[tel-00462108, v1] L'exil de Jan ?ep : contribution à l ... - HAL-Inria

tel-00462108, version 1 - 8 Mar 2010 

UNIVERSITE PARIS XII - VAL DE MARNE 

Ecole Doctorale Lettres 

UNIVERSITE PALACKY OLOMOUC 

Département des études romanes 

THESE 

en co-tutelle 

Pour l’obtention du grade de 

DOCTEUR DE L’UNIVERSITE PARIS XII-VAL DE MARNE 

Discipline : Littérature comparée 

EA 3483 

présentée et soutenue publiquement 

par 

M. Jan ZATLOUKAL 

L’EXIL DE JAN ČEP. 

Contribution à l’histoire de la littérature tchèque moderne. 

Directeurs de thèse : 

M. Francis CLAUDON 

M. Jiří ŠRÁMEK 

Jury : 

M. Francis CLAUDON (Université Paris XII, Val de Marne) 

M. Bernard MICHEL (Université Paris I, Panthéon-Sorbonne) 

M. Petr KYLOUŠEK (Université Masaryk, Brno) 

Mme Renáta LISTÍKOVÁ (Université Charles, Praha) 

M. Jiří ŠRÁMEK (Université Palacký, Olomouc)


REMERCIEMENTS 

Je voudrais remercier MM. Francis Claudon et Jiří Šrámek, directeurs de ma 

thèse, pour ce qu’ils ont persévéré à soutenir mon projet et m’ont encouragé tout au 

long de mes études doctorales à le mener à bien. 

J’exprime ma reconnaissance également au Service de coopération linguistique et 

éducative de l’Institut Français de Prague qui, en m’attribuant la bourse du 

Gouvernement français, m’a incité à commencer mes études de DEA en France, ainsi 

qu’à l’Ecole Doctorale de l’Université Paris XII-Val de Marne qui m’a permis de 

continuer les études doctorales avec le soutien d’une allocation de recherche. 

Enfin que soient vivement remerciés Mme Cécile Paděra, M. et Mme Stéphane 

Gailly, qui ont eu l’amabilité de me relire et qui furent aussi les premiers critiques de 

mon travail. 

2


TABLE DES MATIERES 

INTRODUCTION ……………………………………………………………………. 7 

Jan Čep – notice biographique ……………………………………………………...… 13 

BIOGRAPHIE ET VIE LITTERAIRE ………………………………………….… 17 

I. L’émigration de Jan Čep ……………………………………………………….… 18 

I.1. L’émigration tchèque au XX e siècle ……………………………………………… 18 

I.2. Les causes et les circonstances de l’émigration de Jan Čep ……………………… 21 

I.3. Le portrait de l’émigré Jan Čep ………………………………………………...… 27 

I.3.1. L’aspect matériel …………………………………………………………..…… 28 

I.3.2 L’aspect psychique et psychologique ………………………………………...…. 33 

I.3.3 L’aspect social ……………………………………………………………...…… 38 

II. La réception de Jan Čep en France et la tentative de son effacement en 

Tchécoslovaquie …………………………………………………………………...… 46 

II.1. La réception « française » avant 1948 ………………………………………...… 48 

II.2. La réception en France après 1948 ……………………………………………… 55 

II.2.1. La réception immédiate …………………………………………………...…… 58 

II.2.2. La réception posthume (Nécrologies consacrées à Jan Čep dans la presse 

francophone) ………………………………………………………………………….. 62 

II.3. L’effort d’effacement de Jan Čep de la littérature tchèque sous la dictature 

communiste (1948-1989) …………………..…….…………………………………… 64 

III. Activités et engagement de Jan Čep en exil …………………………………… 69 

III.1. Activités visant la population du pays d’adoption …………………..….……… 71 

III.1.1. Rendre témoignage ………………………………………………………...…. 71 

III.1.1.1. « Réflexions d’un émigré » ………………………………………………… 72 

III.1.1.2. La situation du catholicisme dans la Tchécoslovaquie communiste ……….. 75 

III.1.1.3. Le sort des écrivains tchécoslovaques : le « cas Halas », Zahradníček et autres 

……………………………………………………………………………………….... 79 

III.1.2. Bâtir les ponts ………………………………………………………………… 85 

3


III.1.2.1. L’Amitié franco-tchécoslovaque …………………………………………… 86 

III.1.2.2. Le Comité d’études culturelles franco-tchécoslovaques …………………… 87 

III.2. Participation de Jan Čep à la vie des structures de l’émigration tchèque …….… 90 

III.2.1. Episodes politiques ………………………………………………………….... 91 

III.2.2. Participation à la vie culturelle et littéraire de l’exil tchèque ……………....… 95 

III.2.2.1. Périodiques et anthologies ……………………………………………..…… 96 

III.2.2.2. Maisons d’édition ……………………………………………………...….. 100 

III.2.2.3. Autres activités………………………………………………………..…… 104 

III.2.3. Jan Čep à Radio Free Europe ……………………….……………….……… 104 

ŒUVRE LITTERAIRE ………………………………………………………...…. 115 

IV. Récits d’exil …………………………………………………………….………. 116 

IV.1. Les récits d’Occupation et de Libération ……………………………………… 118 

IV.1.1. Présentation générale …………………………………………………...…… 118 

IV.1.2. Représentation de la guerre et ambiguïté de la Libération ………………….. 122 

IV.1.3. Les motifs de l’exclusion et de l’étrangeté ……………………………..…… 128 

IV.1.4. L’aspect religieux …………………………………………………………… 133 

IV.1.4.1. Le cadre spatio-temporel ……………………………………………..…… 134 

IV.1.4.2. Le personnage du prêtre ……………………………………………….….. 137 

IV.1.4.3. La souffrance et la mort : sens chrétien ………………………………..….. 140 

IV.1.4.4. Allusions et intertextualité ………………………………………………… 142 

IV.2. Les récits d’exil ……………………………………………………………….. 144 

IV.2.1. Présentation générale ……………………………………………………..…. 144 

IV.2.2. Le présage de l’exil dans l’œuvre d’avant l’émigration de Jan Čep ………... 147 

IV.2.3. Les facettes de l’exil ………………………………………………………… 149 

IV.2.3.1. Le fardeau lourd à porter et la mission à entreprendre ………….………… 150 

IV.2.3.2. La langue aliénée et la communication impossible ……………………….. 152 

IV.2.3.3. Triangle d’exil : solitude-étrangeté-errance ………………………….…… 155 

IV.2.3.4. L’espace de l’exil : labyrinthe, île ……………………………………...…. 157 

IV.2.4. L’issue du labyrinthe de l’exil : interpénétration du « double chez soi » …… 158 

IV.3. Le dernier cri de Čep-prosateur : Tři pocestní (Les Trois Passants) …………. 163 

IV.3.1. Présentation générale ………………………………………………………... 163 

IV.3.2. Nouvelle à clé ? Nouvelle cryptée ? ………………………………………… 164 

4


IV.3.3. Narration et stratégies narratives dans Les Trois Passants ……………….… 166 

IV.3.3.1. Le narrateur et ses manifestations dans le texte …………………...……… 167 

IV.3.3.2. Dissimulation des noms propres : Jeu de cache-cache ……………………. 171 

IV.3.4. L’errance nocturne comme symbole du « double chez soi » ……………….. 173 

IV.3.5. Epilogue auctoriale ………………………………………………………….. 175 

V. Œuvre produite pour Radio Free Europe ………………………………..…… 177 

V.1. Méditations temporelles et intemporelles ……………………………………… 177 

V.1.1. Présentation générale ……………………………………………………..….. 177 

V.1.2. Problème de définition générique ……………………………………………. 181 

V.1.3. Les enjeux centraux de l’essayiste Čep ……………………………………… 186 

V.1.3.1. Réfutation du régime communiste ……………………………………….… 187 

V.1.3.2. Méditation sur la condition humaine : humanisme chrétien de Jan Čep …... 195 

V.1.3.3. Intersubjectivité : entre solitude et communauté …………….……....…….. 206 

V.1.3.4. Temps, mémoire, histoire …………………………………………..……… 213 

V.1.3.5. Au carrefour de l’histoire ………………………………………………..…. 218 

V.2. Livre de la semaine …………………………………………………………..… 224 

V.2.1. Présentation générale ……………………………………………………….... 225 

V.2.2. Tableau du Livre de la semaine et commentaire à propos du choix des auteurs 

……………………………………………………………………………………..… 228 

V.2.3. Aperçu thématique et générique du Livre de la semaine ………………….…. 244 

V.2.4. Remarque sur la forme du Livre de la semaine …………………………….... 252 

V.2.4.1. Les contraintes du « compte rendu parlé » ……………………………….... 253 

V.2.4.2. La structure du Livre de la semaine ………………………………………... 255 

V.2.5. Le rôle de la traduction ………………………………………………….…… 258 

V.2.6. Jan Čep face aux tendances modernistes de la littérature française d’après-guerre 

…………………………..…………………………………………………………… 258 

VI. Ma Sœur l’angoisse – œuvre posthume ………………………………….…… 266 

VI.1. Enjeux textuels, génétiques, éditoriaux ……………………………………..… 267 

VI.1.1. La genèse de Ma Sœur l’angoisse ……………………………...…………… 267 

VI.1.2. Les problèmes de l’édition ……………………………………………..…… 275 

VI.2. Analyses et interprétations littéraires ………………………………………..... 282 

VI.2.1. Résumé de Ma Sœur l’angoisse …………………………………………...... 282 

5


VI.2.2. « Introduction » …………………………………………………………...… 286 

VI.2.3. Autobiographie ou confession ? …………………………………………..… 291 

VI.2.4. Angoisse, ma sœur ! ………………………………………………………… 295 

VI.2.4.1. Origine de l’angoisse – mysterium mortis …………………..………….… 296 

VI.2.4.2. Angoisse et étonnement – mysterium mundi …………………………..…. 299 

VI.2.5. Histoire d’une âme – itinéraire spirituel de Jan Čep ……..…………….….... 300 

VI.2.5.1. Foi d’enfance – centrum securitatis, paradis terrestre …………………..… 301 

VI.2.5.2. Crise …………………………………………………………………….…. 306 

VI.2.5.3. Conversion ……………………………………………………………….... 311 

VI.2.5.4. Entre angoisse et confiance ………………………………………..……… 318 

VII. L’écrivain exilé et sa langue ………………………………………………..… 321 

VII.1. Déracinement linguistique de Jan Čep ……………………………………..… 322 

VII.1.1. Situation linguistique de Jan Čep avant l’émigration …………………...…. 322 

VII.1.2. L’effet de l’exil sur la compétence linguistique de Čep ………………….... 323 

VII.1.3. Réflexion de l’émigré Čep sur la langue d’expression …………………..… 326 

VII.2. Le français littéraire de Jan Čep : entre monotonie et platitude et « langue des 

anges » …………………………………………………………………………….… 328 

VII.3. L’enjeu de la traduction (française) de l’œuvre de Jan Čep ………………..… 332 

VII.3.1. Exemple de la traduction de La Frontière de l’ombre …………………...… 335 

VII.3.1.1. Regard sur l’ensemble du texte : amputations anodines et déformantes … 336 

VII.3.1.2. Analyse du chapitre 11 ……………………...………………………….… 343 

CONCLUSION …………………………………………………………………..… 350 

ANNEXES ………………………………………………………………………..… 357 

BIBLIOGRAPHIE ………………………………………………………………… 428 

INDEX DES NOMS ………………………………………….…………………..… 453 

6


INTRODUCTION 

Le bouleversement survenu avec la chute du bloc communiste, qui se produisit dans 

les pays de l’Europe centrale et de l’Est à la fin des années 1980, opéra des 

transformations fondamentales à tous les niveaux de leurs sociétés : politique, 

économique et social, culturel et intellectuel. 

A la suite de la « Révolution de velours » en Tchécoslovaquie, le retour à la 

démocratie et aux valeurs comme la liberté de parole, de culte et de réunion, eurent des 

conséquences considérables dans le domaine de la culture et de la littérature en 

particulier. L’arrivée de la liberté mit un terme à la séparation entre la littérature 

officielle et la non-officielle. De même, la division en trois courants (littérature 

officiellement publiée, samizdat et littérature d’exil) se vit rapidement effacée. La 

surveillance d’Etat sur la culture disparut, les écrivains ne furent plus menacés de 

prison, par des mesures de censure et des pressions idéologiques. La littérature put se 

développer dorénavant indépendamment, elle reprit son cours naturel, se diversifia, 

devint pluraliste, se ramifiant en tendances et courants différents. 

Cette reconquête de la liberté permit peu à peu la rectification de l’histoire littéraire 

systématiquement déformée pendant les quarante années du régime communiste. Dans 

un nouvel esprit d’ouverture, le public et les amateurs de littérature redécouvraient, 

parmi bien d’autres, l’œuvre de Jan Čep. Au tout début des années 1990 foisonnent des 

articles, souvent truffés d’erreurs et d’imprécisions, voire de préjugés, tâchant de 

présenter une partie de la culture longtemps tabouisée. Cet encombrement n’a d’autre 

valeur que de réinsérer tant bien que mal les noms oubliés dans la conscience collective 

de la société. 

