6,1 % pour le <strong>Canada</strong>.


organismes d’aide aux immigrants. À Winnipeg,<br />

comme dans bon nombre de villes, le parrainage<br />

de réfugiés a été stimulé au départ par l’adhésion<br />

au Programme de parrainage de réfugiés, quand<br />

il a été créé à la fin des années 1970, pendant la<br />

crise des « réfugiés de la mer ». Dans plusieurs<br />

grandes villes, les services étaient fragmentés<br />

(souvent en fonction de l’ethnie ou de la religion),<br />

mais cela ne s’est jamais produit à Winnipeg : le<br />

Centre international a été un chef de file dans le<br />

domaine des services aux immigrants depuis<br />

sa création en 1969 4 , à une époque où de tels<br />

services – tout particulièrement en ce qui a trait<br />

aux réfugiés – commençaient à peine à prendre<br />

de l’importance dans les politiques gouverne -<br />

menales d’après-guerre. Le Centre, un organisme<br />

non confessionnel, est devenu le lieu de rencontre<br />

des communautés immigrantes, offrant des<br />

cours d’anglais langue seconde ainsi que des<br />

services de traduction et d’aide à l’emploi et<br />

à l’établissement.<br />

Tandis que les programmes fédéraux se<br />

développaient et s’imposaient graduellement<br />

comme principale source de financement pour<br />

les services aux immigrants, le secteur de la<br />

prestation des services se développait également,<br />

et ce, dans l’ensemble du pays. À Winnipeg, un<br />

petit organisme – le Conseil multiconfessionnel<br />

d’aide à l’établissement des immigrants au<br />

Manitoba – a aussi pris son essor et est devenu,<br />

en 1993, le Centre international. Au début des<br />

années 2000, après avoir déterminé que le travail<br />

pourrait être accompli plus efficacement si<br />

les services aux réfugiés étaient distincts des<br />

services généraux aux immigrants, les deux<br />

organismes ont été scindés. Le travail relatif aux<br />

réfugiés a donc été pris en charge par le Conseil<br />

multiconfessionnel, qui s’est installé dans un<br />

nouvel emplacement, surnommé le « Welcome<br />

Place ». Les deux organismes se font face de<br />

chaque côté du parc Central et travaillent de<br />

concert. Le Conseil multiconfessionnel a remplacé<br />

le Centre international comme signataire de<br />

l’entente de parrainage avec Ottawa et est<br />

actuellement le plus important organisme de<br />

parrainage de réfugiés au <strong>Canada</strong>; au moment de<br />

la rédaction du présent article (en 2007), il<br />

4<br />

Le Centre international a été mis sur pied par le Conseil<br />

manitobain de la citoyenneté, un organisme créé au lendemain<br />

de la Seconde Guerre mondiale et de l’adoption de la Loi sur la<br />

citoyenneté canadienne de 1947, en même temps que la série de<br />

conseils de la citoyenneté qui ont vu le jour partout au <strong>Canada</strong>.<br />

