Numéro 6 - Metropolis Canada
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Citoyenneté et<br />
immigration <strong>Canada</strong><br />
Also available in English www.metropolis.net<br />
Nos<br />
diverses<br />
cités<br />
NUMÉRO 6 PRINTEMPS 2009<br />
Région<br />
des Prairies<br />
DIRECTEURS INVITÉS<br />
Tom Carter<br />
Université de Winnipeg<br />
Tracey Derwing<br />
University of Alberta<br />
Linda Ogilvie<br />
University of Alberta<br />
Terry Wotherspoon<br />
University of Saskatchewan<br />
Citizenship and<br />
Immigration <strong>Canada</strong><br />
Avec l'appui de la Direction de la Recherche, Direction générale de la citoyenneté et du multiculturalisme, Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong>
LE PROJET METROPOLIS<br />
Un pont entre les recherches, les politiques publiques et les pratiques<br />
L’importance accrue des questions<br />
d’immigration et de diversité<br />
Chaque année, le <strong>Canada</strong> accueille quelque<br />
220 000 immigrants et réfugiés.<br />
Les nouveaux arrivants ont-ils du succès sur les plans de la<br />
recherche d’emploi et économique?<br />
Quelles sont les répercussions de la diversité sur le <strong>Canada</strong>?<br />
Les nouveaux arrivants se butent-ils à des obstacles?<br />
Pourquoi les nouveaux arrivants s’établissent-ils principalement<br />
dans les grandes villes?<br />
Existe-t-il des défis sociaux et économiques? Y réagissons-nous<br />
de façon adéquate?<br />
Le réseau et les partenariats<br />
du projet <strong>Metropolis</strong><br />
Le projet <strong>Metropolis</strong> compte plus de 6 000 participants<br />
provenant du monde entier.<br />
Partenaires financiers fédéraux, dont le Conseil de recherches<br />
en sciences humaines, Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong>,<br />
Patrimoine canadien, Ressources humaines et Développement<br />
des compétences <strong>Canada</strong>, Sécurité publique <strong>Canada</strong>,<br />
la Gendarmerie royale du <strong>Canada</strong>, la Société canadienne<br />
d’hypothèques et de logement, Statistique <strong>Canada</strong>,<br />
l’Agence de promotion économique du <strong>Canada</strong> atlantique,<br />
le Secrétariat rural d’Agriculture et Agroalimentaire <strong>Canada</strong>,<br />
l’Agence des services frontaliers du <strong>Canada</strong>, Développement<br />
économique <strong>Canada</strong> pour les régions du Québec, l’Agence<br />
de santé publique du <strong>Canada</strong><br />
Partenariats par projets avec d’autres ministères, des<br />
gouvernements provinciaux et municipaux, des organisations<br />
non gouvernementales et des fournisseurs de services dans<br />
les domaines de l’immigration et de l’établissement<br />
Partenariats avec des pays de l’Amérique du Nord, de la<br />
plupart des pays de l’Europe et de nombreux pays de<br />
la région de l’Asie-Pacifique ainsi qu’avec plusieurs<br />
organisations internationales<br />
Participation, dans les centres d’excellence, de plusieurs<br />
centaines de chercheurs, de diplômés et de boursiers<br />
postdoctoraux venant de plus de 20 universités au <strong>Canada</strong><br />
www.metropolis.net<br />
Un pont entre les recherches,<br />
les politiques publiques et les pratiques<br />
Le Secrétariat du projet <strong>Metropolis</strong> constitue le pont entre<br />
les recherches, les politiques publiques et les pratiques.<br />
Appuie et encourage les recherches qui peuvent informer<br />
les politiques publiques et présenter un intérêt pour le<br />
gouvernement du <strong>Canada</strong><br />
Favorise la recherche par les responsables des politiques et<br />
les intervenants du milieu<br />
Gère la composante internationale du projet <strong>Metropolis</strong><br />
Mobiliser le réseau<br />
Nos cinq centres d’excellence, situés à Vancouver,<br />
Edmonton, Toronto, Montréal et Halifax/Moncton,<br />
produisent des recherches pouvant éclairer les politiques<br />
publiques sur l’immigration et la diversité<br />
Les conférences <strong>Metropolis</strong> réunissent plus de<br />
700 participants chaque année<br />
<strong>Metropolis</strong> présente, une tribune publique où sont étudiés<br />
les résultats des recherches et les découvertes stratégiques<br />
relativement aux nouveaux enjeux<br />
La série de conversations <strong>Metropolis</strong>, rencontres d’experts<br />
à huis clos servant à éclairer le débat sur les politiques<br />
d’immigration<br />
Comité interministériel des partenaires fédéraux :<br />
comité dont les réunions trimestrielles donnent lieu à des<br />
débats stratégiques à facettes multiples<br />
Nos publications servent à informer les responsables des<br />
politiques et les intervenants<br />
Nos sites Web primés comprennent des centaines d’articles<br />
et de documents de travail<br />
Coprésidence du projet international <strong>Metropolis</strong>, le plus<br />
important réseau portant sur l’immigration du genre, qui réunit<br />
plus de 30 pays et organisations internationales
Nos<br />
diverses<br />
cités<br />
Table des matières<br />
NUMÉRO 6 PRINTEMPS 2009<br />
3 Introduction – Nos diverses cités :<br />
les Prairies – Aux confins de la migration<br />
Tom Carter, Université de Winnipeg; Tracey Derwing,<br />
University of Alberta; Linda Ogilvie, University of Alberta;<br />
Terry Wotherspoon, University of Saskatchewan<br />
SECTION 1<br />
IMMIGRATION ET ÉTABLISSEMENT<br />
DANS LES PRAIRIES<br />
9 La diversité canadienne et les provinces<br />
des Prairies : une perspective historique<br />
Robert Vineberg, <strong>Canada</strong> West Foundation et<br />
Centre <strong>Metropolis</strong> des Prairies<br />
15 L’histoire de l’immigration dans les Prairies<br />
Randy Gurlock, Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong><br />
20 Tendances récentes de la migration vers des<br />
centres de troisième rang dans les Prairies<br />
Lori Wilkinsom et Alison Kalischuk, University of Manitoba<br />
29 Intégration et établissement dans<br />
les Prairies canadiennes<br />
Fariborz Birjandian et Rob Bray, Calgary Catholic<br />
Immigration Society<br />
35 Recrutement et protection des travailleurs<br />
étrangers : le rôle de la Loi sur le recrutement<br />
et la protection des travailleurs du Manitoba<br />
L’honorable Nancy Allan, Gouvernement du Manitoba<br />
41 Saskatchewan : maintenir la vigueur<br />
de l’économie grâce à l’immigration<br />
Arla Cameron, ministère de l’Enseignement postsecondaire,<br />
de l’Emploi et du Travail de la Saskatchewan<br />
45 Attirer et garder les immigrants : une boîte<br />
à outils pleine d’idées pour les petits centres<br />
Lynne Belding, Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong>;<br />
Jean McRae, Inter-Cultural Association of Greater Victoria<br />
48 Une analyse des tendances en matière<br />
d’attraction et de rétention des immigrants<br />
dans les RMR de l’Ouest canadien<br />
Valerie Pruegger, University of Calgary et Ville de Calgary;<br />
Derek Cook, Ville de Calgary<br />
55 Planification de l’immigration dans les Prairies :<br />
l’expérience d’une intervenante communautaire<br />
Kim Shukla, Prairie Global Management<br />
SECTION 2<br />
DIVERSITÉ CULTURELLE ET RACIALE<br />
59 Le profil socioéconomique des minorités<br />
visibles des Prairies : thèmes de recherche<br />
sur le multiculturalisme<br />
Kamal Dib et Sofia Rodriguez-Gallagher,<br />
Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong><br />
66 Repenser le <strong>Canada</strong> : nouvelles perspectives sur<br />
la citoyenneté et le rôle des minorités<br />
Marc Arnal, University of Alberta, Campus Saint-Jean<br />
71 Quand temporaire devient permanent :<br />
les incidences des travailleurs étrangers<br />
temporaires et de la diversité croissante<br />
à Brandon, au Manitoba<br />
Jill Bucklaschuk, Alison Moss et Robert C. Annis,<br />
Rural Development Institute, Brandon University<br />
78 Le Nouvel Ouest : une crise identitaire<br />
imminente dans la ville du Stampede<br />
Derek Cook, Ville de Calgary<br />
84 Une nouvelle identité ethnique ?<br />
Les jeunes dans les Prairies<br />
Jim Frideres, University of Calgary<br />
91 Les jeunes et les milieux urbains<br />
en tant que formes d’attachement :<br />
une étude menée à Calgary<br />
Yvonne Hébert, University of Calgary;
98 Les Églises chrétiennes africaines francophones<br />
de la région d’Edmonton et l’intégration sociale<br />
et citoyenne des nouveaux arrivants<br />
Paulin Mulatris, University of Alberta, Campus Saint-Jean<br />
102 Les Autochtones dans les villes des Prairies :<br />
certains s’y sont perdus, d’autres s’y sont trouvés<br />
Douglas Durst, University of Regina<br />
SECTION 3<br />
DÉFIS QUI ATTENDENT LES<br />
NOUVEAUX ARRIVANTS<br />
109 Étude sur les services en matière de santé<br />
mentale et de bien-être des immigrantes<br />
et des réfugiées vivant en Saskatchewan<br />
Judy White, University of Regina<br />
115 L’établissement des réfugiés parrainés par<br />
le secteur privé à Winnipeg, au Manitoba<br />
Tom Carter, Université de Winnipeg<br />
120 L’évolution sur le plan du logement pour<br />
les réfugiés établis à Edmonton, à Calgary<br />
et à Winnipeg<br />
Rick Enns, University of Calgary;<br />
Tom Carter, Université de Winnipeg<br />
125 Parcours scolaires favorisant l’intégration sociale<br />
des élèves réfugiés africains au Manitoba<br />
Yatta Kanu, University of Manitoba<br />
131 L’intégration en emploi des immigrants<br />
francophones racisés à Winnipeg : résumé<br />
d’une étude exploratoire<br />
Jean Lafontant, Université du Québec à Montréal<br />
136 La discrimination vécue par les minorités<br />
visibles dans les petites collectivités<br />
Daniel W. L. Lai et Nedra Huffey, University of Calgary<br />
142 Le capital social des Prairies : un bilan<br />
Abdie Kazemipur, University of Lethbridge<br />
148 De travailleuses temporaires à résidentes<br />
permanentes : services de transition pour les<br />
aides familiales résidantes d’origine philippine<br />
dans le sud de l’Alberta<br />
Glenda Lynna Anne Tibe Bonifacio,<br />
University of Lethbridge<br />
155 Toiles d’araignée, diversité et inclusion<br />
Gayla Rogers, University of Calgary et Urban Alliance<br />
SECTION 4<br />
INITIATIVES D’INTÉGRATION<br />
158 Sensibilisation du public et partenariats :<br />
mesures prises pour bâtir des collectivités<br />
accueillantes et combattre le racisme et la<br />
discrimination en Alberta<br />
Cassie Palamar, Commission albertaine des droits de la<br />
personne et de la citoyenneté<br />
164 Diversité culturelle, relations interraciales,<br />
immigration et intégration : initiatives<br />
municipales à Saskatoon, en Saskatchewan<br />
Joseph Garcea, University of Saskatchewan;<br />
Smita Garg, Ville de Saskatoon<br />
170 Le rôle des municipalités dans l’intégration<br />
des immigrants : l’expérience d’Edmonton<br />
John Reilly, Ville d’Edmonton<br />
176 Créer un effectif exemplaire pour l’avenir :<br />
les initiatives de Winnipeg en matière d’équité<br />
et de diversité<br />
Jackie Halliburton, Ville de Winnipeg<br />
180 Les immigrants à Edmonton :<br />
portrait d’une ville en pleine mutation<br />
Jim Gurnett, Edmonton Mennonite Centre for Newcomers<br />
185 Au-delà de l’établissement : renforcer les<br />
familles immigrantes, les collectivités et la<br />
société canadienne grâce au courtage culturel<br />
Yvonne Chiu et Lucenia Ortiz, Multicultural Health Brokers<br />
Co-operative; Ruth Wolfe, University of Alberta<br />
192 L’établissement dans les Prairies : la Regina Open<br />
Door Society s’adapte aux besoins croissants<br />
Darcy Dietrich, Regina Open Door Society<br />
196 Parrainage privé de réfugiés à<br />
Winnipeg, au Manitoba<br />
Tom Denton, Manitoba Refugee Sponsors<br />
199 Le Programme d’accueil par la communauté de<br />
Saskatoon Open Door Society fait ses preuves<br />
Julie Fleming Juárez, Saskatoon Open Door Society<br />
203 Attirer les immigrants dans les régions<br />
rurales de la Saskatchewan : un nouveau<br />
défi qui vaut la peine d’être relevé<br />
Jeff Passler, Southeast Community Settlement Committee
Nos diverses cités :<br />
les Prairies – Aux confins<br />
de la migration<br />
Introduction<br />
TOM CARTER<br />
Université de Winnipeg<br />
TRACEY DERWING<br />
University of Alberta<br />
LINDA OGILVIE<br />
University of Alberta<br />
TERRY WOTHERSPOON<br />
University of Saskatchewan<br />
Le travail du Centre <strong>Metropolis</strong> des Prairies a permis de mieux comprendre le<br />
phénomène trop souvent négligé de l’immigration dans les provinces des Prairies et<br />
a suscité un vif intérêt [...] à l’égard d’un des thèmes de recherche <strong>Metropolis</strong>, celui<br />
de la régionalisation de l’immigration. Les stratégies de diversification sociale et<br />
économique des Prairies, auxquelles s’ajoutent les nombreuses possibilités du secteur<br />
des ressources, ont porté l’immigration au rang des enjeux déterminants.<br />
Les articles publiés dans le présent numéro de<br />
Nos diverses cités soulignent le rôle essentiel<br />
que l’immigration et la recherche en matière<br />
d’immigration ont joué et continuent de jouer<br />
dans les Prairies. Les provinces du Manitoba,<br />
de la Saskatchewan et de l’Alberta ont longtemps<br />
été considérées comme des destinations très<br />
lointaines, symboles de nouveau départ. Autrefois,<br />
les immigrants s’y établissaient avec l’espoir<br />
d’acquérir une terre bien à eux. Aujourd’hui,<br />
nombre d’entre eux viennent pour y acquérir une<br />
certaine indépendance financière et se construire<br />
une vie meilleure. Malgré le ralentissement<br />
économique mondial, les provinces des Prairies<br />
demeurent prospères et attirent toujours les<br />
nouveaux arrivants, qu’ils soient immigrants ou<br />
Canadiens de souche. Les réfugiés sont également<br />
bien représentés dans les Prairies; ensemble, les<br />
trois provinces, qui apportent depuis longtemps<br />
un appui solide aux réfugiés, parrainent un<br />
nombre de réfugiés proportionnellement plus<br />
important que la moyenne nationale.<br />
Après plusieurs années pendant lesquelles<br />
la plupart des immigrants préféraient Toronto,<br />
Vancouver et Montréal, l’immigration se régio -<br />
nalise de plus en plus; des centres plus petits<br />
cherchent à attirer les nouveaux arrivants et ces<br />
derniers se rendent compte que de nouvelles<br />
possibilités s’offrent à eux en dehors des desti -<br />
nations d’immigration traditionnelles. Au cours<br />
Nos diverses cités 3
Même si les difficultés liées à la gestion efficace de la diversité raciale et<br />
culturelle sont énormes, les solutions appartiennent aux collectivités d’accueil<br />
et aux nouveaux arrivants. Pour que l’intégration soit réussie, les deux groupes<br />
doivent prendre à cœur des valeurs fondamentales [...], fondées sur l’équité,<br />
l’importance de la communauté et l’acceptation de la diversité.<br />
4 Nos diverses cités<br />
des dix dernières années, les tendances en immi -<br />
gration ont subi d’autres changements. Les<br />
provinces participent dorénavant beaucoup plus<br />
au processus de sélection des nouveaux arrivants,<br />
par le biais des programmes des candidats<br />
des provinces (PCP). Le Programme fédéral<br />
concernant les travailleurs étrangers temporaires<br />
(TET) permet à un grand nombre de nouveaux<br />
arrivants de venir au <strong>Canada</strong> pour répondre aux<br />
besoins du marché du travail, et ce, bien plus<br />
rapidement qu’en suivant les voies d’immigration<br />
traditionnelles. Dans le présent numéro, des<br />
universitaires, des responsables des politiques et<br />
des intervenants en immigration nous ouvrent<br />
de nouvelles perspectives et nous donnent une<br />
vue d’ensemble de la façon dont l’immigration<br />
se déroule et est vécue dans les provinces<br />
des Prairies.<br />
Parce qu’il intègre connaissances, politiques et<br />
pratiques en matière de processus d’immigration<br />
et d’intégration, le projet <strong>Metropolis</strong> permet de<br />
diffuser de l’information sur les enjeux communs<br />
et de partager des formules novatrices entre<br />
les différents intervenants et ordres de gouver -<br />
nement. Il attire l’attention sur les différents rôles<br />
que l’immigration a joués tout au long de<br />
l’histoire, aux échelles régionale et nationale. Les<br />
travaux réalisés au sein du Centre <strong>Metropolis</strong> des<br />
Prairies (CMP) sont d’ailleurs très instructifs à cet<br />
égard : les tendances de l’immigration dans les<br />
Prairies ont parfois semblé décalées par rapport à<br />
celles observées ailleurs au <strong>Canada</strong>. Cependant, le<br />
travail du CMP a permis de mieux comprendre le<br />
phénomène trop souvent négligé de l’immigration<br />
dans les provinces des Prairies et a suscité un<br />
vif intérêt parmi les chercheurs – dans les Prairies<br />
et ailleurs – à l’égard d’un des thèmes de recherche<br />
<strong>Metropolis</strong>, celui de la régionalisation de l’immi -<br />
gration. Les stratégies de diversification sociale et<br />
économique des Prairies, auxquelles s’ajoutent les<br />
nombreuses possibilités du secteur des ressources,<br />
ont porté l’immigration au rang des enjeux<br />
déterminants. L’immigration joue maintenant un<br />
rôle majeur dans le domaine de la planification :<br />
elle favorise le redressement économique et<br />
suscite un regain d’espoir dans nombre de<br />
collectivités autrefois au bord de l’extinction. Le<br />
CMP a collaboré étroitement avec tous les paliers<br />
de gouvernement, avec des organismes d’aide<br />
aux immigrants et avec des universitaires dans<br />
l’objectif d’établir une base de connaissances<br />
solide et de meilleures commu nications, pour<br />
apporter un éclairage nouveau sur le processus<br />
d’intégration des immigrants et des réfugiés et<br />
aider les collectivités qui les reçoivent à devenir<br />
plus accueillantes.<br />
Immigration et établissement<br />
dans les Prairies<br />
Pour bien comprendre le contexte actuel dans<br />
les Prairies, il est important de tenir compte<br />
des antécédents historiques. Dans son article,<br />
Vineberg rapporte que l’acceptation de la diversité<br />
a commencé très tôt dans l’histoire du <strong>Canada</strong>;<br />
le taux élevé de mariages mixtes entre les<br />
Européens et les membres des Premières nations,<br />
et l’Acte de Québec de 1774 en sont deux<br />
indicateurs. Vineberg conclut que « la citoyenneté<br />
et la diversité sont non seulement compatibles au<br />
<strong>Canada</strong>, mais aussi inextricablement liées à notre<br />
identité canadienne». Les auteurs des articles qui<br />
suivent expliquent comment cet engagement<br />
envers la diversité est encore très présente dans<br />
les stratégies récentes en matière d’immigration<br />
adoptées dans les Prairies. Gurlock se penche sur<br />
les faits historiques, soulignant l’importance<br />
des PCP, surtout au Manitoba, ainsi que sur<br />
les effets de la migration secondaire et de la<br />
présence des TET. Wilkinson et Kalischuk<br />
examinent la migration des nouveaux arrivants<br />
vers des centres de troisième rang et le rôle de la<br />
Catégorie de l’expérience canadienne. Ils mettent<br />
en lumière le besoin de statistiques à jour pour<br />
déterminer le taux de maintien des immigrants<br />
dans les Prairies. Sur le thème de l’établissement,<br />
Birjandian et Bray décrivent des stratégies locales,<br />
propres aux Prairies, mises en œuvre pour mieux<br />
sensibiliser les collectivités à l’importance de
l’immigration. Ils prévoient qu’à l’avenir, un plus<br />
grand pourcentage des immigrants au <strong>Canada</strong><br />
viendront s’installer dans les Prairies et<br />
soulignent donc l’importance de la planification<br />
à long terme.<br />
L’honorable Nancy Allan du gouvernement du<br />
Manitoba explique en détail le rôle de la Loi sur<br />
le recrutement et la protection des travailleurs<br />
de cette province qui a fait venir un nombre<br />
croissant de TET. La Saskatchewan cherche<br />
aussi à attirer les nouveaux arrivants, et le<br />
gouvernement provincial annoncera bientôt sa<br />
stratégie en matière d’immigration visant à<br />
inciter les gens à s’installer dans la province.<br />
Certains éléments de cette stratégie se retrouvent<br />
sans aucun doute dans l’article de Belding et<br />
McRae, qui décrit la « Boîte à outils pleine<br />
d’idées pour les petits centres », dont l’obectif est<br />
d’aider les collectivités de petite taille à attirer<br />
les nouveaux arrivants dans la région et à les<br />
inciter à y demeurer. L’article de Pruegger et<br />
Cook porte également sur les moyens d’attirer et<br />
de conserver les immigrants et met en évidence<br />
l’importance des réactions individuelles des<br />
collectivités à l’égard des nouveaux arrivants.<br />
L’article de Shukla termine la section en décrivant<br />
la situation des immigrants dans les collectivités<br />
rurales et les moyens mis à leur disposition pour<br />
composer le mieux possible avec les limitations<br />
et les obstacles qu’ils doivent affronter. Elle<br />
fait valoir que, finalement, il est essentiel de<br />
bien comprendre la nature de la collectivité<br />
et d’établir des partenariats pour obtenir de<br />
bons résultats.<br />
Le message général de cette première section<br />
fait ressortir l’importance de la planification à<br />
long terme, le rôle clé que jouent les collec -<br />
tivités d’accueil dans l’intégration des nouveaux<br />
arrivants et la fonction essentielle des partenariats<br />
dans les stratégies d’intégration. Les collectivités<br />
des Prairies ont besoin de solutions conçues<br />
dans les Prairies et prévues spécialement pour<br />
les nouveaux arrivants et les collectivités<br />
elles-mêmes.<br />
Diversité culturelle et raciale<br />
Même si les Prairies ont toujours compté une<br />
large population autochtone, les immigrants qui<br />
arrivaient dans ces provinces étaient essen -<br />
tiellement d’origine européenne, et ce, jusque<br />
dans les dernières décennies, lorsque la région<br />
a commencé à attirer un nombre croissant<br />
d’immigrants et de réfugiés en provenance de<br />
pays non européens. Cette diversité culturelle<br />
et raciale est liée à l’évolution générale de<br />
l’immigration, mais aussi à certaines poli -<br />
tiques gouvernementales, comme les PCP et<br />
le Programme des langues officielles, qui<br />
promeut l’établissement d’immigrants franco -<br />
phones, notamment en provenance d’Afrique et<br />
des Caraïbes, dans de petits centres de l’Ouest.<br />
Au cours des dernières années, la population<br />
autochtone a également augmenté, mettant en<br />
relief des dynamiques plus complexes, tant au<br />
sein même de la population autochtone qu’entre<br />
celle-ci et les autres populations.<br />
Dib et Rodriguez-Gallagher présentent des<br />
statistiques du Recensement de 2006 sur les<br />
minorités visibles et les Autochtones dans les<br />
Prairies. Ils traitent d’abord de questions liées à la<br />
diversité et concluent en proposant des thèmes qui<br />
pourraient faire l’objet de travaux de recherche<br />
universitaires. Ils soulignent la nécessité de<br />
favoriser des politiques et des pratiques qui visent<br />
une intégration sociale et économique efficace.<br />
Arnal jette un regard sur les collectivités<br />
francophones albertaines et suggère qu’il existe<br />
une différence importante entre le patrimoine<br />
culturel et le développement culturel. Il décrit<br />
la conception des valeurs canadiennes de David<br />
Crombie, qui repose sur les notions d’égalité, de<br />
diversité et de communauté. Arnal fait valoir que<br />
tous les groupes, y compris les francophones,<br />
doivent prendre ces valeurs à cœur afin de<br />
continuer à se développer.<br />
Les travailleurs étrangers temporaires arri -<br />
vent maintenant dans les Prairies en grand<br />
nombre, mais les interprétations des différents<br />
gouver nements provinciaux de la notion de<br />
« temporaire » varient considérablement. Au<br />
Manitoba, « temporaire » signifie « en transition »,<br />
car la province cherche à attirer des personnes<br />
qui choisiront de rester. Bucklaschuk, Moss et<br />
Annis décrivent les répercussions que l’immi -<br />
gration croissante aura sur la prestation de<br />
services, le logement, l’éducation et les services<br />
de soutien linguistique à Brandon. Ils insistent<br />
sur l’importance de la collaboration entre collec -<br />
tivités et sur le fait que les TET pourraient<br />
devenir des citoyens canadiens dans un avenir<br />
relativement proche.<br />
Les plus récentes tendances en immigration<br />
ont des incidences sur la façon dont les collec -<br />
tivités et les sous-groupes particuliers, comme les<br />
jeunes, se perçoivent eux-mêmes et interagissent<br />
avec d’autres. La diversité raciale à Calgary s’est<br />
accentuée, ce qui a entraîné un certain nombre<br />
de difficultés, dont la discrimination. Cook<br />
Nos diverses cités 5
Qu’il s’agisse de services d’orientation générale, de logement,<br />
de soins de santé, d’éducation, de cours de langue pour adultes,<br />
d’emploi ou de consultations psychologiques, ils peuvent tous être<br />
gérés indépendamment les uns des autres, mais si les fournisseurs<br />
de ces services travaillaient et planifiaient ensemble, l’intégration<br />
des immigrants serait certainement plus rapide et moins stressante.<br />
6 Nos diverses cités<br />
présente quelques-unes des mesures inéquitables<br />
qui touchent les minorités visibles dans cette<br />
ville. Il mentionne également les forts taux de<br />
crimes haineux et de racisme et soutient que,<br />
malgré la prise de certaines mesures pour lutter<br />
contre le racisme, Calgary doit reconsidérer son<br />
image pour devenir une destination acceptable<br />
pour les nouveaux arrivants. Frideres examine<br />
dans son article les perceptions des jeunes nés au<br />
<strong>Canada</strong> et à l’étranger à l’égard de l’identité<br />
ethnique et conclut que les jeunes immigrants<br />
« cherchent à préserver leur culture ethnique,<br />
mais s’aperçoivent également qu’ils doivent<br />
interagir au quotidien avec des personnes qui<br />
appartiennent à d’autres groupes ethniques ».<br />
Après avoir examiné l’attachement des jeunes<br />
aux lieux urbains, Hébert et Lee ont déterminé<br />
que les jeunes immigrants préfèrent leur domicile,<br />
à l’inverse de leurs homologues canadiens, qui<br />
préfèrent les centres commerciaux. Les auteures<br />
examinent les résultats obtenus par rapport à la<br />
capacité d’absorption des villes.<br />
Jusqu’à récemment, les chercheurs en immi -<br />
gration n’ont accordé que peu d’attention au rôle<br />
de la religion dans l’intégration des nouveaux<br />
arrivants. Mulatris présente les résultats d’un<br />
projet de recherche sur le rôle des églises<br />
chrétiennes africaines francophones en ce qui a<br />
trait à l’appui des nouveaux arrivants.<br />
Enfin, Durst décrit les difficultés et les expé -<br />
riences positives d’Autochtones vivant en milieu<br />
urbain, qui pour la plupart partagent des quartiers<br />
avec des immigrants nouvellement arrivés et<br />
se heurtent à des obstacles semblables à ceux<br />
rencontrés par ces derniers. Étant donné la forte<br />
croissance démographique des Autochtones, il<br />
incombe aux chercheurs, aux responsables<br />
des politiques et aux organisations non gouver -<br />
nementales d’examiner la relation étroite qui<br />
existe entre les questions autochtones et le travail<br />
effectué avec les immigrants et les réfugiés.<br />
Dans cette section, les auteurs expliquent que,<br />
même si les difficultés liées à la gestion efficace<br />
de la diversité raciale et culturelle sont énormes,<br />
les solutions appartiennent aux collectivités<br />
d’accueil et aux nouveaux arrivants. Pour que<br />
l’intégration soit réussie, les deux groupes doivent<br />
prendre à cœur des valeurs fonda mentales,<br />
comme celles décrites par Arnal, fondées sur<br />
l’équité, l’importance de la communauté et<br />
l’acceptation de la diversité.<br />
Difficultés éprouvées<br />
par les nouveaux arrivants<br />
La raison d’être du projet <strong>Metropolis</strong> est de réaliser<br />
des travaux de recherche en vue de façonner des<br />
politiques et de veiller à ce que les immigrants<br />
et leurs collectivités d’accueil soient bien servis.<br />
Nombre d’études menées dans le cadre du projet<br />
<strong>Metropolis</strong> ont cerné les difficultés éprouvées<br />
par les nouveaux arrivants relativement à certains<br />
aspects essentiels de leur vie. Dans la présente<br />
section, les auteurs présentent plusieurs difficultés<br />
et formulent des suggestions pour les surmonter.<br />
White examine la santé mentale des immi -<br />
grantes et des réfugiées. Les résultats de son<br />
travail de recherche indiquent que nombre<br />
d’obstacles qui avaient été mis en évidence par un<br />
groupe d’étude canadien en 1988 existent encore.<br />
Elle propose plusieurs solutions, dont une<br />
approche plus concertée des soins de santé.<br />
Carter se penche sur l’expérience d’établis -<br />
sement de réfugiés parrainés par le secteur privé.<br />
Il en conclut que, dans l’ensemble, le programme<br />
de parrainage privé de réfugiés à Winnipeg<br />
fonctionne bien, mais il suggère des mesures<br />
pour surveiller et appuyer l’établissement, ainsi<br />
que pour fournir de l’aide aux réfugiés lorsque<br />
le parrainage est un échec. Dans le cadre de<br />
leur étude longitudinale des logements pour les<br />
réfugiés à Winnipeg, à Calgary et à Edmonton,<br />
Enns et Carter concluent que les nouveaux<br />
arrivants ont besoin de plus d’information sur les<br />
logements et les quartiers, et que les propriétaires<br />
ont eux aussi besoin d’être mieux informés<br />
des différences culturelles. Les auteurs estiment
qu’il faut davantage de logements de transition<br />
et de logements locatifs à un coût abordable<br />
pour permettre aux réfugiés de concentrer leurs<br />
efforts sur d’autres difficultés d’établissement.<br />
Kanu traite du contexte de scolarisation des<br />
réfugiés africains qui étudient au Manitoba.<br />
Elle mentionne que même si les écoles essaient<br />
d’aider ces étudiants, beaucoup d’autres chan -<br />
gements sont nécessaires, y compris le traitement<br />
plus rapide des demandes d’asile en Afrique afin<br />
de limiter l’interruption des études. Lafontant,<br />
ainsi que Lai et Huffey, examinent la discri -<br />
mination dont sont victimes les minorités visibles<br />
et linguistiques. Les résultats des entrevues<br />
d’immigrants africains francophones réalisées par<br />
Lafontant ont montré que plusieurs d’entre eux<br />
avaient dû apprendre l’anglais pour obtenir un<br />
travail et que la plupart avaient l’impression que<br />
le fait d’être francophones, en plus d’appartenir<br />
à une minorité visible, avait accentué leurs<br />
difficultés. Le travail de Lai et Huffey sur les<br />
minorités visibles dans les petites villes albertaines<br />
fait état de difficultés bien connues : manque<br />
de reconnaissance des titres de compétences<br />
étrangers, traitement différentiel et difficultés<br />
intergénérationnelles. Dans une étude compa -<br />
rative entre l’Alberta et les autres provinces,<br />
Kazemipur s’intéresse principalement au capital<br />
social et à la confiance sociale. Il mesure le capital<br />
social à l’aide de différentes variables, dont<br />
la fréquence de la participation électorale,<br />
l’engagement politique et la confiance envers les<br />
institutions publiques, et fait valoir que les Prairies<br />
ne sont pas suffisamment bien préparées pour<br />
répondre aux besoins des nouveaux arrivants.<br />
Il estime que des investissements importants<br />
doivent être faits dans l’infrastructure sociale.<br />
Dans son étude sur la transition du statut de<br />
travailleur temporaire à celui de résident<br />
permanent vécue par les aides familiaux<br />
philippins dans le Sud de l’Alberta, Bonifacio<br />
conclut que les programmes uniformisés<br />
d’établissement ne correspondent généralement<br />
aucunement à leurs besoins. Elle recommande<br />
d’effectuer une évaluation des services existants<br />
afin de mieux servir ces personnes. De son côté,<br />
Rogers fait valoir que les organismes d’aide<br />
à l’établissement ne devraient pas être les seuls<br />
à aider les nouveaux arrivants à surmonter les<br />
obstacles qui se posent à eux : la lutte contre<br />
l’injustice est l’affaire de tous.<br />
Les travaux regroupés dans cette section<br />
mettent l’accent sur les questions soulevées<br />
lorsque les collectivités des Prairies ont cherché<br />
à répondre aux besoins de différents groupes de<br />
nouveaux arrivants. La recherche a mis en<br />
lumière des besoins essentiels tant en matière<br />
de relations institutionnelles que d’ententes<br />
relatives à la prestation de services, mais elle<br />
a également souligné l’augmentation du nombre<br />
de partenariats novateurs et d’ententes trans -<br />
férables dans d’autres contextes. Certaines de ces<br />
ententes sont d’ailleurs examinées dans la<br />
section suivante.<br />
Initiatives d’intégration<br />
L’objectif ultime de nombreux nouveaux<br />
arrivants est de s’intégrer complètement à la<br />
société canadienne. Il s’agit d’un objectif que<br />
les orga nismes fournisseurs de services et les<br />
ministères gouvernementaux veulent voir se<br />
réaliser. La présente section porte sur des<br />
initiatives qui ont favorisé l’intégration de<br />
nouveaux arrivants. Certaines s’intéressent aux<br />
immigrants et d’autres aux mesures prises par les<br />
institutions en place. Même si les nouveaux<br />
arrivants viennent au <strong>Canada</strong>, ils vivent dans<br />
une collectivité partic ulière, et la façon dont<br />
ils sont reçus détermine s’ils s’y sentiront les<br />
bienvenus. Les articles qui suivent portent sur<br />
des municipalités précises ou sur le travail réalisé<br />
par les gouvernements provinciaux en colla -<br />
boration avec certaines collectivités.<br />
Palamar décrit plusieurs activités entreprises<br />
par l’Alberta Human Rights and Citizenship<br />
Commission afin de bâtir des collectivités<br />
accueillantes et de lutter contre le racisme. La<br />
Commission a collaboré avec les administrations<br />
locales pour appuyer la Coalition des muni -<br />
cipalités contre le racisme et la discrimination.<br />
Garcea et Garg décrivent des initiatives de la<br />
Ville de Saskatoon pour attirer, conserver et<br />
intégrer un plus grand nombre de nouveaux<br />
arrivants par le biais de consultations inclusives<br />
avec tous ses partenaires.<br />
Edmonton est une autre ville des Prairies très<br />
active dans le domaine de l’intégration : la Ville<br />
a adopté une politique en matière d’immigration<br />
et d’établissement, a préparé de la documen -<br />
tation pour les nouveaux arrivants, dont un<br />
guide à l’intention des nouveaux arrivants en<br />
huit langues, et a établi des partenariats avec<br />
d’autres ordres de gouvernement. En 2009,<br />
Edmonton a lancé son numéro 3-1-1, une<br />
ligne d’information téléphonique proposant<br />
des renseignements en plus de 150 langues sur<br />
tous les services municipaux, ainsi que des<br />
services d’orientation vers les organisations<br />
Nos diverses cités 7
8 Nos diverses cités<br />
commu nautaires pertinentes. Haliburton précise<br />
que la Ville de Winnipeg ne possède pas une<br />
politique proprement dite de diversité, mais que<br />
la diversité fait partie intégrante de toutes<br />
les politiques, lignes directrices et pratiques en<br />
matière de ressources humaines. En effet,<br />
Winnipeg a mis en œuvre une gamme d’initiatives<br />
à l’intention des immigrants, des personnes<br />
handicapées et des jeunes Autochtones.<br />
Gurnett s’intéresse à l’approche globale et<br />
intégrée du Edmonton Mennonite Centre for<br />
Newcomers. Conscient de la complexité du<br />
phénomène de l’intégration, le Centre a adopté<br />
cette formule pour ne pas répondre aux besoins<br />
des nouveaux arrivants de manière fragmentaire.<br />
Gurnett insiste sur l’importance d’une écoute<br />
attentive des nouveaux arrivants pour les aider<br />
efficacement. Chiu, Ortiz et Wolfe présentent<br />
le travail de la Multicultural Health Brokers<br />
Cooperative d’Edmonton. Il s’agit d’une orga -<br />
nisation qui a mis sur pied des initiatives ayant<br />
trait aux déterminants de la santé des immi grants<br />
et qui visent à mieux adapter le système de soins<br />
de santé aux différences culturelles.<br />
Dietrich fait un résumé des activités de la<br />
Regina Open Door Society, qui offre ses services<br />
à la fois aux nouveaux arrivants et aux collec -<br />
tivités d’accueil. Denton parle de l’expérience<br />
particulière de Winnipeg à l’égard du parrainage<br />
de réfugiés. Winnipeg représente 2 % de la<br />
population canadienne, mais accueille 17 % des<br />
réfugiés parrainés par le secteur privé au <strong>Canada</strong>;<br />
plus de 56 % de toutes les nouvelles demandes<br />
de parrainage privé soumises au gouvernement<br />
fédéral proviennent de Winnipeg. Fleming Juárez<br />
présente le Programme d’accueil par la commu -<br />
nauté offert par l’Open Door Society de<br />
Saskatoon, programme qu’elle considère comme<br />
essentiel pour retenir les nouveaux arrivants.<br />
Passler termine ce numéro de Nos diverses cités<br />
avec une description du Southeast Community<br />
Settlement Committee, qui représente plusieurs<br />
collectivités rurales de la Saskatchewan. Cette<br />
organisation a été créée pour apporter de l’aide<br />
aux nouveaux arrivants dès leur arrivée. Le<br />
comité a deux fonctions : il veille à ce que les<br />
nouveaux arrivants soient accueillis par des<br />
bénévoles et fait en sorte que ces derniers<br />
puissent apprendre à mieux connaître les<br />
personnes de cultures différentes.<br />
Comme plusieurs auteurs l’ont mentionné, il<br />
existe une foule d’organismes fournisseurs de<br />
services prêts à accueillir les nouveaux arrivants,<br />
et nombre de municipalités ont mis en place des<br />
politiques équitables pour appuyer les nouveaux<br />
arrivants et les minorités. Pourtant, la mise en<br />
œuvre d’une approche uniforme et globale, qui<br />
demande la création de partenariats, reste essen -<br />
tielle pour que les immigrants puissent se sentir<br />
les bienvenus. En outre, les meilleures pratiques<br />
devraient se fonder sur des travaux de recherche<br />
solides. Qu’il s’agisse de services d’orien tation<br />
générale, de logement, de soins de santé,<br />
d’éducation, de cours de langue pour adultes,<br />
d’emploi ou de consultations psycho logiques,<br />
ils peuvent tous être gérés indépendamment les<br />
uns des autres, mais si les fournisseurs de ces<br />
services travaillaient et planifiaient ensemble,<br />
l’intégration des immi grants serait certainement<br />
plus rapide et moins stressante. À cet effet, les<br />
gouvernements peuvent jouer un rôle important<br />
en rassemblant leurs partenaires et en élaborant<br />
des politiques qui encouragent des pratiques plus<br />
équitables envers les immigrants.<br />
À propos des auteurs<br />
TOM CARTER est titulaire d’une Chaire de recherche<br />
du <strong>Canada</strong> en évolution et adaptation urbaine et est<br />
professeur de géographie à l’Université de Winnipeg.<br />
Ses travaux portent essentiellement sur le logement et<br />
le développement urbain, avec un intérêt prononcé pour<br />
les logements destinés aux immigrants et aux réfugiés.<br />
TRACEY DERWING est professeure d’anglais langue seconde<br />
au département de psychopédagogie de la University of<br />
Alberta et codirectrice du Centre <strong>Metropolis</strong> des Prairies.<br />
Ses travaux portent principalement sur le développement<br />
de la fluidité verbale, la prononciation et l’intelligibilité des<br />
locuteurs adultes d’anglais langue seconde.<br />
LINDA OGILVIE est professeure en soins infirmiers à la<br />
University of Alberta et codirectrice du Centre <strong>Metropolis</strong><br />
des Prairies. Elle s’intéresse principalement aux déter -<br />
minants de la santé chez les enfants et les familles des<br />
nouveaux arrivants.<br />
TERRY WOTHERSPOON est professeur de sociologie à<br />
la University of Saskatchewan et président du conseil<br />
d’administration du Centre <strong>Metropolis</strong> des Prairies.<br />
Ses travaux portent essentiellement sur les relations<br />
entre les systèmes d’éducation, les milieux de travail<br />
et la diversité sociale.
Dès l’établissement des tout premiers Européens sur le territoire aujourd’hui appelé<br />
<strong>Canada</strong>, une extraordinaire acceptation de la diversité s’est développée. Il ne s’agissait<br />
pas simplement de tolérance. Le taux de mariages mixtes était extrêmement élevé, et<br />
l’importante population métisse du <strong>Canada</strong> est la preuve durable de ce phénomène.<br />
La diversité canadienne et<br />
les provinces des Prairies :<br />
une perspective historique *<br />
ROBERT VINEBERG<br />
Associé principal, <strong>Canada</strong> West Foundation<br />
Conseiller principal en politiques, Centre <strong>Metropolis</strong> des Prairies<br />
D’où vient l’engagement du <strong>Canada</strong> à favoriser<br />
la diversité par son programme d’immi -<br />
gration et son concept de citoyenneté ? Selon<br />
certains, la politique de multiculturalisme a<br />
provoqué un grand changement de mentalité<br />
au <strong>Canada</strong>. Le présent article laisse entendre<br />
qu’en fait, l’évolution de la société canadienne et<br />
des mentalités a posé les jalons d’une politique<br />
de multiculturalisme qui serait généralement<br />
acceptée. Envisagée dans une perspective<br />
historique, l’approche du <strong>Canada</strong> en matière<br />
d’immigration et d’intégration des immigrants<br />
paraît surtout reposer sur une idéologie de<br />
citoyenneté et de diversité. L’examen de cette<br />
approche requiert une incursion dans le passé,<br />
bien avant la création du <strong>Canada</strong>.<br />
Il y a 2 000 ans, lorsqu’un homme vivant dans<br />
une obscure province romaine située au Moyen-<br />
Orient ou sur une île isolée au large de la côte<br />
nord-ouest de l’Europe déclarait : « Civis romanus<br />
sum » (je suis citoyen romain), il revendiquait<br />
le droit à l’égalité devant la loi. Il proclamait<br />
son attachement à la société civile romaine et<br />
à ses institutions. Cependant, il ne prétendait<br />
aucunement avoir le même statut qu’un citoyen<br />
romain natif du Latium. L’Empire romain était un<br />
* Le présent article est fondé sur la communication intitulée<br />
« Citizenship and Diversity », donnée par l’auteur au<br />
Innovation in Integration Symposium, tenu à Calgary,<br />
en Alberta, le 27 mai 2004.<br />
État remarquablement diversifié, et les Romains<br />
avaient compris que la bonne gouverne de leur<br />
empire dépendait du large consentement des<br />
nombreuses populations établies sur son vaste<br />
territoire. La loyauté était accordée à l’Étatempire,<br />
même lorsque les intrigues se jouant<br />
dans les palais du Palatin faisaient tomber les<br />
empereurs l’un après l’autre.<br />
Le concept de nationalité et de nationalisme<br />
fondé sur une ethnicité unique ou, du moins,<br />
prédominante est une idée relativement moderne.<br />
La notion d’allégeance à un monarque a<br />
commencé à laisser place au concept d’allégeance<br />
à un État-nation lorsque s’est amorcée une<br />
réorganisation des frontières européennes sur<br />
des bases linguistiques et ethniques plutôt<br />
qu’en fonction de la religion, après le Traité de<br />
Westphalie en 1648 1 . Les nouveaux États-nations<br />
1<br />
Bien qu’il existe de nombreux récits de cette évolution vers<br />
l’État-nation après la Paix de Westphalie, Banning en présente<br />
un compte rendu très éclairé :<br />
[Traduction] « Malgré l’abondance de formes constitutionnelles<br />
[…] elles s’appuyaient toutes sur la souveraineté d’une<br />
abstraction – l’État. […] La sécularisation faisait partie<br />
intégrante de ce développement… Mais le sang coulant dans<br />
les veines de l’État était anémié et tiède. Pour stimuler ses<br />
membres, il fallait injecter une substance plus inspirante. De<br />
plus en plus, celle-ci fut puisée dans le nationalisme, religion<br />
séculaire ayant la capacité de susciter une dévotion et une<br />
haine tout aussi féroces que celles ayant alimenté les conflits<br />
religieux des époques précédentes ». (Banning, 2007, p. xxiv)<br />
Nos diverses cités 9
Avec l’arrivée de la Canadian Pacific Railway dans les années 1880, les gens<br />
pouvaient se rendre plus facilement dans les Prairies. L’immigration est néanmoins<br />
demeurée faible jusqu’à ce que les progrès réalisés en agriculture débouchent sur<br />
un blé vigoureux propre à être cultivé au nord du 49 e parallèle, et jusqu’à ce que<br />
les terres au sud du 49 e parallèle deviennent occupées.<br />
10 Nos diverses cités<br />
ont dès lors fondé leur identité sur une « race »,<br />
une religion ou une langue commune, même<br />
si la réalité ne correspondait pas du tout<br />
au modèle. Une répression s’est néanmoins<br />
ensuivie, ciblant les personnes qui avaient<br />
la malchance d’appartenir à une minorité –<br />
ethnique, linguistique ou religieuse.<br />
La montée d’États-nations aspirant à une<br />
« pureté » toujours plus grande s’est accompagnée<br />
d’une intolérance grandissante à l’égard des<br />
étrangers, y compris envers les États voisins.<br />
À quelques exceptions près, ce courant s’est<br />
maintenu jusqu’au 20 e siècle, causant les deux<br />
épouvantables guerres mondiales et, lors de la<br />
Seconde, l’Holocauste – malheureusement le pire<br />
exemple de « nettoyage ethnique », même si ce<br />
terme était inconnu d’Hitler.<br />
Au milieu des ruines de l’après-guerre, les États<br />
de l’Europe occidentale ont décidé qu’il fallait<br />
éviter qu’un tel événement ne se reproduise et<br />
ont progressivement créé des institutions pan -<br />
européennes qui, en transcendant les frontières,<br />
ont réduit sinon éliminé la possibilité que<br />
resurgissent des comportements aussi désastreux.<br />
Malheureusement, en d’autres régions du monde,<br />
notamment en Afghanistan, au Rwanda, au<br />
Burundi, au Soudan et même à la périphérie<br />
de l’Europe, dans l’ancienne Yougoslavie, les<br />
atrocités du nettoyage ethnique se sont répétées.<br />
C’est ce qui risque d’arriver lorsque l’identité<br />
est fondée sur l’exclusivité et que des personnes,<br />
jugées différentes d’une façon ou d’une autre,<br />
présentent une menace pour cette identité.<br />
Il paraît évident que la notion d’avantage<br />
découlant de cette nationalité fondée sur le sang,<br />
la religion et la langue a fait son temps et doit<br />
être mise aux oubliettes de l’histoire. En mettant<br />
en perspective les deux derniers millénaires,<br />
on peut supposer que le concept romain de<br />
citoyenneté ferait un meilleur modèle.<br />
Les racines de la diversité canadienne<br />
Très peu de régions du monde moderne ont eu<br />
une histoire propice au développement d’un<br />
concept de citoyenneté différent. En effet, tout<br />
au long de l’ère coloniale, les États européens<br />
ont exporté leur étroit concept d’État-nation<br />
sur presque tout le globe. En rétrospective, on<br />
s’aperçoit que l’un des rares endroits à avoir<br />
connu une expérience différente fait maintenant<br />
partie du <strong>Canada</strong>. Après la conquête de la<br />
Nouvelle-France par les forces britanniques et la<br />
cession du « <strong>Canada</strong> » à l’Angleterre par la France<br />
dans le Traité de Paris de 1763, la Grande-<br />
Bretagne s’est trouvée en possession légitime<br />
d’un vaste territoire peuplé de catholiques<br />
francophones au sein d’un empire protestant<br />
d’expression anglaise.<br />
Même s’il était habituel à l’époque de<br />
réprimer une telle minorité, sort que les Anglais<br />
eux-mêmes ont fait subir aux Acadiens sur<br />
le territoire du Québec, comme s’appelait<br />
désormais la Nouvelle-France, la répression<br />
n’était pas réellement une option dans ce<br />
cas. Les occupants anglais étaient en minorité<br />
et, comme les Romains l’avaient compris des<br />
siècles plus tôt, ils ne pouvaient gouverner<br />
efficacement qu’avec le consentement des<br />
personnes qu’ils voulaient gouverner.<br />
Ainsi, fait extraordinaire pour l’époque, les<br />
Anglais ont décidé non seulement de tolérer,<br />
mais également de protéger le droit civil<br />
français et la religion catholique romaine. De<br />
nature pratique et administrative au départ,<br />
cette décision a ensuite été enchâssée dans une<br />
loi. Même si l’Acte de Québec de 1774 ne disait<br />
rien de la question linguistique, le français<br />
était dans les faits la langue de travail de<br />
la colonie. Pour citer Mason Wade, grand<br />
historien américain du <strong>Canada</strong> français, « un<br />
nouveau principe d’empire fut posé [dans<br />
l’Acte de Québec] lorsqu’il fut admis que les<br />
Canadiens-français pouvaient être Britanniques<br />
sans devenir Anglais » (Wade, 1966, p. 84).<br />
L’Acte de Québec a aussitôt été ajouté à la<br />
liste des « griefs » invoqués par les pionniers<br />
américains pour justifier leur Déclaration<br />
d’indépendance deux ans plus tard. Pourquoi ?
Parce que les Américains voyaient dans la<br />
cession au Québec de la région du Centre-<br />
Ouest, alors appelée les « terres indiennes »,<br />
une manœuvre des Anglais pour confiner la<br />
population américaine, en croissance (de même<br />
que ses nombreux spéculateurs fonciers) sur<br />
l’étroite bande de territoire s’étendant entre la<br />
côte Atlantique et les Appalaches.<br />
Les Canadiens-français eux-mêmes, constituant<br />
toujours une minorité en Amérique du Nord,<br />
voyaient les Nord-Américains autochtones<br />
comme des amis et des alliés. Les Français<br />
considéraient leur roi non pas comme le dirigeant<br />
du peuple autochtone, mais bien comme l’ultime<br />
médiateur entre les colons français et les Indiens.<br />
Leur vision contrastait totalement avec celle<br />
des colons anglais et américains, qui voyaient<br />
le roi d’Angleterre comme le nouveau<br />
dirigeant des Indiens. Ce respect mutuel entre<br />
Canadiens-français et Autochtones a favorisé<br />
une coopération économique grâce à laquelle la<br />
petite population de la Nouvelle-France a pu<br />
prospérer. Une alliance militaire s’est également<br />
forgée entre ces peuples, qui a permis de garder<br />
les Britanniques et les Américains à distance<br />
pendant près de deux siècles.<br />
Il est donc possible d’avancer l’idée que, dès<br />
l’établissement des tout premiers Européens<br />
sur le territoire aujourd’hui appelé <strong>Canada</strong>, une<br />
extraordinaire acceptation de la diversité s’est<br />
développée. Il ne s’agissait pas simplement de<br />
tolérance. Le taux de mariages mixtes était<br />
extrêmement élevé, et l’importante population<br />
métisse du <strong>Canada</strong> est la preuve durable de<br />
ce phénomène.<br />
L’acceptation par les Anglais de leurs<br />
nouveaux sujets nord-américains a été récom -<br />
pensée d’une façon très concrète durant la<br />
Révolution américaine. Au départ, les colonies<br />
américaines avaient invité toutes les colonies<br />
nord-américaines à se joindre à la rébellion.<br />
L’imposante force navale et militaire postée à<br />
Halifax et les colons arrivés depuis peu dans la<br />
région qu’est aujourd’hui le <strong>Canada</strong> atlantique<br />
ont servi à réprimer toute ardeur révolutionnaire.<br />
Les Américains, cependant, voyaient les<br />
Canadiens-français comme un peuple opprimé<br />
qui sauterait sur l’occasion de se débarrasser<br />
des conquérants anglais qui, après tout, ne se<br />
trouvaient à Québec que depuis 15 ans.<br />
À la grande surprise des Américains, les<br />
Canadiens-français sont demeurés fidèles à la<br />
Grande-Bretagne, non seulement en repoussant<br />
les avances des Américains, mais également en<br />
offrant d’aider les militaires britanniques en<br />
poste au Québec pour repousser deux invasions<br />
pendant la guerre de l’Indépendance. La décision<br />
des Britanniques de vivre avec la diversité leur<br />
a été grandement profitable. Si Québec s’était<br />
jointe à la révolution ou était tombée aux<br />
mains des Américains, les colonies britanniques<br />
restantes à l’est n’auraient pas été viables, et<br />
toute l’Amérique du Nord aurait pu être absorbée<br />
dans les nouveaux États-Unis d’Amérique.<br />
La Révolution américaine a également eu pour<br />
conséquence de favoriser le peuplement des<br />
provinces maritimes canadiennes et de la province<br />
de Québec, à l’ouest de la rivière des Outaouais,<br />
par des colons américains demeurés loyaux à la<br />
Couronne britannique, qui avaient fui la nouvelle<br />
république ou en avaient été expulsés. Ces<br />
personnes étaient connues sous le nom des<br />
loyalistes de l’Empire-Uni. Soudainement, en<br />
l’espace de quelques années, les Canadiensfrançais<br />
ont constaté qu’ils ne formaient plus<br />
une vaste majorité d’Européens dans la partie<br />
nord de l’Amérique du Nord.<br />
Pour les Britanniques, cela aurait pu être<br />
l’occasion ou le prétexte pour mettre un terme à<br />
leur essai de la diversité, mais ils ont choisi de ne<br />
pas le faire. Dans l’Acte constitutionnel de 1791,<br />
la province de Québec a plutôt été divisée pour<br />
créer la province du Haut-<strong>Canada</strong>, à l’ouest<br />
de la rivière des Outaouais, et la province du<br />
Bas-<strong>Canada</strong>, à l’est. Il s’agissait ostensiblement<br />
d’une mesure législative prise par Westminster<br />
en réponse aux plaintes des colons loyalistes<br />
de Québec, qui représentaient une minorité<br />
protestante anglophone dans une colonie<br />
catholique française, quoique britannique. La<br />
division a effectivement créé une nouvelle<br />
colonie pour les loyalistes au cœur de l’Amérique<br />
du Nord, mais elle a également garanti que,<br />
dans le Bas-<strong>Canada</strong>, les Canadiens-français<br />
demeureraient la majorité.<br />
Lors des inquiétantes mais vaines rébellions de<br />
1837 dans le Haut-<strong>Canada</strong> et le Bas-<strong>Canada</strong>, les<br />
Britanniques ont eu une nouvelle occasion de<br />
réprimer la population française et catholique en<br />
Amérique du Nord. Le courant politique évoluait<br />
cependant, et les Britanniques avaient retenu<br />
quelques leçons de la Révolution américaine. Ils<br />
avaient compris que les rébellions des Canadiens<br />
traduisaient le désir des colons d’accéder à<br />
l’autonomie gouvernementale sous la Couronne<br />
britannique – et non un désir de se séparer<br />
de l’empire. La première réponse est venue de<br />
l’enquête de Lord Durham et de son rapport dans<br />
Nos diverses cités 11
12 Nos diverses cités<br />
lequel il décrivait les Canadiens comme « deux<br />
nations en guerre au sein d’un même État »<br />
(Durham, 1990, p. 58). Il y recommandait que le<br />
Haut-<strong>Canada</strong> et le Bas-<strong>Canada</strong> soient fusionnés<br />
afin que les vagues de migration britannique du<br />
19 e siècle puissent éventuellement noyer le fait<br />
français dans l’Amérique du Nord britannique<br />
(Ibid., p. 265).<br />
Dans l’Acte d’Union de 1841, le Parlement<br />
britannique a effectivement créé une seule<br />
Province du <strong>Canada</strong>, mais a rejeté les autres<br />
idées de Durham, notamment en donnant une<br />
représentation égale au sein de l’Assemblée<br />
législative au Bas-<strong>Canada</strong> (aujourd’hui l’Est<br />
canadien) et au Haut-<strong>Canada</strong> (aujourd’hui<br />
l’Ouest canadien). Par suite de cette mesure, les<br />
législateurs canadiens ont adopté la pratique<br />
de la « double majorité ». Autrement dit, une<br />
loi pouvait être adoptée seulement si elle<br />
était approuvée par une majorité de membres<br />
de l’Assemblée législative représentant l’Est<br />
et l’Ouest du <strong>Canada</strong>. Ainsi, par la voie du<br />
compromis, les droits des Canadiens-français<br />
sont demeurés protégés. À long terme cependant,<br />
la double majorité était vouée à l’impasse, et<br />
dans leur volonté d’y apporter une solution,<br />
les dirigeants anglophones et francophones au<br />
<strong>Canada</strong> ont créé une confédération plus vaste<br />
reconnaissant la liberté religieuse et protégeant<br />
les droits linguistiques des francophones dans la<br />
nouvelle province de Québec.<br />
De fait, les fondements de la diversité<br />
canadienne – Anglais, Français et Autochtones –<br />
avaient été posés avant même l’émergence du<br />
<strong>Canada</strong> en tant que nation souveraine. En fait,<br />
cette assise incroyablement solide a survécu<br />
aux innombrables affronts qui ont marqué<br />
le premier siècle d’existence du <strong>Canada</strong> : les<br />
rébellions menées par Louis Riel dans l’Ouest<br />
et le déni des droits des Canadiens-français<br />
vivant à l’extérieur du Québec, un gouvernement<br />
fédéral qui fonctionnait presque exclusivement<br />
en anglais et une Loi sur les Indiens qui a<br />
marginalisé, dans une grande mesure, la<br />
population autochtone du <strong>Canada</strong>.<br />
Les provinces des Prairies<br />
Néanmoins, à cette même époque, le gou -<br />
vernement se trouvait face à la nécessité de<br />
gouverner et de défendre son vaste Territoire du<br />
Nord-Ouest que le <strong>Canada</strong> avait acquis de la<br />
Compagnie de la Baie d’Hudson en 1870, et la<br />
meilleure stratégie consistait à le peupler. Avec<br />
l’arrivée de la Canadian Pacific Railway dans les<br />
années 1880, les gens pouvaient se rendre plus<br />
facilement dans les Prairies. L’immigration est<br />
néanmoins demeurée faible jusqu’à ce que les<br />
progrès réalisés en agriculture débouchent sur un<br />
blé vigoureux propre à être cultivé au nord du<br />
49 e parallèle, et jusqu’à ce que les terres libres au<br />
sud du 49 e parallèle deviennent occupées. Ces<br />
événements ont coïncidé avec l’élection en 1896<br />
du nouveau gouvernement Laurier, lequel a<br />
entrepris de promouvoir activement le <strong>Canada</strong><br />
comme destination pour les immigrants en<br />
dehors du Royaume-Uni, des États-Unis et de<br />
la France. En peuplant les Prairies, le <strong>Canada</strong><br />
espérait conserver ce vaste territoire et ne pas<br />
le perdre au profit d’une marée d’Américains,<br />
comme le Mexique avait perdu presque tout son<br />
territoire aux mains des États-Unis, plus tôt dans<br />
le siècle. Sous l’initiative de Clifford Sifton,<br />
ministre de l’Intérieur et député du Manitoba, des<br />
terres libres des Prairies ont été offertes à des<br />
colons, et la migration de groupes d’Européens<br />
de l’Est a été encouragée (Main-d’œuvre et<br />
Immigration <strong>Canada</strong>, 1974, p. 6-7).<br />
Lorsque l’afflux de migrants s’est arrêté en<br />
1914 en raison de la Première Guerre mondiale,<br />
les terres agricoles des Prairies étaient presque<br />
toutes occupées : le visage du <strong>Canada</strong>, en<br />
particulier des nouvelles provinces des Prairies,<br />
soit le Manitoba (1870), la Saskatchewan (1905)<br />
et l’Alberta (1905), avait changé à tout jamais.<br />
Comme le souligne W. L. Morton dans son<br />
histoire du Manitoba, à la fin de la grande<br />
migration d’avant-guerre, « il était évident que<br />
toute la diversité de l’Europe, dans les races<br />
comme dans les croyances, avait été importée<br />
dans la population déjà diversifiée du Manitoba »<br />
(Morton, 1967, p. 311).<br />
Le cas des provinces des Prairies était inédit<br />
au <strong>Canada</strong>, puisque ni les anglophones, ni<br />
les francophones n’y ont jamais formé une<br />
population majoritaire. La majorité autochtone<br />
a été déplacée par les groupes provenant de<br />
toutes les régions de l’Europe et des États-Unis.<br />
La langue anglaise est ainsi devenue un élément<br />
unificateur, contrairement à la nationalité. Même<br />
si l’élite dirigeante encourageait l’allégeance<br />
à l’« impérialisme » de l’Empire britannique,<br />
ce concept ne s’est jamais pleinement ancré<br />
dans les diverses communautés de l’Ouest.<br />
L’expérience de la Première Guerre mondiale,<br />
pendant laquelle des soldats de tous ces milieux<br />
différents ont combattu côte à côte, a marqué<br />
la naissance d’un concept de nationalité<br />
canadienne s’appuyant sur une cause commune
plutôt que sur une même ethnicité. D’abord<br />
méprisée et perçue comme le regroupement de<br />
simples colons par les corps d’officiers de l’Armée<br />
britannique, l’Armée canadienne était considérée,<br />
à la fin de 1917, comme le corps militaire d’élite<br />
sur le front occidental, non seulement par les<br />
alliés, mais également par l’Armée allemande.<br />
Ainsi s’est amorcé un inéluctable processus qui<br />
a été jalonné d’abord par la Déclaration Balfour,<br />
reconnaissant le <strong>Canada</strong> comme « dominion<br />
indépendant », puis par le Statut de Westminster<br />
accordant la pleine indépendance du <strong>Canada</strong><br />
en 1931, complétant ainsi en grande partie les<br />
travaux amorcés avec la Confédération en 1867.<br />
De toute évidence cependant, la proclamation en<br />
1947 de la première Loi sur la citoyenneté était la<br />
conséquence logique de la longue mais constante<br />
démarche du <strong>Canada</strong> vers l’indépendance.<br />
Malgré cette évolution, les immigrants n’étaient<br />
pas tous les bienvenus au <strong>Canada</strong>. Plusieurs<br />
quotas étaient imposés aux pays non européens,<br />
et en réponse aux exhortations de la province<br />
de la Colombie-Britannique, une taxe d’entrée<br />
a été imposée aux immigrants chinois (Maind’œuvre<br />
et Immigration <strong>Canada</strong>, 1974, p. 7-8). Les<br />
Canadiens d’origine japonaise ont été déplacés de<br />
force vers l’intérieur du pays pendant la Seconde<br />
Guerre mondiale, tandis que les réfugiés juifs<br />
étaient refusés aux frontières et envoyés dans les<br />
camps de concentration d’Hitler.<br />
Un <strong>Canada</strong> nouveau et confiant a néanmoins<br />
émergé de la Seconde Guerre mondiale, et dans les<br />
années 1960, le gouvernement fédéral a accompli<br />
un énorme travail pour ramener le pays à ses<br />
origines. Le <strong>Canada</strong> est devenu officiellement<br />
une nation bilingue, et la politique en matière<br />
d’immigration est devenue non discriminatoire en<br />
1962 par des mesures administratives et, en<br />
1966, par une politique énoncée dans le Livre<br />
blanc sur l’immigration (Ibid., 1966). Peu de<br />
temps après, le gouvernement a également<br />
élaboré une politique de multiculturalisme afin<br />
d’encourager les Canadiens à célébrer leurs<br />
origines et à promouvoir la diversité.<br />
Le <strong>Canada</strong> n’a pas été forgé par sa propre guerre<br />
d’indépendance, comme ce fut le cas pour les<br />
États-Unis. Il est plutôt le fruit d’une évolution<br />
politique. Le nationalisme canadien s’est<br />
développé sur les champs de bataille d’Europe lors<br />
des deux guerres mondiales, mais ce n’était pas en<br />
sol canadien. De fait, pendant de nombreuses<br />
années, l’absence de fervent patriotisme, comme<br />
celui qu’on observait en Europe et aux États-Unis,<br />
était perçue comme une faiblesse. Maintenant,<br />
cette même absence d’identité fondée sur un<br />
nationalisme traditionnel est, de manière générale,<br />
considérée comme une force, et l’identité du<br />
<strong>Canada</strong> est souvent caractérisée par sa diversité<br />
et sa capacité de célébrer cette diversité.<br />
La plupart des commentateurs ont tendance<br />
à associer le soutien de la diversité par les<br />
Canadiens au phénomène d’immigration massive<br />
en provenance des quatre coins du monde, qui a<br />
commencé pour de bon dans les années 1960.<br />
Cependant, bien au contraire, c’est le fondement<br />
même de la diversité sur lequel le <strong>Canada</strong> a été<br />
construit qui a incité les décideurs, dans les<br />
années 1960, à prendre les décisions qui ont<br />
mené à la grande expérience canadienne : la<br />
construction du premier pays véritablement<br />
hétérogène dans le monde moderne.<br />
Si l’on se base sur le passé du <strong>Canada</strong>, il est<br />
évident qu’une citoyenneté construite sur le<br />
concept de nationalisme traditionnel ne serait<br />
pas réalisable ici, compte tenu de notre<br />
histoire, même si cela était souhaitable. Si nous<br />
acceptons l’argument selon lequel le nationalisme<br />
traditionnel et la nationalité de sang « exclusive »<br />
ne sont pas souhaitables, une citoyenneté fondée<br />
sur le respect de la diversité, l’égalité devant la loi<br />
et la liberté d’accès à la société civile semble être<br />
le choix des Canadiens. Au <strong>Canada</strong>, l’octroi de<br />
la citoyenneté représente le point culminant<br />
symbolique, mais aussi très concret, du processus<br />
consistant à accueillir des personnes de différentes<br />
cultures pour en faire des membres à part entière<br />
de la société canadienne.<br />
Le <strong>Canada</strong> a-t-il ravivé et amélioré le concept<br />
de citoyenneté cher à l’Empire romain, disparu<br />
de la face du monde pendant 1 500 ans ? Peutêtre.<br />
Il ne fait aucun doute cependant que le<br />
respect de la diversité au <strong>Canada</strong> de même que sa<br />
célébration trouvent leurs racines aussi loin que<br />
dans l’arrivée des tout premiers colons européens.<br />
Ainsi, la citoyenneté et la diversité sont non<br />
seulement compatibles au <strong>Canada</strong>, mais aussi<br />
inextricablement liées à notre identité canadienne.<br />
L’immigration vers les trois provinces des<br />
Prairies augmente sans cesse. En 2007, elle<br />
a atteint la barre des 35 000 immigrants,<br />
représentant 15 % de l’immigration totale au<br />
<strong>Canada</strong>. Ainsi, à la diversité traditionnelle des<br />
Prairies s’ajoute maintenant la diversité de toutes<br />
les régions du monde. Le Recensement de 2006<br />
présente ce même constat. Sur les 5,3 millions de<br />
résidants des Prairies, 11,2 % sont membres de<br />
minorités visibles, y compris les Autochtones et<br />
les immigrants. Après la Colombie-Britannique<br />
Nos diverses cités 13
14 Nos diverses cités<br />
et l’Ontario, l’Alberta et le Manitoba affichent les<br />
troisième et quatrième plus fortes proportions<br />
de minorités visibles avec 13,9 % et 9,6 %,<br />
respectivement (Statistique <strong>Canada</strong>, 2006, p. 23).<br />
Naturellement, la plupart des membres de<br />
minorités visibles sont établis dans les grandes<br />
zones urbaines. À Calgary, ils comptent pour<br />
22 % de la population, à Edmonton, pour 17 %<br />
et à Winnipeg, pour 15 % (Ibid., p 34).<br />
Dans un monde qui ne peut plus ignorer l’échec<br />
du nationalisme moderne et du concept de<br />
citoyenneté fondée sur l’exclusivité ethnique, le<br />
modèle canadien pourrait bien représenter la voie<br />
à suivre. Ce modèle est fortement appuyé par les<br />
trois provinces des Prairies, chacune ayant des<br />
politiques explicites pour stimuler l’immigration<br />
en provenance des quatre coins du monde.<br />
L’actuelle situation économique des Prairies<br />
dirige le pays, et les pénuries de main-d’œuvre<br />
sont aussi les plus aiguës dans cette région du<br />
<strong>Canada</strong>. Tout comme les Européens ont été invités<br />
à s’installer dans les Prairies il y a un siècle à<br />
peine, ces provinces comptent maintenant sur les<br />
différents peuples du monde entier pour les aider<br />
à définir leurs nouvelles frontières au cours du<br />
21 e siècle.<br />
Diversité canadienne<br />
Les expériences des Canadiens<br />
de la deuxième génération<br />
Références<br />
Blanning, T. 2007. The Pursuit of Glory – Europe 1648-1815,<br />
New York, Viking.<br />
<strong>Canada</strong>. Main-d’œuvre et Immigration <strong>Canada</strong>. 1966.<br />
La politique d’immigration du <strong>Canada</strong> : Livre blanc sur<br />
l’immigration, Ottawa, Information <strong>Canada</strong>.<br />
———. Main-d’œuvre et Immigration <strong>Canada</strong>. 1974.<br />
Le programme d’immigration : Volume 2 de l’Étude sur<br />
l’immigration et les objectifs démographiques du <strong>Canada</strong>,<br />
Ottawa, Information <strong>Canada</strong>.<br />
———. Statistique <strong>Canada</strong>. 2008. La mosaïque ethnoculturelle<br />
du <strong>Canada</strong>, Recensement de 2006, Ottawa, Statistique<br />
<strong>Canada</strong>, no 97-562-X au catalogue. Consulté le 20 mai 2008<br />
à .<br />
Durham, J. G. L. 1990. Lord Durham’s Report:<br />
An Abridgement of Report on the Affairs of British<br />
North America, Toronto, McClelland and Stewart.<br />
Morton, W. L. 1967. Manitoba, A History, 2e éd., Toronto,<br />
University of Toronto Press.<br />
Wade, M. 1968. The French Canadians 1760-1967,<br />
Volume 1, Toronto, MacMillan of <strong>Canada</strong>.<br />
Le projet <strong>Metropolis</strong>, en collaboration avec l’Association<br />
d’études canadiennes, a publié un numéro thématique<br />
de Diversité canadienne sur les expériences vécues par les<br />
membres de la deuxième génération. Ce numéro (printemps 2008)<br />
jette différents regards sur ce groupe démographique au <strong>Canada</strong>,<br />
mais comprend également deux articles sur la situation à l’étranger<br />
(l’un portant sur Los Angeles et l’autre sur l’Europe). Cette publi -<br />
cation examine les problématiques liées à la diversité, à l’identité et<br />
à l’intégration, ainsi que leurs incidences sur la deuxième génération. À l’introduction<br />
d’Audrey Kobayashi (Queen’s University) se succèdent plus de 25 articles signés par des<br />
responsables de politiques publiques et des spécialistes de ce domaine.<br />
Printemps 2008<br />
Directrice invitée : Audrey Kobayashi (Queen’s University)<br />
Pour commander votre exemplaire, écrivez à
L’histoire de l’immigration<br />
dans les Prairies *<br />
RANDY GURLOCK<br />
Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong><br />
Bon nombre de Canadiens de l’Ouest ont des<br />
ancêtres ayant immigré dans les provinces des<br />
Prairies à la fin du 19 e et au début du 20 e siècle.<br />
Grâce aux politiques dynamiques mises en place<br />
par Clifford Sifton, ministre fédéral de l’Intérieur,<br />
entre 1896 et 1905, les immigrants originaires<br />
d’Europe se sont installés en grand nombre au<br />
Manitoba, en Saskatchewan et en Alberta. Au<br />
cours des six années qui ont précédé la<br />
Première Guerre mondiale, environ 1,7 million<br />
de personnes ont immigré au <strong>Canada</strong>; de ce<br />
nombre, 646 135 se sont établies dans les<br />
provinces des Prairies, ce qui représentait 37,7 %<br />
de la population totale d’immigrants du pays. Ce<br />
pourcentage a toutefois commencé à diminuer<br />
dans les années 1930 et sa chute s’est poursuivie<br />
tout au long du 20 e siècle. Au cours des cinq<br />
dernières années, cette tendance a commencé<br />
à se renverser, puisqu’un plus grand nombre<br />
d’immigrants choisissent de s’établir dans les<br />
Prairies. Le présent article a pour but de<br />
présenter un aperçu des tendances en matière<br />
d’immigration dans les Prairies, de 2003 à 2007,<br />
et d’examiner brièvement certains des facteurs<br />
pouvant expliquer l’augmentation du nombre<br />
d’immigrants.<br />
Tendances historiques<br />
En 1913, le <strong>Canada</strong> a accueilli son plus grand<br />
nombre d’immigrants en une année : 400 870<br />
nouveaux arrivants sont entrés au pays. Les<br />
* Les points de vue exprimés dans cet article sont ceux de<br />
l’auteur et ne reflètent pas nécessairement ceux de Citoyenneté<br />
et Immigration <strong>Canada</strong> ou du gouvernement du <strong>Canada</strong>.<br />
L’augmentation du nombre d’immigrants dans les Prairies apparaît<br />
encore plus importante si l’on examine le pourcentage de ceux qui s’y<br />
établissent par rapport à la population totale d’immigrants au <strong>Canada</strong>.<br />
provinces des Prairies ont accueilli 32,6 % de<br />
ces immigrants. En 1927, juste avant la grande<br />
crise, 52 % des immigrants au <strong>Canada</strong> se<br />
sont établis dans les Prairies. Ces chiffres<br />
correspondent aux meilleures années de la<br />
région sur le plan de l’immigration. Le Tableau 1<br />
montre que le pourcentage d’immigrants dans<br />
les Prairies par rapport à la population totale<br />
d’immigrants au <strong>Canada</strong> a atteint alors un<br />
sommet, pour ensuite diminuer au cours du<br />
20 e siècle. La baisse a été particulièrement<br />
importante de 1987 à 1997.<br />
TABLEAU 1<br />
Immigrants établis dans les Prairies,<br />
1908-1997<br />
Immigrants<br />
Pourcentage par<br />
rapport au nombre<br />
total d’immigrants<br />
dans les Prairies au <strong>Canada</strong><br />
1908 66 446 46,3<br />
1927 80 068 52,0<br />
1937 3 221 21,0<br />
1947 7 909 12,3<br />
1957 13 172 13,0<br />
1967 28 071 12,6<br />
1977 19 983 17,4<br />
1987 18 863 12,4<br />
1997 18 268 8,4<br />
Source : Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (s.d.).<br />
En 2003, cette tendance a été renversée par<br />
l’arrivée de 24 004 immigrants dans les trois<br />
provinces des Prairies; le nombre est passé à<br />
35 396 en 2007.<br />
Nos diverses cités 15
TABLEAU 2<br />
Nombre d’immigrants établis dans les Prairies<br />
et dans l’ensemble du <strong>Canada</strong>, 2003-2007<br />
Année <strong>Canada</strong> Manitoba Saskatchewan Alberta Total – Prairies<br />
2003 221 349 6 503 1 668 15 833 24 004<br />
2004 235 823 7 426 1 942 16 474 25 842<br />
2005 262 240 8 096 2 108 19 404 26 608<br />
2006 251 643 10 047 2 724 20 716 33 487<br />
2007 236 758 10 995 3 517 20 857 35 396<br />
Source : Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (2007).<br />
TABLEAU 3<br />
Pourcentage d’immigrants dans les Prairies<br />
par rapport au nombre total d’immigrants au <strong>Canada</strong><br />
Année Manitoba Saskatchewan Alberta Total – Prairies<br />
2003 2,9 0,8 7,2 10,9<br />
2004 3,1 0,8 7,0 10,9<br />
2005 3,1 0,8 7,4 11,3<br />
2006 4,0 1,1 8,2 13,3<br />
2007 4,6 1,5 8,8 14,9<br />
Source : Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (2008).<br />
16 Nos diverses cités<br />
Le Tableau 2 indique le nombre d’immigrants<br />
s’étant établis dans chacune des trois provinces<br />
des Prairies entre 2003 et 2007.<br />
L’augmentation du nombre d’immigrants dans<br />
les Prairies apparaît encore plus importante si<br />
l’on examine le pourcentage de ceux qui s’y<br />
établissent par rapport à la population totale<br />
d’immigrants au <strong>Canada</strong>. Le Tableau 3 montre<br />
que l’augmentation du nombre d’immigrants<br />
dans les Prairies est proportionnelle à la<br />
population totale d’immigrants au pays.<br />
Catégories d’immigrants et répercussions<br />
des programmes des candidats des provinces<br />
Les immigrants sont sélectionnés en fonction<br />
des catégories d’immigrants définies dans la Loi<br />
sur l’immigration et la protection des réfugiés.<br />
De façon générale, il s’agit des catégories du<br />
regroupement familial, de l’immigration écono -<br />
mique et des réfugiés. De plus, chaque année,<br />
un faible nombre d’immigrants appar tiennent<br />
à la catégorie « autres ». Comme l’indique le<br />
Tableau 4, entre 2003 et 2007, le pourcentage<br />
d’immigrants dans chacune des catégories était<br />
semblable dans les Prairies et au <strong>Canada</strong>.<br />
Toutefois, l’examen de ces statistiques, par<br />
province, a révélé des différences intéres -<br />
santes. Comme on peut le constater dans le<br />
Tableau 5, le Manitoba et la Saskatchewan<br />
comptent proportionnellement plus d’immi -<br />
grants que l’Alberta dans la catégorie de<br />
TABLEAU 4<br />
Immigrants établis dans les Prairies, par<br />
catégorie d’immigrants, 2003-2007<br />
Catégorie d’immigrants<br />
% dans<br />
les Prairies % au <strong>Canada</strong><br />
Regroupement familial 25,6 28,0<br />
Immigration économique 58,8 55,4<br />
Réfugiés 13,4 11,8<br />
Source : Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (2008).<br />
l’immigration économique. Par ailleurs, la<br />
proportion de réfugiés en Saskatchewan est<br />
plus élevée que dans les deux provinces<br />
voisines, situation attribuable à la politique du<br />
gouvernement consistant à envoyer dans les<br />
Prairies un grand nombre de réfugiés pris en<br />
charge par le gouvernement.<br />
Ces chiffres peuvent faire l’objet d’une analyse<br />
plus approfondie en examinant le nombre de<br />
candidats des provinces, une sous-catégorie de<br />
l’immigration économique. Le Tableau 6 montre<br />
le pourcentage d’immigrants dans cette catégorie<br />
et illustre les répercussions du Programme des<br />
candidats des provinces (PCP) au Manitoba et<br />
en Saskatchewan.<br />
Le PCP permet aux gouvernements provin -<br />
ciaux et territoriaux de jouer un rôle actif<br />
dans le processus d’immigration. L’Alberta, la<br />
Saskatchewan et le Manitoba, comme d’autres<br />
provinces d’ailleurs, ont signé des ententes avec
TABLEAU 5<br />
Immigrants par province et par catégorie d’immigrants, 2003-2007<br />
Catégorie d’immigrants Alberta % Saskatchewan % Manitoba %<br />
Regroupement familial 29 700 31,8 2 314 19,3 6 003 14,0<br />
Immigration économique 50 180 53,8 6 505 54,4 3 057 71,0<br />
Réfugiés 10 987 11,8 2 907 24,3 5 988 13,9<br />
Source : Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (2008).<br />
TABLEAU 6<br />
Candidats des provinces (demandeurs principaux, époux, personnes à charge), 2003-2007<br />
Alberta % Saskatchewan % Manitoba % <strong>Canada</strong> %<br />
3 820 4,0 3 763 31,5 26 134 60,7 49 144 4,0<br />
Source : Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (2008).<br />
le gouvernement du <strong>Canada</strong> afin de pouvoir<br />
sélectionner et désigner les candidats aptes à<br />
répondre à leurs besoins économiques locaux.<br />
Ces candidats doivent respecter les conditions<br />
d’admission prévues par le gouvernement fédéral<br />
en matière de santé et de sécurité, mais ils<br />
ne sont pas assujettis à la grille de sélection<br />
s’appliquant aux travailleurs qualifiés. Ces<br />
ententes constituent une excellente occasion<br />
pour les provinces de promouvoir l’immigration<br />
dans leur région et de combler les besoins<br />
particuliers du marché du travail local.<br />
Les PCP des trois provinces des Prairies ont<br />
considérablement évolué depuis leur création. En<br />
2002, l’Alberta a signé une entente de PCP avec<br />
le gouvernement du <strong>Canada</strong>; à l’automne 2008<br />
ce programme comportait un volet axé sur<br />
l’employeur (comprenant les catégories pour<br />
les diplômés étrangers et pour les travailleurs<br />
spécialisés), un volet pour les familles et un autre<br />
pour les cultivateurs indépendants. L’entente<br />
avec la Saskatchewan, signée en 1998, comprend<br />
les catégories suivantes : travailleurs qualifiés,<br />
membres de la famille, entrepreneurs, proprié -<br />
taires et exploitants de ferme, professionnels de<br />
la santé, conducteurs de grand véhicule routier,<br />
étudiants et projet dans le secteur de l’accueil.<br />
L’entente avec le Manitoba a été signée en<br />
1998 en tant qu’annexe de l’Accord <strong>Canada</strong>-<br />
Manitoba en matière d’immigration, signée en<br />
1996. La province du Manitoba, qui a utilisé le<br />
PCP pour promouvoir l’immigration, est celle<br />
qui a attiré le plus grand nombre d’immigrants<br />
au <strong>Canada</strong>. Le PCP du Manitoba comprend un<br />
volet général (comportant différentes catégories),<br />
un volet d’évaluation prioritaire des étudiants<br />
étrangers, un volet employeur direct ainsi que<br />
des catégories pour les initiatives stratégiques et<br />
les projets d’affaires. Comme l’indique le<br />
Tableau 6, les immigrants participant au PCP du<br />
Manitoba représentaient 60,7 % des immigrants<br />
de la province entre 2003 et 2007, par rapport à<br />
4 % pour l’ensemble du <strong>Canada</strong>. Les données<br />
pour la province de la Saskatchewan sont<br />
également très élevées par rapport à celles de<br />
l’ensemble du <strong>Canada</strong>.<br />
Le recours insistant au PCP peut avoir des<br />
réper cussions considérables sur la croissance<br />
démo graphique des collectivités, comme en<br />
témoigne l’immigration dans les villes de<br />
Steinbach et de Winkler, au Manitoba, qui<br />
comptent parmi les collectivités connaissant<br />
la plus forte croissance dans la province. Selon les<br />
données du Recensement de 2006 de Statistique<br />
<strong>Canada</strong>, la ville de Steinbach a une population de<br />
11 066 habitants, ce qui représente une augmen -<br />
tation de 19,9 % par rapport à 2001 (Statistique<br />
<strong>Canada</strong>, 2007b). Durant la même période, la<br />
population de Winkler a connu une croissance<br />
de 14,6 %, atteignant 9 106 habitants (Ibid.,<br />
2007c). Visiblement, en ce qui a trait à ces deux<br />
villes, l’immigration n’est pas le seul facteur<br />
contribuant à la migration d’entrée et de sortie.<br />
Toutefois, le nombre d’immigrants vivant dans<br />
ces villes est impressionnant. Entre 2003 et 2007,<br />
3 119 personnes ont immigré à Winkler; 93 %<br />
d’entre elles étaient des candidats de la province<br />
ou des personnes à leur charge. Au cours de<br />
la même période, 91 % des 1 839 personnes qui<br />
ont immigré à Steinbach étaient des candidats<br />
de la province. Le Manitoba, qui a conclu des<br />
ententes avec un certain nombre de municipalités,<br />
fait la promotion de l’immigration à l’extérieur<br />
de Winnipeg.<br />
L’augmentation du nombre de personnes<br />
obtenant la citoyenneté canadienne témoigne<br />
Nos diverses cités 17
18 Nos diverses cités<br />
TABLEAU 7<br />
Résidents permanents et personnes ayant déclaré, lors du Recensement,<br />
avoir immigré au <strong>Canada</strong>, 2001-2006<br />
Résidents permanents,<br />
Personnes ayant déclaré,<br />
lors du Recensement, avoir<br />
Province 2001-2006 immigré au <strong>Canada</strong> entre 2001 et 2006 Écart<br />
Alberta 82 900 103 680 +20 780<br />
Saskatchewan 11 812 8 095 -3 717<br />
Manitoba 41 279 31 190 -10 089<br />
Source : Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (2008) et Statistique <strong>Canada</strong> (2008a).<br />
TABLEAU 8<br />
Nombre de travailleurs étrangers temporaires, par province, 2003-2007 a<br />
Année Alberta Saskatchewan Manitoba<br />
2003 11 067 1 541 2 104<br />
2004 12 936 1 733 2 454<br />
2005 15 815 2 017 2 717<br />
2006 22 392 2 200 3 356<br />
2007 37 257 2 998 4 603<br />
a er Ces statistiques font état du nombre de résidents temporaires présents dans le système de Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> au 1 décembre de chaque année.<br />
Source : Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (2007 et 2008).<br />
également du fait que la région réussit à<br />
attirer des personnes souhaitant s’établir de<br />
façon permanente. En 2007, 26 872 résidents<br />
permanents vivant dans les Prairies ont obtenu<br />
la citoyenneté canadienne, par rapport à<br />
seulement 10 798 en 2003.<br />
Migration secondaire<br />
Il y a migration secondaire lorsqu’un immigrant<br />
s’étant installé dans une certaine région du<br />
<strong>Canada</strong> déménage dans une autre région après<br />
avoir obtenu la résidence permanente. Il est<br />
difficile de suivre la situation, puisqu’il n’existe<br />
aucun moyen de quantifier le mouvement des<br />
migrants secondaires et que peu de recherches<br />
sont menées sur le sujet. Toutefois, les<br />
renseignements anecdotiques, qui proviennent<br />
principalement des fournisseurs de services aux<br />
immigrants et des agents des points de service<br />
de Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong>, laissent<br />
entendre qu’un grand nombre d’immigrants<br />
déménagent en Alberta. Les données du Recen -<br />
sement de 2006 de Statistique <strong>Canada</strong> portant sur<br />
le statut d’immigrant et la période d’immigration<br />
fournissent un aperçu de la situation. Le<br />
Tableau 7 compare le nombre d’immi grants<br />
ayant obtenu la résidence permanente dans les<br />
provinces des Prairies entre 2001 et 2006 avec le<br />
nombre d’immigrants ayant déclaré, dans le cadre<br />
du Recensement, être arrivés au <strong>Canada</strong> pendant<br />
la même période (Ibid., 2007a).<br />
Ces données révèlent que l’Alberta a connu<br />
une augmentation nette de plus de 20 000<br />
nouveaux arrivants entre 2001 et 2006, alors<br />
qu’il y a eu une baisse en Saskatchewan et au<br />
Manitoba. Il faut toutefois faire preuve de<br />
prudence avant de tirer des conclusions de ces<br />
résultats, entre autres parce que les données du<br />
Recensement ne portent que sur les immigrants<br />
ayant obtenu la résidence permanente au<br />
<strong>Canada</strong> avant le jour du Recensement, soit le 16<br />
mai 2006, alors que les statistiques relatives aux<br />
résidents permanents portent sur tous ceux<br />
ayant obtenu le statut au cours de l’année. On ne<br />
peut donc pas affirmer avec certitude qu’il y a<br />
une baisse nette du nombre d’immigrants en<br />
Saskatchewan et au Manitoba. Néanmoins, ces<br />
données confirment la notion selon laquelle une<br />
région à l’économie prospère, comme l’Alberta,<br />
accueille de nombreux migrants secondaires.<br />
Travailleurs étrangers temporaires<br />
Entre 2003 et 2007, l’augmentation du nombre<br />
de travailleurs étrangers temporaires dans les<br />
Prairies a été équivalente et même supérieure,<br />
dans le cas de l’Alberta, à l’augmentation du<br />
nombre de résidents permanents. Le Tableau 8<br />
illustre l’augmentation du nombre de travailleurs<br />
étrangers temporaires dans les Prairies entre<br />
2003 et 2007.<br />
Les travailleurs étrangers temporaires consti -<br />
tuent un bassin important de demandeurs de
ésidence permanente. Le PCP de chacune<br />
des trois provinces des Prairies permet à des<br />
travailleurs étrangers temporaires appartenant<br />
à diverses catégories d’obtenir la résidence<br />
permanente; il s’agit d’ailleurs d’un moyen de plus<br />
en plus utilisé dans les trois provinces pour<br />
obtenir la résidence permanente. Au Manitoba,<br />
cette pratique s’est tellement répandue que<br />
certains employeurs ont surnommé le Programme<br />
des travailleurs étrangers temporaires le « pro -<br />
gramme transitoire des travailleurs étrangers ». Le<br />
recours au PCP par Maple Leaf Foods, à Brandon,<br />
en est un bon exemple.<br />
La catégorie fédérale de l’expérience cana dienne<br />
(CEC), mise en œuvre en septembre 2008, offre<br />
aux travailleurs étrangers d’autres moyens<br />
d’obtenir la résidence permanente. Elle permet aux<br />
travailleurs étrangers temporaires qui occupent<br />
depuis au moins deux ans un emploi en gestion ou<br />
un emploi professionnel, spécialisé ou technique<br />
(codes 0, A et B de la Classification nationale<br />
des professions) de présenter une demande de<br />
résidence permanente sans avoir à quitter le<br />
pays. En 2007, un grand nombre de travailleurs<br />
étrangers temporaires dans les Prairies occupaient<br />
des emplois susceptibles de leur permettre de<br />
présenter une demande au titre de la CEC.<br />
TABLEAU 9<br />
Travailleurs étrangers temporaires occupant<br />
une profession visée par les codes 0, A ou B<br />
en 2007<br />
Province Nombre %<br />
Alberta 14 842 40<br />
Saskatchewan 1 657 55<br />
Manitoba 2 030 44<br />
Source : Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (2008).<br />
Ces données ne représentent que les travailleurs<br />
étrangers individuels; bon nombre de ceux qui<br />
ont choisi de devenir résidents permanents seront<br />
accompagnés, éventuellement, par leur époux et<br />
leurs enfants, ce qui contribuera encore davantage<br />
à l’augmentation du nombre d’immigrants.<br />
Le ralentissement économique, dont les effets<br />
ont commencé à se faire sentir au <strong>Canada</strong> à la fin<br />
de 2008, pourrait toutefois avoir des répercussions<br />
temporaires sur cette augmentation.<br />
Conclusion<br />
Compte tenu de la proportion d’immigrants<br />
vivant dans les Prairies par rapport à la<br />
population totale d’immigrants au <strong>Canada</strong>, il<br />
semble improbable que le nombre d’immigrants<br />
dans la province atteigne un jour ce qu’il était au<br />
début du 20 e siècle. Toutefois, depuis 2003, on<br />
constate une augmentation du nombre de<br />
nouveaux arrivants en Alberta, en Saskatchewan<br />
et au Manitoba. L’attrait des économies en plein<br />
essor, combiné à l’utilisation dynamique et ciblée<br />
des PCP et à l’augmentation constante du<br />
nombre de demandeurs de résidence permanente<br />
potentiels se trouvant actuellement au <strong>Canada</strong> à<br />
titre de travailleurs étrangers temporaires,<br />
constituent des facteurs importants contribuant<br />
à cette tendance. La croissance des collectivités<br />
de Winkler et de Steinbach démontre que les<br />
politiques visant à attirer les immigrants peuvent<br />
donner d’excellents résultats même dans les<br />
petits centres; Clifford Sifton en serait ravi.<br />
À propos de l’auteur<br />
RANDY GURLOCK est né à Edmonton et a grandi à<br />
Camrose, en Alberta. Il possède un baccalauréat en histoire<br />
de la University of Alberta. Il a amorcé sa carrière au<br />
gouvernement fédéral en 1983 comme agent d’immigration.<br />
Il occupe actuellement le poste de directeur régional des<br />
bureaux de Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> du Nord<br />
de l’Alberta et des Territoires du Nord-Ouest.<br />
Références<br />
<strong>Canada</strong>. Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (CIC). s.d.<br />
Service d’entreposage des données, Tableaux et publications.<br />
———. Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (CIC). 2007.<br />
Faits et chiffres 2007 – Aperçu de l’immigration : Résidents<br />
permanents et temporaires. Research DataMart.<br />
———. Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (CIC). 2008.<br />
Faits et chiffres 2007 – Aperçu de l’immigration : Résidents<br />
permanents et temporaires, Ottawa, Citoyenneté et<br />
Immigration <strong>Canada</strong>, no Ci1-8/2007F-PD au catalogue.<br />
Consulté à l’adresse<br />
.<br />
———. Statistique <strong>Canada</strong>. 2007a. Profils des communautés<br />
de 2006 : Steinbach, Manitoba, Ottawa, Statistique <strong>Canada</strong>,<br />
no 92-591-XWF au catalogue.<br />
———. Statistique <strong>Canada</strong>. 2007b. Profils des communautés<br />
de 2006 : Winkler, Manitoba, Ottawa, Statistique <strong>Canada</strong>,<br />
no 92-591-XWF au catalogue.<br />
———. Statistique <strong>Canada</strong>. 2007c. Profils des communautés<br />
de 2006 : Alberta, Saskatchewan, Manitoba, Ottawa,<br />
Statistique <strong>Canada</strong>, no 92-591-XWF au catalogue.<br />
Nos diverses cités 19
Tendances récentes de la<br />
migration vers des centres de<br />
troisième rang dans les Prairies *<br />
LORI WILKINSON ET ALISON KALISCHUK<br />
University of Manitoba<br />
20 Nos diverses cités<br />
De petites villes peuvent réussir à attirer les migrants. Le secret de leur<br />
réussite à long terme consiste cependant à encourager ces nouveaux<br />
arrivants à s’installer en permanence dans leur région d’adoption.<br />
Jusqu’à tout récemment, la migration vers des<br />
collectivités de troisième rang au <strong>Canada</strong> n’a pas<br />
suscité beaucoup d’intérêt. Grâce à dix accords<br />
conclus entre le gouvernement fédéral et les<br />
provinces, qui permettent à ces dernières de jouer<br />
un plus grand rôle dans le maintien d’immi -<br />
grants dans leurs collectivités, l’établissement<br />
des migrants internationaux pourrait devenir<br />
un important facteur dans la croissance démo -<br />
graphique pour de nombreux centres de<br />
troisième rang dans les Prairies. Le Programme<br />
des candidats des provinces (PCP), qui a<br />
connu un vif succès, est l’un des principaux<br />
programmes auxquels les provinces ont recours<br />
afin d’inciter les immigrants à s’établir dans des<br />
centres de troisième rang. Une des provinces des<br />
Prairies, le Manitoba, a ouvert la voie en mettant<br />
sur pied un programme qui non seulement<br />
attire les immigrants, mais qui a sans contredit<br />
modifié le mouvement de la population, comme<br />
l’indiquent les chiffres donnés plus loin. Le but<br />
du présent article consiste à fournir un aperçu<br />
de la migration vers les centres de troisième rang<br />
des Prairies. Pour ce faire, nous posons les<br />
questions suivantes : La migration vers ces<br />
régions augmente-t-elle ou diminue-t-elle ? Les<br />
provinces des Prairies sont-elles différentes des<br />
* Les auteures remercient Statistique <strong>Canada</strong>, Citoyenneté et<br />
Immigration <strong>Canada</strong> (CIC) et le Centre <strong>Metropolis</strong> des Prairies des<br />
totalisations personnalisées qui leur ont été fournies. Les opinions<br />
exprimées dans cet article sont celles des auteures et ne reflètent<br />
pas celles des organisations leur ayant fourni les données.<br />
autres provinces quant au nombre et à la<br />
distribution des migrants ? Nous fournissons<br />
également de l’information au sujet des<br />
travailleurs étrangers temporaires (TET) qui se<br />
dirigent vers les centres de troisième rang, compte<br />
tenu de leur contribution vitale au marché du<br />
travail dans les régions rurales des Prairies. Bien<br />
qu’il soit peut-être trop tôt pour évaluer l’efficacité<br />
des nouveaux PCP, les données chronologiques<br />
présentées dans cet article pourront aider les cher -<br />
cheurs à replacer les chiffres dans leur contexte à<br />
mesure que les provinces publieront les données<br />
concernant leurs PCP respectifs.<br />
La migration vers les centres<br />
de troisième rang 1<br />
Les totalisations personnalisées établies pour le<br />
projet <strong>Metropolis</strong> par Statistique <strong>Canada</strong> (2005) 2<br />
révèlent les schémas migratoires des immigrants<br />
1 Plusieurs difficultés inattendues se sont présentées pendant<br />
la rédaction du présent article, entre autres celle de trouver<br />
des statistiques récentes sur la migration provinciale.<br />
Bien que la publication Faits et chiffres de CIC demeure<br />
la principale source d’information sur les statistiques<br />
concernant la migration, ses tableaux n’aident pas à<br />
comprendre les caractéristiques des migrants au niveau<br />
provincial. En outre, Faits et chiffres ne publie pas de données<br />
liées à l’ampleur et aux caractéristiques de l’immigration vers<br />
des centres de troisième rang. Le problème de la diffusion<br />
des données n’est pas d’ordre uniquement fédéral; les<br />
gouvernements provinciaux ne fournissent pas non plus<br />
d’information détaillée à ce sujet. Il a été extrêmement<br />
difficile de trouver des renseignements au sujet des
FIGURE 1<br />
Immigrants habitant une région rurale selon leur période d’arrivée au <strong>Canada</strong>, avant 1971 à 2001<br />
70 %<br />
60 %<br />
50 %<br />
40 %<br />
30 %<br />
20 %<br />
10 %<br />
0 %<br />
Avant 1971 1971-1980 1981-1990 1991-1995 1996-2001<br />
Source : Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (2005).<br />
selon leur lieu d’établissement et d’autres<br />
caractéristiques. Un de ces schémas décrit la<br />
diminution de l’établissement des nouveaux<br />
migrants dans les régions rurales. La Figure 1<br />
montre la chute marquée du nombre de<br />
nouveaux immigrants qui résident dans les<br />
centres de troisième rang. Les migrants arrivés<br />
au <strong>Canada</strong> avant 1971 (29 %) sont environ trois<br />
fois plus enclins à résider dans des centres de<br />
troisième rang que ceux qui sont arrivés plus<br />
récemment (c’est le cas de 9 % seulement de<br />
ceux qui sont arrivés entre 1991 et 2001). Ces<br />
chiffres sont appuyés par Clemenson et Pitblado<br />
(2007), dont les résultats indiquent que moins<br />
de 32 000 immigrants se sont établis dans<br />
les régions rurales entre 1996 et 2001 et qu’ils<br />
représentent moins de 1 % des résidants ruraux<br />
au <strong>Canada</strong>. Si les schémas d’établissement<br />
dans trois provinces des Prairies sont pris en<br />
compte séparément, la situation est légèrement<br />
différente, mais on constate tout de même une<br />
villes de troisième rang à l’extérieur du Manitoba, province<br />
qui possède les données les plus facilement accessibles<br />
sur les migrants. Nous avons cependant l’impression<br />
qu’à mesure que la popularité du PCP augmentera en<br />
Saskatchewan et en Alberta, des statistiques plus<br />
détaillées seront publiées.<br />
2<br />
Au moment de la rédaction du présent article, les<br />
totalisations les plus récentes sur les centres de troisième<br />
rang faisaient état des données du Recensement de 2001.<br />
Les chercheurs de <strong>Metropolis</strong> attendent la publication des<br />
tableaux fondés sur le Recensement de 2006.<br />
diminution. Selon Sorensen (2007), la population<br />
rurale du Manitoba, de la Saskatchewan et<br />
de l’Alberta représente actuellement 21 % de<br />
la population provinciale, en baisse de 29 %<br />
par rapport à 1970. Ses calculs démontrent que<br />
la population rurale de l’Alberta a en fait<br />
augmenté de 32 % au cours des 30 dernières<br />
années, par rapport à 8 % en Saskatchewan et à<br />
4 % au Manitoba. En résumé, cette diminution<br />
ne signifie pas que la population rurale n’a pas<br />
augmenté, mais que la croissance n’équivalait<br />
pas à celle des centres urbains.<br />
L’immigration vers les trois provinces des<br />
Prairies, comme pour les autres provinces, est<br />
prin cipalement urbaine. Les données fournies par<br />
le projet <strong>Metropolis</strong> et compilées dans le Tableau 1<br />
révèlent qu’en 2001, 26 % des immigrants au<br />
<strong>Canada</strong> vivaient dans des régions rurales et que<br />
26 % des résidents temporaires vivaient dans des<br />
régions rurales. Quand on compare les provinces,<br />
on constate un schéma différentiel d’établis -<br />
sement urbain ou rural entre les résidents<br />
permanents et les résidents temporaires. Les<br />
résidents temporaires sont plus susceptibles de<br />
vivre dans des régions rurales à Terre-Neuve-et-<br />
Labrador (52 %) que dans toute autre province.<br />
Plus de 40 % des migrants temporaires vivent<br />
dans les régions rurales à l’Île-du-Prince-Édouard<br />
(48 %) et au Nouveau-Brunswick (41 %). Les<br />
résidents temporaires sont moins susceptibles<br />
de vivre dans les régions rurales du Québec<br />
(5 %), de la Colombie-Britannique (20 %) et de<br />
Terre-Neuve-et-Labrador<br />
Île-du-Prince-Édouard<br />
Nouvelle-Écosse<br />
Nouveau-Brunswick<br />
Québec<br />
Ontario<br />
Manitoba<br />
Saskatchewan<br />
Alberta<br />
Colombie-Britannique<br />
Nos diverses cités 21
22 Nos diverses cités<br />
TABLEAU 1<br />
Immigration urbaine et rurale, <strong>Canada</strong>, 2001<br />
Immigrants Résidents temporaires Nés au <strong>Canada</strong><br />
N (%) N (%) N (%)<br />
Terre-Neuve-et-Labrador 8 030 955 499 095<br />
RMR de St. John’s 4 885 (60,80) 455 (47,60) 165 765 (33,20)<br />
Rurale 3 145 (39,20) 500 (52,40) 333 330 (66,80)<br />
Île-du-Prince-Édouard 4 140 310 128 935<br />
AR de Charlottetown 2 200 (53,10) 160 (51,60) 54 935 (42,60)<br />
Rurale 1 940 (46,90) 150 (48,40) 74 000 (57,40)<br />
Nouvelle-Écosse 41 320 2 595 853 660<br />
RMR de Halifax 24 390 (59,00) 1 945 (75,00) 329 605 (38,60)<br />
AR de Cap Breton 1 780 (4,30) 115 (4,40) 105 980 (12,40)<br />
Rurale 15 150 (36,70) 535 (20,00) 418 075 (49,00)<br />
Nouveau-Brunswick 22 465 1 685 695 555<br />
RMR de Saint John 4 615 (20,50) 415 (24,60) 116 305 (16,70)<br />
AR de Moncton 3 360 (15,00) 240 (14,20) 112 220 (16,10)<br />
AR de Fredericton 4 460 (19,90) 340 (20,20) 75 885 (10,90)<br />
Rurale 10 030 (44,60) 690 (40,90) 391 145 (56,20)<br />
Québec 706 970 40 195 6 378 420<br />
Région métropolitaine totale 668 710 (94,60) 38 405 (95,50) 4 040 180 (63,30)<br />
Rurale 38 255 (5,40) 1 790 (4,50) 2 338 235 (36,70)<br />
Ontario 3 030 075 90 615 8 164 860<br />
RMR de Toronto 2 032 960 (67,10) 58 135 (64,20) 2 556 855 (31,30)<br />
Autre a 997 115 (32,90) 32 480 (35,80) 5 608 005 (68,70)<br />
Manitoba 133 655 4 520 965 520<br />
RMR de Winnipeg 109 385 (81,80) 3 365 (74,40) 548 970 (56,90)<br />
Rurale 24 270 (18,20) 1 155 (25,60) 416 550 (43,10)<br />
Saskatchewan 47 825 3 105 912 220<br />
RMR de Regina 14 010 (29,30) 870 (28,00) 175 135 (19,20)<br />
RMR de Saskatoon 16 870 (35,30) 1 370 (44,10) 204 390 (22,40)<br />
Rurale 16 945 (35,40) 865 (27,90) 532 695 (58,40)<br />
Alberta 438 335 17 275 2 485 540<br />
RMR de Calgary 197 410 (45,00) 7 590 (43,90) 738 310 (29,70)<br />
RMR d’Edmonton 165 235 (37,70) 5 820 (33,70) 755 965 (30,40)<br />
Rurale 75 690 (17,30) 3 865 (22,40) 991 265 (39,90)<br />
Colombie-Britannique 1 009 820 37 190 2 821 865<br />
RMR d’Abbotsford 31 655 (3,10) 765 (2,10) 112 570 (4,00)<br />
RMR de Vancouver 738 550 (73,10) 29 165 (78,40) 1 199 760 (42,50)<br />
Rurale 239 615 (23,70) 7 260 (19,50) 1 509 535 (53,50)<br />
<strong>Canada</strong> 5 448 485 198 645 23 991 905<br />
RMR urbaine 4 020 475 (73,80) 149 155 (75,00) 11 292 830 (47,00)<br />
Rurale 1 428 010 (26,00) 49 490 (25,00) 12 699 075 (53,00)<br />
a<br />
Comprend les principales régions métropolitaines de recensement (RMR) qui accueillent des immigrants, à savoir : Hamilton, Kitchener, Windsor, London, Ottawa et St. Catharines.<br />
Source : Statistique <strong>Canada</strong> (2005). Calculs spéciaux fondés sur le Recensement du <strong>Canada</strong> de 2001.<br />
l’Alberta (22 %). Le Manitoba (26 %) et la<br />
Saskatchewan (28 %) ont les taux les plus<br />
élevés de résidents temporaires dans les régions<br />
rurales des Prairies.<br />
Les provinces suivantes ont les proportions les<br />
plus élevées de résidents permanents dans les<br />
régions rurales : Île-du-Prince-Édouard (47 %),<br />
Nouveau-Brunswick (45 %) et Terre-Neuveet-Labrador<br />
(39 %). Ces chiffres doivent être<br />
examinés en tenant compte du fait que ces<br />
trois provinces de l’Atlantique reçoivent le plus<br />
petit nombre d’immigrants au <strong>Canada</strong>. Dans<br />
les Prairies, la Saskatchewan a la proportion la<br />
plus élevée de résidants ruraux (35 %), suivie de<br />
loin par le Manitoba (18 %) et l’Alberta (17 %).<br />
Bien sûr, puisque ces chiffres reposent sur les<br />
totalisations établies à partir des données du<br />
Recensement de 2001, ils ne tiennent pas compte<br />
du nombre de migrants qui sont arrivés dans le<br />
cadre des différents PCP instaurés après cette date.
Les immigrants, comme les Canadiens nés au <strong>Canada</strong>, s’établissent dans des endroits<br />
où il y a des possibilités d’emploi et où ils ont des réseaux familiaux et sociaux.<br />
Des analyses […] révèlent que les questions liées à l’emploi touchent plus de<br />
50 % des migrants récents, et qu’un migrant sur cinq a cité la difficulté à<br />
trouver un emploi comme principal obstacle à l’établissement.<br />
Tendances récentes dans les Prairies<br />
L’examen des chiffres plus récents fournis par les<br />
provinces permet de dégager des tendances<br />
quelque peu différentes. Le ministère de<br />
l’Enseignement postsecondaire, de l’Emploi et du<br />
Travail de la Saskatchewan (2008) signale qu’en<br />
2007, près de 2 500 immigrants sont entrés<br />
dans la province dans le cadre du PCP, soit<br />
une augmentation de plus de 2 200 depuis la mise<br />
sur pied du programme en 2003. Ces immigrants,<br />
à eux seuls, sont plus nombreux que toutes les<br />
autres catégories de migrants dans cette province.<br />
Selon Garcea (2007), une grande majorité de ces<br />
migrants ont choisi de vivre dans les deux plus<br />
grands centres. Saskatoon et Regina accueillent<br />
proportionnellement 35 % plus d’immigrants,<br />
par rapport aux centres de troisième rang<br />
de la province, qui accueillent 45 % moins<br />
d’immi grants, selon la densité de la population.<br />
Saskatoon attire 46 % de tous les migrants dans<br />
cette province, tandis que Regina en attire 26 %.<br />
Les 28 % qui restent résident dans des centres plus<br />
petits, même si les résidants ruraux représentent<br />
56 % de la population de la province (Statistique<br />
<strong>Canada</strong>, 2008). Malgré la question du déséquilibre<br />
entre l’établissement rural et urbain, le nombre<br />
global d’immigrants en Saskatchewan continue<br />
d’augmenter. Selon les données officielles, entre<br />
2007 et 2008, 3 517 immigrants sont arrivés dans<br />
cette province, soit une augmen tation de 29 %.<br />
Cette situation serait presque entièrement<br />
attribuable au PCP (Ministère de l’Enseignement<br />
postsecondaire, de l’Emploi et du Travail de la<br />
Saskatchewan, 2008).<br />
L’Alberta, contrairement à la Saskatchewan,<br />
n’a connu qu’une augmentation modeste dans le<br />
nombre d’immigrants arrivés au cours des cinq<br />
dernières années. L’Alberta, quatrième province<br />
de destination la plus populaire pour les<br />
immigrants (après l’Ontario, la Colombie-<br />
Britannique et le Québec), accueille chaque<br />
année, de façon constante, entre 14 000 et<br />
20 000 migrants (CIC, 2008b). En 2004 3 , 16 469<br />
migrants sont arrivés dans cette province. De ce<br />
nombre, 29 % se sont établis à Edmonton et 57 %<br />
à Calgary (Alberta Office of Institutional<br />
Statistics, 2008). Pour permettre de mieux<br />
comprendre le déséquilibre entre les<br />
destinations urbaines et rurales des immigrants<br />
arrivant en Alberta, mentionnons que la<br />
population d’Edmonton représente 31 % des<br />
résidants de la province, tandis que la<br />
population de Calgary en représente 32 %<br />
(Statistique <strong>Canada</strong>, 2008). Par conséquent, très<br />
peu d’immigrants se sont établis dans les centres<br />
de troisième rang de l’Alberta, y compris Red<br />
Deer (1,5 %), Lethbridge (1,1 %) ou Medicine Hat<br />
(0,9 %). La préférence des migrants pour Calgary<br />
et Edmonton n’a pas changé depuis 1995 4 (Ibid.).<br />
En résumé, les tendances pour l’Alberta<br />
révèlent une légère augmentation du nombre<br />
d’immigrants (en 2004, cette province avait<br />
accueilli environ 2 000 immigrants de plus qu’en<br />
1995), mais la proportion de migrants ayant<br />
choisi de vivre dans les régions rurales<br />
n’a pas changé : moins de 15 % ont choisi de<br />
s’établir dans ces plus petits centres.<br />
La situation au Manitoba est considérablement<br />
différente en ce qui a trait à l’établissement rural<br />
des migrants au cours des cinq dernières années.<br />
Cette différence est attribuable en grande partie à<br />
la réussite remarquable du PCP de la province.<br />
Mis sur pied en 1998 et renouvelé indéfiniment<br />
en 2003, ce programme vise principalement<br />
à attirer vers le Manitoba 3,8 % de tous les<br />
immigrants au <strong>Canada</strong>. Ce pourcentage représente<br />
la proportion du Manitoba par rapport à celle<br />
du <strong>Canada</strong> (CIC, 2001). En 2006, cette province a<br />
surpassé cet objectif, surtout en raison de son<br />
PCP. Cette année-là, 50 % de tous les immigrants<br />
qui se sont établis dans le cadre des différents<br />
PCP au <strong>Canada</strong> projetaient de s’établir au<br />
3<br />
Année pour laquelle les données les plus récentes concernant<br />
les petits centres dans cette province ont été publiées.<br />
Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> ne publie pas de<br />
données pour les plus petites régions non urbaines.<br />
4<br />
La préférence pour Calgary plutôt qu’Edmonton est<br />
demeurée constante au cours des dix dernières années,<br />
Calgary ayant accueilli jusqu’à 25 % plus d’immigrants<br />
qu’Edmonton durant cette période.<br />
Nos diverses cités 23
TABLEAU 2<br />
Taux de maintien des immigrants par province, 1980 à 2000<br />
Manitoba (N = 6 661) 5 . Cependant, il y a toujours<br />
un déséquilibre entre le nombre d’immigrants<br />
qui s’établissent à Winnipeg (76 %), par rapport<br />
à ceux qui s’établissent dans les plus petits<br />
centres de la province (24 %). La ville de<br />
Winnipeg compte 60 % de la population de la<br />
province, mais elle attire plus de 76 % de tous les<br />
immigrants (Travail et Immigration Manitoba,<br />
2008). Ce déséquilibre entre les villes et les<br />
régions rurales n’est toutefois pas aussi énorme<br />
que ceux de la Saskatchewan et de l’Alberta.<br />
Winkler, ville de 9 106 habitants, a attiré<br />
710 immigrants en 2007, ce qui représente une<br />
augmentation de près de 8 % de sa population,<br />
fondée uniquement sur l’arrivée de migrants.<br />
D’autres petits centres, comme Brandon (48 256<br />
habitants) et Steinbach (11 066 habitants), ont<br />
attiré respectivement 642 et 369 immigrants au<br />
cours de la même année (Statistique <strong>Canada</strong>,<br />
2008; Travail et Immigration Manitoba, 2008).<br />
En résumé, de petites villes peuvent réussir à<br />
attirer les migrants. Le secret de leur réussite à<br />
long terme consiste cependant à encourager ces<br />
nouveaux arrivants à s’installer en permanence<br />
dans leur région d’adoption.<br />
Bien que les trois provinces des Prairies ne<br />
ménagent pas leurs efforts pour attirer les<br />
immigrants afin qu’ils s’établissent dans des<br />
centres de troisième rang, les chercheurs n’ont<br />
pas entrepris un examen des taux de maintien.<br />
À l’aide de la base de données sur l’immigration<br />
(BDIM) 6 , Wilkinson et Pettigrew (2007) ont<br />
constaté que les provinces des Prairies ne<br />
gardent pas les migrants aussi bien que les autres<br />
provinces. Selon le Tableau 2, près de 75 % des<br />
Province de Migration Taux de<br />
premier établissement vers l’extérieur maintien (%)<br />
Provinces de l’Atlantique 21 530 10 340 (52,0)<br />
Québec 214 700 43 940 (79,5)<br />
Ontario 668 625 40 310 (94,0)<br />
Manitoba 41 855 14 305 (65,8)<br />
Saskatchewan 16 300 9 185 (43,7)<br />
Alberta 113 135 28 945 (74,4)<br />
Colombie-Britannique 194 65 18 310 (90,6)<br />
Total 1 270 710 165 335 (87,0)<br />
Source : Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (2007b).<br />
24 Nos diverses cités<br />
5 Fondé sur les calculs publiés par Travail et Immigration<br />
Manitoba (2007) et Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong><br />
(2007b).<br />
immigrants qui prévoient s’établir en Alberta y<br />
restent, par rapport à seulement 66 % de ceux<br />
qui prévoient s’établir au Manitoba et 44 % de<br />
ceux qui prévoient s’établir en Saskatchewan.<br />
Quand on compare ce taux de maintien à celui<br />
des autres provinces, on constate qu’il est<br />
beaucoup plus bas que le taux national moyen<br />
de 87 %. Cette situation est principalement attri -<br />
buable à la tendance des migrants qui s’établissent<br />
en Ontario et en Colombie-Britannique à demeurer<br />
dans ces provinces de façon permanente après<br />
leur établissement.<br />
Possibilités économiques et migration<br />
Les immigrants, comme les Canadiens nés au<br />
<strong>Canada</strong>, s’établissent dans des endroits où il y a<br />
des possibilités d’emploi et où ils ont des réseaux<br />
familiaux et sociaux. Des analyses de l’Enquête<br />
longitudinale auprès des immigrants du <strong>Canada</strong><br />
(Schellenberg et Maheux, 2007) révèlent que les<br />
questions liées à l’emploi touchent plus de 50 %<br />
des migrants récents, et qu’un migrant sur<br />
cinq a cité la difficulté à trouver un emploi<br />
convenable comme principal obstacle à<br />
l’établissement. Des données de Citoyenneté et<br />
Immigration <strong>Canada</strong> (2000) et d’autres études<br />
indiquent que les immigrants de la catégorie<br />
économique (investisseurs, employés autonomes,<br />
travailleurs qualifiés) et les réfugiés qui<br />
prévoient s’installer vers des centres de deuxième<br />
et de troisième rang sont plus enclins<br />
6<br />
La BDIM (Banque de données longitudinales sur les<br />
immigrants) est un fichier à accès restreint qui relie le<br />
Système fédéral de données sur les immigrants admis de<br />
Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> aux dossiers fiscaux de<br />
Revenu <strong>Canada</strong>. Ces données servent à suivre le rendement<br />
économique des immigrants, leur mobilité au <strong>Canada</strong> et<br />
leurs changements d’emploi au fil du temps.