Un mérite de premier ordre : par les soins des critiques et éditeurs Bedřich Fučík et 

Mojmír Trávníček, l’œuvre « complète » de Čep, répartie en six volumes, contenant 

l’ensemble des ouvrages parus avant l’émigration ainsi que les livres publiés en exil, vit 

le jour entre 1991 et 1999 1 . Peu à peu les lecteurs eurent aussi la chance de découvrir 

des documents précieux, notamment plusieurs ensembles de la correspondance de Čep 

1 Sebrané spisy Jana Čepa (Œuvres complètes de Jan Čep) : I) Dvojí domov (Le Double chez soi), Praha, 

Vyšehrad, 1991 ; II) Hranice stínu (La Frontière de l’ombre), Brno, Proglas, 1996 ; III) Polní tráva 

(L’Herbe des champs), Praha, Vyšehrad – Proglas, 1999 ; IV) Rozptýlené paprsky (Les Rayons 

dispersés), Praha, Vyšehrad, 1993 ; V) Samomluvy a rozhovory (Soliloques et dialogues), Praha, 

Vyšehrad – Proglas, 1997 ; VI) Poutník na zemi (Un Pèlerin sur la terre), Brno, Proglas – Vyšehrad, 1998. 

7


avec ses amis tchèques (Jan Zahradníček, F. X. Šalda, Josef Florian, Jaroslav Vašica, 

Věra Procházková) 2 ou bien des échantillons de sa création juvénile publiés sous un 

pseudonyme 3 . La croissance de l’intérêt pour l’écrivain se manifesta également par 

l’organisation du « Colloque sur l’œuvre de Jan Čep », à Olomouc en 1998 4 . En 2002, 

deux expositions à Prague ont commémoré le centenaire de la naissance de Jan Čep, 

l’une consacrée à sa vie avant l’émigration, l’autre à son exil 5 . 

Depuis la deuxième moitié des années 1990 apparaissent de nouvelles approches, 

plus développées, s’inspirant du spectre varié des méthodes utilisées dans les disciplines 

littéraires. Plusieurs monographies voient le jour : parmi elles, la plus précieuse sans 

aucun doute est celle de M. Trávníček, qui porte le titre significatif Pouť a vyhnanství 

(Pèlerinage et exil), et dresse l’itinéraire détaillé de la vie de l’écrivain. D’autres 

chercheurs se proposent d’analyser certains des leitmotives de l’œuvre čepienne (surtout 

le motif de la mort dans les études de Iva Štrychová et Jan Zámečník). D’autres encore 

ouvrent de nouvelles pistes en rapprochant l’œuvre de Čep de l’existentialisme (Jaroslav 

Med, Vladimír Papoušek) ou en cherchant au niveau structural ses liens avec 

l’architexte chrétien (Pavel Šidák) 6 . Notre propre travail a, lui aussi, l’ambition de 

prolonger et d’approfondir la connaissance de l’œuvre de Čep. 

2 

M. Trávníček (éd.), Jan Čep – Jan Zahradníček. Korespondence (Jan Čep-Jan Zahradníček. 

Correspondance), 2 tomes, Praha, Aula, 1995, 2000 ; M. Podivínský (éd.), « Vzájemná korespondence F. 

X. Šaldy a Jana Čepa », Česká literatura, n° 6, 1996, p. 607-620 ; M. Trávníček (éd.), « Z dopisů Jana 

Čepa Josefu Florianovi », Prostor, novembre-décembre 1996, p. 24-27 ; L. Pavera (éd.), « Váš J.Č. 

(Korespondence Jana Čepa s Josefem Vašicou) », in : Literární věda osudem i volbou (K 70. narozeninám 

Jiřího Svobody). Sborník prací filozofické fakulty ostravské univerzity, Ostrava, Acta facultatis 

philosophicae universitatis ostraviensis, n° 4, 193/2000, p. 83-101 ; J. Čep, Před námi tma a mráz 

(Dopisy z let 1942-1945) (Devant Nous la nuit et le gel (Lettres des années 1942-1945)), Praha, Torst, 

2004. 

Dans cette lignée de recherche se rangerait également notre propre travail – mémoire de DEA : L’édition 

critique d’un choix de lettres de Jan Čep à Henri Pourrat, préparé sous la direction de M. Francis 

Claudon et soutenu en 2004 à l’Université Paris XII-Val de Marne. 

3 

Zmrzlá srdce (Les Cœurs glacés), Praha, PNP, 2002 ; et tout récemment Dojmy z Anglie (Impessions 

d’Angleterre), Šternberg, Sternberg, 2007. 

4 

Konference o díle Jana Čepa (Colloque sur l’œuvre de Jan Čep), Olomouc, Danal, 1999. 

5 

Dvojí domov. Básnický svět Jana Čepa et Jan Čep překladatel. Jan Čep v exilu ont eu lieu entre 

le 4 décembre 2002 et le 30 janvier 2003 respectiviment à Památník národního písemnictví et à 

Klementinum. 

6 

M. Trávníček, Pouť a vyhnanství (Pèlerinage et exil), Brno, Proglas, 1996 ; I. Štrychová, Motiv smrti v 

prozaickém díle Jana Čepa (Motif de la mort dans l’œuvre de Jan Čep), Svitavy, Trinitas, 1994 ; 

J. Zámečník, Smrt v díle Jana Čepa a Josefa Šafaříka (La Mort dans l’œuvre de Jan Čep et de Josef 

Šafařík), supplément de Tvar, édition Tvary, n° 10-11, 2002 ; J. Med, « Svět esejů Jana Čepa », in : 

Konference o díle Jana Čepa, op. cit., p. 31-33, « Uchovat víru v největších hrůzách… křesťanský 

existencialismus v české kultuře (1945-1948), Perspektivy, supplément de Katolický týdeník, n° 2, 2004, 

p. 5 ; V. Papoušek, Existencialisté. Existenciální fenomény v české próze dvacátého století (Les 

existentialistes. Phénomènes existentialistes dans la prose tchèque du XX e sicèle), Praha, Torst, 2004 ; 

P. Šidák, « Katolická poetika Jana Čepa », in : Víra a výraz, Brno, Host, 2005, p. 404-416. 

8


Alors que dans le contexte tchèque l’écrivain Jan Čep jouit de nouveau d’une 

réputation qui lui convient – il est publié, lu et enseigné à l’université et même dans 

l’enseignement secondaire – en France où il a vécu plus d’un tiers de sa vie il reste 

presque complètement oublié. Son œuvre n’y trouve guère un écho favorable et les 

chercheurs en littérature tchèque ne s’y intéréssent que sporadiquement 7 . 

Cependant ce vent d’indifférence a l’air de tourner. En effet, Le Centre Henri Pourrat 

envisage la publication de la correspondance intégrale de Pourrat et de Čep dont notre 

mémoire de DEA devrait procurer la base. L’ambassade de République tchèque, ayant 

inauguré en 2007 une plaque commémorative à Pavel Tigrid et sa revue Svědectví 

(Témoignage) s’apprête à rendre le même hommage à Jan Čep. La plaque devrait être 

située sur sa demeure parisienne au 16 rue Chanoinesse dans le 4 e arrondissement, tout 

près de Notre-Dame. Quant à la fille de l’écrivain, Claire Le Bris-Čep, non seulement 

qu’elle a repris l’apprentissage de la langue tchèque et a renoué avec sa famille en 

République Tchèque, mais encore a-t-elle entrepris la préparation de l’édition de Ma 

Sœur l’angoisse, autobiographie française de son père. 

* 

Notre intérêt pour l’écrivain Jan Čep n’est pas récent. Pourtant, ou peut-être en raison 

de cela, nous avons mis bien longtemps pour décider de l’orientation générale de la 

présente thèse. Nous avons hésité notamment entre deux lignes majeures, représentées 

par deux thèses d’un grand intérêt 8 : se concentrer sur la période d’exil, cette tranche de 

vie embrumée et inconnue 9 comme l’a fait Milan Burda, ou bien, à l’instar de Jitka 

Bednářová, s’appliquer à rétablir le réseau des amitiés françaises de l’écrivain tchèque ? 

Si nous avons finalement opté pour la première approche, nous n’avons pas pour autant 

entièrement délaissé la seconde. Il nous paraît logique et même prioritaire de préparer 

7 V. Peška, « Deux types d’écrivains en exil : Jan Čep et Egon Hostovský », in : Émigration et exil dans 

les cultures tchèque et polonaise, H. Jechová et H. Wlodarczyk (éd.), Paris, PUPS, 1987, p. 217-229. 

8 M. Burda, La littérature de l’émigration tchèque de 1948 à 1968. Contribution à l’histoire de la 

littérature tchèque contemporaine. Thèse de doctorat sous la direction de M. le professeur Guy Verret, 

Université Michel de Montaigne Bordeaux III, 1992 ; J. Bednářová, Josef Florian a jeho francouzští 

autoři (Josef Florian et ses auteurs français), thèse de doctorat sous la direction des Messieurs les 

Professeurs Xavier Galmiche et Milan Suchomel, Paris (Sorbonne IV), 2003. 

9 Dans la monographie de M. Trávníček, 135 pages sont consacrées à la période de la vie d’avant 

l’émigration (1902-1948) contre seulement 9 pages relatant l’exil de Čep (1948-1974). 

9


d’abord le terrain au niveau de l’histoire littéraire afin de pouvoir poursuivre par des 

études comparatistes plus détaillées. 

Le but de notre thèse consistera donc à combler la lacune dans les recherches 

čepiennes, et par delà dans l’histoire de la littérature tchèque tout court, qu’est l’exil 

français de Jan Čep. La délimitation temporelle de la période étudiée est nettement 

définie par les dates 1948 d’un côté (Coup de Prague) et 1974 de l’autre (mort de Čep). 

Comment allons-nous nous saisir d’une matière aussi vaste que fuyante ? Quelle 

méthode ou approche allons-nous choisir pour bien traiter et articuler notre sujet ? Sur 

quoi allons-nous appuyer dans nos conclusions ? 

Notre corpus premier est bien évidemment l’œuvre de Jan Čep et notamment celle 

liée, d’une manière ou d’une autre, à son exil. Or, tout au long de notre travail, nous 

avons poursuivi des recherches dans les diverses bibliothèques et archives, surtout en 

France, où nous avons eu la chance de découvrir des documents rares, voire inédits 

concernant Jan Čep. Souvent, ces sources – correspondances (avec Henri Pourrat, 

Georges Bernanos, Gabriel Marcel, Henri Queffélec, Vladimír Peška, etc.), journaux, 

articles dans les périodiques français et tchèques de l’époque, copies des émissions pour 

Radio Free Europe, et autres, nous ont fourni la matière et ouvert les voies possibles à 

suivre. Un travail immense et minutieux, parfois même fastidieux de dépouillement, 

inventorisation, tri, a cependant porté ses fruits sous la forme des documents souvent 

uniques, que nous avons utilisés avec profit et dont quelques échantillons se trouveront 

dans les annexes. Mais laissons apparaître davantage la structuration de la thèse. 

Nous diviserons notre travail en deux parties principales comportant respectivement 

3 et 4 chapitres. La première portera sur les aspects biographiques et sur la vie littéraire 

de l’émigration tchèque de 1948 (« Biographie et vie littéraire »), la seconde sera vouée 

à l’œuvre de Jan Čep en exil, à son statut d’écrivain (« Œuvre littéraire »). 

Le premier chapitre tentera d’éclaircir les causes, les circonstances et les 

conséquences de l’émigration de Jan Čep. Après avoir dressé le contexte historique de 

l’émigration après 1948, nous suivrons l’aventure personnelle de l’évasion de Čep sous 

la lumière des documents nouvellement retrouvés. Ensuite, nous essaierons de faire voir 

comment l’exil infléchit la vie de l’homme – ce sera le portrait plastique de l’émigré 

Čep réparti en trois aspects : matériel, psychique et psychologique, social. D’un revers 

de main nous balaierons aussi le rapport de Čep vis-à-vis de la France. 

10


Le deuxième chapitre portera sur la réception de Jan Čep dans sa patrie d’adoption. 

Si aujourd’hui Čep est entièrement oublié en France, il n’en a pas toujours été ainsi. 

Dans la période de l’Entre-deux-guerres, il entreprit plusieurs voyages en France au 

cours desquels il noua de nombreux contacts et amitiés avec des écrivains français 

(Georges Bernanos, Henri Pourrat, Georges Rouzet, Paul Claudel). Nous reverrons donc 

d’abord ce retentissement de Čep parmi les Français avant la guerre, à la suite de quoi 

nous nous interrogerons sur l’accueil que la France lui a réservé après son émigration. 

A-t-il réussi à se faire traduire et publier ? Voulait-il conquérir un nouveau public en 

écrivant directement dans la langue du pays d’adoption ? Ou bien s’était-il résigné sous 

la pression de la vie brutale de l’exilé ? Et s’il avait finalement échoué en France, 

quelles en étaient les raisons ? Pour compléter l’enjeu de la réception, l’attitude de la 

critique tchèque après la rupture de 1948 sera brièvement évoquée. 

Dans le troisième chapitre nous nous pencherons sur les activités diverses de Jan Čep 

tout au long des années d’exil. D’abord il sera question de ses efforts orientés vers le 

public français allant des publications journalistiques (ayant pour but de témoigner au 

milieu des Français de la monstruosité du régime communiste) jusqu’à la tentative de 

constituer un organisme qui contribuerait au rapprochement des peuples tchèque et 

français. A la suite de quoi nous mesurerons l’investissement et l’engagement de Čep 

dans les structures politiques, culturelles, littéraires, ou autres, de l’émigration tchèque 

de l’époque. Le plus claire de cette partie du chapitre sera naturellement voué à sa 

contribution à Radio Free Europe. 

La seconde partie de la thèse, consacrée à l’œuvre de Jan Čep produite en exil, 

s’ouvrira sur une analyse des rares écrits de fictions. Ceux-ci, jusque là très souvent 

négligés par la critique, méritent d’être examinés dans des perspectives thématiques et 

formelles, et bien sûr linguistiques. Là où la nature de l’étude l’exigera, nous ferons des 

plongées en arrière pour mieux rendre compte de tel ou tel trait de la création prosaïque 

de Čep. Nous nous poserons entre autre la question de savoir si les récits que Čep écrivit 

à Paris sont une continuation (dépérissement) de l’écrivain ou s’ils apportent aussi 

quelques éléments nouveaux dans sa création. 