Le Conseil manitobain est le seul à avoir survécu et il est devenu<br />

un important fournisseur de services aux immigrants.<br />

chapeautait 43 groupes constitutifs au moment de<br />

a rédaction du présent article avait entrepris plus<br />

de 1 000 parrainages en 2007.<br />

En 1993, les personnes et les groupes désireux<br />

de parrainer des réfugiés ont décidé de se<br />

réunir régulièrement afin d’échanger des rensei -<br />

gnements, de discuter des problèmes et de<br />

s’entraider. C’est ainsi qu’est né Manitoba Refugee<br />

Sponsors (MRS). Cet organisme est devenu<br />

un élément rassembleur du mouvement de<br />

parrainage privé à Winnipeg, et illustre sans<br />

équivoque la cohésion de la collectivité, qui a été<br />

un moteur du succès du programme. En 2002,<br />

MRS a incité la Ville de Winnipeg à créer un<br />

fonds d’assurance 5 , qui offre une protection aux<br />

répondants qui effectuent un parrainage con join -<br />

tement avec des familles de Winnipeg souhaitant<br />

faire venir des membres de leur famille à titre de<br />

réfugiés. Ce fonds a mani festement encouragé les<br />

parrainages de réfugiés de la catégorie familiale.<br />

Les ministères fédéraux et provinciaux respon -<br />

sables de l’immigration ont joué un rôle de<br />

premier plan dans le renforcement de la cohésion<br />

de la collectivité de parrainage, en collaborant de<br />

façon très positive avec celle-ci. Des représen -<br />

tants de chaque ministère assistent aux réunions<br />

des MRS. Le climat de partenariat amical qui<br />

existe entre les différents ordres de gouvernement<br />

(y compris à l’échelle municipale) et le secteur<br />

du parrainage n’est peut-être pas propre à<br />

Winnipeg, mais il est exceptionnel. Les réfugiés<br />

représentent un élément essentiel des plans<br />

d’immigration dynamiques du gouvernement<br />

du Manitoba.<br />

La troisième raison expliquant le succès des<br />

groupes de parrainage du secteur privé à<br />

Winnipeg, comme celui d’organismes d’ailleurs,<br />

réside dans la volonté des individus qui les<br />

dirigent. Sœur Aileen Gleason en a été la<br />

figure de proue pendant près de 15 ans, de la fin<br />

des années 1980 jusqu’à sa retraite en 2001,<br />

parrainant des milliers de réfugiés sous la<br />

5<br />

Le Programme d’assurance pour le parrainage de réfugiés<br />

par le secteur privé de Winnipeg a contribué à un fonds<br />

de 250 000 $, en plus d’une somme annuelle pour son<br />

administration. Il découle d’un protocole d’entente tripartite<br />

signé avec les gouvernements fédéral et provincial, qui<br />

traduisait l’intérêt de la Ville à attirer et à retenir des<br />

immigrants. Les premières demandes ont été enregistrées<br />

en vertu du programme en janvier 2003. À ce jour, le fonds<br />

s’est accru des intérêts, des milliers de dossiers de parrainage<br />

y ont été enregistrés et 400 $ seulement ont dû être versés<br />

pour permettre à une famille de Winnipeg de se réinstaller<br />

dans une ville du sud du Manitoba, où un emploi et du<br />

soutien l’attendait.<br />

Nos diverses cités 197


198 Nos diverses cités<br />

direction de l’ordre catholique auquel elle<br />

appartenait, l’Institut de Notre-Dame des<br />

Missions. Elle a effectué ses premiers parrainages<br />

par l’intermédiaire de l’archidiocèse catholique<br />

de Winnipeg jusqu’en 1991, année où l’arche -<br />

vêque s’est alarmé du grand nombre de<br />

parrainages et des obligations risquant d’y être<br />

associées. Sœur Aileen a alors transféré ses<br />

activités sous l’égide du diocèse anglican de la<br />

Terre de Rupert où, depuis, le travail de son<br />

Hospitality House Refugee Ministry se poursuit 6 .<br />

D’autres figures marquantes se sont jointes<br />

aux efforts et continuent de les soutenir. Elles<br />

apportent le soutien des groupes confessionnels<br />

de la ville, principalement les anglicans, les<br />

luthériens, les mennonites, les pentecôtistes, les<br />

presbytériens, les catholiques et l’Église unie.<br />

Ces personnes ont apporté leur contribution<br />

au parrainage de réfugiés à l’échelle locale et<br />

nationale. En outre, le travail et le leadership du<br />

Conseil multiconfessionnel d’aide à l’établis -<br />

sement des immigrants au Manitoba et de son<br />

infatigable directeur, Marty Dolin, continuent<br />

d’assurer directement et en coulisse la coordi -<br />

nation de l’aide aux réfugiés à Winnipeg, et ils<br />

contribuent grandement à sa réussite.<br />

6<br />

L’archidiocèse catholique de Winnipeg et le diocèse anglican<br />

de Terre de Rupert sont deux des SEP du <strong>Canada</strong>. Le Hospitality<br />

House Refugee Ministry Inc., un GC du diocèse anglican, est<br />

le GC le plus productif du <strong>Canada</strong> en matière de parrainage<br />

de réfugiés.<br />

Il existe une quatrième raison. C’est la<br />

demande de réunification des familles, qui est<br />

au cœur de la politique du <strong>Canada</strong> en matière<br />

d’immigration. La plupart des réfugiés parrainés<br />

par le secteur privé qui s’établissent à Winnipeg<br />

sont venus rejoindre des membres de leur famille,<br />

proche ou élargie, qui y sont déjà installés.<br />

La raison d’être, pourtant non reconnue, des<br />

files d’attente de personnes qui attendent de venir<br />

au <strong>Canada</strong> – toutes catégories d’immigrants<br />

confondues –, est le désir de renouer avec leurs<br />

proches, déjà installés ici. Or la politique actuelle<br />

du <strong>Canada</strong> en matière d’immigration ne peut<br />

faciliter cette réunification que jusqu’à un certain<br />

point. Les organismes non gouvernementaux de<br />

parrainage de réfugiés à Winnipeg sont conscients<br />

de la demande et ils tentent d’y répondre, par<br />

compassion et par principe. Mais cette demande<br />

dépasse de loin la capacité des répondants ainsi<br />

que du PPPR, qui est assujetti à des limites<br />

annuelles imposées par les politiques et les<br />

considérations pratiques. Il s’agit d’une autre<br />

facette des difficultés auxquelles se heurte conti -<br />

nuellement l’immigration canadienne.<br />

Entre-temps, la communauté du parrainage<br />

privé de réfugiés à Winnipeg fait de son mieux,<br />

mais elle voudrait en faire davantage.<br />

À propos de l’auteur<br />

TOM DENTON est coprésident de Manitoba Refugee<br />

Sponsors et coordonnateur du Hospitality House Refugee<br />

Ministry à Winnipeg.


Le Programme d’accueil par la<br />

communauté de Saskatoon Open<br />

Door Society fait ses preuves<br />

JULIE FLEMING JUÁREZ<br />

Saskatoon Open Door Society<br />

La Saskatoon Open Door Society fournit depuis son inauguration en 1981 de l’assistance<br />

aux immigrants et aux réfugiés venus s’établir dans la région. Les réfugiés qu’elle<br />

accueille et dessert proviennent de pays du monde entier [...] Plus de 70 employés<br />

offrent des services dans trois principaux secteurs : les cours de langue et la garde<br />

d’enfants, l’aide à l’emploi, et le soutien à l’établissement et aux familles.<br />