TABLEAU 3<br />
Travailleurs étrangers temporaires par province des Prairies et région urbaine<br />
1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007<br />
Manitoba 1 591 1 841 1 790 1 712 1 470 1 305 1 506 1 791 2 150 2 878<br />
Winnipeg 1 041 1 372 1 197 1 158 887 834 922 1 008 1 265 1 579<br />
(%) (65) (75) (67) (68) (60) (64) (61) (56) (59) (55)<br />
Autre 550 469 593 554 584 471 584 783 885 1 299<br />
(%) (35) (25) (33) (32) (40) (36) (39) (44) (41) (45)<br />
Saskatchewan 1 102 1 059 1 113 982 940 863 969 1 295 1 340 1 851<br />
Regina 266 290 288 204 246 192 198 252 270 362<br />
(%) (24) (27) (26) (21) (26) (22) (20) (19) (22) (14)<br />
Saskatoon 294 285 324 339 317 255 360 406 461 702<br />
(%) (27) (27) (29) (35) (34) (30) (37) (31) (34) (38)<br />
Autre 542 484 501 439 377 416 411 637 609 787<br />
(%) (49) (46) (45) (45) (40) (48) (42) (49) (45) (43)<br />
Alberta 7 341 7 227 8 118 8 393 7 300 6 768 7 840 9 592 14 652 24 371<br />
Calgary 2 854 2 548 2 991 2 996 2 635 2 491 3 010 3 574 4 948 7 431<br />
(%) (39) (35) (37) (36) (36) (37) (38) (37) (34) (30)<br />
Red Deer 123 168 159 88 71 70 119 273 164 393<br />
(%) (2) (2) (2) (1) (1) (1) (2) (3) (1) (2)<br />
Edmonton 1 833 1 786 1 994 2 173 1 712 1 503 1 546 1 615 2 455 5 368<br />
(%) (25) (25) (25) (26) (23) (22) (20) (17) (17) (22)<br />
Wood Buffalo 75 96 121 135 96 90 123 273 421 495<br />
(%) (1) (1) (1) (2) (1) (1) (2) (3) (3) (2)<br />
Autre 2 456 2 629 2 853 3 001 2 786 2 614 3 042 3 857 6 664 10 684<br />
(%) (33) (36) (35) (36) (38) (39) (39) (40) (45) (44)<br />
Total : Prairies 10 034 10 127 11 021 11 087 9 710 8 936 10 315 12 678 18 142 29 100<br />
Source : Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (2008a).<br />
à s’installer dans des villes de premier rang<br />
après leur arrivée au <strong>Canada</strong>, surtout en raison<br />
des meilleures possibilités d’emploi. L’attrait des<br />
grandes villes n’est pas nouveau; dans des études<br />
distinctes, Trovato (1988) et Newbold (1996)<br />
laissent entendre que la raison principale pour<br />
laquelle les immigrants se redirigent vers les<br />
grandes villes est l’existence de meilleures<br />
possibilités de travail et de communautés<br />
ethniques bien établies. Aux États-Unis, les<br />
immigrants ne sont pas différents de ceux<br />
du <strong>Canada</strong>. En effet, ils sont principalement<br />
[Traduction] « attirés vers les grandes villes où il y<br />
a des adultes instruits et des salaires élevés »<br />
(Scott, Coomes et Izyumov, 2005, p. 113).<br />
Après l’entrée en vigueur de la catégorie<br />
de l’expérience canadienne, le gouvernement<br />
a signalé son intention d’encourager les<br />
travailleurs étrangers temporaires (TET) à<br />
demeurer au <strong>Canada</strong>, notamment en facilitant<br />
leur transition de résidents temporaires à<br />
résidents permanents une fois qu’ils ont respecté<br />
leurs engagements par rapport à l’emploi. Le<br />
nombre de TET au <strong>Canada</strong> a considérablement<br />
augmenté au cours de la dernière décennie. En<br />
1998, un peu moins de 66 000 TET résidaient<br />
au <strong>Canada</strong>. En 2007, un peu plus de 115 000<br />
migrants étaient entrés au pays sous cette<br />
catégorie, soit presque deux fois plus que dix ans<br />
plus tôt (CIC, 2008a). Dans les Prairies, c’est<br />
l’Alberta qui a accueilli le plus grand nombre de<br />
migrants dans cette catégorie. En effet, 24 371<br />
migrants sont arrivés en Alberta en 2007, ce qui<br />
représente 84 % de tous ceux qui sont venus<br />
dans les Prairies, soit une augmentation de<br />
11 % par rapport à 1998. Un examen plus appro -<br />
fondi des tendances révèle aussi que le nombre<br />
de TET a augmenté de façon notable en Alberta,<br />
passant de 7 227 en 1999 à 24 371 l’année<br />
dernière. En fait, près de 10 000 nouveaux TET<br />
sont arrivés dans cette province en 2006 et 2007.<br />
Pour leur part, la Saskatchewan et le Manitoba<br />
ont connu des augmentations modestes du<br />
nombre de TET qui ont choisi de s’établir sur leur<br />
territoire. Le Manitoba a vu presque doubler le<br />
nombre de ses TET de 1998 à 2007.<br />
Les TET fournissent une main-d’œuvre<br />
précieuse aux petits centres dans les Prairies.<br />
Leur distribution dans les petits centres est<br />
similaire dans les trois provinces des Prairies.<br />
Un peu plus de la moitié de tous les travailleurs<br />
temporaires qui se sont installés au Manitoba<br />
Nos diverses cités 25
TABLEAU 4<br />
Travailleurs étrangers qui reviennent, par province et par région urbaine<br />
1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007<br />
Manitoba 949 958 999 949 826 604 656 632 851 1 056<br />
Winnipeg 616 626 686 618 536 411 384 395 500 582<br />
(%) (65) (65) (69) (65) (65) (68) (59) (63) (59) (55)<br />
Autre 333 332 313 331 290 193 272 237 351 474<br />
(%) (35) (35) (31) (35) (35) (32) (41) (38) (41) (45)<br />
Saskatchewan 533 508 399 387 370 325 336 460 562 630<br />
Regina 72 85 85 67 88 79 81 84 101 119<br />
% (14) (17) (21) (17) (24) (24) (24) (18) (18) (19)<br />
Autre 461 423 314 320 282 246 255 376 461 511<br />
% (86) (83) (79) (83) (76) (76) (76) (82) (82) (81)<br />
Alberta 2 810 2 872 2 803 3 006 2 727 2 443 2 732 3 116 3 903 5 034<br />
Calgary 958 953 844 885 804 793 918 1 029 1 161 1 363<br />
(%) (34) (33) (30) (29) (29) (32) (34) (33) (30) (27)<br />
Edmonton 670 688 726 748 638 540 592 532 570 773<br />
(%) (24) (24) (26) (25) (23) (22) (22) (17) (15) (15)<br />
Autre 1 182 1 231 1 233 1 373 1 285 1 110 1 222 1 555 2 172 2 898<br />
(%) (42) (43) (44) (46) (47) (45) (45) (50) (56) (58)<br />
Total : Prairies 4 292 4 338 4 201 4 342 3 923 3 372 3 724 4 208 5 316 6 720<br />
Source : Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (2008a).<br />
26 Nos diverses cités<br />
résident à Winnipeg, et le reste, soit 45 %,<br />
vivent dans des centres de troisième rang.<br />
En Saskatchewan, 58 % de ces travailleurs<br />
résident à Saskatoon ou à Regina et le reste, soit<br />
42 %, vivent dans des centres de troisième rang.<br />
En Alberta, 53 % des TET vivent à Edmonton et<br />
à Calgary, et le reste, soit 47 %, résident ailleurs.<br />
Les TET qui reviennent au <strong>Canada</strong> tendent<br />
à être ceux qui sont les plus intéressés par la<br />
résidence permanente. C’est le groupe qui est<br />
le plus enclin à présenter une demande sous<br />
la catégorie de l’expérience canadienne, s’ils<br />
répondent aux exigences. En 2007, près de<br />
50 000 TET sont revenus travailler au <strong>Canada</strong><br />
sous cette catégorie, par rapport à 34 000<br />
seulement dix ans plus tôt (CIC, 2008a). Dans<br />
les Prairies, le nombre de personnes qui sont<br />
revenues au pays est demeuré constant en<br />
Saskatchewan et au Manitoba. En 2007, 630 TET<br />
sont revenus travailler en Saskatchewan, par<br />
rapport à 533 en 1998. Au Manitoba, la tendance<br />
est similaire : 949 personnes y sont revenues en<br />
1998 et 1056 en 2007. Cependant, un plus grand<br />
nombre d’entre eux vivaient dans des centres de<br />
troisième rang en 2007 (45 %) qu’en 1998 (35 %).<br />
L’Alberta comporte le plus grand nombre de<br />
personnes qui reviennent sous cette catégorie.<br />
En 1998, seulement 2 810 TET sont revenus<br />
travailler dans cette province, mais en 2007,<br />
5 034 y étaient de retour pour travailler, soit<br />
presque le double par rapport à dix ans<br />
auparavant. L’Alberta absorbe 75 % de tous les<br />
TET qui reviennent travailler dans la région des<br />
Prairies. Dans cette province, 58 % des employés<br />
qui reviennent vivent dans des centres de<br />
troisième rang, tandis qu’au Manitoba, ils ne<br />
sont que 45 % 7 . Les centres de troisième rang qui<br />
souhaitent attirer les immigrants pourraient<br />
obtenir de bons résultats en encourageant les<br />
TET à s’établir en permanence au pays en<br />
présentant une demande sous la catégorie de<br />
l’expérience canadienne. Il est nécessaire de<br />
suivre la migration secondaire parmi les TET qui<br />
désirent obtenir le statut de résident permanent<br />
sous la catégorie de l’expérience canadienne,<br />
afin de s’assurer qu’il s’agit bien d’un<br />
programme viable pour attirer plus de migrants<br />
résidents vers les régions rurales.<br />
Conclusion<br />
Ce bref rapport de synthèse a donné un aperçu de<br />
la migration vers les centres de troisième rang au<br />
<strong>Canada</strong>, mais de nombreuses questions demeurent<br />
sans réponse. Si les trois provinces des Prairies<br />
sont déterminées à attirer et à garder leurs popu -<br />
lations migrantes, nous exhortons les gouver -<br />
nements à diffuser davantage de statistiques en<br />
7<br />
Il est impossible de calculer au moyen des données<br />
auxquelles nous avons accès le nombre de personnes qui<br />
reviennent travailler dans les centres de troisième rang<br />
en Saskatchewan.
temps opportun. À l’heure actuelle, seul le<br />
Manitoba publie des statistiques sur la migration<br />
vers les centres de troisième rang qui soient<br />
facilement accessibles aux chercheurs non<br />
gouvernementaux. Nous espérons que le<br />
gouvernement de l’Alberta améliorera son site<br />
Web sur les statistiques, notamment pour les<br />
renseignements addi tionnels sur les migrants<br />
qu’elle a attirés. Nous encourageons la<br />
Saskatchewan à rendre ses statistiques plus<br />
accessibles au public. Dans le même ordre<br />
d’idées, nous souhaitons que CIC fournisse<br />
plus de détails au sujet des caractéristiques des<br />
migrants dans les centres de troisième rang<br />
dans son rapport annuel Faits et chiffres.<br />
En outre, nous invitons les trois provinces et<br />
les chercheurs à examiner de près les taux de<br />
maintien des migrants, surtout avec le recours<br />
accru au PCP et à la catégorie de l’expérience<br />
canadienne par les TET qui désirent obtenir le<br />
statut de résident permanent pour s’installer au<br />
<strong>Canada</strong>. Certes, les programmes des candidats<br />
des provinces sont utiles en ce qu’ils diminuent<br />
les délais de traitement des demandes et<br />
de l’arrivée au <strong>Canada</strong>, mais encouragentils<br />
vraiment une plus grande distribution<br />
géographique des migrants ? Des recherches<br />
préliminaires effectuées au Manitoba (Wilkinson<br />
et Pettigrew, 2007) indiquent qu’un nombre<br />
considérable de migrants qui se sont dirigés vers<br />
cette province se réinstallent ailleurs par la suite.<br />
En raison des données insuffisantes, il est<br />
impossible, dans la BDIM, de distinguer les<br />
personnes qui arrivent à titre de candidats des<br />
provinces de celles qui arrivent sous d’autres<br />
catégories. Au moment de la préparation du<br />
rapport, il serait toutefois intéressant tant sur le<br />
plan politique que pratique de voir si ces<br />
programmes encouragent vraiment les migrants<br />
à rester, surtout ceux qui vont s’installer dans les<br />
centres de troisième rang. Il serait également<br />
utile de savoir si le PCP est utilisé comme moyen<br />
d’entrée irrégulier encourageant fortement les<br />
migrations secondaires, en particulier dans<br />
les régions rurales. Il se peut que certaines<br />
provinces, comme le Manitoba, aient besoin de<br />
réexaminer leur façon d’attirer les candidats des<br />
provinces si bon nombre d’entre eux repartent<br />
par la suite. Dans le même ordre d’idées,<br />
une fois que les données sur la catégorie de<br />
l’expérience canadienne seront disponibles, il<br />
sera intéressant d’effectuer un suivi des données<br />
sur la migration secondaire.<br />
À propos des auteures<br />
LORI WILKINSON est professeure agrégée en sociologie,<br />
à la University of Manitoba. Elle s’intéresse aux expériences<br />
en matière d’établissement des jeunes immigrants, à<br />
l’intégration économique des immigrantes et aux transitions<br />
dans la vie des jeunes. Ses plus récents travaux ont été<br />
publiés dans la Revue canadienne de sociologie, la Revue<br />
de l’intégration et de la migration internationale et<br />
Études ethniques du <strong>Canada</strong>.<br />
ALISON KALISCHUK est étudiante à la maîtrise en<br />
sociologie à la University of Manitoba. Elle s’intéresse<br />
aux expériences des jeunes immigrants au <strong>Canada</strong> et à la<br />
méthodologie de recherche. À l’heure actuelle, elle travaille<br />
à une évaluation critique de la mesure du capital social<br />
dans diverses disciplines.<br />
Références<br />
Alberta. Alberta Office of Institutional Statistics. 2008.<br />
Immigration to Alberta by Given Cities of Destination,<br />
1995-2004, Edmonton, Gouvernement de Alberta.<br />
<strong>Canada</strong>. Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (CIC). 2000.<br />
Les déplacements interprovinciaux des immigrants, Ottawa,<br />
Travaux publics et des Services gouvernementaux <strong>Canada</strong>.<br />
———. Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (CIC). 2001.<br />
Vers une répartition géographique mieux équilibrée des<br />
immi grants, Études spéciales, Recherche et examen<br />
stratégiques, Ottawa, Travaux publics et des Services<br />
gouvernementaux <strong>Canada</strong>.<br />
———. Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (CIC). 2007a.<br />
BDIM, totalisations spéciales pour le projet <strong>Metropolis</strong>.<br />
Ottawa, Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong>.<br />
———. Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (CIC). 2007b.<br />
Faits et chiffres 2007 : Aperçu de l’immigration, Ottawa,<br />
Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong><br />
———. Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (CIC). 2008a.<br />
Faits et chiffres 2007 : Aperçu de l’immigration, Ottawa,<br />
Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong>.<br />
———. Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (CIC). 2008b.<br />
Rapport annuel au Parlement sur l’immigration,<br />
2008. Ottawa, Travaux publics et des Services<br />
gouvernementaux <strong>Canada</strong>.<br />
———. Statistique <strong>Canada</strong>. 2005. Totalisations spéciales pour<br />
le Recensement du <strong>Canada</strong> de 2001, préparé pour le projet<br />
<strong>Metropolis</strong>, Ottawa, Statistique <strong>Canada</strong>.<br />
———. Statistique <strong>Canada</strong>. 2008. Chiffres de population et<br />
des logements, Recensement du <strong>Canada</strong> de 2006, Ottawa,<br />
Statistique <strong>Canada</strong>.<br />
Clemenson, H., et J. R. Pitblado. 2007. « Tendances récentes en<br />
matière de migration entre les régions rurales et urbaines »,<br />
Nos diverses cités / Our Diverse Cities, no 3, p. 27-32.<br />
Garcea, J. 2007. « L’immigration vers les plus petites<br />
communautés de la Saskatchewan », Nos diverses cités /<br />
Our Diverse Cities, no 3 p. 146-152.<br />
Nos diverses cités 27
Manitoba. Travail et Immigration Manitoba. 2008.<br />
Données statistiques sur l’immigration au Manitoba :<br />
Rapport statistique de 2007, Winnipeg, Travail et<br />
Immigration Manitoba.<br />
———. Travail et Immigration Manitoba. 2007.<br />
Données factuelles sur l’immigration au Manitoba :<br />
Rapport statistique de 2006, Winnipeg, Travail et<br />
Immigration Manitoba.<br />
Newbold, B. 1996. « Internal Migration of the Foreign<br />
Born in <strong>Canada</strong> », International Migration Review, vol. 30,<br />
no 4, p. 728-747.<br />
Saskatchewan. Ministère de l’Enseignement postsecondaire,<br />
de l’Emploi et du Travail. 2008. Annual Report, 07-08,<br />
Regina, gouvernement de la Saskatchewan.<br />
28 Nos diverses cités<br />
<strong>Numéro</strong> thématique de Thèmes canadiens / Canadian Issues<br />
L’immigration et les familles<br />
Le partenariat entre <strong>Metropolis</strong> et l’Association des études<br />
canadiennes continue de porter fruits, avec la production<br />
de numéros spéciaux de la revue Thèmes canadiens /<br />
Canadian Issues portant sur l’immigration et divers thèmes<br />
connexes. Ce numéro (printemps 2006) met l’accent sur<br />
l’immigration et la famille. Il comporte une introduction signée<br />
par Madine VanderPlaat (Saint Mary’s University), une entrevue<br />
avec Monte Solberg, le ministre de Citoyenneté et Immigration<br />
<strong>Canada</strong> au moment de la publication, ainsi qu’une vingtaine<br />
d’articles rédigés par des responsables des politiques publiques,<br />
des chercheurs et des organisations non gouvernementales<br />
spécialisés dans le domaine en question. Ce numéro de la<br />
revue, comme les numéros précédents, compte parmi les<br />
lectures obligatoires de nombreux cours universitaires<br />
de disciplines variées.<br />
Schellenberg, G., et H. Maheux. 2007. « Perspectives des<br />
immigrants sur leurs quatre premières années au <strong>Canada</strong> :<br />
faits saillants des trois vagues de l’Enquête longitudinale<br />
auprès des immigrants du <strong>Canada</strong> », Tendances sociales<br />
canadiennes / Canadian Social Trends (édition spéciale),<br />
Ottawa, Statistique <strong>Canada</strong>, no 11-008 au catalogue.<br />
Scott, D., P. Coomes, et A. Izyumov. 2005. « The Location<br />
Choice of Employment-Based Immigrants Among U.S.<br />
Metro Areas », Journal of Regional Science, vol. 45, no 1,<br />
p. 113-145.<br />
Sorensen, M. 2007. « L’immigration en milieu rural dans<br />
les Prairies : lacunes sur le plan des connaissances »,<br />
Nos diverses cités / Our Diverse Cities, no 3, p. 131-136.<br />
Trovato, F. 1988. « The Interurban Mobility of the Foreign<br />
Born in <strong>Canada</strong> 1976-1981 », International Migration<br />
Review, vol. 22, no 1, p. 59-86.<br />
Wilkinson, L., et R. Pettigrew. 2007. Longitudinal<br />
Immigration Database Review, 2007, rapport présenté<br />
à Travail et Immigration Manitoba.<br />
Printemps 2006<br />
Directrice invitée : Madine VanderPlaat (Saint Mary’s University)<br />
Pour obtenir une copie de la revue, veuillez écrire à
La chute du taux de natalité et le vieillissement de la population ralentissaient la<br />
croissance du bassin de main-d’œuvre et menaçaient de l’arrêter. Il était évident que ce<br />
changement aurait de graves répercussions sur les provinces des Prairies. Bien entendu,<br />
cela a attiré de plus en plus l’attention sur les questions d’immigration à l’échelle<br />
communautaire, ainsi que parmi les administrations municipales et provinciales.<br />
Intégration et établissement<br />
dans les Prairies canadiennes<br />
FARIBORZ BIRJANDIAN ET ROB BRAY<br />
Calgary Catholic Immigration Society<br />
L’expérience de l’immigration et de l’établissement<br />
dans les Prairies a été dynamique et bien<br />
différente de ce qui s’est passé ailleurs au<br />
<strong>Canada</strong>. D’abord marquée par un afflux massif<br />
d’immigrants jamais vu au pays, la région a<br />
ensuite connu une longue période de diminution<br />
de l’immigration, de même que des services<br />
offerts et de l’intérêt porté aux immigrants. Or, ces<br />
dernières années, l’immigration et l’établissement<br />
ont gagné en importance, en influence et en<br />
capacité dans les Prairies, et contribué à la<br />
poursuite d’un récit passionnant et inédit.<br />
L’avant-guerre<br />
Le récit de l’immigration et de l’établissement<br />
dans les Prairies commence avec l’afflux massif<br />
d’immigrants au tournant du siècle. La ruée vers<br />
le « dernier front pionnier de l’Ouest » a été une<br />
grande période d’immigration et d’établissement<br />
dans les Prairies canadiennes. Comme l’illustre<br />
le Tableau 1, entre 1901 et 1921, les provinces<br />
des Prairies ont gagné plus d’un million et<br />
demi d’habitants, la plupart venant de l’étranger,<br />
et leur part de la population canadienne est<br />
passée de 8 % à 22 %, ce qui représente une<br />
croissance de 370 %. De nos jours, cela<br />
reviendrait à augmenter la population des<br />
Prairies de plus de deux millions de personnes<br />
au cours des 20 prochaines années, ou de plus<br />
de 100 000 personnes par année (entre 1967<br />
et 1997, l’immigration dans les Prairies s’est<br />
maintenue de manière très constante entre<br />
18 000 et 19 000 personnes par an).<br />
Établissement par îlots<br />
Cette première période d’établissement dans<br />
l’Ouest canadien a marqué un tournant historique<br />
majeur : la plupart des immigrants ne venaient<br />
pas des îles britanniques, mais plutôt de<br />
l’Europe orientale et de la Scandinavie. Les<br />
premiers immigrants se sont surtout établis dans<br />
les régions rurales, où il y avait peu de services<br />
structurés, mais beaucoup d’entre eux sont arrivés<br />
en groupes organisés. Leo Tolstoï, par exemple,<br />
a organisé et financé de façon substantielle le<br />
mouvement de la population russe doukhobor.<br />
Cet afflux colossal de nouveaux arrivants<br />
non anglophones issus de diverses cultures a<br />
déclenché un débat qui se poursuit encore<br />
maintenant : devait-on disperser les immigrants et<br />
les mélanger à la population afin d’accélérer leur<br />
intégration dans la culture canadienne en général<br />
(comme le modèle étatsunien était censé le faire),<br />
ou leur permettre de former (comme beaucoup le<br />
souhaitaient) des enclaves ethniques solidaires,<br />
option défendue par bon nombre d’« Anglo-<br />
Saxons » établis auxquels la proximité de ces<br />
nouveaux arrivants ne plaisait guère ? Le modèle<br />
de l’enclave était normal pour une nation bilingue<br />
et biculturelle, mais la situation à laquelle le<br />
<strong>Canada</strong> devait faire face pendant cette période<br />
était tout à fait nouvelle.<br />
Afin de résoudre cette question, un compromis<br />
canadien novateur – le système d’établissement<br />
par îlots – a vu le jour. Sous ce modèle, les<br />
collectivités, les villes et les zones rurales devinrent<br />
fortement dominées par une communauté<br />
Nos diverses cités 29
TABLEAU 1<br />
Immigration dans les Prairies, 1891-2007<br />
Part des<br />
Prairies dans Part des Prairies Taux Taux<br />
la population dans l’immigration d’immigration d’immigration Population Population Immigration Immigration<br />
Année canadienne au <strong>Canada</strong> au <strong>Canada</strong> dans les Prairies canadienne des Prairies au <strong>Canada</strong> dans les Prairies<br />
1891 1 % 4 832 239 43 000<br />
1901 8 % 51,7 % 0,92 % 6,14 % 5 371 315 414 000 49 149 25 414<br />
1902 58,8 % 67 379 39 616<br />
1903 65,0 % 128 364 83 433<br />
1904 57,8 % 130 331 75 308<br />
1905 51,1 % 146 268 74 676<br />
1906 47,9 % 189 064 90 553<br />
1907 42,7 % 124 667 53 244<br />
1908 36,9 % 262 469 96 856<br />
1909 47,3 % 146 908 69 499<br />
1910 44,4 % 208 794 92 776<br />
1911 18 % 38,6 % 4,32 % 9,05 % 7 206 643 1 328 000 311 084 120 203<br />
1912 37,7 % 359 237 135 592<br />
1913 33,5 % 402 482 134 860<br />
1914 41,5 % 304 878 126 380<br />
1921 22 % 29,5 % 1,69 % 2,24 % 8 788 483 1 956 082 148 477 43 822<br />
1956 17 % 16 080 791 2 742 121<br />
1967 16 % 9,6 % 0,97 % 0,57 % 20 015 000 3 268 000 194 743 18 650<br />
1977 16 % 9,0 % 0,95 % 0,54 % 23 450 000 3 718 000 222 876 19 983<br />
1987 17 % 12,4 % 0,58 % 0,42 % 26 101 000 4 447 000 152 098 18 893<br />
1997 16 % 8,5 % 0,73 % 0,38 % 29 611 000 4 801 000 216 038 18 269<br />
2007 17 % 18,3 % 0,72 % 0,79 % 32 988 000 5 474 000 236 758 43 329<br />
Source : Compilé à partir de données de CIC et de Statistique <strong>Canada</strong>.<br />
30 Nos diverses cités<br />
ethnique ou religieuse, les planificateurs prenant<br />
toutefois soin de mêler ces îlots les uns aux autres<br />
afin d’empêcher que de grandes étendues du<br />
pays soient nettement dominées par des groupes<br />
particuliers. A posteriori, et cela peut surprendre,<br />
on constate que ce compromis a plutôt bien<br />
fonctionné. Les îlots étaient suffisamment grands<br />
pour permettre le soutien mutuel des immigrants,<br />
qui assurait le succès de leur établissement, mais<br />
également assez petits pour isoler leurs membres<br />
de l’ensemble de la société et demeurer des<br />
enclaves. En outre, la dépopulation continue des<br />
régions rurales a forcé la majorité des membres<br />
de la deuxième génération à se déplacer vers<br />
les grands centres, où le mélange et l’intégration<br />
étaient inévitables. Dès les années 1950, l’Ouest<br />
était généralement mieux intégré que le reste du<br />
pays et s’était doté d’une identité et d’une culture<br />
politique dynamiques.<br />
L’après-guerre<br />
L’après-guerre a apporté des changements<br />
majeurs au tableau de l’immigration, la grande<br />
dépression réduisant l’immigration à presque<br />
rien et l’Ouest ne recevant pratiquement pas<br />
de nouveaux immigrants. À vrai dire, l’Ouest<br />
canadien a plutôt connu une émigration inter -<br />
provinciale considérable, qui a même causé une<br />
diminution de la population de la Saskatchewan.<br />
Durant les 50 années suivantes, la vaste<br />
majorité des immigrants au <strong>Canada</strong> se sont<br />
établis dans l’Est du pays (et dans une certaine<br />
mesure en Colombie-Britannique), puisque<br />
beaucoup étaient des travailleurs d’usine aptes à<br />
décrocher des emplois peu spécialisés dans les<br />
professions industrielles, tendance qui devait<br />
se maintenir jusqu’à la fin des années 1990. Au<br />
cours de cette période, à cause de leur économie<br />
rurale, fondée sur l’exploitation des ressources<br />
naturelles, les provinces des Prairies ont accueilli<br />
en moyenne environ 9 % du nombre total<br />
d’immigrants au <strong>Canada</strong>, alors qu’elles abritaient<br />
environ 16 % de la population canadienne.<br />
Durant les années 1990, les choses ont<br />
commencé à changer : le marché du travail se<br />
resserrait peu à peu et les petites collectivités<br />
des Prairies, surtout au Manitoba et en Alberta,<br />
connaissaient des difficultés. Parallèlement, les
echerches universitaires et Statistique <strong>Canada</strong><br />
signalaient l’apparition d’un dangereux<br />
problème démographique au pays : la chute<br />
du taux de natalité et le vieillissement de<br />
la population ralentissaient la croissance du<br />
bassin de main-d’œuvre et menaçaient de<br />
l’arrêter. Il était évident que ce changement<br />
aurait de graves répercussions sur les provinces<br />
des Prairies. Bien entendu, cela a attiré de plus en<br />
plus l’attention sur les questions d’immigration à<br />
l’échelle communautaire, ainsi que parmi les<br />
administrations municipales et provinciales.<br />
Sous-financement des services d’établissement<br />
Comme la plupart des immigrants au <strong>Canada</strong><br />
s’établissaient à Montréal, à Toronto et à<br />
Vancouver, ces villes ont vu se développer de<br />
grandes communautés immigrantes dynamiques.<br />
Comparativement au reste du pays, leur popu -<br />
lation s’est davantage mobilisée pour les appuyer<br />
et leurs organismes d’aide à l’établissement ont<br />
reçu nettement plus de fonds fédéraux dans le<br />
cadre de ce qu’on appelle aujourd’hui le modèle<br />
d’affectation des fonds pour l’établissement. Le<br />
secteur de l’établissement était relativement plus<br />
faible dans l’Ouest et, par conséquent, il était<br />
moins apte à provoquer la discussion, le débat, et<br />
à promouvoir le développement de ressources et<br />
de collectivités solidaires.<br />
La plupart des organismes d’aide à l’établis -<br />
sement des Prairies ont pallié le manque de<br />
ressources en établissant des liens solides avec<br />
les bailleurs de fonds régionaux et locaux ainsi<br />
qu’avec les fournisseurs de services généraux.<br />
Ainsi, bien que la région compte moins de ces<br />
organismes qu’ailleurs au pays, ils sont de plus<br />
grande envergure.<br />
Dans les années 1990, les questions d’im -<br />
migration ont cessé d’intéresser uniquement les<br />
chercheurs universitaires et les fournisseurs<br />
de services d’établissement : devant l’aggravation<br />
des problèmes de main-d’œuvre et la croissance<br />
rapide de l’économie, les chefs d’entreprise de<br />
l’ensemble des Prairies ont placé les questions<br />
d’immigration au premier plan de leurs priorités.<br />
Ce mouvement a convaincu les trois gouver -<br />
nements provinciaux des Prairies et plusieurs<br />
administrations municipales de mettre sur pied<br />
des politiques plus dynamiques et d’intervenir<br />
directement pour attirer et retenir un nombre<br />
accru des nouveaux arrivants au <strong>Canada</strong>.<br />
Depuis 1997, les trois provinces ont mis en<br />
œuvre un éventail de stratégies afin de promouvoir<br />
leurs régions respectives. Par exemple, en 2005,<br />
l’Alberta a annoncé son cadre d’immigration, se<br />
donnant comme objectif de faire passer d’environ<br />
6,5 % à au moins 10 % sa part dans l’immigration<br />
totale du <strong>Canada</strong>. Ces stratégies ont obtenu un<br />
certain succès, mais elles n’ont pas été suffisantes<br />
pour remédier totalement à la pénurie croissante<br />
de main-d’œuvre que connaît actuellement l’Ouest<br />
canadien. Une mesure visant à combler le manque<br />
de travailleurs a été l’élargissement à grande<br />
échelle du Programme concernant les travailleurs<br />
étrangers temporaires (PTET), qui a donné<br />
naissance à une toute nouvelle série de difficultés<br />
en matière d’établissement et d’intégration.<br />
Aujourd’hui<br />
L’immigration demeure un enjeu de taille dans<br />
les provinces des Prairies; il est difficile d’assister<br />
à un forum de concertation, à une conférence ou<br />
à toute autre activité réunissant des intervenants<br />
communautaires sans que les principaux<br />
conférenciers ne mentionnent l’importance de<br />
l’immigration sur les plans économique, social,<br />
démographique et culturel. L’attitude de la<br />
collectivité à l’égard de l’immigration est de plus<br />
en plus positive, les immigrants étant perçus<br />
comme une solution à une demande de<br />
main-d’œuvre, spécialisée ou non, qui continue<br />
de prendre au dépourvu les entreprises, les<br />
gouvernements et la société dans son ensemble.<br />
Afin d’attirer et de retenir davantage d’im -<br />
mi grants, les gouvernements des Prairies ont<br />
adopté, de concert avec le gouvernement fédéral,<br />
bon nombre de méthodes novatrices visant à<br />
accélérer le processus d’immigration dans la<br />
région. En outre, ils sont en train de concevoir<br />
des solutions en matière d’immigration qui<br />
soient adaptées aux Prairies, afin d’essayer de<br />
résoudre directement le problème. Même si les<br />
trois provinces ont chacune abordé la question<br />
différemment, elles ont toutes obtenu des résultats<br />
similaires, ce qui a suscité une conscience accrue<br />
de l’importance de l’immigration au sein de<br />
la collectivité. En conséquence, un plus grand<br />
nombre d’immigrants choisissent les Prairies<br />
comme destination privilégiée et, alors qu’elle<br />
s’était maintenue à 9 % pendant 50 ans, la part<br />
des Prairies dans l’immigration avait doublé en<br />
2007, pour s’établir à 18 %.<br />
Appui des provinces et croissance<br />
du secteur de l’établissement<br />
La croissance du secteur de l’établissement a<br />
commencé lorsque les gouvernements provinciaux<br />
des Prairies ont pris l’initiative d’investir plus<br />
Nos diverses cités 31
L’attitude de la collectivité à l’égard de l’immigration est de plus en plus positive,<br />
les immigrants étant perçus comme une solution à une demande de maind’œuvre,<br />
spécialisée ou non, qui continue de prendre au dépourvu les<br />
entreprises, les gouvernements et la société dans son ensemble.<br />
32 Nos diverses cités<br />
de ressources afin d’améliorer les programmes<br />
d’établissement et d’intégration financés par<br />
le gouvernement fédéral. Parallèlement, compte<br />
tenu du nombre croissant d’immigrants et de la<br />
précision des données sur la migration secondaire<br />
dans les Prairies, le gouvernement fédéral a<br />
également augmenté son aide financière. Le<br />
secteur de l’établissement, qui comprend surtout<br />
des organismes communautaires à but non<br />
lucratif, grandit et gagne rapidement en capacité,<br />
et les efforts qu’il déploie pour influencer les<br />
politiques gouvernementales et défendre ses<br />
intérêts ont crû de façon spectaculaire. En<br />
outre, l’augmentation des ressources a attiré de<br />
nouveaux intervenants dans le domaine, comme<br />
des organismes à but lucratif, des fournisseurs<br />
de services privés et de grandes organisations.<br />
Travailleurs étrangers temporaires (TET)<br />
Une autre avancée majeure a été l’expansion du<br />
PTET. En 2006, plus de 23 000 TET sont arrivés<br />
en Alberta, soit plus que le total des résidents<br />
permanents. En 2007, ce nombre a presque<br />
doublé, passant à plus de 41 000, et d’après les<br />
résultats préliminaires, 2008 a également connu<br />
une augmentation appréciable. Même si les TET<br />
offrent une solution incomplète et à très court<br />
terme aux problèmes du marché du travail dans<br />
l’Ouest, ils présentent leurs propres défis, qui ne<br />
sont pas encore bien compris et doivent faire<br />
l’objet de recherches et d’analyses approfondies.<br />
Si les gouvernements et les entreprises voient<br />
dans les TET une réponse à la demande de maind’œuvre,<br />
la plupart de ces travailleurs, quant à<br />
eux, considèrent le Programme comme un moyen<br />
d’entrer rapidement au <strong>Canada</strong> dans l’espoir d’y<br />
demeurer de façon permanente. En raison du très<br />
grand nombre de TET qui ont ce souhait, les<br />
politiques appliquées par le passé ne sont plus<br />
appropriées. Dernièrement, le gouvernement de<br />
l’Alberta a commencé à financer des programmes<br />
pilotes afin de répondre aux besoins des TET en<br />
matière d’établissement. En outre, pour essayer<br />
de résoudre cette difficulté, le gouvernement<br />
du <strong>Canada</strong> propose une nouvelle catégorie de<br />
l’expérience canadienne, que peuvent utiliser les<br />
personnes qui se trouvent au <strong>Canada</strong> pour<br />
demander la résidence permanente.<br />
En ce qui concerne les services d’établissement<br />
et d’intégration offerts dans les Prairies, il existe<br />
environ 30 organismes (20 en Alberta, 5 en<br />
Saskatchewan et 5 au Manitoba) dont le mandat<br />
consiste à venir en aide aux immigrants et à<br />
travailler avec la collectivité afin de créer un<br />
milieu accueillant. Ces organismes commu -<br />
nautaires possèdent plus de 30 ans d’expérience.<br />
Ils offrent une vaste gamme de services<br />
d’établissement initiaux et à long terme et,<br />
depuis leurs débuts, ils aident les nouveaux<br />
arrivants à se familiariser avec la culture des<br />
Prairies. Ils défendent résolument les intérêts des<br />
immigrants et des réfugiés.<br />
Des organismes d’aide<br />
à l’établissement en bonne posture<br />
La région des Prairies, en particulier dans<br />
les centres urbains, a mis sur pied avec succès<br />
des services visant à faciliter l’établissement et<br />
l’intégration des nouveaux arrivants. Alors que<br />
son secteur souffrait par le passé d’un manque<br />
de ressources et d’attention de la part des<br />
gouvernements fédéral et provinciaux, la<br />
situation s’est améliorée au cours des dix<br />
dernières années. Les ressources fédérales<br />
disponibles ont augmenté et un vif intérêt<br />
pour la question se manifeste au sein de<br />
nos gouvernements provinciaux. De plus,<br />
nous cherchons à personnaliser encore plus<br />
l’immigration en encourageant une participation<br />
accrue des administrations municipales et des<br />
établissements locaux des Prairies.<br />
Les principaux obstacles<br />
en matière d’établissement<br />
Le secteur se réjouit des grandes améliorations<br />
apportées à chaque aspect de l’établissement et de<br />
l’intégration dans la région des Prairies. Toutefois,<br />
des problèmes de taille continuent de faire de<br />
l’établissement et de l’intégration une expérience<br />
difficile et pénible pour bon nombre de nouveaux<br />
arrivants. Ces problèmes ne sont pas nouveaux,<br />
mais ils semblent parfois plus difficiles à résoudre
en raison de la complexité de notre société et de<br />
l’augmentation du coût de la vie. Les difficultés<br />
suivantes exigent un débat communautaire,<br />
l’élaboration de politiques réalisables et<br />
l’affectation de ressources suffisantes :<br />
• Le logement;<br />
• L’intégration au marché du travail;<br />
• Le manque de préparation des organisations<br />
publiques en vue d’offrir des services à une<br />
population diversifiée;<br />
• L’intégration sociale, économique et politique;<br />
• Le manque de planification et d’investissements<br />
à long terme;<br />
• L’absence d’un véritable dialogue collectif sur<br />
l’immigration, l’établissement et l’intégration;<br />
• L’amélioration des stratégies visant à<br />
encourager les immigrants à s’établir dans les<br />
petits centres (environ 95 % des immigrants<br />
s’installent dans les grandes villes des Prairies);<br />
• L’augmentation des efforts déployés par<br />
les petits centres pour attirer et retenir les<br />
nouveaux arrivants.<br />
L’avenir<br />
L’évolution de l’immigration dans la région<br />
des Prairies offre de nombreuses possibilités<br />
d’améliorer l’expérience d’immigration, d’éta -<br />
blis sement et d’intégration des nouveaux<br />
arrivants dans la région. Nous continuons<br />
d’apprendre des autres régions du monde, de ce<br />
qui se fait ailleurs au <strong>Canada</strong> et de notre propre<br />
histoire. Nous pouvons nous inspirer des leçons<br />
apprises et des pratiques exemplaires afin<br />
d’obtenir une vision claire de l’immigration et<br />
de mobiliser toute la collectivité.<br />
Pour atteindre cet objectif, la région des<br />
Prairies bénéficie de certains avantages majeurs :<br />
• L’économie est vigoureuse et elle le demeurera<br />
fort probablement, compte tenu de l’exploi -<br />
tation des ressources naturelles et du<br />
développement d’une économie de plus en<br />
plus industrielle dans les grandes villes;<br />
• Le marché du travail, en particulier, continuera<br />
à se développer : l’Alberta prévoit une pénurie<br />
de 110 000 travailleurs d’ici 2017;<br />
• En raison des niveaux d’immigration demeurés<br />
bas pendant longtemps et de la grande diversité<br />
des pays sources (les dix principaux pays<br />
d’origine représentent moins de 20 % du<br />
total de nouveaux arrivants; chaque année, ou<br />
presque, chaque province accueille des<br />
immigrants d’environ 100 pays différents), les<br />
enclaves ethniques et l’isolement sont minimes,<br />
ce qui facilite le processus d’intégration. En fait,<br />
le manque de logements abordables dans la<br />
plupart des centres urbains des Prairies a forcé<br />
la plupart des communautés immigrantes à<br />
se répartir largement dans l’ensemble de la<br />
collectivité à mesure qu’elles ont accès à<br />
des logements;<br />
• La collectivité et le gouvernement re con -<br />
naissent qu’il est essentiel que les services<br />
d’établissement soient accessibles et efficaces,<br />
et ceux-ci sont offerts par des organismes<br />
d’envergure bien organisés dont la capacité<br />
croît rapidement;<br />
• Étant donné le fort intérêt porté aux questions<br />
liées à l’immigration, la région est très bien<br />
placée pour proposer des changements dans<br />
les politiques et pour adapter les systèmes et<br />
les initiatives d’établissement et d’intégration<br />
à ses propres besoins et possibilités;<br />
• Nous vivons dans un contexte économique<br />
mondial de prospérité qui est cependant très<br />
imprévisible et qui touche toutes les régions, y<br />
compris les Prairies. Malheureusement, en<br />
période de ralentissement économique, les<br />
investissements dans les services d’établis -<br />
sement et d’intégration ainsi que l’affectation<br />
de ressources aux initiatives liées à la diversité<br />
ont tendance à être relégués au second plan.<br />
Nous devons envisager à long terme nos<br />
efforts en vue d’attirer les immigrants, de<br />
les retenir et de les encourager à participer<br />
pleinement à la vie du <strong>Canada</strong>. Nous devons<br />
aussi veiller à ce qu’ils constituent toujours des<br />
priorités sociales et gouvernementales.<br />
Compte tenu de notre histoire et de notre<br />
situation actuelle, il semble qu’au cours des<br />
prochaines années, l’immigration et l’établis -<br />
sement dans les provinces des Prairies seront<br />
dynamiques, exceptionnels et très intéressants.<br />
À propos des auteurs<br />
FARIBORZ BIRJANDIAN est chef de la direction à la Calgary<br />
Catholic Immigration Society, où il est responsable de plus<br />
de 180 employés et 1 200 bénévoles, et supervise environ<br />
65 programmes. Il a reçu de nombreux prix et marques de<br />
reconnaissance pour son engagement indéfectible envers la<br />
diversité, l’égalité des droits et l’amélioration des politiques<br />
et des pratiques d’établissement et d’intégration des<br />
immigrants et des réfugiés en Alberta.<br />
Nos diverses cités 33
34 Nos diverses cités<br />
ROB BRAY est gestionnaire des Services aux familles et<br />
aux enfants à la Calgary Catholic Immigration Society. Il a<br />
travaillé dans le domaine de l’établissement pendant 22 ans,<br />
à Winnipeg et à Calgary. Il est titulaire de diplômes en<br />
anthropologie, anglais, philosophie et mathématiques<br />
obtenus à l’Université de Regina en 1986. Il a vécu au<br />
Liban, en Jordanie, au Maroc et en Zambie.<br />
Références<br />
<strong>Canada</strong>. Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (CIC). Archives<br />
des statistiques de l’immigration (de 1966 à 1996). Consulté<br />
à l’adresse .<br />
Electing a Diverse <strong>Canada</strong> propose les<br />
analyses les plus approfondies à ce jour sur<br />
la représentation électorale des immigrants,<br />
des minorités et des femmes au <strong>Canada</strong>. Les<br />
articles de ce recueil portent sur onze villes<br />
ainsi que sur le Parlement du <strong>Canada</strong>; son<br />
analyse de la représentation de divers<br />
groupes identitaires à différents ordres<br />
de gouvernement s’avère novatrice.<br />
La publication commence par brosser<br />
un portrait des études réalisées sur la<br />
représentation électorale et les grands concepts<br />
et cadres qui sous-tendent la recherche sur<br />
les immigrants, les femmes et les minorités.<br />
Au moyen d’enquêtes et de données de<br />
recensement, les différents chapitres proposent<br />
des profils des élus municipaux, provinciaux<br />
et fédéraux et comparent ces profils à celui<br />
de la population générale correspondante.<br />
Ce volume comprend également un examen<br />
des principaux résultats de recherche et des<br />
Commandez : <br />
tendances en ce qui a trait à la sur- et à la sousreprésentation<br />
au gouvernement du <strong>Canada</strong>.<br />
La représentation électorale est un<br />
important indicateur de la santé de la<br />
démocratie; nonobstant, la recherche dans<br />
ce domaine se résume à la question de la<br />
représentativité des élus. Electing a Diverse<br />
<strong>Canada</strong> fournit un point de référence sur<br />
lequel asseoir les futures recherches, non<br />
seulement en évaluant la représentation<br />
électorale, mais aussi en dégageant les<br />
grands enjeux qui compromettent l’état<br />
de la démocratie canadienne.<br />
Caroline Andrews est professeure à<br />
l’École d’études politiques de l’Université<br />
d’Ottawa. John Biles est directeur, Partenariats<br />
et transfert des connaissances, au projet<br />
<strong>Metropolis</strong>. Myer Siemiatycki est professeur au<br />
département de politique et d’administration<br />
———. Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (CIC). Faits<br />
et chiffres 2007 – Aperçu de l’immigration : Résidents<br />
permanents. Consulté à l’adresse .<br />
———. Statistique <strong>Canada</strong>. Population et composantes de la<br />
croissance démographique (Recensements de 1851 à 2001).<br />
Consulté à l’adresse .<br />
———. Statistique <strong>Canada</strong>. Population par année, par province<br />
et territoire. Consulté à l’adresse .<br />
———. Statistique <strong>Canada</strong>. Collection historique de<br />
l’Annuaire du <strong>Canada</strong> 1867-1967. Consulté à l’adresse<br />
.<br />
Dirigé par Caroline Andrew, John Biles, Myer Siemiatycki et Erin Tolley<br />
publique, Ryerson University. Erin Tolley est<br />
directrice du projet <strong>Metropolis</strong> international.<br />
Collaborateurs : John Biles, Karen Bird,<br />
Jerome H. Black, Irene Bloemraad, Michael<br />
Caverhill, Joseph Garcea, Karen Bridget<br />
Murray, Brenda O’Neill, Shannon Sampert,<br />
Myer Siemiatycki, Carolle Simard, Erin Tolley<br />
et Jared J. Wesley.<br />
Novembre 2008, 204 p., 15 cm x 23 cm<br />
14 cartes, 34 tableaux<br />
978-0-7748-1485-0 couverture rigide<br />
85 $ CAD / 98 $ USD<br />
Pour obtenir un exemplaire, composez<br />
le numéro sans frais 1-800-668-0821 ou<br />
commandez en ligne en vous rendant<br />
à l’adresse .
La Loi sur le recrutement et la protection des travailleurs pose les assises d’un processus de<br />
recrutement durable et positif, qui assurera aux entreprises l’accès à une main-d’œuvre<br />
étrangère temporaire fiable et compétente en plus de répondre aux préoccupations<br />
concernant la vulnérabilité des travailleurs étrangers temporaires.<br />
Recrutement et protection des<br />
travailleurs étrangers<br />
Le rôle de la Loi sur le recrutement et<br />
la protection des travailleurs du Manitoba<br />
L’HONORABLE NANCY ALLAN<br />
Gouvernement du Manitoba<br />
L’immigration représente aujourd’hui l’une des<br />
principales stratégies adoptées par le Manitoba<br />
pour assurer la croissance de sa population<br />
et de sa main-d’œuvre. Au troisième trimestre<br />
de 2008, par exemple, la population du<br />
Manitoba était estimée à 1 212 000 habitants,<br />
et la croissance démographique était attribuée<br />
principalement à la migration internationale<br />
(Manitoba Bureau of Statistics, 2008).<br />
De 2000 à 2007, le Manitoba a accueilli 56 815<br />
immigrants au total. Ce niveau d’immigration<br />
record est significatif non seulement à l’échelle<br />
provinciale, mais aussi à l’échelle nationale. En<br />
effet, les 10 955 nouveaux arrivants au Manitoba<br />
en 2007 représentaient 4,6 % de l’immigration<br />
totale au <strong>Canada</strong>. Ce résultat tranche avec celui<br />
de la deuxième moitié des années 1990 : le<br />
Manitoba accueillait alors moins de 2 % des<br />
immigrants au <strong>Canada</strong> (Tableau 1).<br />
Outre les résidents permanents, les résidents<br />
temporaires sont devenus une composante non<br />
négligeable du profil migratoire et démogra -<br />
phique du Manitoba, puisque les travailleurs<br />
étrangers temporaires (TET) et les étudiants<br />
peuvent demander la résidence permanente dans<br />
le cadre du Programme des candidats du<br />
Manitoba (PCM) après avoir travaillé pendant<br />
six mois ou obtenu un diplôme d’études post -<br />
secondaires au Manitoba. En 2007, par exemple,<br />
le Manitoba a accueilli 4 288 résidents tempo -<br />
raires, une augmentation de 18,2 % par rapport<br />
aux 3 626 admissions en 2006.<br />
La catégorie des TET, en particulier, affiche<br />
une croissance assez marquée, du fait que les<br />
employeurs sont de plus en plus nombreux à y<br />
voir une solution aux pénuries de travailleurs<br />
et de main-d’œuvre qualifiée. Cependant,<br />
l’arrivée d’un nombre accru de TET dans la<br />
province accentue aussi le besoin de les<br />
protéger contre les recruteurs et les employeurs<br />
sans scrupules. Le gouvernement du Manitoba<br />
veut prioritairement renforcer les initiatives<br />
éthiques et planifiées de recrutement de TET, et<br />
la Loi sur le recrutement et la protection des<br />
travailleurs 1 est l’une des mesures mises en<br />
place pour freiner un problème croissant. Le<br />
présent article propose un survol de la loi et<br />
explique en quoi elle appuie le recrutement et<br />
la protection des travailleurs étrangers au<br />
Manitoba.<br />
Contexte relatif au programme<br />
et à la politique<br />
La politique du Manitoba en matière d’immi -<br />
gration s’appuie sur le Plan stratégique de<br />
1<br />
Le texte de la loi peut être consulté à l’adresse suivante :<br />
.<br />
Nos diverses cités 35
TABLEAU 1<br />
Taux d’immigration au Manitoba, 1998-2007<br />
1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007<br />
Immigration économique 1 410 1 906 2 615 2 331 2 689 4 072 5 000 5 725 7 375 8 330<br />
Regroupement familial 945 1 025 952 1 097 949 1 119 1 116 1 192 1 332 1 343<br />
Réfugiés 659 771 1 017 1 160 983 1 235 1 252 1 094 1 241 1 170<br />
Autres - - - - - 66 59 86 103 112<br />
Total Manitoba 3 014 3 702 4 584 4 588 4 621 6 492 7 427 8 097 10 051 10 955<br />
(% du <strong>Canada</strong>)<br />
(1,7) (1,9) (2,0) (1,8) (2,0) (2,9) (3,1) (3,0) (4,0) (4,6)<br />
Total au <strong>Canada</strong> 174 169 189 835 227 346 250 484 229 091 221 352 235 824 262 236 251 649 236 758<br />
36 Nos diverses cités<br />
Source : Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (adapté par Travail et Immigration Manitoba).<br />
croissance économique du gouvernement du<br />
Manitoba (Plan stratégique). La croissance grâce<br />
à l’immigration étant l’un des sept éléments clés<br />
de la stratégie de croissance de la province, un<br />
objectif de 10 000 immigrants avait été fixé pour<br />
2006. Cet objectif a été atteint, et porté ensuite à<br />
un niveau annuel de 20 000 nouveaux arrivants<br />
jusqu’en 2016. Le Plan stratégique met aussi<br />
l’accent sur l’amélioration des services d’établis -<br />
sement et des programmes d’apprentissage de<br />
l’anglais langue seconde, les stratégies efficaces<br />
d’intégration sur le marché du travail et<br />
l’importance des collectivités accueillantes 2 .<br />
L’outil le plus dynamique du programme<br />
d’immigration provincial est le Programme des<br />
candidats du Manitoba. Mis en œuvre en 1998<br />
dans le cadre de l’Accord <strong>Canada</strong>-Manitoba<br />
en matière d’immigration, celcui-ci définit les<br />
rôles respectifs du Manitoba et du <strong>Canada</strong> 3 .<br />
Le Manitoba sélectionne dans un bassin de<br />
travailleurs qualifiés les candidats qui présentent<br />
les plus grandes chances de s’établir dans la<br />
province de manière permanente et réussie. Les<br />
candidats doivent prouver l’existence d’un lien<br />
solide avec la province (emploi, études, famille<br />
et amis) 4 . Le Manitoba a également le pouvoir<br />
de mettre sur pied et d’exécuter ses propres<br />
programmes d’établissement pour répondre aux<br />
besoins changeants des immigrants et des réfugiés<br />
qui s’y établissent.<br />
Comme l’illustre la Figure 1, le PCM repré -<br />
sente le principal mécanisme d’immigration au<br />
2<br />
Plan stratégique de croissance économique du gouvernement<br />
du Manitoba : .<br />
3<br />
Accord <strong>Canada</strong>-Manitoba en matière d’immigration :<br />
.<br />
4<br />
Programme des candidats du Manitoba : .<br />
Manitoba, comptant pour plus de la moitié de<br />
l’immigration annuelle dans la province depuis<br />
2004. Les candidats de la province représentaient<br />
33 % de l’immigration totale au Manitoba en<br />
2002, proportion qui avait plus que doublé (70 %)<br />
en 2007. À l’échelle nationale, le Manitoba a<br />
accueilli plus de la moitié de tous les candidats des<br />
provinces jusqu’en 2006 (Travail et Immigration<br />
Manitoba, 2008).<br />
Le gouvernement du Manitoba continuera de<br />
travailler en partenariat avec des acteurs clés afin<br />
de hausser le niveau d’immigration annuel dans la<br />
province à 20 000 arrivées d’ici 2016. Il poursuivra<br />
aussi la mise en œuvre de dynamiques initiatives<br />
relatives à l’établissement et aux collectivités<br />
accueillantes, améliorera le processus de recon -<br />
naissance des titres de compétence étrangers et<br />
intensifiera les efforts de régionali sation à<br />
l’extérieur de Winnipeg en plus de renforcer le<br />
régime de recrutement et de protec tion des<br />
travailleurs étrangers. Les paragraphes suivants<br />
exposent plus en détail l’approche novatrice<br />
adoptée par le Manitoba pour promouvoir le<br />
recrutement et la protection des travailleurs<br />
étrangers dans la province par le truchement<br />
de la Loi sur le recrutement et la protection<br />
des travailleurs.<br />
Arrivées de travailleurs étrangers<br />
temporaires au Manitoba<br />
Au cours de la dernière décennie, les arrivées de<br />
TET au Manitoba ont progressé continuellement<br />
pour répondre aux besoins en main-d’œuvre des<br />
employeurs. En quatre ans, soit de 2003 à 2007,<br />
elles ont doublé, passant de 1 426 à 2 878. Le<br />
nombre de TET au Manitoba en 2007 repré -<br />
sentait 1,74 % du nombre total enregistré pour le<br />
<strong>Canada</strong> cette année-là (Tableau 2).<br />
Deux mécanismes ont été créés pour faciliter le<br />
recrutement de TET dans la province, et dans tous<br />
les cas, le recrutement requiert une offre d’emploi
FIGURE 1<br />
Taux d’immigration au Manitoba, 1998-2007<br />
9 000<br />
8 000<br />
7 000<br />
6 000<br />
5 000<br />
4 000<br />
3 000<br />
2 000<br />
1 000<br />
0<br />
1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007<br />
Source : Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (adapté par Travail et Immigration Manitoba).<br />
légitime d’un employeur manitobain. D’abord,<br />
les TET viennent au Manitoba dans le cadre du<br />
Programme concernant les travailleurs étrangers<br />
temporaires (PTET) du gouvernement fédéral,<br />
lequel est administré conjointement par<br />
Ressources humaines et Développement social<br />
<strong>Canada</strong> (RHDSC) et Citoyenneté et Immigration<br />
<strong>Canada</strong> (CIC). Les étrangers admissibles peuvent<br />
travailler au <strong>Canada</strong> pour une période déterminée<br />
si l’employeur peut prouver qu’il lui est impossible<br />
de trouver des Canadiens ou des résidents<br />
permanents qualifiés pour pourvoir aux postes et<br />
que l’arrivée de travailleurs étrangers n’aura<br />
pas de répercussions néfastes sur le marché du<br />
travail canadien. Service <strong>Canada</strong> évalue un<br />
certain nombre de facteurs avant d’émettre un<br />
avis sur le marché du travail, notamment :<br />
• La profession que le travailleur étranger<br />
occupera;<br />
• Le salaire et les conditions d’emploi offerts;<br />
• Les efforts faits par l’employeur pour l’an -<br />
nonce et le recrutement;<br />
• Les avantages pour le marché du travail<br />
canadien associés à l’entrée du travailleur<br />
étranger; et<br />
• Les consultations, le cas échéant, avec le<br />
syndicat concerné5 .<br />
5 Voir à ce sujet le site Web de Ressources humaines et<br />
Développement des compétences <strong>Canada</strong>.<br />
Candidats de la province<br />
Regroupement familial<br />
Immigration économique<br />
Réfugiés<br />
Autre<br />
Le deuxième mécanisme facilitant le recru -<br />
tement de TET au Manitoba est le « volet<br />
employeur direct » du PCM. Il s’agit d’un volet<br />
d’évaluation prioritaire, qui aide les employeurs<br />
à recruter et à garder des travailleurs qualifiés en<br />
vue de la résidence permanente pour doter des<br />
postes permanents à temps plein qu’ils n’arrivent<br />
pas à pourvoir avec des résidents permanents ou<br />
des citoyens du <strong>Canada</strong>. Une fois la demande<br />
approuvée, Travail et Immigration Manitoba<br />
peut délivrer une lettre d’appui aux candidats<br />
sélectionnés afin de faciliter le traitement de leur<br />
demande de permis de travail sans l’obtention<br />
préalable d’un avis sur le marché du travail<br />
positif dans le cadre du PTET.<br />
Mesures de protection pour les travailleurs<br />
Afin d’optimiser les retombées économiques et<br />
sociales de l’arrivée de TET dans la province, le<br />
gouvernement du Manitoba a conçu des stratégies<br />
pour inciter les immigrants de cette catégorie à<br />
rester. Tel qu’on l’a vu, les TET peuvent présenter<br />
une demande au PCM après avoir travaillé<br />
au Manitoba pendant six mois, s’ils ont une<br />
offre d’emploi à temps plein de l’employeur. Si<br />
l’amé nagement de mécanismes facilitant l’acqui -<br />
sition de la résidence perma nente est l’un des<br />
éléments d’une stratégie d’immigration durable, le<br />
Manitoba reconnaît aussi qu’on peut attirer les<br />
TET en leur offrant de meilleures protections, afin<br />
que leur expérience au Manitoba soit positive.<br />
Comme on note une augmentation des arrivées<br />
de TET au Manitoba et dans les autres provinces<br />
Nos diverses cités 37
TABLEAU 2<br />
Arrivées de travailleurs étrangers temporaires au Manitoba, 1997-2007<br />
1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007<br />
Winnipeg 994 1 136 1 438 1 295 1 309 1 083 916 1 008 1 072 1 268 1 579<br />
Autre – Manitoba 592 636 546 656 638 659 510 627 831 896 1 299<br />
Total 1 586 1 772 1 984 1 951 1 947 1 742 1 426 1 635 1 903 2 164 2 878<br />
canadiennes, les situations montrant leur<br />
vulnérabilité sont de plus en plus médiatisées.<br />
Il s’agit de situations où, par exemple (Alberta<br />
Federation of Labour, 2007) :<br />
• des frais exorbitants sont exigés pour un<br />
placement;<br />
• les conditions du contrat ne sont pas<br />
respectées;<br />
• le statut d’immigration est utilisé comme<br />
moyen de coercition;<br />
• des renseignements inexacts sont donnés<br />
concernant l’admissibilité au statut perma -<br />
nent; et<br />
• des renseignements inexacts sont donnés<br />
concernant la législation sur la santé et la<br />
sécurité au travail.<br />
Voilà autant de raisons d’accroître la portée de<br />
la législation du travail, afin que tous les<br />
travailleurs soient protégés.<br />
Afin de corriger la situation, le Manitoba a<br />
adopté en juin 2008 la Loi sur le recrutement et<br />
la protection des travailleurs, pour réglementer<br />
les activités associées au recrutement de<br />
travailleurs étrangers, pour placer le gouver -<br />
nement provincial au début du processus de<br />
recrutement de travailleurs étrangers et pour<br />
réaffirmer que les travailleurs n’ont pas à payer<br />
pour obtenir un emploi.<br />
Avant l’adoption de la Loi sur le recrutement<br />
et la protection des travailleurs, les activités<br />
des bureaux de placement au Manitoba étaient<br />
régies par la Loi sur les services de placement.<br />
Cette loi, cependant, n’avait pas été revue ni<br />
modifiée depuis 1987, et elle avait été adoptée<br />
avant la montée des agences artistiques et<br />
de mannequins à la recherche de femmes et<br />
d’enfants, avant la croissance de l’industrie<br />
de la traite des personnes et l’augmentation<br />
massive des activités de recrutement à<br />
l’étranger par des tiers. À la suite de con -<br />
sultations avec les employeurs et d’autres<br />
acteurs intéressés, le Manitoba a modernisé la<br />
38 Nos diverses cités<br />
Source : Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (adapté par Travail et Immigration Manitoba).<br />
Loi sur les services de placement afin de<br />
refléter les change ments majeurs survenus<br />
dans l’industrie du recrutement.<br />
Loi sur le recrutement et la protection des<br />
travailleurs : un aperçu<br />
La Loi sur le recrutement et la protection des<br />
travailleurs (LRPT) pose les assises d’un processus<br />
de recrutement durable et positif, qui assurera<br />
aux entreprises l’accès à une main-d’œuvre<br />
étrangère temporaire fiable et compétente en plus<br />
de répondre aux préoccupations concernant la<br />
vulnérabilité des TET.<br />
La LRPT élargit la portée des normes<br />
d’emploi de manière à protéger les travailleurs<br />
étrangers contre les recruteurs et les<br />
employeurs sans scrupules. Sous le régime de<br />
cette loi, tous les employeurs doivent s’inscrire<br />
auprès de la Province avant de recruter des<br />
travailleurs étrangers. L’inscription garantit<br />
que les employeurs font affaire avec un<br />
recruteur autorisé et ont de bons antécédents<br />
de conformité à la législation du travail. De<br />
plus, les recruteurs doivent détenir une licence<br />
et il leur est interdit de percevoir, directement<br />
ou indirectement, des frais de recrutement<br />
des travailleurs.<br />
La LRPT vise les objectifs suivants :<br />
• Moderniser la législation existante sur les<br />
services de placement et établir le principe<br />
fondamental selon lequel ce sont les<br />
employeurs, et non les travailleurs, qui sont<br />
responsables des coûts liés au recrutement.<br />
– Améliorer les mécanismes d’application de<br />
la loi afin d’établir des règles équitables pour<br />
les employeurs qui confient leurs activités<br />
de recrutement à un bureau de placement.<br />
• Définir un rôle clair pour la Province aux<br />
premières étapes du processus de recrutement<br />
de travailleurs étrangers et obtenir ainsi un<br />
mécanisme simple et durable qui répond aux<br />
besoins des employeurs et des travailleurs<br />
étrangers.
Au cours de la dernière décennie, le nombre de travailleurs étrangers temporaires au<br />
Manitoba a augmenté continuellement pour répondre aux besoins en main-d’œuvre des<br />
employeurs. En quatre ans, soit de 2003 à 2007, elles ont doublé, passant de 1 426 à 2 878.<br />
– Les employeurs qui font venir des travailleurs<br />
étrangers au Manitoba devront s’inscrire<br />
auprès de la Province et auront accès à un<br />
guichet unique pour recruter des travailleurs<br />
étrangers et des résidents permanents.<br />
– Pour s’inscrire, l’employeur doit avoir de<br />
bons antécédents de conformité aux normes<br />
d’emploi provinciales et à la législation sur<br />
la santé et la sécurité au travail.<br />
– L’employeur qui utilise une agence de<br />
recrutement de travailleurs étrangers doit<br />
fournir le nom de l’agence autorisée dans<br />
le cadre du processus d’inscription.<br />
• Réglementer les activités des agences de recru -<br />
tement de travailleurs étrangers.<br />
– Les particuliers et les agences qui recrutent<br />
des travailleurs étrangers doivent être<br />
titulaires d’une licence. Pour obtenir une<br />
licence, l’intéressé doit être membre de la<br />
Société canadienne de consultants en immi -<br />
gration ou d’un barreau du <strong>Canada</strong> et fournir<br />
une lettre de crédit irrévocable de 10 000 $.<br />
– L’obligation d’obtenir une licence ne<br />
s’applique pas à l’agence de recrutement<br />
assujettie à des accords internationaux<br />
dont la province du Manitoba fait partie.<br />
– Il est interdit aux personnes qui recrutent des<br />
travailleurs étrangers de facturer des frais aux<br />
travailleurs pour le recrutement. Les recru -<br />
teurs canadiens seront tenus responsables de<br />
tous frais ou coûts exigés d’un travailleur<br />
étranger par l’agent de recrutement ou toute<br />
personne agissant pour le compte de celui-ci.<br />
• Étendre la portée des mesures d’application de<br />
la loi, afin de protéger les travailleurs contre les<br />
employeurs fautifs et les bureaux de placement<br />
sans scrupules et non réglementés.<br />
– La Division des normes d’emploi du<br />
Manitoba aura le pouvoir de refuser et de<br />
révoquer une licence, d’effectuer une enquête<br />
et de recouvrer une somme au nom d’un<br />
travailleur, lorsqu’un employeur ou un agent<br />
de recrutement tentera de percevoir des frais<br />
de recrutement.<br />
• Pour protéger les travailleurs étrangers contre<br />
la modification des conditions d’emploi<br />
promises, le contrat de travail convenu<br />
dans le cadre du processus d’admission du<br />
travailleur étranger au <strong>Canada</strong> deviendra la<br />
norme minimale observée par la Division des<br />
normes d’emploi.<br />
• Si un travailleur étranger ne respecte pas<br />
son contrat et met fin à son emploi sans<br />
raison valable, l’employeur pourra recouvrer<br />
les frais de recrutement, calculés au prorata.<br />
Échange de renseignements concernant<br />
les travailleurs étrangers temporaires<br />
Le Manitoba prévoit que la LRPT améliorera la<br />
situation des TET grâce aux nouvelles dispositions<br />
concernant l’octroi de licence, l’inscription et<br />
l’application de la loi. Néanmoins, le cadre de<br />
réglementation ne palliera pas le manque actuel<br />
de renseignements sur les arrivées de TET dans la<br />
province. Pour corriger la situation, le Manitoba et<br />
le <strong>Canada</strong> ont annoncé, en avril 2008, la création<br />
d’une lettre d’entente concernant l’échange de<br />
renseignements, afin de renforcer les mesures<br />
de protection pour les TET. Selon cette lettre<br />
d’entente, le <strong>Canada</strong> et le Manitoba échangeront<br />
des renseignements lorsqu’un lien direct avec la<br />
législation du Manitoba pourra être établi.<br />
Cet échange de renseignements concernant<br />
les TET est déterminant, en ce qu’il permet au<br />
Manitoba d’offrir une protection à ce groupe de<br />
travailleurs vulnérables, par le truchement d’un<br />
mécanisme de surveillance et d’application des<br />
normes d’emploi, de la législation sur la santé et<br />
la sécurité au travail, des normes salariales de<br />
l’industrie de la construction et de la législation<br />
en vigueur sur les services de placement. Il aidera<br />
également le Manitoba à réaliser, à l’intention<br />
des résidents temporaires et des employeurs, des<br />
campagnes d’information et de sensibilisation<br />
portant sur leurs droits et responsabilités en<br />
matière de santé et de sécurité au travail.<br />
Enfin, tôt dans le processus, le gouvernement<br />
du Manitoba sera mieux en mesure de<br />
renseigner les TET et les employeurs au sujet<br />
des options possibles pour la résidence perma -<br />
nente et d’évaluer les demandes présentées par<br />
Nos diverses cités 39
40 Nos diverses cités<br />
les TET au PCM. Des renseignements seront<br />
également transmis à Ressources humaines<br />
et Développement social <strong>Canada</strong> au sujet des<br />
employeurs et des bureaux de placement qui<br />
enfreignent les lois provinciales, afin d’aider au<br />
traitement des demandes d’avis sur le marché<br />
du travail.<br />
Conclusion<br />
Les TET sont susceptibles d’être exploités par les<br />
bureaux de placement et de recrutement<br />
intermédiaires, qui profitent de leur désir de<br />
commencer une nouvelle vie et une nouvelle<br />
carrière. Grâce à la Loi sur le recrutement et la<br />
protection des travailleurs, le Manitoba prend les<br />
mesures nécessaires pour protéger les travailleurs<br />
étrangers qui viennent dans la province. La<br />
législation jette également les fondements d’un<br />
processus de recrutement durable et positif, qui<br />
donne aux entreprises l’accès à une maind’œuvre<br />
qualifiée en plus de tenir compte de la<br />
vulnérabilité des travailleurs. La Province mise<br />
sur la coordination des services et la législation<br />
pour accroître le taux global de conformité aux<br />
normes d’emploi et à la législation sur la santé et<br />
la sécurité au travail, hausser les normes de<br />
professionnalisme et de conduite des bureaux de<br />
recrutement et établir des règles équitables pour<br />
les agents de recrutement légitimes.<br />
Bulletin mondial <strong>Metropolis</strong><br />
Le Bulletin mondial <strong>Metropolis</strong> est une publication annuelle<br />
produite par le projet <strong>Metropolis</strong> international, qui comprend<br />
des articles de fond sur les principaux enjeux du domaine<br />
de la migration et de la diversité. Sa date de publication coïncide<br />
avec la tenue des conférences internationales <strong>Metropolis</strong>.<br />
Les numéros antérieurs ont notamment exploré les questions<br />
suivantes : la migration et le développement, la gestion de la<br />
migration, nos diverses cités, les diasporas et le transnationalisme<br />
et la cohésion sociale.<br />
Pour commander votre exemplaire :<br />
<br />
À propos de l’auteure<br />
NANCY ALLAN est ministre du Travail et de l’Immigration<br />
du Manitoba et déléguée aux affaires multiculturelles.<br />
Elle a été élue à l’Assemblée législative du Manitoba en<br />
1999 et siège au Cabinet depuis 2003. Mme Allan a été<br />
membre de la Commission de régie de l’Assemblée<br />
législative du Manitoba, et elle a également exercé les<br />
fonctions d’adjointe législative du ministre de l’Éducation<br />
et de la Jeunesse ainsi que du ministre de la Culture, du<br />
Patrimoine et du Tourisme.<br />
Références<br />
Amoyaw, B. 2008. « Manitoba Immigration Policy and<br />
Programs », International Settlement <strong>Canada</strong>, vol. 21, no 3.<br />
Manitoba. Manitoba Bureau of Statistics. 2008. Manitoba:<br />
The Past, the Present and the Future. Consulté le 2 octobre<br />
2008 à l’adresse .<br />
———. Travail et Immigration Manitoba. 2008. Manitoba<br />
Immigration Facts 2007 Statistical Report. Consulté le<br />
3 octobre 2008 à l’adresse .<br />
Alberta Federation of Labour. 2007. Temporary Foreign<br />
Workers: Alberta’s Disposable Workforce, The Six-Month<br />
Report of the AFL’s Temporary Foreign Worker Advocate.<br />
Consulté le 3 octobre 2008 à l’adresse .
Le ministère de l’Enseignement postsecondaire, de l’Emploi et du Travail de la Saskatchewan<br />
prévoit, d’ici 2012, une pénurie annuelle de 13 000 à 15 500 employés. La convergence des<br />
facteurs liés au marché du travail a donné lieu à une approche stratégique et équilibrée pour le<br />
marché du travail, axée sur les priorités suivantes : enseigner et former les jeunes [...]; attirer les<br />
personnes qui ont quitté la province ainsi que les travailleurs qualifiés des autres provinces [...];<br />
accroître le nombre de travailleurs qualifiés étrangers qui s’installent dans la province.<br />
Saskatchewan :<br />
maintenir la vigueur de<br />
l’économie grâce à l’immigration<br />
ARLA CAMERON<br />
Ministère de l’Enseignement postsecondaire, de l’Emploi et du Travail de la Saskatchewan<br />
Comme c’est le cas partout au <strong>Canada</strong>, la province<br />
de la Saskatchewan a été bâtie grâce au dur<br />
labeur des Premières nations, des Métis et des<br />
immigrants. C’est également grâce à la diversité<br />
de sa population dynamique que la Saskatchewan<br />
a développé sa forte économie en croissance.<br />
Toutefois, la démographie de la Saskatchewan a<br />
changé au fil du temps, comme celle de presque<br />
tout l’Occident. Même si la Saskatchewan est<br />
depuis longtemps connue comme le « grenier » du<br />
<strong>Canada</strong> en raison de sa contribution majeure et de<br />
longue date à la production canadienne de blé et<br />
d’autres céréales, cette image ne représente plus la<br />
réalité de son économie prospère.<br />
On trouve en Saskatchewan de grands<br />
gisements de pétrole, de gaz naturel, de potasse,<br />
d’uranium et même de diamants. Puisque la<br />
province en entier progresse vers des formes<br />
spécialisées de production, l’économie a connu<br />
une réorientation rapide. Elle reposait autrefois<br />
sur les exportations de produits primaires,<br />
mais aujourd’hui, l’économie est plus diversifiée<br />
et comprend des industries manufacturières, de<br />
technologies et de services.<br />
L’économie de la Saskatchewan est aujourd’hui<br />
reconnue comme l’une des plus vigoureuses du<br />
pays. Le Conference Board du <strong>Canada</strong> prévoit une<br />
croissance de 4,7 % du PIB réel en 2008, et de<br />
3,2 % en 2009. Il est prévu que la croissance<br />
annuelle de l’emploi au cours des cinq prochaines<br />
années sera de 0,8 % (Conference Board, 2008).<br />
La force de l’économie se traduit également<br />
par une augmentation du nombre d’emplois. Entre<br />
octobre 2007 et octobre 2008, 10 500 emplois à<br />
temps plein et 6 600 emplois à temps partiel ont<br />
été créés. De plus, la Saskatchewan a connu le<br />
plus bas taux de chômage (3,3 %) du <strong>Canada</strong> en<br />
octobre 2008 (Statistique <strong>Canada</strong>, 2008).<br />
Toutefois, la force de l’économie de la<br />
Saskatchewan crée des besoins jamais vus sur le<br />
marché du travail. La population vieillit, le taux<br />
de naissance est en baisse et de plus en plus<br />
de personnes prennent leur retraite, et il y a de<br />
moins en moins de jeunes pour occuper les postes<br />
vacants. De plus, la concurrence pour attirer des<br />
employés augmente entre les provinces.<br />
Le ministère de l’Enseignement post -<br />
secondaire, de l’Emploi et du Travail de la<br />
Saskatchewan prévoit, d’ici 2012, une pénurie<br />
annuelle de 13 000 à 15 500 employés. La<br />
convergence des facteurs liés au marché du<br />
travail a donné lieu à une approche stratégique<br />
et équilibrée pour le marché du travail, axée sur<br />
les priorités suivantes :<br />
• Enseigner et former les jeunes, en mettant<br />
l’accent sur les communautés d’Autochtones<br />
et de Métis;<br />
Nos diverses cités 41
FIGURE 1<br />
Nouveaux arrivants en Saskatchewan, 1998-2007<br />
4 000<br />
Nombre d’immigrants % total de Canadiens<br />
3 500<br />
3 000<br />
2 500<br />
2 000<br />
1 500<br />
1 000<br />
500<br />
0<br />
1998 1999 2000<br />
Source : Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (2007).<br />
• Attirer les personnes qui ont quitté la province<br />
ainsi que les travailleurs qualifiés des autres<br />
provinces qui aimeraient travailler et vivre<br />
en Saskatchewan;<br />
• Accroître le nombre de travailleurs qualifiés<br />
étrangers qui s’installent dans la province.<br />
42 Nos diverses cités<br />
Les deux premières priorités sont essentielles<br />
pour maintenir le bien-être social et économique<br />
de la Saskatchewan. Toutefois, comme les<br />
populations locales ne sont pas encore assez fortes<br />
pour combler les besoins à long terme du marché<br />
du travail, la stratégie provinciale en matière<br />
d’immigration jouera un rôle indispensable dans<br />
la réussite de la province.<br />
Programme des candidats à l’immigration<br />
de la Saskatchewan<br />
Au cours des huit années précédant la signature<br />
du premier Accord <strong>Canada</strong>-Saskatchewan en<br />
matière d’immigration, en 1998, le taux d’immi -<br />
gration de la Saskatchewan avait chuté de<br />
30 % et atteint son plus bas niveau, soit 1 500<br />
nouveaux immigrants en 1998. L’Accord conclu<br />
avec le gouvernement fédéral (renouvelé en 2005)<br />
a permis à la Saskatchewan de mettre en œuvre<br />
le Programme des candidats des provinces, qui<br />
l’autorise à choisir les types d’immigrants aptes à<br />
combler ses besoins sur le marché du travail ainsi<br />
que ses lacunes démographiques.<br />
Le Programme des candidats à l’immigration de<br />
la Saskatchewan (PCIS) a complètement redressé<br />
la capacité de la province d’attirer et de<br />
conserver de nouveaux immigrants. Les niveaux<br />
2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007<br />
d’immigration ont plus que doublé depuis la<br />
création du programme en 1998. En 2007, environ<br />
3 500 nouveaux immigrants devaient s’installer<br />
en Saskatchewan, dont plus de la moitié étaient<br />
issus du programme des candidats des provinces<br />
(Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong>, 2008).<br />
Le PCIS est composé de huit catégories :<br />
travailleur qualifié, regroupement familial,<br />
étudiant étranger, professionnel de la santé,<br />
entrepreneur, propriétaire ou exploitant agricole,<br />
conducteur de grand véhicule routier ainsi que<br />
travailleur en hôtellerie et en accueil.<br />
La catégorie des travailleurs qualifiés permet<br />
aux travailleurs étrangers qualifiés ayant obtenu<br />
une offre d’emploi permanent d’un employeur en<br />
Saskatchewan de s’établir dans la province avec<br />
leur famille à titre de résident permanent afin de<br />
pourvoir un poste vacant pour un travailleur<br />
qualifié. La catégorie du regroupement familial<br />
attire les travailleurs étrangers qualifiés qui ont<br />
des proches en Saskatchewan. Elle favorise la<br />
réunification familiale tout en veillant à ce que<br />
les nouveaux immigrants de la province aient<br />
déjà un système d’appui en place pour les aider<br />
à s’établir. Plus de 85 % des participants au PCIS<br />
font partie de la catégorie des travailleurs<br />
qualifiés ou du regroupement familial.<br />
Le PCIS a également plusieurs catégories<br />
à l’intention des résidents temporaires du<br />
<strong>Canada</strong>, notamment pour les étudiants étrangers<br />
récemment diplômés d’un établissement d’ensei -<br />
gnement postsecondaire reconnu au <strong>Canada</strong>.<br />
D’autres catégories de résidents temporaires<br />
ciblent les personnes qui travaillent actuellement<br />
1,6<br />
1,4<br />
1,2<br />
1,0<br />
0,8<br />
0,6<br />
0,4<br />
0,2<br />
0
Le Programme des candidats à l’immigration de la Saskatchewan (PCIS) a complètement<br />
redressé la capacité de la province d’attirer et de conserver de nouveaux immigrants.<br />
Les niveaux d’immigration ont plus que doublé depuis la création du programme en 1998.<br />
dans la province grâce à un permis de<br />
travail temporaire, y compris les médecins, les<br />
infirmières et d’autres professionnels de la<br />
santé, les conducteurs de grand véhicule routier,<br />
les travailleurs qualifiés et les personnes qui<br />
occupent certains postes dans le secteur de<br />
l’hôtellerie et de l’accueil.<br />
La catégorie des entrepreneurs attire des<br />
immigrants qui ont les ressources et l’expertise<br />
pour investir dans une entreprise et l’exploiter<br />
ou pour acheter et exploiter une ferme en<br />
Saskatchewan. Depuis la restructuration de cette<br />
catégorie en 2006, le nombre de demandes a<br />
augmenté de façon considérable. La province<br />
révise actuellement la catégorie des entrepreneurs<br />
pour la rendre plus souple et améliorer les délais<br />
de traitement.<br />
Promotion du PCIS<br />
Quoique le PCIS ait eu des retombées intéressantes<br />
sur l’immigration en Saskatchewan, la croissance<br />
du programme ne sera assurée que si la province<br />
réussit à se faire connaître comme destination<br />
intéressante au <strong>Canada</strong> pour les étudiants<br />
étrangers, les travailleurs temporaires et les<br />
immigrants potentiels.<br />
La province redouble ses efforts de recrutement<br />
en augmentant les investissements dans le<br />
marketing, la promotion et les missions à<br />
l’étranger. Les efforts viseront à améliorer et<br />
à accroître les relations avec les communautés<br />
ethnoculturelles, les organismes communautaires,<br />
l’industrie, la main-d’œuvre, les municipalités<br />
et d’autres intervenants afin de promouvoir<br />
les avantages de l’immigration.<br />
La province coordonne des missions à l’étranger<br />
pour trouver des sources de travailleurs qualifiés,<br />
aider les employeurs à recruter des travailleurs<br />
étrangers et favoriser des relations de travail<br />
solides avec les bureaux des visas canadiens et les<br />
gouvernements locaux ainsi que nationaux.<br />
La province a lancé un projet pilote sur le<br />
processus d’évaluation à l’étranger en colla -<br />
boration avec les employeurs qui étaient<br />
en tournée de recrutement en 2007-2008. Ce<br />
processus a diminué considérablement le délai<br />
de traitement, puisque les agents de programme<br />
qui accompagnaient les employeurs à l’étranger<br />
rencontraient sur place les demandeurs ayant<br />
reçu une offre d’emploi et examinaient du même<br />
coup leurs documents et leur demande.<br />
La promotion efficace de la province fera<br />
grimper de façon notable le nombre de résidents<br />
permanents et temporaires qui s’installeront<br />
en Saskatchewan. Par conséquent, la province<br />
élabore un plan pour que cet afflux de travailleurs<br />
étrangers soit accompagné d’une sensibilisation<br />
accrue des droits et des responsabilités des<br />
travailleurs étrangers ainsi que des employeurs<br />
qui les embauchent.<br />
Une initiative conjointe entre le gouvernement<br />
provincial et fédéral visera à ce que les travailleurs<br />
et les employeurs soient bien informés de leurs<br />
droits et de leurs responsabilités et établira une<br />
ligne de communication claire pour enquêter sur<br />
les infractions, ou les signaler, ou pour obtenir<br />
de l’information sur les règlements en matière de<br />
santé et de sécurité au travail ainsi que les normes<br />
du travail. Au fur et à mesure que le PCIS prendra<br />
de la vigueur, la province mettra en œuvre<br />
des mesures pour veiller à ce que l’intégrité du<br />
programme ne soit pas atteinte.<br />
Établissement et maintien des immigrants<br />
dans la province<br />
Lorsque les immigrants arrivent en Saskatchewan,<br />
il est primordial de veiller à ce qu’ils aient accès<br />
à des programmes et à des services d’appui<br />
de qualité en matière d’établissement. Environ<br />
18 % des nouveaux immigrants en Saskatchewan<br />
s’établiront dans de petites collectivités. La<br />
province offre de bonnes ressources et collabore<br />
avec les collectivités et les groupes d’immigrants,<br />
les employeurs et les établissements d’ensei -<br />
gnement pour favoriser la prestation efficace et<br />
en temps opportun d’appui en matière d’établis -<br />
sement, par exemple des services d’aide à l’emploi<br />
et des services linguistiques. La province travaille<br />
à un nouveau modèle de prestation de services,<br />
qui veillera à ce que les fournisseurs de services à<br />
la population générale soient prêts à répondre aux<br />
besoins de la population croissante d’immigrants.<br />
Les immigrants jouent un rôle crucial dans<br />
le développement de la main-d’œuvre : non<br />
Nos diverses cités 43
44 Nos diverses cités<br />
seulement ils contribuent à la croissance de la<br />
population, mais, par-dessus tout, ils améliorent la<br />
capacité d’innovation au moyen de compétences,<br />
de nouvelles idées et de points de vue provenant<br />
de partout dans le monde. La réussite à long<br />
terme de l’immigration dépendra de la capacité<br />
d’améliorer la reconnaissance de la formation et<br />
de l’expérience acquises à l’étranger, afin d’aider<br />
les immigrants à mettre à profit toutes leurs<br />
compétences et leurs capacités dans leur nouvelle<br />
collectivité et leur nouveau lieu de travail.<br />
Pour ce faire, la Saskatchewan collabore<br />
avec des organisations de réglementation et<br />
d’accréditation professionnelle, des gouver -<br />
nements, des institutions et des employeurs<br />
pour faciliter la reconnaissance des titres de<br />
compétences acquis à l’étranger et développer la<br />
capacité provinciale à évaluer, reconnaître et<br />
tirer profit des connaissances et des compétences<br />
acquises à l’extérieur du <strong>Canada</strong>.<br />
La province dévoilera bientôt une nouvelle<br />
stratégie d’immigration à volets multiples, axée<br />
sur l’augmentation des niveaux d’immigration,<br />
l’amélioration des partenariats, la participation<br />
efficace, l’établissement et le maintien des<br />
immigrants dans la province, la croissance<br />
économique, l’entrepreneuriat et l’intégrité<br />
des programmes.<br />
Pour maintenir la croissance économique<br />
actuelle de la province, il est essentiel d’entretenir<br />
Le Pont<br />
Le Pont est un bulletin d'information publié toutes les<br />
six semaines par le Secrétariat du projet <strong>Metropolis</strong>.<br />
Ce bulletin électronique fait état des récentes activités<br />
dans chacun des six domaines prioritaires de recherche et<br />
comprend aussi des renseignements sur les événements<br />
à venir et les publications.<br />
Pour avoir accès au bulletin électronique, rendez-vous à<br />
l’adresse <br />
ou <br />
un programme d’immigration qui attire les<br />
nouveaux immigrants en Saskatchewan et qui<br />
leur donne des occasions pour se bâtir<br />
un avenir dans la province. Les programmes<br />
d’immigration provinciaux continueront à<br />
s’adapter et à répondre aux besoins changeants<br />
de ses collectivités ainsi que de son économie,<br />
et veilleront à ce que les immigrants soient<br />
accueillis favorablement dans leur nouvelle<br />
province, la Saskatchewan.<br />
À propos de l’auteure<br />
ARLA CAMERON est diplômée de la University of Regina<br />
en développement international. Elle travaille actuellement<br />
à la division des services d’immigration au ministère de<br />
l’Enseignement postsecondaire, de l’Emploi et du Travail.<br />
Références<br />
<strong>Canada</strong>. Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong>. 2008.<br />
Faits et chiffres 2007 – Aperçu de l’immigration :<br />
résidents permanents et temporaires. Consulté en<br />
novembre 2008 à l’adresse .<br />
———. Statistique <strong>Canada</strong>. 2008. Enquête sur la population<br />
active : octobre 2008. Consulté en octobre 2008 à l’adresse<br />
.<br />
Conference Board du <strong>Canada</strong>. 2008. Note de conjoncture<br />
provinciale : automne 2008, Ottawa, Conference Board<br />
du <strong>Canada</strong>.
Tandis que certaines régions du pays connaissaient un déclin de population ou se plaignaient<br />
d’une croissance minime ou d’une situation stagnante, d’autres affichaient des taux de<br />
croissance remarquables et attiraient la majorité des immigrants au <strong>Canada</strong>. Il était évident<br />
qu’il fallait voir à une répartition équitable des retombées de l’immigration partout au pays.<br />
Attirer et garder les immigrants :<br />
une boîte à outils pleine d’idées<br />
pour les petits centres *<br />
LYNNE BELDING<br />
Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong>, région des Prairies et des Territoires du Nord-Ouest<br />
JEAN McRAE<br />
Inter-Cultural Association of Greater Victoria<br />
La dispersion des immigrants sur l’ensemble du<br />
territoire canadien est une question qui retient de<br />
plus en plus l’attention des gouvernements, des<br />
fournisseurs de services et des organismes d’aide<br />
aux immigrants. Le Groupe de travail national<br />
sur les stratégies relatives aux petits centres, formé<br />
sous les auspices de l’Initiative sur le secteur<br />
bénévole et communautaire, a entrepris en 2001<br />
d’examiner différents modèles et stratégies pour<br />
modifier la tendance habituelle de dispersion. En<br />
2005, le groupe de travail partageait ses conclu -<br />
sions dans un document intitulé « Attirer et garder<br />
les immigrants : une boîte à outils pleine d’idées<br />
pour les petits centres ». Dans la deuxième édition,<br />
publiée en 2008, on retrouve bien d’autres exem -<br />
ples des divers projets qui sont mis sur pied par les<br />
collectivités partout au pays. Dans la dernière<br />
phase de l’initiative, l’exploration se poursuit alors<br />
que le groupe de travail fait participer les petits<br />
centres à la création et à la mise en œuvre de<br />
stratégies pour attirer et garder les immigrants.<br />
L’Initiative sur le secteur bénévole et<br />
communautaire (ISBC) est un accord intervenu<br />
entre le gouvernement du <strong>Canada</strong> et le secteur<br />
* Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur<br />
et ne reflètent pas nécessairement celles de Citoyenneté et<br />
Immigration <strong>Canada</strong> ou du gouvernement du <strong>Canada</strong>.<br />
bénévole en juin 2000. Il s’agit d’une initiative<br />
conjointe qui vise les objectifs durables suivants :<br />
• Renforcer la capacité du secteur bénévole de<br />
relever les défis de l’avenir;<br />
• Améliorer la relation entre le secteur bénévole<br />
et le gouvernement fédéral;<br />
• Accroître la capacité du secteur de servir<br />
les Canadiens;<br />
• Améliorer l’accès du secteur aux avantages<br />
de la technologie;<br />
• Promouvoir le secteur auprès du public et<br />
du gouvernement;<br />
• Acquérir un nouvel ensemble de connaissances,<br />
de compétences et de moyens d’action pour<br />
aider les organisations bénévoles à répondre<br />
aux besoins des Canadiens;<br />
• Proposer une nouvelle méthode de financement,<br />
durable et viable, pour le secteur bénévole;<br />
• Promouvoir le rôle des bénévoles comme<br />
héritage de l’Année internationale des bénévoles<br />
adoptée par les Nations Unies en 2001;<br />
• Appuyer l’élaboration des politiques par<br />
les ministères fédéraux, en donnant aux<br />
organisations du secteur bénévole la possibilité<br />
Nos diverses cités 45
L’une des recommandations issues de l’atelier sur la Stratégie relative aux<br />
petits centres concernait la conception d’une Boîte à outils pleine d’idées<br />
pour les petits centres qui voulaient attirer et garder des immigrants et<br />
souhaitaient inclure l’immigration dans leur stratégie démographique.<br />
46 Nos diverses cités<br />
de contribuer au processus par le truchement de<br />
la Participation du secteur à l’élaboration des<br />
politiques ministérielles (PSEPM) 1 .<br />
Tous les ministères intéressés, dont Patrimoine<br />
canadien et Santé <strong>Canada</strong>, ont donc signé un<br />
accord individuel avec le secteur bénévole.<br />
Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (CIC) a signé<br />
sa propre entente avec le secteur bénévole en<br />
1999, dans le but de renforcer la capacité du<br />
secteur bénévole au chapitre de l’établissement<br />
des immigrants.<br />
Le projet est composé de trois phases. La phase<br />
initiale s’est terminée avec la première Conférence<br />
nationale sur l’établissement, tenue à Kingston<br />
en 2001. Ce forum de travail visait à favoriser<br />
un dialogue productif sur la politique en matière<br />
d’établissement au <strong>Canada</strong>, à améliorer la capacité<br />
générale du secteur de l’établissement d’offrir<br />
des services et à faciliter l’acquisition de<br />
connaissances au sein du secteur. La conférence a<br />
notamment mené à la création de quatre groupes<br />
de travail stratégiques nationaux de l’ISBC,<br />
chargés d’examiner des questions particulières<br />
associées à l’établissement. Chaque groupe<br />
comptait des représentants de différents ordres<br />
de gouvernement et du secteur bénévole et était<br />
coprésidé par un représentant de CIC et un autre<br />
du secteur bénévole.<br />
L’un de ces groupes de travail était responsable<br />
de la Stratégie relative aux petits centres. Pendant<br />
la deuxième phase de l’accord, les groupes de<br />
travail ont rédigé des rapports préliminaires et<br />
formulé des recommandations touchant différents<br />
aspects de l’établissement. L’un des thèmes<br />
abordés était l’immigration dans les petits centres,<br />
puisque la régionalisation de l’immigration était,<br />
et demeure, une question d’intérêt au <strong>Canada</strong>.<br />
Tandis que certaines régions du pays connais -<br />
saient un déclin de population ou se plaignaient<br />
d’une croissance minime ou d’une situation<br />
stagnante, d’autres affichaient des taux de<br />
croissance remarquables et attiraient la majorité<br />
1 Pour de plus amples renseignements sur l’ISBC, voir<br />
.<br />
des immigrants au <strong>Canada</strong>. Il était évident<br />
qu’il fallait voir à une répartition équitable des<br />
retombées de l’immigration partout au pays.<br />
Ce sentiment avait d’ailleurs été exprimé<br />
unani mement par les ministres canadiens de<br />
l’immigration des paliers fédéral, provincial<br />
et territorial. Le groupe de travail sur les<br />
petits centres a été créé pour réagir à cette<br />
observation de la réalité.<br />
Lors de la deuxième Conférence nationale sur<br />
l’établissement, en octobre 2003, des documents<br />
ont été présentés dans le cadre d’ateliers pour<br />
discussion, recommandation et approbation.<br />
Cette conférence est venue terminer la troisième<br />
phase de l’accord. L’une des recommandations<br />
issues de l’atelier sur la Stratégie relative<br />
aux petits centres concernait la conception<br />
d’une Boîte à outils pleine d’idées pour les<br />
petits centres qui voulaient attirer et garder des<br />
immigrants et souhaitaient inclure l’immigration<br />
dans leur stratégie démographique. En 2004,<br />
le groupe de travail a obtenu de Citoyenneté et<br />
Immigration <strong>Canada</strong> un montant de 40 987 $<br />
pour créer cette Boîte à outils 2 .<br />
La première Boîte à outils a été lancée en 2005.<br />
Elle renferme un vaste éventail d’idées, de<br />
ressources, de stratégies et d’outils pour permettre<br />
aux petits centres de croître en attirant des<br />
immigrants. Elle contient des renseignements au<br />
sujet des tendances nationales et mondiales sur le<br />
plan de l’immigration, des détails sur le processus<br />
canadien d’admission des immigrants et des<br />
réfugiés, ainsi que des idées pour créer une<br />
stratégie de croissance démographique. On y<br />
trouve également des outils pour évaluer la<br />
capacité d’une collectivité d’accueillir des<br />
nouveaux arrivants et des idées pour mettre sur<br />
pied un plan d’action et créer une stratégie de<br />
« collectivité accueillante » afin de mobiliser la<br />
2<br />
Il est possible de télécharger une version imprimable de la<br />
Boîte à outils à partir de <br />
ou de .<br />
Des versions anglaise et française de la Boîte<br />
à outils sont offertes sur CD-ROM et sur papier et peuvent être<br />
commandées auprès de l’Inter-Cultural Association of Greater<br />
Victoria, à l’adresse .
collectivité. Enfin, la trousse contient une liste<br />
de ressources et de services gouvernementaux<br />
et communautaires.<br />
La Boîte à outils comporte cinq chapitres :<br />
• Le premier est une introduction qui présente le<br />
but de la Boîte à outils, une définition des<br />
petits centres et des renseignements généraux<br />
sur les ressources proposées, la façon de les<br />
utiliser et les réalités de l’immigration.<br />
• Le deuxième explique comment jeter les<br />
fondations d’une collectivité accueillante,<br />
par exemple comment s’organiser et formuler<br />
des stratégies pour obtenir le soutien de<br />
la collectivité.<br />
• Le troisième présente les facteurs clés<br />
d’une collectivité accueillante et souligne<br />
l’importance des liens familiaux, de l’emploi<br />
et du logement ainsi que la nécessité de<br />
surmonter les obstacles.<br />
• Le quatrième explique comment attirer des<br />
immigrants et comporte une section sur la<br />
façon de cerner et d’optimiser les forces<br />
existantes ainsi que d’améliorer les possibilités<br />
d’une collectivité donnée.<br />
• Le cinquième aborde d’autres aspects d’une<br />
collectivité accueillante, les facteurs essentiels<br />
pour créer une collectivité accueillante, les<br />
dispositions initiales à prendre pour accueillir<br />
de nouveaux arrivants et leur offrir le premier<br />
soutien à l’établissement.<br />
La Boîte à outils comprend également des<br />
listes de vérification, des statistiques utiles<br />
sur l’immigration ainsi que des liens vers les<br />
sites Web d’organismes fédéraux, provinciaux<br />
et communautaires.<br />
Le groupe de travail a poursuivi ses travaux et<br />
obtenu en 2007-2008 une somme de 52 140 $<br />
pour produire la deuxième édition de la Boîte à<br />
outils. Le document a été mis à jour et renferme<br />
une nouvelle section, intitulée « Une collectivité<br />
accueillante ». La nouvelle version de la Boîte<br />
à outils a été lancée à Lethbridge, en Alberta,<br />
en 2008.<br />
La prochaine étape du projet, financée par<br />
CIC à hauteur de 174 558 $ pour 2008-2009 et<br />
de 54 258 $ pour 2009-2010, viendra appuyer<br />
les activités de renforcement des capacités et<br />
les activités d’accueil dans les collectivités,<br />
notamment grâce à la distribution de matériel<br />
promotionnel aux petites collectivités de plusieurs<br />
provinces. Le groupe pourra ainsi travailler avec<br />
les gouvernements provinciaux et des ressources<br />
locales dans le but de sélectionner des collectivités<br />
et de réunir des intervenants clés dans les petits<br />
centres du <strong>Canada</strong>. Dans chacune des provinces<br />
désignées, des animateurs recevront une<br />
formation afin de les familiariser avec l’utilisation<br />
de la Boîte à outils et de les préparer à présenter<br />
au moins trois ateliers à deux collectivités<br />
dans chacune des provinces participantes.<br />
Cette initiative est financée par CIC à même le<br />
Fonds d’innovation, lequel vise principalement à<br />
appuyer les projets ayant une portée nationale.<br />
Les provinces qui participeront au projet sont la<br />
Colombie-Britannique, l’Alberta, la Saskatchewan,<br />
la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick et<br />
Terre-Neuve. La Province du Manitoba participera<br />
à la mise sur pied du programme de formation.<br />
Les provinces participantes recommanderont<br />
au moins deux petits centres qui bénéficieraient<br />
d’une formation sur l’utilisation de la Boîte<br />
à outils. Les animateurs organiseront trois<br />
rencontres dans chaque collectivité. Une<br />
évaluation des besoins sera effectuée, un plan<br />
d’action stratégique sera établi et une formation<br />
sur l’utilisation de la Boîte à outils sera offerte.<br />
Les animateurs travailleront avec les collectivités<br />
afin de les aider à devenir plus accueillantes et à<br />
accroître ainsi leur capacité d’attirer et de garder<br />
des immigrants.<br />
Une composante d’évaluation sera également<br />
créée et constituera un volet clé du projet.<br />
À propos des auteures<br />
LYNNE BELDING est coprésidente du Groupe de travail<br />
national sur les stratégies relatives aux petits centres<br />
depuis 2003. Elle travaille au gouvernement du <strong>Canada</strong><br />
depuis 1982 et compte 16 années d’expérience dans le<br />
secteur de l’immigration. Elle est actuellement rattachée<br />
au bureau régional des Prairies et des Territoires du Nord-<br />
Ouest de Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong>, en qualité<br />
de conseillère de programme.<br />
JEAN McRAE est directrice exécutive de l’Inter-Cultural<br />
Association of Greater Victoria. Elle travaille dans le<br />
domaine des services aux immigrants depuis 1982 et siège<br />
à plusieurs conseils provinciaux et nationaux s’intéressant<br />
à l’intégration des immigrants. Elle assure actuellement<br />
la coprésidence du Groupe de travail national sur les<br />
stratégies relatives aux petits centres.<br />
Nos diverses cités 47
La façon dont les villes de taille moyenne dans les Prairies vivent l’immigration n’est pas<br />
suffisamment étudiée et différera forcément de l’expérience des trois grandes métropoles<br />
canadiennes, et ce, de diverses façons et pour diverses raisons. Les caractéristiques de chaque ville<br />
influencent les décisions à l’échelle locale et permettent une analyse préliminaire des lacunes à<br />
combler en matière de politiques et de planification locale. La diversité de la population dans la<br />
communauté d’accueil, le revenu et le taux de pauvreté semblent étroitement liés au choix relatif à<br />
la réinstallation. Cette recherche examine comment certaines municipalités réagissent à ces enjeux<br />
et souligne les services qu’elles offrent aux nouveaux arrivants et aux immigrants qui s’y installent.<br />
Une analyse des tendances<br />
en matière d’attraction et de<br />
rétention des immigrants dans<br />
les RMR de l’Ouest canadien *<br />
VALERIE PRUEGGER<br />
University of Calgary et Ville de Calgary<br />
DEREK COOK<br />
Ville de Calgary<br />
48 Nos diverses cités<br />
Au cours de la dernière décennie (1991-2000),<br />
cinq villes de l’Ouest canadien – Winnipeg, Regina,<br />
Saskatoon, Calgary et Edmonton – ont accueilli<br />
un total de 184 632 immigrants, ce qui représente<br />
8,3 % de tous les immigrants au <strong>Canada</strong>. Durant<br />
cette décennie, la proportion des immigrants<br />
s’étant établis dans ces cinq villes de l’Ouest est<br />
passée de 7,4 % en 1996 à 9,5 % en 1991 et 1994.<br />
On prévoit qu’il y aura de sérieuses pénuries de<br />
main-d’œuvre au cours des 25 prochaines années.<br />
Elles ont d’ailleurs déjà commencé à poindre dans<br />
le marché du travail canadien et continueront<br />
de s’aggraver en raison du vieillissement de la<br />
population active. Étant donné que, selon les<br />
prévisions, l’accroissement de la population active<br />
reposera sur l’immigration, la capacité des villes –<br />
et de la région – de l’Ouest d’attirer et de retenir<br />
des travailleurs immigrants sera essentielle à la<br />
croissance économique. Cette capacité sera encore<br />
plus cruciale pour les centres de petite envergure,<br />
car la compétition intrarégionale pour la maind’œuvre<br />
pourrait s’accroître. Non seulement les<br />
villes de l’Ouest seront-elles en concurrence avec<br />
des centres d’immigration plus établis dans le<br />
centre du <strong>Canada</strong>, mais elles se feront également<br />
de plus en plus concurrence entre elles pour<br />
obtenir une part de la population immigrante qui<br />
se dirige vers l’Ouest du <strong>Canada</strong>. En conséquence,<br />
l’attraction et la rétention des immigrants seront<br />
un problème pressant et croissant.<br />
* Les auteurs aimeraient remercier leurs partenaires municipaux<br />
et communautaires dans les cinq villes à l’étude, qui ont<br />
grandement contribué à tous les aspects de la recherche, ainsi<br />
que Sibylle Richter-Salomons, qui a apporté son aide pour<br />
l’analyse des données et fourni des commentaires utiles sur<br />
l’ébauche de la recherche. Nous aimerions également remercier<br />
le Centre <strong>Metropolis</strong> des Prairies pour le financement qui a<br />
permis de mener cette recherche, ainsi que le personnel de<br />
Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong>, qui a fourni les données<br />
essentielles au présent rapport.