Dans le chapitre 5 nous étudierons les écrits que Čep fournissait pour ses émissions à 

Radio Free Europe de Munich. Le premier sous chapitre sera consacré aux essais 

intitulés « Réflexions temporelles et intemporelles », dans lesquels l’écrivain donnait 

libre cours non seulement à sa critique de l’idéologie et de la pratique régnant dans les 

11


sociétés communistes mais surtout exprimait sa pensée la plus profonde sur la condition 

de l’homme dans l’époque chavirante de la 2 e moitié du XX e siècle. Ne manqueront pas 

la contextualisation de sa réflexion dans les courants d’idée de l’époque aussi bien que 

la mise en rapport avec d’autres penseurs et philosophes français. Dans le second sous 

chapitre nous nous proposerons de valoriser l’autre programme que Čep assurait pour la 

radio munichoise. Les dizaines et les centaines de comptes rendus consacrés à la 

production littéraire européenne moderne, qui perturbaient l’hégémonie de la littérature 

officiellement acceptée en Tchécoslovaquie communiste, sont restés injustement 

ignorés jusqu’à aujourd’hui. 

Dans le sixième chapitre nous nous concentrerons sur l’ouvrage autobiographique, 

Ma Sœur l’angoisse, que Čep conçut directement en français. Ce dernier essai – 

infructueux – pour conquérir le public français ne fut publié qu’après la mort de l’auteur 

en traduction tchèque. Dans un premier temps, nous allons rectifier quelques idées 

reçues concernant la genèse de l’ouvrage, de même que nous évaluerons le travail de la 

traduction et de l’édition tchèque. Puis nous poursuivrons avec l’interprétation des 

thèmes principaux (angoisse, mort, foi) et nous ferons remarquer les spécificités 

génériques de l’ouvrage (confessions dans le sens augustinien, histoire de l’âme). 

Le dernier chapitre aura pour objet la relation qu’entretient l’écrivain exilé avec 

l’instrument de son travail : la langue. Pour nous, deux enjeux majeurs sont concernés. 

Il est certain que l’exil entraîne inévitablement des répercussions aussi dans la sphère 

linguistique. Ainsi allons-nous de manière synthétique mesurer le déracinement (ou la 

scission) linguistique opéré par l’exil sur Jan Čep. D’autre part, nous allons encore une 

fois revoir l’échec littéraire de Čep en France, cette fois-ci dans la perspective de la 

langue. Nous allons nous interroger pour savoir d’une part si Čep était en mesure de 

s’exprimer en français littéraire, et d’autre part si ses œuvres antérieures étaient 

traduisibles en français. Par ce questionnement sur la langue, si centrale pour le sujet de 

l’exil qui est le nôtre, nous refermerons notre étude. 

Il est évident que dans notre parcours certains problèmes, thèmes, questions, se 

superposent, s’imbriquent et s’entrecroisent et que nous serons amenés à les observer, 

examiner, étudier à plusieurs reprises selon les différents points de vue et en fonction 

des perspectives adoptées. Que ces petits retours ou répétitions nous soient pardonnées 

avec indulgence. 

12


Avant d’entrer dans la problématique évoquée plus haut, il ne nous paraît pas 

incongru – étant donné que la majorité de nos lecteurs seront Français – de présenter 

très sommairement Jan Čep. 

Jan Čep – notice biographique 

Ecrivain et traducteur Jan Čep est né dans une famille paysanne le 31 décembre 1902 

dans un petit village morave, Myslechovice près de Litovel. En dépit de leurs faibles 

ressources – Jan est l’aîné de dix enfants (dont 3 sont morts précocement) – les parents 

décident de lui faire poursuivre ses études au lycée de Litovel. 

Etudiant doué et assidu, premier de la classe sans effort considérable, il passe son 

baccalauréat en 1922. C’est au cours des dernières années de lycée qu’il commence à 

écrire, encouragé par un professeur qui fait publier ses premiers récits dans une revue 

régionale sous le pseudonyme de Jan Milovický. 

Par la suite, Čep s’inscrit à l’université Charles de Prague pour commencer des 

études de philologie tchèque, anglaise et française. Parmi ses professeurs nous 

retrouvons F. X. Šalda, fondateur de la critique littéraire moderne tchèque et le plus 

grand critique de la 1 ère moitié du XX e siècle, ou Vilém Mathesius, linguiste renommé et 

membre fondateur du Cercle linguistique de Prague. Après sa quatrième année à 

l’université, Čep interrompt ses études pour rejoindre l’éditeur Josef Florian à Stará 

Říše 10 . 

Le séjour relativement court à Stará Říše (septembre 1926-juin 1927) fut cependant 

d’une importance primordiale pour le jeune Čep. Dans l’atmosphère de la maison de 

Florian où le catholicisme était vécu de façon intégrale, sous le charisme de cet homme 

comparable aux prophètes de l’Ancien Testament et grâce à ses nombreuses lectures 

(Ernest Hello, Léon Bloy, Georges Bernanos, Charles Péguy, Jacques Maritain, 

Romano Guardini, récits des mystiques et des saints…), Čep parvient à sortir de la crise 

religieuse qu’il traversait depuis ses années universitaires. 

10 Josef Florian (1873-1941), pédagogue, éditeur, traducteur, s’est considéré comme le disciple tchèque de 

Léon Bloy avec qui il a entrepris une vaste correspondance. Il a abandonné sa carrière de professeur au 

lycée pour se consacrer au projet d’édition des livres de Bloy et d’autres écrivains catholiques, 

notamment français, ainsi que de la littérature religieuse et philosophique. Il eut une énorme influence sur 

le renouveau du catholicisme en Tchécoslovaquie. 

13


Pendant les quelques mois passés chez Florian, Čep collabore à ses activités 

d’édition « Opus bonum » (Dobré dílo), il fait des corrections de textes, il traduit ses 

premiers livres. Peu avant Noël 1926 paraît son premier recueil de nouvelles publié sous 

son vrai nom Dvojí domov (Le Double chez soi 11 ), bien accueilli par des amis et 

remarqué par la critique qui perçoit le talent et la maturité du jeune auteur. En effet, on 

trouve dès ce premier livre l’essentiel de l’œuvre de Čep : sa vision de la coexistence 

d’un double monde, ses héros – enfants ou vieillards, intellectuels ou simples paysans 

vivant leurs drames intérieurs, cherchant leur propre rapport au monde, un point stable 

dans leurs existences agitées –, l’omniprésence de la mort, sa langue poétique et 

mélodique, pleine de métaphores d’abord mais qui va en se simplifiant pour devenir 

d’une simplicité et d’une transparence extraordinaires. Le titre même du Double chez 

soi représente bien la vision fondamentale que Čep se forge de l’univers. Cette 

métaphore capitale est le postulat d’un principe de dualité dans toute l’existence, dans 

toute la création : 

D’une part le temps de cette terre, cet intérim splendide et doux, d’autre part et surtout l’infinité 

indélimitable, qui se rompt dans le temps et codétermine sa figure. La conscience de cette dualité, 

présente à chaque moment et, oscillant, dans chaque regard et sensation, dramatiquement entre deux 

pôles, est la trame de cet univers poétique. 12 

Mais le séjour de Čep à Stará Říše se termine subitement. « Séduit » par la sœur de 

Florian, deux fois plus âgée que lui, il demande sa main au maître de la maison. Le refus 

catégorique prononcé par Florian lui fait prendre congé de l’éditeur et quitter pour 

toujours Stará Říše. 

Installé à Prague, Čep devient lecteur et rédacteur au sein de l’importante maison 

d’édition Melantrich, où son ami Bedřich Fučík, critique littéraire, occupe le poste de 

directeur. Parallèlement à ses tâches pour Melantrich, il développe sa propre œuvre et 

effectue de nombreuses traductions. 

11 Il est très difficile de traduire en français cette métaphore de base, cet emblème de la création de Čep 

qui est « dvojí dovov ». La langue française ne dispose pas d’un équivalent convenable du mot tchèque 

« domov » (« home » en anglais). Nous avons rencontrés des traductions variées : « double demeure » 

(Burda), « double chez soi » (Galmiche), « double patrie » (Peška et Čep lui-même). Nous avons 

finalement choisi le terme de « double chez soi » qui nous paraît plus adapté que « double demeure » et 

dépourvu de connotations pathétiques que, dans le contexte français, revêt nécessairement le mot 

« patrie ». 

12 « […] jednak čas této země, překrásné a sladké provizorium, jednak a především neohraničitelná 

nekonečnost, která se prolamuje do času a spoluurčuje jeho podobu. Vědomí této dvojnosti, přítomné 

v každém okamžiku a v každém pohledu a pocitu dramaticky oscilující mezi dvěma póly, je osou tohoto 

básnického kosmu. » B. Fučík, « Básník dvojího domova », in : Píseň o zemi (Chanson de la terre), 

Praha, Melantrich, 1994, p. 108. 

14


Il écrit successivement les recueils de nouvelles suivants : Vigilie (La Vigile, 1928), 

Zeměžluč (La Centaurée, 1931, Prix de la Province de Moravie), Letnice (La Pentecôte, 

1932, Prix de l’Académie tchèque), Děravý plášť (Le Manteau troué, 1934), Modrá a 

zlatá (Bleu et or, 1938). En 1935 son unique roman Hranice stínu (La Frontière de 

l’Ombre) obtient le Prix des Editions Melantrich. En même temps, Čep traduit des livres 

de l’anglais, de l’espagnol, de l’allemand et avant tout du français. Laissant de côté les 

traductions de commande (tels Balzac, Flaubert), il choisit surtout les auteurs selon ses 

goûts. Il fait connaître au public tchèque Gaspard des Montagnes de H. Pourrat (le 

roman y est même devenu plus populaire qu’en France), les romans de G. Bernanos, de 

M. Baring et d’autres. A juste titre, il a été dit que les traductions de Čep faisaient partie 

intégrante de son œuvre, tant pour leur quantité que pour leur qualité. 

Pendant les années de la Seconde Guerre mondiale, Čep se retrouve dans son village 

natal auprès de sa mère. Malgré une atmosphère irrespirable, il poursuit sa création 

littéraire avec de nouveaux recueils de nouvelles, Tvář pod pavučinou (Le Visage sous 

la toile d’araignée, 1941), Lístky z alba (Les Feuilles de l’album, 1944). 

Après la guerre il publie encore un recueil de nouvelles, Polní tráva (L’Herbe des 

champs, 1946), ainsi que Rozptýlené paprsky (Les Rayons dispersés, 1946), recueil 

d’essais et de discours prononcés pour la plupart pendant la guerre. En 1947 il peut 

encore entreprendre deux voyages à l’étranger : à Rome il participe au Congrès Pax 

Romana, et à Paris il est délégué tchèque au Comité catholique de l’Unesco. 

Surveillé par la police communiste depuis un certain temps, il aspire, après le Coup 

de Prague, à s’exiler. Il réussit une nuit d’août 1948 à traverser clandestinement la 

frontière tchéco-allemande. Nous n’en dirons pas beaucoup plus puisque c’est là où 

commence l’aventure de l’exil de Čep qui est le sujet de notre étude. Ajoutons 

seulement qu’en 1954 Čep épouse Primerose Du Bos, la fille du célèbre critique avec 

laquelle il eut des jumeaux : Claire et Jean. En 1966, il est frappé par une attaque 

cérébrale, et il vivra dès lors invalide jusqu’à sa mort, qui survient le 25 janvier 1974. 

15


Note sur les éditions citées : 

Dans la thèse présente la majorité des citations tirées de l’œuvre de Jan Čep renvoie à 

l’édition de ses « Œuvres complètes » préparées par Bedřich Fučík et Mojmír 

Trávníček. Dans les notes en bas de page nous les indiquerons tout simplement par 

Œuvres suivies du numéro du volume concerné : 

I. Dvojí domov (Le Double chez soi), Praha, Vyšehrad, 1991. 

II. Hranice stínu (La Frontière de l’ombre), Brno, Proglas, 1996. 

III. Polní tráva (L’Herbe des champs), Praha, Vyšehrad-Proglas, 1999. 

IV. Rozptýlené paprsky (Les Rayons dispersés), Praha, Vyšehrad, 1993. 

V. Samomluvy a rozhovory (Soliloques et dialogues), Praha, Vyšehrad- 

Proglas, 1997. 

VI. Poutník na zemi (Un Pèlerin sur la terre), Brno, Proglas-Vyšehrad, 1998. 

L’exception est faite pour les textes de Čep publiés ou rédigés directement en 

français. Il s’agit notamment du récit Les Tziganes parus dans la revue Terre Humaine, 

de l’essai autobiographique Ma Sœur l’angoisse et de la version française de 

La Frontière de l’ombre que nous avons consulté sous la forme de manuscrits 

dactylographiés. Les références complexes seront données à la place où nous traiterons 

les ouvrages en question. 

Les citations des textes littéraires tchèques, de même que les citations des ouvrages 

critiques tchèques, seront traduites en français dans le texte principal. Nous mettrons 

cependant l’original tchèque, surtout les passages que nous estimons importants, dans 

les notes de bas de pages. Par contre, conformément aux conventions des études en 

littérature comparée, nous ne traduisons pas les extraits écrits en anglais. 