Le voyage avait été long pour Ali et sa famille.<br />

Après des années de fuite, d’incertitude et de lutte,<br />

Ali avait abouti à Saskatoon, ville où il espérait<br />

s’établir. Mais la peur le tenait toujours. Ils étaient<br />

seuls. Sa maison se trouvait à l’autre bout de<br />

la planète. Il ne parlait pas l’anglais. Comment<br />

subviendrait-il aux besoins de sa famille ?<br />

Comment lui et sa famille allaient-ils s’intégrer ?<br />

Ici, personne n’était vêtu comme eux. Personne ne<br />

leur ressemblait et personne ne parlait leur langue.<br />

Tout était différent. Ali craignait la neige et<br />

le froid. Devraient-ils s’installer dans une plus<br />

grande ville ? Il avait entendu dire que beaucoup<br />

de ses compatriotes se trouvaient dans une ville<br />

appelée Toronto. Devrait-il simplement emballer<br />

ses maigres biens et emmener sa famille ? Fuir…<br />

une fois de plus.<br />

Presque tous les étrangers qui arrivent dans<br />

une petite collectivité comme Saskatoon<br />

éprouvent les mêmes craintes qu’Ali. Que vous<br />

soyez un réfugié, un travailleur qualifié ou un<br />

étudiant étranger, le sentiment est le même. Le<br />

Programme d’accueil par la communauté, offert<br />

par la Saskatoon Open Door Society, a été créé<br />

pour aider les nouveaux arrivants à surmonter<br />

ces peurs. Après tout, personne ne comprend<br />

mieux ce que vit un immigrant qu’une personne<br />

qui a surmonté les mêmes épreuves. « Il est<br />

important que les nouveaux arrivants puissent<br />

entrer en contact avec des groupes de mêmes<br />

origines qu’eux, car ils ont ainsi accès à des<br />

renseignements qui facilitent le processus<br />

d’établissement », affirme Bertha Gana, directrice<br />

générale de la Saskatoon Open Door Society. « Il<br />

s’agit de créer un environnement accueillant.<br />

Lorsque le nouvel arrivant est accueilli par un<br />

compatriote, il se sent plus à l’aise. J’en ai<br />

d’ailleurs fait l’expérience en tant qu’étudiante<br />

étrangère. Les premiers jours ont été très<br />

difficiles; l’alimentation, en particulier, était<br />

problématique. Je ne cessais de me demander si<br />

j’avais fait une erreur, si j’allais m’en sortir, si je<br />

devais rentrer chez moi avant qu’il ne soit trop<br />

tard. Tout a changé lorsque j’ai pris contact avec<br />

un groupe d’étudiants originaires de mon pays.<br />

Le Programme d’accueil par la communauté est<br />

le premier contact qui donne aux nouveaux<br />

arrivants le sentiment de se trouver dans un<br />

environnement familier. Il est rassurant pour eux<br />

de savoir qu’il y a, ici, des personnes de leur<br />

culture et qu’ils ne sont pas seuls. »<br />

La Saskatoon Open Door Society fournit<br />

depuis son inauguration en 1981 de l’assistance<br />

aux immigrants et aux réfugiés venus s’établir<br />

dans la région. Les réfugiés qu’elle accueille et<br />

dessert proviennent de pays du monde entier :<br />

Vietnam, Laos, Cambodge, Pologne, El Salvador,<br />

Guatemala, Colombie, Sierra Leone, Soudan,<br />

République démocratique du Congo, Burundi,<br />

Rwanda, Érythrée, Éthiopie, Afghanistan, Iraq,<br />

Nos diverses cités 199


« Quand un bénévole du même pays, de la même culture et du même<br />

groupe linguistique qu’un nouvel arrivant rend visite à ce dernier et lui<br />

présente les autres membres de sa communauté ethnique, il contribue à<br />

faire naître chez lui un sentiment d’appartenance à son nouveau pays. »<br />

– Ayalah Levy, animatrice communautaire, Saskatoon Open Door Society<br />

200 Nos diverses cités<br />

Iran, Myanmar et de nombreux autres. Elle offre<br />

également des services aux immigrants nouvel -<br />

lement arrivés, en provenance de la Chine, du<br />

Japon, du Royaume-Uni, d’Ukraine et de<br />

plusieurs autres pays européens. Plus de 70<br />

employés offrent des services dans trois<br />

principaux secteurs : les cours de langue et la<br />

garde d’enfants, l’aide à l’emploi, et le soutien à<br />

l’établissement et aux familles.<br />

En 1990, la Open Door Society a mis sur pied<br />

son Programme d’accueil, financé par Citoyenneté<br />

et Immigration <strong>Canada</strong>. Le mandat du Programme<br />

consistait principalement à jumeler de nouveaux<br />

arrivants (des individus et des familles) avec des<br />

bénévoles qui pouvaient leur apporter de l’amitié,<br />

de l’aide et un soutien linguistique. Depuis son<br />

inauguration, le Programme d’accueil n’a cessé<br />

de grandir pour répondre aux besoins du<br />

nombre croissant d’immigrants et de réfugiés qui<br />

s’établissent à Saskatoon. En effet, la Open Door<br />

Society accueille chaque année environ 250<br />

réfugiés parrainés par le gouvernement, et l’an<br />

dernier, plus de 5 000 clients ont bénéficié<br />

des principaux programmes de l’organisme. Il<br />

s’agit d’une augmentation de 72 % par rapport<br />

à la hausse habituelle de 5 % à 10 % des<br />

années précédentes.<br />

Dix ans après la création du Programme<br />

d’accueil, des cercles de conversation ont été<br />

ajoutés aux services offerts afin d’offrir aux<br />

nouveaux arrivants un cadre sûr et agréable<br />

pour développer leurs compétences linguistiques<br />

en groupe. Plus récemment, d’autres initiatives<br />

ont vu le jour dans le cadre du Programme, dont<br />

« School Buddy », un programme d’apprentissage<br />

pour enfants de niveau primaire, ainsi que des<br />

séances d’étude sur la citoyenneté et des cours de<br />

conduite d’appoint.<br />

Enfin, il y a bientôt un an, nous avons mis<br />

sur pied le Programme d’accueil par la<br />

communauté 1 , dans le cadre duquel un bénévole<br />

1 Ce programme n’est actuellement offert qu’aux réfugiés<br />

parrainés par le gouvernement, mais nous espérons l’offrir<br />

bientôt aux immigrants d’autres catégories.<br />

est jumelé à un réfugié pour une période de six<br />

semaines. La première rencontre, organisée avec<br />

la permission du réfugié, a lieu un ou deux jours<br />

après l’arrivée de ce dernier. Pendant cette<br />

période initiale d’établissement, le bénévole<br />

aide le nouveau venu à se familiariser avec la<br />

collectivité en lui indiquant où sont les lieux de<br />

prière, les boutiques ethniques et d’autres<br />

services susceptibles de répondre à ses besoins.<br />

Le bénévole offre du soutien dans la langue de<br />

l’étranger et dans un cadre culturel familier, et il<br />

lui présente d’autres personnes qui parlent sa<br />

langue et proviennent d’un milieu culturel<br />

similaire. Il aide l’étranger à acquérir un sentiment<br />

de satisfaction, de fami liarité et d’appartenance en<br />

plus de lui proposer l’accès à des réseaux, des<br />

rencontres sociales – une raison de rester à<br />

Saskatoon, en somme. Avec l’aide du personnel<br />

du Programme d’accueil par la communauté,<br />

les bénévoles organisent aussi une rencontre de<br />

fraternisation, comme un repas-partage, pour<br />

présenter les nouveaux membres à la collectivité.<br />

Durant les huit premiers mois du Programme,<br />

des bénévoles ont été jumelés avec 16 différentes<br />

familles, pour un total de 62 personnes. Une seule<br />

de ces familles, originaire du Soudan, est partie<br />

peu après son arrivée parce qu’elle avait des<br />

parents en Ontario. « Le Programme d’accueil par<br />

la communauté facilite la transition d’une culture<br />

à une autre, un processus souvent difficile pour les<br />

immigrants et les réfugiés. Quand un bénévole du<br />

même pays, de la même culture et du même<br />

groupe linguistique qu’un nouvel arrivant rend<br />

visite à ce dernier et lui présente les autres<br />

membres de sa communauté ethnique, il<br />

contri bue à faire naître chez lui un sentiment<br />

d’appartenance à son nouveau pays », explique<br />

Ayalah Levy, animatrice communautaire à la<br />

Saskatoon Open Door Society. « En partageant son<br />

expérience personnelle, le bénévole met l’immi -<br />

grant à l’aise et l’aide à surmonter les difficultés<br />

liées à l’établissement dans un nouveau pays,<br />

comme la solitude, le stress et le choc culturel.<br />

La présence d’un ami et d’une communauté<br />

accueillante fait toute la différence ».