FIGURE 1<br />
Taux de rétention annuel, nombre total d’immigrants<br />
0,00 %<br />
-0,50 %<br />
-1,00 %<br />
-1,50 %<br />
-2,00 %<br />
-2,50 %<br />
-3,00 %<br />
-3,50 %<br />
-4,00 %<br />
-4,50 %<br />
-5,00 %<br />
-0,38 %<br />
-1,69 %<br />
-4,60 %<br />
Calgary Edmonton Regina Saskatoon Vancouver Winnipeg<br />
Afin d’être mieux préparées pour relever ces<br />
défis et de retenir davantage les immigrants, les<br />
municipalités doivent absolument mesurer les<br />
tendances en ce qui concerne les populations<br />
émergentes et comprendre les expériences des<br />
nouveaux arrivants qui s’établissent dans leurs<br />
communautés. Toutefois, à l’heure actuelle, il<br />
n’existe aucune méthode de mesure efficace qui<br />
présente une image claire de l’influence des<br />
tendances migratoires internes sur la diversité<br />
ethnique de ces populations. Afin de mieux<br />
comprendre ces tendances et leurs répercussions<br />
possibles sur les villes de l’Ouest du <strong>Canada</strong>, un<br />
outil de recherche a été conçu. Il vise à mettre au<br />
jour les tendances migratoires chez les divers<br />
groupes d’immigrants. De plus, des représentants<br />
de chacune des grandes villes de l’Ouest du<br />
<strong>Canada</strong> ont rempli des questionnaires concernant<br />
les efforts déployés à l’échelle municipale pour<br />
accueillir les immigrants et répondre à leurs<br />
besoins en matière d’intégration. L’objectif était<br />
d’utiliser les données amassées pour mieux<br />
orienter la planification des politiques et des<br />
programmes à l’échelle municipale, afin de<br />
mieux répondre aux besoins particuliers de ces<br />
populations émergentes.<br />
Méthodologie<br />
La présente recherche est fondée sur des analyses<br />
quantitatives et qualitatives et porte sur la<br />
période s’étendant de 1991 à 2000. Une analyse<br />
-3,64 %<br />
-0,31 %<br />
-2,37 %<br />
quantitative a été menée sur la base des données<br />
du Recensement fédéral et de Citoyenneté et<br />
Immigration <strong>Canada</strong> (CIC) sur les immigrants<br />
admis, afin d’établir les taux de rétention des six<br />
villes de l’Ouest. Les résultats de cette analyse ont<br />
été présentés lors d’un forum régional tenu en<br />
avril 2007, où des représentants des six villes ont<br />
discuté des résultats et ont fourni des données<br />
locales contextuelles. Ces données qualitatives<br />
ont ensuite été utilisées pour une autre analyse<br />
quantitative, dont le but était d’évaluer la<br />
répercussion des enjeux cernés par les inter -<br />
venants sur les taux de rétention locaux (pour<br />
consulter le rapport complet et obtenir des<br />
détails concernant le modèle, voir Pruegger et<br />
Cook, 2007). La Figure 1 présente les résultats<br />
de ces analyses.<br />
Résultats : aperçu régional<br />
Les résultats ont montré que les cinq villes des<br />
Prairies diffèrent quant à leurs tendances<br />
historiques en matière d’immigration et à leurs<br />
tendances actuelles concernant la rétention<br />
des immigrants. Même si la région de l’Ouest,<br />
dans son ensemble, a affiché une population<br />
immigrée relativement stable, celle-ci masque des<br />
changements et des différences notables entre les<br />
villes de la région. Parmi les villes des Prairies,<br />
en 1991, c’est Edmonton qui avait la plus grande<br />
population immigrée (152 830), suivie par<br />
Calgary (151 760), Winnipeg (113 755), Saskatoon<br />
Nos diverses cités 49
FIGURE 2<br />
Changement net dans la population immigrante, données réelles<br />
et prévisionnelles, Ouest canadien, 1991-2000<br />
0<br />
-5 000<br />
-10 000<br />
-15 000<br />
-20 000<br />
-25 000<br />
-30 000<br />
(17 150) et Regina (15 885) 1 (le rapport complet<br />
présente un aperçu détaillé des tendances<br />
en matière d’immigration et de rétention des<br />
immigrants pour chaque ville).<br />
Entre 1991 et 2001, les villes de Winnipeg, de<br />
Saskatoon et de Regina ont connu une perte nette<br />
d’immigrants, alors que Calgary et Edmonton<br />
démontraient un gain net. La plus grande perte<br />
d’immigrants a été signalée à Regina, dont la<br />
population immigrée a diminué de 11,8 %, suivie<br />
de Winnipeg avec une diminution de 3,8 % et<br />
de Saskatoon avec une diminution de 1,7 %. En<br />
revanche, la population immigrée a crû de 30,1 %<br />
à Calgary et de 8,1 % à Edmonton.<br />
Malgré la croissance rapide de la population<br />
immigrée dans les trois plus importantes villes de<br />
l’Ouest, la population immigrée totale des villes<br />
de l’Ouest, y compris celle des villes qui ont vu<br />
augmenter leur population immigrée, a descendu<br />
en dessous des projections en supposant une<br />
rétention de 100 %. En conséquence, dans<br />
l’Ouest canadien, toutes les grandes RMR (région<br />
métropolitaine de Recensement) ont connu des<br />
1<br />
-23 469<br />
50 Nos diverses cités<br />
-6 213<br />
-5 485<br />
Winnipeg Regina Saskatoon Calgary Edmonton Vancouver<br />
La recherche originale portait également sur Vancouver, mais<br />
ces données n’ont pas été incluses dans le présent article<br />
en raison de l’accent mis sur les provinces des Prairies dans<br />
ce numéro (elles demeurent toutefois dans les figures).<br />
Les chercheurs intéressés à consulter l’analyse complète<br />
peuvent communiquer avec Valerie Pruegger à l’adresse<br />
suivante pour obtenir une copie du rapport complet :<br />
vpruegger@calgary.ca.<br />
-5 951<br />
-24 328<br />
-16 626<br />
taux de rétention négatifs, ce qui indique des<br />
migrations de sortie secondaires de degrés divers.<br />
La ville de Calgary avait le meilleur taux de<br />
rétention (99,6 %), suivie d’Edmonton (98,3 %), de<br />
Winnipeg (97,6 %), de Saskatoon (96,4 %) et de<br />
Regina (95,4 %). En ce qui concerne la population<br />
réelle, la plus grande perte nette de population a<br />
été observée dans la RMR d’Edmonton (-24 328),<br />
suivie de Winnipeg (-23 469), de Regina (-6 213),<br />
de Calgary (-5 951) et de Saskatoon (-5 485).<br />
Les taux de rétention ont aussi varié<br />
considérablement selon la région source de<br />
l’immigration. Les immigrants d’Asie ont eu<br />
tendance à avoir les plus faibles taux de rétention<br />
dans toutes les villes, alors que les plus hauts taux<br />
de rétention avaient tendance à se trouver chez<br />
les immigrants venant d’Europe. Le faible taux<br />
de rétention des immigrants asiatiques pose<br />
problème en raison de l’importance de l’Asie pour<br />
l’immigration globale dans l’Ouest canadien. Il en<br />
résulte une perte considérable de main-d’œuvre<br />
potentielle dans certaines villes.<br />
Finalement, les taux de rétention varient de<br />
façon notable selon la période d’immigration.<br />
Ils étaient positifs dans toutes les villes pour<br />
les immigrants arrivés entre 1961 et 1980, et les<br />
moins élevés s’observaient parmi les immigrants<br />
arrivés entre 1981 et 1990. Toutefois, les RMR de<br />
Regina et de Saskatoon montraient des taux de<br />
rétention beaucoup plus bas chez les immigrants<br />
récents (1991-2000), Regina affichant un taux de
Étant donné que, selon les prévisions, l’accroissement de la population active reposera<br />
sur l’immigration, la capacité des villes – et de la région – de l’Ouest d’attirer et de<br />
retenir des travailleurs immigrants sera essentielle à la croissance économique.<br />
rétention de seulement 87,7 %. Parallèlement, la<br />
RMR de Calgary affichait un taux de rétention<br />
positif pour les immigrants récents, ce qui laisse<br />
croire à un certain mouvement d’immigrants<br />
récents d’autres RMR vers Calgary.<br />
Les représentants des différentes villes présents<br />
lors de la table ronde ont cerné une gamme de<br />
facteurs qui, selon eux, ont un effet sur les taux<br />
de rétention locaux. Parmi les facteurs qui attirent<br />
les immigrants, on trouve le bilinguisme (anglais<br />
et français) de la communauté (p. ex., Winnipeg)<br />
ainsi que la diversité de la population. Les facteurs<br />
dissuasifs comprenaient le manque de logements<br />
abordables, le racisme et la discrimination, le<br />
sous-emploi et le chômage, les transports publics<br />
inappropriés et l’absence de cours d’anglais<br />
langue seconde (CALS) de niveau adéquat et de<br />
services d’établissement adaptés. On a également<br />
avancé que les faibles taux de rétention<br />
pouvaient être attribuables au déclin général de la<br />
population dans certaines villes, et pas seulement<br />
en ce qui concerne les populations d’immigrants.<br />
Afin de mesurer ces facteurs, des indicateurs<br />
ont été choisis pour chacun, ainsi que pour la<br />
pauvreté. On a ensuite utilisé ces indicateurs pour<br />
faire une analyse de corrélation entre le facteur<br />
en question et le taux de rétention pour chaque<br />
groupe d’immigrants dans chaque ville. Les<br />
résultats ont montré qu’un certain nombre de<br />
facteurs étaient liés aux décisions prises en<br />
matière de migration, y compris le niveau de<br />
diversité dans la communauté d’accueil, de même<br />
que la diversité élevée de la population (mesurée<br />
selon la population d’immigrants et le nombre de<br />
membres des minorités visibles dans ces villes) et<br />
la sécurité économique. Les offres d’emploi et les<br />
logements abordables ne semblaient pas jouer de<br />
rôle significatif dans les décisions en matière de<br />
migration. En fait, le coût moyen du logement<br />
avait une corrélation positive avec la rétention.<br />
Cela peut laisser croire que les grandes villes<br />
attirent plus efficacement les immigrants pour<br />
diverses raisons, dont leur plus grande diversité,<br />
et que ces avantages peuvent atténuer le poids<br />
de certains facteurs comme le coût élevé des<br />
logements. Il est évident qu’une étude qualitative<br />
abordant ces questions avec les immigrants<br />
eux-mêmes améliorerait considérablement notre<br />
compréhension de ces conclusions.<br />
Difficultés locales<br />
Pour chaque municipalité, on a relevé un certain<br />
nombre de difficultés locales empêchant d’attirer<br />
et de retenir les immigrants. Même si certaines<br />
de ces difficultés étaient observées de façon<br />
ponctuelle dans une seule municipalité, bon<br />
nombre étaient communes à toutes. Le premier<br />
ensemble de difficultés concernait la capacité<br />
des organismes publics de s’attaquer d’une façon<br />
coordonnée aux obstacles qui se posent aux<br />
communautés immigrantes. Il semble y avoir un<br />
manque de coordination des services ainsi que des<br />
incertitudes quant aux rôles et aux responsabilités<br />
des divers ordres de gouvernement au regard<br />
de l’immigration et de l’établissement. Par<br />
ailleurs, on considère que les gouvernements et<br />
les organismes gouvernementaux n’ont pas la<br />
capacité organisationnelle et les ressources<br />
nécessaires pour s’attaquer efficacement aux<br />
problèmes de l’immigration.<br />
Les municipalités reçoivent de plus en plus de<br />
demandes de services visant à régler les difficultés<br />
en matière d’immigration et d’établissement, mais<br />
elles manquent de ressources pour répondre à ces<br />
demandes qui n’entrent pas dans leur mandat.<br />
Cette situation a donné lieu à une inquiétude<br />
croissante quant à la non-inclusion des<br />
municipalités dans les discussions portant sur<br />
les politiques d’immigration et l’établissement.<br />
Le manque de logements abordables et<br />
l’absence de transports publics adéquats ont<br />
également été désignés comme des problèmes<br />
locaux, tout comme les difficultés économiques,<br />
y compris le sous-emploi et le chômage des<br />
immigrants récents. On a laissé entendre que ce<br />
désavantage sur le marché du travail contribuait<br />
à augmenter l’écart de revenu dans les zones<br />
urbaines et soulignait le besoin de ressources pour<br />
aider les municipalités à élaborer des stratégies<br />
de développement économique de longue portée<br />
pour les communautés de nouveaux arrivants.<br />
La faible diversité culturelle dans les petites<br />
villes est une autre difficulté cernée par les<br />
intervenants, selon qui ce facteur entrave la<br />
Nos diverses cités 51
La question du logement joue un rôle important dans la réussite de l’établissement<br />
chez les immigrants. Les politiques en la matière doivent reconnaître qu’un logement<br />
convenable et sécuritaire est une condition préalable à la réussite sur de nombreux<br />
plans, y compris à la réussite scolaire et à l’obtention d’un emploi stable.<br />
52 Nos diverses cités<br />
création d’un environnement accueillant pour<br />
les nouveaux arrivants et peut les pousser à<br />
décider par la suite de quitter la communauté.<br />
Par ailleurs, le représentant de Winnipeg a<br />
précisé que la diversité culturelle de sa ville<br />
était un avantage lorsqu’il s’agissait d’attirer et<br />
de retenir les immigrants. Toutefois, la majorité<br />
des représentants municipaux ont manifesté<br />
une inquiétude concernant le racisme et<br />
la discrimination dans leurs communautés,<br />
considérant qu’il s’agissait d’un obstacle majeur à<br />
la création d’un environnement accueillant apte à<br />
attirer efficacement et à retenir les immigrants.<br />
Un certain nombre de nouveaux enjeux ont<br />
été cernés, dont le manque de représentation<br />
des immigrants ou des membres de minorités<br />
visibles au sein des commissions et des conseils<br />
municipaux. On a aussi noté la nécessité de<br />
tenir compte davantage des systèmes de santé et<br />
d’éducation dans la planification stratégique, le<br />
besoin d’une plus grande collaboration régionale<br />
et de meilleures communications entre les villes<br />
et au sein des communautés et la reconnaissance<br />
des déséquilibres dans le financement, qui<br />
restreignent les actions dans les petites villes.<br />
Soutien et services<br />
Pour relever ces défis, toutes les municipalités<br />
participant à l’étude disposent d’une gamme de<br />
services de soutien, qu’ils soient communautaires,<br />
sans but lucratif ou subventionnés par le<br />
gouvernement. Toutefois, les participants à la<br />
table ronde ont reconnu que la population<br />
immigrante croissante ayant des besoins de plus<br />
en plus complexes et diversifiés pousse à sa limite<br />
cette infrastructure qui est, au mieux, mal<br />
coordonnée. Les administrations municipales<br />
ont mis en place une panoplie de mesures<br />
pour répondre à cette demande de soutien et de<br />
services. Certaines administrations municipales,<br />
en particulier dans les régions qui s’efforcent<br />
d’attirer des immigrants, ont reconnu l’importance<br />
d’aborder la question des immigrants et de<br />
l’immigration dans leurs plans d’activités, leurs<br />
politiques et leurs pratiques (p. ex., Regina,<br />
Saskatoon et Edmonton), alors que d’autres voient<br />
ces questions comme la responsabilité d’autres<br />
ordres de gouvernement et hésitent à se charger<br />
d’un dossier complexe et coûteux qui ne fait pas<br />
partie de leur mandat.<br />
Orientations recommandées<br />
Il doit y avoir davantage de coopération<br />
intergouvernementale et une plus grande<br />
coordination des services. Les ententes bilatérales<br />
ou trilatérales sur l’immigration peuvent<br />
permettre la création d’approches plus globales<br />
et cohérentes en fournissant un levier pour<br />
regrouper les services et les politiques qui<br />
appuient les efforts visant l’amélioration des<br />
résultats des immigrants en ce qui concerne<br />
l’intégration économique et sociale (Cappe,<br />
2007). De nombreux participants à cette étude<br />
ont souligné l’importance de créer des ententes<br />
trilatérales pour s’assurer que les administrations<br />
locales ont voix au chapitre lorsque les politiques<br />
et les programmes d’immigration son établis.<br />
Tous ont convenu que les administrations<br />
municipales ont des rôles clés à jouer pour<br />
créer des communautés accueillantes et favoriser<br />
l’intégration des nouveaux arrivants.<br />
Il nous faut également envisager l’immigration<br />
à long terme et examiner les effets des facteurs<br />
d’établissement sur les différents groupes<br />
d’immigrants. À l’heure actuelle, nous voyons<br />
une diaspora croissante des immigrants et de<br />
leurs enfants nés au <strong>Canada</strong> à cause du manque<br />
de possibilités dans notre pays (voir Mandel-<br />
Campbell, 2007). Une étude récente révèle<br />
qu’environ quatre nouveaux arrivants sur 10<br />
appartenant aux catégories des gens d’affaires et<br />
des travailleurs qualifiés sont partis au cours des<br />
10 ans suivant leur arrivée (Statistique <strong>Canada</strong>,<br />
2006). Cela représente un drainage considé -<br />
rable des ressources et du capital communautaire.<br />
Com ment pouvons-nous contrer cette vague et<br />
comprendre ce qu’il faut proposer pour garder<br />
les gens au <strong>Canada</strong> ? De nombreuses personnes<br />
pointent du doigt le manque de possibilités pour<br />
les personnes des minorités visibles, ce qui met
en évidence la nécessité de régler la question<br />
de la reconnaissance des titres de compétence<br />
étrangers et de donner du poids au Plan d’action<br />
canadien contre le racisme.<br />
L’exploitation est également une question à<br />
examiner en ce qui concerne les travailleurs<br />
étrangers temporaires (TET). Il existe des preuves<br />
que ces programmes sont utilisés à des fins<br />
d’exploitation par certains employeurs, ce qui<br />
augmente la vulnérabilité des travailleurs sur<br />
les lieux de travail et dans la communauté en<br />
général. Des signes révèlent également un<br />
ressentiment croissant parmi les populations<br />
d’immigrants établis, qui estiment que les<br />
employeurs utilisent le Programme des TET pour<br />
accéder à de la main-d’œuvre vulnérable et bon<br />
marché de l’étranger au lieu de tenir compte<br />
des immigrants qualifiés déjà au <strong>Canada</strong> qui se<br />
cherchent un emploi. Au fur et à mesure que ces<br />
programmes prennent de l’ampleur, les autorités<br />
provinciales et fédérales doivent allouer des<br />
ressources pour surveiller les employeurs et<br />
répondre efficacement aux plaintes des<br />
travailleurs. Tous les efforts devraient être<br />
faits pour que les pratiques concernant les<br />
TET respectent les paramètres établis dans la<br />
législation sur les droits de la personne ainsi que<br />
les normes du travail, tant au niveau provincial<br />
que fédéral. (Pour un examen en profondeur<br />
de certains des enjeux et des recommandations<br />
pour l’Alberta, voir Alberta Federation of Labour,<br />
2007) Nous devons également examiner la<br />
question de l’exploitation des aides familiaux<br />
résidants et les incidences d’enjeux à long terme,<br />
comme la déqualification et les taux de pauvreté<br />
élevés, sur les communautés locales.<br />
La question du logement joue un rôle<br />
important dans la réussite de l’établissement<br />
chez les immigrants. Les politiques en la matière<br />
doivent reconnaître qu’un logement convenable<br />
et sécuritaire est une condition préalable à la<br />
réussite sur de nombreux plans, y compris à<br />
la réussite scolaire et à l’obtention d’un emploi<br />
stable. Nous devons nous assurer que les<br />
ministères concernés travaillent de concert pour<br />
le succès de l’intégration des nouveaux arrivants.<br />
Un échange accru d’information et une<br />
meilleure coordination entre les ministères sont<br />
également nécessaires pour s’attaquer aux besoins<br />
qui relèvent de plusieurs instances, par exemple<br />
dans des domaines de l’emploi, du logement, de<br />
la santé, de la justice et de l’aide à l’enfance. Le<br />
gouvernement fédéral doit veiller à ce que les<br />
administrations municipales et les organisations<br />
d’aide à l’établissement reçoivent un financement<br />
adéquat pour appuyer l’immigration et l’inté -<br />
gration. La compétition pour une réserve limitée<br />
de fonds empêche de nombreuses organisations<br />
d’aide à l’établissement de répondre à la demande<br />
de services, en particulier dans les petites<br />
communautés qui accueillent des immigrants. Il<br />
existe également des preuves que les tendances de<br />
migration interne représentent de plus en plus<br />
le mouvement de migrants secondaires. Il est<br />
nécessaire de fournir un effort plus concerté pour<br />
cerner ces mouvements, pour tenir compte de ces<br />
populations sur le plan des politiques et pour<br />
distribuer les ressources d’une manière souple<br />
qui répondra le mieux possible aux besoins<br />
changeants dans des municipalités et des régions<br />
données. Les gouvernements et les fournisseurs<br />
de services devraient élaborer un modèle de<br />
prestation de services à guichet unique afin de<br />
permettre aux immigrants d’accéder à l’aide dont<br />
ils ont besoin à leur arrivée pour participer<br />
pleinement à la vie de leur communauté, ce<br />
qui équivaut à adopter une approche globale<br />
(Cappe, 2007).<br />
Conclusion<br />
La mesure dans laquelle l’intégration est réussie,<br />
permettant à nos communautés de bénéficier<br />
de l’énorme capital social et économique que<br />
les nouveaux arrivants apportent, dépendra de<br />
notre capacité à travailler plus efficacement<br />
et de façon plus coordonnée avec les autres<br />
ordres de gouvernement et les organisations<br />
communautaires. Cette étude a démontré l’utilité<br />
du modèle pour aider les administrations locales<br />
à cerner les tendances dans leurs communautés,<br />
ce qui peut mener à la mise en place de solutions<br />
ciblées et de stratégies de coopération régionales.<br />
Même si, individuellement, les municipalités<br />
n’ont pas la compétence et les ressources<br />
nécessaires pour influencer bon nombre des<br />
facteurs qui contribuent aux décisions relatives<br />
aux migrations, l’élaboration d’une stratégie<br />
régionale pourrait leur fournir l’occasion<br />
d’aborder collectivement de telles questions.<br />
L’immigration continuera de présenter des<br />
défis et des possibilités pour les administrations<br />
municipales et les communautés dans un avenir<br />
rapproché. Nous devons être conscients des<br />
besoins et des difficultés particulières des<br />
immigrants dans différents domaines, afin de ne<br />
pas être tentés d’élaborer un modèle uniforme<br />
pour l’intégration et les services. Nous avons vu<br />
que les villes dans cette étude ont des difficultés<br />
Nos diverses cités 53
54 Nos diverses cités<br />
qui leur sont propres concernant l’attraction et la<br />
rétention des immigrants, et que ces difficultés<br />
nécessitent des solutions créatives. Nous avons<br />
également constaté la valeur de l’examen des<br />
tendances régionales comme moyen d’apprendre<br />
des approches et des pratiques efficaces<br />
appliquées par les autres.<br />
À propos des auteurs<br />
VALERIE PRUEGGER est professeure auxiliaire au<br />
département de psychologie de la University of Calgary<br />
et chercheuse-planificatrice sociale à la Ville de Calgary.<br />
Ses recherches portent sur l’établissement des immigrants;<br />
la discrimination systémique dans les politiques; les<br />
pratiques et les systèmes; les crimes haineux et les<br />
crimes motivés par les préjugés; et le profilage racial.<br />
DEREK COOK est chercheur-planificateur social à la Ville<br />
de Calgary. Ses recherches portent sur les questions de<br />
la pauvreté, de la diversité et de la main-d’œuvre et leurs<br />
effets sur l’inclusion sociale et la durabilité.<br />
Diversité canadienne / Canadian Diversity<br />
La citoyenneté au XXI e siècle :<br />
Approches internationales<br />
Le numéro d’automne 2008 de Diversité canadienne / Canadian<br />
Diversity présente une perspective comparative des stratégies<br />
internationales en matière de citoyenneté, sous les angles du<br />
statut juridique, de l’identité civique et de la pratique civique.<br />
Les profils de divers pays sont présentés dans les articles de ce<br />
numéro, nommément de l’Allemagne, l’Australie, l’Autriche,<br />
la Belgique, le <strong>Canada</strong>, la Corée, l’Espagne, les États-Unis,<br />
la Finlande, la France, la Grèce, l’Inde, l’Israël, l’Italie, Japon,<br />
la Norvège, la Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas, la Pologne,<br />
le Portugal, le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse.<br />
Références<br />
Alberta Federation of Labour. 2007. Temporary Foreign<br />
Workers – Alberta’s Disposable Workforce: The Six-Month<br />
Report of the AFL’s Temporary Foreign Worker Advocate,<br />
Edmonton, Alberta Federation of Labour.<br />
Cappe, M. 2007. Housing Needs of Immigrants:<br />
Roundtable’s Report, Ottawa, Association canadienne<br />
d’habitation et de rénovation urbaine.<br />
Mandel-Campbell, A. 2007. « Leaving <strong>Canada</strong> Behind:<br />
The Canadian Diaspora in Asia: An Opportunity Slowly<br />
Slipping Away », Maclean’s (avril).<br />
Pruegger, V. J., et D. Cook. 2007. An Analysis of Immigrant<br />
Attraction and Retention Patterns Among Western Canadian<br />
CMAs, Calgary, Ville de Calgary, Politiques et planification.<br />
On y trouve aussi des articles thématiques sur la relation entre citoyenneté et trans -<br />
nationalisme, le multiculturalisme et l’intégration, la citoyenneté des différentes parties<br />
concernées, la double citoyenneté, le vote des non-citoyens, ainsi que sur de récents<br />
débats au sur l’identité canadienne et sa « valeur ».<br />
Cette édition est le dernier d’une série de numéros faisant des comparaisons internationales<br />
dans le domaine de la migration et de la diversité. Des numéros précédents ont traité<br />
de l’intégration des nouveaux arrivants, de l’identité nationale et de la diversité, des<br />
stratégies internationales en matière de pluralisme et de la façon de composer avec<br />
le pluralisme religieux.<br />
Pour obtenir un exemplaire :
Planification de l’immigration<br />
dans les Prairies<br />
L’expérience d’une intervenante communautaire<br />
KIM SHUKLA<br />
Prairie Global Management<br />
On aurait du mal à trouver une collectivité<br />
dans les Prairies canadiennes qui ne cherche<br />
pas à augmenter sa population. Cela dit, bon<br />
nombre de collectivités n’ont pas de stratégie de<br />
croissance démographique ou, si elles en ont<br />
une, se débattent avec la notion d’immigration<br />
comme élément de cette stratégie.<br />
Selon les travaux et l’expérience de l’auteure,<br />
on trouve au Manitoba trois types de situations<br />
en ce qui concerne l’immigration et sa plani -<br />
fication dans les collectivités rurales :<br />
• Il n’existe pas de plan et les choses évoluent<br />
par elles-mêmes;<br />
• Il existe un plan, mais il ne donne aucun<br />
résultat;<br />
• Il existe un plan et il est mis en œuvre.<br />
Il n’existe pas de plan et les choses<br />
évoluent par elles-mêmes<br />
Cette situation n’est pas nécessairement catas -<br />
trophique pour la collectivité, mais elle cause<br />
des problèmes de taille pour les immigrants et<br />
le milieu d’accueil.<br />
Le principal obstacle auquel se heurtent<br />
les immigrants est l’incapacité d’accéder aux<br />
services pour commencer le processus d’établis -<br />
sement, ce qui risque d’engendrer chez eux un<br />
stress émotionnel et d’empêcher la collectivité<br />
de les retenir. En outre, les services sociaux<br />
communautaires, particulièrement en santé et en<br />
Un organisme central, autonome et sans entraves politiques, doit<br />
« diriger les travaux ». Le succès de l’établissement des immigrants<br />
dans une collectivité rurale est le résultat de la préparation de<br />
la collectivité et de son investissement dans le processus.<br />
éducation, sont les premiers à subir les effets<br />
de l’immigration.<br />
En l’absence de préparation, ces services<br />
sociaux peuvent être dans l’impossibilité de<br />
répondre aux besoins particuliers des immigrants<br />
ou de fournir un service en raison de problèmes<br />
de dotation – au chapitre des effectifs et de leur<br />
compétence. On peut aussi imaginer qu’ils ne<br />
sont tout simplement pas informés du besoin<br />
existant au sein de la communauté immigrante.<br />
Cette situation n’est pas nouvelle, mais ce qui<br />
l’est, c’est la clé du succès en matière d’établis -<br />
sement et de maintien en place des immigrants<br />
lorsqu’il n’existe pas de plan d’immigration.<br />
Les collectivités qui ont réussi à gérer l’immi -<br />
gration sans s’être d’abord dotées d’un plan n’ont<br />
pas tardé à se doter d’un agent de liaison central,<br />
c’est-à-dire d’une organisation ou d’une personne<br />
qui a été désignée, ou encore qui a reconnu le<br />
besoin et s’est mobilisée. Pour réussir, cet agent<br />
de liaison doit être polyvalent, compren dre la<br />
dynamique et l’aspect politique de la collectivité,<br />
connaître les réseaux non officiels et les services<br />
offerts dans la collectivité et être en mesure de<br />
répondre aux besoins immédiats des im mi grants<br />
ainsi qu’à ceux de la collectivité d’accueil.<br />
On l’a dit et répété, la communication<br />
et l’habileté à communiquer sont essentielles.<br />
Il est primordial de développer la collectivité<br />
parallèlement à l’augmentation du nombre<br />
d’immigrants. Dans ce contexte, le dévelop -<br />
pement communautaire passe par l’explication<br />
Nos diverses cités 55
Il est important de se montrer réaliste et ouvert en ce qui concerne les avantages et<br />
les limites de la collectivité, ainsi que de rester pragmatique en ce qui concerne le<br />
calendrier de planification, la mise en œuvre du plan et la constatation des résultats.<br />
Un délai de planification de deux ans n’est pas déraisonnable.<br />
56 Nos diverses cités<br />
des raisons justifiant l’immigration, la sensi -<br />
bilisation culturelle, la création et l’amélioration<br />
des services et la collaboration. La question<br />
des raisons de l’immigration n’est pas simple;<br />
elle n’a pas non plus reçu de réponse susceptible<br />
d’assurer une meilleure compréhension de la part<br />
de personnes qui ne sont ni des universitaires, ni<br />
des décideurs, ni des chercheurs. En général, le<br />
citoyen moyen, préoccupé par ses difficultés<br />
quotidiennes, n’a pas le temps de réfléchir au<br />
bien-fondé de l’immigration, pas plus qu’il<br />
n’a vu ou entendu ce message accrocheur de<br />
15 secondes sur la justification de l’immigration.<br />
L’absence de plan n’est pas idéale, mais<br />
la collectivité peut tout de même gérer avec succès<br />
l’immigration si elle concentre ses efforts. Toutes<br />
les personnes concernées doivent faire preuve<br />
de souplesse et d’un esprit de collaboration, et<br />
l’on a besoin de personnes clés ingénieuses, qui<br />
comprennent les commu nications et les rapports<br />
de force invisibles d’une collectivité.<br />
Steinbach, au Manitoba, est un exemple de<br />
collectivité qui fait partie de cette catégorie.<br />
Aujourd’hui, elle présente un bilan très positif<br />
en matière d’immigration. Elle n’avait pas de plan<br />
d’immigration, mais au cours des deux années qui<br />
ont suivi la plus récente arrivée d’immigrants,<br />
quelques personnes ont reconnu la nécessité<br />
d’instaurer un processus afin de soutenir les<br />
nouveaux arrivants. Aujourd’hui, la collectivité<br />
dispose d’un programme d’établissement et de<br />
maintien en place très efficace; toutefois, elle n’a<br />
pas de plan d’attraction et de recrutement.<br />
Il existe un plan,<br />
mais il ne donne aucun résultat<br />
Quelques collectivités ont consacré des ressources<br />
considérables, en argent et en temps, à la mise<br />
sur pied d’un plan d’immigration, mais sans<br />
succès. On distingue généralement deux facteurs<br />
expliquant cette absence de résultats concrets :<br />
le plan est déficient et les dirigeants – officiels ou<br />
non – de la collectivité n’y ont pas « adhéré ».<br />
Souvent, des collectivités constatent le succès<br />
d’autres collectivités de même taille au chapitre<br />
de l’immigration et croient qu’elles peuvent<br />
suivre le même modèle, sans tenir compte des<br />
éléments qui leur sont propres et qui peuvent<br />
avoir de profondes répercussions sur le résultat.<br />
Au nombre de ces éléments, mentionnons les<br />
assises financières, la préparation, les services<br />
sociaux et la diversité culturelle de la collectivité.<br />
Habituellement, on omet de concevoir des<br />
plans d’attraction et de recrutement, toute<br />
l’énergie étant consacrée à la préparation de la<br />
collectivité. De plus, l’attraction et le recrutement<br />
peuvent être des tâches décourageantes, qui<br />
exigent généralement de l’argent, l’obtention<br />
d’aide provenant de l’extérieur de la collectivité<br />
et une expertise en communication et en<br />
marketing. Heureusement, des ressources utiles<br />
sont disponibles : par exemple, le cycle de<br />
planification de l’immigration régionale, que l’on<br />
trouve sur le site Web du ministère du Travail et<br />
de l’Immigration du Manitoba, est un excellent<br />
outil pour les collectivités rurales qui cherchent<br />
à attirer et à retenir des immigrants 1 .<br />
Il y a également absence de résultat lorsqu’on<br />
a consacré tellement de temps et d’efforts à la<br />
planification que l’exécution devient une tâche<br />
trop ardue ou que les responsables de l’exécution<br />
n’ont pas participé au processus de planification,<br />
ce qui a créé un milieu propice à la résistance<br />
et au manque d’« adhésion ».<br />
Un plan qui ne donne aucun résultat peut être<br />
très destructeur pour une collectivité, minant la<br />
crédibilité de ceux qui ont participé au processus,<br />
engendrant une réticence à s’engager dans des<br />
travaux futurs et créant de fausses attentes pour<br />
la collectivité.<br />
Même si certains immigrants sont susceptibles<br />
de s’installer dans une collectivité en dépit du<br />
manque d’efforts de celle-ci pour les attirer, la<br />
possibilité qu’elle les retienne est limitée.<br />
Il existe un plan et il est mis en œuvre<br />
De toutes les situations, celle-ci est probablement<br />
la moins fréquente. Le point positif, c’est qu’on<br />
1 On peut consulter le site à l’adresse suivante :<br />
.
a créé d’excellents outils à l’intention des<br />
collectivités pour la conception et la mise en<br />
œuvre d’une stratégie d’immigration. Le défi<br />
consiste à trouver ces outils, à les échanger et<br />
à trouver les personnes qui pourront aider la<br />
collectivité à utiliser ces outils pour créer sa propre<br />
stratégie et à adapter les lignes directrices pour<br />
créer un modèle qui lui convienne. Il n’existe<br />
pas de « voie toute tracée » pour les collectivités<br />
qui voient en l’immigration une stratégie de<br />
croissance démographique. Une bonne part de<br />
ténacité et de dévouement est nécessaire. Il est<br />
important de se montrer réaliste et ouvert en ce<br />
qui concerne les avantages et les limites de la<br />
collectivité, ainsi que de rester pragmatique en ce<br />
qui concerne le calendrier de planification, la mise<br />
en œuvre du plan et la constatation des résultats.<br />
Un délai de planification de deux ans n’est<br />
pas déraisonnable.<br />
Être réaliste, c’est examiner tous les aspects<br />
d’une collectivité sans préjugés, ce qui est plus<br />
facile à dire qu’à faire. Les facteurs à prendre<br />
en compte sont les perspectives économiques<br />
pour la région, les infrastructures, l’emploi,<br />
le logement et les services sociaux.<br />
Il est primordial d’examiner les projets<br />
d’infras tructure prévus dans la région où la<br />
collectivité est située, et les investissements<br />
effectués par les entreprises et les propriétaires.<br />
Cela inclut l’examen du type de travail offert, la<br />
création d’un répertoire des entreprises et des<br />
débouchés, et la caractérisation de ces derniers<br />
(par exemple, ces débouchés sont-ils des emplois<br />
de premier échelon dans les domaines de la<br />
production, des métiers ou de l’administration ?).<br />
Les logements doivent également être répertoriés<br />
en fonction de leur accessibilité, de leur type et<br />
de leur proximité par rapport aux principaux<br />
secteurs commer ciaux. Les possibilités de<br />
logement et leur proximité par rapport aux<br />
emplois offerts sont souvent négligées en milieu<br />
rural, étant donné qu’on part du principe que<br />
tout le monde dispose d’un moyen de transport.<br />
Or, le problème supplémentaire qui se pose<br />
dans ces régions est le manque de transport en<br />
commun. Puisque la majorité des immigrants<br />
n’ont pas de moyen individuel de locomotion et<br />
qu’il n’existe pas de moyen de transport collectif,<br />
la possibilité de logement près du lieu de travail<br />
s’avère un facteur crucial. Une autre étape<br />
essentielle consiste à répertorier les services de<br />
santé en fonction des effectifs, des installations,<br />
des compétences lin guistiques et de la diversité<br />
culturelle. Ce ne sont là que quelques exemples<br />
de services communautaires qui doivent être<br />
répertoriés et évalués dans le cadre d’un plan<br />
d’immigration efficace.<br />
Au fil de la conception du plan, il est essentiel<br />
de recourir à l’expertise communautaire et<br />
de faire participer des représentants de différents<br />
secteurs. La mobilisation des intervenants<br />
est l’une des tâches les plus difficiles qui<br />
s’imposent aux responsables communautaires.<br />
Voici deux questions fréquemment posées :<br />
• Comment faire participer des personnes qui<br />
sont déjà très occupées ? (Il est assez normal<br />
pour les intervenants clés d’être déjà engagés<br />
dans de nombreuses activités communautaires.)<br />
• De qui faut-il solliciter la participation ? (Il<br />
s’agit d’une question difficile, la réponse variant<br />
selon la collectivité. )<br />
La mobilisation des intervenants, quelles<br />
que soient la méthode utilisée ou les personnes<br />
concernées, sensibilise les membres de la collec -<br />
tivité et permet d’obtenir des idées et des points<br />
de vue très utiles.<br />
Dans les collectivités qui ont réussi, les services<br />
sociaux, l’administration et les entreprises ont<br />
participé à la planification et aux discussions –<br />
sous la direction de la collectivité et avec<br />
l’appui de l’administration. Un organisme central,<br />
autonome et sans entraves politiques, doit<br />
« diriger les travaux ». Le succès de l’établissement<br />
des immigrants dans une collectivité rurale est le<br />
résultat de la préparation de la collectivité et de<br />
son investissement dans le processus. Une erreur<br />
fréquente consiste à ajouter l’immigration à<br />
l’agenda déjà complet d’un agent de dévelop -<br />
pement économique, ce qui peut, par inadvertance<br />
laisser penser que l’immigration n’est pas<br />
un secteur prioritaire de la recherche et de<br />
la planification.<br />
La région de Parkland au Manitoba est un<br />
exemple d’une collectivité faisant des progrès<br />
dans le domaine. Elle regroupe des communautés<br />
qui, en collaboration avec le gouvernement,<br />
ont conçu un plan en voie d’être mis en œuvre.<br />
La région continue de chercher et de mettre<br />
à l’essai des moyens de faire participer les<br />
communautés et de profiter des occasions qui se<br />
présentent. Elle a passé en revue les ressources<br />
disponibles et a commencé à les adapter à sa<br />
dynamique propre. En outre, elle a reconnu dès<br />
le départ l’importance d’établir un organisme<br />
central autonome qui ne soit pas affilié à la plus<br />
grande communauté de la région.<br />
Nos diverses cités 57
58 Nos diverses cités<br />
Conseils supplémentaires à l’intention des<br />
intervenants en immigration<br />
Catalyseurs de l’immigration dans la collectivité<br />
Dans les collectivités rurales observées au<br />
Manitoba, le catalyseur de l’immigration a été<br />
la survie et l’impulsion est venue du milieu<br />
des affaires, de l’ensemble de la collectivité ou<br />
des deux en collaboration. Dans plusieurs<br />
collec tivités, les promoteurs de l’immigration<br />
étaient les consultants en immigration – des<br />
entrepreneurs qui repèrent une possibilité et<br />
établissent un lien entre les collectivités d’accueil<br />
et les communautés d’immigrants. D’où la<br />
situation décrite précédemment : « il n’existe pas<br />
de plan et les choses évoluent par elles-mêmes ».<br />
Cours d’anglais<br />
Souvent, des cours d’anglais commencent à être<br />
offerts dans une collectivité à mesure que les<br />
immigrants s’y établissent. Les entreprises et<br />
la collectivité doivent agir sur le plan de la<br />
formation linguistique, à la fois pour l’organiser<br />
et pour l’offrir aux nouveaux arrivants. Une<br />
colla boration étroite entre les responsables des<br />
services d’aide à l’emploi, d’établissement et de<br />
formation linguistique fera en sorte que les<br />
problèmes et les possibilités seront abordés de<br />
manière concertée.<br />
La maîtrise insuffisante de l’anglais demeure<br />
le principal obstacle à l’intégration économique<br />
et sociale des immigrants. Par exemple, dans<br />
les milieux ruraux du Manitoba, de nombreux<br />
membres d’une communauté d’immigrants<br />
refusent obstinément d’apprendre l’anglais, ce<br />
qui limite considérablement leurs possibilités<br />
d’emploi. Pourtant, il n’est pas rare de les<br />
entendre exprimer leur frustration de ne pas<br />
trouver de travail lors d’entretiens avec un<br />
conseiller en emploi. Bien qu’il ne soit pas<br />
intégré socialement dans la collectivité d’accueil,<br />
ce groupe s’est intégré dans son propre groupe<br />
confessionnel, bâtissant des églises et offrant des<br />
cours particuliers; il compte suffisamment de<br />
membres pour ce faire, même s’il n’était<br />
constitué au départ que de trois familles. Les<br />
enfants d’âge scolaire de cette communauté<br />
se heurtent aussi à des difficultés liées à leur<br />
intégration sociale parmi leurs pairs de la<br />
collectivité d’accueil. Toutefois, certains enfants<br />
sportifs ont pu surmonter les obstacles grâce au<br />
soccer, en particulier lorsque les parents et les<br />
entraîneurs ont reconnu la possibilité d’utiliser<br />
le sport pour établir des rapprochements.<br />
Être prêt à faire face à l’échec<br />
Dans les collectivités rurales, les nouvelles vont<br />
vite et les mauvaises nouvelles, encore plus vite.<br />
Par conséquent, pendant le processus de<br />
planification, les collectivités doivent être prêtes<br />
à réagir aux mauvaises nouvelles. On peut citer<br />
de nombreux exemples, notamment celui d’un<br />
employeur ayant investi du temps et des efforts<br />
dans la formation d’un immigrant qui est parti<br />
dès qu’il a obtenu la résidence permanente,<br />
ou celui d’un immigrant ayant investi dans une<br />
petite entreprise lancée à grand renfort de<br />
publicité, mais forcé de la fermer quelques mois<br />
plus tard et de retourner dans son pays d’origine<br />
avec sa famille. Ces situations, bien qu’elles<br />
soient assez fréquentes, laissent des séquelles<br />
dans la collectivité d’accueil, mais il est rare<br />
qu’on les analyse afin de déterminer leurs causes,<br />
les améliorations à apporter à l’avenir et les<br />
leçons tirées de l’expérience. Or il faut les<br />
examiner et communiquer les conclusions à<br />
l’ensemble de la collectivité.<br />
Conclusion<br />
L’immigration en milieu rural au <strong>Canada</strong> se<br />
poursuivra sous différentes formes, en fonction<br />
des possibilités d’emploi, de l’accès à la terre, des<br />
centres ethniques existants ou d’une promotion<br />
dynamique. Certaines collectivités auront des<br />
plans d’immigration, d’autres non. La concurrence<br />
que se font les collectivités et les provinces pour<br />
attirer les immigrants s’intensifiera. Il n’existe pas<br />
de recette magique pour le succès; celui-ci exige<br />
un travail acharné, l’établissement de partenariats<br />
et une profonde compréhension de la collec -<br />
tivité dans laquelle on vit et on travaille.<br />
Les responsables communautaires continueront<br />
d’observer toutes sortes de conditions, les unes<br />
favorables, les autres défavorables, à mesure qu’ils<br />
concevront et mettront en œuvre une stratégie de<br />
croissance de la population immigrante. Ce qui<br />
importe, c’est d’apprendre de l’expérience des<br />
autres, de s’adapter aux besoins de sa collectivité<br />
et d’être réaliste quant aux résultats à espérer.<br />
À propos de l’auteure<br />
KIM SHUKLA vit à Steinbach, au Manitoba, où elle dirige<br />
le cabinet d’experts-conseils Prairie Global Management.<br />
Au cours des huit dernières années, elle a géré l’un des<br />
plus importants programmes d’établissement d’immigrants<br />
en milieu rural au Manitoba, et elle continue d’offrir des<br />
services de consultation aux collectivités manitobaines,<br />
au ministère du Travail et de l’Immigration du Manitoba<br />
et à Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong>.
Le profil socioéconomique des<br />
minorités visibles des Prairies<br />
Thèmes de recherche sur le multiculturalisme *<br />
KAMAL DIB ET SOFIA RODRIGUEZ-GALLAGHER<br />
Direction générale de la citoyenneté et du multiculturalisme, Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong><br />
Les provinces canadiennes des Prairies, soit<br />
le Manitoba, la Saskatchewan et l’Alberta,<br />
présentent des caractéristiques sociodémo -<br />
graphiques particulières. Parmi elles, mentionnons<br />
un pourcentage plus élevé d’Autochtones<br />
parmi leur population comparativement aux<br />
autres provinces, des étendues peu peuplées,<br />
un meilleur climat économique et un nombre<br />
croissant de nouveaux immigrants, en particulier<br />
dans le cas de l’Alberta. Une autre particularité<br />
des Prairies est le déclin de la dualité linguistique,<br />
illustré par une population francophone de<br />
plus en plus petite, voire en voie de disparition.<br />
Le présent article donne un aperçu des condi -<br />
tions socioéconomiques des minorités visibles<br />
au Manitoba, en Alberta et en Saskatchewan 1 .<br />
Les thèmes de recherche présentés ci-dessous<br />
ont été établis par nos experts-conseils après<br />
l’analyse de la situation socioéconomique et la<br />
consultation des univer sitaires et des spécialistes<br />
en politiques publiques de ces provinces 2 . Il est à<br />
espérer que ce survol encouragera les chercheurs<br />
et les universitaires des Prairies à s’intéresser aux<br />
thèmes proposés, dans le contexte de l’appui à la<br />
recherche sur le multiculturalisme canadien.<br />
*<br />
Les opinions exprimées dans le présent article sont celles<br />
des auteurs et ne représentent pas nécessairement celles<br />
de Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> ou du gouvernement<br />
du <strong>Canada</strong>.<br />
La majeure partie de la recherche effectuée au <strong>Canada</strong> sur les minorités porte<br />
sur les villes en général, et sur Montréal, Toronto et Vancouver en particulier.<br />
Toutefois, une plus forte proportion des nou veaux arrivants choisissent<br />
maintenant de s’établir au Manitoba et en Saskatchewan.<br />
Conditions socioéconomiques dans les Prairies<br />
Les provinces des Prairies forment une région<br />
vitale pour le <strong>Canada</strong>, compte tenu de leur<br />
popu lation nombreuse et de leur économie<br />
florissante. En 2006, la population totale du<br />
Manitoba, de la Saskatchewan et de l’Alberta<br />
s’élevait à 5,3 millions, ce qui équivalait à<br />
1<br />
Le présent article constitue la synthèse de rapports de recherche<br />
commandés par le ministère du Patrimoine canadien (Direction<br />
générale du multiculturalisme et des droits de la personne) à<br />
Paul Bramadat et à Lauren Hunter sur les conditions socio -<br />
économiques des minorités dans les Prairies et sur les thèmes de<br />
recherche à retenir. Il s’agit d’une version abrégée d’un texte plus<br />
long. Pour plus de détails, veuillez communiquer avec les auteurs.<br />
2<br />
Nous traitons surtout, dans cet article, des dix principaux<br />
groupes minoritaires visibles cités dans l’Enquête sur la diversité<br />
ethnique : les Noirs, les Chinois, les Sud-Asiatiques, les Philippins,<br />
les Asiatiques du Sud-Est, les Japonais, les Coréens, les Latino-<br />
Américains, les Asiatiques occidentaux et les Arabes. Cela<br />
n’exclut aucunement les Métis ou les sous-groupes comme les<br />
Pakistanais, les Tamouls et les Sud-Asiatiques népalais. Nous<br />
tenons aussi compte de six grandes traditions non chrétiennes<br />
(les musulmans, les sikhs, les hindous, les bouddhistes, les juifs<br />
et les « autres traditions asiatiques minoritaires »), ainsi que des<br />
plus importants groupes de chrétiens non dominants (les<br />
mormons et les mennonites), étant donné que ces deux<br />
communautés (en particulier dans les Prairies) sont assez<br />
nombreuses et suffisamment différentes des confessions<br />
chrétiennes dominantes pour justifier leur inclusion dans cette<br />
liste. Des renseignements sont également fournis sur les deux<br />
plus importantes confessions chrétiennes dans chaque province :<br />
l’Église unie du <strong>Canada</strong> et l’Église catholique.<br />
Nos diverses cités 59
TABLEAU 1<br />
Population des provinces des Prairies et produit intérieur brut (PIB)<br />
Manitoba Saskatchewan Alberta Total<br />
Population (en millions) 1,10 0,95 3,20 5,30<br />
PIB (en milliards de dollars) 37,5 36,7 170,1 244,3<br />
Source : Statistique <strong>Canada</strong>, Recensement du <strong>Canada</strong> de 2006.<br />
TABLEAU 2<br />
Caractéristiques de la population des minorités visibles : Manitoba a<br />
60 Nos diverses cités<br />
17 % de la population canadienne, et leur PIB<br />
combiné représentait 23 % du PIB canadien<br />
en 2007. L’Alberta se distingue parmi les trois<br />
provinces par le fait qu’elle représente près des<br />
deux tiers de la population, ainsi que les deux tiers<br />
de la production économique totale, compte tenu<br />
de sa richesse en ressources naturelles (réserves<br />
de pétrole).<br />
Comme ailleurs au <strong>Canada</strong>, le segment de<br />
la population formé par les minorités visibles<br />
augmente dans les Prairies. Selon les données<br />
du Recensement de 2006, ce segment représente<br />
10 % de la population totale au Manitoba, et<br />
94 % des membres des minorités visibles sont<br />
concentrés à Winnipeg. En Saskatchewan, les<br />
minorités visibles repré sentent à peine 4 % de<br />
la population, 44 % de leurs membres vivant à<br />
Saskatoon et 37 % à Regina. En Alberta, 42 % de<br />
la population font partie des minorités visibles et<br />
52 % de ce groupe sont concentrés à Calgary.<br />
Les personnes d’origine autochtone comptent<br />
pour 16 % de la population au Manitoba et<br />
en Saskatchewan et pour seulement 8 % en<br />
Alberta. La population francophone ne compte<br />
que pour 4 % au Manitoba et 2 % en Saskat -<br />
chewan et en Alberta.<br />
Winnipeg Manitoba<br />
Total Sexe masculin Sexe féminin Total Sexe masculin Sexe féminin<br />
Population totale<br />
Total de la population<br />
686 040 334 060 351 975 1 133 515 556 925 576 595<br />
des minorités visibles 102 940 51 240 51 700 109 100 54 335 54 760<br />
Chinois 12 810 6 455 6 355 13 705 6 955 6 750<br />
Sud-Asiatiques 15 290 7 850 7 445 16 565 8 535 8 030<br />
Noirs 14 470 7 545 6 925 15 660 8 135 7 525<br />
Philippins 36 935 17 550 19 385 37 785 17 885 19 905<br />
Latino-Américains 5 480 2 745 2 730 6 275 3 145 3 130<br />
Asiatiques du Sud-Est<br />
Minorités visibles non<br />
5 340 2 730 2 605 5 670 2 900 2 765<br />
incluses ailleurs 1 595 810 780 1 690 850 840<br />
Minorités visibles multiples 3 080 1 605 1 475 3 265 1 705 1 560<br />
Pas une minorité visible 583 100 282 825 300 280 1 024 415 502 585 521 830<br />
a<br />
Seuls les groupes de minorités visibles faisant partie des six premiers en importance sont compris dans ce tableau.<br />
Source : Statistique <strong>Canada</strong>, Recensement du <strong>Canada</strong> de 2006.<br />
Manitoba<br />
Selon les données du Recensement de 2006,<br />
au Manitoba, le revenu moyen des minorités<br />
visibles varie d’environ 14 000 $ pour les<br />
Coréens à environ 25 000 $ pour les Japonais, en<br />
passant par 20 000 $ pour les Latino-Américains,<br />
qui gagnent aussi un revenu assez faible, tandis<br />
que le revenu de 24 000 $ des Noirs et des Sud-<br />
Asiatiques s’aligne davantage sur la moyenne<br />
japonaise. Au Manitoba, le taux de chômage<br />
des minorités visibles présente aussi un certain<br />
écart par rapport à la moyenne de la popu -<br />
lation (6 %) : les Philippins (5 %) se situaient<br />
sous ce taux, alors que tous les autres groupes<br />
le dépassaient.<br />
Le taux de diplômés universitaires chez les<br />
minorités visibles au Manitoba est le plus élevé<br />
chez les Arabes et les Asiatiques occidentaux<br />
(34 %) et le plus faible chez les Asiatiques du Sud-<br />
Est (8 %). Les Sud-Asiatiques (29 %) se situent à<br />
l’extrémité la plus instruite de la fourchette, tandis<br />
que les Noirs (13 %) et les Philippins (12 %)<br />
se situent à l’autre extrémité. Le taux d’abandon<br />
scolaire au secondaire est le plus élevé chez les<br />
Asiatiques du Sud-Est (45 %) et le plus faible<br />
chez les Arabes (17 %).
TABLEAU 3<br />
Caractéristiques de la population des minorités visibles : Saskatchewan a<br />
Saskatoon Saskatchewan<br />
Total Sexe masculin Sexe féminin Total Sexe masculin Sexe féminin<br />
Population totale<br />
Total de la population<br />
230 850 112 375 118 480 953 850 469 400 484 445<br />
des minorités visibles 14 870 7 670 7 200 33 895 17 220 16 675<br />
Chinois 4 245 2 235 2 010 9 505 4 920 4 585<br />
Sud-Asiatiques 2 230 1 230 1 000 5 130 2 760 2 370<br />
Noirs 1 900 1 090 805 5 090 2 635 2 455<br />
Philippins 1 920 815 1 100 3 770 1 685 2 085<br />
Latino-Américains 1 050 505 550 2 520 1 270 1 250<br />
Asiatiques du Sud-Est<br />
Minorités visibles non<br />
1 010 565 445 2 555 1 280 1 270<br />
incluses ailleurs 115 50 65 405 185 220<br />
Minorités visibles multiples 345 180 165 810 465 340<br />
Pas une minorité visible 215 985 104 705 111 280 919 950 452 185 467 765<br />
a<br />
Seuls les groupes de minorités visibles faisant partie des six premiers en importance sont compris dans ce tableau.<br />
Source : Statistique <strong>Canada</strong>, Recensement du <strong>Canada</strong> de 2006.<br />
Les données sur les minorités visibles au<br />
Manitoba et dans sa ville principale, Winnipeg,<br />
figurent au Tableau 2. Au <strong>Canada</strong>, la vaste<br />
majorité des membres des minorités visibles<br />
sont des immigrants de première génération.<br />
Le seul groupe des dix minorités visibles<br />
comptant moins de 50 % d’immigrants de<br />
première génération est celui des Japonais, dont<br />
seulement 11 % appartiennent à cette catégorie.<br />
Au Manitoba, le français est parlé par un<br />
très faible pourcentage de la population (4 %),<br />
tandis qu’un grand nombre de membres de<br />
la catégorie des minorités visibles mentionnent<br />
une langue non officielle comme langue<br />
maternelle. Dans ce cas-ci, l’écart est consi dérable,<br />
variant de 7 % pour les Japonais à 62 % pour les<br />
Coréens; plusieurs autres groupes (les Chinois, les<br />
Asiatiques du Sud-Est, les Latino-Américains, les<br />
Arabes et les Asiatiques occidentaux) comptent<br />
également un grand nombre de personnes dont la<br />
langue n’est pas l’anglais ou le français. L’anglais<br />
est la langue maternelle de la grande majorité des<br />
Noirs (85 %) et des Canadiens d’origine japonaise<br />
(91 %), ces taux étant très proches du taux<br />
d’utilisation de l’anglais chez les personnes<br />
n’appartenant pas à un groupe de minorité visible.<br />
Le taux d’utilisation de l’anglais comme langue<br />
maternelle est le plus faible chez les Asiatiques<br />
occidentaux (29 %) et les Asiatiques du Sud-<br />
Est (33 %), même si cette situation est plutôt<br />
prévisible du fait que ces communautés sont<br />
assez récentes au <strong>Canada</strong>.<br />
Selon les statistiques sur l’état matrimonial, la<br />
plupart des Manitobains membres de minorités<br />
visibles ont un mode de vie similaire à celui de<br />
l’ensemble de la population.<br />
Saskatchewan<br />
En Saskatchewan, les données du Recensement<br />
de 2006 révèlent que le revenu moyen varie<br />
de 18 000 $ pour les Asiatiques du Sud-Est à<br />
33 000 $ pour les Sud-Asiatiques. Les Chinois<br />
(19 000 $) et les Philippins (20 000 $) ont un<br />
revenu presque aussi faible que celui des<br />
Asiatiques du Sud-Est, tandis que celui des<br />
Asiatiques occidentaux (27 000 $) se compare<br />
à celui des Sud-Asiatiques. En Saskatchewan, le<br />
taux de chômage indique également un certain<br />
écart par rapport à la moyenne relevée chez<br />
les personnes n’appartenant pas à une mino -<br />
rité visible, qui se situe à 6,3 %. Chez les<br />
Chinois, les Asiatiques du Sud-Est, les Latino-<br />
Américains et les Philippins, le taux de chômage<br />
se situait légèrement en dessous de cette<br />
moyenne; chez les Noirs, les Sud-Asiatiques,<br />
les Arabes et les Asiatiques occidentaux, il lui<br />
était supérieur.<br />
Le taux de diplômés universitaires chez les<br />
minorités visibles en Saskatchewan est le plus<br />
élevé pour les Sud-Asiatiques (48 %) et le plus<br />
faible pour les Asiatiques du Sud-Est (8 %), les<br />
Asiatiques occidentaux (41 %) et les Arabes (32 %)<br />
se situant plutôt à l’extrémité supérieure de la<br />
fourchette, et les Latino-Américains (14 %) et les<br />
Noirs (18 %), à son extrémité inférieure. Le taux<br />
d’abandon scolaire au secondaire est le plus élevé<br />
pour les Asiatiques du Sud-Est (47 %) et le plus<br />
faible pour les Sud-Asiatiques (11 %).<br />
Nos diverses cités 61
TABLEAU 4<br />
Caractéristiques de la population des minorités visibles : Alberta a<br />
Edmonton Calgary Alberta<br />
Sexe Sexe Sexe Sexe Sexe Sexe<br />
Total masculin féminin Total masculin féminin Total masculin féminin<br />
Population totale<br />
Total de la population<br />
1 024 820 509 295 515 530 1 070 295 533 760 536 530 3 256 360 1 630 870 1 625 485<br />
des minorités visibles 175 295 85 675 89 675 237 895 117 665 120 230 454 200 223 740 230 465<br />
Chinois 47 195 22 865 24 335 66 375 32 670 33 705 120 270 58 840 61 430<br />
Sud-Asiatiques 40 205 19 810 20 390 57 700 28 865 28 835 103 885 51 740 52 150<br />
Noirs 20 380 10 260 10 115 21 060 11 255 9 805 47 075 24 845 22 230<br />
Philippins 19 625 8 515 11 110 25 565 11 050 14 515 51 090 21 805 29 285<br />
Latino-Américains 9 210 4 645 4 565 13 410 6 490 6 920 27 265 13 410 13 855<br />
Asiatiques du Sud-Est 11 030 5 270 5 755 15 755 7 800 7 950 28 610 13 910 14 700<br />
Autres minorités visiblesb 27 655 14 255 13 390 38 020 19 535 18 495 76 000 39 195 36 805<br />
Pas une minorité visible 849 525 423 675 425 850 832 405 416 095 416 305 2 802 155 1 407 130 1 395 025<br />
a<br />
Seuls les groupes de minorités visibles faisant partie des six premiers en importance sont compris dans ce tableau.<br />
b<br />
Les autres minorités visibles comprennent, entre autres, les Arabes, les Coréens, les Japonais, les Asiatiques occidentaux, les minorités visibles non incluses ailleurs ainsi que les minorités visibles multiples.<br />
Source : Statistique <strong>Canada</strong>, Recensement du <strong>Canada</strong> de 2006.<br />
62 Nos diverses cités<br />
Les données relatives aux minorités visibles<br />
de la Saskatchewan et de sa ville la plus peuplée,<br />
Saskatoon, sont présentées dans le Tableau 3.<br />
La majorité des minorités visibles de la Saskat -<br />
chewan sont des immigrants de première<br />
génération. Le seul des dix principaux groupes de<br />
minorités visibles pour lequel le statut d’immi -<br />
grant de première génération est inférieur à 50 %<br />
est celui des Japonais, dont 19 % seulement font<br />
partie de cette catégorie.<br />
En Saskatchewan, le français est la langue<br />
maternelle d’un très petit nombre de membres<br />
des minorités visibles. Dans cette province, le<br />
pourcentage de la population n’appartenant pas<br />
à une minorité visible et dont la langue maternelle<br />
est le français est également faible (1,8 %). Un<br />
grand nombre de membres des minorités visibles<br />
ont une langue non officielle comme langue<br />
maternelle, cette proportion variant de 24 %<br />
pour les Noirs canadiens à 85 % pour les Latino-<br />
Américains. L’anglais est la langue maternelle de<br />
la grande majorité des Noirs (72 %) et des<br />
Japonais (53 %); ces taux sont inférieurs à celui<br />
des personnes n’étant pas membres d’une<br />
minorité visible (86 %), mais supérieurs à celui<br />
des autres catégories de minorités visibles.<br />
Les statistiques sur le statut matrimonial<br />
indiquent qu’en Saskatchewan, la plupart des<br />
minorités visibles vivent d’une manière similaire<br />
à celle de l’ensemble de la population.<br />
Alberta<br />
Le Tableau 4 présente les données sur les<br />
minorités visibles dans l’ensemble de l’Alberta,<br />
et dans ses deux villes principales, Edmonton et<br />
Calgary. La population de l’Alberta a augmenté<br />
considérablement au cours des cinq dernières<br />
années, en raison notamment de l’immigration<br />
internationale et interprovinciale suscitée par<br />
les possibilités d’emploi. Durant la période<br />
examinée, un tiers des nouveaux résidants de<br />
l’Alberta étaient membres d’une minorité visible.<br />
Selon les données du Recensement de Statistique<br />
<strong>Canada</strong>, entre 2001 et 2006, le pourcentage des<br />
minorités visibles dans la population albertaine<br />
est passé de 11 % à 14 %. La croissance des<br />
groupes minoritaires visibles et religieux a été<br />
rapide dans les grands centres urbains de la<br />
province. Selon le rapport sur le Recensement de<br />
2006, Calgary était la quatrième ville la plus<br />
diversifiée du <strong>Canada</strong>, après Toronto, Vancouver<br />
et Montréal. Les minorités visibles représen -<br />
taient 22 % de la population à Calgary et 17 %<br />
à Edmonton.<br />
Les rapports sur les indicateurs de la population<br />
active de 2006 et 2007, publiés par Statistique<br />
<strong>Canada</strong>, indiquent que les immigrants ont bien<br />
réussi ces dernières années en Alberta en raison<br />
de la forte demande de main-d’œuvre, et qu’ils<br />
ont bénéficié d’un accès très facile à des emplois<br />
à plein temps. Selon les études passées, il existe<br />
un écart considérable au chapitre de l’accès au<br />
marché du travail pour les membres des minorités<br />
visibles, en particulier les femmes, par rapport<br />
à la population en général. On doit analyser<br />
de manière plus détaillée les données du<br />
Recensement de 2006 afin de savoir si le boom<br />
économique albertain a amélioré cette situation
d’inégalité et de déterminer le degré de sécurité<br />
d’emploi dont peuvent jouir les travailleurs<br />
des minorités visibles et religieuses en cas de<br />
ralentissement de l’économie.<br />
La réussite économique qu’ont connue les<br />
provinces de l’Ouest au cours des dernières années<br />
s’est traduite par de très faibles taux de chômage,<br />
mais une forte demande de logements. En Alberta,<br />
cette tendance a provoqué une hausse specta cu -<br />
laire du prix des loyers à Calgary et à Edmonton.<br />
La situation des minorités visibles sur le marché<br />
de l’habitation est difficile, à cause de la conver -<br />
gence d’inégalités constantes au chapitre de la<br />
participation et de l’accès au marché du travail<br />
ainsi que de la hausse des coûts du logement.<br />
Depuis quelques années, des niveaux élevés<br />
d’immigration internationale et inter provinciale<br />
ont alourdi le fardeau qui pèse sur les services<br />
sociaux offerts à la population (p. ex., les centres<br />
communautaires, les piscines publiques, les soins<br />
de santé et l’infrastructure scolaire). Même s’il<br />
n’existe apparemment aucune étude ayant noté<br />
que cette tendance a une incidence dispropor -<br />
tionnée sur les minorités visibles et religieuses, la<br />
situation mérite un examen plus poussé.<br />
Au début de 2008, Calgary a été le théâtre d’une<br />
manifestation néo-nazie, et bien que le nombre<br />
de participants y était faible et que plusieurs<br />
manifestants antiracistes y ont exprimé leur<br />
opposition, le seul fait qu’elle ait eu lieu est<br />
embarrassant pour la province, qui déploie des<br />
efforts pour favoriser l’inclusion multiculturelle.<br />
Des incidents semblables mettent en lumière la<br />
difficulté qui existe dans toute société libérale de<br />
concilier les droits de la personne et les libertés<br />
individuelles, le manque d’information publique<br />
sur l’islam et le discours haineux en général.<br />
Thèmes relatifs au Manitoba<br />
et à la Saskatchewan<br />
1) Les relations des minorités visibles et religieuses<br />
avec les peuples autochtones<br />
Il suffit de passer une heure au centre-ville<br />
de Winnipeg, de Brandon, de Regina ou de<br />
Saskatoon pour se rendre compte de la prépon -<br />
dérance des questions autochtones dans ces<br />
collectivités. Les minorités religieuses et visibles,<br />
en particulier celles qui sont nouvellement<br />
arrivées, s’installent dans des secteurs de ces villes<br />
où vivent un nombre consi dérable d’Autochtones.<br />
Les nouveaux arri vants, y compris les réfugiés,<br />
deviennent soudain les camarades de classe, les<br />
voisins et les collègues de travail de personnes<br />
appartenant à des communautés aux prises<br />
avec des problèmes socioéconomiques énormes<br />
et qui commencent à peine à se redresser<br />
suite à des générations de marginalisation et de<br />
racisme au sein de la société canadienne.<br />
2) Les minorités visibles et religieuses dans les<br />
collectivités rurales et nordiques<br />
La majeure partie de la recherche effectuée au<br />
<strong>Canada</strong> sur les minorités porte sur les villes en<br />
général, et sur Montréal, Toronto et Vancouver en<br />
particulier 3 . Toutefois, une plus forte proportion<br />
des nou veaux arrivants choisissent maintenant de<br />
s’établir au Manitoba et en Saskatchewan, et les<br />
programmes comme le Programme des candidats<br />
du Manitoba permettent d’attirer un grand nom -<br />
bre d’immi grants (souvent des minorités visibles)<br />
dans cette province. Il serait donc nécessaire de<br />
comprendre la façon dont s’en sortent les mino -<br />
rités visibles et religieuses établies à l’exté rieur<br />
des grandes villes.<br />
3) Les minorités visibles francophones<br />
Tandis que des membres de minorités visibles<br />
franco phones (venant principalement de pays<br />
autrefois colonisés par la France) s’installent en<br />
nombre croissant dans les Prairies, les chercheurs<br />
et les décideurs doivent se demander si les<br />
politiques en vigueur répondent convenablement<br />
à leurs besoins. Les membres de cette commu -<br />
nauté ne sont pas d’origine européenne, ne sont<br />
pas blancs, ne sont pas anglophones et ne sont<br />
parfois pas de religion chrétienne; pourtant, ils<br />
vivent maintenant dans les Prairies, région<br />
peuplée majoritairement par des personnes<br />
anglophones, chrétiennes, blanches et d’origine<br />
européenne 4 .<br />
4) La promotion et protection du<br />
patrimoine canadien<br />
Depuis plus d’un siècle, le <strong>Canada</strong> est diversifié<br />
sur les plans ethnique, linguistique et religieux.<br />
3<br />
Voir la section « Nouveaux immigrants dans les régions<br />
métropolitaines », à l’adresse , ainsi que la section<br />
« Regionalization of Immigration » à l’adresse<br />
.<br />
4<br />
Pour de plus amples renseignements sur les autres initiatives<br />
gouvernementales qui abordent la question des communautés<br />
francophones en situation minoritaire, voir le Plan stratégique<br />
pour favoriser l’immigration au sein des communautés franco -<br />
phones en situation minoritaire, de Citoyenneté et Immigration<br />
<strong>Canada</strong>, à l’adresse .<br />
Nos diverses cités 63
D’ailleurs, l’un des changements les plus<br />
spectaculaires dont nous avons été témoins<br />
au cours du siècle passé a été la « déseuro -<br />
péanisation » du christianisme canadien. En fait,<br />
bon nombre de Canadiens auraient tendance<br />
à surestimer la taille de la population non<br />
chrétienne de notre pays, en présumant à tort<br />
que les nouveaux arrivants d’origine africaine et<br />
asiatique qu’ils croisent dans les milieux urbains<br />
ne sont pas chrétiens tandis que, bien souvent,<br />
ces nouveaux citoyens sont issus de familles qui<br />
sont chrétiennes depuis des siècles.<br />
5) Le sexe et le statut de minorité<br />
Dans le monde universitaire, il est maintenant<br />
fréquent que les chercheurs intègrent la différence<br />
entre les sexes dans leur recherche. Quoi qu’il en<br />
soit, bon nombre des enjeux centraux abordés<br />
dans les discussions publiques sur les minorités<br />
visibles et religieuses au <strong>Canada</strong> tournent autour<br />
de la question des droits de la femme dans les<br />
commu nautés minoritaires. À ce titre, la dif fé rence<br />
entre les sexes figure parmi les principales priorités<br />
de recherche en matière de minorités visibles et<br />
religieuses au <strong>Canada</strong> et dans les Prairies.<br />
6) Les manifestations publiques de l’identité<br />
(aliments, festivals, congés fériés et fêtes<br />
religieuses au sein des groupes de minorités<br />
visibles et religieuses)<br />
Il arrive souvent que des membres de l’élite<br />
culturelle tournent en dérision les festivals<br />
ethnoculturels en les accusant d’être bon marché,<br />
artificiels, commerciaux et dignes de Disney.<br />
Si une communauté décide de se présenter<br />
d’une certaine manière, ces choix méritent non<br />
seulement notre respect, mais une réflexion des<br />
chercheurs et un réexamen des politiques. Qu’on<br />
aime ou non le style et le mode de commu -<br />
nication commer cial couramment utilisés dans<br />
bon nombre de ces festivals, il n’en demeure pas<br />
moins qu’ils offrent aux personnes de l’extérieur<br />
une fenêtre extrêmement utile et souvent<br />
irremplaçable pour observer la manière dont une<br />
communauté donnée se perçoit.<br />
Thèmes relatifs à l’Alberta<br />
64 Nos diverses cités<br />
1) Les stratégies de lutte contre le racisme<br />
et la discrimination<br />
De toutes les provinces cana diennes, c’est l’Alberta<br />
qui a connu certains des débats publics les plus<br />
passionnés entre groupes antiracistes et groupes<br />
anti-immigrants au cours des dernières années<br />
(seul le Québec l’a peut-être éclipsée à ce chapitre).<br />
La promotion de programmes et de politiques<br />
antiracistes devrait être une priorité en Alberta. Il<br />
existe dans cette province un solide mouvement<br />
antiraciste communautaire, qui se voit souvent<br />
attribuer la tâche de dénoncer la discrimination et<br />
l’exclusion des minorités visibles et religieuses.<br />
2) La religion et l’inclusion<br />
Les questions de la religion et de l’inclusion<br />
sont étroitement liées à celle de l’antiracisme. Le<br />
sentiment anti musulman est particulièrement fort<br />
en Alberta, malgré le nombre proportionnel -<br />
lement faible d’immigrants arabes et musulmans<br />
dans cette province. La question de la participa -<br />
tion des médias et du profilage racial par rapport<br />
à l’inclusion religieuse devrait être explorée.<br />
3) La participation économique et le niveau de vie<br />
L’essor industriel en Alberta a entraîné un faible<br />
taux de chômage, ainsi que des coûts de logement<br />
élevés, un fardeau supplémentaire pour les<br />
ressources communautaires et un revenu dispo -<br />
nible considérable pour une grande partie de<br />
la population. Toutefois, la situation économique<br />
de la province pourrait changer au cours<br />
des prochaines années. Les minorités visibles et<br />
religieuses, qui se classent déjà sous la moyenne<br />
au chapitre de la participation au marché du<br />
travail, ont toujours besoin d’une intervention<br />
stratégique pour obtenir l’égalité d’accès à<br />
l’emploi et aux avantages sociaux. De plus, la<br />
compression actuelle des services sociaux dans la<br />
province soulève de sérieuses questions au sujet<br />
d’un accès équitable aux espaces publics et aux<br />
services sociaux pour les minorités visibles et<br />
religieuses. Ce sujet doit être approfondi.<br />
4) Les populations francophones et autochtones<br />
Même si l’on reconnaît que les communautés<br />
autochtones relèvent du ministère des Affaires<br />
indiennes et du Nord canadien, il est utile<br />
d’examiner la relation entre les Autochtones et les<br />
non-Autochtones dans un milieu multiculturel.<br />
De plus, la population francophone de l’Alberta<br />
semble aussi avoir besoin que l’on s’attarde à elle<br />
dans ce domaine.<br />
5) L’avenir de la politique canadienne sur<br />
le multiculturalisme<br />
Au cours des dernières années, on a émis plusieurs<br />
idées intéressantes susceptibles d’influer sur<br />
l’orientation future de la politique canadienne sur<br />
le multiculturalisme. Au <strong>Canada</strong>, les chercheurs se
sont demandés si la Loi sur le multiculturalisme<br />
canadien, sous sa forme actuelle, est suffisamment<br />
robuste pour assurer une véritable protection de<br />
l’égalité des libertés culturelles (Kallen, 1995).<br />
Ce thème de recherche rassemble les plus<br />
impor tantes théories relatives à l’avenir du multi -<br />
culturalisme. Il est à espérer que les décisions des<br />
responsables politiques seront mieux éclairées<br />
s’ils connaissent les situations suscep tibles de se<br />
présenter à l’avenir.<br />
À propos des auteurs<br />
KAMAL DIB, Ph.D., est économiste et directeur de<br />
la recherche au sein de la Direction générale de la<br />
citoyenneté et du multiculturalisme de Citoyenneté<br />
et Immigration <strong>Canada</strong>.<br />
SOFIA RODRIGUEZ-GALLAGHER est économiste et<br />
chercheuse au sein de la Direction générale de la<br />
citoyenneté et du multiculturalisme de Citoyenneté<br />
et Immigration <strong>Canada</strong>.<br />
Références<br />
Biles, J. 2002. « Everyone’s a Critic », Thèmes canadiens /<br />
Canadian Issues (février).<br />
Bissoondath, N. 1994. Selling Illusions: The Cult of<br />
Multiculturalism in <strong>Canada</strong>, Toronto, Penguin Books.<br />
Bramadat, P. 2001a. « Shows, Selves, and Solidarity:<br />
Ethnic Identity and Cultural Spectacles in <strong>Canada</strong> »,<br />
Études ethniques au <strong>Canada</strong> / Canadian Ethnic Studies,<br />
vol. 33, p. 78-98.<br />
———. 2001b. « For Ourselves, Our Neighbours, Our<br />
Homelands: Religion in Folklorama’s Israel Pavilion »,<br />
Ethnologies, vol. 23, p. 211-232.<br />
———. 2005. « Toward a New Politics of Authenticity: Ethno-<br />
Cultural Representation in Theory and Practice », Études<br />
ethniques au <strong>Canada</strong> / Canadian Ethnic Studies,<br />
vol. 37, p. 1-20.<br />
———. 2007. « Religion in 2017 <strong>Canada</strong>: Are We Prepared? »,<br />
Thèmes canadiens / Canadian Issues (automne), p. 119-122.<br />
Bramadat, P., et D. Seljak (dir.). 2005. Religion and<br />
Ethnicity in <strong>Canada</strong>, Toronto, Pearson Longman.<br />
———. 2008. Christianity and Ethnicity in <strong>Canada</strong>,<br />
Toronto, University of Toronto Press.<br />
<strong>Canada</strong>. Statistique <strong>Canada</strong>. 2008. Série d’analyses de<br />
la population active immigrante – Les immigrants sur<br />
le marché du travail canadien en 2007. Consulté le 1er juin<br />
2008 à l’adresse .<br />
Joppke, C., et E. Morawska (dir.). 2003. Towards Assimilation<br />
and Citizenship: Immigrants in Liberal Nation-States,<br />
Hampshire, Palgrave MacMillan.<br />
Kallen, E. 1995. Ethnicity and Human Rights in <strong>Canada</strong>,<br />
2e éd., Oxford, Oxford University Press.<br />
Kymlicka, W. 1998. Finding Our Way: Rethinking Ethnocultural<br />
Relations in <strong>Canada</strong>, Toronto, Oxford University Press.<br />
Lai, D. C., J. Paper, et L. C. Paper. 2005. « The Chinese in<br />
<strong>Canada</strong>: Their Unrecognized Religion », dans P. Bramadat<br />
et D. Seljak (dir.), Religion and Ethnicity in <strong>Canada</strong>, Toronto,<br />
Pearson Longman, p. 89-110.<br />
McLellan, J. 1999. Many Petals of the Lotus: Five Asian<br />
Buddhist Communities in Toronto, Toronto, University of<br />
Toronto Press.<br />
Seljak, D. 2008. « Secularization and the Separation<br />
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———. 2007. La religion et le multiculturalisme au <strong>Canada</strong>.<br />
Le défi posé par l’intolérance et la discrimination<br />
religieuse, rapport d’étude commandé par le ministère<br />
du Patrimoine canadien.<br />
Sweet, L. 1997. God in the Classroom: The Controversial<br />
Issue of Religion in <strong>Canada</strong>’s Schools, Toronto, McClelland<br />
and Stewart.<br />
Wortley, S. 2004. « Hidden Intersections: Research on Race,<br />
Crime and Criminal Justice in <strong>Canada</strong> », Études ethniques<br />
au <strong>Canada</strong> / Canadian Ethnic Studies, vol. 35, p. 99-117.<br />
———. 1996. « Justice for All? Race and Perceptions of Bias<br />
in the Ontario Criminal Justice System – A Toronto Survey »,<br />
Revue canadienne de criminologie / Canadian Journal of<br />
Criminology, vol. 38, p. 439-467.<br />
Nos diverses cités 65
Repenser le <strong>Canada</strong> : nouvelles<br />
perspectives sur la citoyenneté<br />
et le rôle des minorités *<br />
MARC ARNAL<br />
University of Alberta, Campus Saint-Jean<br />
66 Nos diverses cités<br />
Avant de prétendre pouvoir comprendre le<br />
positionnement social et les défis des commu -<br />
nautés francophones de l’Alberta, il est utile de se<br />
pencher sur l’évolution de notre conception de la<br />
citoyenneté au <strong>Canada</strong>. Cette réflexion m’apparaît<br />
comme étant une étape incontournable dans<br />
l’étude de tout groupe au <strong>Canada</strong>. Le cadre qui me<br />
semble le mieux convenir à cette compréhension<br />
est l’approche des « valeurs canadiennes » élaborée<br />
dans les années 1980.<br />
Retraçons d’abord les origines de cette approche.<br />
En 1999, la Fédération des commu nautés franco -<br />
phones et acadienne du <strong>Canada</strong> (FCFA) lançait son<br />
projet Dialogue, une vaste consultation populaire<br />
tenue aux quatre coins du pays par l’entremise<br />
d’audiences publiques et de rencontres ciblées. Les<br />
quatre commissaires chargés de ce projet avaient<br />
comme mandat de faire un état des lieux de nos<br />
communautés et d’analyser les liens entre les<br />
communautés minoritaires de langue française et<br />
les autres com po santes de la société canadienne,<br />
notamment les peuples autochtones (Premières<br />
nations, Inuits et Métis), les francophones du<br />
Québec dont nous nous étions éloignés pendant<br />
les épisodes constitutionnels qui se sont succédés,<br />
les commu nautés ethnoculturelles (d’expression<br />
française ou anglaise, selon leur principale langue<br />
* Cet article est fondé sur une allocution prononcée à Terre-Neuveet-Labrador<br />
par l’auteur dans le cadre d’un événement organisé<br />
par le Conseil canadien sur l’apprentissage, en juin 2008.<br />
Le premier de ces constats a été que les années de revendication<br />
de nos droits linguistiques nous avaient rendus insulaires<br />
et nous avaient mis sur la défensive face aux autres et que<br />
notre rapport à notre propre langue était souvent difficile.<br />
officielle d’usage) et la population anglophone<br />
dans toute sa complexité.<br />
Comme c’est souvent le cas, en allant à la<br />
rencontre des autres nous avons découvert des<br />
choses sur nous-mêmes. Le premier de ces constats<br />
a été que les années de revendication de nos droits<br />
linguistiques nous avaient rendus insulaires et<br />
nous avaient mis sur la défensive face aux autres<br />
et que notre rapport à notre propre langue était<br />
souvent difficile. Il s’agissait là de vestiges de<br />
l’ancien <strong>Canada</strong>, celui de mon enfance où il était<br />
interdit d’apprendre notre langue dans les écoles<br />
publiques (jusqu’en 1957 au Manitoba, plus tard<br />
même en Alberta), où les peuples autochtones<br />
étaient méprisés, où les langues autres que celle de<br />
la majorité n’étaient pas tolérées. Ce <strong>Canada</strong> a fait<br />
des victimes. Couture (2008) décrit sa principale<br />
conséquence comme : « une profonde insécurité<br />
qui mine les efforts de développement ».<br />
Ce premier constat d’insécurité nous a mené<br />
à une seconde observation : nous n’étions pas les<br />
seuls à nous sentir isolés et marginalisés, à souffrir<br />
d’un complexe de minorité. Aussi avons-nous<br />
constaté qu’il n’y avait aucun lien, aucune unité<br />
entre tous ces groupes, aucune vision rassem -<br />
bleuse. Nous nous sommes alors dit qu’il fallait<br />
repenser les assises de notre participation à partir<br />
de concepts unificateurs et inclusifs où tous<br />
et toutes pourraient s’identifier avec dignité au<br />
sein de leur groupe mais aussi à l’ensemble de<br />
la société. À ce propos, rappelons le rapport
Dialogue de 2002, qui inspire présen tement les<br />
travaux de la Fondation canadienne pour le<br />
dialo gue des cultures, responsable des Rendezvous<br />
de la Francophonie et de la parti cipation<br />
franco phone aux Jeux de Vancouver en 2010.<br />
La page 38 du rapport présente notre approche<br />
sous la rubrique « Pour une vision de la société<br />
canadienne ».<br />
La citoyenneté, élément de solidarité de premier<br />
ordre, peut être définie de différentes façons.<br />
Elle est influencée par des réalités historiques,<br />
linguistiques, géographiques, sociopolitiques,<br />
juridiques, économiques et autres.<br />
À la lumière des constats qu’il a dressés au<br />
cours de sa tournée nationale, le groupe de<br />
travail propose une vision de la société cana -<br />
dienne axée sur trois principes interdépendants,<br />
soit l’équité, la diversité et la communauté.<br />
Respecter le principe de l’équité, c’est offrir<br />
à chaque citoyen et citoyenne de la société<br />
canadienne toutes les chances possibles afin<br />
qu’ils parviennent à des résultats égaux,<br />
peu importe leurs conditions.<br />
Appuyer le principe de la diversité, c’est<br />
reconnaître que l’interaction entre les diverses<br />
composantes d’une société entraîne de meilleurs<br />
résultats. C’est aussi encourager l’idée que<br />
différentes perspectives permettent une prise de<br />
décision plus juste et éclairée dans le respect des<br />
spécificités raciales, linguistiques, culturelles,<br />
religieuses, régionales, etc. Au <strong>Canada</strong>, la<br />
diversité est ancrée dans la Constitution,<br />
notamment par les articles traitant des<br />
langues officielles, du multiculturalisme et des<br />
peuples autochtones.<br />
La communauté, c’est la cohabitation de la<br />
diversité et de l’équité. C’est adhérer en tant que<br />
citoyen et citoyenne à des valeurs sociales<br />
communes et assumer ses responsabilités indi -<br />
viduelles et collectives en contribuant au déve -<br />
loppement de la société canadienne 1 . Le principe<br />
de la communauté est en redéfinition constante.<br />
Pour nous, de la communauté nationale<br />
francophone, être citoyen canadien, c’est<br />
vivre pleinement notre francophonie dans le<br />
respect et l’ouverture aux autres, tout en étant<br />
conscient que les langues officielles sont un<br />
gage de l’identité canadienne.<br />
1<br />
Un membre québécois du groupe Dialogue, Germain Desbiens,<br />
préférait le terme « solidarité ».<br />
Cette interprétation n’était pas nouvelle :<br />
de fait, elle avait d’abord été formulée dans<br />
les années 1980 au Secrétariat d’état du <strong>Canada</strong><br />
par le ministre de l’époque, David Crombie.<br />
Pendant son mandat comme Secrétaire d’État,<br />
le ministre Crombie a intégré la « société juste »<br />
de Trudeau et la panoplie de programmes<br />
d’action sociale qui en a découlé – la plupart<br />
relevant du Secrétariat d’État – en une vision<br />
simple et intelligible des valeurs canadiennes.<br />
Cette vision a eu pour effet de renverser le vieux<br />
modèle de conformité à la majorité. Le modèle<br />
de Crombie est celui qui a été adopté dix ans plus<br />
tard par le groupe de travail Dialogue.<br />
En 1988, le ministre Crombie était à Edmonton<br />
pour présenter les nouvelles reconnaissances<br />
de citoyenneté, et comme à son habitude, il a<br />
annoncé qu’il « ne pourrait pas lire l’excellent<br />
discours préparé par mon Ministère » parce qu’il<br />
avait oublié ses lunettes. Nous étions prêts et<br />
nous avons enregistré ses remarques. Il décrivait<br />
ainsi l’approche :<br />
[Traduction]<br />
Chaque fois que notre pays a essayé de<br />
s’expliquer à lui-même, ça n’a été possible que<br />
de deux façons : soit par une compréhension<br />
de notre géographie et ses répercussions sur<br />
nous, soit par les valeurs.<br />
Nous sommes [en 1988] dans un processus<br />
d’élaboration de projets de loi dans trois<br />
domaines : le multiculturalisme, les langues<br />
offi cielles et la citoyenneté. Ce sont trois lois<br />
très importantes et très complexes qui<br />
déter mineront en grande mesure la toile de<br />
fond pour le développement du <strong>Canada</strong> au<br />
21e siècle. Les lois elles-mêmes seront peut-être<br />
complexes, mais leurs fondements ne le sont<br />
pas. Toutes trois – le multiculturalisme, les<br />
langues officielles et la citoyenneté – partagent,<br />
en effet, les trois mêmes principes fondamen -<br />
taux, soit les principes d’égalité, de diversité et<br />
de communauté.<br />
L’égalité. Chacun, sans exception, a le droit<br />
d’être inclus dans le cercle canadien. Chacun<br />
a le droit de se trouver en terre canadienne, que<br />
ce soit depuis sept générations, 107 générations<br />
ou sept ans. L’égalité est un principe fonda -<br />
mental de notre pays.<br />
La diversité. Dieu sait que nous avons de la<br />
diversité dans ce pays. Si quiconque vous<br />
dit qu’il y a une différence entre le multi -<br />
culturalisme et deux langues officielles,<br />
Nos diverses cités 67
Bien que je citerai la Charte canadienne des droits et libertés<br />
comme contribution importante à l’actualisation de cette vision,<br />
je crois qu’elle est incomplète en ce sens qu’elle ne reconnaît<br />
pas le caractère linguistique du Québec.<br />
68 Nos diverses cités<br />
j’affirmerai que tous deux s’abreuvent à la<br />
même source. Et cette source, c’est la diversité.<br />
Si nous ne respectons pas la diversité d’autrui,<br />
notre capacité de vivre en harmonie sera<br />
diminuée à travers le monde.<br />
La communauté. Je ne peux m’imaginer aucun<br />
principe qui ne soit plus important, à long<br />
terme, que le suivant : les êtres humains ont<br />
tous besoin d’attaches. La communauté, c’est<br />
le contexte, la matière au sein de laquelle<br />
les personnalités humaines sont développées.<br />
Mais rien n’est acquis. Nous avons besoin<br />
de gens qui comprennent qu’égalité, diversité<br />
et communauté doivent être assurées à<br />
coup d’efforts et de travail acharné. Il y a des<br />
gens dans chacune de nos communautés<br />
qui sont prêts à consentir les efforts requis<br />
pour atteindre ces objectifs. Il n’existe aucune<br />
citoyenneté au monde comme la citoyenneté<br />
canadienne. Il n`y aucun pays au monde qui<br />
offre des valeurs où la liberté est fondée sur<br />
l’équité, la diversité et la communauté.<br />
Ces mots ont servi d’inspiration pour Dialogue<br />
et ils continuent d’inspirer le travail de<br />
plusieurs associations francophones au pays.<br />
Avant de passer aux applications concrètes,<br />
explorons un peu plus avant le concept de<br />
« valeurs canadiennes ».<br />
Bien que je citerai la Charte canadienne des<br />
droits et libertés comme contribution importante<br />
à l’actualisation de cette vision, je crois qu’elle<br />
est incomplète en ce sens qu’elle ne reconnaît<br />
pas le caractère linguistique du Québec et<br />
la nécessité de mesures spéciales favorisant<br />
le développement de ce caractère, en tenant<br />
compte du contexte minoritaire nord-américain.<br />
Le Québec a refusé de signer la Charte, avec<br />
raison, je crois. La récente reconnaissance<br />
du Québec comme nation est un pas en avant,<br />
mais cela n’intègre toujours pas le Québec<br />
à la Constitution. Nonobstant, l’Article 15, la<br />
clause d’égalité, et la Section 1, la clause modé -<br />
ratrice, nous aident à actualiser l’égalité (ou<br />
l’équité). Aucun droit n’est absolu et il est<br />
possible d’utiliser des moyens asymétriques<br />
pour atteindre des résultats équitables. La<br />
Section 1 fait preuve de grand respect rela -<br />
tivement à la notion de liberté qui nous était<br />
enseignée au cours classique, c’est-à-dire<br />
« l’accep tation volontaire de contraintes raison -<br />
nables pour le bien commun ». La diversité est<br />
enchâssée dans les clauses sur la dualité<br />
linguistique, le pluralisme culturel et les droits<br />
autochtones. Ces trois reconnaissances sont<br />
l’essence même de notre engagement à l’endroit<br />
de la diversité. Bien qu’il y ait une dimension<br />
« dignité » à la diversité, il y a aussi une<br />
dimension « apprentissage ».<br />
Un modèle dynamique comme le nôtre est à la<br />
fois simple dans chacune de ses parties et<br />
complexe dans son fonctionnement. C’est sans<br />
doute plus facile de comprendre des balises<br />
claires et immuables comme c’est le cas dans<br />
la plupart des pays, que de vivre avec des<br />
principes qui occasionnent des réévaluations et<br />
reconfigurations constantes. Certes, nous avons<br />
des principes absolus, même s’ils ne sont pas<br />
énoncés comme tels : la démocratie repré -<br />
sentative, la non-violence. Mais le <strong>Canada</strong> est<br />
davantage un processus qu’un absolu ». C’est en<br />
ces termes que Michel Bastarache, juge de la<br />
Cour Suprême du <strong>Canada</strong>, faisait une distinction<br />
importante récemment en parlant de l’évolution<br />
des droits linguistiques au <strong>Canada</strong>. Il faisait la<br />
distinction entre une valeur assumée et une<br />
valeur qu’on accommode. Selon lui, lorsqu’une<br />
valeur est assumée, elle est intégrée à la fibre<br />
même de l’entité qui l’a intégrée et il n’y a plus<br />
de problème dans son application. Il citait son<br />
récent jugement sur les services en français<br />
par la GRC au Nouveau-Brunswick.« J’ai été<br />
heureux, disait-il, de pouvoir affirmer les droits<br />
au service en français mais triste de devoir<br />
encore le faire. » Paul Dubé, professeur à la<br />
University of Alberta, parlait récemment<br />
d’inclusion et de transculturalité : « Quand on<br />
parle d’inclusion, on vise à construire entre<br />
(les cultures) une relation convenable régulée<br />
permettant d’accéder à un nouveau plan :<br />
celui d’une formation unitaire harmonieuse<br />
transcendant leurs différences sans les évacuer ».
Ce n’est plus de l’assimilation, ni même de<br />
l’accommodement.<br />
Vous l’avez sans doute compris, cette façon de<br />
voir change sensiblement le rôle des minorités<br />
dans une société. En effet, ce sont ces éléments<br />
d’altérité qui provoquent la discussion et l’évo -<br />
lution de notre société vivante. Ainsi, de les voir<br />
simplement comme un problème d’accom -<br />
modement est très réducteur et peu conforme<br />
aux valeurs canadiennes. Regret tablement,<br />
plusieurs groupes minoritaires au <strong>Canada</strong><br />
ont été socialisés à ces perceptions négatives<br />
d’eux-mêmes.<br />
Dans la société que nous visons à créer,<br />
la diversité est vue comme un capital social<br />
important qui peut placer le <strong>Canada</strong> à l’avantplan<br />
de la société mondialisée dans laquelle nous<br />
vivions. La diversité engendre de nouvelles<br />
sources d’idées, d’attitudes, de visions, de<br />
perspectives, de défis et de possibilités. Les<br />
pratiques culturelles et les dialogues qui les<br />
entourent ne sont pas seulement des moyens de<br />
protéger de vieilles compréhensions mais aussi<br />
une façon d’introduire de nouvelles façons de<br />
comprendre. Ceci rappelle les propos de Paul<br />
Chartrand lors d’une conférence sur les relations<br />
francophones-métisses qui se tenait récemment<br />
à la University of Regina : « L’histoire, de dire<br />
le professeur, est un bon enseignant mais un<br />
mauvais maître. » Les conditions nécessaires<br />
à notre dialogue national sont l’ouverture<br />
culturelle, des institutions sociales appropriées et<br />
une capacité collective de dialogue démocratique<br />
et de débat. Notre vision du <strong>Canada</strong> en est une<br />
d’une société culturellement réseautée, une société<br />
diversifiée où l’apprentissage entre cultures est<br />
une capacité citoyenne et un but personnel.<br />
Tournons-nous maintenant du côté de la<br />
communauté francophone en Alberta. Le dernier<br />
recensement y a identifié 67 000 francophones de<br />
langue maternelle, soit 2 % de la population de<br />
la province, et 225 000 locuteurs du français,<br />
soit 7 %. À présent il y a 33 000 étudiants en<br />
immersion française, 5 000 dans les écoles franco -<br />
phones et 700 au Campus Saint-Jean (dont 65 %<br />
de langue maternelle anglaise). Les taux de<br />
mariages exogames, où un conjoint n’est pas de<br />
langue maternelle française, dépassent les 80 %.<br />
De récentes migrations de refugiés d’Afrique en<br />
provenance du Québec, leur destination initiale,<br />
augmentées par une immigration directe gran -<br />
dissante ont changé le profil racial et religieux des<br />
communautés francophones. Dans une école<br />
francophone à Edmonton, la vaste majorité des<br />
étudiants sont des « nouveaux arrivants », dont<br />
plusieurs d’origine africaine et on assiste à<br />
l’émergence d’une communauté francophone à<br />
Brooks où il n’y avait aucune francophonie<br />
jusqu’à tout récemment.<br />
Ces réalités démographiques ont remis en<br />
cause la façon dont se perçoit la communauté<br />
francophone traditionnelle de l’Alberta, largement<br />
de race blanche, catholique et d’origine albertaine<br />
de parents francophones, à tel point qu’il y a<br />
de moins en moins de ces francophones « de<br />
souche ». Ces changements remettent aussi en<br />
question les notions traditionnelles d’identité.<br />
En exemple, si un de nos étudiants au Campus<br />
Saint-Jean écrit un poème en français, devrait-on<br />
d’abord vérifier sa généalogie avant de l’inclure<br />
au corpus des productions culturelles de la<br />
francophonie albertaine ? Cette question ne se<br />
pose presque plus, heureusement. La notion<br />
d’une identité mono lithique et unidimensionnelle<br />
devient absurde dans le contexte d’aujourd’hui. Je<br />
suis marié à une femme du Panjab et nos enfants<br />
ont décidé qu’ils étaient Canadien-français. Notre<br />
aîné parle le japonais et il s’identifie lui-même<br />
comme Canadien-français, Indo-Canadien et un<br />
peu japonais, bien que ses parents n’aient aucun<br />
lien avec le Japon ou sa culture. Il est hindou et<br />
il valorise l’ouverture de cette foi aux autres<br />
religions, y compris le catholicisme de son père.<br />
L’idée qu’un petit groupe puisse définir la<br />
norme culturelle d’une communauté de langue<br />
officielle me semble impensable en regard des<br />
valeurs canadiennes. D’ailleurs, lors d’une visite<br />
au Campus Saint-Jean en 2006, l’Ambassadeur<br />
de France au <strong>Canada</strong> s’adressait à un groupe<br />
d’aînés francophones : « Vous avez réussi à faire<br />
vivre le français dans des circonstances très<br />
difficiles. Aujourd’hui, c’est une langue inter -<br />
nationale et bien qu’elle ait été développée en<br />
France, elle s’est adaptée à différents accents au<br />
point où elle n’appartient plus à la France mais à<br />
toute personne qui la parle ou qui y est attachée. »<br />
Aussi, la distinction entre développement<br />
culturel et patrimoine culturel me paraît impor -<br />
tante. Horst Schmid, ancien ministre de la<br />
Culture de l’époque Lougheed, disait qu’il valait<br />
mieux parler de patrimoine culturel que de<br />
multiculturalisme parce que chacun possède un<br />
patrimoine culturel, voire plusieurs. Les commu -<br />
nautés francophones ont de la difficulté à<br />
effectuer ce virage qui privilégierait le dévelop -<br />
pement au patrimoine. Les couples exogames,<br />
surtout dans les situations où les parents sont<br />
très différents, ont peut-être une plus grande<br />
Nos diverses cités 69
70 Nos diverses cités<br />
tendance vers l’ouverture, du fait qu’ils ne<br />
s’attendent pas à ce que leurs enfants leur<br />
ressemblent en tous points.<br />
De toute façon, il est encourageant de constater<br />
que nos collectivités évoluent vers une plus<br />
grande ouverture et une plus grande inclusion,<br />
à l’image de leur volonté croissante de tisser<br />
des liens avec d’autres groupes qui font, à leur<br />
manière, la promotion des valeurs canadiennes.<br />
À propos de l’auteur<br />
MARC ARNAL est doyen du Campus Saint-Jean de la<br />
University of Alberta depuis 2003. Auparavant, il a occupé,<br />
de 1993 à 2003, le poste de gestionnaire du personnel à la<br />
Alberta Teachers’ Association, après avoir travaillé pendant<br />
18 ans pour le gouvernement du <strong>Canada</strong>, au Secrétariat<br />
d’État. Il est coprésident du Comité directeur national<br />
sur l’immigration en milieu minoritaire francophone<br />
et acadien et président de la Fondation canadienne<br />
pour le dialogue des cultures. Il siège aussi au conseil<br />
d’administration de la Mahatma Gandhi Canadian<br />
Foundation for World Peace.<br />
Immigration et diversité au sein<br />
des communautés francophones<br />
en situation minoritaire<br />
<strong>Numéro</strong> thématique de<br />
Thèmes canadiens / Canadian Issues<br />
Références<br />
Couture, C. 2008. « Avenirs des minorités de langues<br />
officielles », Thèmes canadiens / Canadian Issues (été),<br />
p. 44-49.<br />
Crombie, D. 1987. Discours prononcé le 11 novembre 1987<br />
à l’occasion de la première cérémonie de citoyenneté à<br />
Edmonton, Alberta.<br />
Dubé, P. 2003. Pour une nouvelle symbolique francophone :<br />
la construction d’une idée interculturelle. Texte soumis.<br />
Fédération des communautés canadiennes et acadienne du<br />
<strong>Canada</strong> (FCFA). 2002. Parlons-nous. Rapport du groupe de<br />
travail Dialogue.<br />
Le projet <strong>Metropolis</strong> et l’Association d’études canadiennes ont<br />
produit un numéro thématique de Thèmes canadiens portant<br />
sur l’immigration et la diversité dans les communautés<br />
franco phones en milieu minoritaire. Ce numéro (printemps 2008)<br />
présente différentes façons d’aborder l’immigration franco -<br />
phone et la diversité au <strong>Canada</strong>. Depuis une dizaine d’années, les<br />
communautés francophones en milieu minoritaires ont désigné ces questions comme<br />
vitales à leur développement économique, social et culturel. Ce numéro comporte une<br />
introduction de Chedly Belkhodja de l’Université de Moncton, ainsi qu’une trentaine<br />
d’articles signés par des responsables des politiques, des chercheurs et des organisations<br />
non gouvernementales spécialisés dans ce domaine.<br />
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Cet article traite de l’expérience vécue par la ville de Brandon, au Manitoba, suite à l’arrivée<br />
de travailleurs étrangers temporaires embauchés par une usine de transformation du porc.<br />
Puisque les travailleurs étrangers temporaires peuvent s’inscrire au Programme des<br />
candidats des provinces au Manitoba, les fournisseurs de services locaux doivent gérer les<br />
répercussions d’une population de nouveaux arrivants « plus permanente que prévu ».<br />
Quand temporaire<br />
devient permanent<br />
Les incidences des travailleurs étrangers temporaires<br />
et de la diversité croissante à Brandon, au Manitoba<br />
JILL BUCKLASCHUK, ALISON MOSS ET ROBERT C. ANNIS<br />
Rural Development Institute, Brandon University<br />
Créés pour répondre à la pénurie de maind’œuvre<br />
qui touche divers secteurs dans tout<br />
le <strong>Canada</strong>, les programmes d’immigration<br />
temporaire administrés par le gouvernement<br />
fédéral 1 offrent aux employeurs la possibilité<br />
d’embaucher des travailleurs étrangers. Cette<br />
solution provisoire à un problème généralisé<br />
suscite la controverse, notamment à cause de la<br />
hausse marquée du nombre total de travailleurs<br />
étrangers temporaires (TET) au <strong>Canada</strong> : en 2007,<br />
leur nombre atteignait 115 470, soit une hausse<br />
de 19 % par rapport à l’année précédente (CIC,<br />
2008). Le débat sur la migration temporaire<br />
tourne souvent autour du risque de dépendance<br />
associé à de tels programmes, ainsi que de la<br />
vulnérabilité des étrangers qui sont recrutés et<br />
embauchés pour travailler temporairement au<br />
<strong>Canada</strong> (Gibb, 2007; Hennebry, 2001). Le présent<br />
article s’intéresse plutôt à l’incidence des besoins<br />
en main-d’œuvre sur la collectivité ainsi qu’aux<br />
répercussions de l’embauche et de l’établis -<br />
sement de TET à l’extérieur des grandes régions<br />
urbaines. Il est question ici des TET qui arrivent<br />
dans le cadre du Projet pilote relatif aux<br />
1 Pour de plus amples renseignements sur les programmes<br />
d’immigration temporaire du <strong>Canada</strong> : .<br />
professions exigeant un niveau réduit de<br />
formation (niveaux C et D du Code national des<br />
professions), aussi appelé le Projet pilote pour<br />
les travailleurs peu spécialisés 2 . Administré et<br />
exécuté par Citoyenneté et Immi gration <strong>Canada</strong><br />
(CIC) conjointement avec Ressources humaines<br />
et Développement des compétences <strong>Canada</strong><br />
(RHDCC), le projet pilote propose aux employeurs<br />
un processus d’embauche accéléré pour combler<br />
temporairement la pénurie de travailleurs.<br />
Sont présentées ici les répercussions de l’arrivée<br />
massive de TET à Brandon, et les expériences<br />
vécues par cette petite ville rurale située dans<br />
le sud-ouest du Manitoba. La croissance écono -<br />
mique, l’expansion de certaines industries comme<br />
la Maple Leaf Foods et la pénurie de maind’œuvre<br />
qui en découle dans les professions peu<br />
spécialisées ont incité les employeurs à revoir<br />
leurs pratiques de recrutement et d’embauche :<br />
ils n’hésitent pas à recruter à l’étranger lorsque<br />
les réserves locales, provinciales et nationales<br />
ne répondent pas à leurs besoins en travailleurs.<br />
2 Ce programme vise les professions qui, habituellement, ne<br />
nécessitent tout au plus qu’un diplôme d’études secondaires<br />
ou un maximum de deux ans de formation liée à l’emploi aux<br />
termes de la Classification nationale des professions (CNP) et<br />
qui sont classées dans les niveaux de compétence C ou D de<br />
cette classification.<br />
Nos diverses cités 71
L’administration municipale et la collectivité ont la responsabilité de<br />
reconnaître les problèmes et les changements sociaux qui y sont associés<br />
et de s’y préparer, sans quoi les retombées positives seront réduites.<br />
72 Nos diverses cités<br />
À Brandon même, la croissance démographique<br />
et économique apporte son lot de difficultés :<br />
pénurie de logements, problèmes de traduction<br />
et pressions sur les écoles et l’infra structure<br />
publique. L’arrivée d’un grand nombre de TET à<br />
Brandon est un phénomène relativement récent<br />
dont on ne connaît pas encore tous les effets.<br />
L’administration locale et les intervenants<br />
commu nautaires doivent mener une action<br />
proactive concertée afin de mettre en œuvre des<br />
stratégies et des plans en réponse aux problèmes<br />
présents et futurs.<br />
Contexte<br />
La province du Manitoba est reconnue pour<br />
l’excellence de ses stratégies en matière<br />
d’intégration et d’établissement des immigrants.<br />
Avec 10 955 immigrants arrivés en 2007, le<br />
Manitoba accueille 4,6 % de tous les immigrants<br />
au <strong>Canada</strong>. Première province à adopter et à<br />
utiliser le Programme des candidats des provinces,<br />
le Manitoba a su promouvoir efficacement le<br />
programme comme mécanisme permettant<br />
d’attirer des immigrants. Quelque 70 % de tous les<br />
immigrants arrivent dans le cadre du Programme<br />
des candidats de la province.<br />
Si les candidats de la province forment la<br />
majorité des immigrants accueillis par le<br />
Manitoba, la province a récemment enregistré<br />
une hausse du nombre de TET. Le nombre<br />
d’arrivées dans cette catégorie a plus que doublé<br />
en quatre ans, passant de 1 426 en 2003 à 2 878<br />
en 2007. Fait à noter, 45 % de tous les TET qui<br />
arrivent dans la province s’installent dans<br />
des collectivités autres que Winnipeg (Travail<br />
et Immigration Manitoba, 2008). Les TET se voient<br />
offrir la possibilité de demander le statut de<br />
candidat de la province après avoir travaillé dans<br />
la province pendant six mois, ce qui va à<br />
l’encontre des principes fondamentaux d’un<br />
programme d’immigration « temporaire ». Au<br />
Manitoba, cette catégorie d’immigrants est<br />
considérée comme une source de résidents<br />
permanents, contribuant ainsi aux niveaux<br />
d’immigration annuels de la province.<br />
Deuxième ville en importance au Manitoba<br />
et centre de services pour la région agrorurale<br />
environnante, Brandon connaît une période de<br />
croissance démographique. Selon les données du<br />
Recensement, la population est passée de 39 716<br />
à 41 511 habitants depuis 2001. La population<br />
de Brandon est, dans l’ensemble, ethniquement<br />
homogène, sa vaste majorité étant originaire des<br />
îles Britanniques (48 %) ou d’Europe (36 %). La<br />
plupart des personnes qui résident à Brandon ne<br />
sont pas des immigrants récents; au Recensement<br />
de 2006, 2 695 personnes ont déclaré un statut<br />
de première génération, tandis que 25 355 ont<br />
déclaré un statut de troisième génération ou plus.<br />
Peu d’entre eux ont déclaré un statut de minorité<br />
visible, mais on observe une légère hausse : au<br />
Recensement de 2001, 2 % de la population de<br />
Brandon avait déclaré être membre d’une minorité<br />
visible tandis qu’en 2006, ce nombre avait<br />
augmenté à 4 % (Statistique <strong>Canada</strong>, 2007).<br />
Parallèlement à cette croissance, la population<br />
de Brandon se diversifie sur le plan ethnique.<br />
Le taux d’immigration dans cette ville était jadis<br />
faible, mais cette tendance change elle aussi. En<br />
2007, Brandon a affiché la plus forte croissance de<br />
l’immigration au Manitoba, avec 642 nouveaux<br />
arrivants – environ trois fois plus qu’en 2006,<br />
quand leur nombre se situait à 172. Selon<br />
l’unique fournisseur de services aux immigrants à<br />
Brandon, les derniers résultats de fin d’exercice<br />
montrent que 205 nouveaux dossiers, repré -<br />
sentant des immigrants de 33 pays, ont été<br />
ouverts entre avril 2006 et mars 2007. Cette<br />
augmentation place maintenant Brandon au<br />
troisième rang des destinations de choix pour les<br />
immigrants au Manitoba, derrière Winnipeg et<br />
Winkler (Travail et Immigration Manitoba, 2008).<br />
L’un des principaux facteurs contribuant à ces<br />
changements démographiques est l’arrivée de TET<br />
embauchés par Maple Leaf Foods, usine de<br />
transformation du porc située à Brandon. Après<br />
une première tentative pour recruter et embaucher<br />
des résidants locaux, la direction de Maple Leaf<br />
Foods a dû utiliser d’autres méthodes pour<br />
combler son besoin criant de main-d’œuvre. En<br />
2001, l’entreprise menait sa première campagne<br />
de recrutement à l’étranger auprès de travailleurs<br />
du Mexique, et elle continue d’embaucher<br />
des travailleurs étrangers dans le cadre du
FIGURE 1<br />
Arrivées de travailleurs étrangers temporaires (TET) et nombre estimé d’arrivées<br />
de membres de la famille, 2002 à 2011<br />
6 000<br />
5 000<br />
4 000<br />
3 000<br />
2 000<br />
1 000<br />
0<br />
Nombre total<br />
d’arrivées de TET<br />
Programme pour les travailleurs peu spécialisés.<br />
Ces efforts se sont traduits par l’arrivée d’un<br />
millier de TET. Sur les 1 700 employés de l’usine<br />
de Brandon, 60 % sont des travailleurs étrangers<br />
(Boeve et Annis, 2008). L’usine emploie actuel -<br />
lement 939 travailleurs étrangers originaires du<br />
Mexique, d’El Salvador, d’Ukraine, de la Chine, de<br />
la Colombie et de l’île Maurice.<br />
On estime que plus de la moitié des TET<br />
employés par Maple Leaf Foods se sont vu<br />
accorder le statut de candidat de la province,<br />
tandis que les autres sont en voie de l’obtenir.<br />
Lorsqu’ils obtiennent ce statut, de 12 à 18 mois<br />
après leur arrivée, les TET peuvent faire venir des<br />
membres de leur famille au <strong>Canada</strong>. Au cours de<br />
la prochaine année, plus de 2 100 personnes<br />
devraient arriver à Brandon à titre de membres de<br />
la famille, et on estime que 3 953 personnes<br />
(enfants et conjoints) viendront au <strong>Canada</strong> d’ici<br />
2011 (Economic Development Brandon, 2008). À<br />
la lumière de ces estimations, la ville de Brandon<br />
peut s’attendre à un ajout stupéfiant de 5 692<br />
nouveaux résidants d’ici 2011 (voir la Figure 1), ce<br />
qui représente une augmentation de près de 14 %<br />
par rapport à la population totale actuelle. Les<br />
Nombre réel et anticipé d’arrivées<br />
de TET et de familles<br />
2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011<br />
répercussions sur la collectivité et son profil<br />
démographique seront énormes, augmentant la<br />
diversité et amenant de nouvelles difficultés.<br />
Les problèmes posés par une<br />
diversité croissante<br />
En dépit des six années d’expérience de Maple<br />
Leaf Foods dans le recrutement de travailleurs<br />
étrangers et les processus normalisés de prépa -<br />
ration avant leur arrivée et leur établissement,<br />
maints problèmes demeurent. Dans les mois et les<br />
années à venir, alors que beaucoup de membres<br />
de la famille de ces travailleurs arriveront dans<br />
la collectivité, d’autres difficultés surviendront<br />
immanquablement. Ces personnes auront<br />
des besoins en services très différents, qui<br />
exacerberont la pression sur le milieu scolaire,<br />
les soins de santé, le secteur du logement et les<br />
services de garde. Les TET ne sont pas des<br />
immigrants en tant que tels; néanmoins, dans<br />
le contexte du Manitoba, ils peuvent être<br />
considérés comme des travailleurs étrangers<br />
« transitoires », du fait que le statut temporaire<br />
n’est qu’une étape du processus menant à la<br />
résidence permanente. Les membres de leur<br />
Nos diverses cités 73
Puisque les programmes pour les travailleurs étrangers temporaires sont<br />
considérés officiellement comme des programmes temporaires, il peut être<br />
difficile d’amener les intervenants communautaires et l’administration<br />
municipale à reconnaître la nécessité de planifier l’avenir et à s’apercevoir<br />
que le statut temporaire peut déboucher sur la résidence permanente.<br />
74 Nos diverses cités<br />
famille, par contre, viennent en qualité d’immi -<br />
grants. Ainsi, les discussions sur l’établissement<br />
et le maintien des immigrants dans la province<br />
peuvent être utiles et pertinentes lorsqu’on<br />
s’intéresse aux difficultés associées à l’éta -<br />
blissement des TET et de leur famille. Les<br />
problèmes qui se posent à Brandon rappellent<br />
ceux qu’ont dû surmonter d’autres collectivités<br />
d’accueil non traditionnelles (Bruce et Lister,<br />
2005; Silvius et Annis, 2005).<br />
Prestation de services aux immigrants<br />
Dans les collectivités qui accueillent des TET, il<br />
arrive souvent qu’on ne sache pas qui assure ou<br />
devrait assurer la prestation de services aux<br />
nouveaux arrivants. Cette situation se traduit<br />
souvent par des dédoublements et des lacunes<br />
dans la prestation des services et des programmes.<br />
De plus, dans les régions rurales, l’accès aux<br />
services est déficient, les organismes d’aide<br />
aux immigrants étant limités ou inexistants et<br />
les collectivités ethnoculturelles établies, peu<br />
nombreuses. Brandon compte un fournisseur<br />
de services aux immigrants qui, jusqu’à tout<br />
récemment, avait comme seule activité financée la<br />
prestation de services aux résidents permanents.<br />
Reconnaissant le besoin d’appuyer les nouveaux<br />
arrivants ne faisant pas partie des catégories<br />
habituelles, l’administration provinciale a modifié<br />
ses politiques et programmes afin d’y inclure la<br />
prestation de services aux TET, à l’exception des<br />
cours d’anglais langue additionnelle (ALA) et<br />
des services de conseil en matière d’emploi. Face<br />
à la population croissante de TET au <strong>Canada</strong>,<br />
les responsables des politiques aux paliers fédéral<br />
et provincial travaillent à concevoir des pro -<br />
grammes, des stratégies et des politiques efficaces<br />
afin de garantir le bien-être de ces étrangers, de<br />
leur famille et de la collectivité 3 .<br />
Logement<br />
Dans le cadre du Programme pour les travailleurs<br />
peu spécialisés, il incombe aux employeurs de<br />
garantir la disponibilité de logements abordables<br />
pour les TET. Maple Leaf Foods s’assure d’avoir<br />
des logements avant l’arrivée des travailleurs et<br />
fixe un loyer raisonnable. Ainsi, heureusement, les<br />
TET n’ont pas à trouver leur propre logement sur<br />
le marché locatif saturé de Brandon. Sous l’effet<br />
combiné d’une forte demande et d’une faible offre<br />
de nouveaux logements, Brandon a enregistré en<br />
2007 le taux d’inoccupation le plus faible (0,2 %)<br />
de la province (Société canadienne d’hypothèques<br />
et de logement, 2007). Le problème de l’itinérance<br />
prend de l’ampleur et la demande auprès des<br />
banques alimentaires et autres organismes<br />
caritatifs est en hausse. Le manque de logements<br />
et la hausse des loyers ont une incidence<br />
néfaste sur les résidants de Brandon, y compris<br />
les étudiants universitaires et les personnes qui<br />
s’établissent en ville en quête d’un emploi. Le<br />
manque de logements abordables à Brandon est<br />
critique, et le problème risque fort d’être exacerbé<br />
par l’arrivée des familles des TET, puisqu’ils auront<br />
besoin d’un logement familial plus grand.<br />
Éducation<br />
Après des années de déclin, le milieu scolaire<br />
de Brandon enregistre une augmentation du<br />
nombre d’inscriptions. Le niveau sans précédent<br />
d’inscriptions aux programmes d’ALA est<br />
particulièrement remarquable. Ce programme<br />
recevait habituellement 50 étudiants en moyenne<br />
par année, et ces enfants provenaient pour la<br />
plupart de familles occupant des emplois plus<br />
spécialisés, possédant donc une connaissance<br />
préalable de l’anglais. Depuis 2005, le milieu<br />
scolaire vit une période d’adaptation et de<br />
transition faisant suite à l’arrivée d’un plus grand<br />
nombre d’élèves qui maîtrisent mal l’anglais. Le<br />
nombre d’écoles offrant un soutien en ALA est<br />
passé de deux à huit, et plus d’écoles ajoutent des<br />
programmes pour répondre à la demande. À ce<br />
3 Face à l’augmentation du nombre de travailleurs étrangers<br />
temporaires dans la province, le gouvernement du Manitoba<br />
a pris l’initiative d’adopter une loi qui protège les travailleurs<br />
vulnérables contre les recruteurs et les employeurs malhonnêtes.<br />
Pour de plus amples renseignements : .
jour, sur un total approximatif de 7 000 élèves,<br />
425 sont inscrits aux cours d’ALA, et 42 % d’entre<br />
eux n’ont qu’une connaissance de base ou limitée<br />
de l’anglais. Un système de préinscription et un<br />
processus d’inscription centralisé ont été mis en<br />
place, et des mesures supplémentaires ont été<br />
prises pour joindre les parents qui ont peut-être<br />
besoin d’une aide supplémentaire. La structure<br />
des modes de financement provinciaux a entraîné<br />
des pénuries de personnel et de ressources dans<br />
le milieu scolaire, problème que vient encore<br />
exacerber une réserve limitée d’enseignants à<br />
Brandon. Dans les années à venir, plus d’étudiants<br />
en ALA sont attendus, ce qui intensifiera encore la<br />
pression sur les ressources.<br />
Soutien linguistique<br />
Le manque de soutien linguistique représente<br />
un facteur d’échec non négligeable dans l’accès<br />
à l’éducation, à la prestation de services et à<br />
l’intégration sociale. Tandis que les TET reçoivent<br />
un certain soutien en ALA par l’entremise de leur<br />
employeur, les membres de leur famille n’ont pas<br />
accès aux mêmes possibilités d’apprentissage<br />
linguistique. L’utilisation d’un interprète pour<br />
prendre rendez-vous avec un médecin ou un<br />
agent bancaire est source de difficultés, de<br />
problèmes de commu nication et de malaises.<br />
En tant que collectivité homogène sur les plans<br />
ethnique et linguistique, Brandon a peu accès aux<br />
services de traduction et a de la difficulté à<br />
répondre aux demandes en communication<br />
multilingue. Dans nombre de cas, les agents<br />
d’établissement s’improvisent traducteurs, ce<br />
qui impose des responsabilités additionnelles<br />
et plus personnelles à des ressources déjà<br />
surchargées. La situation semble toutefois<br />
s’améliorer : des fournisseurs de services dans<br />
un certain nombre de secteurs suivent des<br />
cours d’espagnol et de mandarin et adoptent des<br />
méthodes et des technologies uniques et novatrices<br />
pour communiquer avec les nouveaux arrivants.<br />
Les récompenses d’une diversité croissante<br />
Certes, la croissance de la ville de Brandon pose<br />
d’innombrables difficultés, mais il y a aussi des<br />
aspects positifs à l’afflux de nouveaux arrivants<br />
et à l’accroissement démographique. L’évolution<br />
des caractéristiques démographiques favorise<br />
l’ouver ture et l’intérêt à l’égard de la diversité<br />
culturelle. Par exemple, dans une collectivité où<br />
les restaurants de type familial et les rôtisseries<br />
représentaient la norme, la clientèle peut<br />
aujourd’hui déguster des spécialités japonaises,<br />
indiennes et mexicaines. Les Brandoniens<br />
amateurs de cuisine découvrent des ingrédients<br />
nouveaux et exotiques dans deux épiceries<br />
ethniques – une de spécialité latino-américaine<br />
et l’autre, de spécialité asiatique. De son côté,<br />
le milieu scolaire travaille avec la collectivité afin<br />
d’accroître la sensibilisation aux cultures en<br />
organisant des foires, des événements et des<br />
célébrations sur le thème de la culture. La popu -<br />
lation de Brandon a ainsi été invitée à découvrir<br />
les nouvelles cultures, ethnies et traditions qui<br />
enrichissent maintenant leur collectivité.<br />
Le festival d’hiver du lieutenant-gouverneur,<br />
événement multiculturel qui se tient chaque<br />
année depuis 2003, illustre bien l’ouverture de la<br />
ville de Brandon à la diversité culturelle. Le<br />
carnaval d’hiver connaît du succès depuis ses<br />
débuts et gagne en popularité chaque année. Des<br />
pavillons sont installés un peu partout dans<br />
la ville et des groupes ethnoculturels y font<br />
la démonstration de différentes traditions. Le<br />
carnaval a de profondes répercussions sur<br />
l’ensemble de la collectivité et sur les groupes<br />
ethnoculturels qui y participent. Les organismes<br />
et les communautés ressentent une grande fierté<br />
quand un nombre croissant de participants se<br />
montrent intéressés à connaître leurs traditions<br />
culturelles. Après chaque carnaval, les groupes<br />
ethnoculturels deviennent plus organisés et<br />
poursuivent leur engagement dans la collectivité<br />
de Brandon en participant à des activités de<br />
bienfaisance et à des célébrations culturelles.<br />
Importance de la collaboration et de la<br />
communication dans la collectivité<br />
La présence de l’usine Maple Leaf Foods à<br />
Brandon sera toujours à la fois source d’avantages<br />
et d’inconvénients pour la ville. L’industrie veut<br />
prioritairement combler ses besoins en maind’œuvre<br />
et maintenir sa production; il ne lui<br />
revient pas de s’assurer que la collectivité est<br />
prête à gérer les difficultés qui accompagnent<br />
le développement économique et les fortes<br />
demandes en travailleurs. Heureusement,<br />
l’entreprise Maple Leaf Foods de Brandon fait des<br />
efforts pour s’engager dans la collectivité et établir<br />
une communication efficace avec l’administration<br />
municipale au moyen de consultations avec<br />
les intervenants. Grâce à cette collaboration, la<br />
ville peut se préparer aux nouvelles périodes<br />
de recrutement et faire connaître à d’autres<br />
organisations les processus d’établissement<br />
normalisés établis par la société Maple Leaf Foods.<br />
Une communication continue et renforcée<br />
Nos diverses cités 75
76 Nos diverses cités<br />
entre l’industrie, les fournisseurs de services et<br />
les autorités municipales permettra d’aplanir les<br />
difficultés et d’accroître les retombées positives<br />
de la croissance économique et démographique.<br />
En définitive, c’est la collectivité qui est<br />
directement touchée par la nature des pratiques<br />
de recrutement et d’embauche de l’industrie.<br />
L’administration municipale et la collectivité ont<br />
la responsabilité de reconnaître les problèmes et<br />
les changements sociaux qui y sont associés et<br />
de s’y préparer, sans quoi les retombées positives<br />
seront réduites (Broadway, 2000). Puisque les TET<br />
deviennent des résidents permanents, il est utile<br />
pour les collectivités du Manitoba de voir ces<br />
nouveaux arrivants comme des travailleurs<br />
étrangers « en transition » vers la résidence<br />
permanente. Les collectivités doivent s’organiser<br />
en vue de leur arrivée, notamment en créant des<br />
groupes multilatéraux au niveau communautaire<br />
ou régional pour exploiter toutes les possibilités<br />
liées à l’immigration et concevoir un plan qui<br />
expose les possibilités, les stratégies à mettre en<br />
place et les problèmes à surmonter. De plus, les<br />
dirigeants et les organismes communautaires ont<br />
besoin de formation et de soutien pour pouvoir<br />
encourager le développement des capacités<br />
communautaires, les partenariats, la résolution<br />
des conflits et la prise de décisions. Tous les ordres<br />
de gouver nement et la collectivité doivent<br />
partager la responsabilité de l’établissement et<br />
de l’intégration des nouveaux arrivants (Carter,<br />
Morrish et Amoyaw, 2008).<br />
Un tel mécanisme multilatéral communautaire<br />
de consultation et de participation a justement été<br />
créé après que le Rural Development Institute de la<br />
Brandon University a constaté le besoin de réunir<br />
des représentants de tous les ordres de gouver<br />
nement, de la collectivité, du secteur de la<br />
recherche et de l’industrie pour aborder les<br />
problèmes et le manque de connaissance associés<br />
à l’arrivée et à l’établissement des TET et de leurs<br />
familles. Un groupe de discussion sur les TET se<br />
réunit régulièrement et sert de mécanisme pour<br />
mieux comprendre le Programme pour les TET<br />
tout en créant un cadre ouvert propice à l’échange<br />
d’information entre les fournisseurs de services, les<br />
décideurs, l’industrie et les chercheurs. Le groupe<br />
choisit et aborde des sujets pertinents, et il invite<br />
souvent des conférenciers pour diriger la discus -<br />
sion et orienter le processus d’élaboration des<br />
politiques et programmes ainsi que la recherche.<br />
L’intérêt et la popularité de ce groupe de discussion<br />
augmentent à mesure que la valeur d’une telle<br />
tribune est reconnue par tous les intéressés.<br />
Partout à Brandon, on sent que de plus en<br />
plus d’intervenants reconnaissent l’importance<br />
de regrouper les ressources, de partager les<br />
responsabilités et d’éviter la redondance dans<br />
la prestation des services. Il est essentiel que<br />
les intervenants travaillent en partenariat à la<br />
création et à l’exécution d’une stratégie commu -<br />
nautaire pour l’orientation et l’établissement<br />
des immigrants. Par exemple, le centre de<br />
santé publique de Brandon travaille en étroite<br />
collaboration avec le fournisseur local de services<br />
aux immigrants afin d’appuyer la prestation des<br />
services et des programmes. De plus, une coalition<br />
d’intervenants, qui représentent notamment<br />
l’industrie, a été formée pour se pencher sur les<br />
préoccupations au sujet de l’ALA dans l’ensemble<br />
de la collectivité. L’élimination des obstacles à<br />
l’établissement et à l’intégration des nouveaux<br />
arrivants passe par la collaboration, la commu -<br />
nication et la sensibilisation des intervenants.<br />
Grâce au travail d’équipe et à la coopération, le<br />
partage de l’information et la mise sur pied de<br />
programmes de groupe appuieront la prestation<br />
des services. Une collectivité accueillante, dans<br />
laquelle les nouveaux arrivants se sentent<br />
soutenus et encouragés à participer à la vie<br />
communautaire, peut tirer profit des retombées<br />
d’une croissance économique et démographique<br />
et d’une diversité accrue.<br />
Conclusion<br />
Le phénomène des TET compromet la capacité des<br />
collectivités rurales d’offrir les services requis<br />
aux nouveaux arrivants. Puisque les programmes<br />
pour les TET sont considérés officiellement<br />
comme des programmes temporaires, il peut être<br />
difficile d’amener les intervenants commu -<br />
nautaires et l’administration municipale à<br />
reconnaître la nécessité de planifier l’avenir et<br />
à s’apercevoir que le statut temporaire peut<br />
déboucher sur la résidence permanente. Comme le<br />
montre l’expérience de Brandon, il devient de plus<br />
en plus évident que les TET viennent au <strong>Canada</strong><br />
dans l’intention d’y rester et d’y faire venir leur<br />
famille. L’aspect « transitoire » du Programme pour<br />
les TET se traduit par la présence, à Brandon,<br />
d’une population de nouveaux arrivants qui est<br />
plus permanente que prévu. Les intervenants<br />
commencent à comprendre que les afflux<br />
démographiques récents et la diversité qui en<br />
découle ne sont pas des phénomènes temporaires,<br />
et à mesure que des familles arrivent dans la<br />
collectivité, il devient plus évident que tous les<br />
fournisseurs de services doivent mettre au point
des stratégies pour faire face à une population<br />
grandissante. Ce que Brandon fera dans les années<br />
à venir déterminera si la ville devient un<br />
exemple à suivre ou à éviter. Pour peu qu’ils<br />
soient gérés d’une manière efficace et appropriée,<br />
les fruits de l’immigration et de la diversité<br />
l’emporteront sûrement sur les difficultés.<br />
À propos des auteurs<br />
JILL BUCKLASCHUK est adjointe de recherche au Rural<br />
Development Institute de la Brandon University. Elle<br />
codirige actuellement un important projet de recherche<br />
axé sur l’immigration rurale et les travailleurs étrangers<br />
temporaires à Brandon et dans le sud-ouest du Manitoba.<br />
ALISON MOSS est adjointe de recherche au Rural<br />
Development Institute de la Brandon University.<br />
Ces quatre dernières années, elle a eu l’occasion de<br />
participer activement à divers projets de développement<br />
communautaire en qualité d’adjointe de recherche et<br />
d’interne à l’institut et au ministère du Développement rural.<br />
ROBERT C. ANNIS est directeur du Rural Development<br />
Institute de la Brandon University. Depuis plus de 25 ans,<br />
il participe activement à des initiatives de développement<br />
communautaire menées dans tout le <strong>Canada</strong>. Il a dirigé des<br />
projets de recherche au <strong>Canada</strong>, en Écosse et en République<br />
centrafricaine. Il agit par ailleurs comme consultant auprès<br />
des gouvernements fédéral et provinciaux du <strong>Canada</strong>, ainsi<br />
que pour le compte d’organismes sans but lucratif dans<br />
les domaines de la recherche appliquée, de l’examen des<br />
programmes, de la planification stratégique et de la mise<br />
en valeur des ressources humaines.<br />
Références<br />
Boeve, S., et R. Annis. 2008. « Maple Leaf Foods and the Rural<br />
Development Institute Collaborate to Better Understand the<br />
Recruitment, Settlement, Integration and Future Residency<br />
of Temporary foreign workers in Manitoba », communication<br />
présentée au Conference Board du <strong>Canada</strong>, Table ronde des<br />
dirigeants sur l’immigration, Toronto.<br />
Broadway, M. J. 2000. « Planning for Change in Small Towns<br />
or Trying to Avoid the Slaughterhouse Blues », Journal of<br />
Rural Studies, vol. 16, p. 37-46.<br />
Bruce, D., et G. Lister. 2005. Repopulation des régions<br />
rurales du <strong>Canada</strong> atlantique, document de discussion,<br />
Ottawa, Agriculture et Agroalimentaire <strong>Canada</strong>.<br />
<strong>Canada</strong>. Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong>. 2008. Faits<br />
et chiffres 2007 – Aperçu de l’immigration : résidents<br />
permanents et temporaires. Consulté le 1er octobre 2008 à<br />
l’adresse .<br />
———. Société canadienne d’hypothèques et de logement<br />
(SCHL). 2007. Rapport sur le marché locatif. Faits saillants –<br />
Manitoba. Consulté le 1er octobre 2008 à l’adresse<br />
.<br />
———. Statistique <strong>Canada</strong>. 2007. Profils des communautés<br />
de 2006 – Brandon, Manitoba, Ottawa, Statistique <strong>Canada</strong>,<br />
no 92-591-XWF au catalogue. Consulté le 8 octobre 2008<br />
à l’adresse .<br />
Carter, T., M. Morrish, et B. Amoyaw. 2008. « Attracting<br />
Immigrants to Smaller Urban and Rural Communities:<br />
Lessons Learned from the Manitoba Provincial Nominee<br />
Program », Revue de l’intégration et de la migration<br />
internationale / International Migration and Integration<br />
Journal, vol. 9, p. 161-183.<br />
Economic Development Brandon. 2008. Dependent Arrival<br />
Projections 2007-2011. Consulté le 2 octobre 2008 à<br />
l’adresse .<br />
Gibb, H. 2007. « Temporary Foreign Worker Programs:<br />
Opportunities and Challenges », notes d’allocution pour<br />
l’atelier Building Value in Temporary Migration Programs,<br />
Institut Nord-Sud.<br />
Hennebry, J. L. 2001. « Ethical Implications of the Global<br />
Movement of People and Their Labour: The Case of<br />
Temporary Workers in <strong>Canada</strong> », communication présentée<br />
à l’Union internationale pour l’étude scientifique de la<br />
population, Brésil.<br />
Manitoba. Travail et Immigration Manitoba. 2008. Manitoba<br />
Immigration Facts: 2007 Statistical Report. Consulté le<br />
1er octobre 2008 à l’adresse .<br />
Silvius, R., et R. Annis. 2005. Manitoba Rural Immigration<br />
Case Studies. Issues in Rural Immigration: Lessons,<br />
Challenges, and Responses, document de travail de<br />
l’IDR 2005-09.<br />
Nos diverses cités 77
Le Nouvel Ouest : une crise<br />
identitaire imminente dans<br />
la ville du Stampede<br />
DEREK COOK<br />
Ville de Calgary<br />
En 2006, la Ville de Calgary a effectué une évaluation exhaustive des problèmes et<br />
des besoins de ses résidants. Cette enquête a permis de constater que les immigrants<br />
récents et les membres de minorités visibles se heurtent à des difficultés économiques<br />
beaucoup plus grandes que le reste de la population. Ils étaient considérablement plus<br />
susceptibles d’être préoccupés par le fait de ne pas avoir assez d’argent pour payer la<br />
nourriture ou le loyer, de ne pas épargner suffisamment ou d’avoir trop de dettes.<br />
78 Nos diverses cités<br />
L’Ouest canadien est en pleine évolution. Au<br />
cours des 30 dernières années, la croissance<br />
démographique des quatre provinces de l’Ouest a<br />
largement dépassé celle du <strong>Canada</strong>, à un point tel<br />
qu’aujourd’hui, la population de cette région<br />
compte pour près d’un tiers de la population<br />
canadienne – et plus de trois quarts de sa<br />
population est urbaine. L’économie prospère de<br />
l’Ouest continue d’attirer les gens de partout au<br />
<strong>Canada</strong> et du monde entier, qui viennent s’établir<br />
dans des villes dynamiques et en plein essor.<br />
Parallèlement à la croissance des provinces<br />
de l’Ouest, le profil de la région évolue. Celle-ci<br />
a toujours été un milieu multiculturel, bâti grâce<br />
aux efforts d’immigrants d’origines diverses :<br />
Ukrainiens, Scandinaves, Chinois, etc. Or, les<br />
récents changements dans les tendances d’immi -<br />
gration, notamment la diversification des pays<br />
sources, contribuent à enrichir ce patrimoine<br />
culturel florissant. Tandis que les communautés<br />
culturelles continuent de s’établir dans des villes<br />
comme Calgary, le profil de la région devient de<br />
plus en plus diversifié.<br />
Calgary se proclame fièrement le « cœur du<br />
Nouvel Ouest ». Toutefois, elle est aussi de plus<br />
en plus le « reflet du Nouvel Ouest ». Au cours<br />
des deux dernières décennies, l’immigration<br />
dans cette ville a constamment augmenté, tandis<br />
que les principaux pays sources d’immigrants<br />
ont changé. Comme dans le reste du pays, le<br />
nombre d’immi grants originaires des régions<br />
occidentales du monde a diminué à mesure<br />
qu’augmentait le nombre d’immigrants venant<br />
d’autres régions, comme l’Asie. Ce phénomène<br />
a contribué à accroître la diversité culturelle à<br />
Calgary, environ la moitié des nouveaux arrivants<br />
faisant partie des minorités visibles. En 2001,<br />
Calgary est devenue la quatrième région urbaine<br />
la plus multiethnique du <strong>Canada</strong>. Selon le<br />
Recensement de 2006, environ un Calgarien<br />
sur quatre est membre d’une minorité visible,<br />
et à peu près la même proportion de Calgariens<br />
sont des immigrants.<br />
La diversité culturelle croissante offre aux<br />
villes comme Calgary d’incroyables possibilités de<br />
mettre à profit les riches traditions, compétences<br />
et ressources de nos nombreuses communautés<br />
culturelles. Tandis que la ville s’impose comme<br />
centre d’influence mondial, il apparaît encore<br />
plus important de tirer parti de ce patri moine.<br />
Cependant, l’exploitation de ce potentiel présente<br />
des obstacles bien réels.<br />
Multiculturalisme et exclusion<br />
dans les villes canadiennes<br />
À mesure que la population canadienne se<br />
diversifie, l’exclusion possible des immigrants et<br />
des groupes raciaux de la vie sociale, économique
et culturelle de la collectivité suscite des inquié -<br />
tudes croissantes, en particulier dans les grands<br />
centres urbains du <strong>Canada</strong>, où l’on craint de<br />
plus en plus l’émergence de comportements<br />
d’exclusion bien ancrés. Cette préoccupation est<br />
alimentée en partie par l’importance grandissante<br />
de l’immigration pour la prospérité sociale et<br />
économique du <strong>Canada</strong>, l’immigration étant l’un<br />
des facteurs clés du multiculturalisme croissant de<br />
la société canadienne.<br />
Le <strong>Canada</strong> a adopté une politique de multi -<br />
culturalisme afin de faciliter la coexistence<br />
d’identités multiples au sein de la société, et de<br />
prévenir ainsi l’exclusion sociale. Toutefois, cette<br />
politique a récemment fait l’objet de critiques,<br />
ses détracteurs laissant entendre qu’elle nuit à la<br />
cohésion sociale en n’établissant pas de valeurs<br />
et d’objectifs communs pour la société dans son<br />
ensemble. Ces critiques découlent de la prise de<br />
conscience de plus en plus grande des tendances<br />
accrues de marginalisation et d’exclusion.<br />
L’une des principales formes d’exclusion est<br />
l’exclusion économique. Même si, par le passé, les<br />
immigrants devaient composer à leur arrivée avec<br />
des difficultés liées à l’établissement, en quelques<br />
années ils étaient capables de « rattraper » écono -<br />
miquement leurs homologues nés au <strong>Canada</strong>.<br />
Toutefois, on s’inquiète de plus en plus du fait que<br />
les immigrants récents ne progressent pas de la<br />
même manière que les générations précédentes :<br />
le taux de pauvreté chez les immi grants et les<br />
minorités visibles se maintient à un niveau<br />
élevé, tandis que les revenus et le taux d’emploi<br />
demeurent faibles.<br />
Tandis que s’établissent des tendances néga -<br />
tives, on s’inquiète également de l’en racinement<br />
de comportements de ségrégation et d’exclusion<br />
culturelles. Bien que les villes canadiennes ne<br />
manifestent pas encore le degré de ségrégation<br />
raciale que l’on observe aux États-Unis, des<br />
quartiers où les minorités ethniques et la pauvreté<br />
convergent ont tendance à se former. Cela risque<br />
de donner lieu à une exclusion bien enracinée, où<br />
les possibilités d’avancement sont restreintes en<br />
raison de la race, la classe et la géographie, des<br />
facteurs qui se renforcent mutuellement.<br />
Conditions socioéconomiques des<br />
communautés multiculturelles de Calgary<br />
Malgré une économie locale vigoureuse, les<br />
immigrants et les personnes appartenant à des<br />
minorités visibles continuent de se heurter à<br />
de grandes difficultés économiques. En 2005,<br />
à Calgary, le revenu moyen des familles<br />
immigrantes représentait à peine 87 % de celui du<br />
reste de la population, soit une baisse par rapport<br />
au taux de 89 % enregistré en 2000. Le revenu des<br />
immigrants récents était encore plus faible, soit<br />
67 % du revenu moyen de la population. Les<br />
résultats sur le marché du travail sont tout aussi<br />
faibles pour les immigrants récents. En 2006, le<br />
taux de chômage de ces derniers était de 7 %, soit<br />
presque le double du taux de 4 % de l’ensemble de<br />
la population de Calgary. Les taux de participation<br />
et d’emploi étaient également plus faibles<br />
d’environ 5 % (Statistique <strong>Canada</strong>, 2008). Même<br />
si les données pour 2006 ne sont pas encore<br />
publiées, les immigrants récents et les personnes<br />
appartenant à des minorités visibles enregistrent<br />
depuis toujours des taux de pauvreté beaucoup<br />
plus élevés que la moyenne.<br />
FIGURE 1<br />
Population âgée de 18 ans et plus ayant<br />
déclaré avoir des difficultés à subvenir<br />
à leurs besoins de base, selon le statut<br />
d’immigrant, Calgary, 2006<br />
Trop de<br />
dettes<br />
Épargne<br />
insuffisante<br />
Pas assez d’argent<br />
pour acheter de<br />
la nourriture<br />
Pas assez d’argent<br />
pour payer le loyer<br />
% 0 10 20 30 40 50 60 70<br />
Immigrants récents Personnes nées<br />
au <strong>Canada</strong><br />
FIGURE 2<br />
Population âgée de 18 ans et plus ayant<br />
déclaré avoir des difficultés à subvenir à leurs<br />
besoins de base, selon le statut de membre<br />
d’une minorité visible, Calgary, 2006<br />
Trop de<br />
dettes<br />
Épargne<br />
insuffisante<br />
Pas assez d’argent<br />
pour acheter de<br />
la nourriture<br />
Pas assez d’argent<br />
pour payer le loyer<br />
% 0 10 20 30 40 50 60<br />
Minorités visibles Reste de la<br />
population<br />
En 2006, la Ville de Calgary a effectué une<br />
évaluation exhaustive des problèmes et des<br />
besoins de ses résidants (Calgary, 2008). Cette<br />
enquête, intitulée Signposts, a permis de<br />
Nos diverses cités 79
constater que les immigrants récents et les<br />
membres de minorités visibles se heurtent à des<br />
difficultés économiques beaucoup plus grandes<br />
que le reste de la population. Les immigrants et<br />
les membres de minorités visibles sont considé -<br />
rablement plus susceptibles d’être préoccupés par<br />
le fait de ne pas avoir assez d’argent pour payer la<br />
nourriture ou le loyer, de ne pas épargner suffi -<br />
samment ou d’avoir trop de dettes. De fait, environ<br />
la moitié des minorités visibles et des immigrants<br />
récents craignaient un peu ou beaucoup de ne<br />
pas avoir assez d’argent pour leur nourriture.<br />
Les pressions financières peuvent causer<br />
beaucoup de stress. Même si le niveau de stress<br />
des immigrants et des personnes de minorités<br />
visibles est comparable à celui du reste de la<br />
population, leur accès à des activités de détente et<br />
de loisirs pour gérer ce stress semble beaucoup<br />
plus restreinte. Plus de 40 % des personnes<br />
appartenant à des minorités visibles et près de la<br />
moitié des immigrants récents se sont dits<br />
préoccupés par le fait qu’ils n’avaient pas de<br />
temps de détente ou de loisirs.<br />
FIGURE 4<br />
Population âgée de 18 ans et plus ayant<br />
déclaré éprouver du stress, selon le statut de<br />
membre d’une minorité visible, Calgary, 2006<br />
Pas de temps<br />
pour la détente<br />
ou les loisirs<br />
Sentiment<br />
de stress<br />
80 Nos diverses cités<br />
FIGURE 3<br />
Population âgée de 18 ans et plus ayant<br />
déclaré éprouver du stress, selon le statut<br />
d’immigrant, Calgary, 2006<br />
Pas de temps<br />
pour la détente<br />
ou les loisirs<br />
Sentiment<br />
de stress<br />
%<br />
%<br />
0 10 20 30 40 50 60 70<br />
Immigrants récents Personnes nées<br />
au <strong>Canada</strong><br />
0 10 20 30 40 50 60 70<br />
Membres d’une<br />
minorité visible<br />
Reste de la<br />
population<br />
Une ville pour tous ?<br />
L’inclusion sociale à Calgary<br />
Compte tenu des problèmes majeurs de margi -<br />
nalisation économique que vivent les immigrants<br />
et les minorités visibles à Calgary, l’ampleur<br />
de l’exclusion sociale et culturelle soulève aussi<br />
des préoccupations. L’enquête Signposts a montré<br />
que les immigrants et les membres de minorités<br />
visibles n’avaient pas moins tendance que les<br />
autres Calgariens à dire que la ville est un<br />
endroit agréable où vivre, qu’ils font confiance<br />
aux autres, qu’ils éprouvent un sentiment<br />
d’appar tenance et qu’ils sont acceptés par les<br />
autres. Cela semble indiquer que les immigrants<br />
et les membres de minorités visibles ne se sentent<br />
pas particulièrement exclus de la vie sociale.<br />
En ce qui concerne la participation, toutefois,<br />
les immigrants et les membres de minorités<br />
visibles avaient moins tendance que la population<br />
en général à dire qu’ils participaient à la vie<br />
sociale. Seuls 57 % des immigrants récents ont dit<br />
qu’ils participaient aux activités communautaires,<br />
comparativement à 65,9 % des membres de<br />
minorités visibles et à 68,2 % de la population en<br />
général. De même, seulement 54,2 % des immi -<br />
grants récents ont indiqué qu’ils faisaient du<br />
bénévolat, comparativement à 58 % des membres<br />
des minorités visibles et à 59,3 % de la population<br />
en général. De plus, les immi grants récents et les<br />
membres de minorités visibles avaient beaucoup<br />
moins tendance que la population totale à dire<br />
qu’ils votaient aux élections, bien que cela puisse<br />
être attribuable au fait que certains d’entre eux<br />
n’ont pas le droit de vote.<br />
En plus d’examiner les opinions et la parti -<br />
cipation, l’enquête abordait les préoc cupations<br />
des répondants. Ainsi, on a noté des écarts<br />
significatifs entre, d’une part, les immi grants<br />
et les minorités visibles et, d’autre part, la<br />
population en général. Bien qu’au départ ils<br />
affirmaient ressentir un sentiment « d’appar -<br />
tenance » à Calgary, lorsqu’on leur a demandé<br />
s’ils craignaient de ne pas être intégrés ou s’ils se<br />
sentaient étrangers, 37,6 % des immigrants<br />
récents et 34,6 % des membres de minorités<br />
visibles ont répondu par l’affirmative, compa -<br />
rativement à seulement 20 % de la popu lation<br />
en général. En outre, lorsqu’on leur a demandé<br />
s’ils avaient des préoccupations concernant le<br />
racisme et la discrimination, la moitié des<br />
immigrants récents (49,7 %) et des membres<br />
de minorités visibles (51 %) ont répondu par<br />
l’affirmative, comparativement à seulement un<br />
quart (25,7 %) du reste de la population.