16


BIOGRAPHIE ET VIE LITTERAIRE 

__________________________________ 

17


I. L’EMIGRATION DE JAN ČEP 

« J’ai presque honte de vous écrire ces choses, 

à vous qui êtes dans une telle épreuve, – 

j’imagine tout, un tel exil, une telle solitude, et 

votre travail, votre vie arrêtés, coupés comme 

avec un couteau. » 13 

I.1. L’émigration tchèque au XX e siècle 

Jusqu’au XX e siècle, les pays tchèques n’ont connu que rarement l’exil et 

l’émigration. L’exemple le plus significatif en fut au XVII e siècle l’émigration sous la 

contre-réforme qui, cependant, a compté parmi ses victimes l’évêque des frères 

moraves, Comenius, qui allait devenir l’exilé d’origine tchèque le plus saillant de tous 

les âges. Le XX e siècle et ses trois vagues d’émigrations successives feront de la 

Tchécoslovaquie (et de l’Europe centrale et de l’est en général) un des pays dont le 

nombre d’exilés compte parmi le plus élevés 14 . 

En effet, suite aux événements tragiques de 1939, 1948 et 1968, des milliers de 

citoyens tchécoslovaques se sont enfuis devant la menace nazie ou communiste. Parmi 

les trois vagues d’émigration tchécoslovaque, celle qui suit le coup d’état de février 

1948 nous intéresse, puisque c’est elle qui emporta Jan Čep. Si les émigrés après 1939 

étaient pour la plupart des Juifs, ceux qui sont partis après Coup de Prague 

représentaient un spectre varié de toutes les appartenances possibles (politiques, 

religieuses, professionnelles, etc.). C’était comme un microcosme de l’ensemble de la 

13 H. Pourrat à J. Čep, le 22 décembre 1950. 

14 Sur l’émigration tchèque au XX e siècle voir avec profit : Emigration et exil dans les cultures tchèque et 

polonaise (éd. H. Jechová et H. Wlodarczyk), Paris, PUPS, 1987 ; Littérature et émigration dans les pays 

de l’Europe centrale et orientale, sous la dir. de M. Delaperrière, Paris, Institut des Etudes slaves, 1996 ; 

A. Marès, « Exilés d’Europe centrale de 1945-1967 », in : Le Paris des étrangers depuis 1945, sous la dir. 

de A. Marès et P. Milza, Paris, PUPS 1994 ; M. Burda, La Littérature de l’émigration tchèque de 1948 

à 1968. Contribution à l’histoire de la littérature tchèque contemporaine, op. cit. ; P. Paleček, Exil 

a politika. Historici o nejnovějších dějinách a o sobě (Exil et politique. Les historiens parlent de l’histoire 

contemporaine et d’eux-mêmes), Tišnov, Sursum (Edice České osudy), 2004 ; P. Tigrid, Marx na 

Hradčanech (Marx sur les Hradčany), Brno, Barrister & Principal, 2001 ; J. Krarochvil et alii, Český 

a slovenský exil 20. století (Exil tchèque et slovaque au XXe siècle), Meadow art, s.r.o., 2003. 

18


société vivant en Tchécoslovaquie dans la république démocratique d’avant la Seconde 

Guerre mondiale. Toutefois, si nous sommes désireux de voir ce qu’était cette 

émigration de 1948, ses traits particuliers se révèlent mieux dans la comparaison avec 

l’émigration suivant le Printemps de Prague en 1968. 

Le premier constat est que l’émigration de 1948 reste toujours incomparablement 

moins connue que celle de 1968. Elle se montre confuse, chaotique et obscure, comme 

si elle repoussait par sa matière même, mystérieuse, plus abstraite et plus anonyme, que 

son homologue de 1968. Ainsi, Egon Hostovský, écrivain tchèque qui a connu les trois 

vagues d’émigration – les deux premières par sa propre expérience, la troisième en tant 

qu’exilé déjà « expérimenté », observant les nouveaux arrivants – a pu déclarer que 

l’émigration d’après Février 1948 lui paraît « la plus confuse » : « Tant de choses se 

passèrent, Munich, l’Occupation, la guerre, Février… Ils [émigrés] savaient qu’ils 

devaient fuir, la peur de l’inconnu, de l’inexprimable les a poussés, mais peu de gens 

savaient clairement à quel endroit, au juste, ils appartenaient. » 15 Et parmi les savants, 

Antoine Marès, l’historien de l’Europe médiane, atteste qu’à la différence de 

l’émigration de 68, celle d’après la Seconde Guerre mondiale « demeure méconnue, 

mystérieuse, secrète » 16 . 

Dans la réalisation du départ même des émigrés, il n’y avait pas de comparaison 

possible entre les deux vagues d’émigration. Dès le début des années 1950, il ne fut plus 

du tout possible de s’évader, tant la clôture des frontières était hermétique. Par contre, 

les émigrés de 1968 partaient plus facilement et les migrations purent continuer même 

dans la période de la Normalisation au cours des années 1970 et 1980. 

Si les émigrés de 1948 ne pouvaient emporter presque rien à cause de la difficulté du 

passage de la frontière (« Nombreux sont partis presque nus, avec un bagage chargé de 

soucis », comme dit le poète 17 ), et croyaient leur exil provisoire, ceux de 1968 quittaient 

le pays bien équipés, sachant et souhaitant à la fois, que le départ soit définitif 18 . Les 

premiers souffraient incomparablement plus du mal du pays, l’éloignement de la patrie 

15 

« Tolik se toho událo, Mnichov, okupace, válka, Únor… Věděli, že mají utíkat, hnal je strach 

z neznámého, nepopsatelného, ale málokdo si ujasnil, kam vlastně patří. », E. Hostovský, Literární 

dobrodružství českého spisovatele v cizině (aneb o ctihodném povolání kouzla zbaveném) (Aventures 

littéraires d’un écrivain tchèque à l’étranger (ou d’un respectable métier sans attrait)), Spisy Egona 

Hostovského, vol. 12, Praha, ERM, 1995, p. 176. 

16 

A. Marès, « Exilés d’Europe centrale de 1945-1967 », in : Le Paris des étrangers depuis 1945, op. cit., 

p. 129. 

17 

« Mnozí odcházeli málem nazí, se zavazadlem nabitým starostmi […] », J. Palivec, Prózy, dopisy 

z vězení, pozdravy přátel (Proses, lettres de prison, salutations aux amis), Praha, Torst, 1996, p. 133. 

18 

Cf. A. J. Liehm, Minulost v přítomnosti (Le passé dans le présent), Brno, Host, 2002, p. 75. 

19


leur arrachait le cœur ; les seconds au contraire ressentaient le soulagement et même la 

satisfaction de quitter ce pays qui subissait depuis vingt ans une dévastation matérielle 

et morale. 

De même, la situation dans laquelle les exilés des deux émigrations se sont trouvés 

après leurs départs n’avait rien en commun. Les conditions matérielles des exilés de la 

vague antérieure qui « ne possédaient rien du tout, en dehors de ce qu’ils avaient sur eux 

et dans leur bagage porté en traversant la frontière » 19 , ne furent évidemment pas celles 

de leurs successeurs qui pouvaient s’en aller « même avec leur mobilier » 20 . Ainsi, les 

débuts des premiers « furent durs et souvent aussi faméliques » 21 , les émigrés eurent du 

mal à gagner leur vie, à trouver un emploi, bref à survivre dans cette Europe d’après 

guerre, affectée encore fortement par les conséquences de celle-ci. Les seconds, par 

contre, arrivèrent dans une Europe en pleine prospérité économique. 

Néanmoins, la différence majeure entre les deux émigrations consista en l’accueil qui 

leur fut fait dans les pays d’adoption 22 . Les émigrés après 1948, après avoir passé des 

séjours plus ou moins longs dans la misère des camps de réfugiés, ne trouvèrent guère 

de signes de sympathie de la part de la population du pays d’accueil. Ils furent vus par 

les autochtones comme des êtres suspects auxquels il ne convient pas d’accorder trop de 

confiance. En revanche, les émigrés de 1968 furent accueillis avec une chaleur plus 

qu’amicale par les sociétés occidentales. Après les événements de Budapest en 1956 et 

de Prague en 1968, on savait déjà mieux en Europe occidentale ce qu’étaient les 

démocraties populaires et quelles pratiques y régnaient. L’écho du Printemps de Prague 

retentissant encore à travers l’Europe, les émigrés tchèques se virent un moment au 

centre de l’intérêt public, on les invitait à parler dans les médias, ils donnaient des 

interviews et des conférences. Pour les uns l’indifférence voire l’ignorance quasi totales, 

pour les autres l’accueil à bras ouvert. 

Pour toutes ces différences, et pour d’autres encore (forte divergence idéologique), 

les relations entre les émigrés de 1948 et ceux d’après 1968 furent plus que réservées. 

Antonín Jaroslav Liehm, un des émigrés après 1969, raconte qu’il a mis beaucoup de 

temps pour comprendre cette rancune de l’émigration précédente : 

19 « [N]evlastnili zhola nic kromě toho, co měli na sobě a v zavazadle, které mohli unést přes hranice. », 

P. Tigrid, Marx na Hradčanech, op. cit., p. 68. 

20 A. J. Liehm, Minulost v přítomnosti, op. cit., p. 75. 

21 « [B]yly těžké a nezřídka i hladové », P. Tigrid, op. cit., p. 68. 

22 Cf. P. Paleček, Exil a politika, op. cit., p. 18, et M. Burda, La littérature de l’émigration tchèque de 

1948 à 1968, op. cit., p. 372. 

20


En 1948 la guerre froide commençait, et quiconque arrivant de l’est était suspect et devait passer par 

divers camps ou quarantaines policières. En plus, c’était peu de temps après la guerre, le monde se 

relevait bien lentement, il manquait de tout, du travail aussi. […] Leurs débuts furent donc 

incomparablement plus durs, et c’est de cette expérience que découlait la grande part de susceptibilité 

et de jalousie compréhensibles, vis-à-vis de la nouvelle émigration. […] la différence avec l’année 

1948, où l’on fuyait pour sauver sa vie, fut incommensurable. Et l’amertume de l’émigration d’après 

Février compréhensible. 23 

Telles sont donc les différences entre les deux vagues d’émigration tchèque sous le 

régime communiste. Leur rapprochement nous a permis de retracer l’image de l’époque 

et de dresser le cadre général dans lequel se jouait le drame de l’exil de nombreux 

intellectuels tchèques, dont l’écrivain Jan Čep. 

I.2. Les causes et les circonstances de l’émigration de Jan Čep 

Il faut commencer par dire que Jan Čep fut un émigré « politique », qu’il fut donc 

contraint à s’exiler à la suite du changement de régime politique dans son pays. Le 

« coup de Prague » en février 1948, par lequel les communistes se sont emparés du 

pouvoir, se trouve à l’origine de l’émigration de plus de 60 000 personnes, parmi 

lesquelles de nombreux intellectuels dont Jan Čep, qui fut une des figures les plus 

emblématiques. 

Si Čep n’avait pas donné une description détaillée de son évasion dans son 

autobiographie, il serait assez pénible d’imaginer et de croire qu’il s’est risqué à cette 

entreprise tellement dangereuse, lui « l’un des derniers écrivains tchèques qu’on 

attendait à ce passage périlleux » 24 . « Comment a-t-il osé », pouvons-nous aussi nous 

demander, à l’instar de V. Peška, comment a-t-il pu oser « ce chrétien si doux, si 

démuni dans la vie pratique, si apparemment résigné à la volonté de Dieu ? » 25 Nous 

comprendrons mieux que ce qui l’a poussé était à la fois une nécessité externe et un 

profond besoin interne. 

23 « V osmačtyřicátém začínala studená válka, kdokoli přicházel z Východu, byl podezřelý, musel projít 

různými tábory či policejními karanténami. Navíc bylo krátce po válce, svět se teprve pomalu zotavoval, 

všeho bylo málo, i práce. […] Jejich začátky byly proto nepoměrně těžší a z té zkušenosti pramenila i 

velká část pochopitelné nedůtklivosti a řevnivosti vůči nové emigraci. […] rozdíl proti roku 1948, kdy se 

utíkalo o život, byl nezměřitelný. A trpkost předúnorové emigrace pochopitelná. », A. J. Liehm, Minulost 

v přítomnosti, op. cit., p. 75-76. 

24 V. Peška, « Deux types d’écrivains en exil : Jan Čep et Egon Hostovský », Émigration et exil dans les 

cultures tchèque et polonaise, op. cit., p. 218. 