Ces bénévoles sont recrutés par l’entremise<br />

de différents groupes ethnoculturels de la ville.<br />

Saskatoon a une population diversifiée, et<br />

plusieurs groupes ethnoculturels ont formé des<br />

associations culturelles. Les groupes sans<br />

association officielle ont souvent l’habitude de se<br />

réunir dans un cadre informel pour socialiser et<br />

échanger. Il s’agit de véritables bénévoles qui ne<br />

touchent aucune forme de rémunération pour leur<br />

travail. Leur seule dépense durant la période de<br />

jumelage devrait être pour l’achat d’essence, s’ils<br />

doivent transporter les nouveaux arrivants. Ces<br />

derniers reçoivent une aide financière de CIC qui<br />

sert à couvrir l’ensemble de leurs dépenses des<br />

premières semaines. On demande aux bénévoles<br />

de passer deux ou trois heures par semaine<br />

avec les nouveaux arrivants. Il s’agit cepen -<br />

dant d’une ligne directrice puisque le temps<br />

consacré varie selon la disponibilité du bénévole<br />

et les événements communautaires qui pourraient<br />

avoir lieu pendant la période de jumelage.<br />

« Le plus gros défi dans la prestation du<br />

Programme d’accueil par la communauté consiste<br />

à recruter des bénévoles des pays où les besoins<br />

sont plus grands. Il y a des bénévoles qui<br />

aimeraient aider, mais qui sont eux-mêmes très<br />

occupés à bâtir leur vie dans un nouveau pays »,<br />

explique M me Levy.<br />

Les bénévoles actuels représentent des<br />

nouveaux arrivants du Soudan, du Myanmar (y<br />

compris la communauté karen), d’Iraq, du<br />

Burundi, de la Colombie, de la Somalie et de<br />

diverses communautés francophones. Les<br />

bénévoles du Programme d’accueil par la<br />

communauté, comme chacun des quelque 200<br />

bénévoles qui travaillent à la Open Door Society,<br />

suivent un processus complet d’orientation, de<br />

formation et de vérification avant d’être intégrés<br />

au Programme. Les nouveaux arrivants qui<br />

s’inscrivent au Programme proviennent de<br />

plusieurs pays, dont le Soudan, la République<br />

démocratique du Congo, l’Iraq et le Burundi. Les<br />

deux plus grands groupes d’immigrants sont<br />

originaires de la Colombie et du Myanmar, en<br />

particulier les Karens.<br />

Les Karens forment un groupe particulier<br />

parce qu’ils ont été les premiers à bénéficier d’un<br />

traitement groupé dans le cadre d’un projet<br />

amorcé en 2006. Auparavant, les personnes et<br />

les familles ayant un statut de réfugié étaient<br />

sélectionnées et réinstallées dans un nouveau<br />

pays. Dans le cadre du projet de traitement<br />

groupé, le gouvernement du <strong>Canada</strong> accepte de<br />

réinstaller tous les membres d’une communauté.<br />

Saskatoon a été la première ville canadienne à<br />

accueillir des réfugiés karens en 2006. Elle<br />

compte aujourd’hui plus de 50 familles Karens<br />

(plus de 120 personnes), et de nouvelles familles<br />

arrivent à quelques mois d’intervalle. Les Karens<br />

font face à de nombreux défis puisque la majorité<br />

d’entre eux sont peu scolarisés, parlent à peine<br />

l’anglais, ont de grands besoins sur le plan de<br />

la santé et possèdent très peu de connaissances<br />

pratiques pour vivre dans une culture occidentale.<br />

Ils ont vécu dans des conditions lamentables dans<br />

des camps de réfugiés en Thaïlande, et ils ont<br />

besoin d’éducation et de soutien pour s’adapter<br />

à la vie au <strong>Canada</strong>.<br />

Les Colombiens font face à des défis d’un autre<br />

ordre. « Beaucoup ont de la difficulté à<br />

comprendre leur statut de réfugié », explique<br />

Diana Alquezar, agente d’intégration à la Open<br />

Door Society. Quelques-uns d’entre eux avaient<br />

un niveau de vie très élevé et ont été forcés de<br />

partir pour des raisons politiques. Il leur est très<br />

difficile de vivre avec le strict nécessaire et ils<br />

doivent tout recommencer. Ceux qui ont encore<br />

de la parenté en Colombie ressentent le mal<br />

du pays, et ils craignent que des membres de<br />

leur famille ne soient victimes de l’agitation<br />

politique. Certains sont très scolarisés et ont de la<br />

difficulté à accepter qu’ils doivent apprendre<br />

l’anglais et faire évaluer leurs attestations<br />

d’études ou leurs titres professionnels avant<br />

d’obtenir un emploi dans leur domaine. Pendant<br />

la période d’avril à septembre 2008, sept familles<br />

colombiennes sont arrivées, pour un total de<br />

24 personnes.<br />

Les bénévoles restent en contact avec le<br />

personnel du programme, en particulier avec<br />

l’agent d’intégration qui travaille avec le nouvel<br />

arrivant au quotidien pendant les premières<br />

semaines. Tous les réfugiés parrainés par le<br />

gouvernement et les réfugiés qui reçoivent une<br />

aide conjointe assistent à une séance d’orien tation<br />

intensive avec les agents d’intégration. Ces agents<br />

expérimentés accompagnent les clients tout au<br />

long du processus d’établissement, de l’accueil<br />

à l’aéroport jusqu’à l’établissement dans un<br />

logement permanent, et même par la suite. Ils<br />

aident les nouveaux arrivants à accomplir une<br />

multitude de tâches, par exemple l’aménagement<br />

du logement, l’obtention des services gouver -<br />