FIGURE 5<br />
Population âgée de 18 ans et plus<br />
ayant exprimé des difficultés liées au<br />
sentiment d’appar tenance, selon le statut<br />
d’immigrant et de membre d’une minorité<br />
visible, Calgary, 2006<br />
60<br />
50<br />
40<br />
30<br />
20<br />
10<br />
Immigrants récents<br />
Minorités visibles<br />
Ensemble de la population<br />
0<br />
N’arrive pas à s’intégrer ou à res -<br />
%<br />
sentir un sentiment d’appartenance<br />
Victime de<br />
discrimination<br />
Par conséquent, selon l’enquête, même si les<br />
immigrants récents et les membres de minorités<br />
visibles estiment que Calgary est un endroit<br />
agréable où vivre et que les autres Calgariens les<br />
acceptent, plus du tiers demeurent préoccupés par<br />
le fait de ne pas être intégrés ou de se sentir étran -<br />
gers. Parallèlement, ils se préoccupent fortement<br />
du racisme et de la discrimination. En outre, les<br />
immigrants récents et les membres de minorités<br />
visibles ont tendance à signaler un plus faible<br />
niveau de participation aux activités commu -<br />
nautaires, au bénévolat, aux élections et à une<br />
association communautaire.<br />
La ville du Stampede :<br />
une identité nécessitant une crise<br />
Dans une chaîne d’épiceries de Calgary, une allée<br />
est réservée aux « aliments ethniques », les rayons<br />
contenant des articles comme du riz ou de la<br />
pâte de cari. La notion d’« aliment ethnique » est<br />
révélatrice, car son corollaire est l’aliment « non<br />
ethnique » qui, par défaut, englobe tous les autres<br />
aliments vendus dans le magasin. Or, aucun<br />
aliment n’est, à proprement parler, « non<br />
ethnique ». La classification singulière du riz et du<br />
cari comme aliments « ethniques », à l’exclusion<br />
de tout le reste, reflète la notion profondément<br />
enracinée selon laquelle les traditions culturelles<br />
non occidentales sont « autres ». Par extension,<br />
cela reflète la notion tout aussi enracinée que les<br />
personnes d’origine non européenne ne sont pas<br />
« d’ici » et suscite la question très mal accueillie<br />
« D’où venez-vous ? », par laquelle les personnes<br />
appartenant à des minorités visibles, quelle que<br />
soit leur citoyenneté, sont invaria blement saluées.<br />
La présupposition selon laquelle les personnes<br />
d’origine non européenne ne sont pas « d’ici » se<br />
situe au cœur de l’identité de Calgary, ancrée<br />
dans des traditions culturelles comme le Calgary<br />
Stampede, qui à son tour est fondé sur la célé -<br />
bration du patrimoine culturel de l’Ouest.<br />
De fait, l’image du « cow-boy » de Calgary, bien<br />
que forte, n’a jamais collé parfaitement à la<br />
réalité. Cette identité ne rend pas compte du rôle<br />
crucial qu’ont joué dans l’histoire de Calgary de<br />
nombreuses cultures, notamment les commu -<br />
nautés et les colons sikhs et chinois qui font partie<br />
intégrante de la ville depuis sa fondation. En<br />
outre, la présupposition systématique que les<br />
non-Européens et les non-Blancs sont « autres »<br />
cache le fait qu’au moins un tiers des membres de<br />
minorités visibles de Calgary sont nés au <strong>Canada</strong>.<br />
L’image du cow-boy ne reflète pas non plus<br />
l’envergure internationale de l’économie de la<br />
TABLEAU 1<br />
Indicateurs d’inclusion sociale et de participation à la vie municipale, Calgary, 2006<br />
Pourcentage de répondants qui sont « plutôt »<br />
ou « tout à fait » d’accord avec les énoncés<br />
Immigrants récents Minorités visibles Population totale de Calgary<br />
La Ville de Calgary est-elle un endroit agréable où vivre ? 96,7 % 96,2 % 97,2 %<br />
Échangez-vous avec d’autres habitants de Calgary ? 91,2 % 93,2 % 95,2 %<br />
Faites-vous du bénévolat pour un organisme ? 54,2 % 58,0 % 59,3 %<br />
Participez-vous aux activités communautaires ? 57,0 % 65,9 % 68,2 %<br />
Êtes-vous en mesure d’influencer les choses ? 65,5 % 56,0 % 58,3 %<br />
Vous sentez-vous à votre place à Calgary ? 92,3 % 93,0 % 91,9 %<br />
Avez-vous beaucoup en commun avec les autres ? 83,9 % 87,6 % 90,1 %<br />
Les Calgariens vous acceptent-ils ? 95,5 % 91,1 % 94,9 %<br />
Faites-vous confiance aux autres Calgariens ? 94,5 % 87,7 % 93,5 %<br />
Exercez-vous votre droit de vote ? 47,9 % 80,4 % 88,1 %<br />
Êtes-vous membre de votre association communautaire ? 18,1 % 25,7 % 31,3 %<br />
Nos diverses cités 81
82 Nos diverses cités<br />
ville, fondée surtout sur l’énergie. Calgary, un<br />
acteur clé sur les marchés mondiaux de l’énergie,<br />
échange régulièrement des professionnels et des<br />
travailleurs qualifiés avec les pays du Moyen-<br />
Orient, de l’Afrique et de l’Asie du Sud-Est, et<br />
entretient une relation très étroite avec le<br />
commerce international.<br />
Au moment où la composition culturelle de<br />
Calgary devient de plus en plus complexe, la<br />
définition que la ville se donne est contestée. Au<br />
cours des années à venir, Calgary devra concilier<br />
son identité publique de ville du Stampede avec<br />
la réalité d’une population et d’un milieu des<br />
affaires multiethniques et actifs sur le marché<br />
mondial. Les événements récents semblent<br />
indiquer que cette redéfinition ne se fera pas<br />
sans heurts. Selon Statistique <strong>Canada</strong> (2008),<br />
Calgary a enregistré en 2006 le taux de crimes<br />
haineux le plus élevé parmi les grandes villes<br />
canadiennes, soit pratiquement trois fois la<br />
moyenne nationale. En 2007, la ville a été le<br />
théâtre de 19 des 28 incidents antisémites<br />
survenus en Alberta (Klein et Bromberg, 2008).<br />
Au début de 2007, l’Aryan Guard, une orga -<br />
nisation militant pour la suprématie des Blancs,<br />
s’est constituée à Calgary après avoir essayé sans<br />
succès de s’établir à Edmonton et à Kitchener,<br />
en Ontario. Depuis, l’Aryan Guard a organisé<br />
plusieurs manifestations auxquelles se sont<br />
opposées de vigoureuses contre-manifestations<br />
organisées par des groupes antiracistes.<br />
La nécessité de s’adapter à une complexité<br />
culturelle croissante se pose également aux<br />
secteurs public et bénévole de Calgary. En 2007,<br />
l’Association canadienne pour les Nations Unies<br />
(ACNU) a organisé dans la ville un forum de<br />
concertation communautaire. Au cours de celuici,<br />
les participants ont soulevé diverses préoccu -<br />
pations concernant la diversité, notamment leur<br />
souci que les groupes ethniques et les personnes<br />
appartenant à des minorités visibles n’ont pas de<br />
relations dans la collectivité et sont donc exclus<br />
du pouvoir et de la prise de décisions. Le manque<br />
de modèles publics membres d’une minorité<br />
visible était également perçu comme un problème,<br />
en particulier dans le cas des jeunes. Même<br />
s’ils reconnaissaient que les organismes publics<br />
et communautaires cherchaient à répondre aux<br />
besoins d’une collectivité de plus en plus multi -<br />
culturelle, les participants étaient d’avis qu’ils<br />
n’étaient pas bien outillés pour cette tâche et qu’ils<br />
ne savaient pas non plus comment répondre<br />
aux personnes d’origine ethnique qui désiraient<br />
participer (ACNU, 2008).<br />
Il est essentiel de surmonter ces difficultés pour<br />
le bien-être futur de l’environnement social et<br />
économique de Calgary. Des recherches récentes<br />
indiquent que même si les nouveaux immigrants<br />
sont de plus en plus attirés par la ville, celle-ci<br />
enregistre un exode net d’immigrants de longue<br />
date (Pruegger et Cook, 2008). Au moment où<br />
Calgary compte de plus en plus sur les immigrants<br />
et cherche à les attirer pour combler ses besoins<br />
en main-d’œuvre, elle devra s’efforcer de devenir<br />
une collectivité de choix afin d’améliorer sa<br />
compétitivité à l’échelle nationale.<br />
Aller de l’avant<br />
Tandis que Calgary, en tant que collectivité,<br />
apprend à composer avec sa nouvelle identité,<br />
il convient de souligner plusieurs initiatives<br />
stratégiques mises en œuvre par la Ville au cours<br />
des dernières années afin d’améliorer la durabilité<br />
sociale. En 2003, la Ville a adopté une « approche<br />
axée sur un triple résultat » en matière de<br />
planification et de prise de décisions, qui exige<br />
qu’on tienne compte des répercussions sociales,<br />
économiques et environne mentales de chaque<br />
décision. L’un des objectifs stratégiques clés<br />
de cette politique est la création d’une « ville<br />
inclusive ». En outre, en 2007, la Ville de Calgary<br />
a adopté la politique Fair Calgary, qui vise à faire<br />
en sorte que ses programmes et ses installations<br />
soient accessibles à tous les citoyens, quelles que<br />
soient leurs caractéristiques cultu relles ou autres.<br />
Enfin, la Sustainable Ethical and Environmental<br />
Purchasing Policy de la Ville accorde une con -<br />
sidération particulière aux fournisseurs qui<br />
appliquent des stratégies orga nisationnelles en<br />
matière de diversité.<br />
Le 11 septembre 2006, la Ville de Calgary a<br />
signé officiellement une déclaration d’adhésion à<br />
la Coalition canadienne des municipalités contre<br />
le racisme et la discrimination, s’engageant à<br />
échanger des initiatives avec d’autres muni -<br />
cipalités et à élaborer un plan d’action pour<br />
éliminer le racisme et la discrimination à l’égard<br />
de tous les groupes marginalisés définis dans la<br />
législation sur les droits de la personne, y compris<br />
les peuples autochtones, les membres de minorités<br />
visibles et les personnes handicapées. En 2008, un<br />
plan d’action a été rédigé et adopté par le Conseil<br />
municipal, et l’on attend actuellement l’appro -<br />
bation de l’affectation des fonds par ce dernier.<br />
La Ville de Calgary cherche également à<br />
favoriser la compréhension des questions de<br />
diversité en appuyant la recherche en partenariat<br />
avec la University of Calgary. L’Urban Alliance
est un partenariat entre la Ville et l’université,<br />
qui cherche à établir un lien entre les chercheurs<br />
universitaires et les unités fonctionnelles de la<br />
Ville ayant des besoins en recherche axée sur<br />
les opérations. En 2008, l’Urban Alliance a fait<br />
de l’intégration des immigrants l’une de ses<br />
principales priorités en matière de recherche et<br />
d’innovation.<br />
Si Calgary est véritablement en train de devenir<br />
le reflet du Nouvel Ouest, elle devra continuer de<br />
porter un regard attentif à l’image qu’elle projette.<br />
Il ne fait aucun doute que le patrimoine et les<br />
traditions de l’Ouest figureront toujours en bonne<br />
place dans l’identité de la ville, dont le reflet<br />
continuera fort probablement d’inclure un<br />
chapeau de cow-boy pendant quelque temps<br />
encore. Toutefois, le défi qui se présente<br />
maintenant à la collectivité est de concilier<br />
efficacement cette identité avec les multiples<br />
autres identités et de permettre à chacun de se<br />
reconnaître dans l’image publique de la ville. En<br />
fin de compte, la viabilité sociale et économique à<br />
long terme de la ville pourrait en dépendre.<br />
À propos de l’auteur<br />
DEREK COOK est chercheur et planificateur social à la<br />
Ville de Calgary. Ses travaux portent sur l’incidence des<br />
questions de pauvreté, de diversité et de main-d’œuvre<br />
sur l’inclusion sociale et la durabilité.<br />
Références<br />
Association canadienne pour les Nations Unies (ACNU).<br />
2008. A Sense of Belonging: Calgary, AB Regional Planning<br />
Meeting. Year 1. Final Report, Ottawa, Association<br />
canadienne pour les Nations Unies.<br />
Calgary. 2008. Signposts 2006: A Survey of the Social<br />
Issues and Needs of Calgarians, Calgary, Ville de Calgary,<br />
Community and Neighbourhood Services, Social Policy<br />
and Planning Division.<br />
<strong>Canada</strong>. Statistique <strong>Canada</strong>. 2008. Recensement du<br />
<strong>Canada</strong>, Ottawa, Industrie <strong>Canada</strong>.<br />
Klein, R., et A. Bromberg. 2008. Rapport des incidents<br />
d‘antisémitisme 2007 : préjugés et intolérance au<br />
<strong>Canada</strong>, Toronto, Ligue des droits de la personne<br />
de B’nai Brith <strong>Canada</strong>.<br />
Le Quotidien. 2008. « Étude : Les crimes motivés par la<br />
haine » (9 juin).<br />
Pruegger, V., et D. Cook. 2008. An Analysis of Immigrant<br />
Retention Patterns among Western Canadian CMAs,<br />
Edmonton, Centre <strong>Metropolis</strong> des Prairies.<br />
Commandes (en provenance d’Amérique) Écrivez : Springer Order Department, PO Box 2485, Secaucus, NJ 07096-2485, USA<br />
Téléphone (sans frais) : 1-800-SPRINGER Télécopieur : 1-201-348-4505 Courriel : journal-ny@springer.com<br />
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Nos diverses cités 83
Une nouvelle identité ethnique ?<br />
Les jeunes dans les Prairies *<br />
JIM FRIDERES<br />
University of Calgary<br />
Un sondage réalisé auprès de jeunes immigrants et de jeunes nés au <strong>Canada</strong> avait pour<br />
objectif d’évaluer l’identité ethnique des répondants et les stratégies qu’ils emploient pour<br />
la préserver. On a également demandé aux répondants de donner leur appréciation de la<br />
« valeur » de l’ethnicité dans le cadre d’un certain nombre d’activités. Les résultats semblent<br />
indiquer que, même s’il existe des similarités non négligeables entre les deux groupes, les<br />
répondants emploient des stratégies différentes pour préserver leur identité ethnique.<br />
Les résultats appuient le modèle « intégration segmentée » pour les jeunes immigrants.<br />
84 Nos diverses cités<br />
Au cours des 50 dernières années, l’immigration<br />
a modifié le profil démographique et social de<br />
la société canadienne et l’on s’attend à ce qu’elle<br />
continue d’exercer des pressions considérables<br />
sur la composition ethnique de la société.<br />
Le présent article analyse les différences entre les<br />
jeunes immigrants et les jeunes nés au <strong>Canada</strong><br />
qui résident dans les Prairies en ce qui concerne<br />
l’identité ethnique et leur appréciation de la<br />
valeur de l’ethnicité.<br />
La démographie canadienne a toujours été<br />
très influencée par l’immigration. Le Tableau 1<br />
présente la contribution globale des immigrants<br />
à la croissance de la population canadienne<br />
pendant les 150 dernières années, ainsi que<br />
les prévisions pour l’avenir. Les données<br />
montrent que l’influence de l’immigration sur les<br />
institutions sociales, culturelles et éco nomiques<br />
du <strong>Canada</strong> n’a cessé d’augmenter et que cette<br />
influence va continuer de s’accroître dans un<br />
avenir rapproché. L’immigration a eu une<br />
incidence tout aussi importante sur les Prairies au<br />
cours des 25 dernières années. Historiquement,<br />
l’Ontario a toujours été la destination de choix<br />
des immigrants; cependant, l’augmentation de<br />
* Le travail de recherche dont il est question dans le présent<br />
article a bénéficié du soutien du Conseil de recherches en<br />
sciences humaines (CRSH), du Centre <strong>Metropolis</strong> des Prairies<br />
et du ministère du Patrimoine canadien.<br />
l’immigration et de la diversité ethnique dans<br />
les Prairies au cours des dernières années a<br />
été tout à fait remarquable. Lamba, Mulder et<br />
Wilkinson (2000) ont souligné qu’au cours des<br />
50 dernières années, le nombre d’immigrants<br />
qui se sont établis dans les provinces des Prairies<br />
a atteint son niveau le plus élevé en Alberta<br />
en 1957 (20 000 personnes) et son niveau le plus<br />
bas en Saskatchewan en 1998 (1 582 personnes).<br />
Comme l’ont remarqué Mulder et Korenic (2005),<br />
les provinces des Prairies ont accueilli une grande<br />
proportion d’immigrants au début du 20 e siècle,<br />
mais l’immigration a ensuite fortement diminué.<br />
Toutefois, au cours des 25 dernières années, cette<br />
tendance s’est inversée et le nombre de nouveaux<br />
immigrants dans les Prairies a augmenté<br />
TABLEAU 1<br />
Contribution des immigrants<br />
à la croissance de la population<br />
canadienne entre 1851 et 2036<br />
Année<br />
Contribution à la<br />
croissance démographique<br />
1851-1861 23 %<br />
1891-1901 24 %<br />
1941-1951 8 %<br />
1991-2001 59 %<br />
2036a 92 %<br />
a Les prévisions sont fondées sur des taux de natalité et de mortalité semblables à<br />
ceux de 2001, un taux de fécondité de 1,7 et 230 000 nouveaux arrivants par an.
TABLEAU 2<br />
Lieu de naissance des immigrants par province des Prairies en 2006<br />
Manitoba Saskatchewan Alberta<br />
Nombre total de personnes<br />
nées à l’étranger 151 230 48 160 527 030<br />
États-Unis 4,7 % 11,3 % 5,4 %<br />
Amérique latinea 11,7 % 5,3 % 5,9 %<br />
Caraïbes et Bermudes 2,7 % 1,5 % 2,0 %<br />
Europe 41,4 % 44,9 % 35,6 %<br />
Afrique 5,1 % 7,4 % 6,7 %<br />
Asie et Moyen-Orient 34,0 % 28,8 % 42,8 %<br />
Autre 0,4 % 0,8 % 0,6 %<br />
a Inclut l’Amérique centrale et l’Amérique du Sud.<br />
Sources : Statistique <strong>Canada</strong>, « Aperçu du Recensement – Immigration au <strong>Canada</strong> : un portrait de la population née à l’étranger », 2008a;<br />
Statistique <strong>Canada</strong>, Rapport sur l’état de la population du <strong>Canada</strong>, 2008b; Milan et Martel, « La conjoncture démographique au <strong>Canada</strong>,<br />
2005 et 2006 », 2008; Dion et Coulombe, « Portrait de la mobilité des Canadiens en 2006 : trajectoires et caractéristiques des migrants », 2008.<br />
considérablement. Statistique <strong>Canada</strong> (2008)<br />
indique qu’à l’heure actuelle, presque 13 % de<br />
la population totale des immigrants au <strong>Canada</strong><br />
habite les Prairies. Toutes les provinces des<br />
Prairies ont connu une augmentation de leur<br />
nombre d’immigrants; toutefois, l’Alberta s’est<br />
révélée la destination de choix, attirant près de<br />
75 % des immigrants arrivés dans les Prairies au<br />
cours des dix dernières années.<br />
Profil des immigrants qui résident<br />
dans les Prairies<br />
Au 19 e siècle, ainsi qu’au début du 20 e , la diversité<br />
ethnique des Prairies se limitait principalement<br />
aux immigrants européens traditionnels et à leurs<br />
descendants, c’est-à dire originaires d’Europe de<br />
l’Ouest et des États-Unis. Toutefois, l’immigration<br />
plus récente a changé le paysage social et la<br />
palette ethnique des Prairies. Ainsi, à la fin du<br />
20 e siècle, presque 80 % des immigrants qui se<br />
rendaient dans les Prairies étaient originaires<br />
d’Asie, d’Amé rique centrale, d’Amérique du Sud<br />
et d’Afrique.<br />
À la fin du 20 e siècle, les habitants des cinq plus<br />
grandes villes des Prairies avaient des origines<br />
ethniques très diverses. Aujourd’hui, plus de 8 %<br />
des habitants de Regina et de Saskatoon sont des<br />
immigrants, alors qu’à Winnipeg, le pourcentage<br />
passe à 17,4 %. Le nombre d’immigrants qui<br />
résident à Edmonton (19,7 %) et à Calgary (21,6 %)<br />
est même encore plus élevé. Des commu nautés<br />
plus petites des Prairies, comme Brandon, Grand<br />
Prairie ou Swift Current, comptent également<br />
des populations d’immi grants assez nombreuses<br />
(entre 6 % et 8 %). En outre, les communautés<br />
d’immi grants comptent maintenant beaucoup de<br />
personnes appartenant à des minorités visibles.<br />
Qui sont donc les nouveaux immigrants qui<br />
s’installent dans les Prairies et quelles sont<br />
leurs caractéristiques sociodémographiques ? Les<br />
données recueillies montrent que la plupart<br />
appartiennent à la catégorie de l’immigration<br />
économique (48 % sont des travailleurs qualifiés<br />
ou des gens d’affaires), tandis que 29 %<br />
appartiennent à la catégorie du regroupement<br />
familial; les autres sont des réfugiés (16 %), des<br />
candidats des provinces ou autres (7 %). Dans les<br />
Prairies, la majorité des immigrants (54 %) sont<br />
âgés de 45 ans ou plus et, parmi les autres, 33 %<br />
sont âgés de 25 à 44 ans. En ce qui concerne<br />
les sexes, leur représentation est égale. Le<br />
Tableau 2 présente les régions d’origine des<br />
immigrants qui habitent maintenant dans les<br />
Prairies. On observe qu’encore beaucoup d’entre<br />
eux ont des origines européennes variées.<br />
Cependant, on remarque également que les<br />
immigrants originaires d’Amérique latine,<br />
d’Afrique et d’Asie représentent maintenant un<br />
pourcentage élevé de la population des Prairies.<br />
Comme on l’a mentionné plus haut, les<br />
groupes minoritaires visibles qui s’établissent<br />
dans les Prairies sont de plus en plus variés et de<br />
plus en plus nombreux. En 1980, moins d’un<br />
tiers des immigrants qui résidaient dans les<br />
Prairies étaient membres d’un groupe minoritaire<br />
visible. Vingt-cinq ans plus tard, près de la<br />
moitié des immigrants appartiennent à des<br />
minorités visibles et trois nouveaux immigrants<br />
sur quatre qui viennent s’installer dans les<br />
Prairies appartiennent à des groupes minoritaires<br />
visibles. La structure linguistique a également<br />
changé au fil des ans. Avant 1961, un peu plus<br />
de 1 % des immigrants dans les Prairies n’étaient<br />
pas en mesure de parler une des deux langues<br />
Nos diverses cités 85
L’immigration a eu une incidence importante sur les Prairies au cours des 25 dernières années.<br />
Historiquement, l’Ontario a toujours été la destination de choix des immigrants; cependant,<br />
l’augmentation de l’immigration et de la diversité ethnique dans les Prairies au cours des<br />
dernières années a été tout à fait remarquable.<br />
86 Nos diverses cités<br />
officielles. Toutefois, en 2001, ce chiffre était<br />
passé à presque 8 %. Enfin, si l’on s’attarde sur<br />
les réalisations scolaires des immigrants qui<br />
vivent dans les Prairies, on constate que les<br />
immigrants arrivés le plus récemment sont les<br />
plus instruits. Comme Mulder et Korenic (2005)<br />
l’ont souligné, 40 % des immigrants et 32 % des<br />
immigrantes arrivés entre 1996 et 2001 étaient<br />
titulaires d’un diplôme d’études postsecondaires.<br />
Le profil établi ci-dessus présente une démo -<br />
graphie changeante des immigrants qui vivent<br />
dans les Prairies et donne à penser que les<br />
anciennes stratégies et politiques d’amélioration<br />
de l’intégration sont peut-être désuètes. Le présent<br />
article cherche principalement à déterminer si tel<br />
est effectivement le cas. Les jeunes immigrants<br />
sont-ils semblables à leurs homologues nés<br />
au <strong>Canada</strong> ? Existe-t-il des écarts sur le plan<br />
des valeurs, des normes et de l’identité ? Les<br />
gouvernements et les organismes non gouver -<br />
nementaux (ONG) doivent-ils mettre en place de<br />
nouvelles politiques et de nouveaux programmes<br />
à l’intention des communautés d’immigrants afin<br />
de répondre à leurs attentes et à leurs besoins en<br />
évolution constante ?<br />
Le monde vu par les immigrants<br />
De récents travaux de recherche donnent à penser<br />
que la définition de l’ethnicité et de l’identité<br />
nationale a beaucoup changé au fil des<br />
25 dernières années (DaCosta, 2007; Dhingra,<br />
2007). Des camps théoriques et politiques opposés<br />
se sont formés autour de cette question. Le<br />
premier est associé à une vision primordiale<br />
de l’ethnicité en tant qu’identité constante.<br />
Les tenants de cette vision considèrent que les<br />
identités ethniques sont exclusives et constantes<br />
et qu’une personne ne peut en avoir qu’une seule<br />
(Novak, 1971; Huntingdon, 2004). Ils soutiennent<br />
que les immigrants se considèrent eux-mêmes<br />
comme « ethniques » et qu’ils préservent couram -<br />
ment et ouvertement les icônes et les restes de<br />
leur appartenance ethnique, respectueusement,<br />
dans l’espoir de conserver leur ethnicité. Dès lors,<br />
les défenseurs de cette idée soutiennent que les<br />
différences entre les immigrants et les personnes<br />
nées au <strong>Canada</strong> sont majeures.<br />
D’autres universitaires soutiennent qu’il est<br />
possible d’avoir plusieurs identités. Par exemple,<br />
une personne peut être à la fois canadienne et<br />
chinoise (Portes et Rumbaut, 2001, Rockquemore<br />
et Brunsma, 2002). En outre, de nouvelles<br />
identités peuvent aussi être créées et se fondre<br />
avec les autres, pour créer, par exemple, l’identité<br />
sino-canadienne, qui n’est ni canadienne ni<br />
chinoise, mais plutôt une identité ethnique<br />
hybride (Gans, 1979; Gallant, 2008). Les jeunes<br />
immigrants apprennent la langue de leur pays<br />
d’accueil, adoptent les dernières nouveautés,<br />
suivent la mode et ont un style de vie identique<br />
à celui de la société canadienne « ordinaire »;<br />
pourtant, ils peuvent se sentir encore liés à leur<br />
ethnicité. Les tenants de cette théorie soutiennent<br />
que les immigrants apprennent rapidement que<br />
les caractéristiques ethniques distinctives, comme<br />
les langues ou les « habitudes culturelles », sont<br />
des sources de désavantages potentiels en ce qui<br />
a trait à l’intégration sociale ou économique; ils<br />
décident donc d’abandonner certaines de leurs<br />
« anciennes » caractéristiques ethniques. Il ne s’agit<br />
toutefois aucunement de laisser entendre qu’il<br />
existe une progression linéaire de l’assimilation.<br />
Les partisans de cette théorie indiquent qu’il<br />
existe des différences marquées entre les groupes<br />
d’immigrants sur le plan de leur intégration dans<br />
leur société d’accueil. Ces universitaires adoptent<br />
une approche plus « segmentée » et soutiennent<br />
que la réussite de l’intégration repose sur plusieurs<br />
facteurs sociaux. Ainsi, certains groupes d’immi -<br />
grants conservent leur identité et leurs valeurs<br />
ethniques, ne cherchent pas à s’intégrer et gardent<br />
leur originalité culturelle pendant très longtemps<br />
alors qu’en même temps, d’autres groupes<br />
d’immigrants s’intègrent très rapidement à leur<br />
société d’accueil après leur arrivée (Cohen, 2007;<br />
Gregg, 2006).<br />
Notre travail de recherche se penche sur ces<br />
différentes perspectives. Il ne fait aucun doute<br />
que l’immigration continue a transformé la<br />
société canadienne et a engendré l’apparition de<br />
nouvelles communautés et identités ethniques<br />
complexes. Étant donné les modifications démo -
graphiques et structurelles fondamentales de la<br />
société canadienne, peut-on observer des chan -<br />
ge ments comparables en ce qui a trait à l’identité<br />
ethnique des jeunes qui vivent dans les Prairies ?<br />
Comment ces jeunes perçoivent-ils le <strong>Canada</strong> ?<br />
Et quelle « valeur » accordent-ils à l’ethnicité<br />
dans le monde actuel ?<br />
Méthodologie<br />
Le présent article se fonde sur une étude plus vaste<br />
portant sur un échantillon d’étudiants univer -<br />
sitaires de partout au <strong>Canada</strong> (et également<br />
d’Australie). L’article ne s’intéresse qu’aux<br />
étudiants canadiens âgés de 18 à 24 ans et<br />
vivant dans une des provinces des Prairies. Des<br />
étudiants fréquentant un des huit établissements<br />
d’enseignement postsecondaire retenus dans les<br />
Prairies ont été contactés, par l’intermédiaire<br />
d’un membre du personnel enseignant, pour<br />
participer à l’étude pendant l’année. En nous<br />
concentrant uniquement sur les Prairies et sur<br />
une cohorte d’âge bien définie, nous avons<br />
inclus 474 étudiants dans notre étude. Parmi<br />
eux, 268 sont des jeunes nés au <strong>Canada</strong>, tandis<br />
que les autres sont nés à l’étranger. L’échantillon<br />
obtenu comprend des étudiants de différents<br />
milieux socioéconomiques, de divers groupes<br />
ethniques et d’origines religieuses variées, qui<br />
suivent des cours dans une gamme de spécialités<br />
universitaires, comme l’ingénierie, les lettres<br />
et sciences humaines, les sciences sociales, les<br />
sciences et l’enseignement. Tous les participants<br />
ont répondu à un question naire autoadministré<br />
(renseignements qualitatifs et quantitatifs) et ont<br />
pris de 30 à 45 minutes pour le faire.<br />
Résultats<br />
Nous commençons notre analyse en évaluant<br />
les réponses données par les participants à une<br />
question générale : « Quelle est l’importance<br />
de vos liens ethniques ? » Les résultats indiquent<br />
qu’il y a très peu de différence entre les jeunes<br />
immigrants et les jeunes nés au <strong>Canada</strong>. Près<br />
des deux tiers des répondants (jeunes nés à<br />
l’étranger et jeunes nés au <strong>Canada</strong> confondus)<br />
pensent qu’ils ont conservé des liens « très forts »<br />
ou « moyennement forts » avec la culture ethnique<br />
de leurs parents. De plus, près des trois quarts<br />
des jeunes estiment qu’il est « très important »<br />
de préserver ces liens. Un pourcentage équi -<br />
valent indique que la culture de leurs parents<br />
leur est précieuse.<br />
Nous avons ensuite demandé aux participants<br />
comment ils « s’identifient habituellement » sur<br />
TABLEAU 3<br />
Déclaration volontaire des jeunes Canadiens<br />
Groupe<br />
Canadien<br />
avec des origines<br />
ethnique étrangères<br />
Canadien précis (identité hybride)<br />
Jeunes nés<br />
au <strong>Canada</strong> 75 % 12 % 13 %<br />
Immigrants 45 % 23 % 32 %<br />
le plan de l’ethnicité. À titre d’exemple, Gallant<br />
(2008) a constaté dans son étude que moins de<br />
la moitié des répondants ont cité un groupe<br />
ethnique rattaché au pays d’origine de leurs<br />
parents. Le Tableau 3 présente la répartition<br />
des réponses obtenues. Il met en lumière des<br />
différences majeures entre les jeunes nés au<br />
<strong>Canada</strong> et ceux nés à l’étranger en ce qui<br />
concerne la déclaration volontaire. Près d’un<br />
quart des jeunes immigrants se définissent<br />
par leur identité « ethnique » et un tiers par<br />
une identité hybride. Quant aux jeunes nés au<br />
<strong>Canada</strong>, trois quarts d’entre eux se perçoivent<br />
seulement comme des Canadiens (voir Jedwab,<br />
2008, pour une analyse plus approfondie sur<br />
le sujet).<br />
En somme, un nombre surprenant de jeunes<br />
immigrants indiquent que leurs origines ethniques<br />
représentent une dimension essentielle de leur<br />
identité. À l’opposé, les jeunes nés au <strong>Canada</strong> sont<br />
plus susceptibles de se voir uniquement comme<br />
des « Canadiens ». Pour analyser cette relation de<br />
manière plus approfondie, nous avons établi un<br />
indice de l’identité ethnique au moyen de cinq<br />
questions sur ce thème. Nous avons trouvé une<br />
corrélation de -0,35 avec la naissance, qui semble<br />
indiquer une relation superficielle entre les deux –<br />
identité ethnique plus importante pour les<br />
jeunes nés à l’étranger, identité ethnique moins<br />
importante pour les jeunes nés au <strong>Canada</strong>.<br />
Nous avons ensuite remis aux participants un<br />
schéma composé de sept cercles concentriques<br />
et leur avons expliqué que le centre représente<br />
les activités de base de leur « groupe ethnique »<br />
dans la ville ou la région où ils vivent. Nous<br />
leur avons demandé d’indiquer à quelle distance<br />
du centre ils pensent se situer, sur une échelle de<br />
1 à 7, 1 représentant le centre et indiquant qu’ils<br />
se sentent le plus près possible de ces activités,<br />
et 7 indiquant qu’ils s’en sentent très éloignés.<br />
La moyenne générale obtenue est de 4,1, avec<br />
moins de 10 % des répondants se situant dans<br />
chacun des deux premiers cercles. La comparaison<br />
des deux groupes révèle que les immigrants ont<br />
Nos diverses cités 87
TABLEAU 4<br />
Intérêt porté par les jeunes Canadiens aux questions et aux événements canadiens<br />
Beaucoup Plutôt Un peu Pas du tout<br />
Politique canadienne<br />
Jeunes nés au <strong>Canada</strong> 22 % 31 % 24 % 23 %<br />
Immigrants<br />
Sports canadiens<br />
17 % 33 % 26 % 24 %<br />
Jeunes nés au <strong>Canada</strong> 34 % 29 % 20 % 17 %<br />
Immigrants<br />
Auteurs canadiens<br />
29 % 26 % 24 % 21 %<br />
Jeunes nés au <strong>Canada</strong> 13 % 31 % 37 % 19 %<br />
Immigrants<br />
Chanteurs canadiens<br />
10 % 27 % 33 % 30 %<br />
Jeunes nés au <strong>Canada</strong> 15 % 18 % 37 % 30 %<br />
Immigrants<br />
Nourriture canadienne<br />
13 % 19 % 38 % 30 %<br />
Jeunes nés au <strong>Canada</strong> 25 % 42 % 27 % 6 %<br />
Immigrants 24 % 41 % 25 % 11 %<br />
obtenu 3,9 alors que les jeunes nés au <strong>Canada</strong><br />
ont obtenu 4,2 (cet écart n’est pas significatif sur<br />
le plan statistique). Un nombre surprenant de<br />
participants (37 %) se sont situés dans les cercles<br />
6 et 7. Ces résultats indiquent que, bien que les<br />
jeunes soient attachés à leur groupe ethnique<br />
respectif, cet attachement n’est pas universel.<br />
Pour mieux interpréter les résultats obtenus,<br />
il reste encore à analyser en détail et à vérifier<br />
toute une série de facteurs, comme le sexe, le<br />
groupe ethnique ou le statut socio économique<br />
des parents.<br />
Nous avons poursuivi notre évaluation de<br />
l’identité en demandant aux jeunes quels sont les<br />
comportements qu’ils ont adoptés pour préserver<br />
les liens avec leurs origines ethniques, comme<br />
lire des journaux ou des magazines rédigés dans<br />
une langue autre que l’anglais, avoir des amis de<br />
la même origine ethnique ou participer à des<br />
soirées organisées par un groupe ethnique. Alors<br />
que 40 % des jeunes immigrants ont déclaré lire<br />
des imprimés rédigés dans une langue autre que<br />
l’anglais, moins de 8 % des jeunes nés au <strong>Canada</strong><br />
ont déclaré faire de même. En outre, 60 % des<br />
jeunes immigrants écoutent des émissions de<br />
radio ou regardent des émissions de télévision<br />
dans leur langue d’origine, en comparaison de<br />
moins de 10 % pour les jeunes nés au <strong>Canada</strong>.<br />
Enfin, près de la moitié des jeunes immigrants<br />
déclarent avoir au moins trois amis intimes qui<br />
partagent les mêmes origines ethniques, mais<br />
moins d’un quart des jeunes nés au <strong>Canada</strong><br />
déclarent la même chose. Par contre, en ce qui<br />
concerne la question portant sur la participation à<br />
des soirées ethniques, nous n’avons pas trouvé<br />
88 Nos diverses cités<br />
de différences statistiques entre les deux<br />
groupes. Dans l’ensemble, la moitié des jeunes<br />
participent à des danses ou des fêtes ethniques,<br />
ou partent en vacances dans des endroits qui<br />
attirent les personnes qui appar tiennent à un<br />
groupe ethnique semblable au leur. Les résultats<br />
obtenus indiquent que les jeunes essaient de<br />
préserver leur identité ethnique par différents<br />
moyens, mais ils mettent également en lumière<br />
qu’il existe des différences notables entre les<br />
jeunes immigrants eux-mêmes.<br />
Nous avons également établi un indice<br />
d’intégration sociale. Notre analyse se concentre<br />
principalement sur la mesure dans laquelle les<br />
jeunes s’intéressent aux questions canadiennes.<br />
Le Tableau 4 donne un aperçu des différents<br />
intérêts des participants, selon leurs réponses à<br />
la question suivante : « Dans quelle mesure les<br />
sujets suivants vous intéressent-ils ? » Les résultats<br />
montrent qu’il existe peu de différences entre les<br />
jeunes immigrants et les jeunes nés au <strong>Canada</strong><br />
à plusieurs égards. Cependant, on constate que les<br />
immigrants semblent avoir tendance à moins<br />
s’inté resser aux questions et événements cana -<br />
diens que leurs homologues nés au <strong>Canada</strong>, et ce,<br />
de façon constante.<br />
Enfin, nous avons demandé à chaque étudiant<br />
quelle était sa perception de la « valeur » attachée<br />
à l’ethnicité au <strong>Canada</strong>. Le Tableau 5 présente les<br />
évaluations données dans le cadre d’échanges<br />
sociaux et économiques. Les résultats indiquent<br />
que les jeunes immigrants et les jeunes nés au<br />
<strong>Canada</strong> ont des « idées » identiques dans un<br />
certain nombre de domaines. Peu de jeunes<br />
considèrent l’ethnicité comme un désavantage au
TABLEAU 5<br />
Distribution de la valeur accordée<br />
à l’ethnicité par les étudiants<br />
Valeur de l’ethnicité<br />
Avantage Neutre Désavantage<br />
Obtenir un emploi<br />
Jeunes nés au <strong>Canada</strong> 33 % 59 % 8 %<br />
Immigrants<br />
Entrer à l’université<br />
30 % 60 % 10 %<br />
Jeunes nés au <strong>Canada</strong> 19 % 77 % 4 %<br />
Immigrants<br />
Avoir un petit ami,<br />
une petite amie<br />
18 % 78 % 4 %<br />
Jeunes nés au <strong>Canada</strong> 23 % 74 % 3 %<br />
Immigrants<br />
Se marier<br />
21 % 75 % 4 %<br />
Jeunes nés au <strong>Canada</strong> 20 % 77 % 3 %<br />
Immigrants<br />
Acheter une maison<br />
20 % 78 % 2 %<br />
Jeunes nés au <strong>Canada</strong> 20 % 76 % 4 %<br />
Immigrants<br />
Acheter un véhicule<br />
20 % 77 % 3 %<br />
Jeunes nés au <strong>Canada</strong> 21 % 77 % 2 %<br />
Immigrants<br />
Se faire des amis<br />
20 % 78 % 2 %<br />
Jeunes nés au <strong>Canada</strong> 22 % 77 % 1 %<br />
Immigrants 21 % 76 % 3 %<br />
<strong>Canada</strong>. Cependant, une proportion non<br />
négli geable des participants considère que<br />
l’ethnicité est un des facteurs majeurs (un<br />
avantage) qui influent sur le résultat de toute<br />
une série d’échanges quotidiens. Les données<br />
obtenues montrent également que l’obtention<br />
d’un emploi est un échange qualitativement<br />
différent des autres types d’échanges, et que les<br />
deux groupes recon naissent l’importance de<br />
l’ethnicité (aspects positifs et négatifs) lorsqu’il<br />
s’agit d’obtenir un emploi.<br />
Conclusion<br />
Selon les résultats du présent travail de<br />
recherche, l’assimilation des jeunes immigrants<br />
n’a pas tendance à se faire de manière linéaire.<br />
Les résultats indiquent que, pour comprendre<br />
la question de l’identité des jeunes immigrants,<br />
il est préférable de suivre une approche<br />
« seg mentée ». Comme le soulignent Gallant<br />
(2008) et Khanlou (2008), l’ethnicité ne représente<br />
pas forcément une dimension décisive de l’identité<br />
des jeunes immigrants. Dans l’ensemble, notre<br />
étude montre que, même si l’identité ethnique<br />
leur semble importante, les jeunes immigrants ne<br />
sont pas si différents de leurs homologues nés<br />
au <strong>Canada</strong>.<br />
Les résultats obtenus semblent appuyer le<br />
concept d’« intégration » déjà présenté par certains<br />
universitaires, qui présuppose que les jeunes<br />
immi grants cherchent à préserver leur culture<br />
ethnique, mais s’aperçoivent également qu’ils<br />
doivent interagir au quotidien avec des personnes<br />
qui appartiennent à d’autres groupes ethniques.<br />
Comme Berry le mentionne : [Traduction] « (la<br />
personne) maintient un certain niveau d’intégrité<br />
culturelle, tout en cherchant en même temps, à<br />
titre de membre d’un groupe ethnoculturel, à faire<br />
partie intégrante du réseau social élargi » (2008,<br />
p. 51). Nos constatations appuient sa conclusion<br />
selon laquelle les jeunes immigrants semblent<br />
vouloir atteindre un équilibre entre leur culture<br />
d’origine et leur culture canadienne tant dans<br />
leurs relations que dans leurs compétences<br />
acquises. Les jeunes ont remarqué sans équivoque<br />
que la « valeur » de l’ethnicité entraîne des consé -<br />
quences positives et négatives. Même si une<br />
majorité des participants pensent que dans le<br />
cadre de nombreux échanges quotidiens, l’ethni -<br />
cité a un effet neutre, ils admettent aussi que dans<br />
certaines situations, l’ethnicité peut constituer un<br />
avantage ou un désavantage.<br />
Références<br />
Berry, J. 2008. « Acculturation et adaptation des jeunes<br />
immigrants », Diversité canadienne / Canadian Diversity,<br />
vol. 6, n° 2, p. 56-59.<br />
<strong>Canada</strong>. Statistique <strong>Canada</strong>. 2008a. « Aperçu du<br />
recensement – Immigration au <strong>Canada</strong> : un portrait de<br />
la population née à l’étranger, Recensement de 2006 »,<br />
Tendances sociales canadiennes, no 85, Catalogue<br />
no 11-008-XWF, Ottawa, Statistique <strong>Canada</strong>.<br />
———. Statistique <strong>Canada</strong>. 2008b. Rapport sur l’état de la<br />
population du <strong>Canada</strong>, Catalogue no 91-209-XIF, Ottawa,<br />
Statistique <strong>Canada</strong>.<br />
Cohen, A. 2007. The Unfinished Canadian: The People<br />
We Are, Toronto, MacMillan.<br />
DaCosta, K. M. 2007. Making Multiracials: State, Family,<br />
and Market in the Redrawing of the Color Line, Stanford,<br />
Stanford University Press.<br />
Dhingra, P. 2007. Managing Multicultural Lives: Asian<br />
American Professionals and the Challenge of Multiple<br />
Identities, Stanford, Stanford University Press.<br />
Dion, P., et S. Coulombe. 2008. « Portrait de la mobilité des<br />
Canadiens en 2006 : trajectoires et caractéristiques des<br />
migrants », Rapport sur l’état de la population du <strong>Canada</strong>,<br />
Catalogue no 91-209-XIF, Ottawa, Statistique <strong>Canada</strong>.<br />
Gallant, N. 2008. « Identité et participation politique<br />
des jeunes immigrants de deuxième génération », Diversité<br />
canadienne / Canadian Diversity, vol. 6, no 2, p. 52-55.<br />
Nos diverses cités 89
Gans, H. 1979. « Symbolic Ethnicity: The Future of Ethnic<br />
Groups and Cultures in America », Ethnic and Racial<br />
Studies, n° 2, p. 1-20.<br />
Gregg, A. 2006. « Identity Crisis. Multiculturalism:<br />
A Twentieth Century Dream Becomes a Twenty-first<br />
Century Conundrum », Walrus (mars).<br />
Huntington, S. 2004. Qui sommes-nous ? Identité<br />
nationale et choc des cultures, Paris, Odile Jacob.<br />
Jedwab, J. 2008. « Appartenance ethnique et nationale<br />
chez les Canadiens de deuxième génération : essor des<br />
Canadiens ‘inassimilables’ ? », Diversité canadienne /<br />
Canadian Diversity, vol. 6, no 2, p. 28-38.<br />
Khanlou, N. 2008. « Intégration psychosociale au<br />
<strong>Canada</strong> des jeunes racialisés des deuxième et troisième<br />
générations », Diversité canadienne / Canadian Diversity,<br />
vol. 6, no 2, p. 60-64.<br />
Lamba, N., M. Mulder, et L. Wilkinson. 2000. Immigrants<br />
and Ethnic Minorities on the Prairies: A Statistical<br />
Compendium, Edmonton, Centre d’excellence des Prairies<br />
pour la recherche en immigration et en intégration.<br />
90 Nos diverses cités<br />
Diversité canadienne / Canadian Diversity<br />
L’avenir de l’immigration<br />
Milan, A., et L. Martel. 2008. « La conjoncture<br />
démographique au <strong>Canada</strong>, 2005 et 2006 », Rapport sur<br />
l’état de la population du <strong>Canada</strong>, Catalogue no 91-209-XIF,<br />
Ottawa, Statistique <strong>Canada</strong>.<br />
Mulder, M., et B. Korenic. 2005. Portraits of Immigrants<br />
and Ethnic Minorities in <strong>Canada</strong>: Regional Comparisons,<br />
Edmonton, Centre d’excellence des Prairies pour la<br />
recherche en immigration et en intégration.<br />
Novak, M. 1971. The Rise of the Unmeltable Ethnics,<br />
New York, Macmillan.<br />
Portes, A. Q., et R. Rumbaut. 2001. Legacies: The Story of<br />
the Immigrant Second Generation, Berkeley, University<br />
of California Press.<br />
Rockquemore, K., et D. Brunsma. 2002. Beyond Black:<br />
Biracial Identity in America, Thousand Oaks, Sage<br />
Publications.<br />
Le numéro d’été 2008 de Diversité canadienne / Canadian<br />
Diversity est consacré à l’avenir de l’immigration. Il renferme<br />
des articles sur les tendances et les habitudes en matière de<br />
migration, ainsi que sur le nouveau phénomène de migration.<br />
Ce numéro fait suite à un séminaire interconférence <strong>Metropolis</strong><br />
organisé par le Monash Institute for the Study of Global Movements<br />
et tenu à Prato, en Italie, en mai 2006. Les articles sont fondés sur<br />
des communications présentées à l’occasion de ce séminaire, de<br />
même que sur des communications de la 12 e conférence inter -<br />
nationale <strong>Metropolis</strong> tenue à Melbourne, en Australie. S’inspirant<br />
des thèmes explorés par les conférenciers, les auteurs traitent des<br />
futurs flux d’immigration, de la propension à la migration circulaire et à la migration<br />
de retour, de la féminisation accrue de la migration, de la croissance de l’Asie comme<br />
concurrent sur le plan de la migration, de la migration et de l’environnement ainsi que de<br />
l’éthique de la migration. Avec une introduction de Demetrios Papademetriou du Migration<br />
Policy Institute, ce numéro propose aux chercheurs, aux responsables des politiques et aux<br />
intervenants différents points de vue sur l’avenir de l’immigration.<br />
Été 2008<br />
Directeur invité : Demetrios Papademetriou (Migration Policy Institute)<br />
Pour commander un exemplaire :<br />
Les jeunes et les milieux urbains<br />
en tant que formes d’attachement :<br />
une étude menée à Calgary<br />
YVONNE HÉBERT<br />
University of Calgary<br />
Les études sur l’attachement des jeunes aux espaces urbains présentent un intérêt général<br />
en matière d’élaboration des politiques. Elles touchent le pouvoir d’absorption des villes et<br />
des États, ainsi que leur capacité de façonner les identités et les attaches dans le cadre du<br />
développement urbain et humain et de comprendre comment les quartiers et les paysages<br />
urbains sont transformés, en théorie et en pratique, par les jeunes immigrants.<br />
JENNIFER WENSHYA LEE<br />
National Taiwan University<br />
De nos jours, on porte un intérêt croissant à<br />
l’identité et au lieu, en particulier en ce qui a trait<br />
au développement de l’identité, de la culture et<br />
des connaissances des jeunes comme citoyens de<br />
pays démocratiques pluralistes. Les processus<br />
d’attachement et d’identification des jeunes sont<br />
d’un intérêt crucial pour les pays qui cherchent à<br />
intégrer les immigrants et les réfugiés à l’intérieur<br />
de territoires aussi délimités que poreux, car<br />
l’attachement et l’identification jouent un rôle<br />
essentiel en ce qui concerne les thèmes récurrents<br />
de la cohésion sociale et du partage des valeurs.<br />
Nous nous intéressons à l’intersection entre<br />
les nouvelles cultures des jeunes et les relations<br />
sociales qui constituent l’espace, ainsi qu’à leurs<br />
significations pour la citoyenneté.<br />
Les villes, les quartiers et les jeunes<br />
Les villes fonctionnent en maintenant l’ordre<br />
sur leur territoire, en façonnant leurs résidants,<br />
en formant leurs citoyens, en définissant leurs<br />
monuments et leurs services, et en construisant<br />
des endroits de souvenir et de commémoration<br />
(Osborne, 2001). Les quartiers servent de cadres<br />
pour recevoir les immigrants et initier les gens<br />
aux espaces, créant ainsi de nouvelles formes de<br />
quartiers et de lieux publics et modifiant celles qui<br />
existaient déjà (Appadurai, 1996). Tout comme les<br />
rapports avec la famille et les amis peuvent varier<br />
en intensité et en durée, il en va de même pour les<br />
liens avec les quartiers, qui servent de points de<br />
repère aux nouveaux arrivants de même qu’aux<br />
résidants de longue date, avec leurs rues fami -<br />
lières, leurs voies de circulation, leurs magasins,<br />
leurs moyens de transport et leurs établissements<br />
(écoles, hôpitaux, tribunaux, lieux de culte, etc.).<br />
De plus, compte tenu de l’évolution du concept<br />
de culture – passant des racines au parcours,<br />
comme l’avance Massey (1998) –, les racines et les<br />
parcours des jeunes dans le milieu urbain revêtent<br />
une importance considérable pour l’intégration.<br />
Selon plusieurs études australiennes, les<br />
controverses publiques ont tendance à se<br />
concentrer sur les activités des jeunes dans les<br />
espaces publics, alors que le principal lieu<br />
d’interaction sociale de ceux-ci est l’espace privé<br />
du domicile. Les jeunes de Melbourne passent le<br />
plus clair de leur temps chez eux ou chez un ami<br />
(White et coll., 1997, cités dans White et Wyn,<br />
2004). Pour les jeunes de Melton, les critères selon<br />
lesquels un lieu est accueillant ou hostile à leur<br />
endroit sont notamment le type de personnes qui<br />
le fréquentent, l’acceptation, la cordialité dont<br />
ces personnes font preuve, l’environnement, la<br />
Nos diverses cités 91
Les participants disent clairement être conscients de l’importance<br />
du lieu et du souvenir pour nouer des liens significatifs avec le<br />
milieu local en tant que résidants et citoyens.<br />
92 Nos diverses cités<br />
qualité du divertissement, l’absence de violence<br />
ou de menaces à la sécurité et la possibilité de se<br />
procurer des aliments et des boissons bon marché.<br />
Les lieux hostiles se caractérisent par un service<br />
et un emplacement médiocres, un personnel peu<br />
courtois, des bagarres et un sentiment d’insécurité,<br />
la consommation de drogues et d’alcool, la<br />
présence policière et le fait d’être le seul ado -<br />
lescent dans cet endroit (Wooden, 1997). Même<br />
si les liens avec le quartier et la loyauté à son<br />
égard peuvent coexister avec des pratiques et des<br />
opinions racistes, le lieu de résidence et les points<br />
de repère communs constituent le fondement<br />
de l’établissement et du maintien des amitiés<br />
interethniques et de l’appropriation du territoire<br />
de la rue (Hewitt, 1986; Wulff, 1995).<br />
Étude menée à Calgary :<br />
méthodologie et participants<br />
Calgary est située dans une vaste prairie riche<br />
en pétrole, à proximité des contreforts est des<br />
Rocheuses. Sa population, en croissance rapide,<br />
était de 988 193 habitants lors du Recensement<br />
de 2006, ce qui représente une augmentation de<br />
12,4 % par rapport au Recensement précédent;<br />
l’augmentation de la population canadienne<br />
pour la même période n’était que de 5,4 %. La<br />
ville compte quatre secteurs – nord-ouest, nordest,<br />
sud-ouest et sud-est – abritant des résidants<br />
très divers, en plus du centre-ville. En général,<br />
les secteurs nord-ouest et sud-ouest sont les plus<br />
aisés de la ville, les deux secteurs situés à l’est<br />
étant les plus hétérogènes.<br />
Un total de 390 étudiants inscrits dans 11 écoles<br />
secondaires de deuxième cycle et une école de<br />
1<br />
Les données traitées dans le présent article sont tirées du<br />
projet Identity Formation of Immigrant Youth: Strategic<br />
Competence, qui a bénéficié du soutien financier du<br />
Conseil de recherches en sciences humaines du <strong>Canada</strong>, du<br />
Programme du multiculturalisme de Patrimoine canadien, et<br />
du Centre <strong>Metropolis</strong> des Prairies. Il a été réalisé entre 1998<br />
et 2001 sous la direction d’Yvonne Hébert comme chercheuse<br />
principale. Le codage et l’analyse des données ont été réalisés<br />
par Jennifer Wenshya Lee, adjointe à la recherche, et les<br />
interviews ont été menés par Christine Racicot, Chiara Berti,<br />
Xiaohong Shirley Sun et Jennifer Wenshya Lees. Un collègue,<br />
Jim Frideres, a contribué à l’analyse statistique.<br />
langues ancestrales du samedi ont participé à une<br />
étude visant à déterminer leurs espaces urbains<br />
préférés. Cette étude comprenait un exercice de<br />
définition des liens établis avec le milieu urbain<br />
ainsi que 14 entrevues de suivi 1 . Les participants<br />
devaient fournir le nom de leur quartier et<br />
indiquer depuis combien de temps ils y<br />
habitaient. Ensuite, à l’aide de cinq cartes à petite<br />
échelle de la ville, ils devaient indiquer leurs<br />
deux endroits préférés et fournir par écrit les<br />
raisons de leur choix pour chaque secteur et ses<br />
environs, ainsi que pour les zones situées à<br />
l’extérieur de la ville 2 .<br />
Au moment de la collecte de données, la<br />
majorité des étudiants participants (74,1 %)<br />
étaient en 11 e année, 20 % étaient en 12 e année et<br />
le reste, en 10 e année. Parmi eux, 116 (29,7 %) sont<br />
des immigrants de première génération, tandis<br />
que 105 (26,9 %) sont de deuxième génération et<br />
le reste, des étudiants nés au pays 3 . Des 390 jeunes<br />
participants, 41,3 % sont des garçons et 58,7 %,<br />
des filles. En réponse à une question concernant<br />
leur ascendance 4 , les participants ont indiqué leur<br />
origine ethnique, se disant à 20,8 % Est/Sud-<br />
Est-Asiatiques, à 11,5 % Britanniques, à 10 %<br />
Européens continentaux, à 5,6 % Canadiens, à<br />
9 % Arabes ou Ouest/Sud-Asiatiques, à 4,1 %<br />
Latino-Américains, et à 13,6 % de multiples<br />
origines. Près de 19 % des participants n’ont pas<br />
précisé leur origine ethnique.<br />
Les parents des participants qui vivent dans<br />
le secteur nord-ouest ont un niveau de scolarité<br />
beaucoup plus élevé que ceux des autres secteurs :<br />
73,7 % des pères y possèdent un ou plusieurs<br />
diplômes universitaires, comparativement à<br />
2<br />
Pour toutes les citations fournies dans le présent document,<br />
nous avons utilisé un numéro de cas ou un pseudonyme (nom<br />
de code choisi volontairement par les jeunes eux-mêmes à la<br />
fin du questionnaire), suivi de marqueurs pour le sexe, l’école,<br />
l’année d’études, l’âge et l’origine ethnique.<br />
3<br />
Pour les besoins de la présente analyse, les jeunes nés à l’étranger<br />
de parents nés à l’étranger ont été classés dans la catégorie<br />
« première génération », les jeunes nés au <strong>Canada</strong> dont l’un des<br />
parents ou les deux sont d’origine immigrante ont été classés<br />
dans la catégorie « deuxième génération », tandis que les jeunes<br />
nés au <strong>Canada</strong> de parents aussi natifs du <strong>Canada</strong> ont été classés<br />
dans la catégorie « jeunes non issus de l’immigration ».
TABLEAU 1<br />
Génération de l’immigrant, selon le secteur de la ville (N = 379)<br />
Nord-ouest Nord-est Sud-ouest Sud-est<br />
Jeunes de la 1re génération 24,5 % 32,6 % 44,4 % 42,5 %<br />
Jeunes de la 2e génération 26,9 % 27,4 % 27,8 % 32,5 %<br />
Jeunes non issus de l’immigration 48,6 % 40,0 % 27,8 % 25,0 %<br />
Total (208) (95) (36) (40)<br />
* = 13,1; p < 0,05<br />
TABLEAU 2<br />
Exploration des secteurs de la ville, selon le type de lieu urbain préféré (N = 360)<br />
Centres Centres Lieux de rencontre Lieux de rencontre<br />
commerciaux Domiciles sportifs institutionnels non institutionnels Nature<br />
Centre-ville 72,2 % 2,2 % 6,9 % 3,3 % 4,1 % 4,1 %<br />
Nord-ouest 40,6 % 18,4 % 9,8 % 9,5 % – 8,4 %<br />
Nord-est 46,2 % 16,1 % 12,4 % – 6,8 % –<br />
Sud-ouest 52,7 % 10,3 % 16,4 % 5,5 % – 4,1 %<br />
Sud-est 27,1 % 30,5 % 15,3 % – 6,8 % 11,9 %<br />
27,2 % dans le secteur nord-est et à 33,3 % dans<br />
le secteur sud-est, où le pourcentage des parents<br />
ayant terminé l’école secondaire est le plus élevé.<br />
Les niveaux de scolarité des mères suivent un<br />
schéma semblable.<br />
Les centres commerciaux :<br />
lieux urbains de prédilection<br />
Les six principaux lieux de Calgary préférés<br />
par les participants sont les zones commerciales,<br />
les domiciles, les centres sportifs, les lieux de<br />
rencontre institutionnels et non institutionnels,<br />
et la nature (plein air), ces espaces étant tous<br />
destinés aux jeunes ou accueillants à leur égard 5 .<br />
La majorité des participants qui explorent le<br />
4 Réunies afin de faciliter l’analyse statistique des données<br />
globales, les catégories d’appartenance ethnique utilisées dans<br />
la présente analyse comprennent les regroupements suivants.<br />
Les « Est/Sud-Est-Asiatiques » englobent, par exemple, les<br />
groupes d’origine chinoise, japonaise, coréenne, philippine,<br />
cambodgienne, vietnamienne et indonésienne. Les « Britanniques »<br />
comprennent les groupes d’origine anglaise, irlandaise, écossaise<br />
et galloise. Les « Européens continentaux » englobent les groupes<br />
d’origine autrichienne, néerlandaise, allemande, suisse, française,<br />
tchèque, hongroise, polonaise, russe, ukrainienne, danoise,<br />
suédoise et norvégienne. Les « Canadiens » comprennent les<br />
Québécois, les Acadiens, les Canadiens-français et ceux qui se<br />
déclarent Canadiens. Les « Arabes ou Ouest/Sud-Asiatiques »<br />
comprennent les groupes d’origine égyptienne, iraquienne,<br />
libanaise, marocaine, palestinienne, arabe, afghane, iranienne,<br />
turque, perse, bengali, panjabi, bangladaise, indo-orientale<br />
et cachemirienne. Les « Latino-Américains » comprennent les<br />
groupes d’origine chilienne, guatémaltèque, hispanique,<br />
salvadorienne et vénézuélienne, entre autres.<br />
centre-ville et le secteur sud-ouest sont attirés<br />
par les vastes centres commerciaux qui sont<br />
partout présents dans ces zones de Calgary;<br />
toutefois, les participants qui explorent le secteur<br />
sud-est ont des lieux de prédilection différents,<br />
étant davantage attirés par les domiciles que<br />
par les centres commerciaux, comme l’indique<br />
le Tableau 2.<br />
Ainsi, les jeunes de trois des secteurs, dont<br />
49,2 % ne sont pas issus de l’immigration,<br />
préfèrent les centres commerciaux, alors que<br />
les jeunes du secteur sud-est, dont 75 % sont<br />
issus de l’immigration, préfèrent les domiciles,<br />
probablement en raison d’influences culturelles<br />
et de liens familiaux profonds.<br />
À propos de leurs deux lieux préférés, trois<br />
questions étaient posées aux jeunes dans<br />
l’exercice de définition des liens avec le milieu<br />
urbain (Pourquoi allez-vous à cet endroit ? En<br />
5<br />
Les centres commerciaux comprennent les galeries marchandes,<br />
les centres commerciaux linéaires et les petits magasins de<br />
quartier. Les centres sportifs comprennent les terrains de jeu, les<br />
courts, les patinoires, les centres de loisirs, les YMCA, ainsi que les<br />
parcs s’ils sont utilisés pour la pratique du sport. Les domiciles<br />
comprennent la demeure de l’adolescent, d’un ami ou d’une<br />
amie, du petit ami ou de la petite amie, d’un proche ou d’un<br />
professeur particulier (p. ex., leçons de musique). Les lieux de<br />
rencontre institutionnels comprennent les clubs de jeunes et les<br />
centres communautaires, les campus scolaires et universitaires,<br />
et les églises. Les lieux de rencontre non institutionnels<br />
comprennent les salles de jeux électroniques, de billard, les clubs<br />
de quilles et les restaurants. La nature englobe les parcs publics,<br />
les aires pour animaux en liberté, les cours d’eau, les plages<br />
et les forêts.<br />
Nos diverses cités 93
TABLEAU 3<br />
Lieux de Calgary et des environs que les jeunes des groupes ethniques préfèrent explorer<br />
quoi cet endroit vous plaît-il ? Pourquoi préférezvous<br />
cet endroit ?). En réponse à ces questions,<br />
un participant a écrit ceci à propos du marché<br />
de l’Eau Claire, près de la rivière Bow, dans le<br />
secteur sud-ouest :<br />
Pour les jeux, les salles de jeux électroniques,<br />
et pour flâner et magasiner […] Tous nos amis<br />
aiment les jeux et le magasinage; ils veulent<br />
aussi s’éloigner de leurs aînés libanais, qui leur<br />
font des reproches s’ils rentrent tard. (Tony<br />
Montana, no 287, F, école J, 11 e année, 17 ans,<br />
Libanaise, née au Liban d’un père né au Liban<br />
et d’une mère née en Syrie, au <strong>Canada</strong> depuis<br />
12 ans.)<br />
Les entrevues de suivi ont fourni des<br />
explications supplémentaires concernant la<br />
préférence marquée pour le domicile :<br />
J’aime rester chez moi […] J’y retrouve mes<br />
sœurs, ma plus jeune sœur. Nous parlons de<br />
nos problèmes, juste pour le plaisir. J’aime<br />
rester à la maison; je n’aime pas aller traîner<br />
au centre commercial. Je ne fréquente pas<br />
les boîtes de nuit, ce genre d’endroits. Mon<br />
endroit préféré, c’est la maison, je la connais<br />
bien […] La maison, c’est un lieu que j’aime<br />
beaucoup… (Il Trumpetor, no 350, F, école M,<br />
12e année, 17 ans, d’origines britannique,<br />
américaine et irlandaise, née au <strong>Canada</strong> d’un<br />
père né au Royaume-Uni et d’une mère née<br />
aux États-Unis, au <strong>Canada</strong> depuis 17 ans.)<br />
Les racines sont importantes...<br />
Les analyses de l’incidence éventuelle du niveau<br />
de scolarité des parents, de la génération<br />
Arabes ou Ouest/ Latino- Est/Sud-Est-<br />
Sud-Asiatiques Canadiens Américains Asiatiques Britanniques Européens<br />
Exploration à Calgary<br />
Secteur où le domicile<br />
n’est pas situé<br />
Secteur où le domicile<br />
2,9 % 0,0 % 18,8 % 10,3 % 9,1 % 2,6 %<br />
est situé uniquement<br />
Centre-ville et<br />
48,6 % 23,8 % 31,3 % 11,5 % 29,5 % 21,1 %<br />
autres secteurs<br />
Exploration à l’extérieur<br />
34,3 % 33,3 % 37,5 % 59,0 % 38,6 % 36,8 %<br />
de Calgary 14,3 % 42,9 % 12,5 % 19,2 % 22,7 % 39,5 %<br />
Nombre total de réponses (35) (21) (16) (78) (44) (38)<br />
* = 50,8; p < 0,05<br />
94 Nos diverses cités<br />
d’immigrants et du sexe n’ont pas montré de<br />
différences statistiquement significatives quant<br />
au type et à la nature de l’exploration urbaine par<br />
les participants. Toutefois, l’origine ethnique se<br />
conjugue de manière intéressante à l’exploration,<br />
par les participants, des espaces urbains de<br />
Calgary et à leur attachement à ceux-ci. Chez<br />
les jeunes Arabes ou Ouest/Sud-Asiatiques, la<br />
préférence pour le secteur où leur domicile est<br />
situé est influencée par de forts liens familiaux et<br />
ethnoculturels. Les membres de ce groupe et les<br />
participants d’origine britannique sont les seuls<br />
pour qui on retrouve les centres sportifs parmi les<br />
lieux le plus souvent choisis dans le secteur où<br />
leur domicile est situé.<br />
Les trois principales raisons de l’attachement<br />
au secteur du centre-ville les plus fréquemment<br />
citées par les adolescents est/sud-est asiatiques<br />
sont, dans l’ordre, l’aspect pratique (49,1 %),<br />
l’appré ciation (19,8 %) et les amis (12,8 %). Les<br />
trois principales raisons fournies par les jeunes<br />
Arabes ou Ouest/Sud-Asiatiques sont l’aspect<br />
pratique (52,1 %), l’appréciation (18,8 %) et les<br />
amis (10,4 %), tandis que les raisons invoquées<br />
par les adolescents canadiens sont l’aspect<br />
pratique (50,8 %) et l’appréciation (29,2 %). Pour<br />
illustrer ces tendances, un participant invoque<br />
comme raisons l’aspect pratique, l’appréciation<br />
et la famille :<br />
Je vais au Sportsplex du Nord-Est pour jouer<br />
au soccer et utiliser le grand gymnase. L’équipe<br />
de mon oncle s’y entraîne. Mon deuxième<br />
choix est le centre récréatif, pour jouer au<br />
basket-ball; on trouve toujours des gens avec<br />
qui jouer. (Big Bow Wow, n o 296, M, école J,
11 e année, 16 ans, Panjabi, né au <strong>Canada</strong><br />
de parents nés en Inde, au <strong>Canada</strong> depuis<br />
16 ans.)<br />
Du fait que Chinatown est situé au centre-ville,<br />
les adolescents est/sud-est-asiatiques explorent<br />
intensément cette partie de la ville, comme<br />
l’indique un adolescent d’origine chinoise :<br />
Je vais à Chinatown rendre visite à mon ami.<br />
Je m’y sens proche des Chinois. (no 318, M,<br />
école L, 11 e année, 18 ans, Chinois, né en Chine<br />
de parents nés en Chine, au <strong>Canada</strong> depuis<br />
trois ans, secteur nord-ouest.)<br />
La préférence des Canadiens et des Européens<br />
continentaux pour l’exploration à l’extérieur<br />
de Calgary découle de leur attachement à la<br />
nature, y compris à la terre. Une étudiante livre<br />
ses réflexions sur les centres commerciaux<br />
omniprésents, qu’elle oppose à son profond<br />
attachement pour la ferme, un lieu imprégné<br />
d’une signification intense, presque mythique :<br />
Oh, les centres commerciaux, vous savez, ils<br />
cessent d’être familiers parce qu’ils changent<br />
tellement. Prenez le nôtre, par exemple, le<br />
centre Northland, il perd... ils essaient d’attirer<br />
les personnes âgées, d’où des boutiques vieux<br />
jeu, comme Tan Jay, vous savez, ce genre de<br />
vêtements. La ferme, je ne cesserai jamais de<br />
l’aimer; c’est un refuge, et même si elle<br />
change, ce sera toujours mon paradis. C’est<br />
aussi un endroit familier [...] je suis restée<br />
très cow-girl, pour ainsi dire, je suis une fille<br />
de la campagne… (Evann Vaughn, n o 239, G,<br />
école L, 11 e année, 16 ans, Caucasienne, née au<br />
<strong>Canada</strong> de parents nés au <strong>Canada</strong>, au <strong>Canada</strong><br />
depuis 16 ans.)<br />
Les parcours sont importants...<br />
Ce qui est peut-être essentiel, c’est la similarité<br />
qui existe généralement entre tous les groupes<br />
dans leur manière d’explorer le paysage social,<br />
au sein et à l’extérieur de la ville :<br />
Je vais très souvent chez un ami ou je flâne au<br />
centre-ville, du côté de la 17 e Avenue ou ailleurs,<br />
ou bien je reste chez moi […] Parce que je n’ai<br />
pas encore l’âge d’aller n’importe où, donc la<br />
plupart des endroits où je vais se trouvent au<br />
centre-ville. Je n’ai pas de voiture, je ne peux<br />
pas me déplacer facilement; j’habite au milieu<br />
de nulle part, il me faut deux heures pour venir<br />
ici en autobus, donc habituellement je ne me<br />
donne pas la peine. Si je veux aller quelque<br />
part, mes parents m’emmènent, à condition que<br />
l’endroit où je veux aller soit convenable, selon<br />
eux... (Carla, n o 82, F, école S, 12 e année, 17 ans,<br />
Chinoise, née en Chine de parents nés en Chine,<br />
au <strong>Canada</strong> depuis dix ans et demi.)<br />
Les participants disent clairement être<br />
conscients de l’importance du lieu et du souvenir<br />
pour nouer des liens significatifs avec le milieu<br />
local en tant que résidants et citoyens. En voici<br />
un exemple :<br />
Lorsque vous habitez dans un endroit où vous<br />
vous sentez chez vous, c’est pour cette raison,<br />
je suppose, que vous commencez à l’aimer.<br />
Si vous vous en éloignez, il vous manquera<br />
probablement […] Je suppose qu’avec le temps,<br />
les endroits où vous êtes allé et où vous n’êtes<br />
pas resté longtemps, où vous n’avez pas fait<br />
quelque chose dont vous pouvez vous rappeler<br />
à jamais ou dont vous avez souvenir, un<br />
souvenir spécial, par exemple des photos ou<br />
autre chose [...] Je suppose que vous l’oublierez<br />
si vous n’avez pas tout ça. (n o 56, F, école Q,<br />
11 e année, 16 ans, Cachemirienne, née au<br />
Cachemire de parents nés au Cachemire, au<br />
<strong>Canada</strong> depuis trois ans, secteur nord-est.)<br />
Toutefois, les préférences peuvent changer,<br />
comme l’explique une répondante est-asiatique<br />
qui se détache peu à peu de Chinatown :<br />
Ce n’est pas parce que je n’aime pas les gens<br />
qui se trouvent là, c’est parce que la plupart<br />
des Orientaux y vont et j’ai alors l’impression<br />
d’être dans un lieu complètement différent,<br />
comme isolé. J’y vois moins de Canadiens et<br />
cela renforce l’impression d’isolement. (n o 88,<br />
F, école L, 12 e année, 19 ans, Chinoise, née à<br />
Taïwan de parents nés à Taïwan, au <strong>Canada</strong><br />
depuis six ans, secteur nord-ouest.)<br />
En cherchant à être plus canadienne, elle<br />
exprime son désir d’établir des liens multiples<br />
tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de son groupe<br />
ethnique, en prenant une certaine distance<br />
par rapport aux lieux qui sont imprégnés des<br />
significations collectives d’une communauté<br />
ethnoculturelle forte.<br />
Interprétations et conclusion<br />
Contrairement aux jeunes Australiens cités<br />
précédemment, ces adolescents de Calgary, à<br />
Nos diverses cités 95
96 Nos diverses cités<br />
l’exception de ceux du secteur sud-est, ont<br />
tendance à préférer d’abord les centres<br />
commerciaux et ensuite les domiciles. Cela a une<br />
portée considérable en ce qui concerne l’espace<br />
public et la citoyenneté.<br />
Par le passé, la notion d’« espace public »<br />
désignait une rue, une aire commune, une<br />
place ou un parc public. L’arrivée des centres<br />
commerciaux a remis en question cette idée, parce<br />
que ce sont des milieux soigneusement adaptés,<br />
orientés vers le magasinage, le divertissement<br />
et les loisirs, qui forment des enclaves sûres<br />
pour la classe moyenne. On peut interpréter d’au<br />
moins deux manières cette notion changeante de<br />
l’espace public. D’une part, la notion d’espace<br />
public à Calgary est redéfinie pour inclure les<br />
espaces utilisés de manière intensive (Livesey<br />
et Down, 2000). Ces derniers incluent, par<br />
exemple, les petits restaurants-minute et les<br />
cafés, les campus aménagés comme des parcs,<br />
les mégacentres commerciaux, les complexes<br />
cinématographiques multisalles et les magasins<br />
hybrides qui servent de librairie, de bibliothèque<br />
et de café. L’attrait de ces petits endroits fermés<br />
est renforcé par le climat froid, en particulier<br />
durant les rudes hivers canadiens. D’autre part,<br />
une redéfinition des espaces publics utilisés de<br />
manière intensive rend floue la distinction entre<br />
les espaces ouverts sous condition au public,<br />
comme les centres commerciaux, les églises et les<br />
cafés, et ceux qui sont ouverts sans restriction,<br />
comme le Calgary Olympic Plaza, au centreville<br />
(Maas, 2002). Par exemple, un mendiant<br />
en haillons malodorants sera expulsé sur-lechamp<br />
de Holt Renfrew ou de Starbucks, mais il<br />
aura parfaitement le droit de s’asseoir dans<br />
un espace public comme Prince’s Island, au<br />
centre-ville.<br />
Compte tenu de leur fort penchant pour<br />
le centre-ville et les centres commerciaux, les<br />
jeunes participants ont compris leur attrait, leur<br />
attribuant la vitalité des espaces publics ouverts<br />
sans restriction. Ces espaces deviennent des lieux<br />
d’attachement significatifs par un processus<br />
d’établissement de repères. De plus, nos<br />
conclusions appuient les théories d’Appadurai<br />
sur la production du lieu comme élément<br />
essentiel de la formation de l’identité, de la<br />
cohésion sociale et de la citoyenneté.<br />
Les études sur l’attachement des jeunes aux<br />
espaces urbains présentent un intérêt général<br />
en matière d’élaboration des politiques. Elles<br />
touchent le pouvoir d’absorption des villes et<br />
des États, ainsi que leur capacité de façonner<br />
les identités et les attaches dans le cadre du<br />
déve lop pement urbain et humain et de com -<br />
prendre comment les quartiers et les paysages<br />
urbains sont transformés, en théorie et en<br />
pratique, par les jeunes immigrants. Toutefois,<br />
la prépon dérance des lieux de consommation<br />
dans une économie de marché néolibérale est<br />
préoc cupante sur le plan de la citoyenneté,<br />
car elle semble indiquer que le magasinage<br />
rem place l’exercice du droit de vote et de<br />
l’engagement civique. Comme Ken Osborne le<br />
prévoyait en 1997, on verra bientôt apparaître<br />
le citoyen-consommateur.<br />
La nature de ces liens, déterminée par l’appar -<br />
tenance ethnique dans le cas des jeunes issus de<br />
l’immigration, remet en question ce que veut dire<br />
être Canadien. Les néo-Canadiens s’établis -<br />
sement directement dans les grands centres<br />
urbains et leurs liens fondamentaux avec ce<br />
pays sont ceux de leur ville de résidence. Selon<br />
notre analyse, la nature des liens de citoyenneté<br />
change, ceux-ci étant davantage axés sur la<br />
production de points de repère urbains assortis<br />
de liens transnationaux qui varient dans le<br />
temps et dans l’espace. Cette multitude de points<br />
de repère est source d’ambiguïté lorsqu’on<br />
entend par intégration l’inclusion, la cohésion et<br />
la fédération (Bauböck, 2001). Le développement<br />
des citoyens s’effectuant dans une collectivité<br />
imaginée (Anderson, 1991), l’imagination doit<br />
dépasser les notions abstraites et juridiques de<br />
ce que veut dire être Canadien, pour englober<br />
des concepts et des pratiques d’appartenance<br />
souples reposant sur des relations sociales<br />
capitales dans des lieux significatifs. Mais où est<br />
le citoyen-consommateur ?<br />
À propos des auteures<br />
YVONNE HÉBERT est professeure à la Faculté d’éducation<br />
de la University of Calgary. Elle s’intéresse à la citoyenneté,<br />
aux questions de culture et aux minorités dans le domaine<br />
de l’éducation. Au nombre de ses ouvrages, mentionnons<br />
Negotiating Transcultural Lives: Belongings and Social<br />
Capital Among Youth in Comparative Perspective (recueil de<br />
textes préparé en collaboration avec D. Hoerder et I. Schmitt)<br />
et Citizenship in Transformation in <strong>Canada</strong>.<br />
JENNIFER WENSHYA LEE est directrice adjointe du Center<br />
for Teaching and Learning Development de la National<br />
Taiwan University. Elle a reçu de la fondation Chian<br />
Ching-Kuo (CCK) une bourse de doctorat et une bourse de<br />
postdoctorat, toutes deux pour l’exécution de recherches<br />
à la University of Calgary. Elle a récemment publié des<br />
articles dans l’International Journal of Citizenship<br />
Teaching and Learning et dans l’Alberta Journal of<br />
Educational Research.
Références<br />
Appadurai, A. 1996. Modernity at Large: Cultural Dimensions<br />
of Globalization, Minneapolis, University of Minnesota Press.<br />
Anderson, B. 1991. Imagined Communities: Reflections on<br />
the Origin and Spread of Nationalism, éd. rév., Londres, Verso.<br />
Bauböck, R. 2001. « International Migration and Liberal<br />
Democracies: The Challenge of Integration », Patterns of<br />
Prejudice, vol. 35, no 4, p. 33-49.<br />
Hewitt, R. 1986. White Talk, Black Talk: Inter-Racial<br />
Friendship and Communication Among Adolescents,<br />
Cambridge, Cambridge University Press.<br />
Livesey, G., et D. Down. 2000. « Unexpected Public Spaces »,<br />
Avenue (mai), p. 26-33.<br />
Maas, P. 2002. Conversation par courriels, janvier-février,<br />
Calgary, Ville de Calgary, Land Use Planning and Policy.<br />
Massey, D. 1998. « The Spatial Construction of Youth<br />
Cultures », dans T. Skelton et G. Valentine (dir.), Cool Places:<br />
Geographies of Youth Cultures, Londres, Routledge.<br />
Thèmes canadiens / Canadian Issues<br />
Nouveaux arrivants, minorités et<br />
participation politique au <strong>Canada</strong><br />
Osborne, B. S. 2001. « Landscapes, Memory, Monuments<br />
and Commemoration: Putting Identity in its Place », Études<br />
ethniques au <strong>Canada</strong> / Canadian Ethnic Studies, vol. 33,<br />
no 3, p. 39-77.<br />
Osborne, K. 1997. « Education is the Best National<br />
Insurance: Citizenship Education in Canadian Schools.<br />
Past and Present », Éducation canadienne et internationale /<br />
Canadian and International Education, vol. 25, no 2,<br />
p. 31-58.<br />
White, R., et J. Wyn. 2004. Youth and Society: Exploring the<br />
Social Dynamics of Youth Experience, Auckland, Oxford<br />
University Press.<br />
White, R., et coll. 1997. Any Which Way You Can: Youth<br />
Livelihoods, Community Resources and Crime, Hobart,<br />
Australian Clearinghouse for Youth Studies.<br />
Wooden, F. 1997. Youth Access Audit: 6 Month Progress<br />
Report, Melton, Australie, Shire of Melton.<br />
Wulff, H. 1995. « Inter-Racial Friendship: Consuming Youth<br />
Styles, Ethnicity and Teenage Femininity in South London »,<br />
dans V. Amit-Talai et H. Wulff (dir.), Youth Cultures:<br />
A Cross-Cultural Perspective, Londres, Routledge.<br />
Le projet <strong>Metropolis</strong>, le Réseau de recherche sur la participation<br />
politique ainsi que la direction générale de l’Intégration à<br />
Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> ont collaboré avec<br />
l’Association d’études canadiennes à la production d’un numéro<br />
spécial de la revue Thèmes canadiens / Canadian Issues, portant<br />
sur le thème de « La participation civique des nouveaux arrivants<br />
et des minorités au <strong>Canada</strong> : se tailler une place à la table ».<br />
John Biles et Erin Tolley (projet <strong>Metropolis</strong>) sont les directeurs<br />
invités de ce numéro, qui renferme des entrevues avec les chefs de<br />
tous les principaux partis politiques du <strong>Canada</strong> (sauf le Bloc Québécois, qui a refusé l’invitation)<br />
et 22 articles rédigés par des chercheurs, des responsables des politiques publiques et des<br />
praticiens des quatre coins du <strong>Canada</strong>.<br />
Été 2005<br />
Directeur invités : John Biles et Erin Tolley (projet <strong>Metropolis</strong>)<br />
Pour obtenir une copie, écrivez à : <br />
Nos diverses cités 97
Cet article présente les éléments théoriques d’une recherche présentement en cours,<br />
dont le principal objectif est d’examiner le rôle que jouent les Églises chrétiennes africaines<br />
francophones dans le processus d’intégration sociale et citoyenne des nouveaux arrivants<br />
d’origine africaine dans la région d’Edmonton, en Alberta. On s’attarde ici au contexte, à la<br />
problématique, aux objectifs et aux orientations méthodologiques du projet en question.<br />
Les Églises chrétiennes africaines<br />
francophones de la région<br />
d’Edmonton et l’intégration<br />
sociale et citoyenne des<br />
nouveaux arrivants *<br />
PAULIN MULATRIS<br />
University of Alberta, Campus Saint-Jean<br />
98 Nos diverses cités<br />
L’immigration francophone africaine en Alberta<br />
est un phénomène relativement récent. Cepen -<br />
dant, entre 1996 et 2001, près de 24 % des<br />
francophones arrivés en Alberta étaient d’origine<br />
africaine 1 . Bien qu’on n’ait pas encore accès à<br />
l’ensemble des données du Recensement de 2006,<br />
tout semble indiquer que la proportion d’immi -<br />
grants francophones africains installés en Alberta<br />
a augmenté. À l’échelle nationale, 10,6 % des<br />
nouveaux arrivants au <strong>Canada</strong> étaient d’origine<br />
africaine, soit près de 2 % de plus qu’en 2001<br />
(8,3 %). Les villes de Calgary, d’Edmonton et, dans<br />
une moindre mesure, de Fort McMurray et de<br />
Brooks, sont les principaux lieux d’établissement<br />
de ces immigrants.<br />
Dans chacune de ces villes, afin de faire face<br />
à un processus d’adaptation souvent difficile et<br />
à l’insuffisance des structures d’accueil, ces<br />
nou veaux arrivants, pour la plupart chrétiens,<br />
*<br />
Cette recherche bénéficie du financement du Centre <strong>Metropolis</strong><br />
des Prairies (2008-2009).<br />
1<br />
Voir .<br />
organisent des associations communautaires,<br />
parmi lesquelles figurent des Églises chrétiennes.<br />
En quelques années, sous des confessions<br />
diverses, une quarantaine d’Églises chrétiennes<br />
africaines ont vu le jour en Alberta et sont<br />
devenues les principaux lieux de rassemblement<br />
hebdomadaire et de foisonnement des cultures<br />
africaines. Ainsi, chaque fin de semaine, les<br />
membres de la con grégation ont l’occasion de<br />
se replonger dans leur milieu d’origine (chants,<br />
langues, valeurs, etc.) avant de retrouver, le lundi<br />
matin, les préoccu pations liées à l’immigration<br />
(travail, études, etc.). Quelles sont les consé -<br />
quences de ce va-et-vient entre deux mondes ?<br />
Orientations théoriques<br />
Deux approches émergent des études portant sur<br />
ce phénomène des Églises chrétiennes africaines.<br />
La première approche met l’accent sur les<br />
caractéristiques culturelles des sociétés africaines<br />
(Stamm, 1995) pour expliquer la place de la reli -<br />
gion dans ce contexte. Eboussi-Boulaga (1977),<br />
par exemple, note que les sociétés africaines<br />
présentent une organisation sacrale fondée sur
Ville Nombre de membresa TABLEAU 1<br />
Églises chrétiennes africaines établies en Alberta<br />
Christian City Multicultural Church of Calgary Calgary 50-60<br />
Cité de réveil spirituel Calgary 90-100<br />
Deeper Life Bible Church Edmonton 65-70<br />
Église source de vie Edmonton 15-25<br />
Fellowship Christian Reformed Church Edmonton 87<br />
Église francophone de Brooks Brooks<br />
Jerusalem City Church Edmonton 130-135<br />
Le Corps du Christ Edmonton 40-50<br />
Life of Faith Christian Church of Calgary Calgary 200-250<br />
Penuel Christian Assembly Edmonton 20-25<br />
Restoration and Victory International Ministries Edmonton 45-50<br />
Shiloh Baptist Church Edmonton 110-120<br />
The Kingdom Citizen Ministry International Red Deer 30-40<br />
Victoria Church Edmonton 25-30<br />
Zion Temple Celebration Centre Edmonton 65<br />
a<br />
Estimations non vérifiées, fournies par les responsables de ces institutions.<br />
Source : Données d’une enquête exploratoire.<br />
l’origine. Dans ce type d’organisation, la religion<br />
joue un rôle déterminant. La deuxième approche<br />
relève des études développées dans le contexte des<br />
sociétés d’immigration. Ces études considèrent<br />
l’établis sement des Églises chrétiennes nationa -<br />
listes comme une réponse au besoin d’adaptation<br />
des immigrants à leur nouveau milieu de vie<br />
(Thompson, 1988). Selon Bowlby (2003), ces<br />
rassemblements religieux sont les premiers lieux<br />
de ressourcement pendant la période d’adaptation<br />
à la société canadienne. Il semble que le rôle<br />
crucial des groupements chrétiens est de contri -<br />
buer au bien-être psychologique, spirituel et social<br />
des immigrants, comme ce fut le cas pour les<br />
premiers pionniers venus d’Europe (Bramadat<br />
et Seljak, 2008). Ils fournissent un ancrage<br />
aux personnes qui entreprennent un processus<br />
d’établissement dans un pays étranger.<br />
Plusieurs nouveaux arrivants considèrent<br />
l’Église comme l’institution la plus accueillante et<br />
offrant le plus grand soutien. Dans ce contexte,<br />
des solidarités actives et quotidiennes se déve -<br />
loppent (Menjivar, 2003). L’homogénéité culturelle<br />
retrouvée dans ces Églises se construit autour<br />
de la langue, des valeurs, des traditions et des<br />
croyances partagées. Les membres considèrent<br />
que la religion est une composante primordiale de<br />
leur identité. Parce que la langue utilisée dans<br />
ces Églises ethniques reste celle du pays d’origine,<br />
on constate un taux élevé de rétention de la<br />
langue maternelle, élément central de l’identité<br />
ethnique et de la cohésion culturelle (Leblanc,<br />
2002; Meintel, 2003). S’ensuit alors une quête<br />
d’équilibre entre, d’un côté, les liens avec la<br />
commu nauté d’origine et, de l’autre, l’effort<br />
d’inté gration (Van Kaam, 1967). Le besoin<br />
d’ouverture aux membres ne parlant pas ces<br />
langues ancestrales – principalement ceux de la<br />
seconde ou de la troisième génération – justifierait<br />
un changement quant aux langues utilisées.<br />
D’après Bramadat et Seljak (2008), l’accent mis<br />
sur la culture d’origine disparaîtrait au fil des ans.<br />
Les valeurs, traditions ou croyances véhiculées par<br />
ces Églises évolueraient au gré des changements<br />
générationnels, et s’aligneraient graduellement<br />
sur celles de la société canadienne dominante.<br />
Cet espoir de voir les paroissiens adopter les<br />
valeurs dominantes de la société canadienne<br />
contraste avec les remarques de Mol (1961) et<br />
Barnouw (1937), qui perçoivent l’attachement à<br />
ces Églises chrétiennes nationales comme une<br />
entrave à la démarche d’intégration sociale et<br />
citoyenne. Selon Mol (1979), moins un groupe<br />
d’immigrants est intégré, plus ces nouvelles<br />
communautés religieuses auraient tendance à<br />
s’isoler de la société. À la lumière du récent<br />
débat sur les accommodements raisonnables au<br />
Québec, ce constat confirme le besoin de s’inter -<br />
roger sur le rôle des Églises nationales dans le<br />
processus d’intégration sociale et citoyenne de<br />
leurs membres.<br />
Cette préoccupation apparemment théorique<br />
rejoint un souci de plusieurs organismes franco -<br />
phones d’Edmonton qui œuvrent dans le milieu<br />
de l’intégration sociale des nouveaux arrivants<br />
francophones (Association multiculturelle franco -<br />
Nos diverses cités 99
100 Nos diverses cités<br />
phone de l’Alberta, Alliance jeunesse famille de<br />
l’Alberta Society, Centre d’accueil et d’établis -<br />
sement, Fédération des parents francophones de<br />
l’Alberta). En effet, dans une enquête récente<br />
réalisée à la demande de l’Association cana -<br />
dienne-française de l’Alberta (ACFA), 68,1 %<br />
des répondants estimaient que les Églises<br />
des communautés francophones immigrantes<br />
pouvaient jouer un rôle dans l’intégration<br />
sociale des immigrants en Alberta (ACFA, 2008).<br />
Schéma de recherche<br />
Même si ces organismes réclament une parti -<br />
cipation accrue des Églises dans les activités<br />
relatives à l’accueil et à l’établissement des<br />
nouveaux arrivants, deux préoccupations doivent<br />
être prises en compte. La première est liée à la<br />
société canadienne où, selon Bramadat et Seljak<br />
(2008), les valeurs chrétiennes, bien que non<br />
négligeables, ne déterminent cependant pas les<br />
rapports sociaux publics. La deuxième porte sur le<br />
rôle et les impacts précis de ces Églises chrétiennes<br />
nationales qui n’ont, à ce jour, reçu aucune<br />
attention particulière dans les études consacrées<br />
aux phénomènes religieux. Cette double préoc -<br />
cupation de la recherche permet de se concentrer<br />
sur quatre objectifs précis :<br />
• Répertorier et documenter les Églises chré -<br />
tiennes africaines francophones en Alberta;<br />
• Faire ressortir le rôle que jouent ces Églises et<br />
leurs répercussions sur la société;<br />
• Établir les perspectives des adeptes de ces<br />
Églises chrétiennes par rapport à la société<br />
d’accueil canadienne et albertaine et connaître<br />
leur influence sur le projet d’intégration<br />
citoyenne;<br />
• Mesurer, à l’aide d’indicateurs d’intégration<br />
sociale, le degré d’ouverture de ces Églises et<br />
de leurs adeptes face aux valeurs de la société<br />
d’accueil canadienne.<br />
Le caractère exploratoire de cette recherche et la<br />
particularité de la population cible imposent de<br />
faire des choix méthodologiques adaptés. Afin<br />
de réduire le champ d’investigation permettant<br />
de bien circonscrire la recherche, seules deux<br />
des plus anciennes Églises chrétiennes africaines<br />
d’Edmonton seront étudiées : Jerusalem City<br />
Church et Shiloh Baptist Church. Une perspective<br />
propre aux immigrants africains francophones<br />
membres de ces Églises sera privilégiée.<br />
Ainsi, pour éviter toute analyse disjointe de<br />
l’expérience immigrante, les théories antiracistes<br />
(Dei, 1993; James, 1996) fourniront une base<br />
pour effectuer un examen critique de la manière<br />
dont les différences sociales (langue, religion,<br />
race, etc. interfèrent dans le développement de<br />
ces Églises. Suivant la théorie féministe noire<br />
(Davis, 1981), ces éléments (religion, race,<br />
langue, valeurs, etc.) seront analysés dans<br />
leur intersectionnalité. Ces justifications de la<br />
démarche entraînent le recours à des stratégies<br />
complémentaires :<br />
• Des entrevues avec des paroissiens et des<br />
dirigeants de deux Églises chrétiennes<br />
africaines d’Edmonton;<br />
• Quelques observations participantes (lors des<br />
réunions de ces Églises);<br />
• Un groupe de discussion;<br />
• Une analyse des documents publiés par<br />
ces Églises.<br />
Conclusion<br />
Il est difficile, pour une recherche en déve -<br />
loppement, de proposer des remarques finales.<br />
L’accueil et l’inclusion des nouveaux arrivants<br />
sont des démarches complexes qui touchent<br />
plusieurs aspects de la vie. Le caractère public<br />
des institutions canadiennes d’accueil a tendance<br />
à reléguer au second plan les préoccupations<br />
spirituelles du nouvel arrivant africain. Pourtant,<br />
le quotidien de ce dernier et le sentiment<br />
d’appartenance à sa culture d’origine laissent<br />
entendre que ces aspects spirituels peuvent<br />
jouer un rôle déterminant dans son processus<br />
d’arrimage à la société canadienne. Ainsi, aux<br />
pourvoyeurs de services matériels se juxtaposent<br />
des pourvoyeurs de services spirituels, dont le rôle<br />
et les effets sont méconnus. Dans le contexte<br />
d’une immigration francophone africaine en<br />
croissance et en mal d’intégration, ces rôles<br />
apparemment marginaux peuvent devenir<br />
des clés pour comprendre les obstacles auxquels<br />
fait face le nouvel arrivant et la façon de les<br />
surmonter. Ce sont ces clés de lecture que cette<br />
étude pilote tentera de mettre à jour.<br />
À propos de l’auteur<br />
PAULIN MULATRIS est professeur adjoint de sociologie et<br />
de philosophie au campus Saint-Jean de la University of<br />
Alberta. Ses recherches portent sur l’immigration dans<br />
les communautés francophones en situation minoritaire,<br />
particulièrement en Alberta. Il a été membre du Conseil<br />
d’administration de l’Association canadienne-française de<br />
l’Alberta (ACFA) et du Comité stratégique pour l’immigration.