25 Ibid. 

21


En effet, « si certains écrivains pouvaient hésiter entre rester ou partir, d’autres, tel 

Jan Čep, depuis longtemps dans le collimateur de la police politique, n’avaient pas ce 

choix » 26 . Pour mieux concrétiser cette phrase de Milan Burda, nous pouvons nous 

référer à plusieurs incidents. Être dans le collimateur de la police communiste dans le 

cas de Čep signifiait entre autres : interdit ministériel de prononcer un discours devant 

l’auditoire international des étudiants à Prague après la fin de la guerre 27 ; contrôles et 

surveillance aggravés de ses activités publiques mais aussi privées ; perquisition de son 

logis en son absence et espionnage auprès de sa logeuse. Toutefois, il faut dire que Čep 

s’est avisé de la menace communiste bien avant que ses manifestations concrètes ne 

frappent sa personne après-guerre. Il faudrait lui rendre hommage puisqu’il fut l’un des 

très rares à ressentir le danger totalitaire de l’idéologie communiste, et le faisait savoir à 

titre personnel, au temps où la grande majorité de ses compagnons littéraires glorifiait la 

puissance de l’Est, de laquelle elle attendait tous les biens futurs. Déjà en 1943 il confie 

son appréhension devant l’avenir de son pays et notamment le destin des catholiques 

quand la guerre sera finie : 

Mes craintes prennent leur source surtout dans l’incertitude de savoir s’il y aura, dans la société future, 

une place pour l’activité libre des catholiques. J’ai l’impression que sur ce point, nous troquerons un 

cheval borgne pour un cheval aveugle. » 28 

Et l’extrait de la lettre très personnelle, adressée au professeur J. Vašica peu avant la 

Libération, a le caractère indéniable de prophétie clairvoyante qui s’accomplira peu 

après : 

Je ne cesse d’être horrifié de l’avenir, tant de celui militaire qui est en train d’arriver, que de celui qui 

lui succèdera. On peut déjà voir que ce sont « Eux » qui auront le pouvoir dans les mains dès le début, 

et je crains que l’on ne respire mal sous leur férule dans la vie religieuse et culturelle. Pour ma 

personne, j’entrevois les perspectives les plus noires, je prends pour sûr que, s’ils me laissent en vie, 

ils ne me permettront pas de travailler. Ils m’ont lancé des menaces déjà au moment de Bleu et or et 

puis pour le malheureux Obnova 29 , et je ne doute point qu’ils auront la volonté et le pouvoir de 

réaliser leurs menaces. Notre monde est et sera dans un tel chaos matériel et moral que tout tombera 

26 M. Burda, La littérature de l’émigration tchèque de 1948 à 1968, op. cit., p. 39. 

27 L’affaire de ce discours non prononcé et notamment la manière dont Čep a été écarté, ont beaucoup 

affecté celui-ci. La haine pathologique envers Čep de la part du ministre de la culture de l’époque 

V. Kopecký est évoquée dans plusieurs souvenirs : « Jan n’était pas peureux, mais les épanchements du 

ministre de l’information, sa rancune non dissimulée et son désir de vengeance, blessait l’homme fragile 

que fut Čep tant qu’il ressemblait plus à un oiseau blessé qu’à un conspirateur dangereux pour qui le 

faisait passer Kopecký. », (contribution de J. Pecháček In : Janu Čepovi k pětaosmdesátinám, samizdat 

préparé par L. Šebela, Plumlov, s. d., p. 74-75). 

28 « Moje obavy pramení hlavně z nejistoty, bude-li v příští společnosti místo pro svobodnou činnost 

katolíků. Zdá se mi, že po té stránce padneme z bláta do louže. », J.Čep à J. Zahradníček, le 15 décembre 

1943, Jan Čep – Jan Zahradníček. Korespondence, M. Trávníček (éd.), tome II, Praha, Aula, 2000, p. 51. 

29 Obnova (Regain), revue culturelle, religieuse et politique d’orientation conservatrice qui paraissait entre 

1937-1940. Čep y publia plusieurs articles qui lui étaient reprochés après la Libération par des gens de 

gauche. 

22


sous leur main-mise, au moins dans les premières années. Je crains que nous ne soyons encerclés par 

une nouvelle muraille de Chine, que nous ne poussions sortir et que l’on ne laisse pas passer librement 

les voix de l’autre côté, les livres et les revues, etc. Il y aura une misère matérielle aussi bien que 

spirituelle – et encore seulement pour ceux qui survivront […] Lorsque j’y pense un instant, je sens 

que je me fige comme si je regardais le visage de Méduse. 30 

Cette vision, dont l’accomplissement se préparait dans les trois années de semi- 

liberté d’après guerre, devient réalité avec le coup d’état de février 1948. L’évocation de 

cet événement funeste qui fera, selon la parole de V. Černý, que « tous les écrivains 

catholiques et de droite furent enterrés vivants » 31 , ne se fait pas attendre. Dans une 

lettre à Henri Pourrat datée de deux jours seulement après le putsch, nous pouvons lire 

ces lignes qui font sentir un malaise angoissant : 

L’épée de Damoclès est tombée ; le dernier semblant de liberté nous a été enlevé. Ils sont les maîtres 

absolus, désormais. […] C’est pire qu’avec les Allemands, parce que cette fois-ci ça n’a pas le 

caractère provisoire que ça avait il y a quelques années. […] Quant aux relations physiques et 

spirituelles avec le reste du monde, nous serons probablement tout à fait isolés. 32 

Vu cet état des choses, Čep n’a d’autre possibilité que de fuir. Rester, ce serait, 

comme cela allait bientôt arriver à beaucoup de ses amis, être persécuté, emprisonné, 

torturé, et ceci « uniquement pour leurs convictions et pour leur attitude morale, et ceci 

uniquement pour ce qu’ils furent, leur opinion et attitude ouvertement assumées! » 33 

Pourtant, nous avons dit que la motivation de l’émigration de Čep fut double : 

pression externe et nécessité interne. Nous sommes persuadés que la seconde fut aussi, 

sinon beaucoup plus grande, que la première. Bien sûr, par le fait de s’évader, il a 

conservé sa liberté et peut-être même sa vie 34 . Néanmoins, son départ fut également 

30 

« Z budoucnosti mám ustavičnou hrůzu, jak z té bezprostředně nastávající, vojenské, tak z té, která 

přijde po ní. Je už vidět, že moc budou mít od počátku v rukou ‘Oni‘, a obávám se, že se nám bude pod 

nimi v náboženském a kulturním životě těžko dýchat. Pro mou osobu mám vyhlídky co nejčernější, mám 

za jisté, že nechají-li mě naživu, nedovolí mi pracovat. Vyhrožovali mi už při Modré a zlaté a potom za 

neblahé Obnovy, a nepochybuji, že budou mít vůli i moc své pohrůžky splnit. Náš svět je a bude 

v takovém hmotném, mravním i myšlenkovém chaosu, že všechno padne za kořist jim, aspoň v prvních 

letech. Obávám se, že budeme ohrazeni novou čínskou zdí, že nebudeme sami smět ven a k nám že se 

nebudou svobodně propouštět hlasy z druhé strany, knihy a časopisy, atd. bude bída hmotná i duchovní – 

a to ještě jenom pro ty, kdo se toho dočkají. […] Když na to všechno chvíli myslím, cítím, jak všecek 

tuhnu, jako bych se zahleděl do obličeje Medusy. », J. Čep à J. Vašica, le 3 avril 1946, « Jan Čep Josefu 

Vašicovi », Literární věda osudem i volbou (K 70. narozeninám Jiřího Svobody), op. cit., p. 97-98. 

31 e 

« […] zaživa pohřbení všichni spisovatelé pravicoví a katoličtí », V. Černý, Paměti (1945-1972), 2 éd. 

augmenté, Brno, Atlantis, 1992, p. 236. 

32 

J. Čep à H. Pourrat, le 27 février 1948. 

33 

« [Zde bylo do žaláře posíláno] výhradně ideové přesvědčení a mravní stanovisko, a to výhradně za to, 

že byly čím byly, otevřeně zastávaným názorem a stanoviskem! », V. Černý, Paměti, op. cit., p. 341. 

34 

Dans une interview faite en 1968, Václav Čep témoigne de la nécessité de s’exiler dans le cas de son 

frère : « S’il n’était pas parti, il ne serait pas resté en liberté et probablement il ne vivrait plus 

aujourd’hui : étant donné sa constitution et sa grande sensibilité, il n’y aurait pas survécu. », T. Pěkný, 

23


« provoqué par un besoin et une vision de liberté, par l’attraction d’un pays ami et 

aimé » 35 . La raison profonde et en même temps la justification en était l’espoir d’être à 

l’étranger plus utile qu’il ne le pourrait chez lui, de « pouvoir contribuer à établir une 

communauté fraternelle et vraiment libre dans le monde » 36 . Comprenons bien : Čep ne 

fuit pas tant de peur d’être emprisonné, que pour remplir sa mission, c’est-à-dire pour 

mettre son talent au service de la liberté. Il se croit appelé à s’en aller pour investir ses 

forces dans la reconstruction du monde qui se trouve selon lui encore « en gestation 

douloureuse » 37 . 

* 

Le départ des émigrés tchèques après février 1948 ne fut pas sans danger. Pour la 

plupart, les gens désireux de passer à l’étranger ne purent pas partir librement et furent 

obligés de fuir clandestinement. La traversée clandestine de la frontière représentait un 

péril grave, parfois même mortel, car peu de temps après février les frontières se 

trouvèrent surveillées par les sentinelles 38 . 

Après les événements de février, Jan Čep vit plus ou moins en cachette, occupant 

l’appartement pragois de ses amis Monzer, qui eux se sont déjà précipités en France. Il 

était convenu que lui aussi se rendrait dès que possible dans sa seconde patrie pour y 

rejoindre ses amis. Tout à sa solitude dans le grand appartement, il a tout son temps 

pour méditer sur le départ tant désiré, sa mise en œuvre et ses conséquences possibles. 

Nous pouvons nous douter de ce qu’étaient ses états d’âmes dans de telles 

circonstances, le poids de l’angoisse et la tension nerveuse mêlés à l’impatience fébrile. 

Il est significatif que Čep n’ait confié explicitement son intention d’émigrer à personne, 

P. Feldstein, « A jsem mu řekl, aby šel… Rozhovor s Václavem Čepem », Student, n° 31, le 31 juillet 

1968, p. 6. 

35 

J. Čep, « Souffrir comme les autres ? », Le Monde, le 28 octobre 1948, p 3. 

36 

Ibid. 

37 

Ibid. 

38 

Le nombre de tués au moment de la traversée de la frontière avec les pays de l’ouest entre 1948-1989 

est estimé par le Bureau de la documentation et de l’enquête sur les crimes du communisme à 282 

personnes. 

24


même si certains de ses amis les plus proches pouvaient le pressentir depuis 

longtemps 39 . 

Une anecdote qui eut lieu juste avant le départ de Čep nous est rapportée par 

l’écrivain Josef Palivec. Ce dernier raconte sa dernière rencontre avec Čep chez le poète 

František Halas : 

Disant son adieu, il a lâché qu’il faut surtout que nous ne sortions pas réduits de ce tournant des 

choses. Moralement, bien entendu. La terre s’écroulait sous nos pieds, les roches crevassaient, les 

rivières inversaient leur cours, et Jan se préoccupait de l’amoindrissement moral. Dans cette phrase il 

était contenu tout entier. 40 

Cette anecdote cache cependant un fond sérieux qui confirme notre hypothèse que 

l’émigration de Čep fut en premier lieu motivée par un impératif catégorique moral. 

Le passage 41 même de la frontière dans la nuit du 15 août 1948 et la traversée des 

territoires qui la précédèrent est notoire. Plusieurs pages de description détaillée y sont 

consacrées dans l’essai autobiographique Ma Sœur l’angoisse. Les quinze jours qui 

suivirent jusqu’à l’arrivée de Čep à Paris le dernier jour du mois d’août sont couverts 

d’une ombre épaisse et représentent dans l’autobiographie citée une ellipse temporelle, 

comme si l’auteur s’interdisait d’évoquer ces deux semaines de sa vie, deux semaines 

qu’il dut passer dans les camps de réfugiés en Allemagne. 

Du premier camp nous savons seulement qu’il se trouvait près de la frontière 

tchécoslovaque (probablement Moschendorf, près de Hof) ; le second était à Dieburg 

près de Darmstadt. Les conditions difficiles du premier camp éprouvèrent sensiblement 

Čep de sorte qu’il « croyait y périr » 42 . Dans ce camp il rencontre plusieurs de ses futurs 

compagnons d’exil parisien, en particulier le jeune étudiant de Václav Černý, Vladimír 

Peška. Ce dernier tenait une sorte de journal, puisqu’il enregistrait des bribes de sa 

fraîche expérience de réfugié sur des petits bouts de papier. Dans ses notes du mardi 17 

août, il retranscrit ainsi l’arrivée de Čep : « Un beau et aimable homme encore dehors ; 

39 Voir ce témoignage de Bedřich Fučík : « […] Monsieur l’auteur, bien qu’il ait su qu’il se sauverait, 

n’avait rien dit, et nous devions faire comme si de rien n’était […] », Listovní příležitosti. Dopisy 

Bedřicha Fučíka Mojmíru Trávníčkovi (Circonstances épistolaires. Lettres de Bedřich Fučík à Mojmír 

Trávníček), J. Hrabal (éd.), Olomouc, Aluze, 2003, p. 203. 

40 « Dávaje sbohem, prohodil, že je především třeba, abychom z toho obratu věcí vyšli neumenšení. 

Mravně ovšem. Půda se pod námi sedala, skály pukaly, řeky měnily směr a Jan se staral o mravní 

neumenšenost. V té větě byl celý obsažen. », J. Palivec, Prózy, listy z vězení, pozdravy přátel, op. cit., 

p. 141. 

41 Ce passage de Čep de la frontière tchéco-bavaroise était en réalité déjà la troisième tentative d’évasion. 

Les deux premières dont l’une fut prévue « avec un convoi de Juifs, dans un wagon plombé » ont été 

vouées à l’échec. Cf. la note du Journal du 18 juin 1960 (inédit). 

42 M. Monzer à H. Pourrat, le 24 août 1948. 

25


un homme cultivé sans force ni courage physiques va » 43 . Et le lendemain, lorsque, 

grâce à l’intervention de P. Petr Lekavý, aumônier général des Tchèques et ami 

personnel de Čep, ce dernier fut transféré dans un autre camp, nous pouvons lire dans 

les souvenirs de Peška : « séparation d’avec un homme aimable et timide, encourageant 

et se sentant comme coupable envers ceux qui restent » 44 . En dépit des conditions 

beaucoup plus humaines et favorables de ce second camp (« où, paraît-il, les réfugiés 

sont très bien traités » 45 ) Čep se trouve dans un état d’abattement profond. Comme si au 

cours des jours précédents, l’intensification de la fatigue et du stress accumulés depuis 

des mois, avait dépassé une certaine mesure et que ceux-ci s’écroulaient d’un seul coup 

sur le pauvre réfugié. À ses amis Monzer, qui l’attendent impatiemment à Paris, il écrit 

ces lignes pleines de détresse : « Je suis terriblement fatigué. Je voudrais être avec vous. 