nementaux et la préparation des documents,<br />

l’évaluation de leurs acquis scolaires et<br />

l’inscription à des cours ou l’obtention des soins.<br />

Afin que les clients disposent de tout le nécessaire<br />

pour commencer leur nouvelle vie à Saskatoon, ils<br />

Nos diverses cités 201


202 Nos diverses cités<br />

leur offrent des conseils et de l’information<br />

sur divers sujets, dont le budget, la sécurité,<br />

l’hygiène, la vie en appartement et bien d’autres.<br />

Les bénévoles du Programme d’accueil ne<br />

prennent pas la place de l’agent d’intégration. Ils<br />

sont considérés comme des amis et représentent<br />

un lien avec la communauté ethnoculturelle<br />

plutôt qu’avec la collectivité générale. Quand le<br />

jumelage avec un membre de la communauté<br />

prend fin après six semaines, les visites à domicile<br />

sont effectuées par le personnel du Programme<br />

d’accueil pour préparer l’étranger à un jumelage<br />

« traditionnel » qui, bien que toujours amical,<br />

met davantage l’accent sur l’acquisition de<br />

compétences linguistiques.<br />

La Saskatchewan vit une période de prospérité<br />

économique qui accroît la nécessité de recourir<br />

à l’immigration pour répondre aux besoins en<br />

ressources humaines. Le nombre d’immigrants<br />

à Saskatoon connaît donc une croissance<br />

exponentielle. En 2005, le gouvernement de la<br />

Saskatchewan a annoncé la mise en œuvre du<br />

Programme des candidats à l’immigration de la<br />

Saskatchewan comme stratégie pour attirer et<br />

retenir des immigrants dans la province. Chaque<br />

année, des objectifs ambitieux sont établis;<br />

l’année dernière, le Programme visait plus de<br />

1 500 candidats susceptibles d’attirer 3 000<br />

immigrants à Saskatoon. L’objectif de 2 800<br />

candidats fixé pour l’année en cours devrait attirer<br />

7 800 immigrants. Saskatoon serait la destination<br />

souhaitée pour plus de 40 % de cette population.<br />

Tous les secteurs de l’économie comptent sur<br />

l’immigration pour combler les pénuries de<br />

travailleurs, et les missions de recrutement à<br />

l’étranger sont chose courante. L’Ukraine,<br />

l’Allemagne et les Philippines comptent parmi<br />

les principaux pays sources. Trois cents<br />

infirmières en provenance des Philippines,<br />

des soudeurs de l’Ukraine, des médecins sudafricains<br />

: l’arrivée d’étrangers fait la manchette<br />

des quotidiens.<br />

« Les communautés pakistanaise, allemande et<br />

philippine sont en croissance à Saskatoon. Le<br />

Programme d’accueil par la communauté jouera<br />

un rôle important en établissant des liens avec<br />

elles et en encourageant les nouveaux arrivants à<br />

rester à Saskatoon », affirme M me<br />

Gana.<br />

Pour la plupart des nouveaux arrivants, le<br />

réétablissement comporte son lot de défis,<br />

d’anxiétés et de peurs. Que vous soyez un réfugié,<br />

un travailleur qualifié ou un étudiant étranger, le<br />

sentiment est le même.<br />

S’ils jouent un rôle précieux dans l’accueil des<br />

nouveaux arrivants, les bénévoles du Programme<br />

d’accueil par la communauté ne représentent<br />

qu’une partie du plan d’ensemble. Il revient à<br />

chaque membre de la collectivité d’accueillir les<br />

nouveaux arrivants afin que nous puissions tous<br />

apprendre les uns des autres et tirer avantage de<br />

la diversité.<br />

Ali frappe à la porte, et un bruit de pas<br />

précipités se fait entendre dans la chambre d’hôtel.<br />

Un visage timide et interrogateur apparaît dans<br />

l’embrasure de la porte. C’est un visage tellement<br />

familier, sur lequel se reflètent d’innombrables<br />

questions, craintes et doutes. « Ne vous inquiétez<br />

pas, mon ami, lui dit Ali. Je sais ce que vous<br />

ressentez. J’aimerais vous raconter l’histoire que<br />

j’ai vécue il y a deux ans et vous raconter comment<br />

Saskatoon est devenue mon chez-moi. » Et grâce<br />

aux bénévoles du Programme d’accueil par la<br />

communauté, les nouveaux arrivants réussissent<br />

un jour à se sentir chez eux à Saskatoon.<br />

À propos de l’auteure<br />

JULIE FLEMING JUÁREZ est coordonnatrice des programmes<br />

communautaires à la Saskatoon Open Door Society. Elle était<br />

bénévole à la Open Door Society au milieu des années 1980<br />

et travaille au Programme d’accueil administré par cet<br />

organisme depuis 2000. Elle a élaboré, avec Bertha Gana,<br />

le Programme d’accueil par la communauté pour répondre<br />

aux besoins grandissants des étrangers qui s’établissent<br />

à Saskatoon, après qu’on eût constaté que beaucoup<br />

choisissaient de déménager dans d’autres villes du <strong>Canada</strong><br />

peu après leur arrivée.


En l’absence d’une grande communauté ethnique et d’un réseau de soutien bien établis<br />

(comme on en trouverait dans un grand centre urbain) les nouveaux arrivants dans des<br />

régions comme le sud-est de la Saskatchewan devront sans doute compter sur l’aide de<br />

personnes ayant des origines culturelles et linguistiques complètement différentes des leurs.<br />

Il est à noter toutefois que ces interactions entre les nouveaux arrivants et les membres<br />

des collectivités d’accueil peuvent stimuler le processus d’intégration qui, dans le<br />