Références<br />
Association canadienne-française de l’Alberta (ACFA).<br />
2008. Enquête sur l’immigration francophone en Alberta,<br />
Edmonton, Association canadienne-française de l’Alberta.<br />
Barnouw, A. J. 1937. « Dutch Americans », dans F. J. Brown et<br />
coll. (dir), Our Racial and National Minorities. Their History,<br />
Contributions and Present Problems, New York, Prentice Hall.<br />
Bowlby, P. 2003. « Diasporic Religions in <strong>Canada</strong>:<br />
Opportunities and Challenges », Thèmes canadiens /<br />
Canadian Issues.<br />
Bramadat, P., et D. Seljak. 2008. « Charting the New Terrain:<br />
Christianity and Ethnicity », Christianity and Ethnicity in<br />
<strong>Canada</strong>, Toronto, University of Toronto Press.<br />
Davis, A. 1981. Woman, Race and Class, New York,<br />
Vintage Books.<br />
Dei, G. 1993. « The Challenges of Antiracist Education in<br />
<strong>Canada</strong> », Études ethniques au <strong>Canada</strong> / Canadian Ethnic<br />
Studies, vol. 25, no 2, p. 36-51.<br />
Eboussi-Boulaga, F. 1977. La crise du Muntu. Authenticité<br />
africaine et philosophie, Paris, Présence africaine.<br />
Elias, N. 1991. La société des individus, Paris, Fayard.<br />
Fédération des communautés francophones et acadienne du<br />
<strong>Canada</strong> (FCFA). s.d. Profil de la communauté francophone<br />
de l’Alberta. Consulté à l’adresse .<br />
James, C. 1996. « Introduction: Proposing an Anti-Racism<br />
Framework for Change », dans C. James (dir.), Perspectives<br />
on Racism and the Human Services Sector: A Case for<br />
Change, Toronto, University of Toronto Press.<br />
L’Immigration et<br />
les intersections de la diversité<br />
<strong>Numéro</strong> thématique de Thèmes canadiens / Canadian Issues<br />
Ce numéro de Thèmes canadiens / Canadian Issues porte sur<br />
l’immigration et les intersections de la diversité. Publié sous la<br />
direction de Myer Siemiatycki, responsable du programme de<br />
maîtrise en immigration à la Ryerson University, il propose 25 articles<br />
rédigés par des chercheurs, des responsables des politiques et des<br />
organisations non gouvernementales, et portant sur l’hétérogénité<br />
de l’expérience de l’immigration au <strong>Canada</strong>. Le numéro comprend<br />
également trois articles sur le sans-abrisme et l’immigration.<br />
Leblanc, M. 2002. « Processes of Identification Among<br />
French-Speaking West African Migrants in Montréal »,<br />
Études ethniques au <strong>Canada</strong> / Canadian Ethnic Studies,<br />
vol. 34, no 3.<br />
Meintel, D. 2002. «cCape Verdean Transnationalism,<br />
Old and New », Anthropologica, vol. 44, no 1.<br />
Menjivar, C. 2003. « Religion and Immigration in<br />
Comparative Perspective: Catholic and Evangelical<br />
Salvadorans in San Francisco, Washington, D.C. and<br />
Phoenix », Sociology of Religion, vol. 64, no 1, p. 21-45.<br />
Mol, H. 1961. « Churches and Immigrants (A Sociological<br />
study of the mutual effect of religion and emigrant<br />
adjustment) », REMP Bulletin, vol. 9, no 5.<br />
———. 1979. « Theory and Data on the Religious Behaviour<br />
of Migrants », Social Compass, vol. 26, no 1, p. 31-39.<br />
Scott, J. L. 2003. « English Language and Communication:<br />
Issues for African and Caribbean Immigrant Youth in<br />
Toronto », dans P. Anisef et K. M. Kilbride (dir.), Managing<br />
Two Worlds: Immigrant Youth in Ontario, Toronto, Canadian<br />
Scholar’s Press.<br />
Stamm, A. 1995. Les religions africaines, Paris, Presses<br />
universitaires de France.<br />
Thompson, E. P. 1988, La formation de la classe ouvrière<br />
anglaise, Paris, Éditions du Seuil.<br />
Van Kaam, A. 1967. Religion et personnalité, Mulhouse,<br />
Éditions Salvator.<br />
Printemps 2005<br />
Directeur invité : Myer Siemiatycki (Ryerson University)<br />
Pour obtenir un exemplaire en français ou en anglais : <br />
Nos diverses cités 101
La réserve, ou la « Première nation », est la source principale de l’identité et de la culture<br />
autochtones, et définit aussi bien la personne que l’endroit d’où elle provient. Les Autochtones<br />
vivant en milieu urbain reviennent dans leur réserve à l’occasion d’activités culturelles,<br />
de célébrations, de festivals et d’enterrements et préservent ainsi leur identité culturelle.<br />
Les Autochtones dans les villes<br />
des Prairies<br />
Certains s’y sont perdus, d’autres s’y sont trouvés<br />
DOUGLAS DURST<br />
University of Regina<br />
102 Nos diverses cités<br />
Un soir de 1947, des membres bienveillants de<br />
la YWCA de Regina se sont réunis pour parler<br />
d’un problème de plus en plus préoccupant. Des<br />
hommes et des femmes, parfois accompagnés<br />
d’enfants en bas âge, débarquaient régulièrement<br />
à la gare routière en provenance de « réserves<br />
indiennes » du sud de la Saskatchewan (Novik,<br />
1995). Comme ils n’avaient nulle part où aller, ils<br />
passaient parfois deux nuits, voire plus, dans la<br />
gare. Ces nouveaux venus semblaient perdus et<br />
mal équipés pour survivre en ville. Les citoyens<br />
cherchaient donc des solutions pour les accueillir<br />
et les aider à s’adapter au mode de vie urbain. Le<br />
gouvernement fédéral avait supprimé certaines<br />
mesures de contrôle à l’égard des Premières<br />
nations après 80 ans de restrictions qui avaient<br />
conduit à l’isolement forcé des membres dans leur<br />
réserve désignée. Ce qui était au départ un mince<br />
filet d’individus perdus se frayant un chemin<br />
jusqu’aux villes des Prairies s’est transformé<br />
rapidement en un flot continu. Dès le milieu<br />
des années 1950, des efforts ont été entrepris<br />
pour créer un centre d’accueil et d’assistance,<br />
qui est finalement devenu le Native Friendship<br />
Centre de Regina (Novik, 1995). À l’heure actuelle,<br />
le <strong>Canada</strong> compte 114 centres d’amitié qui offrent<br />
différents services aux Autochtones, dont des<br />
activités culturelles et sociales, de la formation<br />
professionnelle et du counselling (ANCA, 2008).<br />
C’est maintenant chose courante de voir les<br />
Autochtones migrer de la campagne vers la ville<br />
dans les Prairies canadiennes.<br />
Le présent article propose d’abord des<br />
renseignements généraux sur la situation actuelle<br />
des Autochtones vivant dans les villes des Prairies.<br />
Il examine le nombre d’Autochtones et leur<br />
pourcentage de la population totale, ainsi que<br />
le nombre de membres des Premières nations<br />
installés à l’intérieur et à l’extérieur des réserves. Il<br />
y aurait matière à écrire un article sur chacune des<br />
difficultés auxquelles se heurtent les Autochtones<br />
vivant en milieu urbain dans les Prairies, mais<br />
un résumé suffit à mettre en lumière certaines de<br />
leurs préoccupations. Les inquiétudes ont beau<br />
être grandes, tout n’est pas « perdu », car la<br />
croissance de la classe moyenne autochtone est en<br />
train de modifier la composition démographique<br />
du paysage urbain de l’Ouest du <strong>Canada</strong>.<br />
Situation actuelle : des Autochtones pas<br />
aussi « ruraux » qu’on ne le pensait<br />
Selon les résultats du Recensement de 2006, la<br />
population autochtone a augmenté de 45 % au<br />
<strong>Canada</strong> entre 1996 et 2006, soit presque six fois<br />
plus rapidement que la population non autoch -<br />
tone, dont le taux de croissance se situait à<br />
seulement 8 %. Les populations autoch tones qui<br />
vivent dans les villes des trois provinces des<br />
Prairies canadiennes (le Manitoba, la Saskat -<br />
chewan et l’Alberta) sont assez nombreuses et<br />
continuent d’augmenter, entraînant des chan -<br />
gements démographiques considérables.<br />
Le Tableau 1 montre le nombre d’Autochtones,<br />
de Métis et de membres des Premières nations
TABLEAU 1<br />
Population canadienne par appartenance à un groupe autochtone et par lieu de résidence urbain<br />
Population urbaine Population totale Pourcentage de la Pourcentage de la popupopulation<br />
urbaine lation totale du <strong>Canada</strong><br />
<strong>Canada</strong> – Total 24 971 480 31 241 030 79,9 100<br />
Autochtones a 623 470 1 172 790 53,2 100<br />
Premières nations 312 055 698 025 44,7 100<br />
Métis 270 555 389 780 69,4 100<br />
Prairies – Total 4 091 410 5 343 720 76,6 17,1<br />
Autochtones a 268 835 505 650 53,2 43,1<br />
Premières nations 116 625 289 325 40,3 41,4<br />
Métis 144 600 205 420 70,4 52,7<br />
a<br />
Dans le tableau, la population inuite, relativement petite, est incluse dans la catégorie « Autochtones ».<br />
Source : Recensement du <strong>Canada</strong> (2006).<br />
vivant actuellement en milieu urbain 1 . Selon les<br />
définitions utilisées par Statistique <strong>Canada</strong>, pour<br />
être considérée comme urbaine, une région doit<br />
avoir une population minimale de 1 000 personnes<br />
et une densité minimale de 400 personnes par<br />
kilomètre carré. Contrairement à ce que l’on pense<br />
habituellement, le <strong>Canada</strong> est une nation urbaine :<br />
près de 80 % de la population canadienne vit dans<br />
des agglomérations urbaines. Toutefois, selon les<br />
résultats du Recensement de 2006, les Autochtones<br />
vivent en milieu urbain en moindre proportion par<br />
rapport à la population générale (53,2 %). Quant à<br />
eux, les Métis sont plus urbains (69,4 %) et plus<br />
près de la moyenne nationale que les membres des<br />
Premières nations, dont moins de la moitié vivent<br />
en ville (44,7 %). Pour ce qui est des trois<br />
provinces des Prairies, les chiffres suivent la ten -<br />
dance nationale, avec une répartition semblable<br />
chez les Autochtones (53,2 %), les Métis (70,4 %)<br />
et les membres des Premières nations (40,3 %)<br />
(Statistique <strong>Canada</strong>, 2006).<br />
Bien que la population des Prairies ne repré -<br />
sente que 17,1 % de la population canadienne,<br />
elle comprend 43,1 % de tous les Autochtones et<br />
plus de 50 % des Métis du <strong>Canada</strong>. Les chiffres<br />
indiquent clairement qu’une forte proportion<br />
d’Autochtones vit dans nos villes, ce qui<br />
vient contredire l’idée reçue selon laquelle les<br />
Autochtones vivent majoritairement dans des<br />
réserves et dans des collectivités rurales.<br />
Il importe d’examiner dans quelles villes des<br />
Prairies vivent les Autochtones. Les chiffres et les<br />
1 Dans le présent article, le terme « membre des Premières nations »<br />
est utilisé pour décrire les Indiens inscrits au sens de la Loi sur<br />
les Indiens du <strong>Canada</strong>. Le terme « Autochtones » représente les<br />
personnes identifiées dans le Recensement de 2006 comme des<br />
Indiens de l’Amérique du Nord, des Métis ou des Inuits et inclut<br />
les membres des Premières nations.<br />
pourcentages du Tableau 2 portent principalement<br />
sur les Autochtones et incluent les membres des<br />
Premières nations, les Métis, les Inuits et tous ceux<br />
qui se définissent comme « Autochtones ».<br />
Ces derniers ne représentent que 3,8 % de la<br />
population canadienne, mais cette proportion ne<br />
cesse d’augmenter. L’Alberta compte la population<br />
autochtone la plus importante, avec près de<br />
190 000 personnes, soit 5,8 % de la population<br />
totale de la province. Quoique moins nombreux,<br />
les Autochtones vivant au Manitoba et en<br />
Saskatchewan représentent une plus grande<br />
proportion de la population, soit respectivement<br />
15,5 % et 14,9 %. Winnipeg compte la plus forte<br />
population autochtone de toutes les villes<br />
canadiennes, à la fois en nombre effectif (63 745<br />
personnes) et en pourcentage (10,2 %). Même si<br />
leur nombre y est moins important, les Autoch -<br />
tones représentent un pourcentage appréciable<br />
de la population de Saskatoon et de Regina,<br />
soit 9,9 % et 9,3 % respectivement (Statistique<br />
<strong>Canada</strong>, 2006). Ces proportions sont très élevées<br />
par rapport aux villes albertaines d’Edmonton<br />
(5,3 %) et de Calgary (2,5 %) (Ibid.). À titre<br />
de compa raison, la population autochtone est<br />
pratiquement invisible à Montréal et à Toronto, où<br />
elle ne représente que 0,5 % de la population, et<br />
passe presque inaperçue à Vancouver (1,9 %).<br />
En ce qui concerne les membres des<br />
Premières nations, ou les Indiens inscrits, on<br />
observe des variations provinciales. Environ<br />
64 % des membres des Premières nations<br />
du Manitoba et de l’Alberta vivent dans des<br />
réserves, comparativement à 50 % seulement<br />
en Saskatchewan (AINC, 2008a). Pour des<br />
raisons obscures, un nombre élevé de membres<br />
des Premières nations de la Saskatchewan<br />
vivent hors réserve, principalement dans les<br />
villes de Saskatoon et de Regina. La répartition<br />
Nos diverses cités 103
démographique par âge dans les trois provinces<br />
reste semblable. De façon constante, la popu -<br />
lation qui vit dans les réserves est plus jeune que<br />
celle qui vit hors réserve. En effet, une plus<br />
grande proportion de membres des Premières<br />
nations âgés de 35 à 64 ans vivent à l’extérieur<br />
des réserves.<br />
S’établir en ville<br />
La relation entre les peuples des Premières nations<br />
des Prairies et l’État, fondée sur des traités<br />
historiques, est différente de celle des autres<br />
peuples autochtones canadiens. Ces traités ont<br />
été signés entre 1871 et 1906 et le Traité nº 6<br />
comporte une clause relative aux médicaments,<br />
qui stipule que les soins de santé sont à la<br />
charge du gouvernement fédéral. L’observation<br />
stricte des traités a permis aux membres des<br />
Premières nations des Prairies de rester fortement<br />
connectés à la vie de la réserve ou de la bande. La<br />
réserve, ou la « Première nation », constitue la<br />
source principale de l’identité et de la culture<br />
autochtones, et définit aussi bien la personne que<br />
l’endroit d’où elle provient. Les Autochtones<br />
vivant en milieu urbain reviennent dans<br />
leur réserve pour les activités culturelles, les<br />
célébrations, les festivals et les enterrements et<br />
préservent ainsi leur identité culturelle. Le rôle<br />
des aînés et la langue permettent également de<br />
préserver la culture des Autochtones vivant en<br />
ville, mais dans le contexte urbain, elle se<br />
transforme et se renouvelle. La culture n’est pas<br />
statique et le mode de vie urbain a entraîné<br />
de nouvelles façons d’exprimer la culture<br />
traditionnelle, notamment au moyen des iPod et<br />
des services Internet haute vitesse.<br />
TABLEAU 2<br />
Population autochtone en pourcentage de la population totale<br />
Il est difficile d’expliquer les raisons qui<br />
poussent les membres des Premières nations<br />
à s’établir en ville. Un certain nombre<br />
d’influences structurelles et personnelles les<br />
conduisent à quitter leur réserve et définissent<br />
leurs rapports avec la ville (Frideres et Gadacz,<br />
2001; Norris, Cooke et Clatworthy, 2003). Les<br />
tendances migratoires varient selon l’âge et le<br />
sexe; ainsi, les jeunes adultes sont très portés à<br />
se déplacer et les femmes sont plus susceptibles<br />
de se déplacer que les hommes. Les hommes ont<br />
tendance à s’installer en milieu urbain pour avoir<br />
un emploi, tandis que les femmes espèrent<br />
améliorer les conditions de vie de leur famille<br />
(Norris, Cooke et Clatworthy, 2003). Même si la<br />
population urbaine a augmenté, le mouvement<br />
de va-et-vient n’a pas énormément modifié la<br />
répartition des membres des Premières nations<br />
à l’intérieur et à l’extérieur des réserves (Ibid.).<br />
Certains chercheurs proposent une répartition<br />
des Autochtones urbains en quatre catégories : le<br />
navetteur, l’itinérant, le migrant et le citadin. Si les<br />
distances et l’état des routes le permettent, on<br />
observe un plus grand nombre de mouvements en<br />
direction de la ville et au départ de celle-ci, ce qui<br />
facilite le mode de vie du navetteur, qui conserve<br />
sa résidence dans sa réserve, mais passe une très<br />
grande partie de son temps en ville. Si le déve lop -<br />
pement communautaire et économique de la<br />
bande est efficace et offre des possibilités<br />
intéressantes au sein de la communauté, ses<br />
membres sont plus enclins à rester dans la réserve.<br />
Les itinérants se déplacent de ville en ville et<br />
effectuent des allers-retours entre la ville et la<br />
réserve sans jamais avoir de véritable résidence<br />
permanente. Ils dépendent de leurs amis et de leur<br />
Population autochtone Population totale Pourcentage d’Autochtones<br />
Manitoba 175 395 1 133 515 15,5<br />
Winnipeg 63 745 625 700 10,2<br />
Saskatchewan 141 890 953 850 14,9<br />
Regina 16 535 176 915 9,3<br />
Saskatoon 19 820 199 380 9,9<br />
Alberta 188 365 3 256 360 5,8<br />
Calgary 24 425 979 480 2,5<br />
Edmonton<br />
Autres<br />
38 170 722 260 5,3<br />
Montréal 7 600 1 593 725 0,5<br />
Toronto 13 605 2 476 565 0,5<br />
Vancouver 11 145 571 600 1,9<br />
Source : Recensement du <strong>Canada</strong> (2006).<br />
104 Nos diverses cités
Au racisme s’ajoutent les répercussions des pensionnats autochtones sur les différentes<br />
générations [...] les enfants autochtones étaient arrachés à leur foyer et élevés dans des<br />
pensionnats stériles et froids dirigés par des représentants des principales Églises et<br />
financés par le gouvernement fédéral. Pendant près de 100 ans, ces pensionnats<br />
ont tenté d’éliminer « l’identité indienne » des enfants.<br />
famille – on les appelle parfois des « squatteurs de<br />
canapés » – et on peut les considérer comme des<br />
sans-abri. Les migrants, quant à eux, sont des<br />
Autochtones qui s’installent en ville, mais qui ne<br />
nouent de relations qu’avec d’autres Autochtones.<br />
Ils ne s’adaptent ou ne s’intègrent jamais au mode<br />
de vie urbain. Enfin, on trouve les citadins, qui<br />
s’installent en ville de manière permanente<br />
(Frideres et Gadacz, 2001). Certains d’entre eux<br />
sont nés en ville, mais conservent encore de<br />
solides liens culturels avec la réserve de leur<br />
famille. D’autres sont devenus des citadins<br />
permanents pour faire leurs études, trouver un<br />
emploi ou obtenir des services particuliers qui<br />
ne sont pas offerts dans la réserve. Il arrive que<br />
certains services et programmes pour personnes<br />
handicapées ne soient offerts qu’en milieu urbain<br />
(Durst et Bluechardt, 2001; Durst et coll., 2007).<br />
L’idée selon laquelle les Autochtones habitent<br />
dans des collectivités distinctes et isolées ne tient<br />
plus la route et la majorité des Autochtones vivent<br />
maintenant avec l’ensemble de la population<br />
dans des agglomérations urbaines partout au<br />
<strong>Canada</strong> (UATF, 2007). Hanselmann déclare que ce<br />
changement au sein de la population autochtone<br />
« ne s’est pas accompagné de politiques publiques<br />
fructueuses » et que « les gouvernements fédéral et<br />
provinciaux continuent de nier leur responsabilité<br />
dans ce domaine » (Hanselmann, 2003, p. 183). Il<br />
faut donc réorienter les politiques publiques et,<br />
avec la collaboration active des dirigeants autoch -<br />
tones, envisager de nouvelles propositions de<br />
programmes à tous les paliers de gouvernement.<br />
Les problèmes et préoccupations des<br />
Autochtones vivant en milieu urbain<br />
Selon un rapport de 2007 de la Commission<br />
d’étude sur les Autochtones vivant en milieu<br />
urbain (CEAMU) 2 , le racisme flagrant constitue<br />
le plus grand problème auquel font face quoti -<br />
diennement les Autochtones urbains. Ils subissent<br />
le racisme des propriétaires quand ils cherchent<br />
un logement à prix abordable, des employeurs<br />
quand ils sollicitent un emploi, des commis et<br />
des serveurs dans les magasins et les restaurants<br />
quand ils se servent de leur carte de statut d’Indien<br />
et de la police ou des autorités qui appliquent<br />
le principe de « tolérance zéro » (UATF, 2007).<br />
Le racisme est ciblé et généralisé; il fait partie<br />
intégrante du système et est difficile à éliminer. Il<br />
a des effets dévastateurs et s’attaque à l’estime de<br />
soi des personnes visées; il fait reculer les progrès<br />
réalisés par les individus et les collectivités qui<br />
ont choisi de faire de la ville leur « chez-soi ».<br />
Toutefois, les initiatives de lutte contre le racisme<br />
dans le domaine de l’emploi et de l’éducation sont<br />
considérées très utiles et elles constituent un bon<br />
point de départ pour sensibiliser le public. Même<br />
la Journée nationale des Autochtones parvient<br />
à susciter des attitudes positives; cependant, les<br />
changements sont d’une lenteur prodigieuse.<br />
Au racisme s’ajoutent les répercussions des<br />
pensionnats autochtones sur les différentes<br />
générations. Tout particulièrement dans les<br />
provinces des Prairies, les enfants autochtones<br />
étaient arrachés à leur foyer et élevés dans des<br />
pensionnats stériles et froids dirigés par des<br />
représentants des principales Églises et financés<br />
par le gouvernement fédéral. Pendant près de<br />
100 ans, ces pensionnats ont tenté d’éliminer<br />
« l’identité indienne » des enfants et leur ont fait<br />
2<br />
La CEAMU a étudié les expériences des Autochtones vivant en<br />
milieu urbain. L’étude a été réalisée en Ontario, dans six<br />
agglomérations urbaines : Toronto, Ottawa, Thunder Bay,<br />
Kenora, Sudbury et Barrie-Midland. Le comité exécutif mixte<br />
formé de la Ontario Federation of Indian Friendship Centres<br />
(OFIFC), de la Ontario Native Woman’s Association (ONWA) et de<br />
la Ontario Métis Aboriginal Association (OMAA) a été le premier à<br />
reconnaître la nécessité d’établir une commission d’étude pour se<br />
pencher sur la question des Autochtones urbains. Le comité a<br />
souligné l’importance de tenir compte de l’étude réalisée en 1981<br />
par la première Commission d’étude sur les Autochtones vivant<br />
en milieu urbain, qui représentait le premier grand travail de<br />
recherche sur le sujet au <strong>Canada</strong>. En l’absence d’études<br />
semblables réalisées dans les autres provinces et régions du<br />
<strong>Canada</strong>, et indépendamment des enjeux régionaux, cette étude<br />
demeure une excellente source de renseignements au sujet des<br />
expériences des Autochtones urbains au <strong>Canada</strong>, abstraction<br />
faite de l’endroit où ils vivent.<br />
Nos diverses cités 105
106 Nos diverses cités<br />
perdre leur culture, leur langue, leurs compétences<br />
parentales et leur santé émotionnelle (Castellano,<br />
Archibald et DeGagne, 2008). Depuis quelques<br />
années, cette forme d’oppression omniprésente a<br />
été reconnue pour ce qu’elle était. Des efforts<br />
de guérison ont été amorcés, notamment par la<br />
Convention de règlement relative aux pensionnats<br />
indiens, qui a accordé une certaine compensation<br />
pour le tort causé (AINC, 2008b). Ces efforts<br />
concernaient tous les Autochtones, y compris<br />
les citadins.<br />
Le manque de logements à prix abordable<br />
constaté par les membres de la YWCA en 1947<br />
représente encore aujourd’hui un problème de<br />
taille. Il s’agit d’un besoin immédiat et pressant,<br />
tant pour les personnes seules que pour les<br />
familles, et l’accession à la propriété reste difficile,<br />
même pour ceux qui disposent d’un revenu stable<br />
(UATF, 2007). Les faibles revenus, la pauvreté et le<br />
chômage influencent les conditions de logement,<br />
et la communauté autochtone est en grande<br />
majorité pauvre et défavorisée. De nombreuses<br />
familles font appel aux banques d’alimentation<br />
pour joindre les deux bouts. Le taux d’emploi des<br />
Autochtones s’est amélioré depuis quelques<br />
années, mais il demeure toujours plus bas que<br />
celui de l’ensemble de la population (Statistique<br />
<strong>Canada</strong>, 2006), surtout en ce qui concerne les<br />
jeunes Autochtones.<br />
Les jeunes Autochtones qui vivent en milieu<br />
urbain se heurtent à trois difficultés : il leur<br />
est difficile de former une identité autochtone<br />
positive, de trouver des occasions d’emploi<br />
convenables et de terminer avec succès leurs<br />
études secondaires (UATF, 2007). Ces difficultés<br />
les poussent souvent vers les gangs de rue et<br />
la criminalité, et résultent en dépendances, en<br />
problèmes de santé mentale et en tentatives de<br />
suicide. Les solutions se sont fait attendre, mais<br />
certaines initiatives visant à orienter les jeunes<br />
vers des programmes et des services adaptés et<br />
à régler les problèmes qui perdurent ont été<br />
couronnées de succès. Les jeunes Autochtones<br />
forment un bassin croissant et inexploité de<br />
travailleurs et on prévoit que, d’ici 2026, 36 % des<br />
personnes de 15 à 29 ans en Saskatchewan et<br />
28 % des 15 à 29 ans au Manitoba seront Autoch -<br />
tones (Hull, 2008). Il est urgent d’encourager<br />
ces jeunes à adopter un mode de vie sain. Les<br />
conséquences d’une inaction dans ce domaine<br />
seraient désastreuses.<br />
On dit souvent que les femmes autochtones<br />
doivent surmonter le double obstacle d’être à la<br />
fois femmes et Autochtones. Elles ont du mal à<br />
répondre aux besoins fondamentaux (logement,<br />
nourriture et vêtements) de leurs enfants dans<br />
un environnement hostile où elles sont isolées et<br />
souvent seules, sans le soutien de leur conjoint ni<br />
de leur père (UATF, 2007). Leur situation est<br />
aggravée par la violence, les maladies mentales<br />
et la toxicomanie. Il existe bien des services<br />
d’urgence, mais très peu de services proposent du<br />
soutien continu et à long terme ou de l’aide à<br />
l’intégration. Les résultats d’une étude menée à<br />
Regina montrent que beaucoup de femmes<br />
appellent la ligne d’écoute téléphonique offerte<br />
24 heures sur 24 par les services sociaux de la<br />
province. Même si cette ligne est associée aux<br />
« redoutés » services de protection de l’enfance,<br />
les mères ont indiqué que les travailleurs sociaux<br />
avaient répondu rapidement et consciencieuse -<br />
ment à leurs appels et leur avaient fourni de<br />
l’aide immédiate (Sisson, 1997).<br />
Au sein de la communauté autochtone, les<br />
femmes sont plus susceptibles que les hommes<br />
de faire du bénévolat et de travailler dans les<br />
divers services sociaux et récréatifs pour les<br />
collectivités autochtones (UATF, 2007). Même<br />
si de nombreuses femmes sont exploitées<br />
et vulnérables, ce sont elles qui s’investissent<br />
le plus pour mettre fin à l’oppression et à<br />
la discrimination.<br />
Au fil du temps, on a vu se multiplier le nombre<br />
d’organismes de service social où des travailleurs<br />
autochtones offrent des services à d’autres<br />
Autochtones. La plupart de ces organismes<br />
sont organisés et gérés par des leaders autoch -<br />
tones et d’autres sont des divisions distinctes<br />
d’organismes non autochtones. Généralement, ces<br />
services sont mieux adaptés sur le plan culturel<br />
à la communauté autochtone urbaine, et sont<br />
privilégiés par les clients autochtones. La Stratégie<br />
pour les Autochtones vivant en milieu urbain du<br />
gouvernement fédéral finance plus d’une centaine<br />
de projets qui touchent notamment aux aptitudes<br />
à la vie quotidienne, à la préparation à l’emploi, à<br />
l’entrepreneuriat et au soutien aux familles et aux<br />
enfants (AINC, 2008c). Malheureusement, les<br />
organismes autochtones sont généralement moins<br />
subventionnés que les organismes non autoch -<br />
tones et ils ne disposent pas d’un financement de<br />
base très stable. Puisque le finan cement est<br />
temporaire, les programmes sont précaires et les<br />
employés sont anxieux, travaillant de semaine<br />
en semaine avec la peur de perdre leur emploi.<br />
S’ajoutent à cela le problème des conflits<br />
de compétence entre les différents ordres de<br />
gouvernement en matière de politiques et de
Plusieurs Autochtones sont venus grossir les rangs d’une classe moyenne en pleine<br />
croissance [...] Avec des taux de scolarisation et d’emploi effectif qui ne cessent<br />
d’augmenter et de nombreux efforts entrepreneuriaux couronnés de succès,<br />
ils ont atteint la stabilité économique et la prospérité.<br />
programmes, et le fait qu’aucun gouvernement<br />
n’accepte de responsabilité claire à cet égard<br />
(Hanselmann, 2003). Les membres des<br />
Premières nations reçoivent des subventions du<br />
gouvernement fédéral tandis que la plupart des<br />
programmes sociaux et des programmes de santé<br />
relèvent des provinces. Par exemple, les familles<br />
des Premières nations qui vivent à l’extérieur des<br />
réserves peuvent avoir beaucoup de difficulté à<br />
obtenir des services de santé non assurés. Une<br />
simple tâche pour une mère de famille, comme<br />
obtenir des lunettes pour ses enfants, peut virer<br />
au cauchemar logistique lorsqu’elle se retrouve à<br />
faire des allers-retours incessants entre le bureau<br />
du conseil de bande, les bureaux du programme<br />
fédéral de santé des Premières nations et des<br />
Inuits et les autorités provinciales.<br />
Pourtant, tout n’est pas si sombre pour les<br />
Autochtones dans le paysage urbain; plusieurs<br />
sont venus grossir les rangs d’une classe<br />
moyenne en pleine croissance. Le parc de<br />
stationnement de la First Nations University of<br />
<strong>Canada</strong>, avec son étalage impressionnant de<br />
véhicules neufs, en est la preuve concrète. Avec<br />
des taux de scolarisation et d’emploi effectif qui<br />
ne cessent d’augmenter et de nombreux efforts<br />
entrepreneuriaux couronnés de succès, ils ont<br />
atteint la stabilité économique et la prospérité<br />
(Wotherspoon, 2003). Puisque les membres de<br />
cette classe moyenne ne font pas appel aux<br />
services sociaux en place, il est difficile d’évaluer<br />
leur nombre. Peu de travaux de recherche se sont<br />
intéressés à ce groupe, mais certaines études<br />
semblent indiquer que ses membres se tiennent à<br />
l’écart de la communauté autochtone urbaine et<br />
conservent des liens avec leur communauté<br />
d’attache (UATF, 2007). Ils peuvent représenter<br />
une ressource éventuelle et il existe peut-être un<br />
besoin d’activités sociales et récréatives adaptées<br />
sur le plan culturel pour ce nouveau groupe.<br />
Il s’agit manifestement d’un domaine de<br />
recherche à explorer et qui pourrait avoir des<br />
répercussions très importantes sur les politiques<br />
et les programmes.<br />
Conclusion<br />
Il ne fait aucun doute que la population déjà<br />
nombreuse des Autochtones vivant en milieu<br />
urbain augmentera et changera profondément<br />
les villes des Prairies. En raison de leur histoire<br />
et de leur culture distinctes, les Autochtones<br />
n’utilisent pas les services offerts à l’ensemble<br />
de la population; ils cherchent plutôt des<br />
services particuliers adaptés à leur culture.<br />
Beaucoup d’entre eux se sont « perdus » et font<br />
face à des difficultés que les administrations<br />
municipales, les gouvernements provinciaux et<br />
le gouvernement fédéral ne peuvent continuer<br />
d’ignorer. Pourtant, les exemples d’expériences<br />
réussies abondent et le succès se trouve dans<br />
l’établissement de partenariats avec des leaders<br />
autochtones, hommes ou femmes. On observe<br />
également de plus en plus le succès des<br />
Autochtones qui se joignent à la classe<br />
moyenne et qui participent au mode de vie<br />
urbain sur le plan économique, social et<br />
politique. À l’heure actuelle, on rencontre<br />
dans les villes des Prairies canadiennes à la<br />
fois des Autochtones qui s’y sont « perdus »<br />
et d’autres qui s’y sont « trouvés ».<br />
À propos de l’auteur<br />
DOUGLAS DURST, Ph.D., est professeur de travail social<br />
à la University of Regina, où il enseigne la recherche<br />
et les politiques sociales. Ses propres travaux portent<br />
principalement sur la diversité, notamment en ce qui<br />
a trait aux immigrants, aux réfugiés, aux membres des<br />
Premières nations et aux Autochtones. Ses recherches<br />
lui ont permis de bâtir un partenariat avec l’Association<br />
nationale des centres d’amitié.<br />
Références<br />
Association nationale des centres d’amitié (ANCA).<br />
2008. Page d’accueil du site Web de l’ANCA, .<br />
<strong>Canada</strong>. Affaires indiennes et du Nord canadien (AINC).<br />
2008a. Population indienne inscrite selon le sexe et la<br />
résidence, 2007, Ottawa, Affaires indiennes et du<br />
Nord canadien.<br />
Nos diverses cités 107
———. Affaires indiennes et du Nord canadien (AINC). 2008b.<br />
Résolution des questions des pensionnats indiens du <strong>Canada</strong>,<br />
Ottawa, Affaires indiennes et du Nord canadien. Consulté à<br />
l’adresse .<br />
———. Affaires indiennes et du Nord canadien (AINC). 2008c.<br />
Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain,<br />
Ottawa, Affaires indiennes et du Nord canadien. Consulté à<br />
l’adresse .<br />
———. Statistique <strong>Canada</strong>. 2006. Recensement de 2006,<br />
tableaux des Affaires indiennes et du Nord canadien,<br />
Ottawa, Statistique <strong>Canada</strong>.<br />
Castellano, M. B., L. Archibald, et M. DeGagne. 2008.<br />
De la vérité à la réconciliation : transformer l’héritage des<br />
pensionnats, Ottawa, Fondation autochtone de guérison.<br />
Durst, D. et M. Bluechardt. 2001. Urban Aboriginal<br />
Persons with Disabilities: Triple Jeopardy! Regina,<br />
University of Regina.<br />
Durst, D., G. Morin, S. Wall, et M. Bluechardt. 2007. « A First<br />
Nations Woman with Disabilities: ‘Listen To What I Am<br />
Saying!’ », Native Social Work Journal, vol. 6, no 1 (Resistance<br />
and Resiliency: Addressing Historical Trauma of Aboriginal<br />
Peoples), p. 57-77.<br />
Frideres, J., et R. Gadacz. 2001. Aboriginal Peoples in <strong>Canada</strong>:<br />
Contemporary Conflicts, 6e éd., Toronto, Prentice Hall.<br />
Hanselmann, C. 2003. « Permettre la réalisation du rêve<br />
urbain : la responsabilité partagée et la mise sur pied<br />
d’organisations efficaces pour les Autochtones en milieu<br />
urbain », dans D. Newhouse et E. Peters (dir.), Des gens<br />
d’ici : les Autochtones en milieu urbain, Ottawa, Affaires<br />
indiennes et du Nord canadien, Projet de recherche sur<br />
les politiques.<br />
108 Nos diverses cités<br />
Dirigé par Paul Bramadat et David Seljak<br />
Hull, J. 2008. « Les jeunes Autochtones et le marché du<br />
travail canadien », Horizons, vol. 10, no 1, p. 40-44.<br />
Newhouse, D., et E. Peters (dir.). 2003. Des gens d’ici :<br />
les Autochtones en milieu urbain, Ottawa, Affaires<br />
indiennes et du Nord canadien, Projet de recherche<br />
sur les politiques.<br />
Norris, M. J., M. Cooke, et S. Clatworthy. 2003.<br />
« Aboriginal Mobility and Migration Patterns and the<br />
Policy Implications », dans J. P. White, P. S. Maxim et<br />
D. Beavon (dir.). Aboriginal Conditions: Research as a<br />
Foundation for Public Policy, Vancouver, UBC Press.<br />
Novik, N. L. 1995. Live by the Circle, Die by the Cycle,<br />
projet de maîtrise en travail social, University of Regina.<br />
Sisson, P. 1997. A Study of Abused Women Seeking Help<br />
from Regina’s Mobile Crisis Services, projet de maîtrise<br />
en travail social, University of Regina.<br />
Urban Aboriginal Task Force (UATF). 2007. Urban Aboriginal<br />
Task Force: Final Report, Ontario, Ontario Federation of<br />
Indian Friendship Centres, Ontario Métis Aboriginal<br />
Association et Ontario Native Women’s Association.<br />
Wotherspoon, T. 2003. « Perspectives d’une nouvelle<br />
classe moyenne parmi les peuples autochtones »,<br />
dans D. Newhouse et E. Peters (dir.), Des gens d’ici : les<br />
Autochtones en milieu urbain, Ottawa, Affaires indiennes<br />
et du Nord canadien, Projet de recherche sur les politiques.<br />
Christianity and Ethnicity in <strong>Canada</strong> propose une analyse<br />
détaillée du rôle de la religion au sein des communautés<br />
ethniques et du rôle de l’ethnicité dans les communautés<br />
religieuses. Les collaborateurs se penchent sur la façon dont<br />
l’évolution de la composition ethnique influe sur la pratique<br />
et l’identité religieuses, ainsi que la façon dont les traditions<br />
religieuses influent sur les identités ethniques collectives<br />
et individuelles.<br />
En vente en librairie ou depuis le site <br />
Pb 9780802095848 / 49,95 $<br />
Cl 9780802098757 / 100,00 $
Étude sur les services en matière<br />
de santé mentale et de bien-être<br />
des immigrantes et des réfugiées<br />
vivant en Saskatchewan<br />
JUDY WHITE<br />
University of Regina<br />
Le présent article énonce les conclusions du mémoire intitulé Enhancing and Developing<br />
Policies, Modes and Practices to Address the Mental Health Needs of Immigrant and Refugee<br />
Women Living in Saskatchewan, fondé sur une étude qui a pris fin à l’automne 2007. Il offre<br />
un bref aperçu des tendances en matière d’immigration en Saskatchewan depuis les<br />
années 1990, décrit le cadre théorique et la méthode de recherche utilisés, puis<br />
présente un sommaire des conclusions, une analyse et des recommandations.<br />
L’immigration en Saskatchewan<br />
depuis les années 1990 et les réponses<br />
du gouvernement et de la collectivité<br />
Les tendances en matière d’immigration pour la<br />
Saskatchewan ont suivi celles d’autres régions<br />
du <strong>Canada</strong>, à la différence près qu’elle a reçu<br />
beaucoup moins d’immigrants que les grandes<br />
provinces comme l’Ontario et la Colombie-<br />
Britannique. Toutefois, le nombre de nouveaux<br />
arrivants a été relativement stable (Lamba,<br />
Mulder et Wilkinson, 2000). Comme ailleurs<br />
au <strong>Canada</strong>, le nombre d’immigrants venant des<br />
pays africains, asiatiques, antillais et latinoaméricains<br />
a augmenté depuis les années 1990<br />
(Frideres, 1999; Henry et coll., 2000; Rice et<br />
Prince, 2000; <strong>Canada</strong> Immigrant Job Issues, s.d.).<br />
L’émigration des Saskatchewanais a constitué<br />
un problème de taille pour les gouvernements<br />
de la province jusqu’à il y a un an environ (Elliott,<br />
2003). Le gouvernement provincial, en partenariat<br />
avec le gouvernement du <strong>Canada</strong>, a mis à l’essai<br />
le Programme des candidats à l’immigration de la<br />
Saskatchewan. Dans le cadre de ce projet pilote,<br />
il a créé officiellement, en 2001, la Direction<br />
générale de l’immigration au sein du ministère de<br />
l’Enseignement postsecondaire, de l’Emploi et du<br />
Travail, une étape majeure dans ses efforts pour<br />
attirer des immigrants. Le « boom économique »,<br />
provoqué en grande partie par la hausse du prix<br />
du pétrole et par les profits réalisés dans les<br />
secteurs minier et gazier (Saskatchewan, 2008)<br />
est un autre facteur qui neutralise les tendances<br />
antérieures à l’exode. Par ailleurs, les villes, les<br />
petits centres et les collectivités rurales de la<br />
Saskatchewan participent activement à l’atteinte<br />
des objectifs d’attraction et de maintien des<br />
immigrants dans la province (Saskatchewan, s.d.).<br />
En plus de tenter d’attirer des immigrants<br />
qualifiés, la Saskatchewan a toujours accueilli des<br />
réfugiés par souci humanitaire. En 1996, 13,1 %<br />
des immigrants qui sont arrivés dans la<br />
province étaient des réfugiés, ce qui représente un<br />
pourcentage beaucoup plus élevé que la moyenne<br />
nationale de 7,2 % (Lamba, Mulder et Wilkinson,<br />
2000). Malgré cet engagement humanitaire<br />
évident, le débat sur les besoins des nouveaux<br />
arrivants a porté principalement sur les besoins<br />
liés à l’emploi ou sur l’aspect économique<br />
(Saskatchewan, 2004). En faisant l’examen des<br />
besoins en santé mentale des immigrantes et des<br />
réfugiées qui vivent en Saskatchewan, le présent<br />
article met l’accent sur l’importance d’adopter<br />
Nos diverses cités 109
La mondialisation et la technologie ont eu une incidence sur la manière dont les femmes vivent<br />
aujourd’hui l’établissement et l’intégration. La communication est plus facile grâce au téléphone<br />
et à Internet, et la télévision a apporté des images frappantes de la guerre dans les foyers de<br />
bon nombre de nouvelles arrivantes. Ces technologies présentent des avantages, mais elles<br />
ont également intensifié les frustrations et l’anxiété de plusieurs participantes.<br />
110 Nos diverses cités<br />
une méthode plus inclusive et mieux adaptée<br />
aux besoins des nouveaux arrivants.<br />
Cadre théorique :<br />
le multiculturalisme critique<br />
Un cadre théorique fondé sur le multi culturalisme<br />
critique a été utilisé pour cette étude. Cette théorie<br />
reconnaît que les membres des sociétés multi -<br />
culturelles apportent des conceptions culturelles<br />
différentes à leur entourage (Lee, 1997a, 1997b;<br />
Pederson, 1999). L’accent mis par ce cadre sur une<br />
approche critique témoigne du caractère central<br />
de questions comme le déséquilibre des forces,<br />
l’iniquité et les contextes (Blanch et Levin, 1998;<br />
Bryan, 2001). La culture, définie de façon<br />
générale, reconnaît les nombreux moyens par<br />
lesquels les pratiques et les traditions culturelles<br />
influencent tous les niveaux de décision<br />
(Pederson, 1999; Mullaly, 2002).<br />
Ce cadre théorique comprend deux volets : les<br />
processus multiculturels et les structures multi -<br />
culturelles. Les processus multiculturels désignent<br />
les valeurs et les croyances que les personnes<br />
apportent à leur entourage, ainsi que les moyens<br />
par lesquels celles-ci influencent les échanges<br />
multiculturels. Les structures multiculturelles,<br />
quant à elles, désignent les politiques, les lois<br />
et les règlements qui façonnent les contextes dans<br />
lesquels ont lieu ces échanges et ces processus<br />
multiculturels. Par conséquent, les gouvernements<br />
et les collectivités doivent s’assurer que les poli -<br />
tiques, les lois et les règlements favorisent des<br />
relations et des processus justes et équitables.<br />
Méthode<br />
Le mémoire repose sur une étude de cas axée<br />
sur les moyens d’améliorer les politiques, les<br />
programmes et les services de la Saskatchewan –<br />
ou d’en concevoir de nouveaux – afin de<br />
favoriser le bien-être mental des immigrantes et<br />
des réfugiées vivant dans cette province. En se<br />
concentrant sur le cas de la Saskatchewan<br />
uniquement, l’auteure a pu examiner les aspects<br />
particuliers et multidimensionnels du contexte<br />
de la province à partir de la documentation<br />
existante, d’entrevues individuelles et de séances<br />
de discussion en groupe (Berg, 2004; Grosof et<br />
Sardy, 1985; Stake, 1994, 1995; Yin, 1994, 2004;<br />
Maxwell, 1996). L’application du cadre théorique<br />
à cette étude de cas a garanti une reconnaissance<br />
du lien entre toutes les questions (Berg, 2004), et<br />
une prise en compte systématique de questions<br />
comme le sexe et les expériences de racialisation<br />
et de racisme. Plus précisément, le contexte du<br />
multiculturalisme a été reconnu, mais l’analyse a<br />
toujours porté sur l’équité et le pouvoir.<br />
Les données ont été recueillies au moyen de<br />
séances de discussion en groupe – six avec des<br />
fournisseurs de services et cinq avec des immi -<br />
grantes et des réfugiées. En outre, 11 entrevues<br />
individuelles ont été menées. Toutes les immi -<br />
grantes et réfugiées ayant participé aux entrevues<br />
maîtrisaient suffisamment l’anglais pour qu’on<br />
n’ait pas à utiliser les services d’interprètes. Toutes<br />
ont rempli des formulaires de consentement.<br />
Analyse et constatations :<br />
confirmation des enjeux<br />
Beaucoup des constatations de l’auteure<br />
confirment les conclusions tirées en 1988 par le<br />
Groupe chargé d’étudier les problèmes de santé<br />
mentale des immigrants et des réfugiés au<br />
<strong>Canada</strong>. Au nombre des problèmes relevés,<br />
mentionnons la dépression, les traumatismes,<br />
le racisme, les préjugés, la discrimination, le<br />
choc culturel, les obstacles linguistiques, le sousemploi<br />
et le chômage, la non-reconnaissance<br />
des titres de compétences, la honte de la maladie<br />
mentale, l’isolement et la séparation d’avec la<br />
famille et les communautés résidant toujours<br />
dans le pays d’origine (Groupe chargé d’étudier<br />
les problèmes de santé mentale des immigrants<br />
et des réfugiés au <strong>Canada</strong>, 1988).<br />
Nouvelles tendances<br />
Aide aux personnes restées dans le pays d’origine<br />
La mondialisation et la technologie ont eu<br />
une incidence sur la manière dont les femmes<br />
vivent aujourd’hui l’établissement et l’intégration.
La communication est plus facile grâce au<br />
téléphone et à Internet, et la télévision a apporté<br />
des images frappantes de la guerre dans les foyers<br />
de bon nombre de nouvelles arrivantes. Ces<br />
technologies présentent des avantages, mais elles<br />
ont également intensifié les frustrations et<br />
l’anxiété de plusieurs participantes. Une femme<br />
a parlé du sentiment de dépression qu’elle<br />
éprouvait après les conversations téléphoniques<br />
avec ses proches, en raison des appels à l’aide<br />
incessants. Les familles ont continué d’aider leurs<br />
membres restés dans le pays d’origine, mais<br />
souvent au prix d’énormes sacrifices sur les plans<br />
matériel et émotionnel. Au moins un fournisseur<br />
de services a mentionné que l’envoi de fonds crée<br />
souvent des difficultés financières pour les<br />
immigrants. Les familles dans le pays d’origine<br />
demandent de façon pressante des médicaments,<br />
de la nourriture et de l’argent, et les nouveaux<br />
arrivants, incapables de répondre à ces demandes,<br />
se tournent vers la communauté en général, qui se<br />
retrouve à son tour dans une situation difficile.<br />
Dans l’ensemble, les femmes ne se plaignaient pas<br />
de ces demandes, mais elles disaient éprouver un<br />
sentiment d’impuissance et de culpabilité.<br />
La langue et l’alphabétisation<br />
Les barrières linguistiques existent bel et<br />
bien, mais l’analphabétisme de base (incapacité<br />
de lire et d’écrire) constitue un problème<br />
supplémentaire. Cela s’explique par les situations<br />
de guerre et d’agitation politique, et leur incidence<br />
sur les nouvelles arrivantes. Certains fournisseurs<br />
de services ont laissé entendre que les services de<br />
garde d’enfants et de transport étaient des facteurs<br />
clés pour assurer aux femmes l’accès aux cours de<br />
langue et d’alphabétisation.<br />
Besoins en matière de santé et d’établissement<br />
Les fournisseurs de services ont précisé qu’ils<br />
travaillaient avec des familles où la femme avait<br />
dû devenir « chef du ménage » et remplir des<br />
rôles qu’elle n’avait jamais tenus auparavant,<br />
l’homme étant parfois mort ou disparu.<br />
La dépression et les traumatismes non résolus<br />
semblaient être une constante chez beaucoup de<br />
ces femmes. Plusieurs fournisseurs de services<br />
commençaient à voir de plus en plus de clientes<br />
ayant d’importants besoins en santé, laissant<br />
entendre que beaucoup de ces femmes avaient<br />
besoin de ressources accrues pour s’établir et<br />
s’intégrer dans la collectivité.<br />
La violence à l’égard des femmes a été citée<br />
comme un problème important, de même que<br />
la question connexe du silence attribuable aux<br />
pressions de la collectivité et à la peur de<br />
l’expulsion, de l’inconnu et de l’isolement. Dans<br />
leur pays d’origine, lorsqu’elles étaient victimes de<br />
violence, les femmes avaient leur façon tradi -<br />
tionnelle d’y faire face. En Saskatchewan, elles en<br />
sont encore à créer des réseaux de soutien et à<br />
chercher des moyens de s’adapter à la situation. Le<br />
maintien du silence des femmes s’explique aussi<br />
par leur ignorance des lois en matière d’immi -<br />
gration et de leurs droits en tant que femmes.<br />
Sous-utilisation des services généraux<br />
de santé mentale<br />
La sous-utilisation des services de santé mentale<br />
généraux ou traditionnels par les immigrantes et<br />
les réfugiées a été décrite dans différents rapports<br />
(Groupe chargé d’étudier les problèmes de santé<br />
mentale des immigrants et des réfugiés au<br />
<strong>Canada</strong>, 1988; Williams, 2002; IRVMW, 2002;<br />
Omorodion et White, 2003), et évoquée à<br />
maintes reprises par les personnes interrogées.<br />
Certains fournisseurs de services de santé<br />
mentale ont précisé qu’ils n’avaient que très peu<br />
d’expérience, voire aucune, du travail auprès des<br />
nouvelles arrivantes; certains ont laissé entendre<br />
que pour déterminer la pertinence du service,<br />
il fallait d’abord évaluer si les clientes étaient<br />
prêtes à le recevoir. Le commentaire qui revenait<br />
le plus fréquemment était que la structure<br />
des services et des programmes n’était pas<br />
nécessairement appropriée pour bien des<br />
immigrantes et des réfugiées.<br />
Bon nombre de ces fournisseurs de service<br />
« immigrantes » étaient d’origine et de tradition<br />
non occidentales, et ils ne reconnaissaient guère la<br />
diversité des femmes ni le fait qu’il est inapproprié<br />
d’examiner leur situation sous l’angle d’une<br />
simple opposition entre Occidentales et non-<br />
Occidentales. Par conséquent, lors des discussions,<br />
on a souvent désigné les femmes comme étant<br />
« les autres ». Parallèlement, les fournisseurs<br />
de services semblaient disposés à discuter de la<br />
manière de fournir des services aux femmes issues<br />
de contextes et de cultures très différents de ceux<br />
de la Saskatchewan.<br />
Plusieurs participants estimaient que le modèle<br />
clinique traditionnel ne convenait pas à bon<br />
nombre de nouvelles arrivantes. Les fournisseurs<br />
de services étaient conscients que la réticence<br />
à utiliser les services de santé mentale et le<br />
problème de la honte associée à la maladie<br />
mentale n’étaient pas propres aux nouvelles<br />
arrivantes. Les discussions sont revenues<br />
Nos diverses cités 111
112 Nos diverses cités<br />
plusieurs fois sur la nécessité d’explorer d’autres<br />
moyens de fournir les services.<br />
Accessibilité et capacité des organismes<br />
Tous les fournisseurs de services souhaitaient<br />
manifestement faire mieux, améliorer l’acces -<br />
sibilité aux services et renforcer leur capacité afin<br />
de pouvoir répondre aux besoins de leur clientèle<br />
multiculturelle. Les personnes ayant des liens<br />
personnels avec les groupes ethnoculturels en<br />
raison de leur propre appartenance ethnique ou de<br />
leur travail pastoral, bénévole ou communautaire<br />
étaient d’avis qu’elles avaient influencé le travail<br />
de leur organisme. D’autres estimaient que leur<br />
organisme était disposé à s’interroger et à cher -<br />
cher d’autres moyens de fournir des services. Une<br />
travailleuse a admis que si on lui avait demandé<br />
d’évaluer la capacité de l’organisme avant son<br />
engagement dans un récent projet mené auprès<br />
d’immigrants, elle aurait répondu avoir davantage<br />
confiance en ses propres connaissances et compé -<br />
tences pour exécuter son travail. Sa participation<br />
à ce programme lui a permis de reconnaître à quel<br />
point elle était peu informée, tout en constatant la<br />
grande complexité du travail et la nécessité pour<br />
l’organisme d’offrir ses services autrement.<br />
Faire les choses « autrement » signifiait plus de<br />
visites à domicile, d’efforts de développement<br />
communautaire et de travail dans la collectivité<br />
(en dehors de la clinique traditionnelle). Les<br />
participants ont bien compris que les organismes<br />
habitués à offrir des services au moyen de<br />
séances de counselling de 50 à 60 minutes à<br />
des personnes et à des couples verraient leurs<br />
ressources davantage sollicitées.<br />
Pour un organisme, disposer d’une capacité<br />
d’offrir des services adaptés signifie posséder<br />
un savoir théorique, des connaissances à jour<br />
et des compétences professionnelles appropriées.<br />
Les fournisseurs de services ont supposé qu’une<br />
compréhension des politiques d’immigration<br />
les aiderait à mieux répondre aux besoins des<br />
femmes. Dans l’ensemble, ils étaient convaincus<br />
de posséder de solides connaissances et<br />
compétences professionnelles générales dans<br />
le domaine des traumatismes, de la violence<br />
et des mauvais traitements. Toutefois, ils ont<br />
mentionné à maintes reprises que leur point<br />
faible était selon eux l’aspect « culturel ».<br />
Les moyens dont disposent les femmes<br />
pour s’aider elles-mêmes<br />
Les entrevues avec les femmes ont été très<br />
instructives. Une analyse des conclusions de<br />
l’étude montre que les femmes ont leurs propres<br />
moyens traditionnels de s’aider elles-mêmes<br />
et qu’elles avaient déjà commencé à utiliser<br />
des solutions qui leur semblaient pertinentes.<br />
Mention nons, en particulier, le recours aux<br />
organismes communautaires, aux amis, à la<br />
famille, aux groupes confessionnels et à la spiri -<br />
tualité. Les entrevues ont rappelé que les femmes<br />
sont issues de contextes culturels diversifiés, et il<br />
était donc nécessaire de relever les particularités<br />
des récits de chacune. Les entrevues ont<br />
également mis en lumière le lien étroit qui existe<br />
entre les traditions, les valeurs et les croyances<br />
collectives et le vécu individuel des femmes.<br />
Recommandations<br />
La recherche a souligné l’importance d’utiliser une<br />
approche multidimensionnelle pour la prestation<br />
de services en santé mentale. Le cadre théorique a<br />
servi d’outil pour écouter les participantes dans le<br />
but de se familiariser avec leurs valeurs et leurs<br />
croyances concernant diverses questions. Il a<br />
également servi de guide pour évaluer dans quelle<br />
mesure les programmes et les politiques étaient<br />
adaptés à ces valeurs et à ces croyances eu égard<br />
aux besoins et aux aspirations des immigrantes et<br />
des réfugiées.<br />
Faire connaître les services et<br />
les programmes aux communautés<br />
Comme on l’a déjà mentionné, peu d’immi -<br />
grantes et de réfugiées utilisent les services et<br />
les programmes de santé mentale généraux ou<br />
traditionnels. Elles ont plutôt recours à d’autres<br />
ressources : église, groupes confessionnels ou<br />
spirituels, organismes d’aide à l’établissement,<br />
amis et autres groupes. Néanmoins, les<br />
immigrantes qui viennent de pays semblables au<br />
<strong>Canada</strong> semblent être plus à l’aise avec les<br />
systèmes locaux.<br />
L’une des recommandations portait sur la<br />
nécessité, pour les fournisseurs de services de<br />
santé mentale, d’aller dans les endroits fréquentés<br />
par les immigrantes et les réfugiées, par exemple<br />
d’y envoyer des professionnels de la santé mentale<br />
itinérants, des consultants et des travailleurs en<br />
éducation et en développement communautaires.<br />
En bref, le « travail en santé mentale » auprès des<br />
immigrantes et des réfugiées prendrait différentes<br />
formes. Les « communautés » pourraient englober<br />
des groupes ethnoculturels ou des organismes<br />
d’aide à l’établissement où les femmes ont<br />
établi de nouveaux liens « familiaux ». Pour<br />
cela, il faudrait intensifier la collaboration avec
les organismes d’aide à l’établissement. On a<br />
demandé aux professionnels de la santé mentale<br />
de collaborer davantage avec les médecins et<br />
les autres professionnels de la santé auxquels<br />
les femmes s’adressent pour obtenir de l’aide.<br />
Accroître la collaboration et les partenariats entre<br />
les immigrants et les réfugiés, les organismes d’aide<br />
aux immigrants et aux réfugiés et les organismes<br />
de santé mentale généraux<br />
Les fournisseurs de services de différents secteurs<br />
ont indiqué leur volonté de collaborer plus<br />
étroitement. Plusieurs ont recommandé l’em -<br />
bauche de personnes qui conseilleraient les<br />
collectivités ou encourageraient la formation de<br />
partenariats communautaires. Les organismes<br />
d’aide à l’établissement ont déjà établi des<br />
relations assez solides avec le secteur scolaire,<br />
et celles-ci doivent être encouragées par un<br />
financement permanent et suffisant. L’établis -<br />
sement de régions sanitaires a progressé, mais<br />
moins rapidement.<br />
L’augmentation du nombre de partenariats<br />
signifie une collaboration accrue avec les<br />
immigrantes et les réfugiées. Cela impliquerait<br />
de poursuivre un dialogue sur les valeurs et<br />
les croyances que les différents intervenants<br />
apportent dans le processus d’interaction.<br />
Apprendre du travail auprès<br />
des communautés autochtones<br />
Les fournisseurs de services ayant travaillé auprès<br />
des communautés autochtones ont parlé des types<br />
d’initiatives, de programmes et de méthodes qui<br />
avaient été efficaces. Leurs discussions ont porté<br />
sur la forme des programmes, comme les cuisines<br />
communautaires et les groupes de grands-mères.<br />
Parmi les autres activités, mentionnons les cours<br />
de cuisine, de couture et d’artisanat, qui ont tous<br />
permis aux femmes de se réunir, d’apprendre les<br />
unes des autres et de s’entraider. Le rôle du<br />
professionnel de la santé mentale devait être de<br />
fournir un appui constant, de se rendre disponible<br />
pour offrir un soutien et un counselling<br />
individualisés ou de faire simplement partie du<br />
groupe dirigé par les participantes.<br />
Les professionnels estimaient posséder un<br />
savoir et des compétences qui seraient utiles aux<br />
femmes. Ils se mettraient à leur disposition comme<br />
ressources. Ils pourraient leur offrir une inter -<br />
vention et un soutien directs et individuels lorsque<br />
cela serait approprié. Parfois, ils pourraient les<br />
aiguiller vers d’autres ressources ou faire du<br />
lobbying ou du travail en défense des droits. Ils<br />
pourraient également faire de l’éducation commu -<br />
nautaire. Ils ont aussi remarqué que les exposés<br />
faits par les membres mêmes des communautés<br />
culturelles avaient un grand impact. Les exposés<br />
visant les communautés autochtones ont notam -<br />
ment porté sur l’histoire des peuples autochtones<br />
du <strong>Canada</strong>. Les parti cipants ont suggéré d’essayer<br />
de réaliser des activités similaires dans le cas des<br />
nouveaux arrivants.<br />
Recruter des personnes possédant les connaissances<br />
et les compétences nécessaires pour répondre aux<br />
besoins des immigrantes et des réfugiées<br />
Les participants étaient déterminés à se doter d’un<br />
effectif représentatif et à embaucher des personnes<br />
connaissant bien le milieu afin de faciliter le<br />
rapprochement entre les différents groupes. Ils ont<br />
recommandé que l’on veille à ce que les processus<br />
d’inscription pour les professionnels formés<br />
à l’étranger soient conviviaux. Dans le même<br />
ordre d’idées, ils ont conseillé que l’on envisage de<br />
reconnaître en partie l’expérience professionnelle<br />
dans les situations où une personne ne possède<br />
pas le titre de compétence universitaire ou<br />
technique exigé.<br />
Dernières observations<br />
La conception que les immigrantes et les réfugiées<br />
se faisaient de la santé mentale reflétait la mesure<br />
dans laquelle leurs rapports avec autrui et leurs<br />
activités quotidiennes influaient sur leur santé<br />
psychologique et leur bien-être mental. Il existe<br />
une nette distinction entre, d’une part, les<br />
problèmes en matière d’établis sement et d’inté -<br />
gration éprouvés par les immigrantes et les<br />
réfugiées et, d’autre part, les traumatismes et<br />
les pertes subis par les réfugiées; les réponses<br />
doivent donc être différentes. Plus précisément, les<br />
professionnels de la santé mentale reconnaissaient<br />
l’importance de tenir compte des problèmes et<br />
contextes multiples de la vie des femmes, ainsi<br />
que des besoins particuliers des femmes venant de<br />
régions touchées par la guerre et ayant subi des<br />
traumatismes extrêmes.<br />
La conception que se faisaient en général les<br />
immigrantes et les réfugiées de la santé mentale<br />
témoignait d’une tendance à aborder leur<br />
environnement d’une manière très globale. Elles<br />
ont mentionné combien il était important pour<br />
elles de vivre dans un milieu sûr et orienté vers<br />
l’inclusion sociale, et reconnu l’interdépendance<br />
des différentes régions du monde et leurs liens<br />
avec d’autres pays. Les croyances et les valeurs<br />
qu’elles ont exprimées quant à leur univers<br />
Nos diverses cités 113
vont à l’encontre de la pensée économique<br />
unidimensionnelle et indiquent ce dont elles<br />
croient avoir besoin pour parvenir au bien-être<br />
et à la santé mentale.<br />
À propos de l’auteure<br />
JUDY WHITE est professeure agrégée à la Faculté du<br />
travail social de la University of Regina. Née et élevée à<br />
Trinité, elle vit en Saskatchewan depuis 1987, où elle est<br />
travailleuse sociale autorisée et bénévole dévouée dans<br />
le secteur de l’établissement.<br />
Références<br />
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l’adresse .<br />
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2e éd., Applied Social Research Methods Series, vol. V,<br />
Thousand Oaks, Sage Publications.<br />
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Sage Publications.
L’établissement des réfugiés<br />
parrainés par le secteur privé<br />
à Winnipeg, au Manitoba<br />
TOM CARTER<br />
Université de Winnipeg<br />
À l’heure actuelle, environ 600 réfugiés parrainés par le secteur privé arrivent au Manitoba<br />
chaque année. La plupart viennent d’Afrique et la majorité s’établissent à Winnipeg.<br />
Les personnes qui viennent dans le cadre du programme de parrainage par le secteur privé<br />
constituent maintenant plus de la moitié de l’ensemble des réfugiés qui arrivent au Manitoba.<br />
Les réfugiés parrainés par le secteur privé (RPSP)<br />
constituent un fort contingent des réfugiés<br />
qui arrivent au Manitoba. Les signataires<br />
d’ententes de parrainage, par exemple le diocèse<br />
anglican et le Mennonite Central Committee,<br />
pour ne nommer que ceux-là, travaillent avec<br />
des groupes communautaires, des groupes ethno -<br />
culturels, des individus et des familles pour<br />
parrainer des réfugiés provenant de nombreux<br />
pays. À l’heure actuelle, environ 600 RPSP<br />
arrivent au Manitoba chaque année. La plupart<br />
viennent d’Afrique et la majorité s’établissent à<br />
Winnipeg. Les personnes qui viennent dans le<br />
cadre du programme de parrainage par le secteur<br />
privé constituent maintenant plus de la moitié de<br />
l’ensemble des réfugiés qui arrivent au Manitoba<br />
(Travail et Immigration Manitoba, 2007).<br />
On sait peu de choses de l’expérience d’éta -<br />
blis sement des RPSP. La présente étude 1 , menée<br />
en 2007 et 2008, vise à répondre à certaines<br />
questions clés, notamment : Les répondants<br />
respectent-ils leurs obligations ? Y a-t-il des<br />
parrainages qui échouent ? Du point de vue<br />
des réfugiés, les indicateurs d’établissement<br />
et d’intégration sont-ils positifs ? La situation<br />
des réfugiés s’améliore-t-elle au fil du temps ?<br />
Si non, quels sont les aspects particuliers de<br />
l’établissement qui posent des problèmes ?<br />
1 L’auteur souhaite remercier le ministère du Travail et de<br />
l’Immigration du Manitoba pour l’aide financière accordée<br />
à ces travaux de recherche.<br />
Dans le cadre de l’étude, nous avons mené des<br />
entrevues avec un adulte dans 50 ménages de<br />
RPSP à Winnipeg. Chaque entrevue a duré en<br />
moyenne 2 heures 30. L’étude visait les ménages<br />
arrivés de un à cinq ans avant l’entrevue (2002 à<br />
2006). Le minimum d’un an a été retenu afin que<br />
la période de parrainage soit complète et que les<br />
participants puissent réfléchir sur leur expérience<br />
de parrainage. Le délai de cinq ans faisait en<br />
sorte qu’ils avaient eu suffisamment de temps<br />
pour porter un jugement sur leur expérience<br />
d’établissement.<br />
Échantillon<br />
La moitié des personnes interrogées étaient au<br />
<strong>Canada</strong> depuis moins de deux ans et demi, et<br />
l’autre moitié, de deux ans et demi à cinq ans.<br />
Dans une proportion de 82 %, ils venaient<br />
d’Afrique et du Moyen-Orient, ce qui reflétait<br />
bien la proportion de 86 % des RPSP arrivés au<br />
Manitoba de 2002 à 2006 en provenance de ces<br />
régions. La répartition d’âge, de même que les<br />
types de ménages et de familles de l’échantillon<br />
étaient également comparables aux caracté -<br />
ristiques de l’ensemble des réfugiés arrivés de<br />
2002 à 2006. Comparativement à la population<br />
de Winnipeg, l’âge moyen du groupe étudié était<br />
beaucoup moins élevé (24 ans comparativement<br />
à 39 ans) et la taille des ménages était plus<br />
grande (3,3 personnes comparativement à 2,4<br />
personnes). La population étudiée comprenait<br />
davantage de ménages avec enfants (50 %,<br />
Nos diverses cités 115
116 Nos diverses cités<br />
comparativement à 44 %) et plus de ménages<br />
monoparentaux (39 % comparativement à 19 %)<br />
que la population de Winnipeg (Statistique<br />
<strong>Canada</strong>, 2008).<br />
L’expérience de parrainage<br />
La majorité (68 %) des ménages interrogés étaient<br />
satisfaits du soutien reçu des répondants, mais<br />
30 % ont fait état de problèmes et sept<br />
(14 %) parrainages ont échoué. Parmi les facteurs<br />
à l’origine des échecs, mentionnons la réticence<br />
des réfugiés à dire aux répondants qu’ils avaient<br />
besoin davantage de soutien, par crainte<br />
d’alourdir le fardeau de ces derniers; l’inquiétude<br />
que cela nuise à leurs répondants ou compromette<br />
le programme; le manque de connaissances sur<br />
la structure du programme de parrainage et le fait<br />
de ne pas savoir qu’ils auraient pu s’adresser<br />
à d’autres groupes ou organismes au sein de<br />
la structure pour obtenir de l’aide; le fait que<br />
personne n’était chargé de vérifier régulièrement<br />
s’il y avait des problèmes. Ceux qui ont rapporté<br />
les expériences d’établissement les plus réussies<br />
sont ceux qui bénéficiaient du soutien de<br />
nombreuses personnes ou institutions – plusieurs<br />
parents ou amis, un organisme communautaire ou<br />
une combinaison des deux options.<br />
L’établissement et l’intégration<br />
L’étude était axée sur trois ensembles d’indica -<br />
teurs d’établissement : les indicateurs touchant le<br />
logement et le quartier, les caractéristiques de<br />
l’emploi et du revenu et, enfin, les indicateurs<br />
sociaux. Comme nous le verrons plus loin, les<br />
indicateurs d’établissement témoignent d’expé -<br />
riences positives et négatives.<br />
En majorité, les ménages participants esti -<br />
maient que leur situation de logement ne causait<br />
pas de problèmes majeurs dans leur expérience<br />
d’établissement. Toutefois, deux fois plus de<br />
ménages utilisaient au moins 30 % de leur revenu<br />
brut pour se loger, comparativement aux ménages<br />
de Winnipeg (Tableau 1), malgré le fait que<br />
les locataires payaient 100 $ de moins que la<br />
moyenne des gens de Winnipeg pour des<br />
logements de même dimension. Le tiers des<br />
ménages vivaient dans des logements n’ayant pas<br />
suffisamment de chambres à coucher pour tous<br />
les membres de la famille. À quelques exceptions<br />
près, ils déclaraient que leur logement était en bon<br />
état, estimaient qu’il était sécuritaire, avaient hâte<br />
d’être à la maison à la fin de la journée et étaient<br />
globalement heureux de leur logis. Cinq ménages<br />
(10 %) étaient propriétaires et plus de la moitié des<br />
TABLEAU 1<br />
Indicateurs concernant le logement<br />
et le quartier<br />
Ménages étudiés Winnipeg<br />
(%) (%)<br />
Payaient 30 % ou plus<br />
de leur revenua 41 21<br />
Locataires 42 37<br />
Propriétaires<br />
Rapport moyen<br />
33 12<br />
logement / revenu<br />
Propriétaires de<br />
26 17<br />
leur logement<br />
Logements non<br />
10 67<br />
conformes à la NNOb Ont eu de la difficulté<br />
34 S.O.<br />
à trouver un logement<br />
Vivaient dans le<br />
24 S.O.<br />
centre urbain 56 S.O.<br />
Aimaient leur quartier<br />
Se sentaient en sécurité<br />
92 S.O.<br />
dans leur quartier 90 S.O.<br />
a Les ménages canadiens à revenu faible ou modeste payant 30 % ou plus de leur revenu<br />
pour le logement sont considérés comme ayant un problème d’abordabilité du logement.<br />
b Selon la Norme nationale d’occupation (NNO), le nombre de chambres à coucher<br />
était insuffisant pour répondre aux besoins de la structure du ménage selon l’âge,<br />
le sexe et le statut conjugal.<br />
Source : Échantillon de l’étude et Recensement de 2006, Statistique <strong>Canada</strong> (2008).<br />
autres espéraient acheter une maison. Au fil du<br />
temps, ils avaient obtenu de meilleurs logements<br />
et leur stabilité rési dentielle avait augmenté. Un<br />
peu plus de la moitié (56 %) des ménages vivaient<br />
dans le centre urbain de la ville. La plupart ont<br />
mentionné qu’ils aimaient leur quartier, que celuici<br />
soit en ville ou en banlieue. Dans une propor -<br />
tion de 90 %, ils ont indiqué se sentir en sécurité<br />
dans leur quartier. Toutefois, deux tiers ont men -<br />
tion né qu’ils préfé reraient vivre ailleurs, géné -<br />
ralement dans des quartiers à l’extérieur du centre<br />
urbain et moins touchés par le déclin urbain.<br />
Trois quarts des participants connaissaient leurs<br />
voisins, mais à peine un peu plus de la moitié<br />
évaluaient de façon favorable leur interaction<br />
avec eux, ce qui laisse penser que l’interaction et<br />
la communication étaient quelque peu limitées.<br />
Cette situation pouvait nuire au développement<br />
d’un sentiment d’appartenance à leur quartier, de<br />
même qu’à leur apprentissage de la culture locale.<br />
Toutefois, les deux tiers des personnes interrogées<br />
estimaient que les connaissances transmises par<br />
leurs répondants étaient suffisantes pour faciliter<br />
leur intégration. Ils se sentaient suffisamment à<br />
l’aise de vivre à Winnipeg pour s’y sentir « à<br />
leur place ».<br />
Près de 80 % avaient un emploi au moment<br />
de l’entrevue, mais la moitié de ceux qui avaient
cherché du travail avaient eu de la difficulté à<br />
en trouver (Tableau 2). Les compétences linguis -<br />
tiques limitées, le manque d’expérience de travail<br />
au <strong>Canada</strong>, les problèmes de reconnaissance des<br />
titres de compétence étrangers et l’absence de<br />
références ou de recommandations canadiennes<br />
étaient parmi les obstacles majeurs à l’accès à<br />
l’emploi. La moitié de ceux qui avaient un<br />
emploi ne travaillaient pas dans leur domaine<br />
de com pétence, la moitié se sentaient surqualifiés<br />
pour le poste qu’ils occupaient et la quart se<br />
voyaient obligés d’avoir plus d’un emploi. Ils<br />
étaient très peu nombreux à avoir un emploi<br />
hautement rémunéré exigeant des compétences<br />
élevées. Pour la plupart, ils travail laient dans le<br />
secteur de la vente et des services. Le revenu<br />
moyen des membres de l’échantillon était environ<br />
la moitié de celui des ménages de Winnipeg et<br />
68 % étaient dans une situation de pauvreté,<br />
soit trois fois plus que chez l’ensemble de la<br />
population. La moitié des ménages parti cipants ont<br />
mentionné avoir de la difficulté à économiser et<br />
plus du tiers d’entre eux avaient dû, à l’occasion,<br />
recourir aux banques alimentaires (Tableau 2).<br />
Globalement, les membres du groupe à l’étude<br />
estimaient que leur situation, sur le plan physique<br />
et affectif, s’était améliorée depuis leur arrivée et,<br />
à leur avis, leur capacité à faire face au stress<br />
quotidien était meilleure (Tableau 3). Pourtant,<br />
près de 20 % avaient des problèmes de santé<br />
pour lesquels ils n’avaient pas reçu d’aide. Même<br />
si la majorité des ménages estimaient avoir établi<br />
de solides réseaux de soutien, certains ressentaient<br />
encore de la solitude et de l’iso lement social, et<br />
n’avaient ni famille ni amis proches au pays. Fait<br />
étonnant, personne n’était devenu membre<br />
d’un groupe politique ou d’une organisation<br />
commu nautaire ou de quartier, bien que plus<br />
de la moitié avaient fait du bénévolat. Dans<br />
l’ensemble, le niveau d’engagement dans la<br />
société en général était faible.<br />
Le tiers des personnes rencontrées ont déclaré<br />
avoir subi du harcèlement ou de la discrimination<br />
au travail, à l’école ou dans les lieux publics, mais<br />
la plupart estimaient avoir appris comment y faire<br />
face et 70 % d’entre eux se sentaient à l’aise de<br />
s’exprimer et de vivre selon leur propre culture.<br />
La majorité pensaient que les autorités (police<br />
et gouvernement) étaient compréhensives, et les<br />
protégeraient et les aideraient avec justice et<br />
équité (Tableau 3). Les trois quarts estimaient<br />
être toujours traités de la même façon que les<br />
autres Canadiens s’il s’agissait d’avoir accès aux<br />
services ou de faire valoir leurs droits. Le tiers des<br />
TABLEAU 2<br />
Caractéristiques concernant<br />
l’emploi et le revenu<br />
Ménages<br />
étudiés Winnipeg<br />
Ont cherché du travail 90 % S.O.<br />
Ont eu de la difficulté à<br />
trouver du travail 46 % S.O.<br />
Sont employés 78 % S.O.<br />
S’estiment surqualifiés<br />
pour leur emploi 46 % S.O.<br />
Travaillent dans leur<br />
domaine de compétence 39 % S.O.<br />
Se disent heureux de<br />
leur emploi 77 % S.O.<br />
Travaillent dans la<br />
vente et les services 43 % 25 %<br />
Revenu moyen 32 300 $ 63 025 $<br />
Fréquence de la pauvreté 68 % 20 %<br />
Difficulté à économiser 52 % S.O.<br />
Incapables de répondre aux<br />
besoins fondamentaux<br />
du ménage 36 % S.O.<br />
Ont eu recours à une<br />
banque alimentaire a 36 % 3,7 %<br />
a Données de l’Association canadienne des banques alimentaires (2007).<br />
Source : Échantillon de l’étude et Recensement de 2006, Statistique <strong>Canada</strong>, 2008.<br />
TABLEAU 3<br />
Indicateurs sociaux d’établissement<br />
Ont vu leur santé physique et<br />
émotionnelle s’améliorer 54 %<br />
Ont éprouvé des problèmes affectifs<br />
depuis l’arrivée 60 %<br />
Ont amélioré leur capacité à faire face<br />
au stress 86 %<br />
Se sentent à l’aise de faire appel à la police 67 %<br />
Se sentent à l’aise de solliciter<br />
l’aide de fonctionnaires 84 %<br />
Ne connaissent pas leurs voisins 22 %<br />
Ont des compétences pour faire face<br />
à la discrimination 81 %<br />
Se sentent chez eux à Winnipeg 82 %<br />
Ont vu leur bien-être matériel<br />
s’améliorer depuis l’arrivée 84 %<br />
Trouvent la vie au <strong>Canada</strong> meilleure<br />
qu’ils ne le prévoyaient 62 %<br />
Source : Échantillon de l’étude.<br />
participants ont mentionné que la langue était<br />
l’obstacle le plus difficile à surmonter dans<br />
le processus d’établissement. Les deux tiers<br />
avaient suivi une formation linguistique, mais<br />
plusieurs avaient dû se trouver un emploi immé -<br />
diatement et n’ont donc pas pu suivre de cours<br />
de langue seconde.<br />
Nos diverses cités 117
TABLEAU 4<br />
Amélioration au fil du temps – Indicateurs de comparaison<br />
Moins de 2,5 ans Plus de 2,5 ans<br />
Distribution des participants 50 % 50 %<br />
Satisfaits de leur emploi 90 % 68 %<br />
Insatisfaits de leur revenu 56 % 65 %<br />
Travaillent dans leur domaine de compétence 33 % 53 %<br />
Se sentent surqualifiés pour leur travail 28 % 44 %<br />
Revenu moyen du ménage (mensuel) 2 515 $ 2 853 $<br />
Sous le seuil de faible revenu 67 % 68 %<br />
Ratio entre le coût du logement et le revenu 25 % 27 %<br />
Vivent dans des logements sociaux 12 % 20 %<br />
Bien-être matériel meilleur qu’à l’arrivée 80 % 80 %<br />
Heureux des progrès accomplis dans l’adaptation à leur nouvelle vie 28 % 40 %<br />
Source : Échantillon de l’étude.<br />
118 Nos diverses cités<br />
Trajectoires positives au fil du temps ?<br />
Les RPSP visés par la présente étude ont-ils<br />
eu des trajectoires positives, au fil du temps,<br />
dans leur expérience d’établissement et<br />
d’inté gration ? Comme le révèle le Tableau 4,<br />
les résultats sont mitigés. À Winnipeg, la<br />
satisfaction concernant l’emploi a décliné au<br />
fil du temps, même si, dans un pourcentage<br />
plus élevé, les réfugiés travaillaient dans leur<br />
domaine de compétence. Malgré ce dernier<br />
fait, un pourcentage croissant d’entre eux<br />
s’estimaient surqualifiés pour leur travail. Les<br />
revenus avaient augmenté, mais la proportion<br />
des ménages en situation de pauvreté n’avait pas<br />
beaucoup changé. Le rapport entre le revenu et<br />
le coût du logement avait légèrement augmenté,<br />
malgré une plus forte proportion de logements<br />
sociaux, où les loyers sont fixés à 27 % du<br />
revenu. Le surpeuplement des logements avait<br />
diminué et 10 % des personnes interrogées<br />
étaient devenues propriétaires, de sorte que<br />
l’augmentation de la qualité de l’hébergement<br />
peut avoir augmenté le ratio entre le coût du<br />
logement et le revenu. Les 25 participants qui<br />
étaient au <strong>Canada</strong> depuis plus de deux ans et<br />
demi étaient satisfaits de leur logement; les deux<br />
répondants insatisfaits étaient au <strong>Canada</strong> depuis<br />
moins de deux ans et demi. La satisfaction<br />
concernant le quartier était élevée peu importe la<br />
durée du séjour à Winnipeg, mais la proportion<br />
de personnes interrogées affirmant avoir appris<br />
suffisamment pour se sentir à l’aise de vivre dans<br />
la ville ou atteindre leur potentiel avait diminué.<br />
Conséquences stratégiques et orientation<br />
des recherches ultérieures<br />
D’après les résultats de la présente étude, en<br />
règle générale, le programme manitobain de<br />
parrainage des réfugiés par le secteur privé<br />
fonctionne généralement bien. Toutefois, certains<br />
problèmes doivent être réglés. Les parrainages<br />
ne réussissent pas tous. Certaines causes des<br />
échecs ont été relevées par l’étude, mais des<br />
recherches plus poussées s’imposent pour établir<br />
si les répondants ont la capacité d’assumer des<br />
parrainages (souvent, ils sont presque aussi<br />
pauvres que les personnes qu’ils parrainent). Il<br />
apparaît également évident que les personnes<br />
parrainées devraient recevoir de meilleurs<br />
renseignements sur le processus de parrainage<br />
à leur arrivée, notamment sur les organismes<br />
concernés et les endroits où elles peuvent<br />
s’adresser pour obtenir de l’aide si elles sont<br />
abandonnées par leurs répondants. Il serait<br />
également avantageux de désigner une personne<br />
ou un organisme qui soit responsable du suivi,<br />
pour vérifier auprès des personnes parrainées si<br />
le processus de parrainage et d’établissement se<br />
déroule bien. D’après les constatations, le suivi est<br />
insuffisant et, si les parrainages échouent, les gens<br />
sont souvent laissés à eux-mêmes, en terre étran -<br />
gère et dans une culture qu’ils ne connaissent pas.<br />
Bien que le logement n’était pas considéré<br />
comme un obstacle majeur à l’établissement,<br />
il semble qu’au départ, l’accès à un logement<br />
abordable soit difficile. Une augmentation du<br />
nombre de logements abordables faciliterait le<br />
processus d’établissement.<br />
Manifestement, l’une des grandes préoc cu -<br />
pations des RPSP est leur expérience du marché<br />
du travail. Des problèmes majeurs découlent de<br />
la difficulté de trouver du travail, du fait que les<br />
réfugiés ne travaillent pas dans leur domaine de<br />
compétence ou sont surqualifiés pour leur poste,<br />
et qu’ils occupent des emplois peu qualifiés,<br />
souvent sans avenir, dans lesquels ils deviennent
piégés. L’un des obstacles est leur faible niveau<br />
de compétence linguistique. Reçoivent-ils la<br />
formation linguistique dont ils ont besoin ? Si tel<br />
n’est pas le cas, quelle en est la raison ? Doiventils<br />
entrer trop tôt sur le marché du travail pour<br />
subvenir à leurs besoins, parce que leurs répon -<br />
dants n’ont pas la capacité d’assumer les coûts<br />
du parrainage et, par conséquent, sont incapables<br />
de les soutenir pendant qu’ils suivent des cours<br />
de langue seconde ? Faut-il penser que leurs<br />
qualifications et titres de compétences ne sont<br />
pas reconnus adéquatement par les employeurs<br />
canadiens ? Certes, il s’agit là de problèmes, mais<br />
des recherches approfondies s’imposent pour<br />
établir de quelle façon les résoudre.<br />
Il apparaît également évident que le soutien<br />
fourni par les répondants n’est pas toujours<br />
adéquat. En règle générale, les répondants doivent<br />
offrir un soutien financier qui est au moins<br />
égal aux taux courants de l’aide sociale dans<br />
la collectivité. Toutefois, ces taux n’ont pas été<br />
ajustés à l’augmentation du coût de la vie ces<br />
dernières années et n’offrent à personne, pas<br />
plus aux réfugiés qu’aux autres, un niveau de vie<br />
adéquat. Certains répondants sont plus généreux,<br />
mais si les ménages de réfugiés nouvellement<br />
arrivés n’ont que peu de moyens financiers pour<br />
survivre, leur établissement est certainement plus<br />
difficile. La nécessité de recherches plus poussées<br />
se fait sentir, notamment sur le niveau de soutien<br />
(en argent et en nature) fourni par les répondants<br />
et sur le niveau qui serait jugé adéquat.<br />
Les résultats de l’étude sont très utiles pour<br />
évaluer l’efficacité du programme et les expé -<br />
riences d’établissement des réfugiés au Manitoba,<br />
mais il est difficile de les généraliser à l’échelle du<br />
pays. Les caractéristiques des organismes et des<br />
groupes de parrainage, le processus de parrainage,<br />
la situation du marché du travail et des marchés<br />
du logement, et nombre d’autres facteurs diffèrent<br />
d’une ville à l’autre. L’étude de Winnipeg peut<br />
donner des indications générales pertinentes sur<br />
une base géographique plus large et pourrait<br />
être un bon modèle à utiliser pour mettre au<br />
point des initiatives de recherche dans d’autres<br />
villes. Cependant, il faut des études à l’échelle<br />
nationale pour dégager et régler les problèmes<br />
auxquels peuvent se buter les RPSP.<br />
Conclusion<br />
La majorité des RPSP ayant participé à l’étude<br />
avaient une opinion favorable de leur expérience<br />
d’établissement à Winnipeg. En règle générale,<br />
ils estimaient que leur bien-être matériel s’était<br />
amélioré depuis leur arrivée, même si la pro -<br />
portion se disant très heureux de leurs progrès<br />
avait diminué (Tableau 4). Globalement, il y a<br />
raison d’être optimistes. Toutefois, tous n’ont pas<br />
vu leurs attentes comblées, les indicateurs d’éta -<br />
blis sement et d’intégration n’illustrent pas tous<br />
des trajectoires positives et des progrès doivent<br />
être faits dans nombre de domaines avant que les<br />
RPSP atteignent la même qualité de vie que la<br />
société d’accueil.<br />
D’après l’autoévaluation de leur expérience<br />
d’établissement et d’intégration, les RPSP qui sont<br />
à Winnipeg depuis plus longtemps semblent<br />
moins satisfaits. Pour quelle raison ? Parmi les<br />
raisons possibles, mentionnons les suivantes :<br />
ils avaient prévu une amélioration constante et<br />
cela ne s’est pas produit; certaines attentes, par<br />
exemple l’accession à la propriété, n’ont pas été<br />
satisfaites. De plus, leurs attentes étaient peut-être<br />
irréalistes. C’est dans les domaines de l’emploi et<br />
du revenu que les progrès semblent les moins<br />
grands. Les revenus n’ont pas augmenté de façon<br />
appréciable au fil du temps, les niveaux de pau -<br />
vreté demeurent élevés et les situations d’emploi<br />
ne se sont pas beaucoup améliorées. Ces mêmes<br />
problèmes ont été dégagés dans d’autres études.<br />
À propos de l’auteur<br />
TOM CARTER est titulaire de la Chaire de recherche du<br />
<strong>Canada</strong> en évolution et adaptation urbaine et professeur<br />
de géographie à l’Université de Winnipeg. Ses intérêts en<br />
matière de recherche et de politique englobent le logement,<br />
l’évolution des quartiers, la revitalisation urbaine, la politique<br />
sociale et l’intégration des nouveaux arrivants.<br />
Références<br />
Association canadienne des banques alimentaires. 2007.<br />
Bilan-Faim : 2007, Toronto, Association canadienne des<br />
banques alimentaires.<br />
<strong>Canada</strong>. Statistique <strong>Canada</strong>. 2008. Profils des<br />
communautés de 2006 : région métropolitaine de<br />
recensement de Winnipeg, Ottawa, Statistique <strong>Canada</strong>.<br />
Manitoba. Travail et Immigration Manitoba. 2007.<br />
Données factuelles sur l’immigration au Manitoba : rapport<br />
statistique de 2007, Winnipeg, gouvernement du Manitoba.<br />
Nos diverses cités 119
L’évolution sur le plan du logement<br />
pour les réfugiés établis à<br />
Edmonton, à Calgary et à Winnipeg<br />
RICK ENNS<br />
University of Calgary<br />
TOM CARTER<br />
Université de Winnipeg<br />
Les réfugiés ont de la difficulté à trouver des logements abordables. Ce problème est<br />
d’autant plus sérieux qu’ils ne savent pas comment ni où se procurer des renseignements<br />
sur le logement. Ils n’ont pas d’information à jour, fiable et complète sur le marché locatif<br />
et les caractéristiques de chaque quartier offrant des logements. Cette lacune peut être<br />
à l’origine de mauvaises décisions quant au choix du logement et du quartier.<br />
120 Nos diverses cités<br />
De 2006 à 2008, une étude longitudinale sur<br />
les conditions d’établissement et d’intégration<br />
des réfugiés récemment arrivés a été menée<br />
à Winnipeg, Calgary et Edmonton 1 . L’étude<br />
a permis de recueillir des données sur les<br />
caractéristiques socioéconomiques des ménages,<br />
ainsi que sur l’évolution des conditions de<br />
logement et de voisinage de ceux-ci. Au moment<br />
de leur première entrevue, les ménages<br />
interrogés habitaient leurs villes respectives<br />
depuis appro ximativement un an ou moins.<br />
Le présent article porte essentiellement sur<br />
les données recueillies au cours des deux<br />
premières années de l’étude. La première année,<br />
75 ménages ont été interviewés à Winnipeg,<br />
41 à Calgary et 35 à Edmonton. Un an plus tard,<br />
55 de ces mêmes ménages ont été interviewés<br />
à nouveau à Winnipeg, 17 l’ont été à Calgary<br />
et 12 à Edmonton. La discussion portera<br />
essen tiellement sur l’évolution de certains<br />
indicateurs de logement, d’une année à l’autre,<br />
dans les trois villes citées, ainsi que sur d’autres<br />
aspects de l’évolution des conditions dans<br />
1<br />
Les auteurs tiennent à remercier <strong>Metropolis</strong> et Ressources<br />
humaines et Développement des compétences <strong>Canada</strong><br />
d’avoir subventionné ces travaux.<br />
lesquelles vivent les ménages de Winnipeg, dont<br />
nous avons un échantillonnage plus nombreux.<br />
Évolution sur le plan du logement à<br />
Winnipeg, Calgary et Edmonton<br />
Sur le plan du revenu, les données recueillies<br />
démontrent que la situation des ménages<br />
participants s’est graduellement améliorée, et ce,<br />
dans les trois villes à l’étude. La première année,<br />
le revenu mensuel brut moyen était de 1 409 $ à<br />
Edmonton, de 1 836 $ à Calgary et de 1 865 $ à<br />
Winnipeg. La deuxième année, le revenu moyen<br />
des ménages a beaucoup augmenté, soit de<br />
52 % à Calgary, de 32 % à Edmonton et de<br />
31 % à Winnipeg. En ce qui a trait au loyer<br />
moyen, celui-ci était beaucoup plus élevé à<br />
Calgary, où il se situait à 756 $ par mois, tandis<br />
qu’il était de 561 $ à Edmonton et de 566 $ à<br />
Winnipeg. La deuxième année, le loyer avait<br />
augmenté dans les trois villes, mais c’est à<br />
Calgary que la hausse à été la plus importante,<br />
soit de 49 % comparativement à 11 % et 4 %<br />
pour Winnipeg et Edmonton, respectivement<br />
(Tableau 1).<br />
Durant la première année, après déduction de<br />
leur loyer, les ménages de Winnipeg disposaient<br />
de 1 300 $ pour couvrir toutes les autres dépenses
TABLEAU 1<br />
Évolution sur le plan du logement à Winnipeg, à Calgary et à Edmonton<br />
Winnipeg Calgary Edmonton<br />
1re année 2e année Écart 1re année 2e année Écart 1re année 2e année Écart<br />
Revenu brut mensuel des ménages 1 865 $ 2 446 $ 31 % 1 836 $ 2 798 $ 52 % 1 409 $ 1 859 $ 32 %<br />
Loyer mensuel 566 $ 626 $ 11 % 756 $ 1 118 $ 49 % 581 $ 603 $ 4 %<br />
Revenu après déduction du loyer 1 299 $ 1 820 $ 52 % 1 080 $ 1 680 $ 56 % 828 $ 1 256 $ 52 %<br />
Loyer moyen par rapport au revenu 34 % 25 % – 42 % 42 % – 41 % 37 % –<br />
Loyer exigeant 30 % ou plus du revenu 51 % 22 % – 88 % 76 % – 83 % 42 % –<br />
Logement non conforme aux NNO<br />
Loyer moyen d’un logement de<br />
– 36 % – – 25 % – – 36 % –<br />
deux chambres – 746 $ – – 1 096 $ – – 1 000 $ –<br />
Taux d’inoccupation – 1,0 % – – 2,0 % – – 3,4 % –<br />
Source : Les données sous « Loyer moyen d’un logement de deux chambre » et « Taux d’inoccupation » proviennent des Rapports sur le marché locatif de la Société canadiennes d’hypothèques et de logements<br />
(SCHL). Toutes les autres données sont tirées des entrevues menées dans le cadre de cette étude.<br />
de subsistance; ceux de Calgary disposaient<br />
1 080 $, et ceux d’Edmonton, de 828 $. La<br />
deuxième année, grâce à l’augmentation des<br />
revenus, le revenu disponible des ménages après<br />
déduction du loyer avait augmenté d’un peu plus<br />
de 50 % dans les trois villes. Le coût moyen du<br />
logement par rapport au revenu a diminué, entre<br />
la première et la deuxième année, de 34 à 25 %<br />
à Winnipeg, et de 41 à 37 % à Edmonton, mais<br />
il est demeuré stable à 42 % à Calgary, en raison<br />
de la hausse marquée du loyer moyen des<br />
ménages. Le pourcentage des ménages aux prises<br />
avec des difficultés relatives au coût du loyer<br />
(c’est-à-dire dire dont le loyer coûte 30 % ou<br />
plus de leur revenu) varie considérablement<br />
d’une ville à l’autre. Durant la première année,<br />
plus de 80 % de tous les ménages de Calgary et<br />
d’Edmonton devaient consacrer 30 % ou plus<br />
de leur revenu brut, avant taxes, à leur logement.<br />
À Winnipeg, ce pourcentage était de 51 %. La<br />
deuxième année, la situation s’était beaucoup<br />
améliorée à Calgary et à Winnipeg, où le<br />
pourcentage de ménages éprouvant de telles<br />
difficultés a chuté pour atteindre 42 % et 22 %<br />
respectivement. À Calgary toutefois, la situation<br />
ne s’est guère améliorée, avec 76 % des ménages<br />
devant consacrer une part considérable de leur<br />
revenu à leur loyer.<br />
Bien que la capacité de payer un loyer dépende<br />
du revenu, la situation du marché locatif joue<br />
également un rôle majeur. Un appartement de<br />
deux chambres à Calgary coûte 350 $ de plus par<br />
mois que l’équivalent à Winnipeg et, de ce fait,<br />
l’augmentation du revenu, bien qu’elle soit plus<br />
élevée à Calgary, ne résout pas le problème du<br />
coût du loyer comme c’est le cas à Winnipeg. Le<br />
marché locatif d’Edmonton est légèrement plus<br />
abordable que celui de Calgary, mais les loyers<br />
demeurent bien plus élevés qu’à Winnipeg et, par<br />
conséquent, une grande proportion de ménages<br />
(42 %) doivent encore consacrer 30 % ou plus<br />
de leur revenu au logement.<br />
Les types de logements sur le marché locatif,<br />
conçus pour les familles typiques canadiennes,<br />
ne conviennent pas toujours aux familles de<br />
réfugiés, souvent nombreuses. Par conséquent,<br />
ces dernières ont souvent de la difficulté à<br />
trouver ou à payer des appartements ayant<br />
un nombre suffisant de chambres pour loger<br />
convenablement tous les membres de leur<br />
famille. Parmi les rares logements en location<br />
ayant trois chambres ou plus, pratiquement<br />
aucun n’est inoccupé. Et quand un tel logement<br />
devient disponible, le loyer est trop cher pour la<br />
plupart des ménages de réfugiés. De ce fait, ils<br />
vivent dans des logements qui ne satisfont pas<br />
aux Normes nationales d’occupation (NNO) 2 .<br />
Ces logements sont surpeuplés en raison du<br />
rapport entre la taille du ménage, le nombre de<br />
chambres, l’âge des membres, leur sexe et leur<br />
situation matrimoniale. Cette situation touche<br />
36 % des ménages de Winnipeg et d’Edmonton<br />
et 25 % de ceux de Calgary. Dans les trois villes,<br />
on a noté une très légère amélioration sur ce<br />
plan entre la première et la deuxième année.<br />
Situation à Winnipeg<br />
La base de données de Winnipeg a permis<br />
d’approfondir l’analyse de la situation du<br />
2 Selon la Norme nationale d’occupation du <strong>Canada</strong>, il ne<br />
devrait pas y avoir plus de deux personnes par chambre.<br />
Les époux et les couples partagent une chambre, les parents<br />
ne partagent pas de chambre avec les enfants, les personnes<br />
à charge âgées de 18 ans ou plus ne partagent pas leur<br />
chambre et les enfants à charge âgés de cinq ans ou plus,<br />
de sexe opposé, ne partagent pas leur chambre.<br />
Nos diverses cités 121
Un logement adéquat, abordable et offrant la sécurité d’un contrat de bail ne peut pas<br />
régler tous les problèmes auxquels font face les réfugiés, mais il peut leur fournir une base<br />
solide à partir de laquelle ils seront à même de relever plus facilement d’autres défis.<br />
logement et du voisinage telle que vécue par les<br />
ménages de réfugiés. À Winnipeg, ces derniers<br />
faisaient preuve d’une très grande mobilité tandis<br />
qu’ils recherchaient de meilleures conditions de<br />
vie. Au cours de la première année, 93 % ont<br />
déménagé plus d’une fois et 25 %, plus de trois<br />
fois. La durée moyenne d’occupation n’était que<br />
de 12 semaines, ce qui ne peut pas favoriser<br />
l’intégration. Près de 80 % des ménages habitaient<br />
le centre urbain de leur ville. Un quart ne se<br />
sentaient pas en sécurité dans leur quartier et<br />
un pourcentage équivalent ont déclaré que<br />
leur logement était insalubre et leur occa -<br />
sionnait des problèmes de santé. Près de 70 %<br />
souhaitent déménager; la plupart d’entre eux<br />
auraient préféré habiter à l’extérieur du centre<br />
urbain, dans des quartiers à l’abri des problèmes<br />
associés au déclin urbain, tels que la criminalité et<br />
l’insécurité (Tableau 2).<br />
TABLEAU 2<br />
Indicateurs d’établissement et d’intégration<br />
1re année 2e année<br />
Sécurité du quartier<br />
Habite le centre urbain<br />
de la ville 78 % 64 %<br />
Ne se sent pas en sécurité 26 % 17 %<br />
Souhaite déménager<br />
Dimension, état et<br />
salubrité du logement<br />
67 % 57 %<br />
Dimensions correctes 60 % 69 %<br />
En bon état 75 % 58 %<br />
Réparations nécessaires 26 % 42 %<br />
Danger pour les enfants 22 % 16 %<br />
Insalubrité 24 % 13 %<br />
Source : Étude de cas de la ville de Winnipeg.<br />
122 Nos diverses cités<br />
Bien que seulement un quart des ménages<br />
estimaient que les propriétaires et les concierges<br />
étaient peu coopératifs, 19 % ne connaissaient pas<br />
leurs droits et leurs devoirs à titre de locataires<br />
et 40 % n’avaient aucune idée des droits et des<br />
devoirs de leurs propriétaires. Certains estimaient<br />
être victimes de discrimination sur le marché<br />
locatif, ce qui rendait leurs recherches de<br />
logement plus difficiles encore. Sur le plan du<br />
logement, les ménages de réfugiés à Winnipeg ne<br />
pouvaient pas être considérés comme étant un<br />
groupe établi au moment de la première entrevue.<br />
Les entrevues menées la deuxième année<br />
font état d’améliorations avec, notamment, une<br />
satisfaction croissante à l’égard des dimensions<br />
du logement, de la répartition des pièces et de la<br />
sécurité du bâtiment et de l’unité. Les ménages<br />
étaient également plus satisfaits des propriétaires<br />
et des concierges et connaissaient mieux les<br />
responsabilités à la fois du propriétaire et du<br />
locataire. On évoquait moins la question de la<br />
discrimination et un nombre croissant de ménages<br />
se disaient mieux équipés pour y faire face. Une<br />
moindre proportion d’entre eux se sentaient<br />
menacés dans leur quartier, mais près de 60 %<br />
souhaitaient toujours déménager.<br />
En revanche, contrairement à ces tendances<br />
posi tives, on a constaté une insatisfaction<br />
croissante parmi les ménages en ce qui concerne<br />
l’état de leur logement et le délai d’attente pour<br />
obtenir des réparations. À la première entrevue,<br />
25 % déclaraient que leur logement était en<br />
mauvais état. Une année plus tard, ce pourcentage<br />
était passé à 42 %. Les préoccupations concernant<br />
les délais de réparation ont augmenté, passant de<br />
26 % des ménages à 42 %. Or, il se pourrait que<br />
ces chiffres reflètent une meilleure compréhension<br />
des normes auxquelles ils sont en droit de<br />
s’attendre, ou encore le fait qu’ils hésitent moins<br />
à exprimer leurs préoccupations, plutôt qu’une<br />
dégradation réelle de l’état du logement ou de<br />
négligences dans les réparations.<br />
Les caractéristiques de l’emploi, le taux de pau -<br />
vreté et les dépenses des ménages de Winnipeg<br />
mettent en évidence d’autres améliorations, mais<br />
également la situation difficile dans laquelle se<br />
trouvent encore de nombreux ménages après<br />
deux ans. Le pourcentage des ménages dont un<br />
membre est employé à plein temps a augmenté,<br />
passant de 42 % à 66 % entre la première et<br />
la deuxième année. Mais le revenu annuel<br />
moyen, bien qu’il ait augmenté considérablement,<br />
correspond à la moitié seulement du revenu<br />
moyen des ménages de Winnipeg (63 025 $). De<br />
plus, si le taux de pauvreté a diminué, il atteignait<br />
néanmoins trois fois celui de Winnipeg (20 %).<br />
Les dépenses en logement et en alimentation, les
emboursements de dettes et les virements de<br />
fonds ont augmenté, de même que le solde restant<br />
après le paiement de ces frais. Les ménages<br />
disposaient en moyenne de 980 $ par mois<br />
pour couvrir l’ensemble des dépenses : transport,<br />
études, vêtements, épargne, produits de consom -<br />
mation courante, articles personnels, mobilier,<br />
assurances, loisirs, téléphone, câblodiffusion,<br />
Internet et autres (Tableau 3). Il n’est guère<br />
étonnant qu’à la deuxième année, plus de la<br />
moitié des ménages avaient encore de la difficulté<br />
à régler leurs dépenses mensuelles courantes<br />
et à mettre un peu d’argent de côté, notamment<br />
quand les familles étaient presque deux fois<br />
plus nombreuses que la moyenne de Winnipeg<br />
(3,9 personnes contre 2,4).<br />
TABLEAU 3<br />
Caractéristiques de l’emploi, du revenu<br />
et des dépenses des ménages<br />
1re année 2e année<br />
Employé 42 % 66 %<br />
Revenu brut annuel 22 374 $ 29 357 $<br />
Taux de faible revenu 92 % 73 %<br />
Loyer mensuel moyen<br />
Coût mensuel moyen<br />
566 $ 626 $<br />
de l’alimentation<br />
Remboursement mensuel<br />
456 $ 618 $<br />
moyen des dettes 179 $ 197 $<br />
Virements de fonds moyens 168 $ 311 $<br />
Solde du revenu<br />
Difficultés à régler<br />
690 $ 979 $<br />
les dépenses<br />
Impossibilité d’économiser<br />
60 % 54 %<br />
sur une base régulière 66 % 53 %<br />
Source : Étude de cas de la ville de Winnipeg.<br />
Il est à noter que ceux qui ont eu accès au<br />
logement social de Winnipeg ont bénéficié<br />
d’avan tages particuliers en matière de logement.<br />
La première année, un tiers des participants habi -<br />
taient les logements sociaux, mais au cours de la<br />
deuxième année, le pourcentage avait augmenté à<br />
46 %. Dans l’ensemble, les ménages qui habitaient<br />
un logement social étaient plus satisfaits de<br />
leurs conditions de logement que ceux qui<br />
habitaient un logement du secteur privé : le<br />
logement était mieux adapté à leurs besoins et ils<br />
étaient davantage satisfaits de la gestion et de la<br />
sécurité du bâtiment, ainsi que des dimensions, de<br />
l’agencement et de l’état de l’unité. Toutefois,<br />
ils étaient moins heureux de leur quartier et<br />
expri maient des préoccupations au sujet de<br />
l’insécurité du voisinage, sans doute liées<br />
au fait que la plupart des logements sociaux à<br />
Winnipeg ont été construits dans le centre urbain.<br />
Le plus grand avantage des logements sociaux<br />
était leur coût. Les loyers des logements sociaux<br />
étant fixés à 27 % du revenu brut du locataire 3 ,<br />
peu de ménages consacraient plus de 20 % de<br />
leur revenu au loyer, même en tenant compte des<br />
charges supplémentaires qu’ils devaient payer.<br />
En moyenne, les locataires de logements sociaux<br />
payaient 150 $ de moins par mois que les<br />
locataires du secteur privé. En comparaison avec<br />
le logement du secteur privé, le logement social<br />
semble offrir des avantages qui facilitent le<br />
processus d’établissement, comme le montre le<br />
Tableau 4.<br />
TABLEAU 4<br />
Logement social comparé au logement privé<br />
1 re année 2 e année<br />
Privé Social Privé Social<br />
Échantillonnage 68 % 32 % 54 % 46 %<br />
Conforme aux NNO 39 % 65 % 58 % 64 %<br />
Logement satisfaisant 56 % 94 % 73 % 82 %<br />
Sécurité des lieux 74 % 77 % 86 % 68 %<br />
Sécurité du quartier 75 % 71 % 81 % 71 %<br />
Loyer moyen 563 $ 421 $ 610 $ 421 $<br />
Source : Étude de cas de la ville de Winnipeg.<br />
Les réfugiés de l’étude de Winnipeg ont signalé<br />
être aux prises avec des difficultés liées au fait<br />
qu’ils n’étaient pas familiers avec le marché<br />
locatif, les caractéristiques du quartier, et les droits<br />
et les devoirs du locataire. Ils ne connaissaient<br />
pas d’endroit où ils pourraient obtenir les rensei -<br />
gnements fiables et complets dont ils avaient<br />
besoin. Durant la première année d’établissement,<br />
ils ont reçu un soutien considérable de la part de<br />
leurs répondants et des services aux immigrants.<br />
À la deuxième année, les réfugiés avaient<br />
davantage de ressources quand venait le temps de<br />
trouver un logement : leur réseau social était plus<br />
vaste, ils se renseignaient auprès d’agences<br />
immobilières et de sociétés de gestion immo -<br />
bilière, consultaient les sites Web et les journaux<br />
et se sentaient à l’aise pour explorer les différentes<br />
quartiers à pied ou en voiture. Ils connaissaient<br />
mieux la ville et le marché locatif, mais estimaient<br />
qu’ils n’avaient toujours pas suffisamment<br />
d’information pour prendre les meilleures<br />
décisions possibles.<br />
3<br />
Le rapport entre le loyer et le revenu a été établi par Services<br />
à la famille et Logement Manitoba.<br />
Nos diverses cités 123
124 Nos diverses cités<br />
Répercussions sur le plan de la politique<br />
Les difficultés que vivent les réfugiés pour trouver<br />
un logement adéquat et abordable laissent penser<br />
qu’un certain nombre de changements sur le<br />
plan des politiques et des programmes pourrait<br />
faciliter le processus d’établissement et d’inté -<br />
gration. Nous abordons ci-dessous quelques<br />
exemples de ces initiatives.<br />
Il est nécessaire de créer une organisation qui<br />
aurait pour mandat de fournir toute l’infor -<br />
mation sur le logement et les quartiers aux<br />
nouveaux arrivants. Les réfugiés ont de la<br />
difficulté à trouver des logements abordables.<br />
Ce problème est d’autant plus sérieux qu’ils<br />
savent ni comment ni où se procurer des<br />
rensei gnements sur le logement. Ils n’ont pas<br />
d’information à jour, fiable et complète sur le<br />
marché locatif et les caractéristiques de chaque<br />
quartier offrant des logements. Cette lacune peut<br />
être à l’origine de mauvaises décisions quant au<br />
choix du logement et du quartier. Le manque<br />
d’information sur leurs droits et leurs devoirs<br />
rend également les nouveaux arrivants vulné -<br />
rables à l’exploitation ou à l’erreur, du fait qu’ils<br />
peuvent mal interpréter les contrats de bail. Le<br />
problème est exacerbé par le fait qu’il n’existe<br />
aucun organisme pouvant fournir l’information<br />
nécessaire. Plusieurs des personnes interviewées<br />
ont exprimé leur frustration d’avoir à traiter<br />
avec un si grand nombre d’agences pour tenter<br />
d’obtenir l’information dont ils ont besoin.<br />
Bien que l’on constate souvent des relations<br />
relativement positives entre les réfugiés et le<br />
personnel de gestion des propriétés, il apparaît<br />
nécessaire de préparer de l’information et de<br />
la documentation sur le logement, afin que les<br />
propriétaires et les concierges se familiarisent<br />
avec les différences culturelles des nouveaux<br />
arrivants; cela éviterait des malentendus suscep -<br />
tibles de causer des problèmes de bail, voire<br />
des expulsions.<br />
La construction de logements de transition<br />
faciliterait l’établissement et l’intégration. Les<br />
réfugiés considéraient que le fait de pouvoir être<br />
hébergé dès leur arrivée serait bénéfique et leur<br />
serait d’un grand soutien. Un lieu sécuritaire où<br />
vivre était perçu comme la clé de la réussite pour<br />
s’établir dans un nouveau pays. Il assurerait la<br />
stabilité nécessaire pour se reprendre en main.<br />
La priorité absolue en matière de politique est<br />
l’augmentation du parc de logements locatifs<br />
abordables. Les conclusions de l’étude sur l’accès<br />
au logement dans les trois villes, et l’information<br />
supplémentaire sur les locataires du logement<br />
social à Winnipeg, mettent en évidence les avan -<br />
tages de l’accès au logement subventionné. Un<br />
logement adéquat, abordable et offrant la sécurité<br />
d’un contrat de bail ne peut pas régler tous les<br />
problèmes auxquels font face les réfugiés, mais<br />
il peut leur fournir une base solide à partir de<br />
laquelle ils seront à même de relever plus<br />
facilement d’autres défis. Les loyers élevés, on le<br />
constate, épuisent les ressources des ménages,<br />
rongent leurs budgets pour les besoins essentiels<br />
tels que la scolarité, les soins de santé, les<br />
vêtements et l’alimentation. De mauvaises condi -<br />
tions de logement peuvent également menacer la<br />
stabilité de la vie familiale et contribuer à des<br />
sentiments négatifs envers leur milieu.<br />
L’étude illustre l’importance d’un bon logement<br />
dans le processus d’intégration et donne une<br />
bonne idée des situations difficiles que vivent de<br />
nombreux ménages. Elle montre également à quel<br />
point l’état du marché locatif peut se répercuter<br />
sur la capacité des réfugiés à se loger selon<br />
leurs moyens. Toutefois, le logement est un seul<br />
élément parmi une série de facteurs complexes<br />
qui contribuent à une bonne intégration, soit<br />
les compétences linguistiques, la réussite de la<br />
population active, l’absence de discrimination,<br />
l’accès aux renseignements et au soutien adéquats<br />
et le type de quartier. Si l’accès à un logement<br />
convenable et abordable n’est qu’une seule étape<br />
vers un établissement et une intégration réussie,<br />
il procure aux réfugiés la stabilité dont ils ont<br />
besoin pour relever tous les autres défis qui<br />
accom pagnent ce processus de longue haleine.<br />
À propos des auteurs<br />
TOM CARTER est titulaire de la Chaire de recherche <strong>Canada</strong><br />
sur l’Évolution et le changement urbains et professeur de<br />
géographie à l’Université de Winnipeg. Sa recherche et ses<br />
intérêts en matière de politique portent sur le logement,<br />
l’évolution des quartiers, la revitalisation des centres urbains,<br />
la politique sociale et l’intégration des nouveaux arrivants.<br />
RICK ENNS est professeur adjoint à la Faculté de travail<br />
social de la University of Calgary, région du Centre et du<br />
Nord. Ses intérêts en recherche et en enseignement<br />
portent sur l’immigration et le logement, l’immigration<br />
et la pratique du travail social et la santé mentale.<br />
Références<br />
<strong>Canada</strong>. Statistique <strong>Canada</strong>. 2008. Profils des<br />
communautés de 2006 : région métropolitaine de<br />
recensement, Ottawa, Statistique <strong>Canada</strong>.<br />
———. Société canadienne d’hypothèques et de logement.<br />
2007. Rapports sur le marché locatif, Ottawa, Société<br />
canadienne d’hypothèques et de logement.
Parcours scolaires favorisant<br />
l’intégration sociale des élèves<br />
réfugiés africains au Manitoba *<br />
YATTA KANU<br />
University of Manitoba<br />
Pour un État-nation multiculturel comme le<br />
<strong>Canada</strong>, un des enjeux du phénomène migratoire<br />
international tient à la problématique de<br />
l’enseignement, notamment la recherche de<br />
solutions qui reflètent les déclarations et les<br />
idéologies démocratiques nationales. En tant<br />
que politique publique, le multiculturalisme revêt<br />
deux dimensions : la reconnaissance de la diver -<br />
sité culturelle et l’égalité sociale des membres des<br />
minorités (Castles, 2004). La reconnaissance de<br />
la diversité culturelle signifie que la population<br />
majoritaire ainsi que les diverses minorités<br />
acceptent que la société soit composée de groupes<br />
ayant des langues, des religions ainsi que des<br />
valeurs et des pratiques culturelles différentes, et<br />
que la mise en place d’un climat d’acceptation et<br />
de respect réciproques est le préalable à une<br />
société cohésive et pacifique. Les structures et les<br />
pratiques institutionnelles sont nécessairement<br />
adaptées à ce point de vue, de manière à éliminer<br />
les préjugés culturels. La dimension d’égalité<br />
sociale requiert une intervention de l’État pour<br />
garantir que les membres des minorités ethniques<br />
jouissent des mêmes chances dans toutes les<br />
sphères de la société – et sur le marché du travail<br />
en particulier, puisque l’accès aux possibilités<br />
économiques joue un rôle déterminant dans les<br />
résultats sociaux obtenus.<br />
*<br />
Les établissements scolaires peuvent offrir l’égalité des chances et des occasions<br />
d’avancement en intégrant la diversité au programme d’études, aux méthodes pédagogiques<br />
et à l’organisation de la vie scolaire, ainsi qu’en prenant des mesures particulières pour éviter<br />
que les différences socioculturelles et les écarts dans les acquis scolaires attribuables à la<br />
migration et à d’autres facteurs sociaux ne mènent à défavoriser ou à isoler certains jeunes.<br />
L’étude a bénéficié de l’appui financier du Centre <strong>Metropolis</strong><br />
des Prairies (2006-2007).<br />
De toute évidence, l’enseignement joue un<br />
rôle central dans les deux dimensions du multi -<br />
culturalisme. Les établissements scolaires peuvent<br />
offrir l’égalité des chances et des occasions<br />
d’avancement en intégrant la diversité au<br />
programme d’études, aux méthodes péda gogiques<br />
et à l’organisation de la vie scolaire, ainsi qu’en<br />
prenant des mesures particulières pour éviter que<br />
les différences socioculturelles et les écarts dans<br />
les acquis scolaires attribuables à la migration et à<br />
d’autres facteurs sociaux ne mènent à défavoriser<br />
ou à isoler certains jeunes. Là où les occasions et<br />
les chances sont inexistantes, les élèves membres<br />
d’une minorité ont tendance à se retrouver pris<br />
dans un engrenage débouchant sur l’assimilation<br />
dans une sous-classe d’un quartier défavorisé<br />
(Portes et Zhou, 1993) et à établir un faible lien<br />
d’attachement avec l’État-nation (Bank, 2008).<br />
Ainsi, à mesure qu’ils voient les clientèles scolaires<br />
se diversifier sur les plans culturel, racial, ethnique<br />
et linguistique, les États-nations démocratiques<br />
multiculturels ont besoin d’outils solides et fiables<br />
pour les aider à surmonter les obstacles que pose<br />
la migration internationale dans l’enseignement.<br />
Sont présentés ici les résultats d’une recherche<br />
menée en 2006-2007, qui visait justement à<br />
recommander un tel outil pour un groupe<br />
d’immigrants arrivés depuis peu au <strong>Canada</strong> :<br />
des élèves réfugiés africains. Ce groupe affichait<br />
déjà un taux élevé de décrochage scolaire. L’article<br />
définit quels sont les besoins éducatifs et les<br />
Nos diverses cités 125
Plus de la moitié des élèves participants ont dit qu’ils occupaient un emploi à plein temps<br />
(travaillant de 16 h à minuit) pour subvenir à leurs besoins et à ceux des parents laissés<br />
derrière, ainsi que pour rembourser au gouvernement canadien le coût du transport<br />
aérien et du programme de réinstallation. Il est presque impossible de conjuguer<br />
huit heures de travail chaque jour avec les travaux scolaires.<br />
126 Nos diverses cités<br />
obstacles propres à ce groupe d’élèves, en souli -<br />
gnant ce que les décideurs, les établissements<br />
scolaires, les enseignants, les administrateurs<br />
scolaires et autres fournisseurs de services peuvent<br />
faire pour faciliter l’acculturation, l’intégration<br />
sociale et la réussite scolaire des élèves réfugiés<br />
africains dans la province canadienne du Mani -<br />
toba. À l’échelle mondiale, les résultats de cette<br />
étude trouvent application dans d’autres pays qui<br />
accueillent des groupes similaires d’élèves réfugiés.<br />
Problématique de recherche<br />
Ces sept dernières années, sept des dix prin cipaux<br />
pays sources de réfugiés pour le Manitoba étaient<br />
des pays du continent africain, ces nouveaux<br />
arrivants comptant pour plus de la moitié de<br />
la population de réfugiés au Manitoba (Mackay<br />
et Tavares, 2005). La composition actuelle de<br />
la population de réfugiés dans les écoles reflète<br />
les principaux pays sources – l’Éthiopie,<br />
l’Afghanistan, le Soudan, la Sierra Leone et la<br />
Somalie – qui contribuent actuellement à l’afflux<br />
de réfugiés au Manitoba. Représentant la plus<br />
forte proportion d’élèves réfugiés dans les écoles<br />
du Manitoba, les élèves africains méritent de<br />
faire l’objet d’une recherche pour deux raisons<br />
principales : d’abord, leurs besoins en ensei -<br />
gnement sont particuliers, en tant qu’adolescents<br />
et jeunes dont les études ont été perturbées par un<br />
contexte de guerre, sans programmes de soutien<br />
efficaces et suffisants pour eux; ensuite, leur<br />
difficulté à s’intégrer dans la culture du pays hôte<br />
est propre à leur situation, en raison de leur<br />
phénotype, de leur ethnicité et de leurs croyances<br />
islamiques, tous des éléments qui, selon les<br />
études réalisées antérieurement, alimentent la<br />
discri mination et le racisme à leur égard (McBrien,<br />
2005; Mackay et Tavares, 2005). Ces conditions<br />
pourraient avoir nui à l’adaptation psychosociale<br />
et au bien-être des élèves réfugiés africains; c’est<br />
d’ailleurs un thème récurrent dans la docu -<br />
mentation publiée sur les besoins des réfugiés (par<br />
exemple, Bankston et Zhou, 2002; Mosselson,<br />
2002). De tels obstacles peuvent compromettre la<br />
capacité d’apprentissage des élèves réfugiés<br />
affectés par la guerre (Sinclair, 2001) et expliquent<br />
peut-être l’effarant taux de décrochage scolaire<br />
enregistré dans le groupe des élèves réfugiés<br />
africains dans l’Ouest canadien. Par exemple,<br />
Roessingh et Field (2000) ont fait état d’un taux de<br />
décrochage aussi bas que 60 % ou aussi élevé que<br />
95 % chez les élèves d’anglais langue seconde<br />
(ALS) de niveau débutant en Alberta (nombre<br />
d’entre eux sont des élèves réfugiés africains)<br />
pendant les années d’études secondaires. Dans le<br />
cadre de leur recherche au Manitoba, Mackay et<br />
Tavares (2005) ont également découvert que la<br />
plupart des élèves réfugiés quittent le système<br />
scolaire avant d’avoir atteint la douzième année<br />
de scolarité. Ce taux élevé de décrochage<br />
peut expliquer l’augmentation des activités de<br />
gangs de criminels, de la prostitution et de la<br />
toxicomanie chez nombre de jeunes Africains<br />
(ACOMI, 2006). Cette situation a pour résultat<br />
qu’ils sont représentés dans les médias comme la<br />
cause « d’un fléau en croissance dans le centreville<br />
» (Winnipeg Free Press, 2005).<br />
La présente recherche s’articule autour de trois<br />
questions : 1) De quoi les élèves réfugiés africains<br />
ont-ils besoin pour réussir dans les écoles<br />
canadiennes ? 2) Quels sont les obstacles à leur<br />
réussite ? 3) Quels genres d’interventions leur per -<br />
met traient de surmonter ces obstacles ? Les besoins<br />
en matière d’éducation englobent les besoins<br />
scolaires, sociaux, psychologiques, linguistiques et<br />
économiques. Il s’agit d’une étude exploratoire<br />
ayant pour objet de définir les conditions inter -<br />
dépendantes qui renforcent ou compro mettent la<br />
capacité des élèves réfugiés africains à participer<br />
pleinement à la vie canadienne.<br />
Méthodologie<br />
L’étude portait sur un groupe de réfugiés africains<br />
affectés par la guerre et fréquentant deux écoles<br />
secondaires de Winnipeg. Ils étaient originaires<br />
notamment de l’Éthiopie, du Soudan, de la Sierra<br />
Leone et de la Somalie. Ces sujets ont été choisis<br />
non seulement parce qu’une forte proportion des<br />
élèves arrivés récemment au Manitoba étaient des<br />
réfugiés des pays sources énumérés ci-dessus,
mais aussi en raison des difficultés qu’ils repré -<br />
sentent pour les enseignants, les établis sements<br />
scolaires et la communauté du Manitoba. Les<br />
écoles secondaires de Winnipeg ont été choisies<br />
pour trois raisons : la majorité des élèves réfugiés<br />
habitent les centres urbains, ils sont de plus en<br />
plus visibles surtout dans la région de Winnipeg<br />
et la difficulté de répondre à leurs besoins est<br />
particulièrement aiguë pendant les études<br />
secondaires (Mackay et Tavares, 2005).<br />
Au nombre des participants à l’étude figuraient<br />
40 élèves africains de deux écoles secondaires<br />
ayant la plus forte concentration d’élèves<br />
originaires de l’Éthiopie, du Soudan, de la Sierra<br />
Leone et de la Somalie (de 15 % à 20 % de<br />
l’effectif scolaire), le directeur et quatre ensei -<br />
gnants de chaque école, quatre parents et un<br />
dirigeant communautaire pour chacune des<br />
quatre communautés africaines susmentionnées.<br />
La collecte des données a été effectuée au moyen<br />
de groupes de discussion réunissant les élèves<br />
africains, par l’observation des interactions<br />
que ces élèves avaient avec leurs pairs et les<br />
enseignants dans l’école et en classe, et par le suivi<br />
de leur participation aux activités sportives et<br />
récréatives de l’école. Des entrevues individuelles<br />
ont également été réalisées avec 20 élèves ainsi<br />
qu’avec les directeurs, les enseignants, les parents<br />
et les dirigeants communautaires participants.<br />
Les données recueillies ont été interprétées<br />
plusieurs fois, regroupées sous forme d’unités<br />
d’analyse pertinentes et codées. Les chercheurs<br />
ont utilisé à la fois des codes a priori (élaborés au<br />
préalable d’après les questions de recherche et les<br />
cadres théoriques de l’étude – soit des théories<br />
d’acculturation axées sur le bien-être psycho social,<br />
l’adaptation et l’intégration des immigrants) et des<br />
codes inductifs produits à partir de l’examen des<br />
données. Des catégories et des thèmes ont ensuite<br />
été déterminés et analysés à l’aide de logiciels<br />
d’analyse tels que NUD*IST et Ethnograph.<br />
Résultats<br />
Élèves<br />
Pour les élèves réfugiés africains, le réétablis -<br />
sement au <strong>Canada</strong> comporte des avantages et des<br />
inconvénients. D’un côté, la chance de vivre en<br />
paix au <strong>Canada</strong> et d’aller à l’école est jugée « d’une<br />
valeur inestimable », l’équivalent de « gagner à<br />
la loterie », et certains enseignants offrent géné -<br />
ralement de l’aide en classe. De l’autre côté, de<br />
multiples facteurs, souvent fort complexes, créent<br />
des difficultés d’ordre scolaire, économique et<br />
psychologique, et constituent des obstacles à<br />
l’intégration et à la réussite scolaire. Au nombre<br />
de ces facteurs figurent la pauvreté, la séparation<br />
de la famille, l’isolement, la discordance culturelle<br />
et le stress lié à l’acculturation, le racisme perçu,<br />
l’accès limité au counselling psychologique, la<br />
difficulté d’obtenir les compétences scolaires<br />
requises, la maîtrise limitée de l’anglais, les<br />
lacunes attribuables à la perturbation des études,<br />
les sentiments de peur et de méfiance à l’égard des<br />
figures d’autorité (notamment des ensei gnants), la<br />
peur de parler devant la classe et en public pour<br />
les élèves qui n’ont pas « l’accent canadien », et la<br />
crainte d’être la cible des gangs dans les quartiers<br />
pauvres du centre-ville. D’après les observations<br />
effectuées dans l’école et en classe, les élèves<br />
réfugiés africains échangent très peu avec leurs<br />
pairs non africains, et ils ne participent pas aux<br />
sports scolaires, à l’exception de quelques élèves<br />
qui jouent au soccer. Plusieurs jeunes de la Sierra<br />
Leone et du Soudan ont relaté des expériences<br />
horribles qu’ils ont vécues avant leur émigration.<br />
Quelques-uns, par exemple, ont vu des enfants se<br />
faire couper les mains ou ont été témoins de<br />
l’assassinat de membres de leur famille dans les<br />
camps de réfugiés. Le souvenir de ces trauma -<br />
tismes et d’autres expériences éprouvantes les<br />
habite toujours, et comme ils n’ont reçu aucun<br />
traitement médical ou psychologique, ces expé -<br />
riences interfèrent avec leur apprentissage. Au<br />
sujet des expériences postérieures à leur arrivée au<br />
<strong>Canada</strong>, nombre des élèves disent se débrouiller<br />
par eux-mêmes, parce qu’ils ont perdu leurs<br />
parents et sont arrivés au pays en tant que<br />
« mineurs non accompagnés ». D’autres vivent<br />
avec un parent célibataire ou dans une famille<br />
reconstituée composée principalement des amis<br />
qu’ils se sont faits dans les camps de réfugiés. Plus<br />
de la moitié des élèves participants ont dit qu’ils<br />
occupaient un emploi à plein temps (travaillant de<br />
16 h à minuit) pour subvenir à leurs besoins et à<br />
ceux des parents laissés derrière, ainsi que pour<br />
rembourser au gouvernement canadien le coût du<br />
transport aérien et du programme de réinstal -<br />
lation. Il est presque impossible de conjuguer huit<br />
heures de travail chaque jour avec les travaux<br />
scolaires; ces conditions, en plus du classement<br />
en fonction de l’âge plutôt qu’en fonction des<br />
compétences scolaires, contribuent à leur mauvais<br />
rendement scolaire et à leur frustration. En<br />
dépit de ces épreuves, et contrairement aux<br />
conclusions d’études antérieures, aucun de ces<br />
élèves n’envisage d’abandonner les études avant<br />
d’avoir terminé le secondaire. Bon nombre<br />
Nos diverses cités 127
128 Nos diverses cités<br />
aspirent à devenir des travailleurs professionnels<br />
capables d’apporter une contribution à leur<br />
nouveau pays.<br />
Les interventions proposées par les élèves<br />
visent, pour la plupart, à améliorer le contexte<br />
scolaire et à aider les jeunes originaires de pays<br />
affectés par la guerre. Parmi leurs suggestions,<br />
notons l’adaptation par les enseignants du<br />
rythme et du contenu du programme d’études;<br />
la mise sur pied d’activités sportives et récré -<br />
atives adaptées à la réalité culturelle; l’accès à<br />
des services de counselling psychologique; la<br />
patience de la part de certains enseignants;<br />
un soutien scolaire, surtout en mathématiques et<br />
en science; des programmes de cours d’anglais<br />
prolongés; moins de racisme de la part de<br />
certains enseignants, administrateurs scolaires et<br />
pairs nés au <strong>Canada</strong>; une école plus accueillante<br />
(par exemple, en ajoutant des mets ethniques au<br />
menu de la cafétéria de l’école ou en réservant<br />
une salle pour les prières musulmanes). Les<br />
élèves en appellent également au gouvernement<br />
fédéral pour qu’il diminue le stress économique<br />
et psychologique imposé aux familles de réfugiés<br />
en renonçant au remboursement du prêt d’aide<br />
au réétablissement et en reconnaissant les<br />
qualifications et études antérieures de leurs<br />
parents (« afin que mon père puisse obtenir un<br />
emploi mieux rémunéré au <strong>Canada</strong> »).<br />
Directeurs<br />
Les directeurs estiment que les décideurs doivent<br />
être renseignés au sujet des difficultés particulières<br />
relatives à l’éducation des élèves réfugiés, en vue<br />
de faire financer des programmes qui appuient<br />
l’adaptation de ces derniers – par exemple, des<br />
cours de perfection nement professionnel pour les<br />
enseignants et les administrateurs scolaires; des<br />
cours d’anglais prolongés pour les élèves réfugiés;<br />
des programmes de counselling psychologique<br />
« qui seraient offerts dans l’école même et non<br />
quelque part dans une quelconque communauté<br />
éloignée »; des programmes de rattrapage<br />
extrascolaires qui aideraient à combler les lacunes<br />
des élèves étrangers et les tiendraient éloignés<br />
des gangs; des pro grammes de cours d’anglais<br />
pour les parents réfugiés (afin de faciliter la<br />
communication avec l’école); l’embauche d’un<br />
plus grand nombre d’assistants en éducation pour<br />
pouvoir offrir un enseignement individualisé<br />
en classe aux élèves réfugiés africains; l’embauche<br />
d’un membre du personnel pour assurer la liaison<br />
entre l’école et les communautés et pour appuyer<br />
les élèves réfugiés.<br />
Enseignants<br />
Les enseignants qui ont participé à l’étude ont<br />
exprimé beaucoup d’intérêt et d’espoir à<br />
l’égard de la réussite scolaire de leurs élèves<br />
réfugiés africains, et quelques-uns d’entre eux<br />
ont dit investir beaucoup de temps et de<br />
ressources personnelles afin d’aider ces élèves<br />
à réussir sur les plans scolaire et social – par<br />
exemple, en assistant à des séances d’infor -<br />
mation au sujet des élèves réfugiés africains,<br />
en se rendant disponibles en dehors des heures<br />
de classe et en utilisant leur propre argent pour<br />
acheter des ressources pédagogiques adaptées à<br />
la culture. Beaucoup ont cependant commenté<br />
la com plexité des rôles et des responsabilités qu’ils<br />
assumaient désormais en tant que con seillers<br />
psycho logiques, travailleurs sociaux, mentors<br />
et employés de centre de réfugiés, pour enseigner<br />
à ces élèves comment vivre dans la société<br />
canadienne. Fait intéressant, il ressort de l’étude<br />
que même si la clientèle étudiante des écoles<br />
participantes montrait une certaine évolution, le<br />
programme d’études, les méthodes d’ensei -<br />
gnement et d’éva luation et les modèles d’inter -<br />
action de nombreux enseignants ne semblaient<br />
pas s’adapter à cette population changeante.<br />
Il semble que les objectifs péda go giques, la<br />
conception de la matière et les croyances à l’égard<br />
des élèves déter minent dans une grande mesure si<br />
les enseignants entre pre nnent ou non de revoir<br />
et de modifier le programme d’études et leurs<br />
méthodes pédagogiques.<br />
Parents<br />
Les parents qui ont participé à l’étude nourrissent<br />
de grandes aspirations pour leurs enfants dans<br />
leur nouveau pays. Cependant, les préoccupations<br />
à l’égard de la survie éco nomique (par exemple,<br />
certains occupent trois emplois), le rythme plus<br />
lent d’acculturation et d’adaptation compara -<br />
tivement à celui des enfants, l’impression d’avoir<br />
perdu leur autorité parentale dans la nouvelle<br />
culture, la maîtrise limitée de l’anglais ainsi que la<br />
solitude et la frustration des parents (« Nous ne<br />
savons pas où aller pour obtenir des conseils ou<br />
du soutien ») sont autant de facteurs qui rendent<br />
les parents inaptes à fournir le soutien dont<br />
leurs enfants ont besoin pour réussir à l’école.<br />
Les parents ont également cité le manque de<br />
reconnaissance de leurs acquis scolaires et<br />
professionnels comme principale source de stress<br />
psychosociale et économique, en conséquence<br />
de quoi ils doivent conserver des emplois peu<br />
qualifiés et mal rémunérés.