J’espère que Dieu nous réunira bientôt. » 46 Pour le distraire son ami P. Lekavý, qui est 

« leader de ce camp-ci » 47 tâche de l’associer à son travail voué à l’aide aux autres 

réfugiés tchèques. Or, Čep n’a qu’une seule aspiration : être le plus tôt possible en 

France. Et il s’y trouvera effectivement le dernier jour d’août. 

Ici, il nous faut encore expliquer brièvement cette durée extraordinairement courte 

des séjours de Čep dans les camps de réfugiés. Il est connu que les émigrés d’après- 

guerre étaient obligés d’y rester plusieurs mois, certains même des années. Le lot des 

personnes séjournant dans les camps de réfugiés, pour reprendre la phrase de Béatrice 

Kasbarian-Bricout, se résume en deux mots : attente et incertitude 48 . Cette attente 

stéréotypée, sans perspective, et dont on ne voit jamais la fin, plonge le réfugié dans 

l’inertie et enfin lui enlève tout espoir : « Dans le camp, au fil des jours quelque chose 

s’effritera inexorablement, comme sous la poussée d’une masse incontrôlable. » 49 La 

raison pour laquelle cette attente et cette incertitude furent épargnées à Jan Čep réside 

en partie dans son statut d’écrivain tchèque réputé, mais ayant aussi des amis en France, 

d’où ceux-ci pouvaient intervenir avec efficacité. Le 26 août un ami proche des Monzer, 

Hettier de Boislambert, Gouverneur Délégué Général de l’Etat Rhéno-Palatin, envoie 

une dépêche au Consul Général de France à Francfort dans laquelle il lui demande de 

43 

« Krásný, milý člověk zase venku; kulturní člověk bez fyzické síly a odvahy jde. », Morceaux de camps 

de V. Peška, inédit, archives de l’auteur. Souligné par V. Peška. 

44 

Ibid. 

45 

M. Monzer à Henri Pourrat, le 24 août 1948. 

46 

J. Čep à M. Monzer, le 24 août 1948. 

47 

Ibid. 

48 

Cf. B. Kasbarian-Bricout, Exil : la vie en suspens. Essais, BB, 1998, p. 39. 

49 Ibid. 

26


surveiller le déplacement de Čep à Paris et de lui assurer son aide en cas d’ennuis 

inattendus survenus en chemin. Dans la lettre, nous lisons entre autres : 

Je suis saisi d’une recommandation émanant de personnes absolument sûres en faveur de Monsieur 

Jan CEP [sic] qui vient de quitter la Tchécoslovaquie. […] Il désire naturellement passer en France au 

plus vite. […] Pour le cas où Monsieur CEP [sic] serait en difficulté, je vous demanderai d’avoir 

l’amabilité de me le faire savoir car je serai même, éventuellement, prêt à lui faire parvenir un subside 

suffisant pour qu’il gagne le [sic] France où ses amis sont prêts à le recevoir. 

Voilà pourquoi le séjour que Čep a dû passer dans les camps allemands fut raccourci 

sensiblement. À Paris, où ses amis l’attendent prêts « à le remonter moralement et 

physiquement » 50 , s’ouvre pour Čep une nouvelle étape de sa vie : celle de l’exil 

véritable. 

I.3. Le portrait de l’émigré Jan Čep 51 

D’une part Jan Čep est considéré, avec Egon Hostovský, comme le représentant le 

plus marquant de l’émigration littéraire tchèque de 1948. D’autre part, il passe pour 

l’écrivain, selon l’expression de M. Burda, spécialiste de cette émigration littéraire, qui 

« fut le plus tragiquement affecté par son exil » 52 . En effet en raison de l’émigration, 

Čep se voit doublement anéanti : dans sa patrie il est, comme tant d’autres, effacé de 

l’histoire littéraire, et son œuvre interdite ; en France, son pays d’accueil, il mène une 

vie marginale, souffrant de l’incompréhension et d’une indifférence quasi-totale. 

Comment vit-il cette rupture brutale, ce passage aussi radical du statut d’écrivain réputé 

à celui d’individu suspect et sans privilège qu’était le réfugié d’Europe Centrale ou de 

l’Est ? Quels étaient les ennuis d’un exilé de 1948 en France? Quelles traces laissent le 

déracinement de l’exil dans le psychisme de l’exilé ? Et comment cet étranger est-il 

accueilli par la société de son pays d’adoption ? 

Telles sont les questions que nous nous poserons dans ce sous-chapitre, et dont les 

réponses, révélant plusieurs aspects différents de l’exil, permettront d’entrevoir le 

portrait de l’émigré Jan Čep ainsi que d’approcher la réalité concrète de la vie des exilés 

50 M. Monzer à H. Pourrat, le 24 août 1948. 

51 Dans ce chapitre, notamment pour la partie vouée au psychisme de l’exilé, nous nous inspirons de 

certains termes et observations de L. Tourn, Chemin de l’exil. Vers une identité nouvelle, Paris, 

Campagne Première, 2003. 


27


en France en 1948. Comme l’exil est une réalité d’une immense complexité, le portrait 

que nous nous proposons d’esquisser comporte beaucoup de facettes, qui s’entrelacent, 

se renforcent et qui sont indissociablement liées les unes aux autres, ressortant tout de 

même de la seule existence d’exilé. Pour plus de clarté, nous décomposerons ce portrait 

en ses parties majeures : nous traiterons successivement de ses aspects matériel, 

psychique, psychologique et social ou socio-professionnel. Nous réservons l’aspect 

linguistique, si important pour le sujet traité, pour le dernier chapitre de notre travail qui 

regroupera tous les enjeux liés à la langue. 

Pour créer ce portrait de l’exilé Čep, nous nous appuierons notamment sur les écrits 

d’immédiateté, c’est-à-dire sur son journal intime et sur sa correspondance avec ses 

amis. Ceux-ci, excluant la grande part de stylisation et de réflexivité qui serait le fruit 

d’une distance temporelle plus longue, révèlent au mieux l’expérience personnelle de 

l’exilé (ce que la littérature anglophone spécialisée dans l’exil désigne par la tournure 

anglaise « exilic behaviour response »), le vécu dans sa synchronie, bref cet « exil-sous- 

la-peau » pour nous servir du terme de l’écrivain russe A. Philomenko 53 . Dans l’étude 

de ces documents nous nous bornerons à la période allant de l’émigration de Čep en 

août 1948 à son départ de Paris pour Munich au service de Radio Free Europe en 1951. 

Ces trois années, peut-être les moins connues de toute la vie de l’écrivain, sont aussi les 

plus symptomatiques du point de vue de l’exil, car, situées immédiatement après le 

départ de Tchécoslovaquie, elles dévoilent brutalement tout ce par quoi un réfugié de 

1948 devait passer. 

I.3.1. L’aspect matériel 

Les Tchèques, en tant que représentants d’une petite nation, sont-ils mieux adaptés 

aux conditions de vie en exil que les grands peuples, tels les Russes ou les Polonais, 

comme le suggère Mojmír Grygar, ou bien au contraire, dépourvus d’une vraie tradition 

d’émigration, sont-ils enclins à être de « mauvais exilés », comme en est persuadé 

53 Cf. A. Philomenko, « Les Puissances de l’Exil », in : L’Exil, Textes réunis par A. Niderst, Paris, 

Klincksieck (Actes et colloques), 1996, p. 199. 

28


A. J. Liehm 54 ? Nous n’avons pas de réponse. Quoi qu’il en soit, la vie de n’importe 

quel exilé, peu importe sa nationalité, est toujours vécue comme une fracture, un 

bouleversement, un choc. Et depuis toujours l’exil porte les connotations de privation, 

détresse, solitude, comme nous le rappelle déjà le psalmiste de l’Ancien Testament : 

« Malheur à moi : je dois vivre en exil, et camper dans un désert ! » 55 Si le psalmiste 

compare l’existence de l’exilé aux conditions extrêmes de la vie dans le désert, faisant 

penser à la chaleur et à l’aridité, Béatrice Kasbarian-Bricout, dans son essai, la compare 

à un élément beaucoup plus dynamique, à un « fleuve indomptable, avec des 

soubresauts et des moments d’accalmie, si courts soient-ils » 56 . Les soubresauts qui se 

font sentir les premiers sont sans doute d’ordre matériel. 

Tout émigré doit, tout d’abord, se mettre en règle avec les autorités du pays 

d’accueil, se procurer les moyens matériels pour vivre, à savoir un abri et de la 

nourriture et, le plus tôt possible, trouver un emploi quelconque. Toutes ces difficultés 

matérielles, voire existentielles, relevant du nouveau statut de Čep, laissent des traces 

dans sa correspondance et dans son journal : problèmes administratifs (« je passe tout 

mon temps à courir après les papiers » ; «Que c’est triste, cette salle de la Préfecture où 

tout un troupeau de désemparés cherche à retrouver quelque semblant d’identité ! » 57 ), 

soucis de logement (« Je suis logé provisoirement chez des amis à Versailles » ; 

« J’habite pour le moment l’hôtel St. Pierre » 58 ; « dans mon trou d’hôtel, je suis obligé 

d’allumer l’électricité à toute heure, à moins qu’il n’y ait de coupure » 59 ), manque 

d’argent (« c’est cher, la vie à Paris, et ma petite réserve s’épuise vite » ; « les petites 

réserves s’amincissent [...] Ce qui me manque terriblement, c’est de ne pas pouvoir 

m’acheter de livres » 60 ), et ainsi de suite. Si nous voulions faire un résumé de toutes les 

citations similaires, la formule suivante nous viendrait à l’esprit, qui synthétise ainsi 

l’existence toute première de l’émigré : passer son temps dans l’incertitude et le 

provisoire, entre le « trou » gris de l’hôtel et les guichets sinistres des organes 

administratifs. 

54 

Cf. M. Grygar, « Les Métamorphoses de l’écrivain en exil », in : Emigration et exil dans les cultures 

tchèque et polonaise, op. cit., 1987, p. 199 ; A. J. Liehm « Discuss after contribution of J. Vladislav », in : 

Literature in Exile, J. Glad (éd.), Durham-London, Duke University Press, 1990, p. 22. 

55 

Psaume 119, 5. On ne se serait pas trompé en utilisant le terme générique de « psaume » ou 

« jérémiade » pour les écrits intimes de Čep, tant l’élément de la plainte, du chagrin, de larme, comme 

l’apostrophe de Dieu y sont présents. (« Tristesse à en mourir », « triste à pleurer »…). 

56 

B. Kasbarian-Bricout, Exil : La vie en suspens. Essais, op. cit., p. 37. 

57 

J. Čep à H. Pourrat, respectivement le 5 et le 16 septembre 1948. 

58 

Termes soulignés par J. Z. 

59 

J. Čep à H. Pourrat, respectivement le 5 septembre 1948, le 16 septembre 1948 ; le 15 janvier 1949. 

60 

J. Čep à H. Pourrat, respectivement le 16 et le 29 septembre 1948. 

29


La question de la mise en règle avec les autorités du pays mérite un court 

développement. L’essayiste français, Pascal Bruckner, voit clairement l’enjeu du 

problème quand il rappelle justement cet « atroce malheur d’être un exilé, soumis au 

bon vouloir d’une administration étrangère » 61 . Non seulement les démarches pour 

obtenir leurs papiers prennent aux exilés le plus clair de leur temps, le souci d’avoir des 

documents en règle les pourchasse et va jusqu’à perturber l’identité de ces derniers. 

Devant les fonctionnaires, desquels dépend le bon ou mauvais sort de l’exilé, celui-ci se 

sent nécessairement en position d’infériorité ayant toujours à se présenter, à répéter et à 

réexpliquer son cas et son histoire indéfiniment. Ce contact purement formel et officiel 

fait que l’exilé éprouve le sentiment de n’être personne, de se vider de sa personnalité 

humaine et finalement il se voit fondre dans ce « troupeau de désemparés » amorphe et 

anonyme. 

Tous ces ennuis d’exilé ne furent évidemment pas épargnés à Čep. Malgré de 

nombreuses doléances, il fait sentir à ses amis français que parmi les réfugiés, celui qui 

peut assouvir les besoins les plus fondamentaux peut se prendre pour un privilégié : 

La vie n’a pas été facile pour moi ces temps-ci, bien qu’en comparaison de tant de pauvres frères 

d’émigrés que je connais, je sois encore un privilégié. […] j’ai toujours où coucher et de quoi 

manger. 62 

Le premier emploi parisien : chez les militaires 

La question de l’emploi se montre plus complexe. M. Burda 63 a très bien montré 

pourquoi la France n’était qu’un pays de transit pour la majorité des émigrés tchèques. 

Pour des intellectuels, il était quasiment impossible de s’insérer dans la société française 

d’après-guerre. Il n’était point rare que des intellectuels occupent des emplois manuels, 

d’un niveau inférieur à leurs formations et capacités afin de gagner leur vie et celle de 

leur famille. Reproduisons ici une citation de C. Bourdet, qui malgré son caractère de 

quasi boutade, va droit au cœur du problème de l’insertion professionnelle des émigrés 

en France à l’époque : 

61 P. Bruckner, Le Vertige de Babel. Cosmopolitisme ou mondialisme, Paris, Arlea, 2000, p. 27. 

62 J. Čep à H. Pourrat, le 28 novembre 1948. 

63 Cf. l’article « Accueil en France des écrivains tchèques émigrés après 1948 », in : Image de la Bohême 

dans les lettres françaises, sous la dir. de Hana Voisine-Jechová, Paris, PUPS, 2004, pp. 81-91. 