contexte canadien, est considéré comme « une voie à deux sens ».<br />

Attirer les immigrants dans les<br />

régions rurales de la Saskatchewan<br />

Un nouveau défi qui vaut la peine d’être relevé<br />

JEFF PASSLER<br />

Southeast Community Settlement Committee<br />

Créé en juin 2007, le Southeast Community<br />

Settlement Committee (SCSC) se consacre à<br />

l’établissement des immigrants dans le sud-est de<br />

la Saskatchewan. Financé principalement par<br />

Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> et le ministère<br />

de l’Enseignement postsecondaire, de l’Emploi et<br />

du Travail de la Saskatchewan, le SCSC est né de<br />

la volonté d’un groupe de personnes et d’orga -<br />

nismes de répondre aux préoccupations soulevées<br />

par les nouveaux courants d’immigration dans le<br />

sud-est de la province. Cette région des Prairies,<br />

essentiellement rurale, n’a pas connu d’immi -<br />

gration à grande échelle depuis des décennies.<br />

Aussi, le nombre accru de nouveaux arrivants,<br />

en provenance de différents pays et parlant<br />

différentes langues, représentait une situation<br />

nouvelle pour la plupart des résidants de la<br />

région. Ces derniers ne savaient pas quelle était la<br />

meilleure façon de réagir face à cette situation. Ce<br />

qui était évident, c’était qu’il y aurait – et qu’il y<br />

a encore – beaucoup à apprendre.<br />

Outre un employé à temps plein, au poste de<br />

coordonnateur, le SCSC compte parmi ses<br />

membres de nombreux bénévoles, dont des<br />

représentants de divers organismes du sud-est<br />

de la Saskatchewan (des organismes gouverne -<br />

mentaux, des établissements d’enseignement,<br />

des organismes sans but lucratif et une entreprise<br />

privée qui emploie des immigrants). Des<br />

personnes ayant elles-mêmes immigré de pays<br />

étrangers figurent aussi parmi les membres du<br />

SCSC. Enfin, cinq comités locaux relèvent du<br />

SCSC (les comités d’Estevan, de Weyburn,<br />

d’Oxbow, de Kipling/Moose Mountain et<br />

d’Ogema); ceux-ci se réunissent régulièrement<br />

pour déterminer quels sont les besoins des<br />

immigrants locaux et quels sont les meilleurs<br />

façons d’y répondre.<br />

Le SCSC compte fortement sur le soutien de<br />

bénévoles ayant la capacité d’offrir aux<br />

nouveaux arrivants une aide immédiate et à long<br />

terme. En ce qui a trait aux besoins immédiats,<br />

dès leur arrivée dans la région, les nouveaux<br />

arrivants doivent régler de très nombreux<br />

détails, par exemple trouver un logement, faire<br />

brancher l’électricité et le téléphone, ouvrir un<br />

compte bancaire et inscrire leurs enfants à<br />

l’école. Les bénévoles pouvant se libérer pendant<br />

les heures normales de travail peuvent procurer<br />

aux nouveaux arrivants une aide inestimable,<br />

puisque généralement, ils savent à qui s’adresser<br />

et comment procéder pour effectuer les tâches<br />

nécessaires. La participation de retraités, de<br />

travailleurs de quarts et d’autres personnes ayant<br />

Nos diverses cités 203


À quoi sert-il d’investir du temps et de l’énergie dans l’élaboration<br />

de stratégies et de mesures, si celles-ci ont déjà été mises au point<br />

et appliquées ailleurs ? S’il est possible de tirer des leçons de<br />

l’expérience des autres, nous devons le faire.<br />

204 Nos diverses cités<br />

du temps libre pendant les heures ouvrables est<br />

tout particulièrement appréciée; ces personnes<br />

peuvent faire partie d’un bassin de bénévoles<br />

capables d’offrir aux nouveaux arrivants un<br />

soutien immédiat et de relativement courte durée<br />

(habituellement d’un ou de deux jours).<br />

Parallèlement au travail des bénévoles, des<br />

organisations locales d’établissement travaillent à<br />

l’élaboration de trousses de bienvenue offrant<br />

aux nouveaux arrivants des sources de rensei -<br />

gnements et des ressources essentielles à leur<br />

établissement dans leur nouvelle collectivité. Ces<br />

trousses de bienvenue peuvent inclure différents<br />

formulaires de demande (p. ex., pour la carte<br />

provinciale d’assurance-maladie), des cartes de la<br />

ville et de la région, et des renseignements sur les<br />

bureaux, les entreprises, les banques, les écoles et<br />

autres lieux importants. Un élément important de<br />

la trousse de bienvenue, tant pour les nouveaux<br />

arrivants que pour les bénévoles avec lesquels ils<br />

sont jumelés, serait une liste de contrôle des<br />

tâches à effectuer à l’arrivée (p. ex., ouvrir un<br />

compte bancaire) et des endroits où se rendre pour<br />

effectuer ces tâches.<br />

Le SCSC s’efforce aussi de sensibiliser tant les<br />

nouveaux arrivants que les citoyens canadiens<br />

aux différentes cultures et d’encourager les gens<br />

à apprécier la diversité culturelle. L’un des efforts<br />

déployés à cet égard fut l’organisation, de<br />

concert avec l’Estevan Comprehensive School,<br />

d’une « exposition culturelle » le 21 novembre<br />

2008. Celle-ci comportait des spectacles de<br />

différentes cultures, des échantillons d’aliments<br />

de différentes régions du monde et des<br />

présentoirs où les visiteurs pouvaient apprendre<br />

des faits culturels intéressants. Cette exposition a<br />

offert aux gens de toutes origines l’occasion de<br />

mieux connaître et d’apprécier les différentes<br />

cultures qui coexistent dans le sud-est de la<br />

Saskatchewan, tant celles établies de longue date<br />

que celles les plus récentes.<br />

Un autre service qu’offre le SCSC est<br />

d’aiguiller sa clientèle vers les organisations<br />

gouverne mentales appropriées. Il arrive assez<br />

souvent que des personnes qui prévoient<br />

immigrer dans la région, des nouveaux arrivants<br />

et des employeurs d’immigrants téléphonent au<br />

SCSC pour obtenir des renseignements. À ces<br />

occasions, le coordonnateur doit adresser le<br />

demandeur au ministère fédéral ou provincial<br />

qui pourra lui fournir les renseignements voulus.<br />

Il s’agit d’un service important, car de plus en<br />

plus de personnes viennent s’établir dans le sudest<br />

de la Saskatchewan et tout semble indiquer<br />

que cette tendance se maintiendra.<br />

Une nouvelle vague d’immigration,<br />

et ses nouveaux défis<br />

Les provinces des Prairies ont vécu à une certaine<br />

époque l’immigration à grande échelle, lorsque de<br />

forts contingents d’immigrants européens sont<br />

venus y cultiver les terres. Mais une fois les terres<br />

agricoles occupées, les courants d’immigration<br />

ont progressivement ralenti. Or, l’industrie<br />

pétrolière est présentement en pleine expansion<br />

dans la région. On a constaté ces dernières<br />

années que le champ pétrolifère Bakken, qui<br />

s’étend dans le Manitoba, le North Dakota et le<br />

Montana, contenait des quantités beaucoup plus<br />

grandes de pétrole récupérable qu’on ne<br />

le croyait 1 . Avec la croissance de la demande<br />

mondiale et les progrès technologiques qui<br />

facilitent l’extraction du pétrole, l’économie de la<br />

région a pris son essor et, parallèlement, le besoin<br />

de main-d’œuvre a augmenté en flèche. À une<br />

époque où l’économie mondiale dans son<br />

ensemble est en crise, la demande pour des<br />

travailleurs dans le sud-est de la Saskatchewan<br />

demeure bien supérieure à l’offre. Le bassin<br />

de main-d’œuvre locale étant insuffisant, les<br />

employeurs se tournent de plus en plus vers les<br />

autres pays pour combler leurs besoins.<br />

C’est ainsi que, depuis quelques années,<br />

nombre d’immigrants originaires de pays comme<br />

l’Allemagne, l’Ukraine, la Roumanie et les<br />

Philippines, pour ne nommer que ceux-là parmi<br />

les principaux pays sources de main-d’œuvre<br />

étrangère, se sont établis dans le sud-est de la<br />

Saskatchewan. D’après le nombre de personnes<br />

1 Pour plus de renseignements, voir le communiqué à l’adresse<br />

.