À en juger d’après les besoins en main-d’œuvre prévus au Manitoba, la province<br />
bénéficierait de la réussite scolaire des jeunes immigrants, y compris les élèves réfugiés<br />
africains, dont le nombre a augmenté continuellement ces sept dernières années.<br />
Dirigeants communautaires<br />
Les dirigeants communautaires ont énuméré<br />
quelques succès. Par exemple, quelques-uns de<br />
leurs jeunes sont rendus au niveau universitaire,<br />
des équipes de soccer et des cours d’été ont été<br />
créés pour aider les jeunes à rester dans le droit<br />
chemin. Ils ont également mentionné des échecs,<br />
dont un nombre croissant de jeunes qui se<br />
retrouvent en prison pour des affaires de drogues<br />
ou d’autres crimes. Chaque dirigeant a décrit les<br />
organisations ethniques communautaires qui ont<br />
été mises sur pied – grâce aux fonds d’organismes<br />
locaux comme la Winnipeg Foundation – pour<br />
aider les jeunes à s’intégrer et à réussir en milieu<br />
scolaire. Ils en appellent aux admi nistrations pro -<br />
vin ciales et municipales pour qu’elles augmentent<br />
leur soutien financier, car les installations<br />
récréatives existantes dans leurs communautés<br />
(par exemple, les patinoires) ne sont pas<br />
appropriées pour les Africains (« Nous ne jouons<br />
pas au hockey et n’avons personne pour<br />
l’enseigner à nos enfants »).<br />
Incidence sur les politiques<br />
Malgré les différences de nationalité et d’ethni -<br />
cité observées entre les participants à l’étude,<br />
leurs expériences communes en tant que réfugiés<br />
ont permis d’établir des parallèles intéressants eu<br />
égard à leurs besoins en éducation et aux enjeux<br />
de l’intégration et de la réussite scolaire. De toute<br />
évidence, le stress psychologique vécu avant et<br />
pendant l’émigration, stress qui demeure non<br />
traité à ce jour, ajouté aux difficultés éprouvées<br />
après l’arrivée dans le pays hôte, compromettent<br />
la capacité de ces élèves à s’adapter à leur<br />
nouvelle vie et à bien gérer leur travail scolaire.<br />
Quand cette situation est exacerbée par le<br />
racisme perçu chez les pairs et les enseignants, la<br />
confiance et l’estime de soi des élèves réfugiés se<br />
trouvent gravement atteintes. Un tel contexte<br />
favorise la naissance de sentiments de rejet,<br />
d’impuissance et de frustration. Elle favorise aussi<br />
le décrochage scolaire, même quand ce dernier<br />
recours n’est pas souhaité. Quant aux parents,<br />
leurs croyances personnelles au sujet de leur rôle<br />
et de leur autorité, sans compter leurs propres<br />
difficultés d’intégration et de survie, font en<br />
sorte qu’ils sont mal préparés à fournir à leurs<br />
enfants le soutien dont ils ont besoin pour réussir<br />
à l’école. Les ressources insuffisantes des écoles<br />
et l’isolement des divers fournisseurs de services<br />
– éducateurs, services d’hébergement et d’aide<br />
aux familles, travailleurs du domaine de la santé<br />
– peuvent grandement compromettre la capacité<br />
de ces organismes à offrir les services nécessaires<br />
pour appuyer les élèves réfugiés affectés par<br />
la guerre.<br />
Les données laissent entendre que des amélio -<br />
rations sont nécessaires tant dans le macrosystème<br />
(gouvernements fédéral et provinciaux) que dans<br />
le microsystème (école, famille). Le gouvernement<br />
fédéral doit adopter des politiques qui aideraient à<br />
atténuer quelques-unes des difficultés cernées dans<br />
le cadre de l’étude. Par exemple, une augmentation<br />
marquée du nombre d’agents d’immigration<br />
canadiens en poste dans les pays et régions de<br />
l’Afrique permettrait d’accélérer le processus de<br />
sélection des réfugiés et d’approbation pour le<br />
réétablis sement au <strong>Canada</strong>; les études des jeunes<br />
seraient ainsi moins perturbées, puisque le temps<br />
d’attente dans les camps de réfugiés s’en trouverait<br />
raccourci. L’amélioration des modes d’intégration<br />
des réfugiés – par exemple, en renonçant au<br />
remboursement des prêts d’aide au réétablis sement<br />
accordés par le gouver nement fédéral, en recon -<br />
naissant les titres de compétences étrangers pour<br />
certains métiers et professions et en offrant des<br />
occasions de recyclage dans d’autres domaines –<br />
aiderait à réduire le fardeau écono mique des<br />
familles de réfugiés, augmenterait les chances des<br />
parents réfugiés d’obtenir des emplois mieux<br />
rémunérés et diminuerait le stress psycho logique<br />
des familles.<br />
À en juger d’après les besoins en main-d’œuvre<br />
prévus au Manitoba (Travail et Immigration<br />
Manitoba, 2006), la province bénéficierait de la<br />
réussite scolaire des jeunes immigrants, y compris<br />
les élèves réfugiés africains, dont le nombre a<br />
augmenté continuellement ces sept dernières<br />
années. La province doit donc augmenter les<br />
ressources financières et autres afin d’améliorer le<br />
microsystème dans lequel ces élèves évoluent. Des<br />
programmes de counselling psychologique et de<br />
meilleurs logements dans des quartiers plus sûrs<br />
Nos diverses cités 129
130 Nos diverses cités<br />
augmenteraient le bien-être des élèves réfugiés et<br />
diminueraient leur niveau de stress. Une meilleure<br />
coordination des services de soutien aux réfugiés,<br />
qui s’appuierait sur un dialogue avec les réfugiés<br />
eux-mêmes, augmenterait l’efficacité des services<br />
offerts. De plus, un financement provincial<br />
accru renforcerait la capacité des établissements<br />
scolaires à offrir les programmes spécialisés<br />
nécessaires pour l’éducation des élèves réfugiés.<br />
Il ressort de l’étude que les écoles ont déjà<br />
entrepris plusieurs initiatives pour répondre<br />
aux besoins des élèves étrangers. Elles doivent<br />
cependant faire davantage pour honorer leur<br />
engagement à l’égard de la diversité et de<br />
l’inclusivité ainsi que pour éliminer quelques-uns<br />
des obstacles relevés par l’étude. Par exemple, de<br />
meilleures pratiques d’évaluation initiale et de<br />
classement contribueraient à apaiser la frustration<br />
des élèves réfugiés et stimuleraient leur motivation<br />
pour l’appren tissage. Une meilleure compré -<br />
hension de la situation des parents réfugiés (par<br />
exemple, que les parents se battent pour assurer<br />
leur survie économique et s’adapter à une nouvelle<br />
culture) atténuerait la frustration chez les<br />
enseignants et les administrateurs scolaires<br />
par rapport au manque d’implication des parents<br />
dans l’éducation de leurs enfants qu’ils croient<br />
percevoir. Cette compréhension favo riserait<br />
également la formation de meilleures relations<br />
avec la communauté. La déségrégation des élèves<br />
d’ALS par rapport à leurs pairs nés au <strong>Canada</strong><br />
favoriserait l’interaction entre les deux groupes,<br />
accélérerait l’acculturation, briserait l’isolement et<br />
augmenterait la confiance chez les élèves réfugiés<br />
africains. Les enseignants ont besoin de cours de<br />
développement professionnel pour approfondir<br />
leurs connaissances et modifier leurs attitudes à<br />
l’égard de ce nouveau groupe d’élèves. Par ce<br />
genre de formation, les ensei gnants accroîtraient<br />
leur efficacité personnelle et collective, ce qui<br />
mènerait peut-être à l’adaptation des programmes<br />
d’études et des méthodes pédagogiques au profit<br />
des élèves réfugiés africains. Enfin, en s’efforçant<br />
de recueillir et de diffuser des renseignements<br />
culturels exacts sur les élèves réfugiés africains,<br />
l’école aiderait à diminuer les préjugés et à modi -<br />
fier les attitudes négatives. Mais les enseignants<br />
doivent aussi adopter une vision plus large qui<br />
englobe les objectifs pédagogiques et les croyances<br />
au sujet de la matière et des élèves. Dans cette<br />
optique, en créant une solide communauté<br />
professionnelle et en maintenant le dialogue<br />
avec leurs collègues d’autres écoles pour les aider<br />
à répondre aux besoins d’une clientèle diversifiée,<br />
les enseignants obtiendraient le soutien dont ils<br />
ont besoin pour adopter de nouvelles pratiques<br />
profitables à tous les élèves.<br />
À propos de l’auteure<br />
YATTA KANU est professeure adjointe à la faculté d'éducation<br />
de la University of Manitoba, où elle enseigne la recherche<br />
qualitative sur les programmes de cours et les études<br />
sociales en éduction. Ses recherches portent sur la culture et<br />
l'appren tissage des étudiants, l'éducation des réfugiés et la<br />
théorie des programmes de cours. On peut communiquer<br />
avec elle à .<br />
Références<br />
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Citizenship Education in a Global Age », Educational<br />
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Doing Well: Self-Esteem and School Performance Among<br />
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Dissertation Abstracts International, vol. 63, no 4,<br />
section A, p. 1287 (UMI no 3048196).<br />
Portes, A., et M. Zhou. 1993. « The New Second<br />
Generation: Segmented Assimilation and its Variants »,<br />
Annals of the American Academy of Political and Social<br />
Science, no 530, p. 74-96.<br />
Roessingh, K., and E. Field. 2000. « Time, Timing and Time -<br />
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School ESL Learners », TESL <strong>Canada</strong> Journal, no 18, p. 17-31.<br />
Sinclair, M. 2001. « Education in Emergencies », dans<br />
J. Crisp, C. Talbot et D. B. Cipollone (dir.), Learning for a<br />
Future: Refugee Education in Developing Countries, Haut<br />
Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, Genève,<br />
Publications des Nations Unies.<br />
Winnipeg Free Press. 2005. « African Gangs: A Growing<br />
Problem in the Inner City » (30 novembre), section B6.
Dans une perspective de choix rationnel, quelles bonnes raisons peut avoir un immigrant<br />
francophone, appartenant à une minorité dite « visible », de vouloir s’intégrer<br />
professionnellement au sein de la minorité francophone du Manitoba<br />
plutôt qu’à la majorité anglophone ? Quels avantages y voit-il ?<br />
Quels sont les obstacles qu’il doit surmonter ?<br />
L’intégration en emploi des<br />
immigrants francophones<br />
racisés à Winnipeg<br />
Résumé d’une étude exploratoire<br />
JEAN LAFONTANT<br />
Université du Québec à Montréal<br />
Ce texte résume une étude exploratoire de<br />
nature qualitative (Lafontant, 2007), à portée<br />
essentiel lement descriptive et indicative, qui<br />
a été effectuée en 2004 sur les expériences<br />
d’intégration, notamment dans le marché<br />
de l’emploi, d’un ensemble d’immigrants<br />
francophones résidant à Winnipeg, presque<br />
exclusivement composé d’hommes. Certains sont<br />
au pays depuis 1996, mais la plupart sont arrivés<br />
après l’année 2000, en provenance de l’Afrique<br />
sub-saharienne et surtout de la République<br />
démocratique du Congo. La question socio logique<br />
qui a guidé cette étude peut être formulée comme<br />
suit : dans une perspective de choix rationnel,<br />
quelles bonnes raisons 1 peut avoir un immigrant<br />
francophone, appartenant à une minorité dite<br />
1 Outre, bien entendu, l’atout technique de pouvoir communiquer<br />
en français dans ce qu’on pourrait désigner comme le circuit<br />
d’emplois où le français est la langue de travail. Pour les besoins<br />
de l’étude, un circuit est défini comme un marché limité, c’est-àdire<br />
un marché comportant des conditions préalables de statut<br />
socialement héritées, (c’est-à-dire de parenté biologique ou de<br />
familiarité culturelle); par opposition, un marché, dans le sens<br />
strict du mot, est un système ouvert où seules comptent les<br />
compétences professionnelles dont l’acquisition est accessible à<br />
tous et résulte donc d’un choix personnel.<br />
« visible 2 », de vouloir s’intégrer profession -<br />
nellement au sein de la minorité francophone du<br />
Manitoba plutôt qu’à la majorité anglophone ?<br />
Quels avantages y voit-il ? Le cas échéant, quels<br />
sont les obstacles qu’il doit surmonter ?<br />
L’hypothèse de départ était que les enjeux liés<br />
à l’emploi (rapidité d’obtention d’un emploi,<br />
satisfaction quant au niveau de qualification et<br />
de rétribution de ces emplois en fonction des<br />
qualifications et de l’expérience du candidat)<br />
constituent les facteurs majeurs de l’insertion<br />
des immigrants dans leur nouvelle société. À<br />
cela s’ajoutent les questions d’accueil (sentiment<br />
d’être les bienvenus) et de négociation (des<br />
immigrants avec eux-mêmes et avec les<br />
accueillants) quant au partage des traditions du<br />
pays d’origine et de celles de leur nouveau pays.<br />
Repères méthodologiques<br />
À part les registres du Recensement, et exception<br />
faite de certains groupes tels les réfugiés et<br />
les immigrants désignés (sponsored) par les<br />
provinces signataires de l’Accord, il n’existait<br />
pas, au moment de la planification de l’enquête<br />
(début 2004), de listes par province ou région<br />
métropolitaine dans lesquelles on puisse<br />
Nos diverses cités 131
La grande majorité des répondants se perçoivent différents des<br />
Canadiens à cause de leur couleur de peau et de l’altérité que<br />
cette couleur laisse supposer […] Cette différence n’est pas neutre.<br />
Telle qu’ils l’estiment perçue par la population d’accueil, elle tend à<br />
diminuer leur estime d’eux-mêmes, dans diverses situations quotidiennes.<br />
132 Nos diverses cités<br />
retrouver des informations détaillées sur les<br />
immigrants de tous les statuts ainsi que sur les<br />
« minorités visibles ». Il a donc fallu établir une<br />
liste qui refléterait le mieux possible la réalité du<br />
terrain, sans qu’on puisse pourtant s’en assurer<br />
autrement qu’en confrontant a posteriori les<br />
résultats avec ceux des recherches faites à partir<br />
des microdonnées (celles du Recensement de<br />
2001, alors à venir).<br />
La première étape de la recherche a été<br />
d’établir une liste maîtresse des sujets visés par<br />
l’enquête. Les données de base provenaient des<br />
listes de membres d’associations ethniques<br />
d’immigrants africains à Winnipeg, fournies<br />
entre autres grâce à l’appui d’agences publiques<br />
fournissant des services-conseils aux nouveaux<br />
arrivants. Les contacts personnels, le bouche-àoreille,<br />
les annonces radiophoniques et les affiches<br />
dans les écoles de langue pour immigrants ont<br />
également été mis à contribution.<br />
2<br />
Le terme de minorité visible, bien que d’emploi courant, voire<br />
officiel, et bien qu’on ne puisse lui prêter d’intention sémantique<br />
malveillante, occasionne certaines critiques. À la Chaire de<br />
recherche sur l’immigration, l’ethnicité et la citoyenneté (CRIEC,<br />
UQÀM) on lui préfère l’adjectif racisé (minorité racisée),<br />
un néologisme qui se justifie pour diverses raisons.<br />
Le fait de nommer race un groupe est un construit idéologique<br />
résultant d’un rapport de forces dans le champ politique et<br />
symbolique. Ce construit idéologique désigne les membres de<br />
plusieurs prétendues « races inférieures » qui, selon les enjeux<br />
historiques, ont été : Nègres, Jaunes, Peaux-rouges ou Sauvages,<br />
Juifs, Arabes, Orientaux, etc., par opposition à une race<br />
supérieure à épithètes variables : Blanche, Aryenne, Européenne,<br />
Occidentale. Bien entendu, le processus de construction<br />
idéologique qu’est la racisation peut se produire à divers niveaux<br />
sociaux où un enjeu concret oppose un dominant et un dominé,<br />
tous deux singuliers ou pluriels. Dominant et dominé peuvent<br />
d’ailleurs partager les mêmes traits phénotypiques. En pareil cas,<br />
le dominant « racise » le ou les dominés en référence à des traits<br />
culturels (façons de parler, us et coutumes, croyances religieuses,<br />
arrivée plus ou moins récente sur le territoire, etc.). La racisation<br />
réfère donc essentiellement au regard du dominant et à son<br />
pouvoir de nommer, comme bon lui semble, les groupes<br />
dominés, dans le but d’établir entre lui et eux une distance<br />
symbolique visant à les exclure du partage de certains<br />
privilèges. Toutefois, le terme de « minorité visible » étant le<br />
plus courant dans le langage commun, il a été utilisé dans<br />
le questionnaire et les entrevues.<br />
Selon certaines informations, et compte tenu<br />
des évènements internationaux, il semblait délicat<br />
et difficile d’accéder à des listes d’associations déjà<br />
existantes en ce qui a trait aux personnes ori gi -<br />
naires d’Afrique du Nord. Certes, certains Nord-<br />
Africains faisaient déjà partie d’autres listes<br />
générales (par exemple celle de l’Amicale de la<br />
franco phonie multiculturelle du Manitoba), mais la<br />
proportion d’entre eux qui y figurait était inconnue.<br />
Ces listes de provenances diverses ont été<br />
comparées afin de repérer les personnes<br />
comptabilisées plus d’une fois, et ce, toujours dans<br />
le but d’établir une liste maîtresse. Cette liste<br />
comptait finalement 263 personnes. De ce total,<br />
un échantillon de 60 personnes était ciblé.<br />
Compte tenu des ressources humaines dispo -<br />
nibles (deux assistants de recherche) et du fait que<br />
nombre de personnes avec qui nous avons<br />
communiqué ont refusé de répondre au question -<br />
naire ou de passer une entrevue, 29 personnes<br />
seulement ont été interrogées au moyen du<br />
questionnaire et 18 d’entre elles ont passé une<br />
entrevue.<br />
Le parcours d’emplois<br />
Les réponses, obtenues au moyen du question -<br />
naire et des entrevues, révèlent dans la plupart des<br />
cas un parcours de petits emplois occupés<br />
successivement, et parfois parallèlement, exigeant<br />
pas ou peu de qualification profes sionnelle 3 .<br />
Pareille expérience est particulièrement<br />
éprouvante pour deux des huit personnes qui<br />
détiennent un diplôme spécialisé. S’agit-il d’un<br />
« purgatoire » temporaire ? Peut-être. Pour six<br />
de ces huit personnes, en particulier pour les<br />
immigrants parrainés par la province, la mobilité<br />
ascendante, parfois rapide, qu’a permis la<br />
succession d’emplois les laisse espérer.<br />
3 Au moment de l’enquête, les 29 répondants au questionnaire<br />
avaient, ensemble et au total, occupé 75 emplois : 52/75 (69 %)<br />
étaient des emplois d’exécution, ne requérant aucune<br />
qualification technique; 12/75 (16 %) étaient des emplois<br />
d’exécution requérant une certaine qualification technique;<br />
11/75 (15 %) étaient des emplois d’expertise technologique<br />
ou requérant un diplôme universitaire.
L’atout en emploi que constitue la connais -<br />
sance de l’anglais apparaît clairement dans le<br />
discours et l’expérience des répondants. Au<br />
moment de l’enquête (février et mars 2004),<br />
quatre participants sur 29 ont déclaré que<br />
l’emploi qu’ils occupaient alors exigeait<br />
seulement l’usage du français. Pour tous les<br />
autres, l’anglais était aussi nécessaire que le<br />
français (neuf sur 29), voire la seule langue<br />
exigée (16 sur 29). L’apprentissage et l’usage<br />
de l’anglais n’apparaissent donc pas comme<br />
un choix personnel des répondants, mais<br />
comme une nécessité contextuelle à laquelle ils<br />
estiment devoir s’adapter. Du point de vue des<br />
participants, sachant que le marché du travail<br />
anglophone manitobain offre une plus grande<br />
ouverture (accès, choix, mobilité) que le circuit<br />
de travail francophone et que, même si des<br />
francophones sont présents dans le milieu de<br />
travail, l’anglais prédomine, l’important est de<br />
trouver un emploi dans leur domaine de<br />
formation, ou un domaine connexe, et qui soit<br />
bien rétribué.<br />
Les questions relatives à l’accueil<br />
L’étude s’est également intéressée au sentiment<br />
que peut éprouver l’immigrant récent, de<br />
minorité visible, dans un milieu culturel différent<br />
de celui de son pays d’origine. Au <strong>Canada</strong>, se<br />
sent-il différent, « visible » ? A-t-il déjà subi, de<br />
son point de vue, des incidents discriminatoires ?<br />
En réponse au questionnaire, 27 participants sur<br />
29 estiment faire partie (autoperception) des<br />
« minorités visibles » au <strong>Canada</strong> et 21 sentent<br />
(exoperception) que leur entourage canadien les<br />
perçoit comme tels. Dans quatre cas, il n’y a pas<br />
correspondance entre la perception de soi comme<br />
minorité visible et celle que l’on prête à<br />
l’entourage canadien « blanc ». Une personne<br />
répond, sur le mode ironique, qu’elle est<br />
« invisible » pour elle-même ainsi que pour son<br />
entourage canadien « blanc ». « Si je suis vraiment<br />
une minorité visible, on va me gratifier, on va me<br />
donner quelque chose... On ne m’en donne pas.<br />
Est-ce que je suis encore visible ? Non, je suis<br />
invisible » (R12). Enfin, trois participants sur<br />
29 n’ont pas répondu à la question sur l’auto -<br />
perception et l’exoperception.<br />
Un extrait d’entrevue (R9) illustre ce que peut<br />
ressentir un immigrant racisé, dans des<br />
situations apparemment anodines :<br />
Ah oui, je dirais que si je suis dans un endroit,<br />
je suis servi en dernier, malheureusement.<br />
Et si je suis avec une personne blanche ou<br />
d’origine canadienne en public, si jamais il y<br />
avait une question, on questionnerait surtout<br />
la personne blanche ou on s’adresserait à cette<br />
personne-là, même si je suis avec elle ou que<br />
les choses qu’on veut savoir me concernent<br />
directement. Mais on se tournerait plutôt vers<br />
la personne de race blanche.<br />
En résumé, la grande majorité des répondants<br />
se perçoivent différents des Canadiens à cause<br />
de leur couleur de peau et de l’altérité que cette<br />
couleur laisse supposer (aux Canadiens) quant<br />
à leur origine nationale. Cette différence n’est<br />
pas neutre. Telle qu’ils l’estiment perçue par la<br />
population d’accueil, elle tend à diminuer leur<br />
estime d’eux-mêmes, dans diverses situations<br />
quotidiennes. Elle devient carrément discrimi -<br />
natoire quand elle s’accompagne d’un traitement<br />
inéquitable dans l’évaluation de leurs<br />
compétences (à l’école, au travail) pour la moitié<br />
des répondants. Un répondant fait valoir que<br />
le fait d’être un immigrant francophone, ajouté<br />
à celui d’être Noir, augmente le degré de<br />
minorisation sociale (au Manitoba et, peut-on<br />
ajouter, dans toutes les provinces canadiennes<br />
autres que le Québec), proposition à laquelle fait<br />
écho la thèse de Maddibo (2006).<br />
Les négociations culturelles auxquelles font<br />
face les arrivants (acculturation)<br />
Les immigrants interrogés s’intègrent-ils aux us<br />
et coutumes de leur nouveau pays ou ont-ils<br />
tendance à se replier dans un communautarisme<br />
culturel dominé par leurs traditions ? En général,<br />
les référents culturels de leur culture d’origine<br />
(valeurs, normes, langues) sont toujours actifs<br />
dans l’environnement privé (famille, amis de<br />
même origine). La plupart (près des trois quarts)<br />
y accordent une « certaine importance », le degré<br />
de celle-ci variant selon le répondant. Toutefois,<br />
dans la vie professionnelle, un nombre moindre<br />
semble tenir à conserver ces référents culturels.<br />
En matière d’usages linguistiques, les langues<br />
africaines prévalent dans les rapports familiaux,<br />
bien qu’il puisse s’y incorporer du français<br />
et de l’anglais. Notons cependant que,<br />
pour un répondant sur cinq, le français est<br />
la principale langue de communication à la<br />
maison. Avec les amis les plus proches, un<br />
multilinguisme convoquant autant les langues<br />
africaines que le français et l’anglais semble la<br />
pratique la plus courante. Cependant, à mesure<br />
que s’élargit le cercle des interactions, notam ment<br />
Nos diverses cités 133
134 Nos diverses cités<br />
en contexte public et commercial, le français et<br />
surtout l’anglais deviennent les langues prépon -<br />
dérantes de la communication. Par ailleurs, les<br />
répondants participent en général aux activités des<br />
associations regroupant les ressortissants de leur<br />
pays d’origine ou celles d’autres pays africains,<br />
ainsi que de l’Amicale de la franco phonie multi -<br />
culturelle du Manitoba, organisme-parapluie qui<br />
rassemble de nombreuses associations ethniques.<br />
La participation à des événements célébrant<br />
les cultures d’origine n’est pas un comportement<br />
antinomique à l’intégration socioculturelle dans<br />
le pays d’accueil. Bien au contraire, ces activités<br />
et regroupements facilitent l’intégration des<br />
arrivants en permettant une insertion plus en<br />
douceur à leur nouveau pays. Maintes recherches<br />
sociologiques le confirment : l’intégration (et<br />
non pas la reddition des libertés individuelles) se<br />
réalise avec la durée, en particulier avec les<br />
nouvelles générations nées en sol canadien 4 .<br />
Conclusion<br />
Les dimensions psychosociologiques (norma tives,<br />
linguistiques, identitaires) de l’adaptation des<br />
nouveaux arrivants à leur pays d’accueil<br />
constituent un domaine de recherche bien<br />
documenté en sciences sociales. Cependant,<br />
ces dimensions ne devraient pas faire perdre de<br />
vue les écueils structurels susceptibles d’aggraver<br />
les difficultés de l’intégration, lesquels se révèlent<br />
au niveau d’ensemble dans le système de<br />
stratification ethnique (hiérarchisation des statuts<br />
socioéconomiques et symboliques). Parmi ces<br />
obstacles, il faut compter l’histoire des groupes<br />
occupant déjà le territoire et les arrangements<br />
politiques, constitutionnels ou non – et, du reste,<br />
pas nécessairement équitables – auxquels ces<br />
groupes sont parvenus entre eux, à des époques<br />
où l’immigration n’avait ni l’ampleur, ni les<br />
caractéristiques actuelles. Aujourd’hui, les immi -<br />
grants s’attendent à trouver une république<br />
libérale (All-Werther Liberal, selon la typologie de<br />
R. K. Merton 5 ). Or, ils trouvent, de jure ou de<br />
facto, une hiérarchie de statuts de préséance à<br />
la filiation d’origine 6 et résultant de tensions ou<br />
de conflits historiques entre les deux « peuples<br />
fondateurs ». Cette donne affecte en particulier<br />
les minorités immi grantes racisées, plus<br />
ou moins récentes, quand leurs demandes<br />
menacent cet arrangement statutaire 7 .<br />
4<br />
Voir, par exemple Isajiw (1999, chap. 7, « Cultural Identity<br />
Incorporation. The Factors Hastening or retarding the Process »).<br />
5<br />
Pour un résumé, voir Isajiw (1999, p. 152).<br />
Les recherches sur le processus d’intégration des<br />
immigrants francophones racisés à l’extérieur du<br />
Québec sont bien entamées. Elles méritent d’être<br />
poursuivies et élargies, en termes d’envergure<br />
(définition et représentativité statistique des<br />
échantillons) et en termes de facteurs socio -<br />
logiques mesurés (multiplicité des contextes et<br />
des variables, comparaisons interprovinciales).<br />
Or les communautés franco phones en situation<br />
minoritaire constituent des lieux d’observation<br />
privilégiés, parce qu’elles sont circonscrites et<br />
non affectées par la dynamique politique<br />
d’indé pendance nationale, comme c’est le cas au<br />
Québec. Si le Québec constitue une minorité<br />
politique dans l’ensemble canadien, que dire alors<br />
des immigrants francophones racisés qui, au<br />
<strong>Canada</strong>, le sont de triple façon : à titre d’immi -<br />
grants, de francophones et de membres de<br />
minorités « visibles ». Une quatrième minorisation,<br />
mise en lumière notamment par Madibbo (2006),<br />
risque également de se développer en fonction de<br />
l’action collective privilégiée par ces arrivants<br />
pour un traitement équitable.<br />
6<br />
Statuts de préséance relatifs aux origines ou à la proximité<br />
originelle, réelle ou imaginée. Par exemple, les immigrants<br />
francophones « blancs », arrivant de France, de Belgique ou de<br />
Suisse, sans être Québécois ou Canadiens-français, sont tout de<br />
même perçus comme des « cousins », plus ou moins éloignés. De<br />
la même façon, les Britanniques et les Américains « blancs » sont<br />
perçus comme des « membres de la famille » par l’élite politique<br />
blanche canadienne-anglaise. Or, si on en croit des publications<br />
comme celle de Amal Madibbo (2006), il est probable que, par<br />
exemple, des Congolais francophones racisés et des Jamaïcains<br />
anglophones racisés n’ont pas le sentiment d’arriver chez des<br />
membres d’une grande famille, en débarquant au <strong>Canada</strong> à titre<br />
d’immigrants. Du reste, la filiation ethnique comme fondement<br />
du droit d’occupation d’un territoire est un critère piégé, dans la<br />
mesure où ce critère dépend du pouvoir discrétionnaire des<br />
premiers occupants de définir les limites de l’origine, donc<br />
l’inclus et l’exclus. Ainsi, les Amérindiens du <strong>Canada</strong> ne sont pas<br />
considérés comme des « fondateurs », mais seulement comme<br />
« Premières nations », quelque part dans le grenier de l’Histoire,<br />
là où ils ne peuvent pas déranger.<br />
7<br />
Au sujet de l’immigration francophone et de la communauté<br />
franco-torontoise, un groupe de chercheurs notent : « Il n’y a<br />
pas vraiment de milieu francophone auquel les nouveaux<br />
arrivants peuvent s’intégrer; les francophones d’origine<br />
canadienne-française cherchent à créer des zones unilingues<br />
pour se protéger de la domination de l’anglais au moyen<br />
d’institutions, organismes ou associations francophones;<br />
les nouveaux arrivants doivent atteindre un certain niveau<br />
de compétence en anglais pour fonctionner dans la société<br />
anglophone dominante. Il existe donc des intérêts et des besoins<br />
presque conflictuels entre les divers groupes » (Chambon et coll.,<br />
2001, p. 10). En Alberta, Dalley (2007, p. 55) observe que « derrière<br />
l’accent [de prononciation du français] se cache une lutte [entre<br />
communauté historique et communauté immigrante] pour une<br />
ressource limitée : le travail en français ».
Références<br />
Chambon A., M. Heller, F. Kanouté, N. Labrie, A. Madibbo.,<br />
J. Maury, et M. Malubingi. 2001. L’immigration et la<br />
communauté franco-torontoise, Rapport final, Joint Centre<br />
of Excellence for Research on Immigration and Settlement<br />
(CERIS), Toronto. Consulté à l’adresse<br />
.<br />
Dalley, P. 2008. « Immigration et travail en milieu<br />
minoritaire : Le cas de l’Alberta francophone », Thèmes<br />
canadiens / Canadian Issues (printemps).<br />
Isajiw, W. W. 1999. Understanding Diversity: Ethnicity<br />
and Race in the Canadian Context, Toronto, Thompson<br />
Educational Publishing Inc.<br />
Lafontant, J. 2007. L’intégration en emploi, à Winnipeg, des<br />
immigrants francophones racisés : une étude exploratoire,<br />
Institut canadien de recherche sur les minorités<br />
linguistiques et Centre de recherche sur l’immigration,<br />
l’ethnicité et la citoyenneté (CRIEC), Les Cahiers du CRIEC,<br />
no 32.<br />
Madibbo, A. 2006. Minority Within a Minority. Black<br />
Francophone Immigrants and the Dynamics of Power and<br />
Resistance, New York et Londres, Routledge.<br />
Nos diverses cités<br />
Nos diverses cités est une publication spéciale de <strong>Metropolis</strong> qui examine les questions liées à la diversité, à<br />
l’intégration et à l’immigration dans les villes. Les trois volumes publiés à ce jour font partie des lectures obligatoires<br />
de nombreux cours universitaires dans tout le pays. Plusieurs articles de Nos diverses cités portent sur la région<br />
des Prairies :<br />
<strong>Numéro</strong> 1, printemps 2004<br />
• Paul A. Bramadat (University of Winnipeg) « Miroir et mortier :<br />
les festivals ethnoculturels et la vie urbaine au <strong>Canada</strong> »<br />
• Valerie J. Pruegger, Derek Cook et Bob Hawkesworth<br />
(Ville de Calgary) « Incidences de la diversité urbain sur<br />
la situation de logement »<br />
• Michael A. Phai (Ville d’Edmonton) « Le quartier McDougall<br />
à Edmonton : la diversité sociale à l’échelle locale »<br />
• Teresa Woo-Paw (Ethno-Cultural Council of Calgary)<br />
« Établir un lien entre la recherche et la pratique pour<br />
une participation civique active »<br />
<strong>Numéro</strong> 2, été 2006<br />
• J. S. Frideres (University of Calgary) « L’intégration des<br />
immigrants dans les villes : l’avenir des centres de deuxième<br />
et de troisième rangs »<br />
• Tracey Derwing et Harvey Krahn (Centre d’excellence des<br />
Prairies pour la recherche en immigration et en intégration,<br />
University of Alberta) « Stratégie d’Edmonton pour attirer et<br />
retenir les nouveaux arrrivants »<br />
• Joe Garcea (University of Saskatchewan) « Attraction et rétention<br />
d’immigrants au sein des grandes villes de la Saskatchewan »<br />
• Tom Carter, Mechyslava Polevychok and Anita Friesen (Université<br />
de Winnipeg) « Les quartiers centraux de la ville de Winnipeg<br />
et les problématiques associées à la diversité croissante »<br />
• Candy Khan (Edmonton Mennonite Centre for Newcomers,<br />
et University of Alberta) « L’angle mort » – Racisme et<br />
discrimination au travail<br />
• Jillian Dowding (University of Calgary) and Farinaz Razi<br />
(Calgary Catholic Immigration Society) « Appel à l’action :<br />
pour ouvrir la voie à une intégration efficace des immigrants »<br />
<strong>Numéro</strong> 3, été 2007<br />
• Anisa Zehtab-Martin et Kenneth B. Beesley (Brandon<br />
University) « Lacunes dans les services aux immigrants<br />
offerts dans une petite ville : Brandon, au Manitoba »<br />
• Ray Silvius (Carleton University et Brandon University)<br />
et Robert C. Annis (Brandon University) « Réflexions sur<br />
l’expérience d’immigration en milieu rural dans les diverses<br />
collectivités rurales du Manitoba »<br />
• Joseph Garcea (University of Saskatchewan)<br />
« L’immigration vers les plus petites communautés de<br />
la Saskatchewan »<br />
• John Harding (University of Lethbridge) « Le bouddhisme<br />
Jo-do Shin-shudans le sud de l’Alberta »<br />
Pour obtenir un exemplaire en français ou en anglais d’un numéro prédécent ou du présent numéro,<br />
veuillez écrire à <br />
Nos diverses cités 135
La discrimination vécue par<br />
les minorités visibles dans<br />
les petites collectivités *<br />
DANIEL W. L. LAI ET NEDRA HUFFEY<br />
University of Calgary<br />
136 Nos diverses cités<br />
Le racisme et la discrimination sont monnaie<br />
courante (Cannon, 1995; Foster, 1996). Le <strong>Canada</strong>,<br />
pays diversifié sur le plan culturel, est doté d’une<br />
politique officielle de multi culturalisme, mais<br />
selon de nombreux résultats de recherche, la<br />
discrimination contre les minorités visibles<br />
perdure (Kunz, Milan et Schetagne, 2000;<br />
Pruegger et Kiely, 2002) 1 . De nombreuses<br />
minorités visibles sont convaincues d’être<br />
devenues des victimes de formes voilées de<br />
racisme (Fondation canadienne des relations<br />
raciales, 2001).<br />
Les groupes ethnoculturels de minorités visibles<br />
font souvent l’objet de discrimination, de<br />
stéréotypie et de racisme systémiques (Calgary<br />
Cultural and Racial Diversity Task Force, 2001).<br />
La discrimination et les préjugés peuvent se<br />
manifester dans les domaines de l’éducation (Watt<br />
et Roessingh, 1994), de l’emploi (Gunderson,<br />
Musznski et Keck, 1990; Jeffs, 1996; Wickens,<br />
1996), de la santé (Beiser et coll., 1988; Santé<br />
<strong>Canada</strong>, 1999) et dans l’accès aux services sociaux<br />
(Calgary Catholic Immigration Society, 1994). Au<br />
<strong>Canada</strong>, 20 % des membres des minorités visibles<br />
*<br />
1<br />
Peu d’études portent sur le racisme dans les petites collectivités […] En outre,<br />
comme la recherche n’est axée que sur les groupes de minorités visibles<br />
vivant dans les villes canadiennes de grande taille, on suppose à tort<br />
que le racisme n’existe pas dans les petites collectivités.<br />
Le présent article est fondé sur un projet de recherche financé<br />
par le Centre <strong>Metropolis</strong> des Prairies.<br />
La Loi sur l’équité en matière d’emploi définit ainsi les minorités<br />
visibles : « Font partie des minorités visibles les personnes, autres<br />
que les Autochtones, qui ne sont pas de race blanche ou qui<br />
n’ont pas la peau blanche » (Statistique <strong>Canada</strong>, 2003).<br />
ont signalé avoir fait l’objet de discrimination à<br />
quelques reprises ou souvent au cours des cinq<br />
dernières années (Statistique <strong>Canada</strong>, 2003). Selon<br />
une autre étude, 26 % des réfugiés de l’Asie du<br />
Sud-Est qui se sont réétablis au <strong>Canada</strong> ont<br />
déclaré avoir fait l’objet de racisme au moins une<br />
fois (Beiser et coll., 2001).<br />
Peu d’études portent sur le racisme dans les<br />
petites collectivités; par conséquent, la population<br />
en général n’est pas au courant de cette situation.<br />
En outre, comme la recherche n’est axée que sur<br />
les groupes de minorités visibles vivant dans les<br />
villes canadiennes de grande taille, on suppose<br />
à tort que le racisme n’existe pas dans les<br />
petites collectivités. Pour déterminer la nature et<br />
l’ampleur du racisme et de la discrimination dans<br />
les petites villes canadiennes, il importe de révéler<br />
les expériences vécues par les personnes dans ces<br />
collectivités. La question de recherche dans le<br />
cadre de cette étude est donc la suivante :<br />
« Quelles sont les expériences vécues par les<br />
minorités raciales dans les petites villes ? »<br />
Analyse documentaire<br />
Les minorités visibles dans les villes canadiennes<br />
ont fait l’objet de discrimination et de préjugés<br />
(Lalonde, Taylor et Moghaddam, 1992; Kunz,<br />
Milan et Schetagne, 2000; Pruegger et Kiely,<br />
2002). Des recherches antérieures ont démontré<br />
que la discrimination touche de nombreuses<br />
sphères de la vie, y compris la santé physique
et mentale des minorités visibles (Moghaddam<br />
et coll., 2002; Williams et Hunt, 1997; Beiser,<br />
1999). Par exemple, les femmes membres de<br />
minorités visibles à Fredericton éprouvaient des<br />
problèmes dans les domaines des services publics,<br />
du transport, du travail et dans divers autres<br />
aspects du quotidien (Miedema et Nason-Clark,<br />
1989). Des recherches ont également montré<br />
que les immigrants chinois ont été victimes de<br />
discrimination en dépit de leur niveau de scolarité<br />
élevé, et qu’ils ont dû déployer des efforts plus<br />
grands que les immigrants européens pour être<br />
acceptés (Li, 1982).<br />
Très peu de recherches portent sur les<br />
expériences des minorités visibles dans les<br />
régions rurales au <strong>Canada</strong>, aux États-Unis et en<br />
Angleterre. Les recherches démontrent des taux<br />
très faibles de maintien des réfugiés dans les<br />
villes canadiennes les plus petites; les réfugiés<br />
expliquent qu’ils ont quitté ces collectivités<br />
principalement en raison du manque de travail et<br />
de possibilités d’éducation (Abu-Laban et coll.,<br />
1999). Il sera donc intéressant d’examiner la<br />
nature et l’ampleur de la discrimination dont<br />
font l’objet les minorités visibles dans les petites<br />
villes canadiennes, afin de mettre sur pied des<br />
politiques et d’adopter des pratiques antiracistes,<br />
le cas échéant.<br />
Méthodologie<br />
Des entrevues semi-structurées visaient à étudier<br />
les impressions et les expériences de 19 membres<br />
de minorités visibles qui vivent dans de petites<br />
villes en Alberta. Les participants admissibles ont<br />
été recrutés grâce au réseautage auprès de prin -<br />
cipales personnes-ressources dans les collectivités,<br />
à des sondages en boule de neige, et à la<br />
collaboration du Comité sur les relations<br />
interraciales et la compréhension culturelle à<br />
Calgary, qui maintient des liens étroits avec les<br />
communautés ethniques en Alberta. Un consen -<br />
tement éclairé écrit ou de vive voix a été obtenu<br />
au début de chaque entrevue. Le guide d’entrevue<br />
était axé sur les expériences vécues, leurs<br />
significations et les impressions des participants,<br />
et a créé une possibilité de discussions au sujet du<br />
racisme et d’autres formes d’oppression.<br />
Les participants ont pris part à des entrevues en<br />
profondeur à l’endroit de leur choix. Toutes les<br />
entrevues ont été effectuées en personne, sauf<br />
une qui a eu lieu au téléphone. La plupart des<br />
entrevues ont été enregistrées sur bande magné -<br />
tique, puis retranscrites afin d’être analysées par la<br />
suite. Comme trois participants n’ont pas donné<br />
la permission d’enregistrer leur entrevue, les<br />
chercheurs ont pris des notes.<br />
L’analyse inductive des données a été utilisée<br />
dans le cadre de cette étude. Il s’agit d’une<br />
méthode de recherche qualitative qui permet de<br />
comprendre les entrevues en dégageant des<br />
thèmes et des catégories d’analyse à partir des<br />
données (Creswell, 1998; Morrow et Smith,<br />
1998). En se fondant sur une analyse des<br />
entrevues transcrites, l’équipe de recherche a<br />
établi un cadre de codage initial. Une fois que<br />
les adjoints de recherche avaient codé les<br />
transcriptions de façon indépendante, les codes<br />
ont été comparés afin d’assurer leur fiabilité, et<br />
des thèmes ont été dégagés.<br />
Résultats<br />
Les participants<br />
Les participants étaient 19 membres des<br />
minorités visibles de diverses nationalités qui<br />
vivaient ou travaillaient dans plusieurs petites<br />
collectivités du centre et du sud de l’Alberta.<br />
Afin de protéger l’identité des participants,<br />
l’emplacement des collectivités n’a pas été<br />
mentionné. Douze femmes et sept hommes, âgés<br />
de 20 à 60 ans, ont pris part à l’étude. Deux sont<br />
nés au <strong>Canada</strong>, tandis que 17 avaient immigré au<br />
<strong>Canada</strong> au moins un an avant l’entrevue,<br />
et jusqu’à plus de 40 ans auparavant. La majorité<br />
des participants avaient terminé des études<br />
postsecondaires et travaillé à titre de profes -<br />
sionnels dans leur pays d’origine avant de<br />
venir au <strong>Canada</strong>. Quatre thèmes ont découlé de<br />
l’analyse des données : les obstacles linguistiques,<br />
le manque de reconnaissance, le traitement<br />
différentiel et les différences entre les générations.<br />
Pour les participants, le fait d’être membre d’une<br />
minorité visible signifie « être différent ».<br />
Les obstacles linguistiques<br />
Un des principaux sujets dont les participants<br />
ont discuté était leur difficulté perçue à maîtriser<br />
l’anglais et la discrimination sociale et en<br />
matière d’emploi qui s’y rattachait. Pour certains<br />
participants, l’anglais n’était pas une langue<br />
facile à apprendre. L’un d’eux a déclaré :<br />
« L’anglais est vraiment une langue folle, difficile<br />
à apprendre et folle » 2 . Cet obstacle linguistique<br />
a eu des incidences sur les possibilités d’emploi<br />
et de promotion. Un des participants a déclaré ce<br />
2<br />
Note : Toutes les citations des participants sont traduites<br />
de l’anglais.<br />
Nos diverses cités 137
Bien que la majorité des participants soient venus s’installer dans de plus petites<br />
collectivités pour répondre à des offres d’emploi, plusieurs n’ont pu décrocher un<br />
emploi dans la profession de leur choix [...] La société a tendance à discréditer leurs<br />
titres professionnels et à tenir compte du pays d’origine, de l’ethnicité ou de la<br />
couleur de la peau plutôt que de donner une juste valeur à leurs compétences.<br />
138 Nos diverses cités<br />
qui suit : « Quand on ne parle pas la langue,<br />
des obstacles se posent instantanément […] Un<br />
grand nombre d’employeurs ne peuvent pas<br />
communiquer avec nous ». Ils avaient l’impression<br />
que les employeurs étaient injustes en<br />
n’embauchant pas, pour des postes dans<br />
leur profes sion, des membres instruits des<br />
minorités visibles qui ne parlaient pas l’anglais<br />
couramment. Cependant, les obstacles lingui -<br />
stiques n’avaient pas toujours empêché<br />
l’embauche ou les promotions. En effet, une<br />
des participantes a décrit l’expérience de son<br />
père de la façon suivante : « On l’a formé<br />
pendant presque deux ans et maintenant, il est<br />
superviseur d’atelier ». Il est donc possible que les<br />
employeurs jouent un rôle considérable dans la<br />
lutte contre la discrimination, en veillant à ce<br />
que les minorités visibles aient un accès égal aux<br />
possibilités d’emploi.<br />
Le manque de connaissance de la langue a<br />
également créé des problèmes pour les membres<br />
de minorités visibles dans leur quotidien.<br />
Un participant a expliqué comment certains<br />
membres des minorités visibles composaient<br />
avec la difficulté d’établir des réseaux sociaux :<br />
« Certaines personnes vivent essentiellement<br />
dans leur propre monde […] Ils n’ont pas besoin<br />
d’interaction ». D’autres ont refusé de laisser la<br />
langue poser des obstacles linguistiques à leur<br />
vie sociale. Un participant a affirmé ce qui suit :<br />
« Je ne pouvais pas comprendre les gens et ils ne<br />
pouvaient pas me comprendre. Je n’ai pas suivi<br />
de cours d’anglais. J’ai plutôt appris seul, en<br />
regardant la télévision et en parlant avec mes<br />
collègues au travail ».<br />
Manque de reconnaissance<br />
Les participants ont aussi fait état d’un manque de<br />
reconnaissance – de la part des employeurs, des<br />
établissements scolaires et du gouvernement – des<br />
études faites dans leur pays d’origine et des titres<br />
professionnels et de l’expérience professionnelle<br />
qu’ils y avaient acquis. Bien que la majorité des<br />
participants soient venus s’installer dans de plus<br />
petites collectivités pour répondre à des offres<br />
d’emploi, plusieurs n’ont pu décrocher un emploi<br />
dans la profession de leur choix. Il y avait une<br />
impression très nette que la société a tendance à<br />
discréditer leurs titres professionnels et à tenir<br />
compte du pays d’origine, de l’ethnicité ou de la<br />
couleur de la peau plutôt que de donner une juste<br />
valeur à leurs compétences. Un autre immigrant a<br />
déclaré : « Si seulement on acceptait les gens selon<br />
leurs capacités et leurs études, et non parce qu’ils<br />
ont la peau rose, jaune, blanche, noire ou bleue ».<br />
Pour obtenir une reconnaissance profes -<br />
sionnelle ou pour améliorer leurs compétences,<br />
ces immigrants devaient retourner à l’université<br />
ou au collège, comme l’a indiqué un participant :<br />
« Il faut que je retourne aux études pour obtenir<br />
un certificat canadien, parce que c’est ce que la<br />
plupart des employeurs exigent. Sinon, je n’aurai<br />
pas un bon emploi ». Même si les membres de ces<br />
minorités visibles consentent à se recycler en<br />
retournant aux études, bon nombre d’entre eux<br />
considèrent que ce long processus est difficile en<br />
raison des frais de scolarité et de leur âge. Un<br />
participant a confié ce qui suit : « Il a fallu que je<br />
reparte à zéro. C’est difficile. D’autant plus que je<br />
ne suis plus jeune ». Certains considéraient que<br />
c’était irréaliste sur le plan financier de payer<br />
des frais pour obtenir des titres de compétence,<br />
car c’était le gouvernement qui était responsable<br />
de ces problèmes. Voici ce qu’un immigrant a<br />
affirmé : « Cela coûte très cher. Il faut rendre cela<br />
plus facile et plus accessible ». Les participants ont<br />
dénoncé ce problème de la reconnaissance des<br />
titres de compétences étrangers au <strong>Canada</strong> et ses<br />
répercussions sur leurs possibilités d’emploi.<br />
Traitement différentiel<br />
En tant que membres de minorités visibles,<br />
certains participants se sont sentis bien accueillis<br />
et acceptés et estimaient que les gens dans<br />
les petites collectivités étaient sympathiques,<br />
chaleureux et prêts à aider. Malheureusement, de<br />
nombreux participants se sont dits victimes<br />
d’une forme ou d’une autre de discrimination.<br />
Par exemple, une participante considérait que<br />
des personnes ont été impolies à son égard
et envers ses amis, « parce que nous parlons<br />
notre langue en leur présence ». Quand une<br />
participante née au <strong>Canada</strong> s’est vu demander<br />
comment elle se sentait en tant que membre<br />
d’une minorité visible qui avait grandi dans une<br />
petite collectivité, elle a répondu : « Cela m’a<br />
toujours frappée, même quand j’étais jeune […]<br />
j’étais la seule à ne pas être invitée à passer la<br />
nuit chez les copines. À mon avis, quand on fait<br />
partie d’une minorité, on essaie tellement de<br />
s’intégrer qu’on ne veut pas exposer sa culture<br />
ou toute autre différence qui fait partie de soi ».<br />
En ce qui a trait au travail, une participante<br />
chinoise considérait que les gens dans sa petite<br />
ville étaient sévères, voire jaloux à l’égard de son<br />
succès, parce qu’elle était membre d’une minorité<br />
visible. Un autre participant a fait remarquer<br />
que même si l’entreprise pour laquelle il travaillait<br />
comptait des centaines d’employés, à sa connais -<br />
sance, il n’y avait pas « d’étranger » au niveau de<br />
la direction. Un immigrant chinois a résumé les<br />
impressions de plusieurs partici pants, selon qui<br />
être membre d’une minorité visible est un<br />
inconvénient quand on veut obtenir un emploi,<br />
« parce que les minorités visibles tendent à être<br />
considérées comme un peu secondaires ».<br />
Quand on leur a demandé de comparer leurs<br />
expériences ou points de vue par rapport au<br />
racisme, à la discrimination et aux différents<br />
traitements dans les petites collectivités en<br />
comparaison avec la situation dans les grandes<br />
villes, les réponses des participants étaient très<br />
différentes. Certains considéraient les grandes<br />
villes comme plus multiculturelles; selon eux,<br />
le problème y était donc moins prononcé.<br />
Un immigrant de la Sierra Leone a affirmé ce qui<br />
suit : « Il y a du racisme dans les grandes villes,<br />
mais il n’est pas trop répandu, parce que la<br />
population y est trop multiculturelle. Le racisme<br />
existe dans les petites villes, bien sûr, parce que<br />
les gens ne sont pas habitués aux minorités ».<br />
Le traitement ressenti à titre de membres d’une<br />
minorité visible dans les petites villes variait<br />
énormément d’un participant à l’autre, puisque<br />
certains participants considéraient que le<br />
contraire était vrai. L’un d’eux prétendait que<br />
les petites collectivités étaient un milieu idéal<br />
pour élever des enfants, tandis que selon un<br />
immigrant du Sri Lanka, le problème de la<br />
discrimination était pire dans les grandes villes :<br />
« Il y a beaucoup de ressentiment envers les<br />
minorités. C’est différent quand on vit dans une<br />
grande ville, car les stéréotypes y prennent<br />
vraiment de l’ampleur ».<br />
Les participants ont également exprimé leurs<br />
points de vue au sujet des raisons de la discri -<br />
mination et de l’attitude des Canadiens moyens à<br />
l’égard des minorités visibles. Les raisons les plus<br />
souvent citées étaient l’étroitesse d’esprit, l’igno -<br />
rance, le manque de compréhension et le manque<br />
de connaissance des autres cultures. Un participant<br />
né au <strong>Canada</strong> et qui y a grandi considérait que<br />
c’était le « racisme voilé » qui le dérangeait le plus.<br />
En réponse au traitement particulier dont ils ont<br />
fait l’objet, des participants ont tenté activement<br />
de faire changer les impressions des gens à leur<br />
égard. Par exemple, une participante originaire de<br />
Chine pensait qu’il lui incombait de faire bonne<br />
impression sur les Canadiens et elle s’est efforcée<br />
de voir à ce que ces derniers aient une très bonne<br />
opinion des immigrants chinois. Une autre<br />
personne a répondu au traitement différentiel<br />
par une attitude positive, en choisissant de ne pas<br />
porter attention aux éléments négatifs.<br />
Différences entre les générations<br />
Les familles faisant partie des minorités visibles<br />
devaient aussi faire face aux problèmes inter -<br />
générationnels. De nombreux immigrants de<br />
première génération membres des minorités<br />
visibles constataient qu’il était plus difficile pour<br />
eux de s’adapter à la culture canadienne, tandis<br />
que c’était plus naturel pour leurs enfants.<br />
Comme l’a affirmé un immigrant : « En ce qui me<br />
concerne, le problème est que j’ai grandi dans une<br />
autre culture et je suis arrivé dans une nouvelle<br />
culture, et je trouve qu’il est très difficile<br />
d’accepter les choses ici ». Les parents de minorités<br />
visibles considéraient qu’il était facile pour les<br />
enfants de connaître la nouvelle culture et de se<br />
mêler aux autres Canadiens, mais ils étaient<br />
préoccupés par le fait qu’ils puissent oublier leur<br />
propre culture et leur propre langue. L’un d’eux a<br />
souligné qu’il souhaitait conserver « au moins, sa<br />
culture et sa langue ».<br />
Les parents n’étaient pas les seuls à éprouver<br />
des difficultés. En effet, les enfants nés au <strong>Canada</strong><br />
étaient confrontés à un dilemme. Un membre des<br />
minorités visibles né au <strong>Canada</strong> a déclaré : « Le<br />
problème pour la deuxième génération, c’est<br />
qu’elle ne veut pas perdre sa culture. Moi, je vis<br />
avec deux cultures ».<br />
Discussion et incidences sur le<br />
plan des politiques<br />
Les expériences des minorités visibles qui vivent<br />
dans les petites communautés étaient à la fois<br />
posi tives et négatives. Les participants semblaient<br />
Nos diverses cités 139
140 Nos diverses cités<br />
vouloir atténuer les expériences de la discri -<br />
mination ou les accepter comme des aspects<br />
inaltérables de la vie. Ces réponses ne sont<br />
pas inédites; elles se trouvent déjà dans des<br />
recherches effectuées antérieurement (Matthews,<br />
2006; Moghaddam et coll., 2002; Ruggiero et<br />
Taylor, 1997; Taylor, Wright et Ruggerio, 2000).<br />
Le fait que les participants vivant dans les petites<br />
collectivités minimisent l’importance du racisme et<br />
de la discrimination peut être lié à l’obtention d’un<br />
emploi satisfaisant ou à la comparaison de leur<br />
situation actuelle avec les conditions qu’ils<br />
trouveraient dans leurs pays d’origine, comme<br />
l’ont souligné des recherches antérieures<br />
(Matthews, 2006; Ruggiero et Taylor, 1997). Cette<br />
atténuation pourrait s’expliquer en partie par le<br />
fait qu’il pourrait être plus avan tageux pour les<br />
membres de minorités visibles de nier qu’ils font<br />
l’objet de discri mination que de reconnaître<br />
ouvertement les problèmes (Taylor, Wright et<br />
Ruggiero, 2000; Ruggiero et Taylor, 1997).<br />
Les participants ont énoncé des recomman -<br />
dations pour réduire la discrimination dans les<br />
petites villes. Plusieurs thèmes sont ressortis dans<br />
les réponses. Des participants ont laissé entendre<br />
que l’éducation communautaire au sujet de<br />
différents groupes ethniques et diverses cultures<br />
par l’intermédiaire d’institutions et d’événements<br />
publics, de même que l’offre de services axés sur<br />
les immigrants et de possibilités d’emploi pour<br />
les membres des minorités visibles aideraient ces<br />
derniers à se sentir les bienvenus dans les petites<br />
villes. Les priorités quant aux services et aux<br />
ressources de soutien étaient des cours d’anglais,<br />
des possibilités d’emploi et le logement abordable.<br />
Les recommandations présentées par les parti -<br />
cipants offrent aux décideurs et aux fournisseurs<br />
de services des conseils précieux concernant<br />
les services d’immigration et d’établissement, le<br />
logement abordable, l’éducation et l’emploi.<br />
La collaboration entre les organisations qui<br />
répondent à ces besoins en matière de politiques<br />
et de services sera essentielle afin d’améliorer<br />
l’accès aux services et à l’appui, tout en évitant<br />
la concurrence, l’insensibilité culturelle et la<br />
coordination inadéquate (Stewart et coll., 2008).<br />
À propos des auteurs<br />
DANIEL W. L. LAI est professeur et doyen associé (Recherche<br />
et Partenariats) à la Faculté de travail social de la University<br />
of Calgary. Ses recherches, qui portent particulièrement<br />
sur la diversité culturelle, sont financées par le Conseil de<br />
recherches en sciences humaines dans divers domaines, dont<br />
l’examen de l’expérience des minorités visibles au <strong>Canada</strong>.<br />
NEDRA HUFFEY est titulaire d’une maîtrise en service<br />
social dans le domaine des collectivités, de la gestion<br />
organisationnelle et des politiques. Elle a œuvré dans les<br />
secteurs de l’immigration et auprès des séropositifs. Elle<br />
est également spécialisée dans l’évaluation de programmes<br />
et les recherches axées sur les collectivités. Elle est<br />
présentement chercheuse à la faculté de travail social<br />
de la University of Calgary.<br />
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Nos diverses cités 141
Un grave déficit en capital social peut nuire au fonctionnement d’une société dans divers<br />
domaines, notamment au chapitre du rendement économique, des mesures de protection<br />
de la population, de la santé, de l’éducation et de la gouvernance démocratique.<br />
Le capital social des Prairies :<br />
un bilan<br />
ABDIE KAZEMIPUR<br />
University of Lethbridge<br />
142 Nos diverses cités<br />
Certains croient que les provinces des Prairies<br />
pourraient être moins touchées par le ralen -<br />
tissement économique actuel que le reste du<br />
<strong>Canada</strong>. La nouvelle a de quoi réjouir les habitants<br />
de ces trois provinces. Cependant, elles doivent<br />
se préoccuper d’un autre type de déficit et de<br />
ralentissement, lié celui-là à leur capital social.<br />
Le concept de capital social est utilisé depuis le<br />
début des années 1990 pour faire référence aux<br />
ressources dont les particuliers et les collec tivités<br />
peuvent profiter grâce à la richesse des rapports<br />
sociaux et des liens communautaires. Une telle<br />
richesse se reflète normalement par une confiance<br />
accrue à l’égard des concitoyens et du gouver -<br />
nement, l’accès à des réseaux sociaux plus vastes<br />
et une participation plus grande à la vie commu -<br />
nautaire. Nombre d’études réalisées au cours des<br />
deux dernières décennies montrent qu’une forte<br />
dotation en capital social n’est pas un simple<br />
luxe dont une collectivité peut se passer. On a<br />
plutôt constaté qu’un grave déficit en capital<br />
social peut nuire au fonctionnement d’une société<br />
dans d’autres sphères, notamment au chapitre<br />
du rendement économique, des mesures de<br />
pro tec tion de la population, de la santé, de<br />
l’édu cation et de la gouvernance démocratique.<br />
Un dévelop pement social durable requiert donc<br />
une croissance vigoureuse non seulement dans<br />
le secteur économique conventionnel, mais<br />
également dans celui du capital social.<br />
L’état du capital social d’une collectivité est<br />
particulièrement préoccupant dans les villes,<br />
provinces ou pays susceptibles de vivre un<br />
changement majeur sur une courte période :<br />
essor économique, changement démographique<br />
appréciable ou transformation rapide du paysage<br />
culturel et social de la collectivité. Dans le cas des<br />
Prairies, ces trois éléments semblent présents. Ces<br />
provinces ont connu un essor économique, ont<br />
accueilli un grand nombre de personnes d’autres<br />
provinces et ont enregistré une croissance rapide<br />
de leur population d’immigrants, dont la plupart<br />
proviennent de pays en développement. Dans ce<br />
contexte, le présent article jette un regard sur<br />
l’état du capital social dans les trois provinces des<br />
Prairies, en les comparant les unes avec les autres<br />
et avec le reste du <strong>Canada</strong>.<br />
Il convient de préciser que le capital social n’est<br />
pas un phénomène monolithique. Les dimen sions<br />
en sont nombreuses et, de plus, elles ne vont<br />
pas toujours de pair. Une collectivité peut donc<br />
progresser dans certains domaines et accuser du<br />
retard dans d’autres. Selon la composition de<br />
son capital social, une collectivité particulière<br />
peut devenir plus forte dans un domaine tout en<br />
devenant plus vulnérable dans un autre. Il faut<br />
donc, dans un premier temps, déterminer les<br />
composantes du capital social.<br />
Trois thèmes sont abordés, en les situant dans le<br />
contexte défini plus haut. Premièrement, diverses<br />
dimensions du capital social sont brièvement<br />
présentées. On propose ensuite une analyse de<br />
l’état du capital social dans les provinces des<br />
Prairies, au regard de certaines dimensions. Enfin,<br />
la relation entre l’une de ces dimensions – la<br />
confiance sociale – et la diversité ethnoculturelle<br />
dans les villes canadiennes est examinée. À cette<br />
fin, différentes sources de données ont été<br />
utilisées, en particulier le Recensement du <strong>Canada</strong><br />
de 2001 et l’Enquête sociale générale (cycle 17)
TABLEAU 1<br />
Les dimensions du capital social<br />
Capacité de faire confiance aux gens<br />
Niveau de confiance : membres de la famille<br />
Niveau de confiance : gens du voisinage<br />
Niveau de confiance : gens du milieu de travail ou de l'école<br />
Niveau de confiance : inconnus<br />
Confiance envers la police<br />
Confiance envers le système de justice<br />
Confiance envers le système de santé<br />
Confiance envers le système d'éducation<br />
Confiance envers le système d'aide sociale<br />
Confiance envers le gouvernement<br />
Participation aux dernières élections fédérales<br />
Participation aux dernières élections provinciales<br />
Participation aux dernières élections municipales ou locales<br />
Année précédente : membre ou participant d'un groupe religieux<br />
Assistance aux offices religieux<br />
Importance des croyances religieuses et spirituelles dans la façon de mener sa vie<br />
Année précédente : membre ou participant d'un autre type d'organisation<br />
Année précédente : bénévolat non rémunéré pour une organisation<br />
Nombre moyen d'heures de bénévolat par mois<br />
Année précédente : membre ou participant d'un groupe ou parti politique<br />
Année précédente : bénévolat pour un parti politique<br />
Mois précédent : a rendu service à un voisin<br />
Mois précédent : a obtenu un service d'un voisin<br />
Année précédente : a cherché de l'information de nature politique<br />
Année précédente : a exprimé son opinion en communiquant avec un journal ou un politicien<br />
Année précédente : a exprimé son opinion durant une réunion publique<br />
Mois précédent : a donné de l'aide (enseignement, coaching, conseil pratique)<br />
Confiance envers les banques<br />
Confiance envers les grandes sociétés<br />
Année précédente : membre ou participant d'une organisation sportive<br />
Fréquence de participation aux activités et réunions de groupe<br />
À l'école primaire ou secondaire, a participé à un sport d'équipe organisé<br />
Année précédente : a signé une pétition<br />
Année précédente : a participé à une manifestation ou à une marche<br />
Nombre de connaissances (autres que les parents et amis intimes)<br />
Mois précédent : fréquence de rencontre d'amis<br />
Année précédente : membre ou participant d'une organisation culturelle<br />
Année précédente : membre ou participant d'un groupe scolaire ou d'une association de quartier<br />
Confiance envers les gens d'affaires<br />
Année précédente : a fait un don d'argent ou de biens à une organisation ou œuvre de bienfaisance<br />
À l'école primaire ou secondaire, appartenait à un groupe de jeunes<br />
Année précédente : membre ou participant d'un syndicat ou d'une association professionnelle<br />
Année précédente : membre ou participant d'un club social ou d'une société fraternelle<br />
Fréquence de suivi des nouvelles et de l'actualité<br />
Confiance<br />
Confiance envers<br />
les institutions<br />
publiques<br />
Participation<br />
électorale<br />
Engagement<br />
religieux<br />
Bénévolat<br />
Participation à<br />
un parti politique<br />
Relations<br />
avec les voisins<br />
Engagement<br />
politique<br />
Confiance envers<br />
le secteur privé<br />
Participation à des<br />
activités récréatives<br />
Activisme politique<br />
informel<br />
Réseaux sociaux<br />
informels<br />
Engagement culturel<br />
et communautaire<br />
Dons (de temps<br />
et d'argent)<br />
Participation sociale<br />
par intérêt personnel<br />
Nos diverses cités 143
FIGURE 1 (SUITE À LA PAGE SUIVANTE)<br />
Dotations en capital social des autres provinces<br />
comparativement à l’Alberta, 2003 a<br />
Participation électorale<br />
0,1200<br />
0,1000<br />
0,0800<br />
0,0600<br />
0.0400<br />
0,0200<br />
0,0000<br />
-0,0200<br />
-0,0400<br />
-0,0600<br />
Confiance<br />
0,0800<br />
0,0600<br />
0,0400<br />
0,0200<br />
0,0000<br />
-0,0200<br />
-0,0400<br />
-0,0600<br />
-0,0800<br />
T.-N.-L. I.-P.-É. N.-É. N.-B. Qué. Ont. Man. Sask. C.-B.<br />
T.-N.-L. I.-P.-É. N.-É. N.-B. Qué. Ont. Man. Sask. C.-B.<br />
Confiance envers les institutions publiques<br />
0,2000<br />
0,1500<br />
0,1000<br />
0,0500<br />
0,0000<br />
-0,0500<br />
-0,1000<br />
T.-N.-L. I.-P.-É. N.-É. N.-B. Qué. Ont. Man. Sask. C.-B.<br />
Confiance envers les institutions privées<br />
0,0800<br />
0,0700<br />
0,0600<br />
0,0500<br />
0,0400<br />
0,0300<br />
0,0200<br />
0,0100<br />
0,0000<br />
T.-N.-L. I.-P.-É. N.-É. N.-B. Qué. Ont. Man. Sask. C.-B.<br />
144 Nos diverses cités<br />
menée au <strong>Canada</strong> en 2003. Cette dernière<br />
comprend les réponses de plus de 25 000<br />
Canadiens à un ensemble de questions touchant à<br />
l’engagement social, ce qui en fait une source de<br />
données extrêmement précieuse pour la recherche<br />
sur le capital social.<br />
Les différentes dimensions du capital social<br />
Le Tableau 1 présente les 15 dimensions du capital<br />
social ainsi que les variables associées à chacune<br />
d’elles (pour plus de détails sur les procédés<br />
techniques utilisés, voir Kazemipur, 2008a et<br />
2008b). Les catégories suivantes ont été utilisées<br />
pour faciliter l’analyse : 1) confiance; 2) confiance<br />
envers les institutions publiques; 3) participation<br />
électorale; 4) engagement religieux; 5) bénévolat;<br />
6) participation à un parti politique; 7) relations<br />
avec les voisins; 8) engagement politique;<br />
9) confiance envers le secteur privé; 10) parti -<br />
cipation à des activités récréatives; 11) activisme<br />
politique informel; 12) réseaux sociaux informels;<br />
13) en ga gement culturel et communautaire;<br />
14) dons (de temps et d’argent); 15) participation<br />
sociale par intérêt personnel.<br />
Le capital social dans les Prairies<br />
par rapport au reste du <strong>Canada</strong><br />
La Figure 1 présente le classement des provinces<br />
canadiennes au regard de sept des 15 dimensions<br />
susmentionnées. Il s’agit des dimensions pour<br />
lesquelles les différences entre les provinces<br />
étaient statistiquement significatives. Dans tous<br />
les graphiques, l’Alberta est utilisée comme point<br />
de référence en raison de sa situation parti culière,<br />
même à l’intérieur des Prairies. Tous les scores<br />
présentés reflètent donc la situation de chaque<br />
province en comparaison avec l’Alberta, les<br />
valeurs positives et négatives indiquant un<br />
excédent ou un déficit par rapport à l’Alberta. De<br />
plus, les deux autres provinces des Prairies, soit le<br />
Manitoba et la Saskatchewan, sont représentées<br />
par des bandes noires afin de faciliter la compa -<br />
raison des Prairies avec le reste du <strong>Canada</strong>.<br />
Les différents graphiques dans la Figure 1<br />
montrent une combinaison variée et intéressante.<br />
L’écart le plus marqué est lié à l’indice de<br />
participation électorale : toutes les provinces<br />
affichent un score visiblement supérieur à celui<br />
de l’Alberta, à l’exception de la Colombie-<br />
Britannique. La province qui se classe le plus<br />
près de l’Alberta quant à la fréquence de<br />
participation électorale est l’Ontario. Les scores<br />
relativement faibles enregistrés pour le Manitoba<br />
et la Saskatchewan, bien qu’ils leur donnent une
légère avance sur l’Alberta, témoignent d’un<br />
niveau globalement plus faible de participation<br />
électorale dans les Prairies. Une tendance similaire<br />
se dégage en ce qui concerne la confiance<br />
envers les institutions publiques et l’engagement<br />
politique, à l’exception du Québec, qui se situe le<br />
plus loin de l’Alberta pour la première dimension<br />
et le plus près pour la deuxième.<br />
Les scores pour la confiance sociale, les<br />
relations avec les voisins et l’engagement reli -<br />
gieux suivent une tendance similaire, l’Alberta<br />
accusant un retard évident sur toutes les autres<br />
provinces, à l’exception du Québec. Ce constat<br />
revêt une importance particulière, puisque la<br />
confiance sociale facilite le développement d’un<br />
cadre social sain et agréable, distinct des<br />
institutions officielles. La confiance envers les<br />
institutions privées constitue une troisième<br />
tendance; ici, l’Alberta obtient un score inférieur<br />
à celui de toutes les autres provinces. Ce résultat<br />
est inquié tant, compte tenu du rôle que jouent<br />
les institutions privées dans la croissance<br />
économique de l’Alberta.<br />
Diversité ethnique et confiance<br />
L’incidence de la diversité ethnoculturelle sur les<br />
sociétés d’accueil est un enjeu qui attire de plus en<br />
plus l’attention. La plupart des études confirment<br />
l’existence d’un lien négatif entre l’accroissement<br />
de la diversité et certaines dimensions du capital<br />
social, dont la confiance (voir Putnam, 2007; voir<br />
également Lloyd, 2006a et 2006b; Coffe et Geys,<br />
2006; Letki, 2008; Alesina et Ferrara, 2000 et<br />
2002; Leigh, 2006a et 2006b; Howe, Everitt et<br />
Desserud, 2006; Aizlewood et Pendakur, 2005;<br />
Kay et Johnston, 2007). Dans une étude anté -<br />
rieure, l’auteur a démontré que, sauf à Montréal<br />
où une grande diversité ethnique est associée à un<br />
niveau de confiance sociale extrêmement faible,<br />
dans toutes les autres villes canadiennes, un lien<br />
positif existe entre la confiance et la diversité<br />
ethnique (voir Kazemipur, 2006). La Figure 2<br />
illustre ce lien positif.<br />
Dans une étude plus récente (Kazemipur, 2008b),<br />
l’auteur a examiné quelques-unes des raisons<br />
possibles de cette « exception montréalaise » et a<br />
conclu que le faible niveau de confiance semble lié<br />
aux interactions sociales limitées entre les per -<br />
sonnes d’origines ethniques différentes. Dans le cas<br />
de Montréal, par exemple, cette combinaison inha -<br />
bituelle de grande diversité ethnique et de faible<br />
confiance serait attribuable à l’importante ségré -<br />
gation résidentielle des groupes ethniques. Quand<br />
la ségrégation est présente, la diversité existante ne<br />
FIGURE 1 (SUITE)<br />
Dotations en capital social des autres provinces<br />
comparativement à l’Alberta, 2003 a<br />
Engagement politique<br />
0,0400<br />
0,0350<br />
0,0300<br />
0,0250<br />
0,0200<br />
0,0150<br />
0,0100<br />
0,0050<br />
0,0000<br />
-0,0050<br />
T.-N.-L. I.-P.-É. N.-É. N.-B. Qué. Ont. Man. Sask. C.-B.<br />
Engagement religieux<br />
0,1000<br />
0,0800<br />
0,0600<br />
0,0400<br />
0,0200<br />
0,0000<br />
-0,0200<br />
-0,0400<br />
-0,0600<br />
-0,0800<br />
-0,1000<br />
T.-N.-L. I.-P.-É. N.-É. N.-B. Qué. Ont. Man. Sask. C.-B.<br />
Relations avec les voisins<br />
0,1500<br />
0,1000<br />
0,0500<br />
0,0000<br />
-0,0500<br />
-0,1000<br />
-0,1500<br />
T.-N.-L. I.-P.-É. N.-É. N.-B. Qué. Ont. Man. Sask. C.-B.<br />
a L’Alberta sert de point de référence dans tous les graphiques.<br />
Source : Calculs de l’auteur basés sur l’Enquête sociale générale (2003)<br />
et sur le Recensement du <strong>Canada</strong> (2001).<br />
peut se traduire en interactions sociales et, par<br />
consé quent, le développement de la confiance<br />
entre individus de différentes origines ethniques<br />
différentes pourra être particulièrement lent.<br />
Le lien entre la confiance et la diversité dans<br />
les Prairies est illustré à la Figure 3. La tendance<br />
est représentée par un lien positif jusqu’à un<br />
certain degré de diversité et une association<br />
négative à partir de ce point. Cette tendance dite<br />
curviligne signale un changement possible dans<br />
l’environnement social et dans la nature des<br />
Nos diverses cités 145
FIGURE 2<br />
Niveau de confiance selon la diversité ethnique, villes canadiennes, 2003<br />
% de personnes croyant<br />
« qu’on peut faire confiance<br />
à la plupart des gens »<br />
80<br />
70<br />
60<br />
50<br />
40<br />
30<br />
20<br />
10<br />
0<br />
0,00 0,10 0,20 0,30 0,40 0,50 0,60 0,70 0,80 0,90 1,00<br />
liens entre les résidants d’une ville, par suite<br />
d’une croissance rapide de la diversité. Blalock<br />
(1967) avait déjà observé une tendance similaire<br />
pour les opinions des résidants blancs de<br />
quartiers américains face à l’augmentation du<br />
nombre de résidants noirs (voir également<br />
Fox, 2004; Glaser, 1994). Ces chercheurs avaient<br />
attribué ce changement à une menace perçue, de<br />
la part des Blancs, contre leur mode de vie.<br />
Bien que le nombre restreint de villes incluses<br />
dans l’analyse ne permette pas de tirer une<br />
conclusion définitive quant à l’existence d’une<br />
tendance particulière pour les Prairies, la présence<br />
d’une telle tendance permet certainement de se<br />
faire une meilleure idée de la situation globale<br />
au <strong>Canada</strong>.<br />
Répercussions sur les politiques<br />
La stabilité économique relative des provinces<br />
des Prairies exerce un attrait certain sur les<br />
Indice de diversité ethnique<br />
Source : Calculs de l’auteur basés sur l’Enquête sociale générale (2003) et sur le Recensement du <strong>Canada</strong> (2001).<br />
FIGURE 3<br />
Niveau de confiance selon la diversité ethnique, villes des Prairies, 2003<br />
% de personnes croyant<br />
« qu’on peut faire confiance<br />
à la plupart des gens »<br />
72<br />
70<br />
68<br />
66<br />
64<br />
62<br />
60<br />
146 Nos diverses cités<br />
0,80 0,82 0,84 0,86 0,88 0,90 0,92 0,94 0,96<br />
Indice de diversité ethnique<br />
Source : Calculs de l’auteur basés sur l’Enquête sociale générale (2003) et sur le Recensement du <strong>Canada</strong> (2001).<br />
immigrants, tant au niveau local qu’à l’étranger.<br />
Comme l’indiquent les résultats de cette analyse<br />
préliminaire, l’environnement social de ces<br />
provinces ne semble toutefois pas particulière -<br />
ment prêt à accueillir ces nouveaux habitants.<br />
L’état du capital social, par exemple, est le plus<br />
inquiétant en Alberta, qui affiche la croissance la<br />
plus rapide dans la région. Aussi conviendraitil<br />
d’accorder une attention particulière, et un<br />
investissement substantiel, dans l’infrastructure<br />
sociale. L’accroissement de la diversité ethnique<br />
dans les villes des Prairies, tendance qui se<br />
poursuivra compte tenu des courants d’immi -<br />
gration actuels, semble entraîner également un<br />
fléchissement du niveau de confiance, contrai -<br />
rement à la tendance générale observée<br />
dans d’autres villes canadiennes. La réaction<br />
défavorable à l’égard des immigrants soudanais<br />
dans la ville de Brooks, en Alberta, est une<br />
manifestation récente du genre de problèmes
qui peuvent éclater quand on néglige d’investir<br />
dans la préparation sociale des communautés<br />
de cette région. Il faudrait mieux comprendre<br />
ce problème dans les Prairies – grâce à des<br />
recherches approfondies et plus ciblées – afin que<br />
la prospérité économique future de cette région ne<br />
soit pas entravée par son capital social déficitaire.<br />
À propos de l’auteur<br />
ABDIE KAZEMIPUR est professeur agrégé de sociologie<br />
à la University of Lethbridge. Il étudie les expériences des<br />
minorités ethniques et des immigrants au <strong>Canada</strong>, ainsi<br />
que les tendances socioculturelles au Moyen-Orient. Ses<br />
plus récents ouvrages sont Generation X: A Sociological<br />
Account of the Iranian Youth (2008) et Social Capital and<br />
Diversity: Some Lessons from <strong>Canada</strong> (2008). Il dirige<br />
actuellement des recherches sur l’intégration des<br />
immigrants musulmans au <strong>Canada</strong>.<br />
Références<br />
Aizlewood, A., et R. Pendakur, 2005. « Ethnicity and Social<br />
Capital in <strong>Canada</strong> », Études ethniques au <strong>Canada</strong> /<br />
Canadian Ethnic Studies, vol. 37, no 2, p. 77-102.<br />
———. 2007. « Ethnicity and Social Capital in <strong>Canada</strong> », dans<br />
F. M. Kay et R. Johnston (dir.), Social Capital, Diversity and<br />
the Welfare State, Vancouver, UBC Press, p. 169-198.<br />
Alesina, A., et E. La Ferrara. 2000. « Participation in<br />
Heterogeneous Communities », The Quarterly Journal<br />
of Economics (août), p. 847-904.<br />
———. 2002. « Who Trusts Others? », Journal of Public<br />
Economics, vol. 85, p. 207-234.<br />
Blalock, H. M. Jr. 1967. Toward a Theory of Minority-Group<br />
Relations, New York, John Wiley and Sons, Inc.<br />
Coffe, H., et B. Geys. 2006. « Community Heterogeneity:<br />
A Burden for the Creation of Social Capital? », Social<br />
Science Quarterly, vol. 87, no 1, p. 1053-1072.<br />
Fox, C. 2004. « The Changing Color of Welfare? How Whites’<br />
Attitudes Toward Latinos Influence Support for Welfare »,<br />
American Journal of Sociology, vol. 110, no 3, p. 580-625.<br />
Glaser, J. M. 1994. « Back to the Black Belt: Racial<br />
Environment and White Racial Attitudes in the South »,<br />
The Journal of Politics, vol. 56, n o 1, p. 21-41.<br />
Howe, P., J. Everitt, et D. Desserud. 2006. « Social Capital<br />
and Ethnic Harmony: Evidence from the New Brunswick<br />
Case », Études ethniques au <strong>Canada</strong> / Canadian Ethnic<br />
Studies, vol. 38, n o 3, p. 37-57.<br />
Kay, F. M., et. R. Johnston (dir.). 2007. Social Capital,<br />
Diversity and the Welfare State, Vancouver, UBC press.<br />
Kazemipur, A. 2006. « A Canadian Exceptionalism: Trust<br />
and Diversity in Canadian Cities », Revue de l’intégration et<br />
de la migration internationale / Journal of International<br />
Migration and Integration, vol. 7, n o 2, p. 219-240.<br />
———. 2008a. « Social Capital Profiles: Immigrants and the<br />
Native-Born in <strong>Canada</strong> », Centre <strong>Metropolis</strong> des Prairies,<br />
document de travail WP02-08.<br />
———. 2008b. Social Capital and Diversity: Some Lessons<br />
from <strong>Canada</strong>, Bern, Peter Lang AG.<br />
Leigh, A. 2006a. « Diversity, Trust and Redistribution »,<br />
Dialogue, vol. 25, n o 3, p. 43-49.<br />
———. 2006b. « Trust, Inequality and Ethnic Heterogeneity »,<br />
The Economic Record, vol. 82, n o 258, p. 268-280.<br />
Letki, N. 2008. « Does Diversity Erode Social Cohesion?<br />
Social Capital and Race in British Neighbourhoods »,<br />
Political Studies, vol. 56, n o 3.<br />
Lloyd, J. 2006a. « Research Shows Disturbing Picture of<br />
Modern Life », Financial Times (en ligne). Consulté le<br />
8 octobre 2008 à l’adresse .<br />
———. 2006b. « Harvard Study Paints Bleak Picture of Ethnic<br />
Diversity », Financial Times (en ligne). Consulté le 8 octobre<br />
2008 à l’adresse .<br />
Putnam, R. D. 2007. « E Pluribus Unum: Diversity and<br />
Community in the Twenty-First Century », Scandinavian<br />
Political Studies, vol. 30, n o 2, p. 137-174.<br />
Nos diverses cités 147
S’appuyant sur des entrevues tenues avec des représentants de programmes d’établissement<br />
des immigrants et sur des discussions en groupe auxquelles ont participé une trentaine de<br />
Philippines dans le sud de l’Alberta, le présent article donne un aperçu des services de<br />
transition et du soutien que les aides familiales résidantes d’origine philippine obtiennent au<br />
<strong>Canada</strong> ainsi que de leur utilisation des services offerts par le gouvernement philippin.<br />
De travailleuses temporaires<br />
à résidentes permanentes<br />
Services de transition pour les aides familiales<br />
résidantes d’origine philippine dans le<br />
sud de l’Alberta *<br />
GLENDA LYNNA ANNE TIBE BONIFACIO<br />
University of Lethbridge<br />
148 Nos diverses cités<br />
Entre 1981 et 2004, quelque 90 000 femmes<br />
philippines sont venues au <strong>Canada</strong> à titre d’aides<br />
familiales résidantes (POEA, 2004) et en 2006,<br />
parmi les 6 895 aides familiaux résidants<br />
admis au pays par Citoyenneté et Immigration<br />
<strong>Canada</strong> (CIC, 2007), 77 % étaient originaires<br />
des Philippines (Abano, 2007). Province la plus<br />
prospère du <strong>Canada</strong>, l’Alberta a attiré en 2007<br />
une bonne part des 49 309 travailleurs étrangers<br />
temporaires philippins venus au pays, dont<br />
de nombreux aides familiaux (Uy, 2008).<br />
Ce nombre devrait encore augmenter par suite<br />
de la signature, en octobre 2008, d’un nouveau<br />
protocole d’entente entre Marianito Roque,<br />
secrétaire du Travail des Philippines, et<br />
Hector Goudreau, ministre de l’Emploi et de<br />
l’Immigration de l’Alberta (Jaymalin, 2008).<br />
La ville de Calgary, dans le sud de l’Alberta,<br />
se classe au quatrième rang des destinations<br />
de choix des immigrants au <strong>Canada</strong> (Alberta<br />
* Cet article est une version révisée d’un article antérieur publié<br />
par l’auteure sous le titre « I Care for You, Who Cares for Me?<br />
Transitional Services for Filipino Live-in Caregivers in <strong>Canada</strong> »<br />
dans Asian Women: Gender Issues in International Migration,<br />
vol. 24, n o 1, p. 25-50.<br />
Finance and Enterprise, 2008). Avec une<br />
économie forte soutenue par l’industrie pétrolière<br />
et gazière, l’Alberta compte un certain nombre de<br />
ménages de classe moyenne qui recrutent<br />
des aides familiales résidantes d’origine<br />
philippine pour prendre soin de leurs enfants,<br />
des aînés, des malades et des personnes ayant<br />
une déficience physique.<br />
Bien que l’admission des aides familiaux<br />
résidants (AFR) soit facilitée par un visa<br />
de résident temporaire assorti de conditions<br />
strictes dans le cadre du Programme concernant<br />
les aides familiaux résidants (PAFR), certains<br />
y voient une porte d’accès à la résidence<br />
permanente et, éventuellement, à la citoyenneté.<br />
La transition de travailleur temporaire à<br />
résident permanent semble être une étape<br />
cruciale, surtout pour les femmes philippines<br />
qui prévoient le parrainage, l’établissement<br />
et l’intégration de leur famille dans la<br />
société canadienne.<br />
Lorsqu’une AFR a rempli les conditions du<br />
PAFR et qu’elle amorce sa transition vers la<br />
résidence permanente, quels services peut-elle<br />
s’attendre à recevoir des organisations d’aide
aux immigrants et d’autres organismes commu -<br />
nautaires ? S’appuyant sur des entrevues tenues<br />
avec des représentants de programmes<br />
d’établissement des immigrants et sur des<br />
discussions en groupe auxquelles ont participé<br />
une trentaine de Philippines dans le sud de<br />
l’Alberta en 2006 et 2007 sous les auspices du<br />
Centre <strong>Metropolis</strong> des Prairies, le présent article<br />
donne un aperçu des services de transition et du<br />
soutien que ces femmes obtiennent au <strong>Canada</strong><br />
ainsi que de leur utilisation des services offerts<br />
par le gouvernement philippin. La première<br />
partie présente les types de services offerts aux<br />
nouveaux arrivants au <strong>Canada</strong> et leur utilisation<br />
par les AFR philippines dans le sud de l’Alberta.<br />
La deuxième partie s’intéresse au point de vue<br />
de ces femmes concernant les sources de soutien<br />
et de services existant dans la collectivité.<br />
La troisième partie résume enfin le rôle du<br />
gouvernement des Philippines dans la vie des<br />
AFR au <strong>Canada</strong>.<br />
Services pour les nouveaux arrivants<br />
Les services font partie intégrante de l’établis -<br />
sement des nouveaux arrivants (Omidvar et<br />
Richmond, 2003). S’inscrivant dans une longue<br />
histoire d’immigration au <strong>Canada</strong>, les services<br />
aux nouveaux arrivants sont dispensés par des<br />
organismes gouvernementaux et non gouver -<br />
nementaux et forment un programme essentiel<br />
qui vise à optimiser la contribution des étrangers<br />
à la société canadienne en tant que travailleurs<br />
et citoyens. Dans les années 1970, les organismes<br />
d’aide aux immigrants installés dans différentes<br />
collectivités au <strong>Canada</strong> ont été désignés comme<br />
organismes de première ligne afin de les aider<br />
à surmonter les obstacles d’une société multi -<br />
culturelle en croissance (Holder, 1998).<br />
L’emplacement et les types de services offerts<br />
par les organismes d’établissement déterminent<br />
la mesure dans laquelle ils sont utilisés<br />
efficacement par les immigrants. Une carte<br />
géographique (Truelove, 2000) montrant<br />
l’emplacement des fournisseurs de services aux<br />
immigrants à Toronto révèle une forte<br />
concentration d’organismes à proximité des<br />
routes de transport. Bien qu’on trouve des<br />
services sociaux pour les nouveaux arrivants<br />
dans les régions métropolitaines de Recensement<br />
et les villes de taille moyenne du <strong>Canada</strong>,<br />
des études révèlent que des obstacles – comme<br />
la langue, le manque de sensibilisation aux<br />
différences culturelles dans la prestation<br />
des services, le manque d’information et les<br />
contraintes financières – empêchent nombre<br />
d’immigrants d’utiliser les ressources présentes<br />
dans leur collectivité (Guo, 2006). Par conséquent,<br />
les organisations ethniques comblent l’écart au<br />
chapitre du service en offrant des programmes<br />
adaptés aux différentes cultures.<br />
Les services communautaires pour les<br />
immigrants au <strong>Canada</strong>, selon Ng (1988, p. 89),<br />
reflètent souvent la façon dont l’État reproduit<br />
les rapports de force, particulièrement dans les<br />
rapports entre les gens. Les types de services<br />
offerts aux immigrants tendent à confiner<br />
ces derniers dans certains secteurs d’activités;<br />
ceux qui ne font pas partie des structures de<br />
programme établies, comme les travailleurs<br />
étrangers temporaires ou les aides familiaux<br />
résidants, demeurent des agents de changement<br />
dont l’expérience d’immigration est invisible.<br />
Le PAFR crée un bassin de travailleurs qui<br />
évoluent progressivement entre deux statuts<br />
opposés dans le régime canadien, passant de<br />
non-citoyens à citoyens. Ce changement de<br />
statut requiert nécessairement une transition<br />
pendant laquelle différents agents de l’État<br />
et de la société civile fournissent des services.<br />
Comme les travailleurs étrangers contribuent<br />
à l’économie de la société hôte, les États<br />
ont l’obligation morale de les aider, selon Bell<br />
(2001, p. 26), « à prendre le chemin menant à<br />
la citoyenneté » 1 .<br />
Dans le sud de l’Alberta, les immigrants ont<br />
principalement accès aux services suivants :<br />
information et orientation, interprétation et<br />
traduction, aiguillage vers des organismes<br />
communautaires, services de soutien, campagnes<br />
de sensibilisation du public et autres initiatives<br />
communautaires portant sur divers aspects de<br />
la vie au <strong>Canada</strong> (LIS, 2005). Néanmoins, les<br />
services d’établissement sont clairement conçus<br />
pour les immigrants et les réfugiés, et ne<br />
s’adressent pas, en général, aux travailleurs<br />
étrangers temporaires. Les AFR sont considérés<br />
comme des immigrants économiques, l’une des<br />
trois principales catégories de clients (avec<br />
les réfugiés et les nouveaux arrivants de la<br />
catégorie du regroupement familial) aux fins du<br />
Programme d’établissement et d’adaptation des<br />
immigrants (PEAI) et devraient donc, à ce titre,<br />
avoir accès aux services d’établissement, offerts<br />
tant par des organismes privés que publics (CIC,<br />
2005; CIC, s.d.). Selon un représentant de<br />
1<br />
Note : Toutes les citations dans cet article sont des traductions<br />
de l’anglais.<br />
Nos diverses cités 149
Les participantes à l’étude [...] ont aussi révélé que la plupart de celles<br />
qui ont perdu leur emploi quelques mois après le début du PAFR n’ont<br />
pas eu droit à l’assurance-emploi. Aucune n’était au courant des<br />
services d’hébergement temporaire offerts par le gouvernement.<br />
150 Nos diverses cités<br />
l’organisme Lethbridge Immigrant Services, les<br />
AFR « ont droit aux mêmes services que tout autre<br />
étranger au <strong>Canada</strong>, c’est-à-dire à une suite<br />
complète de programmes, rensei gnements et<br />
services d’orientation touchant pratiquement tous<br />
les aspects de la vie dans la collectivité ». Au cours<br />
des cinq dernières années, pourtant, aucune AFR<br />
philippine ni aucune famille de ce groupe n’ont<br />
reçu quelque forme de service que ce soit en lien<br />
avec leur établissement à Lethbridge.<br />
Selon la Saamis Immigration Services<br />
Association (SISA) de Medicine Hat, les ententes<br />
passées entre les gouvernements fédéral et<br />
provincial et les organismes d’établissement<br />
définissent l’admissibilité des clients aux<br />
programmes et aux services. Les AFR philippines<br />
à Medicine Hat n’utilisent pas les programmes et<br />
services offerts par la SISA, sans doute parce<br />
qu’elles maîtrisent déjà suffisamment l’anglais.<br />
Comme l’indiquait le représentant de la SISA,<br />
« si elles viennent par elles-mêmes et possèdent<br />
des compétences linguistiques, elles peuvent<br />
obtenir les services dont elles ont besoin sans<br />
demander notre aide ou une recommandation ».<br />
Dans la ville de Brooks, le Global Friendship<br />
Immigration Centre (GFIC) existe depuis cinq ans<br />
et sert principalement des réfugiés originaires<br />
d’Afrique, dont plusieurs ont entrepris une<br />
migration secondaire pour venir travailler à<br />
Lakeside Packers. Comme le financement de<br />
l’organisme a été récemment réduit, l’aiguillage est<br />
le principal service d’établissement offert. Même si<br />
Brooks devient également le lieu de travail<br />
secondaire d’anciennes AFR, une seule femme<br />
philippine s’est présentée au centre d’immi gration,<br />
ce qui constituait un fait très rare, selon le<br />
représentant du GFIC. Dans ce cas, l’employeur<br />
avait contacté le centre pour s’informer des<br />
services qu’il était en mesure d’offrir à l’aide<br />
familiale, et avait même fait un don en argent.<br />
Comparativement à d’autres villes du sud de<br />
l’Alberta, Calgary offre à nombre d’anciens AFR<br />
plus de débouchés d’emploi à meilleur salaire.<br />
En fait, toutes les AFR ayant participé à l’étude<br />
ont quitté les régions rurales pour accepter<br />
du travail à Calgary. En date de novembre 2006,<br />
les principaux programmes offerts par la Calgary<br />
Catholic Immigration Society (CCIS), l’un des neuf<br />
organismes d’aide aux immigrants existant à<br />
Calgary, couvraient les secteurs suivants : services<br />
aux entreprises, placement et formation; inté -<br />
gration et développement communautaire;<br />
réinstallation et intégration; services à la<br />
famille et à l’enfance. En particulier, les services<br />
d’établissement et d’intégration incluent un<br />
programme d’accueil à l’aéroport et de don de<br />
vêtements, un programme de services intégrés,<br />
le Margaret Chisholm Resettlement Centre, un<br />
programme d’aide à l’établissement et un<br />
programme de soins de santé. Le nombre de<br />
Philippins qui utilisent ces programmes et services<br />
est assez faible, selon le représentant de la CCIS.<br />
Les Philippines sollicitent habi tuellement les<br />
services du Centre lorsque leur contrat de travail<br />
comme AFR est terminé et qu’elles ont déjà obtenu<br />
la résidence permanente. Comme le mentionnait<br />
un représentant de la CCIS, ces femmes utilisent<br />
« quelques-uns de nos programmes de formation<br />
en cours d’emploi et d’orientation professionnelle;<br />
elles viennent parfois postuler parce que nous<br />
exploitons deux garderies et que la plupart<br />
d’entre elles peuvent travailler comme éducatrices<br />
autorisées ». Cependant, la faible participation des<br />
Philippins en général et des AFR en particulier<br />
incite à s’interroger sur la pertinence des<br />
programmes et services offerts pendant le contrat<br />
de travail de deux ans et par la suite.<br />
Le droit d’accès aux services d’établissement<br />
est déterminé par le nombre d’années passées au<br />
<strong>Canada</strong>. Le représentant de la CCIS explique que<br />
« selon la règle, nous pouvons servir les personnes<br />
pendant leurs deux premières années au <strong>Canada</strong>,<br />
et nous devons limiter le pourcentage de<br />
personnes qui n’ont pas la résidence permanente ».<br />
Ainsi, l’AFR qui a passé ses deux premières<br />
années au <strong>Canada</strong> dans une situation de travail<br />
contraignante ne serait pas admissible.<br />
Si les programmes d’établissement et les services<br />
connexes sont bien implantés dans les villes, on<br />
n’en trouve aucun dans les petites localités<br />
comme Cardston, High River et Picture Butte. Par<br />
ailleurs, ces régions n’offrent pas de transport
public. L’information sur l’éta blis sement provient<br />
apparemment des bibliothèques publiques.<br />
Les aides familiales résidantes philippines<br />
et les services communautaires<br />
De Picture Butte à Calgary, aucune AFR philippine<br />
faisant partie du groupe d’étude n’a eu recours<br />
aux organismes d’établissement pendant la<br />
période de contrat du PAFR. Parmi les facteurs en<br />
cause, signalons le manque flagrant d’information<br />
sur les services offerts dans la collectivité et<br />
l’isolement relatif inhérent à la nature de cet<br />
emploi. Par exemple, les AFR travaillent habituel -<br />
lement pendant les heures normales du lundi<br />
au vendredi, ce qui coïncide avec les heures<br />
d’ouverture de nombreux organismes.<br />
Si ce n’est auprès des fournisseurs de services<br />
aux immigrants, où ces femmes peuvent-elles<br />
obtenir de l’aide dans la collectivité ? Quatre<br />
sources principales de services et de soutien<br />
s’offrent aux AFR philippines dans le sud de<br />
l’Alberta : la famille et les amis, les associations<br />
philippines, les agences de recrutement et les<br />
organismes confessionnels.<br />
Famille et amis<br />
Des amitiés sont nouées avec d’autres AFR<br />
philippines rencontrées dans des lieux publics tels<br />
qu’un centre commercial, un parc, une école ou<br />
une église, ou avec des Philippins dont les noms<br />
et coordonnées ont été obtenus avant leur<br />
immigration. Les associations philippines orga -<br />
nisent également des réunions de fraternisation.<br />
Le réseau social informel formé par les proches et<br />
les amis semble être la « façon courante » pour les<br />
femmes immigrantes d’obtenir accès aux services<br />
existant dans la collectivité (Neufeld et coll., 2001,<br />
p. 13). Celles qui doivent trouver rapidement un<br />
logement et un soutien financier par suite de la<br />
résiliation soudaine d’un contrat de travail ou qui<br />
attendent la délivrance d’un autre permis de<br />
travail se tournent d’abord vers leur petit cercle<br />
d’amis dans la collectivité. Les Philippins adhèrent<br />
à une valeur fondamentale (ou trait de person -<br />
nalité) appelée kapwa (un semblable) qui définit<br />
leurs relations sociales (Marcelino, 1990). On verra<br />
donc, dans la diaspora, des Philippins faire preuve<br />
de bienveillance, ou pakikipagkapwa (Aquino,<br />
2004), à l’égard de leurs compatriotes qui sont<br />
dans le besoin.<br />
Associations philippines<br />
Témoignant de la croissance de la communauté<br />
philippine au <strong>Canada</strong>, des associations philippines<br />
voient le jour dans les grandes villes et localités<br />
et sont plus ou moins structurées en fonction<br />
de la région, de la religion, du dialecte, d’intérêts<br />
commerciaux ou sportifs, entre autres (Silva,<br />
2006). À Calgary, le Filipino 2004 Telephone<br />
Guide contenait 38 associations philippines.<br />
Celles qui sont établies à Calgary et à Lethbridge,<br />
cependant, n’offrent pas de services comme tels<br />
aux AFR. La plupart organisent des rencontres<br />
sociales qui permettent aux Philippins de former<br />
de nouvelles amitiés et de renouer des liens qui<br />
ont été brisés en quittant leur pays.<br />
Agences de recrutement<br />
Les agences de recrutement offrent du soutien<br />
pour la recherche d’emploi dans le cas où le<br />
premier contrat de travail est dissous en raison<br />
d’un décès, d’une mise à pied, de conditions<br />
abusives ou autre. Cependant, ces agences<br />
n’offrent aucune forme d’aide en cas de difficulté<br />
pendant les deux années de travail comme AFR.<br />
Les AFR philippines peuvent néanmoins compter<br />
sur les amis, qui proviennent souvent de la même<br />
agence, et sur la famille pour leur venir en aide.<br />
Églises et organismes confessionnels<br />
Dans la diaspora philippine, l’église symbolise la<br />
continuité des mœurs culturelles, comme la messe<br />
du dimanche pour nombre de catholiques. L’église<br />
est aussi un lieu où rencontrer un kababayan<br />
(compatriote philippin) en terre étrangère. Les<br />
églises catholiques romaines deviennent des<br />
centres d’interaction sociale pour de nombreux<br />
Philippins. Dans les endroits où il n’y a pas d’église<br />
catholique, certaines femmes établies dans les<br />
collectivités rurales voient en la croix chrétienne<br />
une invitation à rencontrer d’autres Canadiens.<br />
L’église, comme les centres commerciaux et les<br />
bibliothèques, fait partie des lieux publics qui sont<br />
ouverts durant le congé de fin de semaine.<br />
La spiritualité philippine devient une source<br />
d’aide face aux incertitudes de la vie au<br />
<strong>Canada</strong>. Shimabukuro, Daniels et D’Andrea<br />
(1999) ont examiné la façon dont les traditions<br />
et les croyances spirituelles influent sur le<br />
développement psychologique des membres<br />
des communautés ethniques. Dans le cas des<br />
AFR philippines, les manifestations spirituelles,<br />
comme le fait d’assister à une messe, préservent<br />
la dimension culturelle et le connu.<br />
Recours personnel<br />
Tandis que les AFR philippines participant à<br />
l’étude ont principalement recherché le soutien<br />
Nos diverses cités 151
152 Nos diverses cités<br />
d’amis et de proches pendant la transition de<br />
travailleuses temporaires à résidentes perma -<br />
nentes, et lors de difficultés éprouvées dans le<br />
cadre du PAFR, plus de la moitié d’entre elles se<br />
sont fiées à l’information reçue au point d’entrée<br />
au <strong>Canada</strong>. Celles qui sont arrivées à Vancouver et<br />
à Toronto ont reçu une trousse de documentation<br />
sur l’établissement au <strong>Canada</strong> contenant une<br />
liste d’organismes gouvernementaux et de<br />
coordonnées pour obtenir des services de tous<br />
genres (par exemple, soins de santé ou impôt).<br />
Mais les connaissances sont difficiles à mettre<br />
en pratique. De nombreuses AFR d’origine<br />
philippine ont exprimé leur déception face à<br />
l’inefficacité des numéros sans frais gouver -<br />
nementaux, ayant essayé pendant plus de cinq<br />
minutes de comprendre les choix proposés par un<br />
système automatisé plutôt que par une personne.<br />
En désespoir de cause, elles ont dû demander<br />
l’aide d’amis et de parents dans la collectivité.<br />
Celles qui n’avaient pas de proches à contacter<br />
devaient essayer de trouver des groupes sociaux<br />
pour résoudre leurs problèmes, surtout pour traiter<br />
avec des employeurs exploiteurs ou lorsqu’elles se<br />
retrouvaient sans employeur pendant la période<br />
de validité du PAFR. De façon générale, les<br />
participantes à l’étude croient que les organismes<br />
gouvernementaux ne sont pas en mesure de<br />
fournir une assistance immédiate pour l’héber -<br />
gement et le soutien du revenu en cas de rupture<br />
du contrat de travail. Elles ont aussi révélé que<br />
la plupart de celles qui ont perdu leur emploi<br />
quelques mois après le début du PAFR n’ont pas<br />
eu droit à l’assurance-emploi. Aucune n’était au<br />
courant des services d’hébergement temporaire<br />
offerts par le gouvernement.<br />
Rôle du gouvernement des Philippines<br />
Aux Philippines, un atelier obligatoire d’orien -<br />
tation avant le départ garantit que tous les<br />
Philippins qui vont travailler à l’étranger ont<br />
une connaissance de la « culture ainsi que des<br />
conditions de vie et de travail » (Rodriguez,<br />
2005; DFA, 2004) des pays de destination, dont<br />
le <strong>Canada</strong>. En date de février 2006, la Overseas<br />
Workers Welfare Administration (OWWA)<br />
supervisait l’orientation sur les sujets suivants :<br />
« règlement sur les voyages, procédures<br />
d’immigration, différences culturelles, questions<br />
relatives à l’établissement, questions relatives<br />
à l’emploi et à la sécurité sociale, droits et<br />
obligations des immigrants philippins » (CFO,<br />
2007). L’atelier d’orientation semble avoir une<br />
portée générale tandis que certaines agences<br />
privées offrent des programmes adaptés aux<br />
pays de destination et axés sur les attributs<br />
comportementaux des travailleurs philippins, en<br />
particulier pour « discipliner les Philippines »<br />
(Rodriguez, 2005, p. 20) dans les pays étrangers<br />
ou enseigner comment projeter une bonne image<br />
du travailleur philippin dans la société hôte.<br />
Pendant l’affectation à l’étranger, que ce<br />
soit au <strong>Canada</strong> ou ailleurs, les travailleurs<br />
temporaires philippins se trouvent princi -<br />
palement sous la protection de la OWWA par<br />
le truchement de ses services « centraux », du<br />
programme de rapatrie ment et du régime de<br />
protection des travailleurs (Agunias et Ruiz,<br />
2007, p. 14). Un service d’aide juridique pour les<br />
travailleurs philippins à l’étranger a été mis sur<br />
pied en 2006 dans certains pays. On ne trouve<br />
cependant aucun bureau en Amérique du Nord.<br />
Les bureaux internationaux sont principalement<br />
situés en Asie et au Moyen-Orient, ainsi qu’à<br />
quelques endroits en Europe, et on les trouve<br />
généralement dans les États qui accueillent des<br />
travailleurs temporaires. En comparaison, le<br />
<strong>Canada</strong> est un pays d’accueil traditionnel pour<br />
les Philippins.<br />
La prestation de services gouvernementaux aux<br />
AFR au <strong>Canada</strong> dépend de leur inscription<br />
officielle auprès des agences philippines appro -<br />
priées. La situation se complique lorsque les AFR<br />
arrivent d’un pays tiers comme Singapour ou<br />
Taïwan et n’ont pas pu enregistrer leur migration<br />
secondaire au <strong>Canada</strong> après leur départ des<br />
Philippines. Même ceux qui sont inscrits ne savent<br />
pas à quel service s’attendre du gouvernement<br />
philippin. Wickramasekera (2002, p. 28) constate<br />
qu’un pays source « peut difficilement aider ses<br />
travailleurs à l’étranger ». En général, le gouver -<br />
nement philippin est incapable de défendre les<br />
droits de ses citoyens à l’étranger (Parreñas, 2001).<br />
Les principaux services offerts aux AFR<br />
au <strong>Canada</strong> concernent l’administration des<br />
passeports et le règlement d’autres exigences<br />
bureaucratiques pour les citoyens philippins.<br />
D’après le consul général honoraire à Calgary,<br />
interviewé en 2006, l’aide fournie aux AFR porte<br />
sur « la présentation des documents », y compris<br />
pour l’authentification. Le bureau du consulat<br />
général honoraire est toutefois intervenu pour<br />
des AFR qui, ayant enfreint les dispositions du<br />
PAFR, ont été expulsés. Comme le gouvernement<br />
philippin n’a pas les ressources financières pour<br />
engager des avocats chargés de représenter les<br />
AFR ayant des démêlés avec la justice dans le sud<br />
de l’Alberta, le consulat général à Calgary peut
seulement recommander un avocat. Au moment<br />
de l’entrevue, le bureau consulaire à Calgary était<br />
administré par une société privée qui appartient<br />
au Consulat général honoraire et dont le<br />
personnel offre des services administratifs aux<br />
Philippins sur rendez-vous seulement.<br />
Conclusion<br />
Les AFR d’origine philippine se lancent sur un<br />
chemin souvent ardu pour devenir citoyens.<br />
Cependant, les services de transition utilisés par<br />
les AFR dans le sud de l’Alberta démontrent le<br />
manque de pertinence des programmes unifor -<br />
misés d’établissement et d’intégration offerts<br />
par les organismes d’aide aux immigrants. Par<br />
exemple, leur admission au <strong>Canada</strong> dans le cadre<br />
du PAFR suppose une connaissance de l’anglais.<br />
Le fait qu’aucune femme philippine du groupe<br />
d’étude n’ait demandé l’aide d’organismes<br />
d’établissement révèle un manque de services<br />
adaptés aux besoins particuliers de ce groupe. Les<br />
programmes et les services disponibles sont établis<br />
en fonction d’un type d’immigrant qui n’est<br />
pas nécessairement représentatif des besoins<br />
particuliers des aides familiaux résidants.<br />
Il y a un manque flagrant de communication<br />
entre tous les participants du PAFR : le gouver -<br />
nement, les agences de recrutement privées, les<br />
employeurs et les AFR philippines. Ces femmes<br />
reçoivent une formation avant leur départ des<br />
Philippines, tandis que leurs employeurs cana -<br />
diens ne reçoivent pas, en général, d’orientation<br />
adéquate au sujet des rôles, des droits et des<br />
obligations des AFR. Ces dernières sont admises<br />
dans le cadre d’une initiative fédérale, et leurs<br />
services sont cruciaux dans le quotidien de<br />
nombreuses familles canadiennes de classe<br />
moyenne. Par conséquent, il faudrait créer des<br />
programmes particuliers et effectuer une<br />
évaluation critique des services adaptés à cette<br />
catégorie de travailleurs privés, car après tout, les<br />
modèles universels coexistent rarement avec les<br />
réalités particulières.<br />
À propos de l’auteure<br />
GLENDA LYNNA ANNE TIBE BONIFACIO est professeure<br />
agrégée en études de la condition féminine à la<br />
University of Lethbridge. Elle s’intéresse aux<br />
recoupements entre le sexe, la migration et la<br />
citoyenneté dans le contexte de la mondialisation<br />
et du développement. Quelques-uns de ses travaux<br />
sur la migration des femmes philippines en Australie<br />
ont été publiés par le Asian and Pacific Migration<br />
Journal et le Review of Women Studies.<br />
Références<br />
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2007. Consulté le 11 novembre 2008 à l’adresse<br />
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Programme des aides familiaux résidants. Consulté le<br />
11 novembre 2008 à l’adresse .<br />
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Holder, B. S. 1998. The Role of Immigrant Service<br />
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Study, thèse de doctorat, University of Toronto.<br />
Consulté le 7 octobre 2006 à l’adresse .<br />
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le 4 avril 2007 à l’adresse .<br />
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Consulté le 11 novembre 2007 à l’adresse<br />
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2007. International Offices. Consulté le 11 novembre 2007<br />
à l’adresse .<br />
Rodriguez, R. 2005. Domestic Insecurities: Female Migration<br />
from the Philippines, Development and National Subject-<br />
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Shimabukuro, K., J. Daniels, et M. D’Andrea. 1999.<br />
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The Case of the Grieving Filipino Boy », Journal of<br />
Multicultural Counseling and Development, vol. 27, no 4,<br />
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Silva, J. 2006. Engaging Diaspora Communities in<br />
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Fraser University. Consulté le 5 octobre 2007 à l’adresse<br />
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Truelove, M. 2000. « Services for Immigrant Women:<br />
An Evaluation of Locations », The Canadian Geographer,<br />
vol. 44, no 2, p. 135-151.<br />
Uy, V. 2008. « Alberta Opens Doors to OFWs », Global<br />
Nation (1er octobre). Consulté le 11 novembre 2008<br />
à l’adresse .<br />
Wickramasekera, P. 2002. « Asian Labour Migration: Issues<br />
and Challenges in an Era of Globalization », International<br />
Migration Paper, no 57, Gèneve, Migrations internationales,<br />
Bureau de l’Organisation Internationale du Travail.<br />
Consulté le 6 octobre 2006 à l’adresse .<br />
<strong>Numéro</strong> thématique de la Revue canadienne de recherche urbaine<br />
Nos diverses cités :<br />
défis et possibilités<br />
Cette édition de la Revue canadienne de recherche urbaine / Canadian<br />
Journal of Urban Research (vol. 15, n o 2, 2006) est le fruit d’une<br />
collaboration entre les rédacteurs invités Tom Carter et Marc Vachon<br />
(Université de Winnipeg), John Biles et Erin Tolley (projet <strong>Metropolis</strong>), et<br />
Jim Zamprelli (Société canadienne d’hypo thèques et de logement). Cette<br />
revue présente une sélection d’articles portant sur la politique, la religion,<br />
le logement, les bandes de jeunes, les sports ainsi que les services récréatifs.<br />
On y aborde les défis que pose la concentration de plus en plus grande de<br />
groupes religieux, linguistiques, ethniques et raciaux au sein des villes cana -<br />
diennes, et on y propose des moyens de faciliter le processus d’intégration.<br />
Pour obtenir une copie gratuite de la revue, veuillez écrire à
Aussi indispensables que puissent être les programmes et les services offerts par les<br />
organismes d’aide aux immigrants, tant pour la collectivité en général que pour les milliers<br />
de personnes qu’ils desservent, ils ne peuvent pas être les seuls responsables de l’élaboration<br />
et de la refonte de nos politiques d’immigration et d’emploi.<br />
Toiles d’araignée,<br />
diversité et inclusion *<br />
GAYLA ROGERS<br />
University of Calgary et Urban Alliance<br />
En guise de présentation, je me permets de<br />
mentionner que je dirige l’une des plus impor -<br />
tantes écoles de travail social au <strong>Canada</strong>. La<br />
faculté de travail social de la University of Calgary<br />
s’est engagée à changer des vies, tant celles de nos<br />
étudiants que celles des personnes pour qui ils<br />
travailleront; elle vise à trouver des solutions aux<br />
problèmes sociaux les plus difficiles, épineux<br />
et négligés, et à faire une différence dans la vie<br />
d’individus et de collectivités, en particulier<br />
les plus vulnérables, troublés ou traumatisés. Je<br />
suis également à la tête d’Urban Alliance, un<br />
partenariat de recherche novateur avec la Ville<br />
de Calgary, qui vise à faciliter la transition de<br />
la recherche vers des mesures et des politiques<br />
gouver nementales concrètes.<br />
Il y a neuf ans, quand j’en suis devenue<br />
doyenne, la faculté s’est lancée dans un projet<br />
collectif bien réfléchi. Au départ, nous avions<br />
comme philosophie d’être sensible à la diversité<br />
ethnique. Mais cette philosophie a vite évolué<br />
pour tenir compte également de la diversité<br />
culturelle de nos étudiants et des populations<br />
que nous servons, en tant que professionnels. Par<br />
la suite, nous avons aussi pris position contre<br />
le racisme et l’oppression; nous avons veillé<br />
à ce que cette position soit reflétée dans les<br />
programmes et politiques de la faculté en<br />
nous donnant un objectif stratégique qui<br />
déclarait : « la justice sociale doit être promue<br />
* Cet article est fondé sur un discours prononcé par l’auteure à<br />
l’assemblée générale annuelle d’Immigrant Services, tenue à<br />
Calgary le 7 juin 2007.<br />
et la diversité reconnue, respectée, célébrée<br />
et insufflée dans toutes nos activités ».<br />
Cela a profondément transformé la faculté,<br />
tant à l’interne qu’à l’externe. Il serait juste de<br />
dire que chacun de nous y a trouvé l’occasion<br />
d’une profonde réflexion et d’un réapprentissage.<br />
Aussi, ce que nous enseignons et la manière dont<br />
nous l’enseignons, nos thèmes ainsi que notre<br />
méthodologie de recherche, ont été grandement<br />
influencés par cette vision, qui consiste à<br />
favoriser le bien-être de la société et à créer une<br />
société juste.<br />
En tant qu’organisation sensible à la diversité,<br />
la faculté a fait d’énormes progrès sur plusieurs<br />
plans, dont le recrutement d’étudiants, l’embauche<br />
d’enseignants et d’autres membres du person nel,<br />
les méthodes d’enseignement, les projets de<br />
recherche, ainsi que les contributions aux services<br />
communautaires. Assistez à une de nos céré -<br />
monies de remise des diplômes et vous verrez<br />
défiler un groupe de finissants des plus diversifiés.<br />
Jetez un coup d’œil aux curriculum vitæ de notre<br />
corps enseignant et vous constaterez toute<br />
l’étendue du travail réalisé auprès d’organismes<br />
communautaires d’un bout à l’autre de la province<br />
en vue d’améliorer les services et les programmes<br />
offerts aux immigrants et aux réfugiés.<br />
Chacun de nous est concerné par la diversité et<br />
l’inclusion. Chaque organisme, chaque industrie,<br />
chaque ministère peut et doit être sensible à la<br />
diversité et favoriser l’inclusion. Nous ne pouvons<br />
pas y échapper si nous voulons que tous ceux et<br />
celles qui viennent s’installer dans cette ville, cette<br />
province et ce pays puissent s’établir et s’intégrer<br />
Nos diverses cités 155
156 Nos diverses cités<br />
avec succès, tant sur le plan social qu’écono -<br />
mique. Qui plus est, la viabilité de notre maind’œuvre<br />
et la robustesse de notre société reposent<br />
sur l’immigration.<br />
Aussi indispensables que puissent être les<br />
programmes et les services offerts par les<br />
organismes d’aide aux immigrants, tant pour la<br />
collectivité en général que pour les milliers de<br />
personnes qu’ils desservent, ils ne peuvent pas<br />
être les seuls responsables de l’élaboration et<br />
de la refonte de nos politiques d’immigration<br />
et d’emploi.<br />
Nous sommes perdants économiquement si<br />
les immigrants instruits sont au chômage ou<br />
sous-employés. Notre tissu social ne s’enrichit<br />
pas si les immigrants sont victimes de préjugés,<br />
de racisme et d’obstacles systémiques à l’établis -<br />
sement et à l’intégration. Nos commu nautés<br />
sont perdantes si les immigrants sont ghettoïsés<br />
et enclavés, plutôt que partie prenante de la<br />
mosaïque dynamique et vitale de notre société.<br />
Notre système d’éducation est perdant si<br />
les écoles ne sont plus « publiques » au sens<br />
propre du terme et, du coup, si nous renforçons<br />
des stéréotypes, la peur de « l’Autre » ou la<br />
suprématie d’une certaine religion ou d’une<br />
certaine culture. Nous devons investir vérita -<br />
blement dans l’éducation publique, pour que<br />
tous les enfants et les jeunes aient accès à<br />
l’apprentissage des langues et des langages<br />
– pas seulement l’anglais ou le français, mais<br />
le langage du respect, de l’inclusion, de la<br />
compréhension mutuelle. Comme l’a souligné une<br />
juriste canadienne, l’honorable Rosalie Abella, y<br />
a-t-il objectif plus louable pour les droits de la<br />
personne que celui de bâtir un monde dans lequel<br />
tous les enfants affi cheraient librement leur<br />
identité, avec fierté et paix d’esprit ?<br />
Les organismes d’aide aux immigrants sont<br />
donc essentiels lorsqu’il est question de composer<br />
avec la multiplicité des besoins des immigrants et<br />
des réfugiés dans notre communauté. Mais nous<br />
ne pouvons pas baisser la garde sous prétexte<br />
qu’ils sont là pour faire le boulot, surtout quand<br />
on sait que le soutien financier accordé à ces<br />
organismes et programmes est incertain, instable<br />
ou imprévisible.<br />
Les obstacles que doivent surmonter les immi -<br />
grants, les nouveaux comme les plus anciens, sont<br />
intimidants et comportent de nombreuses facettes.<br />
Plusieurs étapes peuvent s’avérer fort complexes :<br />
apprendre une nouvelle langue, se trouver un<br />
logement, inscrire ses enfants à l’école, se créer un<br />
réseau social, trouver un emploi satisfaisant et<br />
lucratif, faire reconnaître ses diplômes ou encore<br />
suivre une formation dans le but d’obtenir de<br />
nouvelles compétences. Nous pouvons diffici -<br />
lement con cevoir à quel point il est difficile de<br />
préserver les coutumes de sa culture d’origine tout<br />
en s’adaptant, en s’ajustant à une nouvelle société<br />
et en adoptant de nouvelles traditions.<br />
En résumé, les nouveaux arrivants peuvent<br />
trouver difficile de naviguer entre les écueils qui<br />
font obstacle à leur établissement, à leur<br />
nouvelle vie et à leur participation à la vie<br />
sociale, économique et culturelle de leur nouveau<br />
chez-soi. À cela peut s’ajouter une certaine<br />
détresse émotionnelle, du stress psychologique<br />
et de l’isolement, qui sont souvent associés au<br />
déracinement et à la réinstallation, surtout si<br />
la migration a été traumatisante. Assurément,<br />
il n’existe pas de solution miracle, tout comme<br />
il n’existe pas un programme, une approche ou<br />
une solution unique qui réponde aux besoins<br />
particuliers des hommes, des femmes, des<br />
enfants et des jeunes qui immigrent.<br />
Plusieurs immigrants ont besoin de toute la<br />
gamme de services offerts par les orga nismes<br />
d’aide aux immigrants. D’autres arrivent à<br />
s’installer sans trop de mal et de manière<br />
autonome et, plutôt que de recourir aux services<br />
offerts, décident eux-mêmes de fournir des<br />
services et de travailler bénévolement au sein<br />
de leur communauté pour aider les autres.<br />
Tous ceux qui immigrent peuvent contribuer à<br />
notre société et bâtir notre pays comme ceux qui<br />
sont venus avant eux. Comment réagissonsnous<br />
à ces besoins différents ? Et comment<br />
favorisons-nous et facilitons-nous la réalisation<br />
d’un tel potentiel ?<br />
Il est certes injuste de dépeindre tous les<br />
immigrants comme « nécessiteux », mais nous<br />
devons veiller à ce que les services nécessaires<br />
soient offerts et accessibles. Pour offrir ces<br />
services, il faut des politiques publiques efficaces,<br />
la coopération de tous les ordres de gouver -<br />
nement, la pleine recon naissance des droits de<br />
la personne et une volonté politique. Et d’où<br />
vient cette volonté politique ? De l’enga gement<br />
des citoyens. De tous ceux parmi nous qui<br />
comprenons que nous faisons tous partie de la<br />
solution. Comme le disait si bien Elie Wiesel,<br />
lauréat du prix Nobel, c’est la haine qui a créé<br />
Auschwitz, mais c’est l’indifférence qui l’a nourri.<br />
Nul doute qu’aujourd’hui, plus que jamais, la<br />
population a à cœur le sort des démunis, des<br />
personnes déplacées et des personnes dans le<br />
besoin. En fait, ici même dans cette ville, il y a
plein de gens généreux et accueillants. Même s’ils<br />
ne seront jamais en quantité suffisante, nous<br />
avons des programmes et des organismes sociaux<br />
qui font l’envie d’autres pays; leur rayonnement<br />
dépasse les frontières, les religions, les langues et<br />
les ethnies. Nous avons fait des progrès à plusieurs<br />
égards, qui témoignent de la nature bienveillante<br />
du genre humain.<br />
Mais, comme l’affirmait le général Roméo<br />
Dallaire, il faut se méfier de la corruption et de<br />
la peur, parce qu’elles peuvent transformer les<br />
humains. Derrière ce fonds de compassion, il y a<br />
donc un côté sombre, un côté barbare, un côté<br />
violent et inhumain qui infligent douleur et<br />
peine aux autres, ou encore une indifférence<br />
aveugle qui conduit à l’apathie. Voilà notre défi,<br />
voilà notre champ de bataille collectif.<br />
D’après un proverbe éthiopien, « quand des<br />
toiles d’araignée s’unissent, elles peuvent entraver<br />
un lion ». Cette image porte un message. Nous ne<br />
sommes pas seuls dans notre lutte pour la justice<br />
sociale et les droits de la personne quand nous<br />
nous rassemblons en réseau, quand nous formons<br />
Reconnaissance des titres de<br />
compétence acquis à l’étranger<br />
<strong>Numéro</strong> thématique de Thèmes canadiens / Canadian Issues<br />
Le numéro de printemps 2007 de la revue Thèmes canadiens<br />
invite le lecteur à jeter un regard neuf sur le débat relatif à la<br />
reconnaissance des titres de compétence acquis à l’étranger.<br />
Les quelque 35 articles de ce numéro, précédés d’une introduction<br />
de Lesleyanne Hawthorne (University of Melbourne), brossent un<br />
tableau exhaustif des enjeux liés à la reconnaissance des acquis et<br />
proposent un éventail de stratégies canadiennes visant à résoudre<br />
cette question.<br />
une « toile » avec ceux qui, comme nous, veulent<br />
ficeler le lion, c’est-à-dire l’oppression, l’exclu -<br />
sion, l’intolérance, l’injustice, la discrimination et<br />
le racisme.<br />
Par conséquent, au nom de la prospérité, des<br />
perspectives d’avenir et de l’humanité, nous<br />
devons accueillir la diversité et nous battre pour<br />
l’inclusion. En fait, il s’agit là de la seule guerre<br />
qui mérite d’être faite.<br />
L’équipe d’Urban Alliance est une toile<br />
d’araignée qui cherche à comprendre ce qu’il<br />
faut faire et comment transmettre concrètement<br />
nos connaissances aux Calgariens au cours de la<br />
prochaine décennie. Visitez notre site Web, à<br />
l’adresse .<br />
À propos de l’auteure<br />
GAYLA ROGERS est doyenne de la Faculté de travail social<br />
de la University of Calgary, l’une des plus grandes écoles de<br />
travail social au <strong>Canada</strong>. Elle est aussi coprésidente d’Urban<br />
Alliance, un partenariat novateur entre la Ville de Calgary<br />
et l’université. Elle est une professeure et une chercheuse<br />
réputée dans le domaine du travail social.<br />
Les auteurs discutent notamment des normes établies par les organismes de réglementation,<br />
de la « légitimité » du processus de reconnaissance des acquis, de la prévalence des préjudices<br />
et du protectionnisme professionnel, des stratégies de reconnaissance des acquis au<br />
<strong>Canada</strong> et à l’étranger, des façons de faciliter les évaluations professionnelles, des modalités<br />
d’accréditation des immigrants, des programmes de perfectionnement et de transition,<br />
et de la contribution économique, sociale et culturelle qu’ils apportent au <strong>Canada</strong>.<br />
Printemps 2007<br />
Directrice invitée : Lesleyanne Hawthorne (University of Melbourne)<br />
Pour commander un exemplaire : <br />
Nos diverses cités 157
158 Nos diverses cités<br />
D’après un sondage mené en 2002, les employeurs albertains croient que le respect<br />
des droits de la personne est « bon pour les affaires », mais ils aimeraient être mieux<br />
renseignés sur leurs responsabilités au regard de la législation, sur la façon de<br />
traiter les plaintes relatives aux droits de la personne dans leur organisation et sur<br />
les stratégies à mettre en œuvre pour favoriser un milieu de travail plus inclusif.<br />
Sensibilisation du public<br />
et partenariats<br />
Mesures prises pour bâtir<br />
des collectivités accueillantes et combattre<br />
le racisme et la discrimination en Alberta<br />
CASSIE PALAMAR<br />
Commission albertaine des droits de la personne et de la citoyenneté<br />
Selon un sondage mené en Alberta, une majorité<br />
d’adultes croient que les droits de la personne<br />
sont bien protégés dans la province 1 . Nous<br />
savons néanmoins que certains se sentent<br />
exclus, marginalisés, victimes de discrimination<br />
et incapables d’apporter leur pleine contribution<br />
à la communauté (Cooper et Bartlett, 2006). Les<br />
questions liées aux droits de la personne gagnent<br />
en complexité à mesure que la diversité<br />
augmente dans les collectivités de l’Alberta. Le<br />
règlement des plaintes concernant les droits de la<br />
personne représente une grande part du mandat<br />
d’une commission des droits de la personne.<br />
Cependant, certains soutiennent que la sensi -<br />
bilisation et l’intervention dans la collectivité<br />
revêtent une importance équivalente, peut-être<br />
même plus grande, dans les efforts menés à ce<br />
chapitre. Tout comme la compréhension et la<br />
collaboration axées sur la prévention représentent<br />
les fondements d’un milieu de travail sécuritaire,<br />
elles sont essentielles aux mesures visant à créer<br />
1 En 2006-2007, 88,1 % des répondants croyaient que<br />
les droits de la personne étaient bien protégés en<br />
Alberta (Alberta Finance and Enterprise, 2008, p. 69).<br />
des organisations et des collectivités non<br />
discriminatoires, qui accueillent les immigrants<br />
et les membres de différents groupes, et où tous<br />
se sentent à leur place.<br />
Le présent article donne un aperçu de<br />
l’éventail des programmes de sensibilisation et<br />
des partenariats mis sur pied par la Commission<br />
albertaine des droits de la personne et<br />
de la citoyenneté 2 pour promouvoir l’égalité,<br />
2<br />
La Commission albertaine des droits de la personne et de la<br />
citoyenneté est un organisme indépendant du gouvernement<br />
de l’Alberta, qui relève du ministère de la Culture et de<br />
l’Esprit communautaire. Elle a pour mandat de favoriser<br />
l’égalité et de réduire la discrimination. Elle offre des<br />
programmes d’information et d’éducation du public, et aide<br />
les Albertains à régler des plaintes relatives aux droits de la<br />
personne. La Commission met en œuvre des programmes<br />
communautaires et des initiatives de sensibilisation avec<br />
le soutien financier du Human Rights, Citizenship and<br />
Multiculturalism Education Fund de l’Alberta. Ce fonds<br />
apporte une aide financière aux organisations et aux<br />
institutions publiques, ainsi qu’à la Commission, qui mettent<br />
sur pied des initiatives de sensibilisation axées sur l’égalité,<br />
la justice et l’inclusion dans la collectivité, et qui aident à<br />
éliminer la discrimination et les obstacles afin que tous les<br />
Albertains puissent contribuer pleinement à la société.