30


Un étranger qui s’évade de son pays, c’est un héros, mais s’il arrive en France, c’est une bouche 

inutile, un concurrent sur le marché du travail et, à moins d’être une personnalité pour la police, un 

sale étranger. 64 

Rassemblons maintenant quelques traits de ce premier et à la fois dernier travail de 

Čep à Paris. En quoi consistait-il et comment le supportait-il ? Dans son autobiographie 

il ne lui consacra pas plus de trois lignes, très vagues d’ailleurs, qui disent moins 

qu’elles n’en cachent : 

J’ai dû accepter un travail qui ne me prenait pas tout entier, mais qui me mettait dans des situations 

difficiles, qui me faisait affronter des personnes desquels me séparaient des distances 

infranchissables. 65 

Ce qui surprend au premier coup d’œil, c’est le début de la citation, la formulation 

qui met en relief l’obligation (« j’étais forcé ») en laissant comprendre que cette activité 

« professionnelle » ne fut que nécessité externe, permettant, il est vrai, d’assurer 

l’existence, mais étant en même temps tout à fait étrangère à la nature, aux intérêts et 

aux compétences de Čep. Autrement dit, ce métier nouveau « dont [il] s’accommoda 

assez mal » ne fut que substitution, succédané de sa vraie vocation d’écrivain, passée 

d’un statut de métier ou de profession qui lui permettait jusque-là de gagner sa vie, au 

statut de loisir inutile et même insensé. 

Faute de pouvoir vivre de sa plume mais, grâce à ses connaissances 66 et à sa maîtrise 

des langues, Čep se voit associé dans une entreprise à caractère militaire liée aux 

services secrets. Comment imaginer dans cette situation celui qui n’a jamais effectué de 

service militaire ? Le peu qu’il en dévoile est en grande partie exprimé dans des termes 

de dégoût et de découragement : 

Le travail qu’on me demande commence à me répugner ; il m’écrase ; je ne sais pas le faire. Mais 

qu’est-ce que je sais faire ? […] Il semble impossible de trouver en France un emploi qui me laisse 

des loisirs ; […] le genre de travail que je fais me cloisonne, m’empêche de voir les Français. Il m’est 

difficile de répondre à la question : « Qu’est-ce que vous faites ? De quoi vivez-vous ? » Il est rare que 

cette question ne soit pas posée. […] On m’a mis sur les bras ce qu’on appelle « l’action 

psychologique » (contre-propagande visant surtout à une efficacité à l’américaine, sans nuances.) On 

nous fait fabriquer, pour nous y préparer, des textes qui ne serviront jamais ; on nous donne des notes 

comme à des écoliers. On n’a ni argent, ni locaux, ni documentation suffisante… 67 

64 

Cité par A. Marès, « Exilés d’Europe centrale de 1945-1967 », Le Paris des étrangers depuis 1945, op. 

cit., p. 147. 

65 

« Byl jsem nucen přijmout práci, která mně sice úplně nezabírala všecek můj čas, ale která mně uváděla 

do obtížných situací a nutila se stýkat s lidmi, od nichž mě oddělovaly nepřekonatelné vzdálenosti. », 

Œuvres VI, p. 215. 

66 

Concrètement, ce fut Ferdinand Monzer, ancien colonel de l’armée tchécoslovaque étrangère, qui invita 

Čep à faire partie de l’équipe militaire. 

67 J. Čep à H. Pourrat, le 27 juin 1950. 

31


L’activité du bureau en question consistait en la préparation de textes de propagande 

destinés à être distribués dans la Tchécoslovaquie communiste. En réalité, les textes 

imprimés dans les brochures ne quittèrent guère les locaux du bureau, faute de moyen 

de transport. Son travail quotidien lui imposait avant tout la lecture de journaux 

tchèques et leurs traductions. Ainsi, tout contrairement à son effort de familiarisation 

avec la langue française, Čep se trouva entouré par l’élément linguistique tchèque. Le 

caractère « secret » (Čep parle dans une lettre à Pourrat d’un travail « inavouable et 

précaire ») des activités développées au sein de cet organisme militaire exigeait par 

ailleurs une dissimulation et une confidentialité stricte et encombrante que Čep assumait 

mal. Il en fait la confidence à Pourrat récriminant contre son isolement, se plaignant de 

ne pas pouvoir rencontrer les Français, de ne pas entretenir un contact régulier avec eux, 

en plus se voir obligé de se faire envoyer le courrier sous double enveloppe à un nom 

fictif : 

Un caprice ridicule de ces Messieurs [les supérieurs de Čep] : Nous avons déménagé et il paraît que 

pour des raisons de sécurité, je dois me faire envoyer les lettres sous double enveloppe, sur la 

première, il faut mettre le nom de M. Luc Blanchard, 38 Bd de Courcelles, Paris XVII 7 e . 

Officiellement, je garde l’adresse de 3 rue Gay-Lussac, mais je n’y passe que 2x par semaine. 68 

Lorsque Čep parle de son travail dans sa correspondance ou dans son journal – et il 

le fait plutôt rarement – la tonalité dominante en est l’écœurement et la tristesse ; il en 

va de même pour le champ lexical. Son bureau est désigné comme un « trou sombre et 

froid », il en est « dégoûté de plus en plus », et « déteste déjà avenue G. et tout ce qui 

s’y rattache ». Un désir constant : « pouvoir m’échapper de tout cela » ou au moins 

« avoir un mois de tranquillité relative » 69 . 

Le résultat naturel, c’est qu’un travail de ce genre finit par aliéner Čep. Il ressent des 

remords à s’être fourvoyé, à faire fausse route. Ces sentiments nous font déjà entrer 

dans la sphère du psychisme qui sera le deuxième aspect de notre portrait de l’émigré 

Čep. 

68 Ibid., 28 décembre 1949. 

69 Voir Journal du 29 décembre 1948, 22 janvier 1949, 23 février 1949 et lettre de J. Čep à H. Pourrat, 

le 27 juin 1950. 

32


I.3.2. L’aspect psychique et psychologique 

La privation des biens anciens, la misère matérielle sont, certes, très graves ; plus 

frappants encore pour l’existence d’un exilé se révèlent la perte affective, la détresse 

morale, l’abattement psychique. Nous pourrions prolonger la ligne des termes exprimant 

le psychisme et les états d’âme des exilés presque à l’infini : accablement, tristesse, 

angoisse, douleur, découragement, dépression, sentiment de manque, de solitude et 

d’étrangeté, de déracinement et d’isolement… 

L’expérience commune des psychologues et psychiatres ayant eu l’occasion de 

soigner les exilés confirme cette vérité sur le primat de la privation psychique 70 . Jan Čep 

ne fait pas exception à la règle. La brutalité et la radicalité de l’exil, ainsi que ce qui lui 

a précédé, s’ancre au plus profond, influence chaque acte conscient de Čep jusqu’à 

pénétrer dans son inconscience, dans les rêves qui deviennent des cauchemars. Les 

fantasmes lui ôtent le sommeil puisque, « chaque nuit ou presque », il rêve « d’être 

rentré et de ne pouvoir plus ressortir ». Voici comment il décrit à Pourrat le « rêve type 

de tous les émigrés » : 

La nuit, c’est une galopade de cauchemar, d’hallucination, de querelles imaginaires, de chutes 

cosmiques, de retour dans mon pays, inexplicable […] : on se voit rentré là-bas, sans savoir pourquoi 

et comment, vos amis en sont gênés et même épouvantés, vous voudriez ressortir, mais vous vous 

sentez traqué, mis à nu tout à coup vous fuyez, fuyez, mais toutes les sorties sont barrées, tous les 

trains déraillent, les rivières se mettent en travers, débordées, infranchissables… 71 

Il n’est pas surprenant que de façon presque identique, un autre émigré de l’Europe 

de l’Est se souvienne de ses premières nuits à Paris : Tzvetan Todorov 72 . 

Sans aucun doute, ces rêves eurent des répercussions sérieuses sur le psychisme de 

Čep dans les premiers temps de son exil ; déjà le fait de les avoir décrits dans son 

journal et même à certains de ses amis, témoigne de leur importance et de l’intensité 

avec laquelle ces cauchemars se présentaient à l’esprit de Čep et secouaient son 

équilibre fragile. Encore en 1952, soit 3 ans après son émigration, il subit un choc dû à 

« un terrible cauchemar » d’une telle force, qu’il ne parvient même pas à « réciter les 

70 Cf. L. Tourn, op. cit., p. 19, 76 : « Un cadre dépressif, des débordements d’angoisse, des terreurs, des 

rêves d’angoisse et des cauchemars répétitifs ou encore, des expériences de dépersonnalisation, voire des 

vécus hallucinatoires sont aussi régulièrement présents. » – « […] l’existence de ‘rêve traumatique’ 

répétitif, les crises de terreur, les débordements incontrôlables d’angoisse, l’insistance de certains troubles 

somatiques, l’impossibilité d’élaboration psychique […] ». 

71 J. Čep à H. Pourrat, le 15 janvier 1949. 

72 Cf . T. Todorov, L’Homme dépaysé, Paris, Seuil (L’Histoire immédiate), 1996, p. 11-12. 

33


premiers mots du Pater » 73 . Une chose inouïe chez le catholique pratiquant régulier que 

fut Čep. 

L’une des causes de ces retours imaginés, ou mieux hallucinés, dans le pays natal, 

tient au fait que le départ se produisait dans des conditions anormales : brusquement, 

secrètement, souvent sans que l’émigré ait le temps de se séparer des siens. Comme le 

fait remarquer L. Tourn le départ qui n’est pas entouré du rituel de séparation traumatise 

la personne de l’exilé qui a l’impression d’être non seulement absent pour ceux qui sont 

restés, mais carrément mort. L’acte d’adieu recouvre en même temps « l’espoir des 

retrouvailles mais aussi la crainte de ne pas se revoir avant la mort » et marque ainsi la 

« limite entre la présence réelle de l’autre et son absence » 74 . 

Cette difficulté de consommer la séparation (non-séparation), dont nous pouvons 

retrouver les traces dans le journal de Čep 75 , semble chez lui s’annuler dans l’instant de 

la mort, qui ouvre la voie à la communion parfaite, à la présence modifiée par la 

transformation finale au sens de l’eschatologie catholique. L’extrait du journal où Čep 

note la mort de sa mère est significatif à cet égard, car dans le mouvement d’harmonie 

le baiser d’adieu non réalisé par Čep avant de s’être évadé est racheté par le dernier 

adieu que sa mère lui adresse : 

Ma mère est morte le 22 avril ; je l’ai su neuf jours plus tard. Il y aura bientôt quinze ans que je lui ai 

dit au revoir. L’ai-je embrassé seulement avant de la quitter ? Il se peut bien que non ; […] Il paraît 

que sa dernière pensée de ce côté du temps a été pour moi. Elle m’a envoyé son « à Dieu », c’est-àdire 

« au revoir en Dieu ». Je suis sûr qu’elle m’aidera, là où elle est maintenant, à franchir cet abîme 

dès ce temps-ci, de m’ouvrir de plus en plus à la mystérieuse Présence. 76 

Si la nuit l’émigré est poursuivi par des hallucinations cauchemardesques, le jour il a 

tendance à s’évader dans des rêveries apaisantes. Contre la réalité agressive, contre le 

milieu étranger et les soucis insistants du moment présent, il se réfugie dans les 

souvenirs du passé ou bien cherche refuge dans le jeu de l’imagination. Ces moments de 

rêverie sont particulièrement forts dans les périodes et les situations qui jouent sur la 

sensibilité de l’exilé, comme c’est le cas lors des fêtes annuelles ou des dates 

anniversaires familiales. Alors, au moment du premier Noël en exil, Čep ne souffre pas 

73 Cf. la note du Journal du 22 août 1952 : « Difficultés avec mon cœur persistent. Dors mal. Un terrible 

cauchemar l’autre nuit. Croyais mourir. Essayé en vain de réciter les premiers mots du Pater. » 

74 Cf. L. Tourn, op. cit., p. 34. 

75 « Je suis parti sans lui [sœur Anna] dire au revoir ou adieu. Je suis presque sûr de ne la revoir jamais 

plus sur cette terre. » (le 17 août 1960) ; « Ma pauvre vieille mère, mon frère, mes sœurs. J’ai comme un 

pressentiment que je ne les reverrai plus. » (Noël. Saint-Jean, 1950) 

76 Journal, le 2 juin 1963. 

34


tellement « d’être séparé » des siens, mais « d’imaginer qu’ils pensent à [lui], la veille 

de Noël [s]a mère qui pleure » 77 . Čep fut toutefois conscient du caractère néfaste de ce 

phénomène, et s’efforçait de le combattre chaque fois qu’il s’apercevait de sa réclusion. 

Les signes de cette lutte pour se remettre, pour reprendre goût à la vie active, pour 

s’arracher à l’inertie, parsèment son journal, depuis l’enregistrement simple des faits 

extérieurs jusqu’aux résolutions fermes : 

Recommence à percevoir le monde extérieur – la couleur de la lumière, le chant des oiseaux, les 

étoiles, le rire des femmes. Le soir, repris mes promenades du côté de Notre Dame, en récitant mon 

chapelet. – Retrouver le chemin droit, sans pour autant m’enfermer dans moi-même, dans les 

scrupules d’une perfection personnelle et solitaire. Rester ouvert à tout. 78 

* 

La majorité des pensées, des souvenirs, des rêves des émigrés fut orientée vers ce 

qu’ils avaient abandonné, quitté peut-être pour toujours : le pays natal, la famille et les 

amis qui y étaient restés. Une question lancinante pour l’émigré était de savoir s’il 

n’avait pas eu tort de partir en exil et surtout s’il n’avait pas exposé, par son départ 

même, ceux qu’il avait laissés derrière lui au danger des persécutions. Un tel doute se 

laisse nettement voir chez Čep. 