venues s’établir, tout semble indiquer que les<br />

efforts pour attirer les immigrants ont été<br />

couronnés de succès, et c’est tant mieux. Cela dit,<br />

le processus d’immigration et d’établissement<br />

comporte plusieurs enjeux dont les collectivités<br />

d’accueil doivent tenir compte.<br />

Tout d’abord, nous avons la responsabilité de<br />

traiter les nouveaux arrivants de la meilleure<br />

façon possible et de répondre dans la mesure du<br />

possible à leurs besoins. Il s’agit d’une question<br />

fondamentale de respect des droits de la<br />

personne et de dignité humaine dont nous ne<br />

pouvons faire abstraction. Les gens qui viennent<br />

ici font des sacrifices, prennent des risques et<br />

surmontent des obstacles parfois énormes. Il<br />

convient donc que les collectivités qui invitent<br />

ces gens soient aussi accueillantes que possible.<br />

En deuxième lieu, avec l’établissement de nou -<br />

veaux arrivants dans nos collectivités viennent<br />

des possibilités d’enrichissement culturel mutuel.<br />

Pour les nouveaux arrivants, c’est l’occasion<br />

d’améliorer leurs compétences en anglais, qui<br />

n’est pas la langue première de la majorité d’entre<br />

eux, mais s’est aussi l’occasion de découvrir la très<br />

grande diversité de la culture canadienne – une<br />

culture enrichie par les cultures des Premières<br />

nations et celles de peuples du monde entier. Nous<br />

profitons également de la présence des nouveaux<br />

arrivants dans notre collectivité et, au contact<br />

de leurs cultures, la nôtre devient encore plus<br />

riche et diversifiée.<br />

En troisième lieu, il est important de se<br />

renseigner sur les efforts déjà consentis au <strong>Canada</strong><br />

pour faciliter l’intégration des nouveaux arrivants<br />

et répondre à leurs besoins. À quoi sert-il d’in -<br />

vestir du temps et de l’énergie dans l’élaboration<br />

de stratégies et de mesures, si celles-ci ont déjà été<br />

mises au point et appliquées ailleurs ? S’il est<br />

possible de tirer des leçons de l’expérience des<br />

autres, nous devons le faire. Dans la majorité des<br />

cas, peut-être, les stratégies et mesures existantes<br />

auront été créées pour les grands centres urbains;<br />

ce qui va de soi dans la mesure où c’est là où la<br />

plupart des immigrants se sont établis au fil des<br />

ans. S’il est vrai que nous observons dans le sudest<br />

de la Saskatchewan un taux d’immigration<br />

jamais vu du vivant de la majorité des résidants,<br />

d’autres régions ont une expérience de longue<br />

date avec l’immigration à grande échelle. Il va<br />

donc de soi qu’une région rurale comme celle-ci<br />

puisse retirer un savoir considérable de l’expé -<br />

rience des grandes villes.<br />

Quatrièmement, malgré les leçons que nous<br />

pouvons et devons tirer d’autres régions du<br />

<strong>Canada</strong>, le sud-est de la Saskatchewan est une<br />

région plutôt particulière, ce qui peut représenter<br />

un avantage et un inconvénient dans nos efforts<br />

pour aider les nouveaux arrivants avec leur<br />

établissement et les inciter à demeurer ici. Pour<br />

ce qui est des avantages, le fait de s’établir dans<br />

une petite collectivité peut être une expérience<br />

positive pour bon nombre de nouveaux arrivants<br />

(les deux plus grandes villes de la région ont des<br />

populations d’entre 9 000 et 12 000 habitants). Si<br />

l’on tient compte des nombreuses tâches à<br />

effectuer dès l’arrivée dans un nouveau pays, les<br />

avantages de vivre dans une petite collectivité<br />

sont clairs. Entre autres, les nouveaux arrivants<br />

doivent trouver un logement et le meubler, faire<br />

brancher l’électricité et le téléphone, présenter<br />

une demande de carte d’assurance-maladie,<br />

trouver un médecin de famille, obtenir leur permis<br />

de conduire, acheter et assurer un véhicule et en<br />

faire faire l’inspection, trouver une épicerie, etc.<br />

Toutes ces tâches prennent beaucoup de temps<br />

et d’énergie, comme pourront en témoigner la<br />

plupart des gens qui ont un jour déménagé à<br />

l’étranger. Peu importe l’endroit où l’on va<br />

s’établir, la liste des choses à faire est très longue.<br />

Dans les petites collectivités de la Saskatchewan,<br />

par contre, on peut venir à bout de ces tâches<br />

dans un délai relativement court, quand aller<br />

d’un endroit à l’autre signifie la plupart du temps<br />

de ne marcher que quelques rues. Dans une<br />

petite ville, on peut apprendre à se débrouiller en<br />

assez peu de temps, facteur non négligeable pour<br />

les nouveaux arrivants. En outre, le mode de vie<br />

dans les petites villes, même s’il ne plaît pas à<br />

tous, a de quoi intéresser plusieurs. Le rythme<br />

de vie tranquille, le fait de ne pas avoir à<br />

effectuer de longues navettes, l’absence de<br />

congestion urbaine, la possibilité d’apprendre à<br />

bien connaître ses voisins sont tous des aspects<br />

pouvant plaire aux nouveaux arrivants ainsi<br />

qu’aux autres.<br />

Toutefois, outre les avantages des petites<br />

collectivités, les nouveaux arrivants font face à<br />

certains inconvénients quand ils s’établissent en<br />

milieu rural en Saskatchewan. Notamment, si<br />

certains aiment bien vivre dans une petite ville,<br />

plusieurs préfèrent les grandes villes. Dans un<br />

monde où de nombreux pays ont des populations<br />

fortement urbanisées, la vie dans une petite ville<br />

pourrait très bien être une source additionnelle<br />

de stress pour un grand nombre de nouveaux<br />

arrivants. De fait, pour certains, le fait de devoir<br />

s’adapter à la vie rurale pourrait exacerber le choc<br />

culturel résultant du passage d’un pays à un autre.<br />

Nos diverses cités 205


206 Nos diverses cités<br />

Ce dernier point nous amène à un autre<br />

inconvénient possible des régions rurales. Comme<br />

le soulignait récemment le coprésident du SCSC,<br />

les gens qui viennent dans la région ne trouvent<br />

pas nécessairement beaucoup d’autres personnes<br />

ayant les mêmes antécédents culturels et parlant<br />

la même langue qu’eux. Le fait de ne pas pouvoir<br />

créer de liens avec des groupes auxquels ils<br />

peuvent s’identifier peut, en théorie, aggraver le<br />

choc culturel. On peut supposer que la présence de<br />

gens partageant leur culture et leur langue est<br />

utile et réconfortant pour les nouveaux arrivants.<br />

Or, une telle présence est rare dans la région. En<br />

l’absence d’une grande communauté ethnique et<br />

d’un réseau de soutien bien établis (comme on<br />

en trouverait dans un grand centre urbain) les<br />

nouveaux arrivants dans des régions comme le<br />

sud-est de la Saskatchewan devront sans doute<br />

compter sur l’aide de personnes ayant des origines<br />

culturelles et linguistiques complè tement diffé -<br />

rentes des leurs. Il est à noter toutefois que ces<br />

interactions entre les nouveaux arrivants et les<br />

membres des collectivités d’accueil peuvent<br />

stimuler le processus d’intégration qui, dans<br />

le contexte canadien, est considéré comme<br />

« une voie à deux sens ». Ainsi, il semble<br />

parti culièrement important que les nouveaux<br />

arrivants et les citoyens canadiens établis<br />

consentent d’impor tants efforts pour devenir des<br />

commu nicateurs interculturels efficaces.<br />

Tandis que de plus en plus d’immigrants<br />

s’établissent dans le sud-est de la Saskatchewan,<br />

nos collectivités devront travailler fort pour que<br />

ces nouveaux arrivants se sentent le plus à l’aise<br />

possible. Ce faisant, il faudra être réceptifs aux<br />

points de vue des autres cultures et aux pratiques<br />

des autres communautés, tout en demeurant<br />

conscients de cette mise en garde : nos<br />

collectivités ne sont pas identiques aux autres<br />

communautés. Nous espérons réussir à tirer parti<br />

de nos avantages tout en faisant de notre mieux,<br />

malgré nos limites, pour prendre les décisions<br />

qui profiteront le plus à tous.<br />

À propos de l’auteur<br />

JEFF PASSLER est coordonnateur de l’immigration et de<br />

l’établissement au Southeast Community Settlement<br />

Committee. Ayant vécu dans plusieurs collectivités de<br />

l’Asie et des Prairies, dont la population pouvait varier<br />

entre 3 000 à 11 millions d’habitants, il a acquis une<br />

expérience considérable à passer d’une culture à l’autre,<br />

et du milieu rural au milieu urbain et inversement.