combattre la discrimination et aider à créer des<br />
collectivités et des milieux de travail accueillants<br />
et inclusifs pour tous les Albertains. Le champ<br />
d’intervention de la Commission ne se limite pas<br />
à la diffusion d’information sur la législation en<br />
matière de droits de la personne; en collaboration<br />
avec les collectivités, les organisations et<br />
d’autres partenaires, elle mène des initiatives<br />
pour promouvoir l’engagement civique 3 . Nombre<br />
de ses programmes et mesures prennent appui<br />
sur un cadre de développement communautaire<br />
axé sur la rétroaction, la participation et la<br />
coopération des collectivités. Les mesures<br />
s’inspirent également du modèle proposé dans<br />
Pathways to Change, dont se servent un nombre<br />
croissant d’organismes de promotion de l’égalité<br />
en Alberta pour la mise en œuvre de stratégies et<br />
de projets axés sur les résultats, en vue de créer<br />
des conditions favorables à l’engagement civique<br />
(Cooper, 2007).<br />
En raison de l’afflux de plaintes et de demandes<br />
de renseignements liées à l’emploi, et compte<br />
tenu du pourcentage élevé de plaintes<br />
de discrimination fondées sur le sexe, une<br />
incapacité, la race, la couleur, l’origine et le lieu<br />
de naissance 4 , les efforts de sensibilisation de la<br />
Commission prennent essentiellement la forme<br />
de stratégies visant à réduire la discrimination en<br />
matière d’emploi et à créer des milieux de travail<br />
respectueux et inclusifs. D’après un sondage<br />
mené en 2002 auprès de plus de 560 employeurs<br />
de l’Alberta (Howard Research and Instructional<br />
Systems Inc., 2002), les employeurs albertains<br />
croient que le respect des droits de la personne<br />
est « bon pour les affaires », mais ils aimeraient<br />
être mieux renseignés sur leurs responsabilités<br />
au regard de la législation, sur la façon de traiter<br />
les plaintes relatives aux droits de la personne<br />
dans leur organisation et sur les stratégies à<br />
mettre en œuvre pour favoriser un milieu de<br />
travail plus inclusif. Ces constats ont amené<br />
la Commission à élargir son pro gramme de<br />
sensibilisation afin d’y inclure plus de ressources<br />
exhaustives et approfondies sur les thèmes mis<br />
3<br />
Selon Cooper (2007, p. 1), l’engagement civique suppose<br />
[Traduction] « que des groupes et des particuliers, membres<br />
ou non d’une minorité, participent et contribuent pleinement<br />
à tous les aspects de la société et en tirent profit, sans subir<br />
de la discrimination ou du racisme ni se heurter à d’autres<br />
obstacles, individuels ou systémiques ».<br />
4<br />
En 2007-2008, quelque 82 % des plaintes reçues étaient<br />
fondées sur l’article 7, soit le domaine des pratiques d’emploi,<br />
et 16 % des motifs cités portaient sur la race, la couleur,<br />
l’origine et le lieu de naissance (Commission albertaine des<br />
droits de la personne et de la citoyenneté, 2008).<br />
au jour par le sondage. Le matériel porte entre<br />
autres sur l’obligation d’adaptation, les droits de<br />
la personne dans l’industrie de l’accueil et le<br />
règlement des questions liées aux droits de la<br />
personne par la médiation en milieu de travail.<br />
L’accessibilité est un facteur clé pour les<br />
commissions des droits de la personne, et un<br />
projet récent vise un groupe d’adultes qui<br />
était difficile à joindre dans le passé : ceux qui<br />
possèdent un faible niveau de littératie en anglais,<br />
y compris les immigrants et les adultes pour qui<br />
l’anglais est une langue seconde. En partenariat<br />
avec l’organisme Alberta Advanced Education<br />
and Career Development et un groupe consultatif<br />
formé de représentants de la collectivité, la<br />
Commission a produit une publication de style<br />
journalistique intitulée Human Rights in Alberta<br />
pour faire connaître les mesures de protection<br />
prévues en vertu de la législation albertaine sur les<br />
droits de la personne et expliquer en quoi consiste<br />
le travail de la Commission. Le langage simple<br />
et clair, les reportages photo et la conception<br />
graphique rendent l’information facile à com -<br />
prendre pour tous les Albertains, peu importe leur<br />
niveau de littératie. À notre connaissance, il s’agit<br />
de la première publication du genre sur le sujet au<br />
<strong>Canada</strong>. Un guide d’accompagnement pour les<br />
enseignants et les tuteurs propose des thèmes de<br />
discussion, les coordonnées de ressources sur<br />
les droits de la personne ainsi que des exercices<br />
de lecture et d’écriture pour les apprenants. Une<br />
version audio a également été produite afin que le<br />
document puisse être écouté et lu simultanément.<br />
Quelque 60 000 exemplaires de la publication<br />
ont été distribués aux orga nismes d’aide à<br />
l’établissement, aux responsables de cours<br />
d’anglais langue seconde (ALS) et de programmes<br />
d’alphabétisation ainsi qu’à d’autres programmes<br />
et organismes communautaires de la province. À<br />
mesure que la publication gagne en popularité<br />
grâce à son contenu intéressant et facile à lire,<br />
elle trouve de nouveaux lecteurs en dehors du<br />
groupe cible prévu.<br />
Aux organisations qui souhaitent rendre leur<br />
milieu de travail respectueux et inclusif, la<br />
Commission offre une série de six modules de<br />
formation sur des thèmes clés concernant les<br />
droits de la personne. Le programme et son<br />
contenu servent de modèle à d’autres commis -<br />
sions. Chaque année, environ 3 000 Albertains<br />
provenant d’organisations de secteurs variés<br />
parti cipent à une centaine d’ateliers, chacun<br />
adapté à des besoins particuliers. Les organismes<br />
sans but lucratif qui aident les immigrants<br />
Nos diverses cités 159
La Commission a publié Human Rights in Alberta pour faire connaître les mesures de<br />
protection prévues en vertu de la législation albertaine sur les droits de la personne<br />
et expliquer en quoi consiste le travail de la Commission. Le langage simple et clair,<br />
les reportages photo et la conception graphique rendent l’information facile à<br />
comprendre pour tous les Albertains, peu importe leur niveau de littératie.<br />
160 Nos diverses cités<br />
professionnels à se préparer à trouver un<br />
emploi dans leur domaine d’expertise utilisent le<br />
programme de la Commission pour les renseigner<br />
sur les droits de la personne sur le marché du<br />
travail en Alberta. Des partenariats ont été créés<br />
avec un certain nombre de gros employeurs, en<br />
vue de les appuyer dans leurs efforts pour créer<br />
des environnements de travail inclusifs, en offrant<br />
plusieurs séances pour que tous les employés<br />
puissent y assister. La présentation d’exposés dans<br />
des établissements postsecondaires aide à préparer<br />
les étudiants à intégrer le marché du travail.<br />
En plus d’offrir des ateliers personnalisés, la<br />
Commission consulte des organisations qui<br />
conçoivent des politiques en matière d’inclusion<br />
et de droits de la personne.<br />
Afin de reconnaître publiquement les efforts<br />
déployés par des employeurs pour créer des<br />
milieux de travail inclusifs et respectueux, et dans<br />
le but d’encourager les autres à en faire autant,<br />
la Commission s’est associée à la Chambre<br />
de commerce de l’Alberta dans le cadre de son<br />
programme de prix pour entreprises, l’Alberta<br />
Business Awards of Distinction. Le Diversity<br />
Leadership Award of Distinction, parrainé par<br />
la Commission, reconnaît et honore les orga -<br />
nisations qui favorisent la diversité au sein de leur<br />
effectif, qui encouragent le respect et l’inclusion et<br />
qui prennent des mesures pour éliminer la<br />
discrimination et les obstacles à l’emploi. Au<br />
nombre des lauréats de ce prix figurent des<br />
organisations de tous genres, dont d’importantes<br />
sociétés pétrolières, un petit établissement hôtelier,<br />
un établissement d’enseignement postsecondaire<br />
et un organisme communautaire sans but lucratif.<br />
La présentation des finalistes et des gagnants<br />
illustre l’incidence positive d’un milieu de travail<br />
diversifié et inclusif sur la capacité d’attirer et de<br />
garder des employés, sur la satisfaction de la<br />
clientèle et sur la conscience sociale.<br />
Collaborer avec la Coalition des municipalités<br />
contre le racisme et la discrimination<br />
Comme le racisme et la discrimination revêtent<br />
une forme concrète dans les collectivités où<br />
les gens vivent et travaillent, la Commission<br />
collabore avec les autorités municipales et<br />
d’autres partenaires afin d’harmoniser tous<br />
les efforts déployés sous les auspices de la<br />
Coalition des municipalités contre le racisme et<br />
la discrimination (CMARD). La Commission est<br />
représentée au sein du groupe de travail<br />
pancanadien de la Commission canadienne pour<br />
l’UNESCO, qui a rédigé et mis en œuvre la<br />
CMARD, version canadienne de la Coalition<br />
internationale contre le racisme de l’UNESCO. La<br />
Commission de l’Alberta comptait parmi les<br />
partenaires et organisateurs du lancement<br />
national de la CMARD en juin 2007, à l’occasion<br />
de la Conférence de la Fédération canadienne des<br />
municipalités tenue à Calgary.<br />
La Commission se fait le champion et le<br />
promoteur de la CMARD auprès des municipalités,<br />
partenaires et organismes communautaires<br />
intéressés qui participent à la lutte contre le<br />
racisme et la discrimination depuis le début. La<br />
Commission a préparé pour l’Alberta une version<br />
adaptée du livret d’information sur la CMARD, qui<br />
énonce les dix engagements et modèles d’action<br />
courants que les muni cipalités peuvent adopter.<br />
Le document contient également une déclaration<br />
modèle que les municipalités doivent signer<br />
lorsqu’elles se joignent à la coalition, le cadre<br />
juridique en matière de droits de la personne<br />
qui sous-tend la CMARD et une description des<br />
modalités de participation pour les municipalités,<br />
autres organismes et parti culiers intéressés.<br />
L’Alberta devance actuellement les autres<br />
provinces de l’Ouest, avec ses six municipalités<br />
membres de la CMARD : Brooks, Calgary, Drayton<br />
Valley, Edmonton, Lethbridge et la Municipalité<br />
régionale de Wood Buffalo. Ces municipalités<br />
font de réels progrès dans la conception de<br />
plans d’action pour combattre le racisme et la<br />
discrimination dans leur collectivité. D’autres<br />
municipalités ont manifesté leur intérêt à devenir<br />
membres. La coalition est également appuyée<br />
par l’Alberta Urban Municipalities Association<br />
(AUMA), organisme-cadre regroupant les<br />
municipalités urbaines de l’Alberta, qui a mis
au point une « boîte à outils à l’intention des<br />
collectivités accueillantes et inclusives » afin<br />
d’aider ses membres à mettre au point des<br />
stratégies dans ce domaine. Les membres et<br />
partenaires ont aussi participé à une séance<br />
de renforcement des capacités organisée par la<br />
Commission, en partenariat avec les Amis du<br />
Centre Simon Wiesenthal pour les études sur<br />
l’Holocauste (Toronto) et le Simon Wiesenthal<br />
Center Museum of Tolerance (Los Angeles).<br />
Pour améliorer la communication et la<br />
coordination entre les trois ordres de gouver -<br />
nement et les organismes qui travaillent à attirer<br />
et à garder les immigrants en Alberta et à<br />
combattre le racisme et la discrimination, la<br />
Commission, la province et la AUMA ont lancé<br />
un partenariat de trois ans sur le thème des<br />
collectivités accueillantes et inclusives. Ce projet<br />
novateur vise à former des réseaux pour l’échange<br />
de connaissances et d’idées, à définir les outils et<br />
les ressources nécessaires ainsi qu’à appuyer la<br />
collaboration entre les secteurs et les régions.<br />
Un plan de commu nication et de diffusion sera<br />
proposé pour promouvoir les programmes et les<br />
ressources offerts aux collectivités accueillantes et<br />
inclusives. En plus d’offrir une source d’infor -<br />
mation et de soutien pour les municipalités qui<br />
mettent en œuvre leur propre plan, le partenariat<br />
encouragera d’autres municipalités à devenir plus<br />
accueillantes et inclusives et à devenir membres<br />
de la CMARD. Enfin, il évaluera l’avancement et<br />
les résultats de ces projets.<br />
Autres mesures<br />
Consciente du potentiel de la télévision pour<br />
joindre un plus vaste public, la Commission a<br />
conclu une entente avec Global TV Alberta et<br />
d’autres partenaires pour concrétiser un projet de<br />
marketing social par les médias, afin d’encourager<br />
les Albertains à trouver des façons de contribuer à<br />
la création de collectivités accueillantes et<br />
inclusives. Le projet Help Make a Difference<br />
propose une série de messages d’intérêt public de<br />
30 et de 60 secondes, mettant en vedette des<br />
Albertains d’origines diverses qui racontent leur<br />
expérience et leur vision de la diversité et des<br />
droits de la personne. Ces messages ont joint un<br />
grand nombre de téléspectateurs dans toute<br />
l’Alberta. Le site Web 5 offre des renseignements<br />
sur le projet ainsi que des ressources, dont un DVD<br />
et un guide pour les enseignants. Les visiteurs<br />
peuvent y visionner la série de messages et se<br />
renseigner sur les moyens concrets qu’ils peuvent<br />
prendre pour aider à bâtir des relations<br />
interculturelles plus solides dans leur propre<br />
collectivité. Une recherche qualitative effectuée à<br />
l’aide de groupes de discussion réunissant des<br />
immigrants, jeunes et adultes, montre à quel point<br />
ces capsules médiatiques sont pertinentes pour les<br />
membres des communautés ethnoculturelles et<br />
linguistiques diverses. Ce projet est un modèle<br />
pour d’autres commissions qui cherchent à joindre<br />
de plus grands publics.<br />
Également sensible à la nécessité de joindre les<br />
jeunes, et pour souligner le 60 e anniversaire de la<br />
Déclaration universelle des droits de l’homme,<br />
la Commission s’est associée à des éducateurs<br />
d’autres commissions des droits de la personne au<br />
<strong>Canada</strong> pour créer un projet éducatif interactif sur<br />
le Web, qui vise à guider les jeunes Canadiens<br />
dans un apprentissage et un dialogue sur les droits<br />
de la personne, et à les renseigner sur les enjeux<br />
courants relatifs aux droits de la personne, le<br />
mandat des commissions des droits de la personne<br />
et le cadre législatif applicable. Le projet propose<br />
également des idées pratiques pour les jeunes qui<br />
souhaitent promouvoir et protéger les droits de la<br />
personne, ainsi que des modules interactifs tels<br />
que des groupes de discussion, une galerie d’art<br />
en ligne et des appels à l’action. Le projet est mené<br />
en collaboration avec TakingITGlobal, organisme<br />
de défense des intérêts des jeunes qui exploite<br />
un forum jeunesse en ligne, et avec le John<br />
Humphrey Centre for Peace and Human Rights,<br />
situé à Edmonton. La Commission albertaine est<br />
fière d’avoir été à la tête du comité responsable de<br />
ce projet.<br />
Étant donné le recoupement de différents motifs<br />
de discrimination, les mesures qui ne ciblent pas<br />
précisément les immigrants ou les membres de<br />
groupes ethnoculturels peuvent quand même aider<br />
à modifier les conditions d’inégalité persistantes<br />
qui défavorisent les minorités. Les incapacités<br />
mentales et physiques comptent pour la moitié<br />
environ des motifs cités dans les plaintes relatives<br />
aux droits de la personne en Alberta, et elles<br />
touchent des membres de toutes les commu nautés<br />
ethno culturelles. Pour appuyer la pleine parti -<br />
cipation des étudiants handicapés dans l’ensei -<br />
gnement postsecondaire et la vie étudiante, la<br />
Commission a formé un partenariat avec un<br />
groupe d’établissements postsecondaires de<br />
l’Alberta, des fournisseurs de services aux per -<br />
sonnes handi capées, des groupes de défense des<br />
intérêts des personnes handicapées et des étudiants<br />
handicapés pour produire une publication intitulée<br />
5 <br />
Nos diverses cités 161
Étant donné le recoupement de différents motifs de discrimination, les mesures qui ne ciblent<br />
pas précisément les immigrants ou les membres de groupes ethnoculturels peuvent quand<br />
même aider à modifier les conditions d’inégalité persistantes qui défavorisent les minorités.<br />
Accommodating Students with Disa bilities in<br />
Post-Secondary Institutions. Conçue pour<br />
répondre aux besoins d’information, cette<br />
ressource est maintenant largement utilisée dans<br />
les établissements postsecondaires de<br />
l’Alberta. Selon une évaluation des utilisateurs,<br />
elle aiderait à faire connaître la législation,<br />
inciterait les étudiants à demander des mesures<br />
d’adaptation, accroîtrait la sensibilisation des<br />
établissements à leur obligation de fournir des<br />
mesures d’adaptation aux étudiants handicapés, et<br />
encou ragerait la modification des politiques au<br />
sein des établis sements postsecondaires.<br />
La Commission collabore avec des ministères<br />
provinciaux et d’autres ordres de gouvernement<br />
pour participer à la production de publications ou<br />
fournir du contenu. Une publication très popu -<br />
laire, Becoming a Parent, est née d’un partenariat<br />
entre la Commission, le ministère provincial<br />
responsable de l’emploi et le gouver nement<br />
fédéral. Il s’agit d’une ressource d’information<br />
complète mise à la disposition des Albertains qui<br />
veulent se renseigner sur les répercussions qu’une<br />
naissance ou une adoption peut avoir sur les<br />
droits et indemnités en emploi ainsi qu’au chapitre<br />
des droits de la personne; ce sont des informations<br />
très peu connues en général. Dans au moins deux<br />
autres régions, des partenaires se sont inspirés de<br />
ce projet pour en créer de nouveaux, adaptés aux<br />
besoins de leurs groupes cibles. La Commission a<br />
apporté son concours à des publications produites<br />
par le ministère de l’Emploi et de l’Immigration de<br />
l’Alberta qui portent sur la diversité et les<br />
travailleurs qualifiés, ainsi que sur les droits et les<br />
responsabilités en milieu de travail albertain.<br />
Le site Web de la Commission 6 est une source<br />
d’information clé qui permet aux particuliers<br />
de se renseigner sur les droits de la personne<br />
en Alberta. Il aide également le personnel à<br />
répondre efficacement aux dizaines de milliers de<br />
demandes de renseignements que la Commission<br />
reçoit annuellement. En raison de sa taille, le site<br />
Web de la Commission a été remanié en plusieurs<br />
étapes et sur plusieurs années. Le nouveau<br />
contenu reflète mieux les besoins des visiteurs et<br />
offre un meilleur accès à l’information sur la<br />
6 <br />
162 Nos diverses cités<br />
prévention de la discrimination et la création de<br />
collectivités et de milieux de travail inclusifs. La<br />
Commission a été l’une des premières au <strong>Canada</strong><br />
à publier un bulletin électronique pour que les<br />
inter venants et les groupes intéressés puissent se<br />
tenir au fait des modifications apportées à la<br />
législation sur les droits de la personne et à la<br />
gamme de programmes et services de la<br />
Commission.<br />
Les quelques mesures et projets présentés ici<br />
ne représentent qu’une partie des efforts de<br />
sensibilisation et de partenariat auxquels la<br />
Commission prête son concours. Il y en a d’autres<br />
que nous ne pouvons aborder ici, faute d’espace,<br />
notamment un projet de partenariat multisectoriel<br />
qui vise à mettre en œuvre une stratégie<br />
provinciale de lutte contre les crimes haineux<br />
et les activités motivées par les préjugés, et des<br />
stratégies conçues pour accroître la sensibilisation<br />
et renforcer les liens avec l’une des plus grandes<br />
communautés autochtones urbaines de l’Alberta.<br />
La protection des droits de la personne, de<br />
même que la promotion de l’égalité et de l’accès,<br />
s’avèrent une tâche complexe et difficile qui fait<br />
intervenir de multiples dimensions de la société et<br />
de nombreux intéressés. Des progrès énormes ont<br />
été réalisés, mais il reste encore beaucoup à faire.<br />
Il faut sans cesse sensibiliser les Albertains quant<br />
à la portée et aux conséquences de la discri -<br />
mination et de l’exclusion que vivent certaines<br />
personnes dans la province. Il faut aussi amener<br />
les organisations qui ne s’intéressent aux droits de<br />
la personne que lorsqu’un problème survient, à<br />
mettre en place des politiques en la matière dans<br />
leur milieu de travail. Malgré la complexité et la<br />
difficulté de la tâche, les organisations et les<br />
collectivités doivent s’employer à devenir plus<br />
accueillantes et plus inclusives. Les municipalités<br />
et les partenaires ont besoin d’être appuyés<br />
dans leurs efforts pour combattre le racisme et<br />
la discrimination. Enfin, il faut accroître la sensi -<br />
bilisation aux droits de la personne et à la<br />
diversité et continuer à faire connaître le travail de<br />
la Commission. L’avancement de la cause passe<br />
par un engagement durable de la part de tous les<br />
intervenants du système des droits de la personne<br />
à changer concrètement les choses. La Commis -<br />
sion, le secteur privé, les institutions publiques, les
gouvernements et les orga nisations commu -<br />
nautaires, tous ont un rôle à jouer et partagent<br />
avec les Albertains la responsabilité de bâtir des<br />
collectivités respectueuses et inclu sives, où tous<br />
ont le sentiment d’avoir une place et la capacité de<br />
contribuer à leur communauté.<br />
À propos de l’auteure<br />
CASSIE PALAMAR est directrice de l’éducation et des<br />
services communautaires à la Commission albertaine<br />
des droits de la personne et de la citoyenneté. Elle siège<br />
au groupe de travail pancanadien de la Commission<br />
canadienne pour l’UNESCO pour la Coalition des<br />
municipalités contre le racisme et la discrimination.<br />
Elle préside le réseau de Partenaires en éducation<br />
publique et populaire de l’Association canadienne des<br />
commissions et conseil des droits de la personne.<br />
Références<br />
Alberta. Alberta Finance and Enterprise. 2008. Culture and<br />
Community Spirit Business Plan 2008-11, Edmonton,<br />
gouvernement de l’Alberta.<br />
Commission albertaine des droits de la personne et de la<br />
citoyenneté. 2008. Annual Review – April 1, 2007-March 31,<br />
2008, Edmonton, Commission albertaine des droits<br />
de la personne et de la citoyenneté.<br />
Cooper, M. 2007. Pathways to Change: Facilitating the Full<br />
Civic Engagement of Diversity Groups in Canadian Society,<br />
Calgary, gouvernement de l’Alberta.<br />
Cooper, M., et D. Bartlet. 2006. Creating Inclusive<br />
Communities Stakeholder Consultation: What We Heard,<br />
rapport des intervenants présenté au Human Rights,<br />
Citizenship and Multiculturalism Education Fund Advisory<br />
Committee le 14 juillet 2006, Calgary, gouvernement<br />
de l’Alberta.<br />
Howard Research and Instructional Systems Inc. 2002.<br />
Alberta Human Rights and Citizenship Commission:<br />
Employers’ Perspective Research Project, Edmonton,<br />
gouvernement de l’Alberta.<br />
Au sujet du programme d’études supérieures<br />
Maîtrise en études de l’immigration de l’Université Ryerson<br />
Le premier programme canadien d’études supérieures consacré aux hautes études des politiques,<br />
des services et de l’expérience en immigration a été lancé en septembre 2004 à l’Université<br />
Ryerson. La maîtrise en études de l’immigration et de l’établissement est un nouveau programme<br />
qui examine les tendances, les politiques et les programmes de l’immigration au <strong>Canada</strong> dans une<br />
perspective multidisciplinaire. Offert à temps plein ou à temps partiel, ce programme a pour objet :<br />
• d’améliorer, grâce à quatre cours principaux, la connaissance de la documentation et des questions<br />
importantes liées à l’histoire, à la théorie, à la méthode, aux politiques et aux programmes en matière<br />
d’immigration et d’établissement au <strong>Canada</strong>;<br />
• d’étudier et d’évaluer d’un point de vue critique, par un choix de cours et de séminaires, certains des aspects sociaux,<br />
économiques, politiques, culturels, spatiaux et stratégiques de l’immigration et de l’établissement et certains aspects<br />
liés à la prestation des services et aux droits de la personne;<br />
• de comparer l’expérience du <strong>Canada</strong> en matière de migration et d’établissement avec celle d’autres pays,<br />
par l’intégration d’une perspective internationale au programme d’études;<br />
• de prévoir des discussions ciblées des questions et des concepts théoriques et méthodologiques que les intervenants<br />
se doivent de connaître et auxquels ils ont besoin de réfléchir quand ils utilisent une information connexe;<br />
• de développer une compréhension critique des problèmes méthodologiques et pratiques auxquels se heurte<br />
la recherche dans le domaine;<br />
• de développer, grâce à des travaux pratiques, la compréhension de la manière dont l’information est utilisée dans le<br />
domaine, à la fois dans la pratique et dans l’élaboration des politiques;<br />
• de faire preuve d’une capacité de contribuer aux connaissances dans le domaine par la préparation d’un<br />
document de recherche ou d’un document sur un projet expérimental.<br />
<br />
Nos diverses cités 163
Diversité culturelle, relations<br />
interraciales, immigration<br />
et intégration<br />
Initiatives municipales à Saskatoon,<br />
en Saskatchewan *<br />
JOSEPH GARCEA<br />
University of Saskatchewan<br />
SMITA GARG<br />
Ville de Saskatoon<br />
Au fil des ans, deux des dispositions prises par la Ville de Saskatoon ont tout<br />
particulièrement été couronnées de succès : d’abord, la mise en place du cadre<br />
de politiques et de programmes et du cadre organisationnel interne, puis l’établissement<br />
de partenariats et d’ententes de collaboration avec les gouvernements provincial<br />
et fédéral et des organismes communautaires de divers secteurs.<br />
164 Nos diverses cités<br />
Les deux dernières décennies ont vu la Ville de<br />
Saskatoon devenir davantage proactive dans sa<br />
façon d’aborder les enjeux relatifs à la diversité<br />
culturelle, aux relations inter raciales, à l’immi -<br />
gration et à l’intégration. Le présent article<br />
propose un survol des principales initiatives<br />
entreprises par la Ville de Saskatoon au cours des<br />
20 dernières années pour traiter de ces enjeux.<br />
Aux fins de l’analyse, ces initiatives ont été<br />
regroupées en deux périodes, la première<br />
s’étendant de 1989 à 1999 et la deuxième, de<br />
2000 à 2008.<br />
Le lecteur constatera que les initiatives menées<br />
avant 2000 visaient principalement à mettre<br />
en place un cadre organisationnel et un cadre<br />
de politiques et de programmes en matière de<br />
diversité culturelle et de relations interraciales,<br />
*<br />
Les auteurs souhaitent remercier Lynne Lacroix, directrice du<br />
développement communautaire à la Ville de Saskatoon, pour<br />
son aide et ses suggestions dans la rédaction de l’article.<br />
tandis que celles menées depuis 2000, et<br />
surtout depuis 2004, portaient également sur<br />
l’attraction, l’intégration et le maintien des<br />
immigrants et des réfugiés dans la collectivité.<br />
Il ressort également que ces initiatives ont<br />
été entreprises par la Ville en réponse aux<br />
pressions exercées par les orga nisations<br />
ethnoculturelles et, éventuellement, en réponse<br />
aux travaux réalisés par le comité municipal<br />
qui a été établi, suite aux pressions de ces<br />
mêmes organisations, pour traiter des enjeux<br />
susmentionnés.<br />
Au fil des ans, deux des dispositions prises<br />
par la Ville de Saskatoon ont tout parti -<br />
culièrement été couronnées de succès : d’abord,<br />
la mise en place du cadre de politiques et<br />
de programmes et du cadre organisationnel<br />
interne, puis l’établissement de partenariats<br />
et d’ententes de collaboration avec les<br />
gouvernements provincial et fédéral et des<br />
organismes communautaires de divers secteurs.
Diversité de Saskatoon<br />
Bien que la population de Saskatoon ne soit pas<br />
aussi diverse sur le plan racial ou ethnoculturel que<br />
celles de métropoles telles que Montréal, Toronto<br />
ou Vancouver, elle demeure diverse. Cette diversité<br />
est significative et le restera (Garcea, 2008). Selon<br />
les recensements nationaux de 2001 et de 2006, la<br />
population de Saskatoon née à l’étranger repré -<br />
sente environ 8 % de la popu lation, les minorités<br />
visibles 5 %, et la population autochtone 10 %.<br />
Saskatoon a une proportion élevée d’Autochtones<br />
par rapport à d’autres villes de plus de 50 000<br />
habitants (Statistique <strong>Canada</strong> 2001, 2006). Au<br />
cours de la dernière décennie, la population de<br />
Saskatoon en est venue à comprendre et à accepter<br />
le fait que la proportion d’Autochtones va sans<br />
doute augmenter avec le temps, le taux de natalité<br />
des Autochtones à Saskatoon et le taux de<br />
migration des Autochtones vers Saskatoon étant<br />
plus élevés que chez les non-Autochtones. Plus<br />
récemment, elle a aussi pris conscience du fait<br />
que la croissance économique locale attirera<br />
probablement plus d’immigrants et de migrants de<br />
différentes origines raciales et ethnoculturelles,<br />
contribuant à une plus grande diversité raciale et<br />
ethnoculturelle de la province. Les incidences<br />
exactes de divers facteurs, dont le taux de natalité<br />
des Autochtones, l’arrivée d’Autochtones en<br />
provenance d’autres régions de la province et du<br />
pays, et l’arrivée d’immigrants et de migrants non<br />
autochtones, demeurent inconnues. Toutefois, on<br />
croit géné ralement que ces facteurs accentueront<br />
la diversité de la population de Saskatoon.<br />
Initiatives menées entre 1989 et 1999<br />
Entre 1989 et 1999, la Ville de Saskatoon a mis<br />
en œuvre plusieurs initiatives en vue de la<br />
création d’un cadre organisationnel et d’un cadre<br />
de politiques et de programmes en matière de<br />
diversité culturelle et de relations interraciales 1 .<br />
Les fondements du cadre organisationnel ont été<br />
posés le 10 avril 1989 lorsque le conseil muni -<br />
cipal, suivant la recommandation du comité de<br />
la législation et des finances, a créé un comité<br />
des relations interraciales, le Race Relations<br />
Com mittee (RRC). Celui-ci était le fruit de deux<br />
années de lobbying mené par des organisations<br />
culturelles (par exemple, le Saskatoon Multi -<br />
cultural Council et le African Cultural Congress of<br />
1<br />
L’information présentée dans cette section est principalement<br />
tirée du document Tenth Anniversary Report of the City of<br />
Saskatoon Race Relations Committee 1989-1999: Celebrating<br />
a Decade of ‘Living in Harmony’ (Saskatoon, 1999).<br />
Saskatchewan) qui estimaient qu’un tel comité<br />
était essentiel pour traiter des différents enjeux<br />
dans le domaine.<br />
Au cours des années suivantes, le RRC a<br />
travaillé à l’élaboration de son cadre orga -<br />
nisationnel et s’est efforcé de se doter d’un<br />
mandat clair et de former trois sous-comités :<br />
d’abord le sous-comité d’examen de la politique<br />
et des programmes et le sous-comité de<br />
l’éducation et de l’action communautaires, puis,<br />
deux ans plus tard, le sous-comité des relations<br />
avec les Autochtones, en reconnaissance de<br />
l’importante proportion d’Autochtones parmi<br />
la population de Saskatoon. Conformément<br />
au mandat du RRC, les sous-comités ont<br />
commencé à passer en revue les politiques<br />
et les programmes de la Ville en matière de<br />
gestion des ressources humaines, de l’application<br />
de la loi, de services récréatifs, de logement et<br />
de services communautaires, d’éducation et<br />
de formation, de l’utilisation des installations<br />
municipales, de planification urbaine et de<br />
zonage. Cet exercice a permis aux sous-comités<br />
de faire des recommandations en vue de<br />
l’amélioration des politiques et programmes ou<br />
de l’élaboration de nouveaux moyens d’action.<br />
En 1991, le RRC a fait valoir à la Ville<br />
qu’un coordonnateur devait être nommé au<br />
programme des relations interraciales pour<br />
fournir le soutien administratif requis. Lorsque<br />
la Ville a accepté, le RRC a réussi à obtenir<br />
du Secrétariat d’État du <strong>Canada</strong> deux<br />
subventions à cette fin. Grâce au soutien du<br />
coordonnateur, [Traduction] « le comité a pu<br />
produire un guide pour les locataires [le Renters’<br />
Handbook], organiser un certain nombre<br />
d’activités, dont une conférence communautaire,<br />
dans le cadre de la Journée internationale<br />
pour l’élimination de la discrimination raciale,<br />
élargir les consultations communautaires et<br />
mettre sur pied un programme pour encourager<br />
la participation des Autochtones aux conseils,<br />
comités et commissions de la Ville ». En mars<br />
1993, le conseil municipal a approuvé la recom -<br />
mandation de rendre permanent le poste de<br />
coordonnateur au sein de l’administration. Cette<br />
décision a été prise même si, à l’époque, la Ville<br />
effectuait une réduction de ses effectifs et<br />
qu’aucun nouveau poste n’avait été créé en cinq<br />
ans. Relevant directement du commissaire de<br />
la ville, le coordonnateur avait la responsabilité<br />
d’appuyer le travail du RRC et d’élaborer et<br />
exécuter des programmes de sensibilisation et de<br />
soutien pour les employés municipaux. Lors<br />
Nos diverses cités 165
Le rapport Building Saskatoon to Become a Global City: A Framework for an Action<br />
Plan recommande que la Ville joue un rôle de premier plan de coordination<br />
d’initiatives visant à encourager l’immigration à Saskatoon et répondre aux<br />
besoins des immigrants en matière d’établissement et d’intégration.<br />
166 Nos diverses cités<br />
d’une vaste réorganisation menée au cours de<br />
l’exercice 1996-1997, la Ville a également créé<br />
une division des relations interraciales et<br />
un centre de documentation sur les relations<br />
interraciales dont les ressources sont accessibles<br />
à ses employés, aux étudiants et au grand public.<br />
Entre 1989 et 1999, Saskatoon a également fait<br />
des progrès considérables dans l’élaboration d’un<br />
cadre de politiques et de programmes en matière<br />
de diversité culturelle et de relations interraciales.<br />
Cet exercice a commencé en 1992 lorsque le<br />
comité a présenté au conseil municipal un<br />
projet de politique visant à promouvoir l’équité<br />
et combattre le racisme. Cinq ans plus tard,<br />
précisément le 1 er décembre 1997, le conseil<br />
adoptait une politique officielle en ce sens. Cet<br />
instrument s’inspire largement de la politique<br />
sur les relations interraciales de la ville de<br />
Scarborough. De l’avis des élus municipaux de<br />
Saskatoon et des membres du comité, il s’agissait<br />
du modèle le plus pertinent parmi tous ceux<br />
examinés. Cette politique-cadre, qui s’appliquait<br />
au conseil municipal et à l’administration muni -<br />
cipale, est venue compléter, et non remplacer, les<br />
politiques existantes sur des sujets précis comme<br />
le harcèlement en milieu de travail et l’équité<br />
en matière d’emploi. Elle est restée en vigueur<br />
jusqu’en 2004, année où, comme nous le verrons<br />
dans la suite de l’article, la Ville de Saskatoon l’a<br />
remplacée par une nouvelle politique.<br />
Les progrès réalisés par la Ville de Saskatoon<br />
ont reçu une reconnaissance nationale en 1996,<br />
année où elle a remporté le tout premier Prix<br />
des relations interraciales décerné par la<br />
Fédération canadienne des municipalités. Cette<br />
récompense est venue confirmer non seulement<br />
la valeur des résultats déjà obtenus, mais<br />
également l’importance d’en faire davantage au<br />
cours des années à venir.<br />
Initiatives menées entre 2000 et 2008<br />
Entre 2000 et 2008, la Ville de Saskatoon a su<br />
consolider et mettre à profit les initiatives de la<br />
décennie précédente. Ses efforts ont commencé<br />
en 2000 quand elle a élargi le mandat et la<br />
composition du RRC; celui-ci a été renommé le<br />
Cultural Diversity and Race Relations Committee<br />
(CDRRC), puisqu’on y ajoutait la dimension de<br />
diversité culturelle. La composition de ses<br />
membres s’est élargie de sorte à assurer une<br />
meilleure représentation des membres de la<br />
communauté et à accueillir des fonctionnaires<br />
municipaux élus et nommés. Son mandat est de<br />
conseiller le Conseil municipal sur des enjeux<br />
relatifs à la politique sur la diversité culturelle<br />
et les relations raciales. Il compte 18 membres<br />
nommés par le conseil municipal pour un mandat<br />
d’un ou de deux ans. Le CDRRC, dont au moins<br />
50 % des membres sont des minorités visibles,<br />
est ainsi constitué :<br />
• Un membre du conseil scolaire public;<br />
• Un membre du conseil scolaire des écoles<br />
séparées;<br />
• Le chef de police ou son remplaçant désigné;<br />
• Un membre de la Saskatchewan Intercultural<br />
Association;<br />
• Un membre de la Saskatoon Health Region;<br />
• Un représentant de la communauté Métis;<br />
• Un représentant de la communauté des<br />
Premières nations;<br />
• Un représentant du ministère des Ressources<br />
communautaires;<br />
• Un représentant du ministère des Services<br />
correctionnels et de la Sécurité publique;<br />
• Jusqu’à huit représentants du grand public;<br />
• Jusqu’à deux conseillers municipaux.<br />
Politique de Saskatoon en matière de diversité<br />
culturelle et de relations interraciales<br />
Quatre ans plus tard, le conseil municipal<br />
approuvait la politique sur la diversité culturelle<br />
et les relations interraciales, intitulée la Cultural<br />
Diversity and Race Relations Policy (CDRRP).<br />
Ainsi se lit l’énoncé de vision formulé dans<br />
la politique : [Traduction] « La Ville de Saskatoon<br />
travaillera de concert avec les syndicats, les<br />
entreprises et les organisations communautaires,<br />
tous les ordres de gouvernement et d’autres
intervenants, à créer une collectivité inclusive<br />
où la diversité ethnoculturelle est acceptée et<br />
appré ciée, et où chacun peut vivre avec dignité<br />
et réaliser son plein potentiel sans craindre le<br />
racisme ou la discrimination » (Saskatoon, 2004a).<br />
La CDRRP énonce également quatre objectifs<br />
communautaires généraux : l’effectif municipal<br />
sera représentatif de la population de Saskatoon;<br />
une politique de tolérance zéro en matière de<br />
racisme et de discrimination sera appliquée à<br />
Saskatoon; les décideurs communautaires seront<br />
représentatifs de l’ensemble de la population de<br />
Saskatoon; et il y aura sensibilisation, compré -<br />
hension et acceptation par la collectivité des<br />
diverses cultures présentes à Saskatoon. Depuis<br />
2000, ces résultats trouvent écho dans les chapitres<br />
des plans d’activités de la Ville qui traitent de la<br />
coopération multiculturelle et des partenariats<br />
avec les Autochtones (Saskatoon, 2004b, 2006,<br />
2008). Les plans d’activités souli gnaient également<br />
l’importance pour la Ville de collaborer avec les<br />
gouvernements fédéral et provincial ainsi qu’avec<br />
la Saskatoon Regional Economic Development<br />
Authority (SREDA) pour accroître les taux<br />
d’immi gration à Saskatoon et offrir aux immi -<br />
grants des débouchés d’emploi appropriés.<br />
En accord avec ces objectifs communautaires,<br />
la Ville de Saskatoon mène depuis 2004<br />
une série d’initiatives axées sur l’immigration<br />
et l’intégration. Elle répond ainsi à une recom -<br />
mandation formulée en 2004 par le CDRRC, qui<br />
estimait qu’un rapport devait être préparé sur les<br />
besoins de Saskatoon en matière d’immigration<br />
et sur les besoins des immigrants à Saskatoon.<br />
Le CDRRC a également recommandé que la<br />
Ville tente d’obtenir des fonds des principaux<br />
organismes fédéraux et provinciaux intervenants<br />
dans ce secteur. Ces recommandations ont<br />
été approuvées par le conseil municipal le<br />
29 novembre 2004. L’année suivante, les élus<br />
municipaux ont réussi à négocier une entente<br />
avec leurs homologues provinciaux et fédéraux<br />
pour cofinancer et coordonner une ronde de<br />
consultations communautaires et la production<br />
d’un rapport sur l’immigration et l’intégration. Le<br />
comité directeur tripartite a collaboré étroitement<br />
en supervisant les consultations et la production<br />
du rapport, amorcées à la fin de 2005.<br />
Building Saskatoon to Become<br />
a Global City : le rapport<br />
Le rapport Building Saskatoon to Become a Global<br />
City: A Framework for an Action Plan recom -<br />
mande que la Ville joue un rôle de premier plan<br />
de coordination d’initiatives visant à encourager<br />
l’immigration à Saskatoon et répondre aux<br />
besoins des immigrants en matière d’établis -<br />
sement et d’intégration.<br />
Le rapport présente une analyse des éléments<br />
suivants : les facteurs liés à l’attraction, à<br />
l’intégration et au maintien des immigrants<br />
dans la collectivité; les besoins de Saskatoon en<br />
ce qui a trait à l’accueil des nouveaux arrivants;<br />
les besoins des immigrants; les besoins des<br />
organismes offrant des services aux immigrants<br />
et à la communauté; et les besoins des orga -<br />
nismes gouvernementaux. Le rapport contient<br />
également des propositions conçues pour<br />
renforcer les capacités de Saskatoon dans les<br />
cinq domaines suivants :<br />
• Planification et coordination des initiatives<br />
en matière d’immigration et d’intégration;<br />
• Recrutement de nouveaux immigrants à<br />
l’étranger et dans d’autres provinces;<br />
• Accueil des immigrants à leur arrivée à<br />
Saskatoon;<br />
• Intégration économique des immigrants;<br />
• Intégration communautaire des immigrants.<br />
Enfin, on formule dans le rapport une série de<br />
recommandations pour que la Ville établisse un<br />
mécanisme de leadership et de coordination,<br />
dont : 1) l’élaboration et l’exécution d’un plan<br />
d’action en matière d’immigration et d’inté -<br />
gration qui soit en accord avec d’autres plans<br />
d’action, surtout ceux qui touchent la population<br />
autochtone; 2) la mise sur pied d’un cadre<br />
organisationnel à l’hôtel de ville afin de fournir<br />
soutien et leadership dans l’élaboration et la mise<br />
en œuvre d’un tel plan d’action en immigration;<br />
3) la mise sur pied d’un comité de coordination<br />
tripartite formé de représentants des sphères<br />
municipale, provinciale et fédérale; et 4) la<br />
création de mécanismes de consultation et de<br />
coordination, reposant sur une participation<br />
sectorielle et intersectorielle.<br />
En avril 2007, après avoir reçu le rapport<br />
susmentionné, la Ville a mis au point un plan<br />
d’action en cinq étapes, approuvé par le conseil<br />
municipal (Saskatoon, 2007a, 2007b). Les cinq<br />
étapes sont les suivantes :<br />
• Poursuivre la collaboration avec les gouver -<br />
nements fédéral et provincial en vue d’élaborer<br />
une stratégie propre à Saskatoon pour recruter<br />
et garder les immigrants;<br />
Nos diverses cités 167
168 Nos diverses cités<br />
• Étendre la portée du plan d’intervention afin<br />
d’y inclure des stratégies axées sur l’immi -<br />
gration et la migration dans notre ville;<br />
• Élaborer un modèle de gouvernance pour<br />
l’élaboration du plan détaillé d’intervention<br />
et de durabilité;<br />
• Faire le point sur les initiatives en cours à<br />
Saskatoon et dans la région environnante qui<br />
visent les immigrants;<br />
• Élaborer une campagne d’information publique<br />
pour sensibiliser la population à l’immigration<br />
et améliorer la compréhension de celle-ci.<br />
La Ville de Saskatoon a par la suite présenté des<br />
demandes de financement auprès de Citoyenneté<br />
et Immigration <strong>Canada</strong> (CIC) et du ministère de<br />
l’Enseignement postsecondaire, de l’Emploi et du<br />
Travail de la Saskatchewan – Direction générale<br />
de l’immigration, et a reçu des fonds de ces deux<br />
organismes. Les principaux résultats escomptés<br />
comprenaient des activités susceptibles de faire<br />
avancer les recom mandations approuvées par le<br />
conseil ainsi que l’embauche d’un coordonnateur<br />
des ressources communautaires pour les immi -<br />
grants (Saskatchewan, 2008) (en date d’octobre<br />
2007). Deux initiatives importantes ont été lancées<br />
en 2008 pour aider Saskatoon à élaborer et à<br />
exécuter un plan d’action en immigration.<br />
Rapport sur l’analyse des lacunes et<br />
conférence de visionnement d’avenir<br />
La première initiative consistait à préparer un<br />
rapport sur l’analyse des lacunes qui permettrait<br />
de faire des recommandations en vue d’élaborer<br />
un plan d’action en immigration (Insightrix,<br />
2008b). L’exercice comprenait l’examen appro -<br />
fondi du rapport Building Saskatoon to Become a<br />
Global City, l’examen d’autres documents pour<br />
compléter le rapport précédent, des discussions<br />
avec d’autres municipalités, des entrevues<br />
approfondies avec des représentants d’orga -<br />
nismes, de groupes ethnoculturels et de bailleurs<br />
de fonds, ainsi que la tenue d’une conférence<br />
de visionnement d’avenir. À l’occasion de la<br />
conférence en question, des représentants de<br />
différents secteurs ont passé en revue ce qu’ils<br />
considéraient être les principales questions et<br />
possibilités entourant l’élaboration d’un plan<br />
d’action cohésif. Ce processus a assuré la<br />
participation de la collectivité à la définition<br />
des 28 recommandations issues de cet exercice<br />
et à l’identification des priorités. Ces recomman -<br />
dations sont résumées dans le rapport en fonction<br />
des échéanciers proposés, des intervenants<br />
possibles, des initiatives déjà en cours et de<br />
l’augmen tation suggérée des activités ou des<br />
bailleurs de fonds. Les trois principales recom -<br />
man dations étaient la création d’un site Web<br />
convivial et complet sur l’immigration, l’élabo -<br />
ration d’un guide à l’intention des nouveaux<br />
arrivants et la mise sur pied d’un centre de<br />
ressources. Faisait également partie du rapport<br />
une liste de vérification pour le plan d’action,<br />
intitulée le Checklist for Immigration Action Plan.<br />
Celle-ci renferme des suggestions pour améliorer<br />
le système dans six secteurs principaux : pro -<br />
mouvoir Saskatoon comme milieu de vie et de<br />
travail idéal, faciliter l’intégration économique des<br />
immigrants, améliorer les services d’établis sement,<br />
renforcer l’intégration sociale et communautaire<br />
des immigrants, et améliorer les politiques, les<br />
programmes et les procédés afin que la Ville<br />
puisse offrir de meilleurs services et davantage de<br />
débouchés pour les immigrants.<br />
Forums sectoriels<br />
L’analyse des lacunes a mené à la définition<br />
d’une stratégie générale pour un plan d’action<br />
permettant d’attirer, de garder et d’intégrer les<br />
immigrants à Saskatoon. Afin d’appuyer l’élabo -<br />
ration et la mise en œuvre des différents éléments<br />
du plan d’action, une autre initiative clé a été<br />
menée, c’est-à-dire l’organisation d’une série de<br />
forums sectoriels auxquels ont été invités des<br />
représentants d’organisations clés de chacun des<br />
secteurs concernés : services de police et justice,<br />
éducation, santé, développement économique et<br />
emploi, établissement et logement. Ces forums<br />
visaient à donner aux représentants d’organismes<br />
gouvernementaux et non gouver nementaux de<br />
chaque secteur l’occasion de partager leurs<br />
con naissances sur des stratégies existantes, de<br />
mieux comprendre l’importance d’initiatives<br />
additionnelles, et d’élaborer des straté gies pour<br />
entreprendre conjointement (ou du moins en<br />
coordination) des initiatives constructives.<br />
Initiatives futures<br />
Au début de 2009, une fois les forums sectoriels<br />
terminés, la Ville de Saskatoon prévoit organiser<br />
un forum intersectoriel, dont l’objectif est de<br />
partager les idées soulevées aux forums<br />
précédents et de favoriser une collaboration entre<br />
les secteurs. Il lui faudra également déterminer<br />
quelles autres initiatives devront être menées dans<br />
ce secteur stratégique. Sans aucun doute, les<br />
prochaines interventions prendront appui sur les
conclusions issues de ces forums et sur les deux<br />
rapports principaux qui ont été produits ces deux<br />
dernières années. Les choix effectués à cet égard<br />
dépendront d’ailleurs de deux facteurs clés, soit les<br />
préférences des participants aux forums sectoriels<br />
et la volonté des gouvernements fédéral et<br />
provincial de continuer à collaborer avec la Ville<br />
à l’élaboration et à la mise en œuvre de nouvelles<br />
initiatives. Tout porte à croire que la Ville assu -<br />
mera un rôle d’orientation, d’animation, d’appui<br />
et de coordination. Les représentants municipaux<br />
élus et nommés estiment que la meilleure<br />
contribution que la Ville puisse faire est d’aider<br />
la multitude d’organismes gouver nementaux et<br />
non gouvernementaux concernés à réaliser leurs<br />
mandats. Bref, la Ville veut appuyer, plutôt que<br />
remplacer, de tels organismes dans l’exécution de<br />
leurs tâches dans ce secteur.<br />
À propos des auteurs<br />
JOSEPH GARCEA est professeur agrégé au département<br />
de science politique de la University of Saskatchewan.<br />
SMITA GREG est coordonnatrice des ressources<br />
communautaires pour les immigrants à la Ville<br />
de Saskatoon.<br />
Références<br />
<strong>Canada</strong>. Statistique <strong>Canada</strong>. 2002. Profil des communautés<br />
de 2001 – Subdivision de recensement : Saskatoon, Ottawa,<br />
Statistique <strong>Canada</strong>, no 93-F0053-XIF au catalogue.<br />
Consulté à l’adresse .<br />
———. Statistique <strong>Canada</strong>. 2008. Profil des communautés de<br />
2006 – Subdivision de recensement : Saskatoon, Ottawa,<br />
Statistique <strong>Canada</strong>, no 92-591-XWF au catalogue. Consulté<br />
à l’adresse .<br />
Garcea, J. 2008. « Representation Deficits in Regina and<br />
Saskatoon », dans C. Andrew, J. Biles, M. Siemiatycki et<br />
E. Tolley (dir.), Political Participation in <strong>Canada</strong>, Vancouver,<br />
UBC Press, p. 156-179.<br />
Insightrix. 2008a. Checklist for Immigration Action Plan,<br />
document préparé pour la Ville de Saskatoon. Consulté<br />
à l’adresse .<br />
———. 2008b. Immigration Action Plan Gap Analysis, rapport<br />
préparé pour la Ville de Saskatoon. Consulté à l’adresse<br />
.<br />
Pontikes, K., et J. Garcea. 2006. Building Saskatoon to<br />
Become a Global City: A Framework for an Immigration<br />
Action Plan, rapport préparé pour la Ville de Saskatoon.<br />
Consulté à l’adresse .<br />
Saskatchewan. 2008. « Saskatoon Announces Immigration<br />
Project Designed to Support Settlement and Retention of<br />
Newcomers », communiqué de presse (28 mars), Regina,<br />
gouvernement de la Saskatchewan.<br />
Saskatoon. 1999. Tenth Anniversary Report of the City<br />
of Saskatoon Race Relations Committee 1989-1999:<br />
Celebrating a Decade of ‘Living in Harmony’, Saskatoon,<br />
Ville de Saskatoon, Saskatoon Race Relations Committee.<br />
———. 2004a. Cultural Diversity and Race Relations Policy,<br />
Saskatoon, Ville de Saskatoon. Consulté à l’adresse<br />
.<br />
———. 2004b. Corporate Business Plan 2004-2006,<br />
Saskatoon, Ville de Saskatoon.<br />
———. 2006 Corporate Business Plan, 2006-2008, Saskatoon,<br />
Ville de Saskatoon.<br />
———. Saskatoon. 2007a. Procès-verbal de réunion (16 avril),<br />
Saskatoon, Ville de Saskatoon. Consulté à l’adresse<br />
.<br />
———. 2007b. Immigration Council Report, Saskatoon, Ville<br />
de Saskatoon. Consulté à l’adresse .<br />
———. 2008 Corporate Business Plan, 2008-2010, Saskatoon,<br />
Ville de Saskatoon. Consulté à l’adresse .<br />
Nos diverses cités 169
Le rôle des municipalités dans<br />
l’intégration des immigrants :<br />
l’expérience d’Edmonton<br />
JOHN REILLY<br />
Ville d’Edmonton<br />
170 Nos diverses cités<br />
Soucieuse de favoriser l’intégration des immigrants dans la population active, la<br />
Ville d’Edmonton a pris des mesures pour améliorer ses propres pratiques de<br />
gestion des ressources humaines et trouver des moyens d’appuyer les<br />
efforts d’intégration en collaboration avec les employeurs de la région.<br />
Au printemps 2005, le conseil municipal<br />
d’Edmonton a ajouté l’immigration et l’établis -<br />
sement à ses priorités stratégiques de son plan<br />
triennal. Le nouveau maire, Stephen Mandel,<br />
était préoccupé par la stagnation de l’immi -<br />
gration à Edmonton alors que d’autres villes, en<br />
particulier Calgary, enregistraient une forte<br />
hausse de leur nombre d’immigrants 1 . Le secteur<br />
énergétique de la région d’Edmonton connaissait<br />
une importante transformation et souffrait<br />
parallèlement d’une pénurie de main-d’œuvre.<br />
Au même moment, Citoyenneté et Immigration<br />
<strong>Canada</strong> (CIC) prévoyait qu’en 2011, la totalité<br />
de l’augmen tation de la population active au<br />
<strong>Canada</strong> proviendrait de l’immigration (CIC,<br />
2001), exacerbant la crainte qu’à défaut d’attirer<br />
une main-d’œuvre qualifiée dans la région, la<br />
croissance économique serait menacée.<br />
En outre, le conseil municipal et l’admi -<br />
nistration de la Ville se préoccupaient alors de<br />
veiller à une diversité de l’effectif municipal qui<br />
soit proportionnelle à celle de la population<br />
globale de la ville et de la région, ainsi que de la<br />
capacité de la Ville d’attirer et d’intégrer plus<br />
efficacement les immigrants et les membres des<br />
minorités visibles dans son effectif. Lors du<br />
1 Selon les statistiques de Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong>,<br />
même si le nombre d’immigrants à Edmonton et à Calgary était<br />
presque égal en 1995, une décennie plus tard, deux fois plus<br />
d’immigrants choisissaient Calgary de préférence à Edmonton.<br />
Recensement fédéral de 2006 (Statistique <strong>Canada</strong>,<br />
2008), la ville d’Edmonton comptait 730 372<br />
habitants et sa région métropolitaine de<br />
Recensement, 1 024 820, ces populations étant<br />
respectivement constituées à 22,9 % et 17,1 %<br />
de minorités visibles, et à 22,9 % et 18,5 % de<br />
personnes nées à l’étranger. Or dans un sondage<br />
mené par la Ville d’Edmonton en 2006 auprès de<br />
ses employés, 13 % de ceux-ci avaient déclaré être<br />
des personnes de couleur, soit un pourcentage<br />
considérablement plus faible que celui qui<br />
correspondait à celui de la population générale.<br />
En outre, même si les immigrants récents installés<br />
à Edmonton étaient dans l’âge d’activité maxi -<br />
male et avaient un niveau de scolarité plus<br />
élevé que leurs homologues nés au <strong>Canada</strong>, ils<br />
présentaient un taux d’emploi plus faible et un<br />
taux de chômage plus élevé.<br />
Afin d’examiner de plus près ces questions,<br />
le conseil a demandé au Centre <strong>Metropolis</strong> des<br />
Prairies d’effectuer une recherche sur la manière<br />
dont la municipalité pourrait attirer et retenir les<br />
immigrants. La recherche a été menée grâce à des<br />
fonds de CIC et, en novembre 2005, le rapport<br />
de recherche et ses 27 recom mandations étaient<br />
présentés au conseil municipal d’Edmonton<br />
(Derwing et coll., 2005).<br />
Le conseil municipal a réagi en chargeant<br />
deux conseillers d’alors, Michael Phair et Terry<br />
Cavanagh, d’effectuer un examen approfondi<br />
du rapport et de lui recommander des mesures
d’intervention précises. Parallèlement, le directeur<br />
municipal a alloué des ressources au Bureau<br />
de la diversité et de l’inclusion d’Edmonton et<br />
un nouvel expert-conseil en diversité et inclu -<br />
sion a été embauché afin d’appuyer les travaux<br />
du conseil.<br />
Les recommandations du rapport relevant des<br />
compétences municipales ont été cernées, les<br />
pratiques exemplaires d’autres municipalités ont<br />
été examinées et des consultations publiques ont<br />
été menées en mars 2006. Près de 80 personnes<br />
représentant des groupes d’immi grants, des<br />
organismes d’aide à l’établis sement et d’autres<br />
ordres de gouvernement se sont réunies à la<br />
bibliothèque publique d’Edmonton afin de se<br />
pencher sur les recommandations et de fournir<br />
une orientation et un appui aux deux conseillers<br />
dans le choix des priorités. Les politiques et les<br />
pratiques d’autres municipalités ont été exposées<br />
et les participants se sont répartis en petits<br />
groupes afin de déterminer les mesures prioritaires<br />
que la Ville devait envisager.<br />
En avril 2006, les conseillers Phair et Cavanagh<br />
ont présenté leur rapport au conseil municipal,<br />
recommandant à la Ville d’examiner plus à fond<br />
les initiatives possibles en matière d’attraction<br />
de la main-d’œuvre, de sensibilisation du public,<br />
de services d’information, de services commu -<br />
nautaires et de ressources humaines. Le conseil a<br />
approuvé les recommandations et a chargé l’admi -<br />
nistration d’examiner les politiques municipales<br />
possibles dans le domaine de l’immigration et de<br />
l’établissement. Le Bureau de la diversité et de<br />
l’inclusion a mis sur pied un groupe de travail<br />
qui comprenait des repré sentants des Services<br />
communautaires, de la Direction générale des<br />
ressources humaines et de la Direction générale<br />
des communications de la Ville, ainsi qu’un<br />
représentant du groupe de développement de la<br />
main-d’œuvre de l’Edmonton Economic Develop -<br />
ment Corporation (EEDC).<br />
Après d’autres consultations publiques, une<br />
analyse des politiques et la création de pro -<br />
grammes, l’administration est revenue devant<br />
le conseil municipal en novembre 2006 avec<br />
des recommandations visant la mise en œuvre<br />
de plusieurs projets d’aide à l’immigration et à<br />
l’établissement, ainsi que d’un cadre stratégique<br />
pour orienter la prestation de ces nouveaux<br />
programmes et services. En décembre de la même<br />
année, le conseil a approuvé un budget qui<br />
octroyait des fonds prélevés sur l’impôt à plusieurs<br />
projets en cours et a chargé l’administration<br />
municipale de lui présenter des politiques<br />
possibles en matière d’immigration et d’établis -<br />
sement. En mai 2007, le conseil a approuvé une<br />
politique d’immigration et d’établissement axée<br />
sur sept domaines des services et programmes<br />
municipaux visant l’attraction et le maintien<br />
de nouveaux arrivants; l’intégration économique;<br />
les relations inter gouvernementales; l’accès aux<br />
services et l’équité; la planification et la coor -<br />
dination; les communications, la sensibilisation<br />
du public et l’éducation; le développement<br />
communautaire et l’inclusion; et, finalement,<br />
les femmes immigrantes. C’est le Bureau de la<br />
diversité et de l’inclusion de la Ville qui est<br />
responsable de mettre en œuvre cette politique.<br />
Intégration économique<br />
Soucieuse de favoriser l’intégration des immi -<br />
grants dans la population active, la Ville a pris des<br />
mesures pour améliorer ses propres pratiques de<br />
gestion des ressources humaines et trouver des<br />
moyens d’appuyer les efforts d’intégration en<br />
collaboration avec les employeurs de la région. La<br />
Direction générale des ressources humaines a créé<br />
un programme de prise de contact et embauché<br />
une conseillère en ressources humaines chargée<br />
de travailler expressément à la mise sur pied<br />
d’un effectif plus représentatif de la composition<br />
ethno culturelle de la population régionale. La<br />
personne choisie, elle-même une immigrante,<br />
possédait une expérience considérable dans la<br />
création de programmes de transition et d’inté -<br />
gration au travail pour les immigrants. Depuis,<br />
elle a conçu et mis en œuvre un programme<br />
de stage pour les immigrants, qui a permis à la<br />
Direction générale des ressources humaines et au<br />
Service des transports de la Ville d’accueillir huit<br />
stagiaires. Plusieurs de ces stagiaires occupent<br />
maintenant des postes permanents à la Ville,<br />
tandis que les autres sont en voie de terminer<br />
leur stage.<br />
La conseillère en ressources humaines organise<br />
des salons de l’emploi au sein d’organismes<br />
d’aide à l’établissement et d’autres organisations<br />
communautaires bien connues des immigrants<br />
et des réfugiés, et anime dans la collectivité<br />
des colloques qui fournissent aux immigrants<br />
des renseignements utiles sur les processus de<br />
demande d’emploi à la Ville. Au moyen de<br />
fonds provinciaux et de marchés conclus avec<br />
des établissements d’enseignement, elle offre<br />
également un soutien spécialisé (p. ex., des cours<br />
sur la diversité culturelle et des programmes<br />
linguistiques) aux unités fonctionnelles de la<br />
Ville où les pénuries de travailleurs sont<br />
Nos diverses cités 171
La Ville et les gouvernements provincial et fédéral collaborent actuellement à<br />
la publication d’un guide des nouveaux arrivants à Edmonton, à l’exploitation<br />
d’un centre d’information pour les nouveaux arrivants et à la conception<br />
et la mise en œuvre d’un plan d’action contre le racisme à Edmonton.<br />
172 Nos diverses cités<br />
particulièrement aiguës ou qui font l’objet de<br />
plaintes des immigrants quant au manque d’accès<br />
aux emplois municipaux. De plus, la conseillère a<br />
mis sur pied un programme d’accès à l’emploi.<br />
Dans le cadre de celui-ci, la Ville collabore avec<br />
un collège communautaire de la région et avec<br />
une agence qui fournit des services d’emploi aux<br />
immigrants, dont une formation professionnelle<br />
et linguistique, en vue d’accroître le nombre<br />
d’immigrants travaillant au sein du service des<br />
transports en commun et du service médical<br />
d’urgence de la Ville. Le contenu des cours<br />
est présentement en voie d’élaboration et le<br />
pro gramme devrait être lancé en mai 2009, avec<br />
une deuxième cohorte de participants prévue<br />
pour septembre 2009. Le service de transports<br />
en commun d’Edmonton a investi d’importantes<br />
ressources au projet.<br />
La Ville a également collaboré avec la EEDC,<br />
des employeurs locaux et des intervenants<br />
communautaires à la création de l’Edmonton<br />
Region Immigrant Employment Council (ERIEC).<br />
S’inspirant du succès du Toronto Region<br />
Immi grant Employment Council (TRIEC), la Ville<br />
a coprésidé, avec la EEDC, un comité de plani -<br />
fication qui a effectué une étude de faisabilité et<br />
établi un plan d’action provisoire. Notamment<br />
grâce au travail d’un expert-conseil local, le<br />
comité a pu se procurer des fonds auprès de<br />
multiples partenaires et mettre sur pied un conseil<br />
d’administration pour l’organisme. L’ERIEC a<br />
embauché un directeur administratif et lancé<br />
ses activités en septembre 2008. L’organisme<br />
complétera et, dans certains cas, appuiera<br />
activement les initiatives de la Ville en matière de<br />
ressources humaines. En 2009, la Ville contribuera<br />
d’ailleurs 25 000 $ en financement à l’ERIEC.<br />
Relations intergouvernementales<br />
En 2005, le gouvernement de l’Alberta a<br />
rendu public son cadre stratégique en matière<br />
d’immigration, intitulé Supporting Immigrants<br />
and Immigration to Alberta 2 , dans lequel il<br />
s’engageait à collaborer avec les municipalités<br />
afin d’attirer et de retenir des immigrants.<br />
Saisissant l’occasion, le maire Mandel a entrepris<br />
d’établir des rapports de collaboration avec les<br />
ministres fédéraux et provinciaux responsables<br />
de l’immigration, tandis que le Bureau des<br />
affaires intergouvernementales et le Bureau de la<br />
diversité et de l’inclusion de la Ville participaient<br />
à divers groupes de planification provinciaux<br />
se penchant sur les questions de durabilité<br />
économique et démographique. La muni -<br />
cipalité a participé à un sous-comité entièrement<br />
consacré à la question de l’immigration et de son<br />
lien avec la durabilité économique. L’Accord<br />
de collaboration <strong>Canada</strong>-Alberta en matière<br />
d’immigration, dévoilé en 2007, engageait les<br />
autres ordres de gouver nement à entamer un<br />
[Traduction] « dialogue sur le rôle qu’il convient<br />
de faire jouer aux municipalités dans l’élabo -<br />
ration des programmes et des politiques » (CIC,<br />
2007). Malgré cette invitation, ce dialogue n’a<br />
toujours pas eu lieu.<br />
Toutefois, la Ville a beaucoup mieux réussi sur<br />
le plan administratif. En 2006, le Bureau de la<br />
diversité et de l’inclusion a créé un poste<br />
consultatif entièrement consacré aux questions<br />
touchant l’immigration, l’établissement et le<br />
multiculturalisme. Les liens entre les divers<br />
services et les différents paliers de gouvernement<br />
établis par ce bureau ont entraîné la création<br />
de partenariats de financement avec les<br />
divers ordres de gouvernement. La Ville et les<br />
gouvernements provincial et fédéral ont<br />
collaboré à la création d’un guide des nouveaux<br />
arrivants à Edmonton, à l’exploitation d’un<br />
centre d’information pour les nouveaux<br />
arrivants et à la conception et la mise en œuvre<br />
d’un plan d’action contre le racisme à Edmonton.<br />
Ces partenariats englobent Alberta Human<br />
Rights, le Citizenship and Multiculturalism<br />
Education Fund, le ministère de l’Emploi et<br />
de l’Immigration de l’Alberta, Citoyenneté et<br />
Immigration <strong>Canada</strong> et Patrimoine canadien.<br />
2<br />
Le cadre stratégique de la politique mentionne expressément<br />
l’appui aux municipalités. Pour obtenir des renseignements<br />
supplémentaires, on pourra consulter le document (en anglais) à<br />
l’adresse suivante : .
Planification et coordination pour<br />
l’amélioration de l’accès aux services<br />
et de l’équité<br />
En 2005, le directeur municipal a mis sur pied<br />
le Bureau de la diversité et de l’inclusion. Depuis<br />
la fermeture en 1997 de son Bureau des initiatives<br />
en matière de diversité, la Ville faisait face à des<br />
difficultés sur le plan des ressources humaines et<br />
de l’accès aux services, découlant de l’exclusion<br />
et d’obstacles limitant l’accès à l’emploi et aux<br />
services. Le Bureau de la diversité et de l’inclusion<br />
se situe dans les bureaux du directeur municipal<br />
adjoint et relève directement de la haute direction<br />
de la Ville, qui comprend le directeur municipal,<br />
son adjoint et les directeurs généraux de tous<br />
les services municipaux. Le personnel du Bureau<br />
a travaillé avec la haute direction pour définir<br />
les objectifs de la Ville en matière de diversité<br />
et d’inclusion, des objectifs visant à assurer un<br />
effectif municipal représentatif des communautés<br />
d’Edmonton. Collaborant avec un groupe de<br />
travail composé de représentants de différents<br />
services muni cipaux, le Bureau a également<br />
conçu un cadre et un plan de mise en œuvre de<br />
la diversité et de l’inclusion 3 , qui contient une<br />
stratégie globale ainsi que des outils pour atteindre<br />
les objectifs de diversité et d’inclusion de la Ville.<br />
Un projet plus vaste de politique sur la diversité et<br />
l’inclusion a été présenté au conseil municipal et<br />
approuvé à la fin de 2008.<br />
Actuellement, dans chaque service, il existe<br />
des équipes pour la diversité et l’inclusion qui<br />
cherchent des moyens de modifier les politiques,<br />
les pratiques, les programmes et les services afin<br />
de répondre aux besoins d’une population et d’un<br />
effectif diversifiés. On y met notamment l’accent<br />
sur les besoins d’une population de plus en plus<br />
multiculturelle. La politique et les projets de la Ville<br />
en matière d’immigration et d’établissement vont<br />
dans le sens de ces objectifs et constituent le<br />
fondement d’une meilleure satisfaction des besoins<br />
manifestés par les divers groupes ethnoculturels<br />
qui choisissent de vivre, de travailler et de se<br />
divertir dans la région d’Edmonton.<br />
Communication, sensibilisation<br />
et éducation du public<br />
Grâce aux recherches menées par le Centre<br />
<strong>Metropolis</strong> des Prairies, aux recherches sur<br />
3<br />
Le Diversity and Inclusion Framework and Implementation Plan.<br />
Il s’agit d’un document interne de la Ville, dont on peut obtenir<br />
un exemplaire en communiquant avec le Bureau de la diversité<br />
et de l’inclusion de la Ville d’Edmonton au 780-496-5779 ou<br />
par courriel à officeofdiversityandinclusion@edmonton.ca.<br />
les pratiques exemplaires et à la consultation<br />
avec la collectivité, il est devenu clair pour<br />
l’admi nistration municipale et le conseil muni -<br />
cipal que la Ville devait s’efforcer de mieux<br />
faire connaître ce qu’elle avait à offrir aux<br />
immigrants éventuels, y compris ses services<br />
d’établissement. Les travaux du Centre<br />
<strong>Metropolis</strong> des Prairies laissent entendre que<br />
les nouveaux arrivants ont choisi Edmonton<br />
pour ses possibilités d’emploi, ses institutions<br />
d’ensei gnement et sa qualité de vie. La<br />
Ville s’est associée à la EEDC pour créer un<br />
site Web visant à attirer les travailleurs,<br />
, qui souligne<br />
ces éléments particuliers de la vie à Edmonton<br />
et qui présente aux nouveaux arrivants les<br />
mesures de soutien mises à leur disposition.<br />
Le site Web comprend des capsules vidéo en<br />
sept langues, dans lesquelles des immigrants<br />
récents expli quent pourquoi ils aiment vivre<br />
à Edmonton.<br />
La Ville a également créé un guide à l’intention<br />
des nouveaux arrivants à Edmonton, publié<br />
en huit langues : anglais, français, mandarin,<br />
espagnol, arabe, hindi, panjabi et vietnamien. Ce<br />
guide, publié en octobre 2008, est venu compléter<br />
le réseau 3-1-1 de la Ville, entré en vigueur<br />
en janvier 2009, qui offre des services<br />
d’interprétation téléphonique en ligne dans<br />
plus de 150 langues. Le réseau 3-1-1 fournit<br />
des renseignements sur l’ensemble des services<br />
offerts par la Ville à tous les citoyens, qu’ils soient<br />
nouveaux arrivants ou résidants de longue date,<br />
et les aiguille vers les services communautaires<br />
pertinents. Ces deux services appuient indi -<br />
rectement les activités du nouveau centre<br />
d’information aux citoyens et aux nouveaux<br />
arrivants de la Ville, situé à l’hôtel de ville, où des<br />
agents agréés du réseau 3-1-1 fournissent en<br />
personne des renseignements sur les services de<br />
la Ville et dirigent les nouveaux arrivants vers les<br />
services d’établissement communautaires. Ce<br />
centre fait l’objet de publi cité et le guide pour<br />
les nouveaux arrivants est distribué dans des<br />
points stratégiques de la ville (bibliothèques,<br />
centres d’accueil, aéroports, organismes d’aide<br />
à l’établissement et four nis seurs de services<br />
communautaires). Le guide et le centre d’infor -<br />
mation à l’intention des nouveaux arrivants,<br />
s’inscrivant parfaitement dans la section<br />
« Welcoming Communities » du cadre stratégique<br />
sur l’immigration du gouver nement de l’Alberta,<br />
ont reçu une subvention du ministère de l’Emploi<br />
et de l’Immigration de l’Alberta.<br />
Nos diverses cités 173
Afin d’aider les communautés africaines de la ville à surmonter certains<br />
des nombreux obstacles auxquels ils font face, le bureau du maire et les<br />
Services communautaires ont travaillé avec des groupes communautaires<br />
pour créer un centre africain dans une école publique.<br />
174 Nos diverses cités<br />
Développement communautaire,<br />
inclusion et besoins des immigrants<br />
Pendant les consultations publiques, on a rappelé<br />
à maintes reprises à la Ville que la meilleure<br />
stratégie de recrutement consistait en une<br />
stratégie solide visant à retenir les immigrants. Ces<br />
derniers choisissent de s’installer dans les villes<br />
où ils ont des parents ou des amis qui leur<br />
communiquent les expériences positives qu’ils<br />
ont vécues au moment de leur arrivée et de leur<br />
établissement dans la collectivité. Les nouveaux<br />
arrivants ont souligné des difficultés susceptibles<br />
de miner les efforts déployés par la Ville pour<br />
accueillir les immigrants, les réfugiés et leurs<br />
familles. Les organisations d’aide aux immigrants<br />
n’avaient pas les ressources nécessaires pour<br />
mettre en œuvre des programmes répondant<br />
aux besoins sociaux, culturels et éducatifs de ces<br />
nouveaux arrivants. Certains groupes d’immi -<br />
grants étaient incapables de trouver de la place<br />
dans les programmes d’accueil et faisaient parfois<br />
l’objet d’une discrimination flagrante quand ils<br />
tentaient d’obtenir une place dans des instal -<br />
lations communautaires. Le travail inlassable des<br />
nouveaux arrivants passait souvent inaperçu et,<br />
dans bon nombre de collectivités, des bénévoles<br />
souffraient d’épuisement. En outre, il a été<br />
démontré que de nombreux nouveaux arrivants<br />
n’ont pas besoin des services des organismes<br />
d’aide à l’établissement et que certains n’y sont<br />
pas admissibles; il arrive aussi qu’ils n’aient<br />
pas recours aux services de la Ville et à d’autres<br />
services susceptibles de répondre efficacement à<br />
leurs besoins en établissement.<br />
À l’aide des renseignements et du soutien<br />
communautaire obtenus dans le cadre de vastes<br />
consultations auprès de groupes d’immigrants<br />
et de représentants des organismes d’aide à<br />
l’établissement, la Ville a instauré plusieurs<br />
nouvelles initiatives par l’intermédiaire de<br />
ses Services communautaires. La première est<br />
un programme de subventions destiné aux<br />
nouveaux groupes d’immigrants et de réfugiés.<br />
Ce programme unique en son genre permet<br />
l’octroi de subventions provenant d’un fonds de<br />
450 000 $ à des organismes qui offrent des<br />
services allant des programmes d’enseignement<br />
des langues ancestrales aux clubs de devoirs,<br />
en passant par les programmes sportifs et les<br />
programmes d’activités culturelles.<br />
La deuxième initiative inclut un éventail<br />
de mesures de soutien pour aider les groupes<br />
d’immigrants à se faire une place dans la collec -<br />
tivité. Une subvention locative est actuellement<br />
offerte aux organismes dont les budgets ne<br />
couvrent pas le loyer de bureaux ou de locaux<br />
pour la prestation de leurs programmes. En outre,<br />
la Ville dresse présentement une liste exhaustive<br />
des locaux publics et privés à la disposition de<br />
groupes d’immigrants, et conçoit une boîte à<br />
outils pour aider ceux-ci à acquérir les compé -<br />
tences nécessaires leur permettant d’accéder<br />
aux locaux en question. Des discussions sont en<br />
cours pour déterminer comment le personnel des<br />
Services pourrait intervenir dans les cas où ces<br />
groupes sont victimes de discrimination. En 2007,<br />
le conseil municipal a approuvé une déclaration<br />
d’adhésion à la Coalition canadienne des muni -<br />
cipalités contre le racisme et la discrimination,<br />
et il a adopté récemment un plan d’action qui<br />
abordera ces questions et d’autres formes de<br />
discrimination raciale dans la collectivité. Afin<br />
d’aider les communautés africaines de la ville<br />
à surmonter certains des nombreux obstacles<br />
auxquels ils font face, le bureau du maire et les<br />
Services communautaires ont travaillé avec des<br />
groupes communautaires pour créer un centre<br />
africain dans une école publique. Le bureau<br />
du maire et les Services continuent d’étudier la<br />
possibilité de construire un centre multiculturel<br />
afin de répondre à certains de ces besoins.<br />
Enfin, les Services communautaires envisagent<br />
de créer un programme visant à reconnaître<br />
les précieuses contributions des immigrants à la<br />
qualité de vie dans les collectivités d’Edmonton.<br />
Par ce programme, toujours au stade de l’éla -<br />
boration, on espère créer des moyens de rendre<br />
hommage aux personnes et aux groupes qui<br />
consacrent de leur temps et de leur énergie à des<br />
projets qui aident la Ville à réaliser son objectif<br />
d’attirer et de retenir un plus grand nombre<br />
d’immigrants.
Conclusion<br />
De toute évidence, ces initiatives donnent<br />
des résultats positifs pour l’ensemble de la<br />
collectivité et pour les nouveaux arrivants à<br />
Edmonton. Deux fois par année, la Ville organise<br />
des rassemblements communautaires intitulés<br />
les Immigration and Settlement Community<br />
Gatherings, qui attirent de plus en plus de parti -<br />
cipants. Les évaluations des activités laissent<br />
entendre que les nouveaux arrivants et les<br />
fournisseurs de services sont de mieux en mieux<br />
informés des mesures de soutien et des services<br />
offerts aux immigrants et à leurs familles, et qu’ils<br />
apprécient l’attention portée à leurs besoins. La<br />
Ville est de plus en plus consciente des difficultés<br />
auxquelles font face les immigrants, ainsi que des<br />
talents et des compétences qu’ils ont à lui offrir, à<br />
l’échelle de la main-d’œuvre et de la collectivité.<br />
Ces relations constructives et ces politiques claires<br />
continuent de fournir une base solide pour<br />
bâtir des collectivités où chaque citoyen se sent<br />
respecté et inclus, et où les nouveaux arrivants<br />
peuvent bénéficier de la qualité de vie à laquelle<br />
ils s’attendent quand ils choisissent de s’établir<br />
à Edmonton.<br />
Édition canadienne<br />
À propos de l’auteur<br />
JOHN REILLY est conseiller principal en diversité et<br />
inclusion au Bureau de la diversité et de l’inclusion<br />
de la Ville d’Edmonton. Il aide le conseil municipal<br />
d’Edmonton, les administrateurs de la Ville et les<br />
intervenants communautaires à concevoir et à mettre<br />
en œuvre l’Immigration and Settlement Initiatives Policy<br />
et le Racism Free Edmonton Action Plan de la Ville.<br />
Références<br />
<strong>Canada</strong>. Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (CIC). 2001.<br />
Rapport ministériel sur le rendement, pour la période se<br />
terminant le 31 mars 2001, Ottawa, Travaux publics et<br />
Services gouvernementaux <strong>Canada</strong>, no BT31-4/26-2001 au<br />
catalogue. Consulté à l’adresse .<br />
———. Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> (CIC). 2007. Accord<br />
de coopération <strong>Canada</strong>-Alberta en matière d’immigration,<br />
Ottawa, Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong>. Consulté<br />
à l’adresse .<br />
———. Statistique <strong>Canada</strong>. 2008. Profils des communautés<br />
de 2006, Ottawa, Statistique <strong>Canada</strong>, no 92-591-XWF au<br />
catalogue. Consulté à l’adresse .<br />
Derwing, T., H. Krahn, J. Foote, et L. Diepenbroek. 2005.<br />
The Attraction and Retention of Immigrants to Edmonton,<br />
rapport présenté au conseil municipal d’Edmonton et à<br />
Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong>, Edmonton, Centre<br />
<strong>Metropolis</strong> des Prairies et University of Calgary. Consulté à<br />
l’adresse .<br />
Religion and Ethnicity in <strong>Canada</strong> brosse le portrait de six grandes religions<br />
pratiquées au <strong>Canada</strong> : le judaïsme, l’hindouisme, le sikhisme, le boudhisme,<br />
l’islam, et les religions chinoises. Ce livre aborde également la question de la<br />
place qu’occupe la religion dans la société canadienne eu<br />
égard à l’élaboration des politiques publiques, à l’immigration,<br />
à l’économie, et aux lois et normes régissant l’éducation.<br />
Nos diverses cités 175
Créer un effectif<br />
exemplaire pour l’avenir<br />
Les initiatives de Winnipeg en matière<br />
d’équité et de diversité<br />
JACKIE HALLIBURTON<br />
Ville de Winnipeg<br />
176 Nos diverses cités<br />
La Ville de Winnipeg est le deuxième plus gros employeur de la ville. Au<br />
début de 2008, elle avait un effectif de près de 8 300 employés rémunérés,<br />
dont des employés permanents, temporaires, à temps partiel, occasionnels,<br />
et des étudiants. À l’instar des résidants de Winnipeg, les employés<br />
municipaux ont des origines culturelles variées, et nous en sommes fiers.<br />
Winnipeg : une ville diversifiée<br />
La ville de Winnipeg, capitale du Manitoba,<br />
devient une ville des plus diversifiées. Selon<br />
Statistique <strong>Canada</strong>, la population de Winnipeg en<br />
2006 comptait 633 451 habitants (Statistique<br />
<strong>Canada</strong>, 2008). Après avoir vu sa population<br />
augmenter de 25 000 habitants (4,0 %) depuis<br />
1998, la ville maintiendra une croissance<br />
démographique modeste par rapport aux autres<br />
grandes villes canadiennes. Cette augmentation<br />
est largement attribuable à l’immigration.<br />
Winnipeg a toujours été la destination d’environ<br />
80 % des immigrants qui arrivent au Manitoba<br />
(Ville de Winnipeg, 2007).<br />
On s’attend à ce que la main-d’œuvre de<br />
Winnipeg subisse de grands changements à long<br />
terme, notamment en raison du vieillis sement<br />
de la population. Heureusement, l’immigration<br />
à Winnipeg et dans la province en général<br />
est réussie depuis quelques années. En 2007,<br />
l’immigration au Manitoba a augmenté de 9 %,<br />
pour atteindre la barre des 10 955 immigrants, un<br />
record en 50 ans. Depuis 1999, le Manitoba a reçu<br />
plus de 60 500 immigrants (Main d’œuvre et<br />
Immigration Manitoba, 2007). Selon les prévisions<br />
à long terme, l’immigration jouera un rôle de<br />
plus en plus grand dans l’accrois sement démo -<br />
graphique, et la capacité de Winnipeg d’attirer<br />
de nou veaux immigrants sera déterminante pour<br />
son avenir économique (Conference Board du<br />
<strong>Canada</strong>, 2007).<br />
La population autochtone de Winnipeg est<br />
considérable. Selon le Recensement de 2006,<br />
Winnipeg compte la plus grande population<br />
autochtone parmi les grandes villes du <strong>Canada</strong>.<br />
Quelque 63 745 Autochtones habitent la ville<br />
de Winnipeg et représentent maintenant 10 %<br />
environ de la population locale.<br />
Engagement en matière d’équité<br />
et de diversité à la Ville de Winnipeg<br />
La Ville de Winnipeg est le deuxième plus gros<br />
employeur de la ville. Au début de 2008, elle avait<br />
un effectif de près de 8 300 employés rémunérés,<br />
dont des employés permanents, temporaires, à<br />
temps partiel, occasionnels, et des étudiants. À<br />
l’image des résidants de Winnipeg, les employés<br />
municipaux ont des origines culturelles variées,<br />
et nous en sommes fiers. Il y a plus de dix ans,<br />
l’administration municipale lançait une initiative<br />
en matière d’équité et de diversité afin de créer<br />
et de maintenir un effectif plus diversifié et<br />
plus représentatif.<br />
L’organisation n’a pas de politique distincte<br />
pour la diversité. Or, la diversité fait partie<br />
intégrante du mode de gestion des ressources
humaines et de toutes les politiques, directives<br />
et pratiques dans ce domaine. De fait, le<br />
plan stratégique de la Ville en matière de<br />
ressources humaines, approuvé par le conseil<br />
municipal en 2001, reconnaît l’importance de<br />
la diversité.<br />
Les efforts déployés au chapitre de l’équité<br />
et de la diversité s’articulent autour de trois<br />
grands objectifs :<br />
• La diversité : mettre en valeur les différences<br />
au sein du personnel et tirer parti de celles-ci;<br />
• L’équité : créer un milieu de travail juste<br />
et respectueux;<br />
• La création d’un effectif diversifié : prendre<br />
des mesures pour recruter et garder un effectif<br />
diversifié et qualifié (notamment aux fins de<br />
l’équité en matière d’emploi).<br />
La diversité<br />
La diversité, c’est les différences (de race, de<br />
sexe, de situation familiale et d’éducation) entre<br />
les personnes et non seulement les différences de<br />
groupes spécifiques. Nous nous distinguons les<br />
uns des autres en raison de nos différences<br />
sur les plans de la religion, de l’éducation, de<br />
l’orientation sexuelle, de la culture, du style, des<br />
croyances, des mentalités, etc. En valorisant ces<br />
différences, nous prônons l’équité pour tous et<br />
traitons chaque personne avec dignité et respect.<br />
La formule fondée sur la diversité est une<br />
stratégie inclusive qui touche l’ensemble du<br />
personnel municipal, et qui est avantageuse<br />
pour la Ville. Une main-d’œuvre diversifiée<br />
et représentative de la collectivité est plus à<br />
même de comprendre les besoins des citoyens.<br />
Notre objectif est de gérer et de motiver, de la<br />
meilleure manière qui soit, une main-d’œuvre<br />
très diversifiée.<br />
L’équité<br />
L’équité consiste à traiter les gens avec<br />
impartialité. Quand nous traitons les gens<br />
également, nous ne tenons pas compte des dif -<br />
férences. Quand nous les traitons équitablement,<br />
nous reconnaissons les différences. L’équité exige<br />
de reconnaître les différences, de les respecter et<br />
de s’y adapter quand il est raisonnablement<br />
possible de le faire. À cette fin, nous devons<br />
identifier des façons d’approfondir la compré -<br />
hension des cultures, des religions, des<br />
styles d’apprentissage, etc. Il nous faut aussi<br />
trouver des façons de gérer les conflits qui<br />
accompagnent le phénomène d’une maind’œuvre<br />
de plus en plus diversifiée.<br />
Au <strong>Canada</strong>, quatre groupes ont été désignés<br />
comme faisant face à des obstacles arbitraires et<br />
injustes sur le marché de l’emploi. Les conditions<br />
d’emploi inéquitables se traduisent habituellement<br />
par des taux de chômage plus élevés et par leur<br />
concentration dans les emplois moins rémunérés<br />
offrant peu d’avancement. Ces groupes sont<br />
les femmes, les Autochtones, les membres des<br />
minorités visibles et les personnes handicapées.<br />
Les stratégies d’équité en matière d’emploi<br />
visent à éliminer les obstacles, à trouver des<br />
façons d’augmenter le nombre d’embauches<br />
de candidats qualifiés parmi ces quatre groupes<br />
et à former des partenariats avec des organismes<br />
communautaires qui offrent des formations de<br />
préparation à l’emploi.<br />
La Ville de Winnipeg a adopté un « énoncé<br />
d’engagement » concernant l’équité en matière<br />
d’emploi, qui souligne l’importance de redresser<br />
les torts de longue date. C’est pourquoi nous<br />
nous considérons toujours comme un employeur<br />
soucieux de l’équité en emploi. Mais bientôt,<br />
peut-être, nous n’aurons plus besoin de le préciser<br />
et nous pourrons simplement dire que nous<br />
avons un engagement envers la diversité de<br />
chacun. À l’heure actuelle, comme les groupes<br />
désignés sont toujours sous-représentés dans<br />
certains emplois, la Ville continue de mettre<br />
l’accent sur l’équité en matière d’emploi.<br />
La création d’un effectif diversifié<br />
En septembre 2002, la haute direction a approuvé<br />
un plan d’action pour créer un effectif diversifié.<br />
Le plan a été élaboré à la suite d’un examen des<br />
systèmes d’emploi et d’une analyse de l’effectif qui<br />
visait à évaluer le niveau de sous-représentation<br />
des personnes appartenant aux groupes désignés.<br />
Le plan d’action fait état des initiatives en vertu<br />
desquelles la Ville entend encourager et gérer<br />
efficacement la diversité.<br />
Tous les services municipaux ont la respon -<br />
sabilité d’aider à créer un milieu de travail<br />
plus diversifié et respectueux. Chacun d’eux<br />
dépose un rapport annuel sur les activités et les<br />
initiatives qui y ont été menées. Ces rensei -<br />
gnements sont ensuite intégrés à une fiche<br />
annuelle de rendement sur la diversité,<br />
laquelle décrit les activités entreprises par la<br />
Ville et rend compte des progrès réalisés dans<br />
la repré sentation des groupes désignés. Voici<br />
quelques faits saillants de la fiche de rendement<br />
pour 2006-2007 :<br />
Nos diverses cités 177
L’équité consiste à traiter les gens avec impartialité. Quand nous traitons les<br />
gens également, nous ne tenons pas compte des différences. Quand nous les<br />
traitons équitablement, nous reconnaissons les différences. L’équité exige de<br />
reconnaître les différences, de les respecter et de s’y adapter quand il est<br />
raisonnablement possible de le faire.<br />
• Le plan d’action pour créer un effectif<br />
diversifié fonctionne bien, mais quelques<br />
points à amé liorer ont été soulevés, notam -<br />
ment la nécessité pour tous les services<br />
de participer à la création de stages, ainsi<br />
que l’importance de cerner et d’éliminer les<br />
obstacles au recrutement et à l’embauche des<br />
personnes handicapées;<br />
• La représentation globale des groupes désignés<br />
est demeurée stable;<br />
• En 2006, le taux ou la part d’embauches de la<br />
Ville dépassait celle du marché de l’emploi pour<br />
tous les groupes désignés à l’exception des<br />
personnes handicapées, lesquelles demeurent<br />
sous-représentées dans les bassins de candidats<br />
et d’embauches;<br />
• Les activités de rayonnement ont augmenté et<br />
visent particulièrement à renseigner les jeunes<br />
au sujet des possibilités de carrière à la Ville<br />
de Winnipeg.<br />
178 Nos diverses cités<br />
Initiatives et projets particuliers<br />
Camp d’été pour sensibiliser les jeunes aux carrières<br />
Depuis 2004, la Ville de Winnipeg organise un<br />
camp d’été de cinq jours pour les jeunes de 12 à<br />
15 ans. Le camp vise à renseigner les jeunes sur<br />
les nombreuses carrières offertes à la Ville et à<br />
appuyer le message « l’école avant tout », étant<br />
donné que de nombreux emplois exigent un<br />
diplôme d’études postsecondaires. Quatre des cinq<br />
camps ciblent les jeunes Autochtones et un autre<br />
s’adresse aux jeunes immigrants et réfugiés.<br />
Projet d’assistants sur le terrain<br />
Ce projet est le fruit d’un partenariat entre le<br />
Service d’évaluation et de taxation de la Ville,<br />
l’Assemblée des chefs du Manitoba (ACF), la<br />
Fédération des Métis du Manitoba (FMM) et le<br />
Syndicat canadien de la fonction publique.<br />
Grâce au soutien financier et aux ressources<br />
fournis par l’ACF et la FMM, jusqu’à quatre<br />
personnes peuvent suivre une formation à<br />
distance menant à l’obtention d’un certificat en<br />
évaluation des biens immobiliers. Les personnes<br />
qui réussissent le programme se voient offrir<br />
un emploi comme auxiliaire au Service d’éva -<br />
luation et de taxation. Des discussions ont<br />
présentement lieu avec un autre organisme<br />
d’aide aux nouveaux immi grants en vue d’une<br />
collaboration possible.<br />
Programme de bourses d’études et<br />
de récompenses pour Autochtones<br />
Notre Service d’urbanisme, des biens et de<br />
l’aménagement et nos Services généraux, en<br />
partenariat avec la division scolaire de<br />
Winnipeg, offrent un programme de bourses et<br />
de récompenses pour les étudiants autochtones<br />
de premier et deuxième cycles du secondaire.<br />
Le programme vise, entre autres, à offrir des<br />
emplois d’été, des occasions de jumelage et<br />
de mentorat professionnel ainsi que d’autres<br />
mesures de soutien aux étudiants autochtones<br />
qui montrent de l’intérêt et du talent dans le<br />
domaine de l’urbanisme municipal et autres<br />
domaines connexes.<br />
Fonds de stages 2008<br />
La Ville de Winnipeg a créé un fonds pour<br />
appuyer la mise sur pied de stages en 2008.<br />
Le programme a comme objectif d’offrir à des<br />
étudiants un emploi d’été bien rémunéré qui<br />
pourrait mener à des études plus poussées, ou<br />
d’offrir un stage rémunéré à des personnes<br />
qui possèdent diplômes et attestations mais qui<br />
manquent d’expérience, ou encore à des immi -<br />
grants récents ou à des personnes han dicapées.<br />
Lorsque possible, la Ville conclut aussi des<br />
partenariats avec des bailleurs de fonds externes<br />
pour créer les stages. À ce jour, dix stages ont été<br />
créés pour de jeunes Autochtones, des immigrants<br />
et des personnes handicapées.<br />
Programme des ingénieurs étrangers<br />
Le programme Internationally Educated<br />
Engineers Qualification Program (IEEQ) offre
aux immigrants qui ont été formés en génie à<br />
l’étranger la possibilité de satisfaire certaines<br />
exigences de la réglementation pour l’exercice<br />
du génie professionnel au Manitoba. Il s’agit<br />
d’un programme de la University of Manitoba, et<br />
la Ville y participe en offrant des occasions<br />
d’emploi rémunéré aux ingénieurs participants.<br />
Programme des intervenants en<br />
services communautaires<br />
Ce projet d’expérience de travail rémunéré<br />
est exécuté par les Services communautaires.<br />
Il permet aux participants d’acquérir une expé -<br />
rience professionnelle et sert de tremplin pour un<br />
emploi futur. Le projet a été conçu pour fournir<br />
une expérience de travail enrichissante dans un<br />
environnement positif. Les participants sont, pour<br />
la plupart, des Autochtones et des nouveaux<br />
immigrants. Ils font des stages de travail d’une<br />
durée maximale de six mois au sein d’organismes,<br />
y effectuant des tâches d’entretien. Le programme<br />
offre maints avantages, dont une expérience<br />
professionnelle récente au <strong>Canada</strong>, un curriculum<br />
vitæ à jour pour tous les participants, un<br />
aiguillage vers d’autres emplois, des occasions<br />
d’études ou de formation et des journées de<br />
recherche d’emploi rémunérées.<br />
Réseaux d’entraide<br />
Le groupe des employés autochtones se réunit<br />
régulièrement pour se pencher sur les moyens<br />
de promouvoir et de faire connaître la culture<br />
autochtone. Le Service de police de Winnipeg<br />
appuie le Women’s Network, qui aborde les<br />
questions propres aux policières, notamment<br />
au chapitre du recrutement, du mentorat, du<br />
maintien en fonction et de l’avancement. De<br />
plus, le groupe Females in Transit (FIT) tient des<br />
rencontres pour examiner et régler les problèmes<br />
auxquels font face les femmes à l’emploi du<br />
Service de transition; ce groupe bénéficie du<br />
soutien de la direction du Service.<br />
Comité de l’équité pour les citoyens<br />
Depuis 2001, ce comité soumet des recom -<br />
mandations au maire et au conseil municipal sur<br />
les questions d’équité et de diversité en lien avec<br />
les politiques, les procédures et les services de la<br />
Ville de Winnipeg. Le comité est composé de<br />
neuf citoyens, de deux conseillers municipaux<br />
et d’un représentant des gouvernements fédéral<br />
et provincial.<br />
Information et soutien pour les nouveaux arrivants<br />
Une trousse d’information à l’intention des<br />
citoyens autochtones et des nouveaux arrivants<br />
(immigrants et réfugiés) est offerte sur le site<br />
Web de la Ville de Winnipeg. Le site fournit<br />
également de l’information sur les services<br />
municipaux qui revêtent un intérêt particulier<br />
pour les nouveaux arrivants.<br />
L’avenir<br />
Parmi les grandes questions qui retiendront<br />
l’attention de la Ville de Winnipeg au cours<br />
des années à venir, signalons l’évolution des<br />
caractéristiques démographiques du marché du<br />
travail (le vieillissement de la main-d’œuvre,<br />
l’augmentation du nombre d’immigrants et<br />
d’Autochtones à la recherche d’emploi), la<br />
probabilité que la main-d’œuvre continue de<br />
diminuer et la difficulté d’offrir une formation sur<br />
la diversité tout en répondant aux autres besoins<br />
en formation, notamment dans le domaine<br />
des technologies en constante évolution. Tous<br />
ces enjeux signifient qu’il est plus important que<br />
jamais de bâtir un effectif diversifié pour l’avenir.<br />
À propos de l’auteure<br />
JACKIE HALLIBURTON est entrée au service de la Ville<br />
de Winnipeg il y a 23 ans comme infirmière de la santé<br />
publique. Depuis les 12 dernières années, elle occupe le<br />
poste de coordonnatrice de la diversité et de l’équité en<br />
matière d’emploi. On peut communiquer avec elle à<br />
l’adresse jhalliburton@winnipeg.ca.<br />
Références<br />
<strong>Canada</strong>. Statistique <strong>Canada</strong>. 2008. Profils des<br />
communautés de 2006, Ottawa, Statistique <strong>Canada</strong>.<br />
Consulté à l’adresse .<br />
Conference Board of <strong>Canada</strong>. 2007. Long-Term Demographic<br />
and Economic Forecast for Winnipeg’s Census Metropolitan<br />
Area, rapport préparé pour la Ville de Winnipeg.<br />
Manitoba. Main d’œuvre et Immigration Manitoba. 2007.<br />
Manitoba Immigration Facts: 2007 Statistical Report.<br />
Consulté à l’adresse .<br />
Ville de Winnipeg. 2007. The City of Winnipeg 2007 Annual<br />
Financial Report. Consulté à l’adresse .<br />
Nos diverses cités 179
La moitié des enfants des nouvelles familles immigrantes vivent dans la pauvreté, et les<br />
ingénieurs et comptables très instruits qui intègrent les programmes de transition du<br />
EMCN ont déclaré un revenu moyen d’environ 15 000 $ pour la dernière année.<br />
Les immigrants à Edmonton<br />
Portrait d’une ville en<br />
pleine mutation<br />
JIM GURNETT<br />
Edmonton Mennonite Centre for Newcomers<br />
180 Nos diverses cités<br />
Juste au nord du centre-ville d’Edmonton, un<br />
immeuble en briques de taille modeste a été laissé<br />
à l’abandon il y a plusieurs années, à côté d’un<br />
refuge pour sans-abri et à l’ombre d’un chantier<br />
de construction duquel émergera une nouvelle<br />
tour à bureaux de 28 étages. Derrière l’immeuble,<br />
des condominiums luxueux s’élèvent rapidement<br />
à l’endroit où se trouvait jadis le chemin de fer<br />
emprunté par les milliers d’immigrants européens<br />
qui arrivaient par le Quai 21 pour commencer<br />
une nouvelle vie en Alberta. Cependant, dans<br />
les rues avoisinant l’ancien Immigration Hall, la<br />
transformation continuelle du visage humain de<br />
la capitale albertaine est perceptible. Aujourd’hui,<br />
les familles débarquent à la gare Greyhound,<br />
située à quelques rues de là. Souvent, elles ont<br />
quitté une autre province du <strong>Canada</strong> pour venir<br />
s’établir à Edmonton, séduites par les récits<br />
entendus au sujet de cette terre fabuleuse où<br />
abondent les emplois et les richesses.<br />
Aujourd’hui, ces familles sont originaires<br />
d’Afrique ou d’Asie. Toutefois, elles ne sont plus<br />
fraîchement débarquées au pays comme c’était le<br />
cas il y a plus de 50 ans. Fort probablement, elles<br />
ont vécu dans le centre du <strong>Canada</strong> pendant un<br />
an ou plus, jusqu’à ce que la désillusion et les<br />
difficultés les incitent à tenter leur chance plus<br />
à l’Ouest. En route avec leurs bagages vers<br />
un organisme local d’aide aux immigrants, elles<br />
traversent des quartiers très fréquentés où des<br />
Chinois et des Asiatiques du Sud-Est arrivés avant<br />
eux ont installé leurs commerces. Ajoutant à<br />
une dynamique déjà complexe, les Autochtones,<br />
toujours plus nombreux à quitter les réserves et<br />
les agglomérations rurales sans avenir et sans<br />
eau potable, pour constater, malheureusement,<br />
l’insuffisance de logements abordables dans la<br />
région, regardent passer ces nouveaux venus<br />
en attendant aux portes d’un organisme de<br />
placement, espérant obtenir un emploi journalier<br />
qui ne paie qu’une fraction de ce qu’il en<br />
coûte pour vivre à Edmonton. Les Autochtones<br />
ont été mis à l’écart sur les terres qui jadis<br />
leur appartenaient.<br />
D’autres familles arrivent de l’étranger dans<br />
un avion qui survole le centre d’immigration<br />
avant d’amorcer son atterrissage à l’aéroport<br />
international d’Edmonton. Ces immigrants ont<br />
fait un choix réfléchi, ont attendu pendant<br />
des années et envisagent avec confiance les<br />
possi bilités qui découleront logiquement d’un<br />
taux de chômage inférieur à 3 % et de la valeur<br />
de leurs acquis scolaires et professionnels.<br />
Peut-être le doute commence-t-il à s’installer<br />
en eux alors qu’ils s’engagent en taxi sur le<br />
boulevard Gateway tout en discutant avec le<br />
chauffeur, un médecin somalien ou un<br />
géologue pakistanais chevronné...<br />
Pour quelques-unes des personnes arrivées<br />
à Edmonton à l’époque du Immigration Hall,<br />
la nouvelle réalité est préoccupante. Lorsque le<br />
Edmonton Mennonite Centre for Newcomers<br />
(EMCN) a inauguré un nouvel édifice en<br />
2008 dans un quartier où habitent beaucoup<br />
d’immigrants européens depuis des décennies et<br />
où ils vivent aujourd’hui une retraite modeste,
les responsables du centre ont reçu des appels<br />
anonymes leur signifiant que le centre n’était pas<br />
bienvenu, qu’on ne voulait pas de « ces gens »<br />
dans le quartier. D’autres, par contre, se<br />
souviennent de leurs propres difficultés et<br />
se montrent généreux dans leur accueil. Les<br />
immigrants européens arrivés il y a un demisiècle<br />
offrent de leur temps, jour après jour, pour<br />
accompagner les nouveaux arrivants de l’Asie<br />
centrale, alors qu’ils pourraient jouer aux cartes<br />
ou faire de l’artisanat avec leurs amis dans un<br />
centre pour personnes du troisième âge.<br />
Les contrastes sont visibles partout à Edmonton.<br />
Les riches immigrants de la première génération<br />
sont d’importants promoteurs immobiliers, des<br />
leaders dans des domaines professionnels de<br />
tous genres, dont le spectaculaire nouveau centre<br />
de cardiologie Mazankowski; une personne<br />
arrivée en qualité d’enfant réfugié a rempli quatre<br />
mandats comme député et présidé le caucus<br />
national à Ottawa. Mais selon Campagne 2000 1 ,<br />
la moitié des enfants des nouvelles familles<br />
immigrantes vivent dans la pauvreté, et les<br />
ingénieurs et comptables très instruits qui<br />
intègrent les programmes de transition du EMCN<br />
ont déclaré un revenu moyen d’environ 15 000 $<br />
pour la dernière année.<br />
Après des années de négligence, le gouver -<br />
nement de l’Alberta et la Ville d’Edmonton<br />
ont élaboré au cours des trois dernières années<br />
des cadres d’action qui reconnaissent enfin<br />
l’importance des immigrants. La Coalition des<br />
municipalités contre le racisme et la discri -<br />
mination, appuyée par l’UNESCO, compte plus<br />
de municipalités de l’Alberta que de toute autre<br />
province canadienne.<br />
Si la période de croissance a été très profitable<br />
à certains, pour les nouveaux immigrants, le<br />
chemin qui mène à une vie meilleure est parsemé<br />
d’embûches. Avec la progression rapide des loyers,<br />
il est difficile de conserver un logement adéquat,<br />
abordable, salubre et sécuritaire. L’élimination<br />
quasi complète du fonds social d’aide au<br />
logement, il y a 15 ans, a été terriblement néfaste<br />
pour Edmonton, qui voit les logements à bon<br />
marché disparaître plus rapidement qu’ils ne sont<br />
construits. Des milliers de modestes immeubles<br />
1 Campagne 2000 est une coalition nationale qui lutte contre la<br />
pauvreté en sensibilisant le public. En 1989, la Chambre des<br />
communes a adopté une résolution pour éradiquer la pauvreté<br />
infantile avant l’an 2000. Créée pour suivre les progrès réalisés,<br />
la coalition Campagne 2000 présente un rapport d’avancement<br />
annuel. Pour plus d’information, voir .<br />
sans ascenseur situés dans les quartiers du centreville<br />
ont été convertis en condominiums à<br />
l’intention d’une nouvelle clientèle jeune de<br />
classe moyenne qui souhaite vivre en ville, surtout<br />
depuis que le prix des logements en banlieue<br />
est monté en flèche. La législation provinciale<br />
a commencé, mais trop tard, à restreindre les<br />
propriétaires à une augmentation de loyer par<br />
année, sans toutefois fixer un taux maximum.<br />
Le taux provincial de prestations d’aide sociale,<br />
qui détermine le taux des allocations versées<br />
la première année aux réfugiés parrainés par<br />
le gouvernement, demeure au dernier rang au<br />
<strong>Canada</strong> et bien au-dessous du coût de la vie<br />
à Edmonton.<br />
Pourtant, comme les histoires racontées au sujet<br />
de l’Alberta dans d’autres régions du <strong>Canada</strong> sont<br />
plus roses que la réalité, les nouveaux arrivants<br />
ne cessent d’affluer 2 . Quand on aborde la question<br />
des ressources nécessaires pour aider ces<br />
nouveaux arrivants, la réponse officielle est qu’il<br />
est impossible de mesurer exactement le nombre<br />
d’immigrants qui arrivent d’une autre province<br />
canadienne, de sorte que le financement fédéral<br />
pour les services aux immigrants demeure fondé<br />
sur le lieu d’établissement, intensifiant la<br />
pression exercée sur les organismes d’aide à<br />
l’établissement. Comme le nombre de logements<br />
est insuffisant, les familles se regroupent, les<br />
enfants dorment entassés sur des planchers<br />
de sous-sol et n’ont pas d’endroit où étudier—<br />
certains doivent changer d’école plusieurs<br />
fois dans l’année lorsque ces arrangements<br />
précaires s’effondrent. Même les installations de<br />
conservation et de préparation de la nourriture<br />
sont inadéquates pour de nombreuses familles.<br />
Ces trois dernières années, un nouveau<br />
phénomène s’est ajouté à cette mosaïque. Le<br />
Programme concernant les travailleurs étrangers<br />
temporaires a été modifié afin d’admettre<br />
des travailleurs étrangers peu spécialisés. Le<br />
2 Selon les statistiques gouvernementales, en 2007, quelque<br />
20 000 immigrants se sont établis en Alberta à leur arrivée de<br />
l’étranger, dont 6 000 à Edmonton. La migration secondaire,<br />
par contre, en provenance d’autres régions du <strong>Canada</strong>, n’est<br />
pas documentée. Les organismes d’aide aux immigrants font<br />
des estimations en demandant leur lieu de provenance aux<br />
personnes qui utilisent leurs services. Environ un tiers disent<br />
arriver d’une autre province canadienne, et les autres, de<br />
l’étranger. Le pourcentage de personnes arrivant d’un autre<br />
endroit au <strong>Canada</strong> a toujours oscillé autour de 15 %, et il<br />
semblait y avoir égalité entre les départs et les arrivées.<br />
Ces dernières années cependant, le nombre d’arrivées<br />
semble avoir augmenté tandis que les départs vers d’autres<br />
régions du <strong>Canada</strong> semblent avoir diminué.<br />
Nos diverses cités 181
182 Nos diverses cités<br />
Grâce au soutien du programme de transition du EMCN, des<br />
centaines d’ingénieurs et de comptables formés à l’étranger ont<br />
pu quitter des emplois sous-rémunérés pour obtenir des postes<br />
correspondant à leurs compétences (photo : Jim Gurnett).<br />
programme est tellement populaire auprès des<br />
employeurs qu’en 2007, plus de travailleurs<br />
étrangers temporaires que de résidents perma -<br />
nents sont venus en Alberta. Un pourcentage<br />
élevé de ces travailleurs disent que les courtiers<br />
exigent des sommes exorbitantes pour garantir<br />
les emplois, sans parler de diverses autres formes<br />
d’abus. Ces travailleurs finissent souvent par<br />
vivre dans l’isolement et la peur. L’immigration<br />
en tant que contribution au développement<br />
social d’une nation est un idéal qui est<br />
rapidement abandonné à la faveur de la<br />
demande sur le marché du travail. Et la liste<br />
des professions bénéficiant d’un « traitement<br />
accéléré », pour lesquelles les employeurs n’ont<br />
pas à prouver leur incapacité de recruter<br />
des personnes au <strong>Canada</strong> avant de pouvoir<br />
embaucher des travailleurs étrangers, s’allonge 3 .<br />
L’EMCN et son « approche globale intégrée »<br />
La dynamique qui caractérise l’Alberta contem -<br />
poraine est loin d’être simple, surtout pour les<br />
immigrants. Peu d’entre nous mènent une vie<br />
simple et douillette, d’ailleurs. Si nous sommes<br />
conscients que notre propre vie est compliquée,<br />
désorganisée, incertaine et ambiguë, nous<br />
devrions admettre sans peine que la situation<br />
est au moins aussi difficile pour les immigrants<br />
qui vivent de grands changements alors qu’ils<br />
commencent une nouvelle étape de leur vie au<br />
<strong>Canada</strong>. Après avoir écouté les personnes qui,<br />
chaque année, passent les portes de l’EMCN en<br />
provenance d’une centaine de régions du monde<br />
entier, et constaté que le but premier de leur<br />
venue au bureau cachait souvent bien d’autres<br />
besoins, les employés de l’EMCN, pour la plupart<br />
des immigrants qui ont vécu les mêmes<br />
expériences, ont décidé qu’il était essentiel de<br />
nommer la nature de leur engagement auprès des<br />
nouveaux arrivants.<br />
L’expression « approche globale intégrée » a été<br />
choisie pour décrire le mode de fonctionnement<br />
de l’organisation. Plus qu’un simple fournisseur<br />
de services d’établissement, l’EMCN aurait pour<br />
mission de contribuer à la vie interculturelle<br />
et démocratique d’Edmonton. Cette désignation<br />
singulière est devenue le cadre de travail de<br />
l’organisation. Elle engage à une mission qui<br />
vise trois grands objectifs : d’abord, fournir des<br />
services qui aident les immigrants à s’épanouir<br />
dans leur vie; ensuite, mener des activités de<br />
sensibilisation et appuyer un changement de<br />
mentalité au sein de la culture dominante<br />
(« Maintenant qu’ils sont ici, ils doivent s’adapter<br />
à notre façon de faire »); enfin, contribuer à<br />
la mise en place d’une politique publique qui<br />
favorise la pleine participation des immigrants<br />
de toutes origines à la vie en Alberta.<br />
L’approche globale intégrée est digne. Elle<br />
reconnaît que la vie de la collectivité se trouve<br />
enrichie par l’arrivée de chaque immigrant. En<br />
accueillant ainsi les nouveaux arrivants au lieu<br />
de simplement les diriger ici et là pour attendre<br />
en file et remplir des formulaires de demande de<br />
services, on permet à chacun d’utiliser ses forces<br />
individuelles et familiales pour tracer et suivre le<br />
chemin choisi vers l’intégration et la réussite.<br />
3<br />
La plupart des situations signalées se seraient produites<br />
dans le pays d’origine et non au <strong>Canada</strong>, aussi est-il difficile<br />
de documenter ou d’aborder le problème. Cependant, les<br />
difficultés éprouvées par les travailleurs temporaires une fois<br />
au <strong>Canada</strong>, qu’il s’agisse d’employeurs qui ne respectent pas<br />
les normes du travail ou changent les conditions de l’offre<br />
d’emploi originale, de logements insalubres ou de problèmes<br />
de santé, atteignent de telles proportions en Alberta que le<br />
gouvernement provincial a créé en 2007 une équipe chargée de<br />
traiter les plaintes et a commencé en 2008 à financer quelques<br />
organismes d’aide à l’établissement pour qu’ils offrent aux<br />
travailleurs temporaires des services similaires à ceux offerts<br />
aux immigrants. À mesure que se développe le programme, de<br />
nouvelles ambiguïtés et de nouveaux problèmes sont mis au<br />
jour, comme la capacité des travailleurs temporaires d’amener<br />
des enfants d’âge scolaire afin de les inscrire dans des écoles<br />
publiques, ou le statut des travailleurs temporaires dans un lieu<br />
de travail touché par une grève ou un lock-out. Un projet pilote<br />
du gouvernement fédéral autorise les employeurs de l’Alberta<br />
et de la Colombie-Britannique à accueillir des travailleurs<br />
temporaires dans 33 professions de la catégorie du « traitement<br />
accéléré », dont celles de serveur à un comptoir de service<br />
alimentaire, de réceptionniste et même d’instructeur de planche<br />
à neige, et les employeurs n’ont pas à prouver leur incapacité<br />
à trouver des travailleurs au <strong>Canada</strong>. Il s’agit d’une coupure<br />
marquée par rapport à l’idéologie à la base du programme<br />
des travailleurs temporaires.