Juin 2008<br />

Queen’s Policy Studies Series – School of Policy Studies<br />

ISBN 978-1-55339-216-3 39,95 $ (couverture souple)<br />

ISBN 978-1-55339-217-0 85,00 $ (couverture rigide)<br />

280 p., 15 cm x 23 cm<br />

Dirigé par John Biles, Meyer Burstein et James Frideres<br />

Ce volume comporte deux parties. La première porte sur l’intégration<br />

sociale, culturelle, économique et politique des nouveaux arrivants<br />

et des minorités dans la société canadienne. Les chapitres de cette<br />

partie jettent la lumière sur les responsabilités tant des institutions<br />

canadiennes que des nouveaux arrivants de veiller à la réussite de<br />

l’intégration « à double sens ». Dans chacun de ces chapitres, les<br />

auteurs passent en revue la documentation actuelle sur cette<br />

question puis en tirent des indicateurs pratiques pour mesurer<br />

le succès relatif de part et d’autre de cette voie à double sens.<br />

Les auteurs formulent des recommandations concrètes et<br />

tangibles pour mettre en place des mesures d’évaluation du<br />

degré d’intégration des nouveaux arrivants dans la société<br />

canadienne. La seconde partie du volume explore le<br />

contexte dans lequel s’inscrivent diverses formes<br />

d’intégration et brossent un tableau des efforts déployés<br />

en matière d’intégration. Ces collaborations proposent<br />

de vastes survols de la question de l’intégration.<br />

En collaboration avec :<br />

Collaborateurs : Christopher G. Anderson, Université McGill; Chedly Belkodja, Université de Moncton; John Biles,<br />

Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong>, projet <strong>Metropolis</strong>; Jerome H. Black, Université McGill; Meyer Burstein, expertconseil;<br />

Hélène Destrempes, Université de Moncton; John Foote, Direction générale des politiques stratégiques et de<br />

la recherche, Patrimoine canadien; James Frideres, University of Calgary; M. Sharon Jeannotte, Centre d’études en<br />

gouvernance, Université d’Ottawa; Jack Jedwab, Association d’études canadiennes; Minelle Mahtani, University of<br />

Toronto; Patricia Rimok, Conseil des relations interculturelles, gouvernement du Québec; Ralph Rouzier, Conseil des<br />

relations interculturelles, gouvernement du Québec; Marjorie Stone, Dalhousie University; Arthur Sweetman, Queen’s<br />

University; Casey Warman, Queen’s University.<br />

En vente en librairie ou depuis le site <br />

Nos diverses cités 207


208 Nos diverses cités<br />

À paraître dans la série<br />

Dirigé par Paul Bramadat (directeur, Centre for Studies in Religion and Society, University of Victoria)<br />

et Matthias Koenig (département de sociologie, Université de Göttingen)<br />

Janvier 2009<br />

Queen’s Policy Studies Series – School of Policy Studies<br />

ISBN 978-1-55339-216-3 39,95 $ (couverture souple)<br />

ISBN 978-1-55339-217-0 85,00 $ (couverture rigide)<br />

280 p., 15 cm x 23 cm<br />

Ce volume est le numéro inaugural d’une nouvelle série intitulée « Migration and<br />

Diversity : Comparative Issues and International Comparisons », publiée dans le<br />

cadre d’un partenariat entre le projet <strong>Metropolis</strong> et la School of Policy Studies<br />

de la Queen’s University. Chaque numéro, élaboré à l’occasion des conférences<br />

internationales <strong>Metropolis</strong> annuelles et publié à McGill-Queen’s University Press,<br />

s’inscrit dans la Queen’s Policy Studies Series. Les directeurs de la série, James<br />

Frideres (University of Calgary) et Paul Spoonley (Massey University) travaillent<br />

en collaboration avec les directeurs de chaque numéro pour veiller à ce que<br />

chacun aborde tant la recherche que la politique.<br />

Ce numéro explore les différentes façons dont les États occidentaux abordent la<br />

diversité religieuse, sur les plans social et politique. Les auteurs mettent l’accent<br />

sur l’évolution des initiatives politiques, juridiques et sociales prises face à la<br />

diversité religieuse, qui prend de plus en plus d’ampleur, en raison notamment<br />

de nouveaux courants de migration internationale et de la visibilité accrue de<br />

certaines minorités religieuses dans le monde occidental.<br />

La première section porte sur les débats théoriques contemporains sur la<br />

gouvernance de la diversité religieuse dans les pays qui accueillent des<br />

immigrants. La deuxième section présente des analyses originales et<br />

approfondies de certains contextes nationaux afin de dégager les forces<br />

sociales à l’œuvre dans la gouvernance de la diversité religieuse.<br />

La troisième partie propose un angle comparatif des études de cas<br />

nationales par l’entremise d’un examen des cadres normatifs de<br />

formulation des politiques et d’une analyse des incidences que peuvent avoir<br />

les événements mondiaux sur le débat public international quant au lien entre la<br />

diversité religieuse et la migration.<br />

En collaboration avec :<br />

Collaborateurs : Veit Bader, University of Amsterdam, Paul Bramadat, University of Victoria, Desmond Cahill, Royal Melbourne<br />

Institute of Technology, José Casanova, Georgetown University, Jocelyne Césari, CNRS, France & Harvard University, Mark<br />

Juergensmeyer, Universityt of California, Santa Barbara, Matthias Koenig, University of Göttingen, Will Kymlicka, Queen’s<br />

University, Peggy Levitt, Wellesley College, Micheline Milot, Université du Québec à Montréal, Julia Mourāo, Permoser,<br />

University of Vienna, Joanna Pfaff-Czarnecka, University of Bielefeld, Sieglinde Rosenberger, University of Vienna, Paul Weller,<br />

University of Derby.<br />

En vente en librairie ou depuis le site


MIGRATION ET MOBILITÉ<br />

14<br />

Copenhague, 14 – 18 septembre 2009<br />

e CONFÉRENCE INTERNATIONALE METROPOLIS<br />

MESURES NATIONALES RELATIVES<br />

À LA DIVERSITÉ CULTURELLE<br />

Copenhague – Danemark

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