Si nous sommes conscients que notre propre vie est compliquée, désorganisée,<br />
incertaine et ambiguë, nous devrions admettre sans peine que la situation est au<br />
moins aussi difficile pour les immigrants qui vivent de grands changements alors<br />
qu’ils commencent une nouvelle étape de leur vie au <strong>Canada</strong>.<br />
La ténacité et le courage démontrés par les<br />
personnes qui travaillent à l’accueil sont déjà<br />
également présents chez les nouveaux arrivants.<br />
Cette nouvelle approche suppose l’abandon<br />
du « prêt-à-manger » servi dans le secteur des<br />
services sociaux, où un beau gros comptoir<br />
sépare les deux côtés, surmonté d’un tableau<br />
attrayant déclinant un menu très précis (et où,<br />
à exactement 11 h 45 chaque jour, le menu du<br />
déjeuner se retourne et laisse place au menu du<br />
midi…), avec un type aimable portant l’uniforme<br />
de la franchise qui demande si vous avez fait<br />
votre choix et si vous le voulez en grand format.<br />
L’approche globale intégrée ressemble plutôt<br />
à la cuisine collective. Les gens arrivent et<br />
déposent sur une table commune leurs<br />
différentes spécialités, peut-être avec des noms<br />
difficiles à prononcer et des saveurs inconnues<br />
jusqu’à maintenant. Les gens conversent et<br />
font connaissance entre eux, les tâches sont<br />
attribuées selon les compétences et les intérêts, et<br />
des plats aussi inédits que délicieux sont créés, et<br />
peut-être aussi partagés.<br />
Pour que l’approche globale intégrée fonc -<br />
tionne, les employés doivent être bien<br />
renseignés au sujet des services qui existent en<br />
dehors de leur sphère de responsabilité immédiate,<br />
de façon à pouvoir établir des contacts et<br />
recommander une gamme de services appropriés<br />
de manière aussi pratique et efficace que possible.<br />
Un immigrant arrive et demande de l’aide pour<br />
préparer un curriculum vitæ qui répondra aux<br />
exigences des employeurs canadiens. La<br />
prestation de ce service ne marque pas la fin<br />
du travail. L’immigrant et l’employé prennent le<br />
temps de déterminer ensemble si les objectifs<br />
d’emploi sont trop modestes (ou trop ambitieux)<br />
pour les compétences. Des suggestions peuvent<br />
être formulées et de bons employeurs recom -<br />
mandés. Une fois invité à partager son expérience<br />
d’établissement en général, l’immigrant parle<br />
peut-être de son épouse, qui souhaite étudier<br />
l’anglais, mais qui a un enfant d’âge préscolaire à<br />
la maison. L’employé de l’EMCN contacte un<br />
collègue qui peut aider à inscrire cette personne<br />
au programme CLIC, lequel offre un service<br />
gratuit de gardiennage. La conversation se<br />
poursuit et l’immigrant parle de l’isolement et<br />
de la tristesse que vit son adolescent au premier<br />
cycle du secondaire. Voilà une autre occasion de<br />
communiquer avec un membre de l’équipe qui<br />
travaille dans les écoles et qui peut inviter le jeune<br />
à participer à un programme. Les enfants ont<br />
besoin de bicyclettes ? Nous pouvons en obtenir<br />
d’un organisme partenaire de la collectivité,<br />
qui offre gratuitement du matériel de sport aux<br />
familles à faible revenu. L’immigrant exprime<br />
alors son inquiétude face au fait que le revenu du<br />
ménage ne permettra pas d’assumer la hausse de<br />
loyer annoncée récemment. Un autre contact peut<br />
être établi avec un spécialiste du logement, qui<br />
aidera l’immigrant à s’inscrire à un programme<br />
provincial de prévention des expulsions. Il craint<br />
que ses enfants ne perdent rapidement leur langue<br />
maternelle en faveur de la langue dominante<br />
parlée au <strong>Canada</strong> – voilà l’occasion de lui<br />
parler des ressources World of Story (un monde<br />
d’histoires) de l’EMCN : il s’agit d’histoires écrites<br />
dans plus de 30 langues à utiliser en famille dans<br />
le cadre d’activités d’alphabétisation. Et la journée<br />
suit son cours.<br />
Des familles provenant de plus de 15 différents pays se côtoient<br />
et vivent ensemble dans les immeubles d’habitation financés par<br />
l’EMCN, où ils ont accès à des services adaptés et forment une<br />
nouvelle communauté (photo : Ben Lemphers).<br />
L’immigrant repart avec des renseignements,<br />
des rendez-vous, des ressources, un sentiment<br />
d’appartenance et une plus grande maîtrise de<br />
sa vie. Le service global intégré est pratique, mais<br />
plus encore, c’est la façon humaine de travailler. Il<br />
suppose une compréhension de la vie en général,<br />
une attention au fait qu’une petite situation peut<br />
Nos diverses cités 183
184 Nos diverses cités<br />
se répercuter sur tous les autres aspects de la vie.<br />
L’écoute offerte aux immigrants, si chère à<br />
l’EMCN, nous a permis de constater que les<br />
réfugiés qui arrivent traumatisés après de longues<br />
et terribles expériences de violence et de danger<br />
sont peu susceptibles de réussir à décrocher et à<br />
garder un emploi, à exceller dans un programme<br />
d’études ou à faire face aux complexités du<br />
quotidien dans une nouvelle culture. Alors<br />
qu’aucun bailleur de fonds canadien n’était prêt<br />
à reconnaître que les services d’établissement<br />
doivent également répondre aux besoins<br />
psychologiques des immigrants, l’EMCN a réussi à<br />
obtenir des ressources du Haut Commissariat des<br />
Nations Unies pour les réfugiés à cette fin. Il est<br />
ainsi devenu l’un des rares organismes reconnus à<br />
l’échelle internationale qui offrent un tel service<br />
au <strong>Canada</strong>. Toujours en écoutant, nous avons<br />
compris qu’un accès aux services limité aux<br />
« heures de bureau » était insuffisant pour<br />
beaucoup. L’EMCN a créé un programme d’aide au<br />
logement grâce auquel de nouveaux arrivants –<br />
en particulier les réfugiés – ont pu intégrer un<br />
contexte résidentiel favorisant le développement<br />
de l’autonomie et la création de liens dans un<br />
milieu sécurisant. Au logement abordable et sécu -<br />
ritaire s’ajoutait l’accès à des services d’assistance<br />
pendant des heures prolongées. Une centaine<br />
de personnes vivent aujourd’hui dans deux<br />
immeubles d’habitation qui appliquent ce modèle.<br />
Les immigrants nous ont aussi parlé du coût<br />
humain élevé associé à la non-reconnaissance<br />
au <strong>Canada</strong> de la scolarité et de l’expérience<br />
acquises dans leur profession, expérience qu’ils<br />
jugent peut-être même plus douloureuse que le<br />
coût économique. De ce constat sont nés les<br />
programmes de transition de l’EMCN. Une<br />
évaluation soignée permet de découvrir les<br />
nombreuses forces des professionnels très<br />
expérimentés qui ont été formés à l’étranger et<br />
de cerner les lacunes particulières bloquant leur<br />
accès au marché du travail canadien. L’EMCN<br />
élabore des programmes qui permettent de<br />
préparer rapidement les immigrants au marché<br />
du travail canadien, en mettant l’accent sur les<br />
petites lacunes à combler au lieu d’encourager<br />
ces personnes à « tout recommencer » ou de<br />
les abandonner à leur sort. Selon la rétroaction<br />
obtenue, les personnes qui trouvent un emploi<br />
dans leur domaine éprouvent une profonde<br />
satisfaction lorsque le revenu commence à<br />
refléter leurs capacités réelles, et elles constatent<br />
aussi que leur famille est plus heureuse, que le<br />
stress a diminué et que tous peuvent commencer<br />
à s’engager dans leur nouvelle collectivité.<br />
L’approche globale intégrée peut causer<br />
des maux de tête au bailleur de fonds qui<br />
connaît seulement le modèle où chacun a des<br />
programmes particuliers à financer dont il doit<br />
rendre compte dans un cadre particulier. Il peut<br />
être difficile pour un organisme communautaire<br />
de regrouper des fonds de plusieurs sources pour<br />
offrir des services intégrés. Si les deux parties<br />
apprennent ensemble cette nouvelle façon de<br />
faire, il ne fait aucun doute que les immigrants<br />
et les collectivités en bénéficieront.<br />
L’approche globale intégrée n’a rien de<br />
mystérieux ou d’incroyable. Il s’agit, par un effort<br />
consciencieux, de transposer dans la vie d’un<br />
organisme communautaire les compor tements que<br />
les personnes chaleureuses adoptent naturellement<br />
entre elles depuis des temps immémoriaux. Mais<br />
comme tous les Edmontoniens tireront profit de<br />
la réussite des immigrants qui s’établissent dans<br />
la municipalité, et alors que trop d’immigrants<br />
connaissent des résultats très décevants dans leur<br />
ville d’adoption, l’EMCN est convaincu qu’il est<br />
tout à fait sensé de redoubler d’ardeur pour créer<br />
un milieu auquel chaque personne peut contribuer<br />
à sa pleine mesure.<br />
À propos de l’auteur<br />
JIM GURNETT est directeur général du Edmonton Mennonite<br />
Centre for Newcomers (www.emcn.ab.ca) et président de<br />
l’Alliance canadienne du secteur d’établissement des<br />
immigrants. Il siège au conseil d’administration de la<br />
Edmonton Chamber of Voluntary Organizations et au<br />
comité consultatif du département de service social du<br />
Grant MacEwan College. Il travaille également avec la<br />
Edmonton Coalition on Housing and Homelessness.
Au-delà de l’établissement<br />
Renforcer les familles immigrantes,<br />
les collectivités et la société<br />
canadienne grâce au courtage culturel<br />
YVONNE CHIU<br />
Multicultural Health Brokers Co-operative<br />
LUCENIA ORTIZ<br />
Multicultural Health Brokers Co-operative<br />
RUTH WOLFE<br />
University of Alberta<br />
En 2006, les personnes nées à l’étranger représentaient 19 % de la population<br />
d’Edmonton, et cette ville se classait au sixième rang des villes comptant une forte<br />
proportion d’immigrants récents au <strong>Canada</strong>. Bien que les Philippines, l’Inde, la Chine, le<br />
Pakistan et les États-Unis forment les cinq premiers pays sources, les habitants<br />
d’Edmonton proviennent néanmoins d’une cinquantaine de pays du monde entier.<br />
Les premiers courtiers en santé multiculturelle<br />
sont arrivés à Edmonton (Alberta) au milieu des<br />
années 1990, période où les membres des groupes<br />
minoritaires faisaient l’objet d’un traitement<br />
inégal, ne bénéficiant pas de programmes et de<br />
politiques adaptés à leur culture ni d’un accès<br />
équitable aux services sociaux offerts dans la<br />
collectivité (Ortiz, 2003). L’émergence de cette<br />
profession n’est pas accidentelle. Dans le passé,<br />
les courtiers culturels ont fait leur apparition<br />
puisque leurs services de médiation étaient<br />
nécessaires pour assurer la communication entre<br />
des groupes sociaux aux pouvoirs inégaux,<br />
souvent chevauchant des groupes culturels<br />
et servant d’entremetteurs (Paine, 1972; Szasz,<br />
1994). Dans le contexte contem porain, l’émer -<br />
gence des courtiers en santé multiculturelle a<br />
eu lieu au confluent des forces mondiales de<br />
la migration, d’une part, et de l’action – ou<br />
de l’inaction – des gouvernements nationaux,<br />
provinciaux et municipaux. Les courtiers en<br />
santé multiculturelle sont des membres de la<br />
communauté qui répondent aux besoins et<br />
préoccupations immédiats et urgents des<br />
immigrants et des réfugiés dans leur propre<br />
communauté, tout en examinant les conditions<br />
et circonstances qui pourraient mener à la mise<br />
sur pied de nouveaux programmes et d’initiatives<br />
de renforcement des ressources et de changement<br />
du système. Le présent article décrit le travail<br />
de la Multicultural Health Brokers Co-operative<br />
(la coopérative), établie en 1998, et donne un<br />
aperçu des conditions ayant favorisé l’émergence<br />
des courtiers en santé multiculturelle et leur<br />
croissance continue. Le lecteur découvrira<br />
également comment ces conditions façonnent la<br />
pratique unique du courtage culturel pour aider<br />
les immigrants à surmonter les nombreux défis<br />
qui les attendent dans une ville intermédiaire des<br />
Prairies (Frideres, 2006).<br />
Entre 1998 et 2008, l’immigration en Alberta<br />
a connu une augmentation spectaculaire qui<br />
est notamment attribuable à une vague de pro -<br />
spérité économique. Depuis 1998, la proportion<br />
Nos diverses cités 185
FIGURE 1<br />
Dimensions du courtage en santé multiculturelle<br />
Rapprochement des parents et<br />
des familles<br />
• Groupe de soutien entre mères<br />
• Ateliers sur l’art d’être parent<br />
• Cuisines collectives<br />
• Groupes récréatifs pour les familles<br />
• Projets de développement<br />
microéconomiques<br />
Écoute et attention aux<br />
multiples facteurs<br />
touchant les enfants et<br />
les familles<br />
• Soins holistiques<br />
personnalisés (tenant<br />
compte des détermi -<br />
nants de la santé)<br />
• Soutien familial<br />
• Aiguillage et liaison<br />
avec les services et<br />
ressources réguliers<br />
Source : Labonte (1993).<br />
186 Nos diverses cités<br />
Développement de petits groupes<br />
• « Créer des liens pour favoriser<br />
le changement »<br />
Soins personnels<br />
• « Offerts dans<br />
le respect des<br />
besoins de la<br />
personne »<br />
Organisation communautaire<br />
• « Le rassemblement<br />
dynamique des gens »<br />
• La communauté est au<br />
cœur de la pratique<br />
d’immigrants en Alberta augmente de 1 ou 2 %<br />
annuellement, et la plupart d’entre eux s’éta -<br />
blissent dans les deux grands centres de la<br />
province, soit Edmonton et Calgary 1 . En 2006,<br />
les personnes nées à l’étranger représentaient<br />
19 % de la population d’Edmonton, et cette<br />
ville se classait au sixième rang des villes<br />
comptant une forte proportion d’immigrants<br />
récents 2 au <strong>Canada</strong> (CIC, 2006). Bien que<br />
les Philippines, l’Inde, la Chine, le Pakistan<br />
et les États-Unis forment les cinq premiers<br />
pays sources, il n’empêche que les habitants<br />
d’Edmonton proviennent d’une cinquantaine<br />
de pays du monde entier. Plus du tiers (39 %)<br />
des étrangers arrivés en 2006 ne parlaient ni<br />
l’anglais ni le français (Ville d’Edmonton, 2006).<br />
Le cinquième de la population d’Edmonton parle<br />
l’anglais comme langue seconde (Statistique<br />
<strong>Canada</strong>, 2006).<br />
1<br />
Calculs fondés sur les données de Citoyenneté<br />
et Immigration <strong>Canada</strong>, Faits et chiffres 2006.<br />
2<br />
Personnes ayant immigré au <strong>Canada</strong> au cours des trois<br />
dernières années.<br />
Coalition<br />
• Défense des intérêts pour aider<br />
les clients ou les groupes à se<br />
faire entendre<br />
Considérations<br />
liées aux<br />
politiques, aux<br />
programmes et<br />
à la pratique<br />
Mobilisation communautaire<br />
• Élaboration et diffusion de condensés<br />
d’information pour les familles par les<br />
médias ethniques et autres voies<br />
• Formation en organisation communautaire<br />
• Engagement des dirigeants communautaires<br />
et religieux<br />
Défense des intérêts<br />
auprès des fournisseurs<br />
et des institutions<br />
• Soins en collaboration<br />
avec les fournisseurs de<br />
service réguliers<br />
• Formation en soins<br />
adaptés à la culture<br />
• Alliances<br />
intersectorielles pour<br />
aborder les questions<br />
difficiles de santé<br />
sociale<br />
Défense des intérêts au<br />
niveau systémique<br />
• Initiative ISBC pour engager<br />
les membres de la communauté<br />
dans les discussions sur<br />
les politiques<br />
• Participation d’immigrants aînés<br />
dans l’initiative « Blue Print »<br />
de la Ville d’Edmonton<br />
Le gouvernement du <strong>Canada</strong> contrôle les<br />
critères d’admission des immigrants et finance<br />
un ensemble de mesures de soutien et de services<br />
d’aide à l’établissement, pour une période allant<br />
jusqu’à trois ans après l’arrivée des immigrants<br />
au <strong>Canada</strong>, selon leur catégorie d’immigration<br />
(CIC, 2007, 2007a). Nombre des difficultés<br />
auxquelles font face les immigrants vont au-delà<br />
de la nature, de la portée et de la période des<br />
programmes d’établissement désignés par le<br />
gouvernement. Les services offerts durant la<br />
période initiale d’établissement accusent de<br />
nombreuses lacunes, dont l’orientation des<br />
nouveaux arrivants dans les méandres des<br />
programmes sociaux et de santé. De plus, il<br />
existe peu de mécanismes officiels de soutien et<br />
de service facilitant la transition entre l’établis -<br />
sement et la pleine intégration au <strong>Canada</strong> ou<br />
permettant de relever les défis qui continuent de<br />
surgir sur les trajectoires de vie (Frideres, 2006;<br />
Wayland, 2006). Depuis quelques années, le<br />
soutien à l’établissement a de plus en plus été<br />
dévolu aux fournisseurs de services aux<br />
immigrants (FS). Même lorsque les services sont
FIGURE 2<br />
Modèle de courtage en santé multiculturelle pour le système de santé<br />
Système de soins<br />
de santé<br />
• Culture médicale<br />
• Fournisseurs<br />
• Installations<br />
• Services<br />
financés par le gouvernement, l’officialisation<br />
des liens contractuels entre les FS et les gouver -<br />
nements fédéral et provinciaux entraîne, et<br />
requiert parfois, des mandats organisationnels,<br />
des niveaux de service et des mécanismes de<br />
reddition de compte plus stricts, des limites<br />
quant à la gamme de services offerts et aux<br />
modes de prestation, ainsi que des restrictions<br />
quant à l’admissibilité aux services (Baines, 2004;<br />
Mitchell, 2007; Oxman-Martinez et Hanley, 2005;<br />
Wayland, 2006). L’Enquête longitudinale auprès<br />
des immigrants du <strong>Canada</strong> (ELIC) (CIC, 2004)<br />
révèle que de fortes proportions d’immigrants<br />
ont eu de la difficulté à obtenir un emploi (70 %),<br />
une formation (40 %), un logement (38 %) et des<br />
services de santé (22 %), pendant les six premiers<br />
mois suivant l’arrivée 3 . Selon les données de l’ELIC<br />
de 2005 (Statistique <strong>Canada</strong>, 2007), alors que<br />
les deux tiers des nouveaux immigrants estiment<br />
que la vie au <strong>Canada</strong> répond à leurs attentes,<br />
près de la moitié (46 %) ont mentionné que leur<br />
plus grande difficulté depuis leur arrivée avait<br />
été de trouver un emploi adéquat tandis que,<br />
pour plus du quart (26 %), la principale diffi -<br />
culté tenait à l’apprentissage de l’anglais ou<br />
du français.<br />
3 Proportions d’immigrants qui ont tenté d’obtenir de l’aide.<br />
Courtiers en santé multiculturelle<br />
Fonctions<br />
• Favoriser la communication entre les patients,<br />
les fournisseurs, les autres organismes et les<br />
membres de la communauté<br />
• Aider les patients à surmonter les obstacles à<br />
l’obtention de soins<br />
• Offrir un avis culturel dans l’évaluation de la<br />
santé, le diagnostic et le traitement<br />
• Assurer une gestion des cas et un suivi<br />
adaptés à la culture dans un contexte<br />
communautaire<br />
• Rassurer les patients, tout particulièrement<br />
dans les situations de santé complexes et<br />
difficiles au sein des traditions culturelles<br />
Culture et communauté<br />
du patient<br />
• Attributs personnels<br />
• Dynamique familiale<br />
• Soutien communautaire<br />
La Multicultural Health Brokers Co-operative<br />
Bon nombre d’organismes non gouverne -<br />
mentaux (ONG) communautaires ont été créés<br />
pour combler les lacunes dans le secteur de<br />
l’établissement, notamment la Multicultural<br />
Health Brokers Co-operative (la coopérative).<br />
Son mandat consiste à [Traduction] « aider les<br />
immigrants et les réfugiés à atteindre une santé<br />
optimale au moyen de programmes d’éducation<br />
à la santé, de développement communautaire et<br />
de soutien pour la défense des droits »; il repose<br />
sur des principes de gouvernance démocratique,<br />
d’intervention directe et de responsabilité, de<br />
même que de facilitation pour l’équité et la justice<br />
sociale (MCHBC, s.d.).<br />
Les courtiers en santé multiculturelle tra -<br />
vaillaient au départ comme éducateurs en<br />
périnatalité. Ainsi, la santé des femmes et<br />
des enfants a toujours représenté un point<br />
d’entrée pour les interventions de la coopé -<br />
rative. En établissant des liens de confiance<br />
et en se faisant les témoins des difficultés<br />
que vivent les familles, les courtiers peuvent<br />
aborder les causes sous-jacentes des problèmes<br />
immé diats et mettre au jour les obstacles qui<br />
empêchent ces personnes d’obtenir des résultats<br />
optimaux sur le plan du bien-être et de la<br />
santé et de contribuer de façon significative à<br />
la société.<br />
Nos diverses cités 187
188 Nos diverses cités<br />
Au cours des 15 dernières années, les courtiers<br />
ont participé à une myriade d’initiatives axées<br />
sur les facteurs déterminants de la santé (Labonte,<br />
1993; Raphael, 2004) dans les parcours de vie,<br />
du stade prénatal à la vieillesse. Ces initiatives<br />
ont amené la coopérative et les courtiers en santé<br />
multiculturelle à s’investir dans les secteurs de la<br />
santé, des services sociaux, de l’apprentissage des<br />
jeunes enfants, de l’éducation et de l’emploi aux<br />
échelons municipal, régional, provincial et<br />
national. La Figure 1 illustre le cadre conceptuel<br />
de la coopérative. De huit qu’ils étaient au<br />
départ, on compte aujourd’hui 35 courtiers qui<br />
s’investissent auprès de nombreuses collectivités<br />
à Edmonton – afghane, bosniaque, centra -<br />
méricaine et sud-américaine, chinoise (parlant le<br />
cantonais et le mandarin), congolaise, croate,<br />
érythréenne, éthiopienne, philippine, karen,<br />
coréenne, kurde, iraquienne, iranienne, indienne,<br />
moyen-orientale, pakistanaise, rwandaise, serbe,<br />
sierra-léonienne, somalienne, soudanaise, vietna -<br />
mienne et serbe.<br />
Au cours des trois dernières années, la charge<br />
de travail de la coopérative a triplé sans pour<br />
autant être accompagnée d’une réelle augmen -<br />
tation du financement ou de la rémunération.<br />
Cette progression découle de deux tendances<br />
migratoires fort différentes. Premièrement, un<br />
grand nombre de réfugiés sont arrivés à<br />
Edmonton, et beaucoup d’entre eux avaient subi<br />
des traumatismes physiques et psychologiques<br />
pendant les 15 à 20 années passées dans des<br />
camps de réfugiés avant d’arriver au <strong>Canada</strong>. En<br />
fait, une proportion importante des réfugiés qui<br />
arrivent aujourd’hui au <strong>Canada</strong> sont nés et ont<br />
grandi dans des camps de réfugiés aménagés, par<br />
exemple, dans les jungles de la Thaïlande, dans<br />
le cas des Karens du Myanmar, et dans des<br />
régions montagneuses éloignées en Turquie, en<br />
Iraq, en Iran et en Syrie, dans le cas des Kurdes.<br />
Ces nouveaux arrivants sont démunis face à la<br />
vie urbaine. Plusieurs femmes et enfants parmi<br />
les nouveaux arrivants sont analphabètes dans<br />
leur langue maternelle, et ne parlent pas<br />
l’anglais. Ceux qui vivaient dans un milieu rural<br />
isolé n’ont jamais vu un médecin, et plusieurs<br />
camps de réfugiés n’offraient pas de soins<br />
médicaux ou dentaires. Ces personnes doivent<br />
souvent composer avec des problématiques<br />
multiples et complexes de santé physique et<br />
mentale ainsi que des troubles sociaux qui<br />
nuisent à leur établissement.<br />
Deuxièmement, un grand nombre de tra -<br />
vailleurs étrangers temporaires ont été recrutés<br />
en réponse aux pénuries de main-d’œuvre<br />
provoquées par la croissance économique. La<br />
plupart de ces travailleurs sont des hommes et,<br />
souvent, leur épouse et leurs enfants n’ont<br />
pas droit aux soins de santé, ce qui les rend<br />
extrêmement vulnérables dans un cas de maladie<br />
ou de grossesse ou d’autres situations imprévues.<br />
Selon les prévisions du gouvernement provincial,<br />
leurs nombres devraient dépasser les 30 000<br />
annuellement (ministère de l’Emploi et de l’Immi -<br />
gration de l’Alberta, 2008).<br />
Initiatives dans le domaine de la santé<br />
Le soutien prénatal et à la famille a toujours été<br />
une préoccupation principale de la coopérative, et<br />
source de financement annuel renouvelable dans<br />
le secteur de la santé. En 2007-2008, les courtiers<br />
ont apporté un soutien prénatal à plus de 1 500<br />
femmes et à leur famille, organisant 95 rencontres<br />
prénatales dans six langues, formant 183 groupes<br />
d’éducation familiale dans sept langues, donnant<br />
1 028 cours prénatals individuels et offrant à<br />
51 femmes un accompagnement à l’accou -<br />
chement. L’expérience de la coopérative montre<br />
que la prestation de services amène un courtier<br />
avisé à intervenir dans la vie des familles et des<br />
collectivités. Au cours de la dernière décennie, la<br />
coopérative a participé à des projets touchant à<br />
divers secteurs de la santé, allant de la saine<br />
sexualité et de la santé mentale à la prise en<br />
charge d’une maladie chronique et au dépistage<br />
du cancer du col utérin, en plus de participer à un<br />
projet de dépistage préscolaire des problèmes de<br />
dévelop pement et à plusieurs projets de recherche.<br />
Ces trois dernières années, elle a été partenaire<br />
d’un projet visant la création et la mise en œuvre<br />
de l’organisme New Canadian Health Centre pour<br />
les réfugiés 4 .<br />
Même si beaucoup de nouveaux arrivants<br />
subissent l’examen médical exigé par Citoyenneté<br />
et Immigration <strong>Canada</strong>, ces examens, de l’avis<br />
d’experts internationaux en santé 5 , ne sont pas<br />
4<br />
L’organisme New Canadian Health Centre est une<br />
initiative conjointe de nombreux organismes à Edmonton<br />
qui vise à offrir un examen médical initial, des services<br />
préventifs de santé et des soins primaires aux réfugiés<br />
et aux immigrants récemment arrivés. Cette petite unité<br />
est ouverte une journée et demie par semaine dans une<br />
maison d’accueil pour immigrants et compte une équipe<br />
pluridisciplinaire formée d’employés et de travailleurs<br />
du groupe Capital Health, de la faculté de médecine de<br />
l’Université de l’Alberta, de l’organisme Catholic Social<br />
Services, de la Multicultural Health Brokers Co-op et du<br />
Mennonite Centre for Newcomers.
assez approfondis et complets pour révéler les<br />
interventions nécessaires. La plupart des résidents<br />
permanents et les demandeurs d’asile ont accès<br />
aux soins de santé nécessaires; or la disponibilité<br />
des services ne garantit pas l’accès à ces derniers.<br />
Beaucoup d’immigrants et de réfugiés se butent<br />
à d’importants obstacles dans le secteur des<br />
soins de santé. Tout nouvel arrivant à Edmonton<br />
a de la difficulté à se trouver un médecin de<br />
famille, alors pour une personne qui ne connaît<br />
pas l’anglais et qui n’a aucune expérience<br />
culturelle de la vie dans un milieu urbain de la<br />
société occidentale, la tâche devient atrocement<br />
difficile. Au nombre des enjeux les plus graves,<br />
les courtiers citent le besoin d’un soutien et de<br />
services complets pour résoudre les complexes<br />
problèmes de santé et sociaux des réfugiés,<br />
lesquels sont exacerbés par la pauvreté. Certains<br />
courtiers voient la discrimination raciale et<br />
linguistique comme un obstacle récurrent et<br />
tenace pour les immigrants minoritaires. Une<br />
étude en cours a révélé que les courtiers jugent<br />
que le système a été conçu pour les personnes<br />
nées au <strong>Canada</strong> et qu’il ne « convient pas à tous »<br />
(participants de la recherche).<br />
Familles et enfants<br />
Qui veut s’occuper des problématiques que<br />
connaissent les familles immigrantes doit<br />
s’investir dans les programmes régionaux de<br />
services à l’enfance, qui comprennent des<br />
services de soutien au rôle parental et au<br />
développement du jeune enfant, dans les visites<br />
à domicile fréquentes, dans le soutien aux<br />
familles ayant des enfants handicapés, et depuis<br />
peu, dans les services d’enrichissement familial,<br />
d’intervention et de protection de l’enfance. La<br />
coopérative s’investit beaucoup dans les initiatives<br />
d’apprentissage des jeunes enfants – aussi bien<br />
en appuyant les intervenants afin qu’ils répondent<br />
adéquatement aux besoins des familles à l’aide de<br />
programmes d’intervention précoce auprès des<br />
jeunes enfants, qu’en appuyant les programmes<br />
d’alphabétisation pour parents et enfants.<br />
Nouvelles initiatives<br />
La coopérative a également commencé à<br />
s’immiscer dans le secteur de l’emploi, entre autres<br />
raisons en réponse au problème de sous-emploi<br />
et de chômage qui touche une bonne partie de la<br />
clientèle qu’elle dessert – dont quelques-uns des<br />
5 Membres du comité de la Collaboration canadienne pour<br />
la santé des immigrants et des réfugiés (CCSIR), 2008.<br />
courtiers – et en raison de la situation que vivent<br />
de nombreux réfugiés et travailleurs étrangers<br />
temporaires. La nécessité d’intervenir dans le<br />
secteur de l’emploi est profondément liée à<br />
d’autres problèmes touchant plusieurs commu -<br />
nautés d’immigrants. Si les jeunes constatent que<br />
la grande scolarité de leurs parents ne s’est pas<br />
traduite par un emploi proportionnel à ce niveau<br />
d’instruction, leur optimisme face à l’avenir<br />
s’évanouit. Les taux de décrochage scolaire sont<br />
très élevés, et les conflits intergénérationnels<br />
représentent un problème majeur dans presque<br />
toutes les collectivités. Les collègues des services<br />
à l’enfance dans les régions signalent à la<br />
coopérative que leur clientèle est maintenant<br />
formée de façon disproportionnée d’immigrants<br />
et de réfugiés, en proie à des problèmes de conflit<br />
intergénérationnel et au désespoir. La violence<br />
familiale est un phénomène répandu dans<br />
certaines communautés, qui découle de la torture,<br />
des mauvais traitements et de la violence subis<br />
dans des pays dont l’histoire est marquée par la<br />
guerre civile.<br />
Un dernier secteur dans lequel le courtage a<br />
fait son apparition ces dernières années est celui<br />
des services aux personnes âgées vivant dans<br />
l’isolement. En collaboration avec un important<br />
ONG pluridisciplinaire intervenant auprès<br />
des aînés, la Seniors Association of Greater<br />
Edmonton, des aînés hispanophones, coréens,<br />
kurdes, érythréens et d’Europe de l’Est ont été<br />
dirigés pour la première fois vers des cours<br />
d’anglais et des ressources de soutien social. Les<br />
partenariats de ce genre ont débouché sur un<br />
important forum pour les aînés immigrants, tenu<br />
en mai 2008. Des chercheurs, des responsables<br />
de l’élaboration de politiques et de programmes<br />
ainsi que des professionnels intervenant auprès<br />
des personnes âgées y ont participé dans le but<br />
d’explorer avec les aînés immigrants les diffi -<br />
cultés uniques qu’ils rencontrent. L’événe ment a<br />
permis de mettre au jour des lacunes importantes<br />
dans les dispositions sur la sécurité du revenu<br />
pour les aînés immigrants – une source de rudes<br />
épreuves pour nombre d’entre eux.<br />
La coopérative s’est toujours attachée à<br />
promouvoir les partenariats intersectoriels qui<br />
s’intéressent à la réalité complexe des immigrants<br />
et des réfugiés. Par sa participation en tant<br />
que partenaire clé à l’initiative Families First<br />
Edmonton, la coopérative a contribué à un vaste<br />
projet de recherche à long terme de la Ville<br />
d’Edmonton axé sur les besoins des familles à<br />
faible revenu en matière d’emploi, d’immigration,<br />
Nos diverses cités 189
190 Nos diverses cités<br />
de logement, de loisirs et d’éducation. Ce projet<br />
de recherche concerté montre la réalité chan -<br />
geante de notre collectivité : les immigrants et<br />
les réfugiés, comme les Autochtones, représentent<br />
un nombre disproportionné de personnes en<br />
situation de pauvreté dans notre collectivité, qui<br />
tombent entre les mailles du filet. De plus, les<br />
programmes et services existants ne reflètent<br />
pas adéquatement l’importance d’avoir des<br />
services complets et spécialisés pour appuyer une<br />
pleine intégration sociale et économique. Il est<br />
évident que le soutien à l’établissement n’est pas<br />
offert assez longtemps, pas toujours au bon<br />
moment et dans une mesure insuffisante. Un<br />
changement systémique est requis pour atteindre<br />
deux objectifs : l’égalité d’accès à des services<br />
humains et aux ressources communautaires, et<br />
la participation de tous les immigrants au sein<br />
de la société.<br />
Faire le point<br />
Célébrant tout juste son 10e anniversaire en tant<br />
qu’organisme officiel, la coopérative profite de<br />
l’occasion pour faire le point et revoir sa vision<br />
à la lumière des difficultés que connaissent<br />
toujours les immigrants. Les exemples présentés<br />
ci-dessous illustrent les priorités courantes de<br />
la coopérative.<br />
• Renforcer la capacité des immigrants, en tant<br />
que particuliers, familles ou collectivités, afin<br />
de les amener à devenir maîtres de leur vie et<br />
responsables de leur santé;<br />
• Travailler à l’intégration des courtiers en santé<br />
multiculturelle dans le système de santé;<br />
• Par le dialogue et la formation, renforcer la<br />
capacité du système et des fournisseurs de<br />
services d’offrir un contenu adapté à la culture<br />
de leurs interlocuteurs;<br />
• Encourager les occasions permettant de mettre<br />
sur pied des projets et des programmes<br />
novateurs qui s’attaquent aux difficultés que<br />
vivent les immigrants et les réfugiés;<br />
• Former une coalition de membres des collec -<br />
tivités immigrantes pour revendiquer des<br />
changements au moyen d’une action politique;<br />
• Coordonner des processus qui encouragent les<br />
immigrants à participer activement et à se faire<br />
entendre.<br />
En conclusion, les courtiers culturels voient<br />
les signes d’un changement positif graduel.<br />
La plupart ne peuvent néanmoins imaginer<br />
un avenir où leurs services ne seront plus requis.<br />
Les nombreux problèmes persistants, exacerbés<br />
par l’apparition continuelle de problèmes<br />
sociaux et sanitaires plus complexes, incitent la<br />
coopé rative à réitérer son engagement à mener<br />
des initiatives axées sur le dévelop pement de<br />
compé tences commu nautaires et le changement<br />
systémique. Pour reprendre la pensée d’un<br />
courtier : « Ce que je veux, c’est les aider. Je veux<br />
les installer pour qu’ensuite, ils soient maîtres de<br />
leur destinée et qu’ils puissent se tourner vers<br />
l’avenir. Je préférerais les aider à faire ce qu’il<br />
faut… c’est une motivation fondamentale. On en<br />
retire de l’espoir. Autrement, quelle sorte d’espoir<br />
y a-t-il, s’il faut répéter les choses encore et<br />
encore ? » Un autre courtier résume sa vocation<br />
en ces termes : « Le courtage n’est pas un simple<br />
boulot, vous savez. Il s’agit, en quelque sorte, de<br />
changer les choses et de mettre les gens en<br />
contact avec le système; pour que les deux côtés,<br />
le système et le client, travaillent ensemble<br />
pour le bien-être de la personne, de la famille et<br />
de la société. »<br />
À propos des auteures<br />
YVONNE CHIU est codirectrice exécutive de la Multicultural<br />
Health Brokers Co-operative.<br />
LUCENIA ORTIZ est codirectrice exécutive de la<br />
Multicultural Health Brokers Co-operative.<br />
RUTH WOLFE agit comme consultante en évaluation dans<br />
la collectivité et professeure agrégée adjointe au Centre<br />
d’études pour la promotion de la santé, Faculté de santé<br />
publique, University of Alberta. Elle est candidate au<br />
doctorat en écologie humaine à la University of Alberta.<br />
Références<br />
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Nos diverses cités 191
L’établissement dans les Prairies :<br />
la Regina Open Door Society<br />
s’adapte aux besoins croissants<br />
DARCY DIETRICH<br />
Regina Open Door Society<br />
Afin de faire face aux pénuries croissantes de main-d’œuvre, au déclin de la population<br />
et au départ à la retraite des enfants de l’après-guerre, la Saskatchewan a mis en<br />
œuvre de nombreuses stratégies : par exemple, elle a revu à la hausse ses objectifs<br />
d’immigration […] et s’est lancée dans une grande campagne de recrutement de<br />
Canadiens provenant des autres provinces, qu’ils soient de souche ou d’adoption.<br />
192 Nos diverses cités<br />
Le 25 avril 2008, Rob Norris, ministre de<br />
l’Enseignement supérieur, de l’Emploi et du<br />
Travail de la Saskatchewan, annonçait un nouvel<br />
objectif d’immigration, soit 2 800 can didats<br />
désignés, pour l’exercice 2008-2009. Si l’on<br />
tient compte des membres de la famille de ces<br />
candidats, cela représente plus de 7 500 nouveaux<br />
arrivants dans la province. La Direction générale<br />
de l’immigration de la Saskatchewan n’a été créée<br />
qu’en 2001, et durant sa première année d’activité,<br />
25 demandeurs ont été désignés. Au cours de<br />
l’exercice 2007-2008, c’est 1 692 candidats qui<br />
ont été désignés dans le cadre du Programme des<br />
candidats à l’immi gration de la Saskatchewan<br />
(PCIS), soit une hausse de 435 candidats (34,6 %)<br />
par rapport à 2006-2007. Nous voilà soudain<br />
devant un nouveau défi : faire en sorte que la<br />
vision stratégique de la province maintienne une<br />
longueur d’avance sur les courants d’immigration,<br />
tandis que l’ensemble des secteurs et des insti -<br />
tutions, depuis les écoles jusqu’aux hôpitaux et<br />
aux milieux de travail, se préparent à répondre<br />
aux besoins de nouveaux arrivants. Afin de faire<br />
face aux pénuries croissantes de main-d’œuvre,<br />
au déclin de la population et au départ à la retraite<br />
des enfants de l’après-guerre, la Saskatchewan a<br />
mis en œuvre de nombreuses stratégies : par<br />
exemple, elle a revu à la hausse ses objectifs<br />
d’immigration, a créé de nouvelles possibilités de<br />
formation pour stimuler l’emploi au sein de la<br />
population autochtone, et s’est lancée dans une<br />
grande campagne de recrutement de Canadiens<br />
provenant des autres provinces, qu’ils soient de<br />
souche ou d’adoption. Au cours d’une récente<br />
visite de recrutement à Toronto, Brad Wall,<br />
premier ministre de la Saskatchewan, a annoncé<br />
que la province a 10 000 nouveaux emplois à<br />
pourvoir dans tous les secteurs d’activité, depuis la<br />
construction jusqu’aux soins de santé.<br />
Même si la Saskatchewan déploie aujourd’hui<br />
plus d’efforts que jamais pour attirer et retenir<br />
les immigrants, elle doit s’assurer du soutien<br />
d’organismes professionnels d’aide aux immi -<br />
grants, comme la Regina Open Door Society<br />
(RODS), afin de répondre aux divers besoins<br />
des nouveaux arrivants à Regina en matière<br />
de renseignements, d’orientation, d’aide initiale à<br />
l’établissement, de services et de programmes.<br />
La Regina Open Door Society<br />
La RODS est un organisme communautaire sans<br />
but lucratif dirigé par un conseil d’administration<br />
formé de bénévoles. L’organisme a été créé en<br />
1976 par des membres de la collectivité qui<br />
voulaient instaurer des services d’établissement<br />
et d’intégration axés sur les besoins des réfugiés<br />
et des immigrants. Comptant d’abord un seul<br />
employé qui travaillait à temps partiel dans le
sous-sol d’une église locale, la RODS s’est peu<br />
à peu développée, s’engageant à fournir aux<br />
nouveaux arrivants des services axés sur leurs<br />
besoins et du soutien constant tout au long du<br />
processus ardu d’établissement. Après plus de trois<br />
décennies au service de la collectivité, la RODS a<br />
acquis une solide réputation comme premier<br />
organisme officiel d’aide à l’établissement<br />
des immigrants en Saskatchewan. À l’échelle<br />
nationale, on la considère comme un chef de file<br />
dans le domaine des services d’établissement<br />
pour les nouveaux arrivants. Elle a mis sur pied<br />
la première maison d’accueil pour nouveaux<br />
arrivants du comté et a reçu le Certificat du mérite<br />
civique en 1998. En sa qualité de seul organisme<br />
d’aide à l’établissement des réfugiés et des<br />
immigrants à Regina, la RODS offre une vaste<br />
gamme de services à une clientèle très diversifiée,<br />
notamment à des réfugiés qui fuient la guerre<br />
et la persécution ainsi qu’à toutes les autres<br />
catégories d’immigrants, dont plusieurs sont de<br />
plus en plus nombreux grâce au PCIS. Le principal<br />
groupe client de la RODS est traditionnellement<br />
constitué d’environ 200 réfugiés parrainés par le<br />
gouvernement (RPG), qui s’établissent chaque<br />
année à Regina grâce aux efforts concertés du<br />
Haut Commissariat des Nations Unies pour les<br />
réfugiés, de Citoyenneté et Immi gration <strong>Canada</strong><br />
(CIC), de la RODS, de groupes de répondants, de<br />
membres de leurs familles, de bénévoles et de<br />
partenaires communautaires.<br />
Par différents moyens, la RODS collabore<br />
étroitement avec ses partenaires pour créer une<br />
collectivité plus accueillante, où les nouveaux<br />
arrivants peuvent s’établir de façon permanente.<br />
Ce travail découle directement du plan straté -<br />
gique actuel de l’organisme, de l’élargissement et<br />
de l’amélioration de ses services en collaboration<br />
avec divers bailleurs de fonds et organisations, et<br />
du travail du Regina Settlement and Integration<br />
Coordinating Committee, qui regroupe des<br />
intervenants de différents organismes non<br />
gouvernementaux et de tous les ordres de<br />
gouvernement. En plus d’offrir des services à un<br />
nombre croissant d’immigrants qui s’établissent à<br />
Regina dans le cadre du PCIS, la RODS poursuit sa<br />
collaboration avec CIC afin de continuer à offrir<br />
des services et des programmes spécialisés aux<br />
RPG et aux autres réfugiés parrainés à Regina.<br />
La RODS est heureuse de participer aux efforts<br />
humanitaires déployés par le <strong>Canada</strong> pour<br />
réinstaller des réfugiés provenant de pays comme<br />
le Myanmar (réfu giés karens), l’Afghanistan, la<br />
Colombie, le Congo, la République démocratique<br />
du Congo, l’Érythrée, l’Éthiopie, l’Iran, le Libéria,<br />
le Rwanda, la Somalie et le Soudan. De concert<br />
avec les groupes communautaires de Regina qui<br />
parrai nent des réfugiés, l’organisme a participé au<br />
traitement groupé, très fructueux, des demandes<br />
de réfugiés karens en 2006, qui a permis<br />
d’accueillir un premier groupe de 133 personnes;<br />
on compte aujourd’hui plus de 300 réfugiés<br />
karens à Regina. Au cours des dernières années,<br />
la RODS et le groupe de soutien aux réfugiés<br />
ont également lancé les calendriers Dispelling<br />
the Myths dans le cadre de campagnes de<br />
sensibilisation du public, afin de souligner les<br />
engagements humanitaires du <strong>Canada</strong> ainsi que<br />
l’apport et les compétences des réfugiés dans notre<br />
collectivité, et de dissiper les mythes à propos<br />
des réfugiés, des mythes qui persistent malheu -<br />
reusement dans notre société.<br />
Le développement et l’amélioration des pro -<br />
grammes, des services et de l’organisme dans<br />
son ensemble sont des processus permanents que<br />
la RODS prend au sérieux. L’organisme est<br />
déterminé à demeurer à jour et créatif afin<br />
de répondre aux besoins changeants et croissant<br />
de sa clientèle et de la collectivité. Au cours des<br />
dernières années, le conseil d’administration et<br />
les employés ont travaillé très fort pour diriger<br />
et gérer efficacement le développement sans<br />
précédent et la mise à jour des programmes et<br />
des services, pour mieux répondre aux besoins<br />
particuliers du nombre croissant de nouveaux<br />
arrivants à Regina. Le conseil a récemment<br />
approuvé un nouveau plan stratégique visant à<br />
donner à l’organisation une visibilité accrue et<br />
à lui permettre de renouveler son engagement<br />
d’aider la collectivité à renforcer sa capacité de<br />
travailler avec des nouveaux arrivants. Grâce<br />
à cette nouvelle stratégie, l’organisme pourra<br />
améliorer la prestation de ses services et faire<br />
face à la croissance future, au nombre accru de<br />
clients, ainsi qu’aux tendances et aux problèmes<br />
nouveaux qui se présenteront à la collectivité.<br />
La RODS continuera de contribuer à la création<br />
d’un milieu plus accueillant, d’encourager la<br />
sensibilisation interculturelle et de sensibiliser la<br />
population aux nombreux avantages de l’immi -<br />
gration. Elle élabore actuellement un plan de<br />
communications afin de se promouvoir en<br />
tant que passerelle centrale vers l’obtention<br />
de renseignements et de services en matière<br />
d’établissement pour les nouveaux arrivants<br />
(réfugiés, immigrants du regroupement familial<br />
et immigrants économiques) qui s’établissent à<br />
Regina. Au cours des prochaines années, la RODS<br />
Nos diverses cités 193
194 Nos diverses cités<br />
continuera d’établir de nouveaux partenariats<br />
stratégiques avec tous les ordres de gouver -<br />
nement, les conseils scolaires, les fournisseurs de<br />
soins de santé, les organismes communautaires,<br />
les entreprises privées et les sociétés. L’organisme<br />
continuera également de jouer un rôle de chef<br />
de file par l’entremise de son engagement<br />
dans la Saskatchewan Association of Immigrant<br />
Settlement and Integration Agencies (SAISIA),<br />
un organisme provincial en plein essor et, à<br />
l’échelle fédérale, dans l’Alliance canadienne<br />
du secteur de l’établissement des immigrants<br />
(ACSEI).<br />
Services et programmes<br />
La RODS offre un grand nombre de services<br />
diversifiés et spécialisés aux immigrants et aux<br />
réfugiés 1 . Par ailleurs, une équipe de l’organisme<br />
présente chaque année de nombreux exposés sur<br />
des sujets comme la sensibilisation aux<br />
différences culturelles et le parrainage de réfugiés.<br />
Au fil des ans, la RODS a mis en œuvre une foule<br />
d’initiatives, notamment des pro grammes pour les<br />
jeunes arrivants, des projets liés au rôle parental<br />
dans les familles interculturelles et à l’alphabé -<br />
tisation familiale, ainsi que des projets de centre<br />
de consultation. Ces initiatives sont évaluées<br />
à l’aide d’une méthode de gestion axée sur les<br />
résultats, qui sert à mesurer la réussite des<br />
programmes et des services, ainsi que le degré de<br />
réussite de l’intégration de nouveaux arrivants.<br />
Des discussions en groupe, des entrevues et des<br />
consultations communautaires menées avec des<br />
nouveaux arrivants et des bénévoles permettent<br />
1 Au nombre de ces services et programmes, mentionnons<br />
l’Enhanced Assessment and Referral Project (EARP), le<br />
Programme d’aide au réétablissement (PAR), le Programme<br />
d’établissement et d’adaptation des immigrants (PEAI), le Host<br />
and Volunteer Program, les services d’évaluation en santé sur<br />
place et de recommandation aux soins spécialisés à la clinique<br />
communautaire de Regina, les programmes Settlement Social<br />
Worker (SSW) et Settlement Social Worker in Schools (SSWIS),<br />
les Cours de langue pour les immigrants au <strong>Canada</strong> (CLIC)<br />
offerts à environ 180 apprenants adultes chaque jour (plus<br />
de 300 annuellement), la garderie de la RODS, titulaire d’un<br />
permis provincial, les services d’aide à l’emploi, notamment le<br />
counselling, l’enseignement en classe et les programmes de<br />
formation propres au secteur, les Cours de langue de niveau<br />
avancé (CLNA) pour les professionnels immigrants et le<br />
Saskatchewan Nominee Assistance Program (SNAP) qui aide les<br />
employeurs à planifier l’établissement, le Summer Program for<br />
Refugee and Immigrant Children, le progamme Families In<br />
Transition (FIT) et le programme KidsFirst Regina – exécuté en<br />
partenariat avec d’autres organismes communautaires à<br />
l’intention des familles vulnérables qui ont des enfants<br />
d’âge préscolaire.<br />
de s’assurer que les programmes et les services<br />
répondent aux besoins des clients et de la collec -<br />
tivité, et que les changements nécessaires à<br />
leur amélioration sont apportés, au besoin.<br />
Conformément à la tradition et afin de rester en<br />
contact avec les membres, les clients, les bénévoles<br />
et les autres partenaires commu nautaires, rési -<br />
dants et intervenants intéressés, la RODS organise<br />
des activités annuelles à des fins de célébration,<br />
de sensibilisation, de reconnaissance et de<br />
planification. Malgré le développement rapide, le<br />
personnel de l’organisme continue de se consacrer<br />
à des activités comme celles de la période des fêtes<br />
et du pique-nique estival (qui ont toutes deux lieu<br />
annuellement depuis 30 ans), la journée de<br />
remerciement des bénévoles, et les activités très<br />
importantes de sensibilisation du public orga -<br />
nisées chaque année en juin, de concert avec les<br />
groupes de parrainage de réfugiés de Regina, dans<br />
le cadre de la Journée mondiale des réfugiés.<br />
Au cours des deux dernières années, afin de<br />
répondre aux besoins croissants, le per sonnel de<br />
la RODS est passé de 35 à près de 90 employés. Un<br />
troisième bâtiment situé en bordure du centreville,<br />
dans le magnifique parc Wascana,<br />
accueillera bientôt les services administratifs, les<br />
services d’établissement et les services à la famille<br />
de l’organisme. Le bâtiment principal actuel, au<br />
centre-ville de Regina, sera rénové à l’automne<br />
2008 et accueillera les services linguistiques et la<br />
garderie. Le pro priétaire, Adam Niesner, a signé<br />
avec l’organisme un acte de donation par lequel il<br />
transférera à la RODS le titre de propriété de cet<br />
immeuble et d’une partie du terrain de station -<br />
nement à la fin du bail actuel, en mars 2012. Ce<br />
don généreux de la part d’un dirigeant avantgardiste<br />
du milieu des affaires de Regina nous<br />
encourage dans l’atteinte de notre objectif de créer<br />
une collectivité véritablement accueillante pour<br />
tous. Un autre immeuble, situé à moins d’un coin<br />
de rue au nord, héberge le centre d’aide à l’emploi<br />
de la RODS. Au personnel multiculturel de la<br />
RODS s’ajoute un noyau bien établi de bénévoles<br />
infatigables. Bien que plusieurs des employés et<br />
des membres du conseil d’administration de la<br />
RODS représentent fièrement les communautés<br />
d’immigrants et de réfugiés de Regina, et que<br />
certains soient originaires d’autres régions du<br />
<strong>Canada</strong>, beaucoup sont des professionnels<br />
dévoués et polyvalents nés dans les Prairies et<br />
élevés en Saskatchewan. Tous sont déterminés à<br />
accueillir les réfugiés et les immigrants dans notre<br />
merveilleuse collectivité, et à faciliter leur<br />
établissement et leur intégration.
La RODS reconnaît que la réussite de l’inté -<br />
gration des nouveaux arrivants dans notre société<br />
exige l’appui, l’engagement et la participation<br />
sans réserve de la collectivité. Même si la RODS<br />
a établi de solides partenariats au cours des<br />
32 dernières années, à l’avantage des nouveaux<br />
immigrants de Regina, la collec tivité tout entière<br />
doit être sensibilisée et mobilisée si nous voulons<br />
attirer un plus grand nombre d’immigrants et de<br />
réfugiés et leur donner envie de rester dans la<br />
région. Il ne suffit pas que ceux qui interviennent<br />
bénévolement ou travaillent auprès des nouveaux<br />
arrivants de façon régulière créent une collectivité<br />
accueillante : c’est grâce à l’appui d’employeurs<br />
encourageants ou de voisins souriants et atten -<br />
tionnés, qui inspirent confiance aux nouveaux<br />
arrivants et les font se sentir chez eux, que nous<br />
assurerons le succès de leur établissement et de<br />
leur intégration, et qu’ils voudront demeurer<br />
parmi nous. S’ils sont accueillis à Regina par des<br />
services d’établissement et un soutien social<br />
efficaces, les nouveaux arrivants s’intégreront<br />
rapidement et restitueront à leur tour à la société<br />
ce qu’elle leur aura donné dans la mesure où, au<br />
moment de leur arrivée, ils auront été encouragés<br />
à y participer. La RODS est prête à opérer les<br />
changements qui s’imposent afin de demeurer au<br />
premier plan en ce qui concerne la création d’une<br />
culture canadienne, d’un mode de vie qui met à<br />
profit et respecte les compétences, les pratiques et<br />
les traditions culturelles existantes, tout en inté -<br />
grant des habiletés, des coutumes et des notions<br />
nouvelles, pour façonner en Saskatchewan une<br />
société diversifiée et dynamique.<br />
À propos de l’auteur<br />
DARCY DIETRICH, reconnu en Saskatchewan et à<br />
l’échelle nationale pour son expertise dans le domaine<br />
de l’établissement et de l’intégration des nouveaux<br />
arrivants, possède 20 ans d’expérience dans le secteur<br />
de l’établissement. Il travaille actuellement comme<br />
directeur exécutif de la Regina Open Door Society. Il a<br />
également été président et vice-président de la<br />
Saskatchewan Association of Immigrant Settlement<br />
and Integration Agencies.<br />
Références<br />
Jimenez, M. 2008. « Head West, Sask. Premier Tells New<br />
Canadians », Globe and Mail (29 septembre).<br />
Pawliw, R. 2008. « Saskatchewan Immigration, Where Are<br />
We Now ? », communication donnée au Forum sur<br />
l’immigration en Saskatchewan de la Chambre de<br />
commerce de la Saskatchewan (11 avril).<br />
Saskatchewan. Ministère de l’Enseignement supérieur, de<br />
l’Emploi et du Travail. 2007. « Making Immigration Work for<br />
SK », communication donnée au Panel de la construction<br />
de la Saskatchewan, Regina (2 mai).<br />
———. Ministère de l’Enseignement supérieur, de l’Emploi<br />
et du Travail. 2008. « Province Sets Aggressive New<br />
Immigration Target », communiqué de presse (25 avril).<br />
Nos diverses cités 195
Bien qu’elle occupe une position géographique centrale au <strong>Canada</strong>, Winnipeg est isolée et<br />
elle a essuyé des revers par le passé, ce qui a engendré une culture fondée sur l’autonomie<br />
et la cohésion collective. Aujourd’hui, l’économie de Winnipeg est sans doute la plus stable<br />
du <strong>Canada</strong>, sans explosion ni crise, mais solide en raison de son côté diversifié.<br />
Parrainage privé de réfugiés<br />
à Winnipeg, au Manitoba<br />
TOM DENTON<br />
Manitoba Refugee Sponsors<br />
196 Nos diverses cités<br />
Parrainer des réfugiés pour qu’ils viennent<br />
s’établir au <strong>Canada</strong> est toute une affaire à<br />
Winnipeg. En effet, la ville se situe au premier<br />
rang des villes canadiennes pour son utilisation<br />
du Programme de parrainage privé des réfugiés<br />
(PPPR) du <strong>Canada</strong>, et bien qu’elle ne compte<br />
que pour 2 % de la population du pays, en 2006<br />
et en 2007, elle a accueilli près de 17 % des<br />
nouveaux réfugiés parrainés par le secteur privé 1 .<br />
Les chiffres relatifs aux nouvelles demandes<br />
présentées sont encore plus surprenants : en 2007,<br />
40 % des demandes provenaient de Winnipeg. De<br />
fait, si l’on exclut les demandes présentées sous<br />
la catégorie Groupes de cinq (G5), rarement<br />
utilisée à Winnipeg, parmi toutes les nouvelles<br />
demandes présentées par l’intermédiaire de<br />
signataires d’entente de parrainage, 56 % étaient<br />
de Winnipeg 2 . Qui plus est, selon la tendance<br />
1<br />
Le PPPR du <strong>Canada</strong>, établi depuis de nombreuses années,<br />
est exemplaire. Plus de 80 signataires d’entente de parrainage<br />
(SEP) au <strong>Canada</strong> ont conclu avec le gouvernement fédéral<br />
des ententes leur permettant de parrainer des réfugiés<br />
arrivant au pays comme résidents permanents s’ils<br />
satisfont aux critères de sélection du <strong>Canada</strong>. Les SEP<br />
sont généralement des organismes religieux, des groupes<br />
ethnoculturels ou des organismes humanitaires. Ces SEP<br />
peuvent habiliter leurs sous-groupes ou Groupes constitutifs<br />
(GC) – généralement des paroisses locales – à faire office<br />
de répondants dans le cadre de l’entente conclue par<br />
l’organisation mère. Des demandes de parrainage privé<br />
peuvent également être présentées sous la catégorie<br />
Groupes de cinq (G5), qui permet à des groupes formés<br />
de cinq personnes admissibles de parrainer des réfugiés<br />
(ce mécanisme est fréquemment utilisé à Toronto, mais<br />
plus rarement à Winnipeg).<br />
observée, ces chiffres seront encore plus élevés<br />
en 2008. Mais quelles sont les raisons expliquant<br />
ce phénomène ?<br />
La première raison réside peut-être dans<br />
l’histoire et la nature de la ville. Bien qu’elle<br />
occupe une position géographique centrale au<br />
<strong>Canada</strong>, Winnipeg est isolée et elle a essuyé des<br />
revers par le passé, ce qui a engendré une culture<br />
fondée sur l’autonomie et la cohésion collective.<br />
Aujourd’hui, l’économie de Winnipeg est sans<br />
doute la plus stable du <strong>Canada</strong>, sans explosion ni<br />
crise, mais solide en raison de son côté diversifié<br />
(qui reflète la diversité de ses habitants). En<br />
conséquence, le taux de chômage y est toujours<br />
relativement faible, ce qui laisse entrevoir, pour<br />
les nouveaux arrivants, une possibilité raison -<br />
nable de trouver du travail 3 .<br />
La deuxième raison réside dans l’historique<br />
des services aux réfugiés à Winnipeg et dans la<br />
cohésion qui existe depuis longtemps au sein des<br />
2 En 2007, 3 587 personnes ont été admises au <strong>Canada</strong> en<br />
vertu du PPPR, et 3 028 nouvelles demandes regroupant<br />
6 855 personnes ont été présentées. Bien que seulement<br />
880 des nouvelles demandes étaient présentées par des G5,<br />
chacune de celles-ci était pour trois personnes en moyenne,<br />
tandis que les demandes soumises par des SEP visaient<br />
chacune deux personnes en moyenne. Un pourcentage<br />
important de personnes parrainées sont rejetées par le<br />
<strong>Canada</strong> à l’étranger, parce qu’elles ne satisfont pas aux<br />
critères. Les chiffres cités dans le présent document sont<br />
fondés sur des données gracieusement fournies à l’auteur<br />
par Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong>.<br />
3 Au moment de la rédaction du présent article, le taux de<br />
chômage au Manitoba était de 3,9 %, comparativement à<br />
6,1 % pour le <strong>Canada</strong>.
organismes d’aide aux immigrants. À Winnipeg,<br />
comme dans bon nombre de villes, le parrainage<br />
de réfugiés a été stimulé au départ par l’adhésion<br />
au Programme de parrainage de réfugiés, quand<br />
il a été créé à la fin des années 1970, pendant la<br />
crise des « réfugiés de la mer ». Dans plusieurs<br />
grandes villes, les services étaient fragmentés<br />
(souvent en fonction de l’ethnie ou de la religion),<br />
mais cela ne s’est jamais produit à Winnipeg : le<br />
Centre international a été un chef de file dans le<br />
domaine des services aux immigrants depuis<br />
sa création en 1969 4 , à une époque où de tels<br />
services – tout particulièrement en ce qui a trait<br />
aux réfugiés – commençaient à peine à prendre<br />
de l’importance dans les politiques gouverne -<br />
menales d’après-guerre. Le Centre, un organisme<br />
non confessionnel, est devenu le lieu de rencontre<br />
des communautés immigrantes, offrant des<br />
cours d’anglais langue seconde ainsi que des<br />
services de traduction et d’aide à l’emploi et<br />
à l’établissement.<br />
Tandis que les programmes fédéraux se<br />
développaient et s’imposaient graduellement<br />
comme principale source de financement pour<br />
les services aux immigrants, le secteur de la<br />
prestation des services se développait également,<br />
et ce, dans l’ensemble du pays. À Winnipeg, un<br />
petit organisme – le Conseil multiconfessionnel<br />
d’aide à l’établissement des immigrants au<br />
Manitoba – a aussi pris son essor et est devenu,<br />
en 1993, le Centre international. Au début des<br />
années 2000, après avoir déterminé que le travail<br />
pourrait être accompli plus efficacement si<br />
les services aux réfugiés étaient distincts des<br />
services généraux aux immigrants, les deux<br />
organismes ont été scindés. Le travail relatif aux<br />
réfugiés a donc été pris en charge par le Conseil<br />
multiconfessionnel, qui s’est installé dans un<br />
nouvel emplacement, surnommé le « Welcome<br />
Place ». Les deux organismes se font face de<br />
chaque côté du parc Central et travaillent de<br />
concert. Le Conseil multiconfessionnel a remplacé<br />
le Centre international comme signataire de<br />
l’entente de parrainage avec Ottawa et est<br />
actuellement le plus important organisme de<br />
parrainage de réfugiés au <strong>Canada</strong>; au moment de<br />
la rédaction du présent article (en 2007), il<br />
4<br />
Le Centre international a été mis sur pied par le Conseil<br />
manitobain de la citoyenneté, un organisme créé au lendemain<br />
de la Seconde Guerre mondiale et de l’adoption de la Loi sur la<br />
citoyenneté canadienne de 1947, en même temps que la série de<br />
conseils de la citoyenneté qui ont vu le jour partout au <strong>Canada</strong>.<br />
Le Conseil manitobain est le seul à avoir survécu et il est devenu<br />
un important fournisseur de services aux immigrants.<br />
chapeautait 43 groupes constitutifs au moment de<br />
a rédaction du présent article avait entrepris plus<br />
de 1 000 parrainages en 2007.<br />
En 1993, les personnes et les groupes désireux<br />
de parrainer des réfugiés ont décidé de se<br />
réunir régulièrement afin d’échanger des rensei -<br />
gnements, de discuter des problèmes et de<br />
s’entraider. C’est ainsi qu’est né Manitoba Refugee<br />
Sponsors (MRS). Cet organisme est devenu<br />
un élément rassembleur du mouvement de<br />
parrainage privé à Winnipeg, et illustre sans<br />
équivoque la cohésion de la collectivité, qui a été<br />
un moteur du succès du programme. En 2002,<br />
MRS a incité la Ville de Winnipeg à créer un<br />
fonds d’assurance 5 , qui offre une protection aux<br />
répondants qui effectuent un parrainage con join -<br />
tement avec des familles de Winnipeg souhaitant<br />
faire venir des membres de leur famille à titre de<br />
réfugiés. Ce fonds a mani festement encouragé les<br />
parrainages de réfugiés de la catégorie familiale.<br />
Les ministères fédéraux et provinciaux respon -<br />
sables de l’immigration ont joué un rôle de<br />
premier plan dans le renforcement de la cohésion<br />
de la collectivité de parrainage, en collaborant de<br />
façon très positive avec celle-ci. Des représen -<br />
tants de chaque ministère assistent aux réunions<br />
des MRS. Le climat de partenariat amical qui<br />
existe entre les différents ordres de gouvernement<br />
(y compris à l’échelle municipale) et le secteur<br />
du parrainage n’est peut-être pas propre à<br />
Winnipeg, mais il est exceptionnel. Les réfugiés<br />
représentent un élément essentiel des plans<br />
d’immigration dynamiques du gouvernement<br />
du Manitoba.<br />
La troisième raison expliquant le succès des<br />
groupes de parrainage du secteur privé à<br />
Winnipeg, comme celui d’organismes d’ailleurs,<br />
réside dans la volonté des individus qui les<br />
dirigent. Sœur Aileen Gleason en a été la<br />
figure de proue pendant près de 15 ans, de la fin<br />
des années 1980 jusqu’à sa retraite en 2001,<br />
parrainant des milliers de réfugiés sous la<br />
5<br />
Le Programme d’assurance pour le parrainage de réfugiés<br />
par le secteur privé de Winnipeg a contribué à un fonds<br />
de 250 000 $, en plus d’une somme annuelle pour son<br />
administration. Il découle d’un protocole d’entente tripartite<br />
signé avec les gouvernements fédéral et provincial, qui<br />
traduisait l’intérêt de la Ville à attirer et à retenir des<br />
immigrants. Les premières demandes ont été enregistrées<br />
en vertu du programme en janvier 2003. À ce jour, le fonds<br />
s’est accru des intérêts, des milliers de dossiers de parrainage<br />
y ont été enregistrés et 400 $ seulement ont dû être versés<br />
pour permettre à une famille de Winnipeg de se réinstaller<br />
dans une ville du sud du Manitoba, où un emploi et du<br />
soutien l’attendait.<br />
Nos diverses cités 197
198 Nos diverses cités<br />
direction de l’ordre catholique auquel elle<br />
appartenait, l’Institut de Notre-Dame des<br />
Missions. Elle a effectué ses premiers parrainages<br />
par l’intermédiaire de l’archidiocèse catholique<br />
de Winnipeg jusqu’en 1991, année où l’arche -<br />
vêque s’est alarmé du grand nombre de<br />
parrainages et des obligations risquant d’y être<br />
associées. Sœur Aileen a alors transféré ses<br />
activités sous l’égide du diocèse anglican de la<br />
Terre de Rupert où, depuis, le travail de son<br />
Hospitality House Refugee Ministry se poursuit 6 .<br />
D’autres figures marquantes se sont jointes<br />
aux efforts et continuent de les soutenir. Elles<br />
apportent le soutien des groupes confessionnels<br />
de la ville, principalement les anglicans, les<br />
luthériens, les mennonites, les pentecôtistes, les<br />
presbytériens, les catholiques et l’Église unie.<br />
Ces personnes ont apporté leur contribution<br />
au parrainage de réfugiés à l’échelle locale et<br />
nationale. En outre, le travail et le leadership du<br />
Conseil multiconfessionnel d’aide à l’établis -<br />
sement des immigrants au Manitoba et de son<br />
infatigable directeur, Marty Dolin, continuent<br />
d’assurer directement et en coulisse la coordi -<br />
nation de l’aide aux réfugiés à Winnipeg, et ils<br />
contribuent grandement à sa réussite.<br />
6<br />
L’archidiocèse catholique de Winnipeg et le diocèse anglican<br />
de Terre de Rupert sont deux des SEP du <strong>Canada</strong>. Le Hospitality<br />
House Refugee Ministry Inc., un GC du diocèse anglican, est<br />
le GC le plus productif du <strong>Canada</strong> en matière de parrainage<br />
de réfugiés.<br />
Il existe une quatrième raison. C’est la<br />
demande de réunification des familles, qui est<br />
au cœur de la politique du <strong>Canada</strong> en matière<br />
d’immigration. La plupart des réfugiés parrainés<br />
par le secteur privé qui s’établissent à Winnipeg<br />
sont venus rejoindre des membres de leur famille,<br />
proche ou élargie, qui y sont déjà installés.<br />
La raison d’être, pourtant non reconnue, des<br />
files d’attente de personnes qui attendent de venir<br />
au <strong>Canada</strong> – toutes catégories d’immigrants<br />
confondues –, est le désir de renouer avec leurs<br />
proches, déjà installés ici. Or la politique actuelle<br />
du <strong>Canada</strong> en matière d’immigration ne peut<br />
faciliter cette réunification que jusqu’à un certain<br />
point. Les organismes non gouvernementaux de<br />
parrainage de réfugiés à Winnipeg sont conscients<br />
de la demande et ils tentent d’y répondre, par<br />
compassion et par principe. Mais cette demande<br />
dépasse de loin la capacité des répondants ainsi<br />
que du PPPR, qui est assujetti à des limites<br />
annuelles imposées par les politiques et les<br />
considérations pratiques. Il s’agit d’une autre<br />
facette des difficultés auxquelles se heurte conti -<br />
nuellement l’immigration canadienne.<br />
Entre-temps, la communauté du parrainage<br />
privé de réfugiés à Winnipeg fait de son mieux,<br />
mais elle voudrait en faire davantage.<br />
À propos de l’auteur<br />
TOM DENTON est coprésident de Manitoba Refugee<br />
Sponsors et coordonnateur du Hospitality House Refugee<br />
Ministry à Winnipeg.
Le Programme d’accueil par la<br />
communauté de Saskatoon Open<br />
Door Society fait ses preuves<br />
JULIE FLEMING JUÁREZ<br />
Saskatoon Open Door Society<br />
La Saskatoon Open Door Society fournit depuis son inauguration en 1981 de l’assistance<br />
aux immigrants et aux réfugiés venus s’établir dans la région. Les réfugiés qu’elle<br />
accueille et dessert proviennent de pays du monde entier [...] Plus de 70 employés<br />
offrent des services dans trois principaux secteurs : les cours de langue et la garde<br />
d’enfants, l’aide à l’emploi, et le soutien à l’établissement et aux familles.<br />
Le voyage avait été long pour Ali et sa famille.<br />
Après des années de fuite, d’incertitude et de lutte,<br />
Ali avait abouti à Saskatoon, ville où il espérait<br />
s’établir. Mais la peur le tenait toujours. Ils étaient<br />
seuls. Sa maison se trouvait à l’autre bout de<br />
la planète. Il ne parlait pas l’anglais. Comment<br />
subviendrait-il aux besoins de sa famille ?<br />
Comment lui et sa famille allaient-ils s’intégrer ?<br />
Ici, personne n’était vêtu comme eux. Personne ne<br />
leur ressemblait et personne ne parlait leur langue.<br />
Tout était différent. Ali craignait la neige et<br />
le froid. Devraient-ils s’installer dans une plus<br />
grande ville ? Il avait entendu dire que beaucoup<br />
de ses compatriotes se trouvaient dans une ville<br />
appelée Toronto. Devrait-il simplement emballer<br />
ses maigres biens et emmener sa famille ? Fuir…<br />
une fois de plus.<br />
Presque tous les étrangers qui arrivent dans<br />
une petite collectivité comme Saskatoon<br />
éprouvent les mêmes craintes qu’Ali. Que vous<br />
soyez un réfugié, un travailleur qualifié ou un<br />
étudiant étranger, le sentiment est le même. Le<br />
Programme d’accueil par la communauté, offert<br />
par la Saskatoon Open Door Society, a été créé<br />
pour aider les nouveaux arrivants à surmonter<br />
ces peurs. Après tout, personne ne comprend<br />
mieux ce que vit un immigrant qu’une personne<br />
qui a surmonté les mêmes épreuves. « Il est<br />
important que les nouveaux arrivants puissent<br />
entrer en contact avec des groupes de mêmes<br />
origines qu’eux, car ils ont ainsi accès à des<br />
renseignements qui facilitent le processus<br />
d’établissement », affirme Bertha Gana, directrice<br />
générale de la Saskatoon Open Door Society. « Il<br />
s’agit de créer un environnement accueillant.<br />
Lorsque le nouvel arrivant est accueilli par un<br />
compatriote, il se sent plus à l’aise. J’en ai<br />
d’ailleurs fait l’expérience en tant qu’étudiante<br />
étrangère. Les premiers jours ont été très<br />
difficiles; l’alimentation, en particulier, était<br />
problématique. Je ne cessais de me demander si<br />
j’avais fait une erreur, si j’allais m’en sortir, si je<br />
devais rentrer chez moi avant qu’il ne soit trop<br />
tard. Tout a changé lorsque j’ai pris contact avec<br />
un groupe d’étudiants originaires de mon pays.<br />
Le Programme d’accueil par la communauté est<br />
le premier contact qui donne aux nouveaux<br />
arrivants le sentiment de se trouver dans un<br />
environnement familier. Il est rassurant pour eux<br />
de savoir qu’il y a, ici, des personnes de leur<br />
culture et qu’ils ne sont pas seuls. »<br />
La Saskatoon Open Door Society fournit<br />
depuis son inauguration en 1981 de l’assistance<br />
aux immigrants et aux réfugiés venus s’établir<br />
dans la région. Les réfugiés qu’elle accueille et<br />
dessert proviennent de pays du monde entier :<br />
Vietnam, Laos, Cambodge, Pologne, El Salvador,<br />
Guatemala, Colombie, Sierra Leone, Soudan,<br />
République démocratique du Congo, Burundi,<br />
Rwanda, Érythrée, Éthiopie, Afghanistan, Iraq,<br />
Nos diverses cités 199
« Quand un bénévole du même pays, de la même culture et du même<br />
groupe linguistique qu’un nouvel arrivant rend visite à ce dernier et lui<br />
présente les autres membres de sa communauté ethnique, il contribue à<br />
faire naître chez lui un sentiment d’appartenance à son nouveau pays. »<br />
– Ayalah Levy, animatrice communautaire, Saskatoon Open Door Society<br />
200 Nos diverses cités<br />
Iran, Myanmar et de nombreux autres. Elle offre<br />
également des services aux immigrants nouvel -<br />
lement arrivés, en provenance de la Chine, du<br />
Japon, du Royaume-Uni, d’Ukraine et de<br />
plusieurs autres pays européens. Plus de 70<br />
employés offrent des services dans trois<br />
principaux secteurs : les cours de langue et la<br />
garde d’enfants, l’aide à l’emploi, et le soutien à<br />
l’établissement et aux familles.<br />
En 1990, la Open Door Society a mis sur pied<br />
son Programme d’accueil, financé par Citoyenneté<br />
et Immigration <strong>Canada</strong>. Le mandat du Programme<br />
consistait principalement à jumeler de nouveaux<br />
arrivants (des individus et des familles) avec des<br />
bénévoles qui pouvaient leur apporter de l’amitié,<br />
de l’aide et un soutien linguistique. Depuis son<br />
inauguration, le Programme d’accueil n’a cessé<br />
de grandir pour répondre aux besoins du<br />
nombre croissant d’immigrants et de réfugiés qui<br />
s’établissent à Saskatoon. En effet, la Open Door<br />
Society accueille chaque année environ 250<br />
réfugiés parrainés par le gouvernement, et l’an<br />
dernier, plus de 5 000 clients ont bénéficié<br />
des principaux programmes de l’organisme. Il<br />
s’agit d’une augmentation de 72 % par rapport<br />
à la hausse habituelle de 5 % à 10 % des<br />
années précédentes.<br />
Dix ans après la création du Programme<br />
d’accueil, des cercles de conversation ont été<br />
ajoutés aux services offerts afin d’offrir aux<br />
nouveaux arrivants un cadre sûr et agréable<br />
pour développer leurs compétences linguistiques<br />
en groupe. Plus récemment, d’autres initiatives<br />
ont vu le jour dans le cadre du Programme, dont<br />
« School Buddy », un programme d’apprentissage<br />
pour enfants de niveau primaire, ainsi que des<br />
séances d’étude sur la citoyenneté et des cours de<br />
conduite d’appoint.<br />
Enfin, il y a bientôt un an, nous avons mis<br />
sur pied le Programme d’accueil par la<br />
communauté 1 , dans le cadre duquel un bénévole<br />
1 Ce programme n’est actuellement offert qu’aux réfugiés<br />
parrainés par le gouvernement, mais nous espérons l’offrir<br />
bientôt aux immigrants d’autres catégories.<br />
est jumelé à un réfugié pour une période de six<br />
semaines. La première rencontre, organisée avec<br />
la permission du réfugié, a lieu un ou deux jours<br />
après l’arrivée de ce dernier. Pendant cette<br />
période initiale d’établissement, le bénévole<br />
aide le nouveau venu à se familiariser avec la<br />
collectivité en lui indiquant où sont les lieux de<br />
prière, les boutiques ethniques et d’autres<br />
services susceptibles de répondre à ses besoins.<br />
Le bénévole offre du soutien dans la langue de<br />
l’étranger et dans un cadre culturel familier, et il<br />
lui présente d’autres personnes qui parlent sa<br />
langue et proviennent d’un milieu culturel<br />
similaire. Il aide l’étranger à acquérir un sentiment<br />
de satisfaction, de fami liarité et d’appartenance en<br />
plus de lui proposer l’accès à des réseaux, des<br />
rencontres sociales – une raison de rester à<br />
Saskatoon, en somme. Avec l’aide du personnel<br />
du Programme d’accueil par la communauté,<br />
les bénévoles organisent aussi une rencontre de<br />
fraternisation, comme un repas-partage, pour<br />
présenter les nouveaux membres à la collectivité.<br />
Durant les huit premiers mois du Programme,<br />
des bénévoles ont été jumelés avec 16 différentes<br />
familles, pour un total de 62 personnes. Une seule<br />
de ces familles, originaire du Soudan, est partie<br />
peu après son arrivée parce qu’elle avait des<br />
parents en Ontario. « Le Programme d’accueil par<br />
la communauté facilite la transition d’une culture<br />
à une autre, un processus souvent difficile pour les<br />
immigrants et les réfugiés. Quand un bénévole du<br />
même pays, de la même culture et du même<br />
groupe linguistique qu’un nouvel arrivant rend<br />
visite à ce dernier et lui présente les autres<br />
membres de sa communauté ethnique, il<br />
contri bue à faire naître chez lui un sentiment<br />
d’appartenance à son nouveau pays », explique<br />
Ayalah Levy, animatrice communautaire à la<br />
Saskatoon Open Door Society. « En partageant son<br />
expérience personnelle, le bénévole met l’immi -<br />
grant à l’aise et l’aide à surmonter les difficultés<br />
liées à l’établissement dans un nouveau pays,<br />
comme la solitude, le stress et le choc culturel.<br />
La présence d’un ami et d’une communauté<br />
accueillante fait toute la différence ».
Ces bénévoles sont recrutés par l’entremise<br />
de différents groupes ethnoculturels de la ville.<br />
Saskatoon a une population diversifiée, et<br />
plusieurs groupes ethnoculturels ont formé des<br />
associations culturelles. Les groupes sans<br />
association officielle ont souvent l’habitude de se<br />
réunir dans un cadre informel pour socialiser et<br />
échanger. Il s’agit de véritables bénévoles qui ne<br />
touchent aucune forme de rémunération pour leur<br />
travail. Leur seule dépense durant la période de<br />
jumelage devrait être pour l’achat d’essence, s’ils<br />
doivent transporter les nouveaux arrivants. Ces<br />
derniers reçoivent une aide financière de CIC qui<br />
sert à couvrir l’ensemble de leurs dépenses des<br />
premières semaines. On demande aux bénévoles<br />
de passer deux ou trois heures par semaine<br />
avec les nouveaux arrivants. Il s’agit cepen -<br />
dant d’une ligne directrice puisque le temps<br />
consacré varie selon la disponibilité du bénévole<br />
et les événements communautaires qui pourraient<br />
avoir lieu pendant la période de jumelage.<br />
« Le plus gros défi dans la prestation du<br />
Programme d’accueil par la communauté consiste<br />
à recruter des bénévoles des pays où les besoins<br />
sont plus grands. Il y a des bénévoles qui<br />
aimeraient aider, mais qui sont eux-mêmes très<br />
occupés à bâtir leur vie dans un nouveau pays »,<br />
explique M me Levy.<br />
Les bénévoles actuels représentent des<br />
nouveaux arrivants du Soudan, du Myanmar (y<br />
compris la communauté karen), d’Iraq, du<br />
Burundi, de la Colombie, de la Somalie et de<br />
diverses communautés francophones. Les<br />
bénévoles du Programme d’accueil par la<br />
communauté, comme chacun des quelque 200<br />
bénévoles qui travaillent à la Open Door Society,<br />
suivent un processus complet d’orientation, de<br />
formation et de vérification avant d’être intégrés<br />
au Programme. Les nouveaux arrivants qui<br />
s’inscrivent au Programme proviennent de<br />
plusieurs pays, dont le Soudan, la République<br />
démocratique du Congo, l’Iraq et le Burundi. Les<br />
deux plus grands groupes d’immigrants sont<br />
originaires de la Colombie et du Myanmar, en<br />
particulier les Karens.<br />
Les Karens forment un groupe particulier<br />
parce qu’ils ont été les premiers à bénéficier d’un<br />
traitement groupé dans le cadre d’un projet<br />
amorcé en 2006. Auparavant, les personnes et<br />
les familles ayant un statut de réfugié étaient<br />
sélectionnées et réinstallées dans un nouveau<br />
pays. Dans le cadre du projet de traitement<br />
groupé, le gouvernement du <strong>Canada</strong> accepte de<br />
réinstaller tous les membres d’une communauté.<br />
Saskatoon a été la première ville canadienne à<br />
accueillir des réfugiés karens en 2006. Elle<br />
compte aujourd’hui plus de 50 familles Karens<br />
(plus de 120 personnes), et de nouvelles familles<br />
arrivent à quelques mois d’intervalle. Les Karens<br />
font face à de nombreux défis puisque la majorité<br />
d’entre eux sont peu scolarisés, parlent à peine<br />
l’anglais, ont de grands besoins sur le plan de<br />
la santé et possèdent très peu de connaissances<br />
pratiques pour vivre dans une culture occidentale.<br />
Ils ont vécu dans des conditions lamentables dans<br />
des camps de réfugiés en Thaïlande, et ils ont<br />
besoin d’éducation et de soutien pour s’adapter<br />
à la vie au <strong>Canada</strong>.<br />
Les Colombiens font face à des défis d’un autre<br />
ordre. « Beaucoup ont de la difficulté à<br />
comprendre leur statut de réfugié », explique<br />
Diana Alquezar, agente d’intégration à la Open<br />
Door Society. Quelques-uns d’entre eux avaient<br />
un niveau de vie très élevé et ont été forcés de<br />
partir pour des raisons politiques. Il leur est très<br />
difficile de vivre avec le strict nécessaire et ils<br />
doivent tout recommencer. Ceux qui ont encore<br />
de la parenté en Colombie ressentent le mal<br />
du pays, et ils craignent que des membres de<br />
leur famille ne soient victimes de l’agitation<br />
politique. Certains sont très scolarisés et ont de la<br />
difficulté à accepter qu’ils doivent apprendre<br />
l’anglais et faire évaluer leurs attestations<br />
d’études ou leurs titres professionnels avant<br />
d’obtenir un emploi dans leur domaine. Pendant<br />
la période d’avril à septembre 2008, sept familles<br />
colombiennes sont arrivées, pour un total de<br />
24 personnes.<br />
Les bénévoles restent en contact avec le<br />
personnel du programme, en particulier avec<br />
l’agent d’intégration qui travaille avec le nouvel<br />
arrivant au quotidien pendant les premières<br />
semaines. Tous les réfugiés parrainés par le<br />
gouvernement et les réfugiés qui reçoivent une<br />
aide conjointe assistent à une séance d’orien tation<br />
intensive avec les agents d’intégration. Ces agents<br />
expérimentés accompagnent les clients tout au<br />
long du processus d’établissement, de l’accueil<br />
à l’aéroport jusqu’à l’établissement dans un<br />
logement permanent, et même par la suite. Ils<br />
aident les nouveaux arrivants à accomplir une<br />
multitude de tâches, par exemple l’aménagement<br />
du logement, l’obtention des services gouver -<br />
nementaux et la préparation des documents,<br />
l’évaluation de leurs acquis scolaires et<br />
l’inscription à des cours ou l’obtention des soins.<br />
Afin que les clients disposent de tout le nécessaire<br />
pour commencer leur nouvelle vie à Saskatoon, ils<br />
Nos diverses cités 201
202 Nos diverses cités<br />
leur offrent des conseils et de l’information<br />
sur divers sujets, dont le budget, la sécurité,<br />
l’hygiène, la vie en appartement et bien d’autres.<br />
Les bénévoles du Programme d’accueil ne<br />
prennent pas la place de l’agent d’intégration. Ils<br />
sont considérés comme des amis et représentent<br />
un lien avec la communauté ethnoculturelle<br />
plutôt qu’avec la collectivité générale. Quand le<br />
jumelage avec un membre de la communauté<br />
prend fin après six semaines, les visites à domicile<br />
sont effectuées par le personnel du Programme<br />
d’accueil pour préparer l’étranger à un jumelage<br />
« traditionnel » qui, bien que toujours amical,<br />
met davantage l’accent sur l’acquisition de<br />
compétences linguistiques.<br />
La Saskatchewan vit une période de prospérité<br />
économique qui accroît la nécessité de recourir<br />
à l’immigration pour répondre aux besoins en<br />
ressources humaines. Le nombre d’immigrants<br />
à Saskatoon connaît donc une croissance<br />
exponentielle. En 2005, le gouvernement de la<br />
Saskatchewan a annoncé la mise en œuvre du<br />
Programme des candidats à l’immigration de la<br />
Saskatchewan comme stratégie pour attirer et<br />
retenir des immigrants dans la province. Chaque<br />
année, des objectifs ambitieux sont établis;<br />
l’année dernière, le Programme visait plus de<br />
1 500 candidats susceptibles d’attirer 3 000<br />
immigrants à Saskatoon. L’objectif de 2 800<br />
candidats fixé pour l’année en cours devrait attirer<br />
7 800 immigrants. Saskatoon serait la destination<br />
souhaitée pour plus de 40 % de cette population.<br />
Tous les secteurs de l’économie comptent sur<br />
l’immigration pour combler les pénuries de<br />
travailleurs, et les missions de recrutement à<br />
l’étranger sont chose courante. L’Ukraine,<br />
l’Allemagne et les Philippines comptent parmi<br />
les principaux pays sources. Trois cents<br />
infirmières en provenance des Philippines,<br />
des soudeurs de l’Ukraine, des médecins sudafricains<br />
: l’arrivée d’étrangers fait la manchette<br />
des quotidiens.<br />
« Les communautés pakistanaise, allemande et<br />
philippine sont en croissance à Saskatoon. Le<br />
Programme d’accueil par la communauté jouera<br />
un rôle important en établissant des liens avec<br />
elles et en encourageant les nouveaux arrivants à<br />
rester à Saskatoon », affirme M me<br />
Gana.<br />
Pour la plupart des nouveaux arrivants, le<br />
réétablissement comporte son lot de défis,<br />
d’anxiétés et de peurs. Que vous soyez un réfugié,<br />
un travailleur qualifié ou un étudiant étranger, le<br />
sentiment est le même.<br />
S’ils jouent un rôle précieux dans l’accueil des<br />
nouveaux arrivants, les bénévoles du Programme<br />
d’accueil par la communauté ne représentent<br />
qu’une partie du plan d’ensemble. Il revient à<br />
chaque membre de la collectivité d’accueillir les<br />
nouveaux arrivants afin que nous puissions tous<br />
apprendre les uns des autres et tirer avantage de<br />
la diversité.<br />
Ali frappe à la porte, et un bruit de pas<br />
précipités se fait entendre dans la chambre d’hôtel.<br />
Un visage timide et interrogateur apparaît dans<br />
l’embrasure de la porte. C’est un visage tellement<br />
familier, sur lequel se reflètent d’innombrables<br />
questions, craintes et doutes. « Ne vous inquiétez<br />
pas, mon ami, lui dit Ali. Je sais ce que vous<br />
ressentez. J’aimerais vous raconter l’histoire que<br />
j’ai vécue il y a deux ans et vous raconter comment<br />
Saskatoon est devenue mon chez-moi. » Et grâce<br />
aux bénévoles du Programme d’accueil par la<br />
communauté, les nouveaux arrivants réussissent<br />
un jour à se sentir chez eux à Saskatoon.<br />
À propos de l’auteure<br />
JULIE FLEMING JUÁREZ est coordonnatrice des programmes<br />
communautaires à la Saskatoon Open Door Society. Elle était<br />
bénévole à la Open Door Society au milieu des années 1980<br />
et travaille au Programme d’accueil administré par cet<br />
organisme depuis 2000. Elle a élaboré, avec Bertha Gana,<br />
le Programme d’accueil par la communauté pour répondre<br />
aux besoins grandissants des étrangers qui s’établissent<br />
à Saskatoon, après qu’on eût constaté que beaucoup<br />
choisissaient de déménager dans d’autres villes du <strong>Canada</strong><br />
peu après leur arrivée.
En l’absence d’une grande communauté ethnique et d’un réseau de soutien bien établis<br />
(comme on en trouverait dans un grand centre urbain) les nouveaux arrivants dans des<br />
régions comme le sud-est de la Saskatchewan devront sans doute compter sur l’aide de<br />
personnes ayant des origines culturelles et linguistiques complètement différentes des leurs.<br />
Il est à noter toutefois que ces interactions entre les nouveaux arrivants et les membres<br />
des collectivités d’accueil peuvent stimuler le processus d’intégration qui, dans le<br />
contexte canadien, est considéré comme « une voie à deux sens ».<br />
Attirer les immigrants dans les<br />
régions rurales de la Saskatchewan<br />
Un nouveau défi qui vaut la peine d’être relevé<br />
JEFF PASSLER<br />
Southeast Community Settlement Committee<br />
Créé en juin 2007, le Southeast Community<br />
Settlement Committee (SCSC) se consacre à<br />
l’établissement des immigrants dans le sud-est de<br />
la Saskatchewan. Financé principalement par<br />
Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong> et le ministère<br />
de l’Enseignement postsecondaire, de l’Emploi et<br />
du Travail de la Saskatchewan, le SCSC est né de<br />
la volonté d’un groupe de personnes et d’orga -<br />
nismes de répondre aux préoccupations soulevées<br />
par les nouveaux courants d’immigration dans le<br />
sud-est de la province. Cette région des Prairies,<br />
essentiellement rurale, n’a pas connu d’immi -<br />
gration à grande échelle depuis des décennies.<br />
Aussi, le nombre accru de nouveaux arrivants,<br />
en provenance de différents pays et parlant<br />
différentes langues, représentait une situation<br />
nouvelle pour la plupart des résidants de la<br />
région. Ces derniers ne savaient pas quelle était la<br />
meilleure façon de réagir face à cette situation. Ce<br />
qui était évident, c’était qu’il y aurait – et qu’il y<br />
a encore – beaucoup à apprendre.<br />
Outre un employé à temps plein, au poste de<br />
coordonnateur, le SCSC compte parmi ses<br />
membres de nombreux bénévoles, dont des<br />
représentants de divers organismes du sud-est<br />
de la Saskatchewan (des organismes gouverne -<br />
mentaux, des établissements d’enseignement,<br />
des organismes sans but lucratif et une entreprise<br />
privée qui emploie des immigrants). Des<br />
personnes ayant elles-mêmes immigré de pays<br />
étrangers figurent aussi parmi les membres du<br />
SCSC. Enfin, cinq comités locaux relèvent du<br />
SCSC (les comités d’Estevan, de Weyburn,<br />
d’Oxbow, de Kipling/Moose Mountain et<br />
d’Ogema); ceux-ci se réunissent régulièrement<br />
pour déterminer quels sont les besoins des<br />
immigrants locaux et quels sont les meilleurs<br />
façons d’y répondre.<br />
Le SCSC compte fortement sur le soutien de<br />
bénévoles ayant la capacité d’offrir aux<br />
nouveaux arrivants une aide immédiate et à long<br />
terme. En ce qui a trait aux besoins immédiats,<br />
dès leur arrivée dans la région, les nouveaux<br />
arrivants doivent régler de très nombreux<br />
détails, par exemple trouver un logement, faire<br />
brancher l’électricité et le téléphone, ouvrir un<br />
compte bancaire et inscrire leurs enfants à<br />
l’école. Les bénévoles pouvant se libérer pendant<br />
les heures normales de travail peuvent procurer<br />
aux nouveaux arrivants une aide inestimable,<br />
puisque généralement, ils savent à qui s’adresser<br />
et comment procéder pour effectuer les tâches<br />
nécessaires. La participation de retraités, de<br />
travailleurs de quarts et d’autres personnes ayant<br />
Nos diverses cités 203
À quoi sert-il d’investir du temps et de l’énergie dans l’élaboration<br />
de stratégies et de mesures, si celles-ci ont déjà été mises au point<br />
et appliquées ailleurs ? S’il est possible de tirer des leçons de<br />
l’expérience des autres, nous devons le faire.<br />
204 Nos diverses cités<br />
du temps libre pendant les heures ouvrables est<br />
tout particulièrement appréciée; ces personnes<br />
peuvent faire partie d’un bassin de bénévoles<br />
capables d’offrir aux nouveaux arrivants un<br />
soutien immédiat et de relativement courte durée<br />
(habituellement d’un ou de deux jours).<br />
Parallèlement au travail des bénévoles, des<br />
organisations locales d’établissement travaillent à<br />
l’élaboration de trousses de bienvenue offrant<br />
aux nouveaux arrivants des sources de rensei -<br />
gnements et des ressources essentielles à leur<br />
établissement dans leur nouvelle collectivité. Ces<br />
trousses de bienvenue peuvent inclure différents<br />
formulaires de demande (p. ex., pour la carte<br />
provinciale d’assurance-maladie), des cartes de la<br />
ville et de la région, et des renseignements sur les<br />
bureaux, les entreprises, les banques, les écoles et<br />
autres lieux importants. Un élément important de<br />
la trousse de bienvenue, tant pour les nouveaux<br />
arrivants que pour les bénévoles avec lesquels ils<br />
sont jumelés, serait une liste de contrôle des<br />
tâches à effectuer à l’arrivée (p. ex., ouvrir un<br />
compte bancaire) et des endroits où se rendre pour<br />
effectuer ces tâches.<br />
Le SCSC s’efforce aussi de sensibiliser tant les<br />
nouveaux arrivants que les citoyens canadiens<br />
aux différentes cultures et d’encourager les gens<br />
à apprécier la diversité culturelle. L’un des efforts<br />
déployés à cet égard fut l’organisation, de<br />
concert avec l’Estevan Comprehensive School,<br />
d’une « exposition culturelle » le 21 novembre<br />
2008. Celle-ci comportait des spectacles de<br />
différentes cultures, des échantillons d’aliments<br />
de différentes régions du monde et des<br />
présentoirs où les visiteurs pouvaient apprendre<br />
des faits culturels intéressants. Cette exposition a<br />
offert aux gens de toutes origines l’occasion de<br />
mieux connaître et d’apprécier les différentes<br />
cultures qui coexistent dans le sud-est de la<br />
Saskatchewan, tant celles établies de longue date<br />
que celles les plus récentes.<br />
Un autre service qu’offre le SCSC est<br />
d’aiguiller sa clientèle vers les organisations<br />
gouverne mentales appropriées. Il arrive assez<br />
souvent que des personnes qui prévoient<br />
immigrer dans la région, des nouveaux arrivants<br />
et des employeurs d’immigrants téléphonent au<br />
SCSC pour obtenir des renseignements. À ces<br />
occasions, le coordonnateur doit adresser le<br />
demandeur au ministère fédéral ou provincial<br />
qui pourra lui fournir les renseignements voulus.<br />
Il s’agit d’un service important, car de plus en<br />
plus de personnes viennent s’établir dans le sudest<br />
de la Saskatchewan et tout semble indiquer<br />
que cette tendance se maintiendra.<br />
Une nouvelle vague d’immigration,<br />
et ses nouveaux défis<br />
Les provinces des Prairies ont vécu à une certaine<br />
époque l’immigration à grande échelle, lorsque de<br />
forts contingents d’immigrants européens sont<br />
venus y cultiver les terres. Mais une fois les terres<br />
agricoles occupées, les courants d’immigration<br />
ont progressivement ralenti. Or, l’industrie<br />
pétrolière est présentement en pleine expansion<br />
dans la région. On a constaté ces dernières<br />
années que le champ pétrolifère Bakken, qui<br />
s’étend dans le Manitoba, le North Dakota et le<br />
Montana, contenait des quantités beaucoup plus<br />
grandes de pétrole récupérable qu’on ne<br />
le croyait 1 . Avec la croissance de la demande<br />
mondiale et les progrès technologiques qui<br />
facilitent l’extraction du pétrole, l’économie de la<br />
région a pris son essor et, parallèlement, le besoin<br />
de main-d’œuvre a augmenté en flèche. À une<br />
époque où l’économie mondiale dans son<br />
ensemble est en crise, la demande pour des<br />
travailleurs dans le sud-est de la Saskatchewan<br />
demeure bien supérieure à l’offre. Le bassin<br />
de main-d’œuvre locale étant insuffisant, les<br />
employeurs se tournent de plus en plus vers les<br />
autres pays pour combler leurs besoins.<br />
C’est ainsi que, depuis quelques années,<br />
nombre d’immigrants originaires de pays comme<br />
l’Allemagne, l’Ukraine, la Roumanie et les<br />
Philippines, pour ne nommer que ceux-là parmi<br />
les principaux pays sources de main-d’œuvre<br />
étrangère, se sont établis dans le sud-est de la<br />
Saskatchewan. D’après le nombre de personnes<br />
1 Pour plus de renseignements, voir le communiqué à l’adresse<br />
.
venues s’établir, tout semble indiquer que les<br />
efforts pour attirer les immigrants ont été<br />
couronnés de succès, et c’est tant mieux. Cela dit,<br />
le processus d’immigration et d’établissement<br />
comporte plusieurs enjeux dont les collectivités<br />
d’accueil doivent tenir compte.<br />
Tout d’abord, nous avons la responsabilité de<br />
traiter les nouveaux arrivants de la meilleure<br />
façon possible et de répondre dans la mesure du<br />
possible à leurs besoins. Il s’agit d’une question<br />
fondamentale de respect des droits de la<br />
personne et de dignité humaine dont nous ne<br />
pouvons faire abstraction. Les gens qui viennent<br />
ici font des sacrifices, prennent des risques et<br />
surmontent des obstacles parfois énormes. Il<br />
convient donc que les collectivités qui invitent<br />
ces gens soient aussi accueillantes que possible.<br />
En deuxième lieu, avec l’établissement de nou -<br />
veaux arrivants dans nos collectivités viennent<br />
des possibilités d’enrichissement culturel mutuel.<br />
Pour les nouveaux arrivants, c’est l’occasion<br />
d’améliorer leurs compétences en anglais, qui<br />
n’est pas la langue première de la majorité d’entre<br />
eux, mais s’est aussi l’occasion de découvrir la très<br />
grande diversité de la culture canadienne – une<br />
culture enrichie par les cultures des Premières<br />
nations et celles de peuples du monde entier. Nous<br />
profitons également de la présence des nouveaux<br />
arrivants dans notre collectivité et, au contact<br />
de leurs cultures, la nôtre devient encore plus<br />
riche et diversifiée.<br />
En troisième lieu, il est important de se<br />
renseigner sur les efforts déjà consentis au <strong>Canada</strong><br />
pour faciliter l’intégration des nouveaux arrivants<br />
et répondre à leurs besoins. À quoi sert-il d’in -<br />
vestir du temps et de l’énergie dans l’élaboration<br />
de stratégies et de mesures, si celles-ci ont déjà été<br />
mises au point et appliquées ailleurs ? S’il est<br />
possible de tirer des leçons de l’expérience des<br />
autres, nous devons le faire. Dans la majorité des<br />
cas, peut-être, les stratégies et mesures existantes<br />
auront été créées pour les grands centres urbains;<br />
ce qui va de soi dans la mesure où c’est là où la<br />
plupart des immigrants se sont établis au fil des<br />
ans. S’il est vrai que nous observons dans le sudest<br />
de la Saskatchewan un taux d’immigration<br />
jamais vu du vivant de la majorité des résidants,<br />
d’autres régions ont une expérience de longue<br />
date avec l’immigration à grande échelle. Il va<br />
donc de soi qu’une région rurale comme celle-ci<br />
puisse retirer un savoir considérable de l’expé -<br />
rience des grandes villes.<br />
Quatrièmement, malgré les leçons que nous<br />
pouvons et devons tirer d’autres régions du<br />
<strong>Canada</strong>, le sud-est de la Saskatchewan est une<br />
région plutôt particulière, ce qui peut représenter<br />
un avantage et un inconvénient dans nos efforts<br />
pour aider les nouveaux arrivants avec leur<br />
établissement et les inciter à demeurer ici. Pour<br />
ce qui est des avantages, le fait de s’établir dans<br />
une petite collectivité peut être une expérience<br />
positive pour bon nombre de nouveaux arrivants<br />
(les deux plus grandes villes de la région ont des<br />
populations d’entre 9 000 et 12 000 habitants). Si<br />
l’on tient compte des nombreuses tâches à<br />
effectuer dès l’arrivée dans un nouveau pays, les<br />
avantages de vivre dans une petite collectivité<br />
sont clairs. Entre autres, les nouveaux arrivants<br />
doivent trouver un logement et le meubler, faire<br />
brancher l’électricité et le téléphone, présenter<br />
une demande de carte d’assurance-maladie,<br />
trouver un médecin de famille, obtenir leur permis<br />
de conduire, acheter et assurer un véhicule et en<br />
faire faire l’inspection, trouver une épicerie, etc.<br />
Toutes ces tâches prennent beaucoup de temps<br />
et d’énergie, comme pourront en témoigner la<br />
plupart des gens qui ont un jour déménagé à<br />
l’étranger. Peu importe l’endroit où l’on va<br />
s’établir, la liste des choses à faire est très longue.<br />
Dans les petites collectivités de la Saskatchewan,<br />
par contre, on peut venir à bout de ces tâches<br />
dans un délai relativement court, quand aller<br />
d’un endroit à l’autre signifie la plupart du temps<br />
de ne marcher que quelques rues. Dans une<br />
petite ville, on peut apprendre à se débrouiller en<br />
assez peu de temps, facteur non négligeable pour<br />
les nouveaux arrivants. En outre, le mode de vie<br />
dans les petites villes, même s’il ne plaît pas à<br />
tous, a de quoi intéresser plusieurs. Le rythme<br />
de vie tranquille, le fait de ne pas avoir à<br />
effectuer de longues navettes, l’absence de<br />
congestion urbaine, la possibilité d’apprendre à<br />
bien connaître ses voisins sont tous des aspects<br />
pouvant plaire aux nouveaux arrivants ainsi<br />
qu’aux autres.<br />
Toutefois, outre les avantages des petites<br />
collectivités, les nouveaux arrivants font face à<br />
certains inconvénients quand ils s’établissent en<br />
milieu rural en Saskatchewan. Notamment, si<br />
certains aiment bien vivre dans une petite ville,<br />
plusieurs préfèrent les grandes villes. Dans un<br />
monde où de nombreux pays ont des populations<br />
fortement urbanisées, la vie dans une petite ville<br />
pourrait très bien être une source additionnelle<br />
de stress pour un grand nombre de nouveaux<br />
arrivants. De fait, pour certains, le fait de devoir<br />
s’adapter à la vie rurale pourrait exacerber le choc<br />
culturel résultant du passage d’un pays à un autre.<br />
Nos diverses cités 205
206 Nos diverses cités<br />
Ce dernier point nous amène à un autre<br />
inconvénient possible des régions rurales. Comme<br />
le soulignait récemment le coprésident du SCSC,<br />
les gens qui viennent dans la région ne trouvent<br />
pas nécessairement beaucoup d’autres personnes<br />
ayant les mêmes antécédents culturels et parlant<br />
la même langue qu’eux. Le fait de ne pas pouvoir<br />
créer de liens avec des groupes auxquels ils<br />
peuvent s’identifier peut, en théorie, aggraver le<br />
choc culturel. On peut supposer que la présence de<br />
gens partageant leur culture et leur langue est<br />
utile et réconfortant pour les nouveaux arrivants.<br />
Or, une telle présence est rare dans la région. En<br />
l’absence d’une grande communauté ethnique et<br />
d’un réseau de soutien bien établis (comme on<br />
en trouverait dans un grand centre urbain) les<br />
nouveaux arrivants dans des régions comme le<br />
sud-est de la Saskatchewan devront sans doute<br />
compter sur l’aide de personnes ayant des origines<br />
culturelles et linguistiques complè tement diffé -<br />
rentes des leurs. Il est à noter toutefois que ces<br />
interactions entre les nouveaux arrivants et les<br />
membres des collectivités d’accueil peuvent<br />
stimuler le processus d’intégration qui, dans<br />
le contexte canadien, est considéré comme<br />
« une voie à deux sens ». Ainsi, il semble<br />
parti culièrement important que les nouveaux<br />
arrivants et les citoyens canadiens établis<br />
consentent d’impor tants efforts pour devenir des<br />
commu nicateurs interculturels efficaces.<br />
Tandis que de plus en plus d’immigrants<br />
s’établissent dans le sud-est de la Saskatchewan,<br />
nos collectivités devront travailler fort pour que<br />
ces nouveaux arrivants se sentent le plus à l’aise<br />
possible. Ce faisant, il faudra être réceptifs aux<br />
points de vue des autres cultures et aux pratiques<br />
des autres communautés, tout en demeurant<br />
conscients de cette mise en garde : nos<br />
collectivités ne sont pas identiques aux autres<br />
communautés. Nous espérons réussir à tirer parti<br />
de nos avantages tout en faisant de notre mieux,<br />
malgré nos limites, pour prendre les décisions<br />
qui profiteront le plus à tous.<br />
À propos de l’auteur<br />
JEFF PASSLER est coordonnateur de l’immigration et de<br />
l’établissement au Southeast Community Settlement<br />
Committee. Ayant vécu dans plusieurs collectivités de<br />
l’Asie et des Prairies, dont la population pouvait varier<br />
entre 3 000 à 11 millions d’habitants, il a acquis une<br />
expérience considérable à passer d’une culture à l’autre,<br />
et du milieu rural au milieu urbain et inversement.
Juin 2008<br />
Queen’s Policy Studies Series – School of Policy Studies<br />
ISBN 978-1-55339-216-3 39,95 $ (couverture souple)<br />
ISBN 978-1-55339-217-0 85,00 $ (couverture rigide)<br />
280 p., 15 cm x 23 cm<br />
Dirigé par John Biles, Meyer Burstein et James Frideres<br />
Ce volume comporte deux parties. La première porte sur l’intégration<br />
sociale, culturelle, économique et politique des nouveaux arrivants<br />
et des minorités dans la société canadienne. Les chapitres de cette<br />
partie jettent la lumière sur les responsabilités tant des institutions<br />
canadiennes que des nouveaux arrivants de veiller à la réussite de<br />
l’intégration « à double sens ». Dans chacun de ces chapitres, les<br />
auteurs passent en revue la documentation actuelle sur cette<br />
question puis en tirent des indicateurs pratiques pour mesurer<br />
le succès relatif de part et d’autre de cette voie à double sens.<br />
Les auteurs formulent des recommandations concrètes et<br />
tangibles pour mettre en place des mesures d’évaluation du<br />
degré d’intégration des nouveaux arrivants dans la société<br />
canadienne. La seconde partie du volume explore le<br />
contexte dans lequel s’inscrivent diverses formes<br />
d’intégration et brossent un tableau des efforts déployés<br />
en matière d’intégration. Ces collaborations proposent<br />
de vastes survols de la question de l’intégration.<br />
En collaboration avec :<br />
Collaborateurs : Christopher G. Anderson, Université McGill; Chedly Belkodja, Université de Moncton; John Biles,<br />
Citoyenneté et Immigration <strong>Canada</strong>, projet <strong>Metropolis</strong>; Jerome H. Black, Université McGill; Meyer Burstein, expertconseil;<br />
Hélène Destrempes, Université de Moncton; John Foote, Direction générale des politiques stratégiques et de<br />
la recherche, Patrimoine canadien; James Frideres, University of Calgary; M. Sharon Jeannotte, Centre d’études en<br />
gouvernance, Université d’Ottawa; Jack Jedwab, Association d’études canadiennes; Minelle Mahtani, University of<br />
Toronto; Patricia Rimok, Conseil des relations interculturelles, gouvernement du Québec; Ralph Rouzier, Conseil des<br />
relations interculturelles, gouvernement du Québec; Marjorie Stone, Dalhousie University; Arthur Sweetman, Queen’s<br />
University; Casey Warman, Queen’s University.<br />
En vente en librairie ou depuis le site <br />
Nos diverses cités 207
208 Nos diverses cités<br />
À paraître dans la série<br />
Dirigé par Paul Bramadat (directeur, Centre for Studies in Religion and Society, University of Victoria)<br />
et Matthias Koenig (département de sociologie, Université de Göttingen)<br />
Janvier 2009<br />
Queen’s Policy Studies Series – School of Policy Studies<br />
ISBN 978-1-55339-216-3 39,95 $ (couverture souple)<br />
ISBN 978-1-55339-217-0 85,00 $ (couverture rigide)<br />
280 p., 15 cm x 23 cm<br />
Ce volume est le numéro inaugural d’une nouvelle série intitulée « Migration and<br />
Diversity : Comparative Issues and International Comparisons », publiée dans le<br />
cadre d’un partenariat entre le projet <strong>Metropolis</strong> et la School of Policy Studies<br />
de la Queen’s University. Chaque numéro, élaboré à l’occasion des conférences<br />
internationales <strong>Metropolis</strong> annuelles et publié à McGill-Queen’s University Press,<br />
s’inscrit dans la Queen’s Policy Studies Series. Les directeurs de la série, James<br />
Frideres (University of Calgary) et Paul Spoonley (Massey University) travaillent<br />
en collaboration avec les directeurs de chaque numéro pour veiller à ce que<br />
chacun aborde tant la recherche que la politique.<br />
Ce numéro explore les différentes façons dont les États occidentaux abordent la<br />
diversité religieuse, sur les plans social et politique. Les auteurs mettent l’accent<br />
sur l’évolution des initiatives politiques, juridiques et sociales prises face à la<br />
diversité religieuse, qui prend de plus en plus d’ampleur, en raison notamment<br />
de nouveaux courants de migration internationale et de la visibilité accrue de<br />
certaines minorités religieuses dans le monde occidental.<br />
La première section porte sur les débats théoriques contemporains sur la<br />
gouvernance de la diversité religieuse dans les pays qui accueillent des<br />
immigrants. La deuxième section présente des analyses originales et<br />
approfondies de certains contextes nationaux afin de dégager les forces<br />
sociales à l’œuvre dans la gouvernance de la diversité religieuse.<br />
La troisième partie propose un angle comparatif des études de cas<br />
nationales par l’entremise d’un examen des cadres normatifs de<br />
formulation des politiques et d’une analyse des incidences que peuvent avoir<br />
les événements mondiaux sur le débat public international quant au lien entre la<br />
diversité religieuse et la migration.<br />
En collaboration avec :<br />
Collaborateurs : Veit Bader, University of Amsterdam, Paul Bramadat, University of Victoria, Desmond Cahill, Royal Melbourne<br />
Institute of Technology, José Casanova, Georgetown University, Jocelyne Césari, CNRS, France & Harvard University, Mark<br />
Juergensmeyer, Universityt of California, Santa Barbara, Matthias Koenig, University of Göttingen, Will Kymlicka, Queen’s<br />
University, Peggy Levitt, Wellesley College, Micheline Milot, Université du Québec à Montréal, Julia Mourāo, Permoser,<br />
University of Vienna, Joanna Pfaff-Czarnecka, University of Bielefeld, Sieglinde Rosenberger, University of Vienna, Paul Weller,<br />
University of Derby.<br />
En vente en librairie ou depuis le site
MIGRATION ET MOBILITÉ<br />
14<br />
Copenhague, 14 – 18 septembre 2009<br />
e CONFÉRENCE INTERNATIONALE METROPOLIS<br />
MESURES NATIONALES RELATIVES<br />
À LA DIVERSITÉ CULTURELLE<br />
Copenhague – Danemark