La question de l’émigration se joue ainsi entre les pôles de la lâcheté d’avoir quitté le 

danger et la tâche inévitable dont sa mission à l’étranger est chargée. Autrement dit, la 

réponse à la question que Čep se pose (« mon départ fut-il une vraie nécessité pour moi, 

fut-il dans le sens de mon destin ou non ? » 79 ) contient toujours une partie d’incertitude, 

elle ne peut qu’être ambivalente et suscite des doutes qui ne sont pas entièrement 

éliminés même si l’exilé reçoit la « bénédiction » de son départ de « là-bas ». Čep reçoit 

en effet par une tierce personne l’affirmation que ses amis et sa famille approuvent son 

émigration. Il en fait part à Pourrat, en ressent un soulagement qui pourtant n’est ni 

entier ni durable (la dernière phrase porte de nouveau un aiguillon de culpabilité) : 

« Mes amis me félicitent d’être parti, ils sont tous d’accord, ils ne m’en veulent pas. 

77 Ibid., le 28 décembre 1948. 

78 Ibid., le 25 février 1949 ; le 27 juin 1950. 


35


Mais ils se représentent que je peux faire beaucoup plus que je ne fais, que je ne peux 

faire… » 80 

Le sentiment de culpabilité à l’égard de ceux qui sont restés, les remords de se 

trouver en vie ou seulement en liberté relative, tandis qu’au pays les gens sont méprisés 

et emprisonnés, accentuent les tourments psychiques de l’exilé. Il n’y a encore une fois, 

mais dans une perspective nettement différente, d’autre recours que celui de 

l’imagination : ne pouvant être physiquement parmi les condamnés, etc. Čep ne voit 

d’autre possibilité que d’essayer de se mettre à leur place en esprit, de s’associer à eux 

spirituellement. Le problème de « rester ou partir » demeure toujours présent : 

Si j’étais resté j’aurais été mis devant le dilemme implacable: ou être employé à la tâche 

« rééducatrice » du gouvernement, ou être écrasé. […] J’espère que Dieu m’aurait donné la force et la 

grâce d’être de ceux qui souffrent dans le silence ; je tâche de m’associer d’ici à la souffrance 

silencieuse de mes frères de là-bas. 81 

Nul doute que chez Čep les sentiments de ce genre devenaient obsessionnels et 

devaient le paralyser dans toutes ses activités. Václav Čep en porte d’ailleurs le 

témoignage en se rappelant quel effort surhumain il dut entreprendre pour enlever au 

moins une partie de ces remords et de ces sentiments de culpabilité à son frère 82 . 

La perte de la terre natale est pour l’émigré plus que douloureuse et devient la source 

d’une nostalgie poignante toujours renouvelée. Le cours habituel du rapport de l’émigré 

aux deux pays – d’origine et d’accueil – suit l’évolution de la « phase euphorique » à la 

« phase nostalgique » 83 . Ce qui signifie que l’émigré voit d’abord le pays d’accueil de 

manière idéalisée, comme la terre promise pour, ensuite, déplacer l’idéalisation vers le 

pays d’origine, qui reçoit les attributs du paradis perdu 84 . 


81 J. Čep à H. Pourrat, la St Henri 1949. 

82 Cf. l’interview avec Václav Čep : T. Pěkný, P. Feldstein, « A jsem mu řekl, aby šel… Rozhovor 

s Václavem Čepem », Student, n° 31, le 31 juillet 1968, p. 6. 

Cependant l’émigration de Jan Čep eut des répercussions sur la vie de sa famille comme en parle son 

frère Václav dans le même entretien : après le départ de Jan, une de ses sœurs qui était institutrice ne put 

plus enseigner, son mari fut désigné « koulak » [terme provenant du russe désignant un paysan aisé] bien 

qu’il soit entré à la Coopération agricole ; une partie du jardin appartenant à la maison natale fut 

confisquée pour y construire une étable ; Václav lui-même, professeur de lycée, fut systématiquement 

inquiété, subissant des menaces et l’emprise psychologique des interrogatoires répétitifs. 

83 Notions utilisées par L. Tourn dans l’ouvrage cité. 

84 Cf. aussi B. Kasbarian-Bricout, op. cit., p. 43 : « L’homme qui a tout perdu dote la terre qui l’a vu 

naître de toutes les vertus et en donne une image paradisiaque. » 

36


Čep, dont l’attachement affectif à son pays et tout particulièrement à sa région natale 

est fort connu, fut frappé beaucoup plus que les autres exilés par l’éloignement des 

horizons familiers. Aussi, la nostalgie du pays d’origine, présente dans toute l’œuvre du 

prosateur Čep, ne fait-elle que s’accentuer en exil. Alors que la séparation d’avec le 

pays natal, dont souffrent les personnages čepiens des ouvrages d’avant l’émigration, ne 

s’opère que dans la sphère de l’imagination créatrice, en exil elle devient 

douloureusement tangible. 

Tout dans le nouveau pays rencontre vite son homologue dans le pays natal par 

l’intermédiaire du souvenir, de l’imagination, de la rêverie. Comme dans le fameux 

poème de Baudelaire, il y a des correspondances qui se répondent : les formes, les 

odeurs, les goûts d’ « ici » évoquent leurs répondants de « là-bas ». La vérité évocatrice, 

rendue célèbre par la madeleine du narrateur proustien est, chez l’émigré Čep, prouvée 

et réaffirmée indéfiniment. Même en nous en tenant aux écrits non fictifs, comme c’est 

le cas du journal intime, nous n’avons pas grande peine à retrouver des passages qui 

semblent comme empruntés à Proust, exprimant le chagrin de l’émigré regrettant le 

pays natal : 

Hier, en me promenant, j’ai été surpris par la pluie. L’odeur de la motte et des chaumes humides m’a 

apporté tout à coup le souvenir de mon enfance. Une nostalgie poignante de mon pays m’a serré le 

cœur. J’ai senti monter mes larmes. 85 

Enfin, pour conclure cette partie rassemblant plusieurs aspects psychiques dont le 

portrait de l’exilé Čep est composé, nous aimerions mettre en relief le versant qui 

affecte le psychisme de la manière la plus profonde : le bouleversement identitaire. 

Comment ne pas penser ici à cet autre poète tchèque, émigré de la même vague 

d’émigration que Čep, Ivan Blatný, qui sous le poids de l’exil s’effondre psychiquement 

et séjourne la plupart du temps dans des asiles d’aliénés anglaises. 

Les signes du bouleversement identitaire chez Čep dans ces premiers temps de l’exil 

sont multiples. Il se traduit avant tout par le sentiment du remord de ne pas être celui 

qu’il devrait être, de ne pas faire ce qu’il devrait faire, bref de trahir la mission qu’il 

croyait à l’origine de son émigration. Le sentiment de « se dérober à quelque chose », de 

s’être « fourvoyé à n’en plus pouvoir sortir », de « faire fausse route », de s’être « égaré 

hors de lui-même, hors du centre des choses », de se sentir « en désaccord béant avec 

85 Journal, le 1 er août 1950. 

37


lui-même, avec tout le monde » 86 , un choix très large de ces tournures revient 

fréquemment dans les notes journalières de Čep. 

Chez Jan Čep l’ébranlement de l’identité ainsi que l’effort de son raffermissement est 

visible surtout dans le domaine religieux ; d’après nous, c’est la foi chrétienne 

(comprise non dans le sens étroit de la confession mais plutôt dans le sens du vécu 

existentiel) qui intègre la personne de l’homme Čep, qui lui donne sa cohérence la plus 

intérieure. Nous le remarquerons distinctement plus loin en analysant son livre 

autobiographique Ma Sœur l’angoisse où la foi, l’état de la foi, sa mise en question, sa 

vérification et son affermissement, jouent le rôle de fil rouge traversant tout le récit. 

Mais ici, c’est nous-même qui nous dérobons à la mission qui est la nôtre, en 

dépassant le cadre du portrait de l’émigré que nous nous sommes promis d’esquisser. 

Pour l’achever il nous reste à ajouter quelques paragraphes ayant trait à l’assimilation de 

l’émigré dans l’environnement social nouveau. 

I.3.3. L’aspect social 

L’aspect social de l’exil embrasse pour nous avant tout deux phénomènes qui se 

complètent : la perception de la société du pays d’accueil par l’exilé et son insertion (ou 

non-insertion) en elle, et l’acceptation de l’exilé par la société des autochtones. Dans les 

ouvrages traitant du phénomène de l’exil, une notion revient prioritairement pour 

décrire cette dialectique de la relation entre l’exilé et l’autochtone : l’étrangeté 87 . Après 

la « phase euphorique » où l’exilé ne perçoit que les avantages de son départ, jouissant 

de la liberté retrouvée, vient le réveil brusque du heurt avec la réalité brutale qui lui fait 

perdre bon nombre de ses illusions. Alors, l’exilé découvre la différence irréductible qui 

le sépare des habitants du pays, il se reconnaît étranger, et voit les autochtones comme 

des étrangers à leur tour : 

En même temps qu’il voit surgir l’étranger en l’autre, l’exilé se découvre étranger dans le regard de 

l’autre. Oublieux de l’exclusion à l’origine de son exil, il se réfugie alors dans la nostalgie du familier 

lointain. Et puisqu’il espérait l’impossible de la terre d’accueil, il est, naturellement, déçu. Déception 

et nostalgie s’alimentent l’une l’autre dans une dialectique qui peut provoquer la fuite […]. En même 

86 Cf. Journal, le 8 janvier 1949, le 27 juin et le 4 août 1950. 

87 Cf. « [L]’exilé est inévitablement rejeté par la terre d’accueil car ce qu’est la terre d’accueil, cela ne 

peut jamais signifier qu’une autre culture, une autre religion, pour tout dire un autre sentiment des 

rapports entre les humains. », J. Venturini, « L’exil sans voix », in : Litteratures & Cultures d’exil. Terre 

perdue, langue sauvée, N. Zakka (éd.), Université Charles-de-Gaulle-Lille III, 1993, p. 121. 

38


temps que l’autre apparaît à l’exilé comme défaillant, abandonnique, froid, indifférent, l’exilé se 

révèle à l’autre encombrant, maladroit, lourd, agaçant, décevant à son tour. 88 

Chez Čep, toutefois, le sentiment de l’étrangeté de l’autre ne peut provenir de 

l’ignorance du milieu, de la nouveauté de la « réalité française » puisqu’il la connaissait 

bien depuis des années comme peu de Tchèques à l’époque. Mais cette réalité française 

a cependant subi dans l’évolution d’après-guerre une transformation assez radicale qui, 

malgré toute la familiarité que celle-ci avait pour Čep, lui devient aliénante. Autrement 

dit, l’actualité de la France des années d’exil de Čep, ne correspond plus à la vision de 

ce pays, telle qu’il se l’était forgée avant la guerre. 

Ici faisons une petite parenthèse qui nous permettra de mieux voir cette 

incompatibilité de la France de Čep et de celle de l’après-guerre. 

Pour Čep la France représente en premier lieu le potentiel toujours vivant de la 

chrétienté universelle et le berceau de la culture européenne dite occidentale. Il en aime 

notamment la « tradition la plus profonde, chevaleresque et chrétienne », voit en elle 

« la Fille aînée de l’Eglise, foyer de l’esprit chrétien et de la culture européenne qui 

rayonne de son moyen âge glorieux et naïf, croyant et fier, sur les arts et la vie de tous 

les pays et de tous les siècles » 89 . C’est la France qui a donné au monde d’innombrables 

saints dont saint Louis, l’un des favoris de Čep. C’est également la France qui tient la 

plus haute place dans la littérature d’orientation spirituelle, avec ce renouveau 

prodigieux depuis le dernier tiers du XIX e siècle atteignant des sommets incarnés par 

Péguy, Claudel et Bernanos 90 . 

Ainsi les liens attachant Čep à la France sont-ils d’ordre spirituel, même en 

littérature. Sa famille d’esprit embrasse Bernanos (qu’il « aime de tout son cœur » et en 

qui il sent « quelque chose de vraiment vivant, une source spirituelle fraîche et 

profonde » 91 ) comme Claudel (pour qui il éprouve un « sentiment de gratitude filiale et 

d’affection chaleureuse » 92 ), aussi bien qu’Alain-Fournier (qui lui est « devenu 

88 Ibid., p. 126. 

89 J. Čep, « Lettre d’un catholique tchèque à Paul Claudel », La Revue française de Prague, 

le 15 décembre 1938, p. 82-87. Nous citons la reproduction in : Claudel diplomate, Paris, Gallimard 

(Cahier Paul Claudel n° 4), 1962, p. 169. 

90 Cf. « J’ai lu un peu Storia di Cristo par Papini pour m’entraîner à l’italien. […] Il y a de belles pages 

dans Papini, mais ce n’est pourtant pas Bloy. Rien à faire, dans la soi-disant littérature catholique 

moderne les Français ont toujours le dessus. Que cela soit la garantie de l’avenir de cette nation – et de la 

nôtre. », J. Čep à J. Zahradníček, le 10 août 1936. 

91 J. Čep à G. Bernanos, le 6 septembre [1933 ?]. 

92 J. Čep à P. Claudel, le 13 janvier 1939. 

39


réellement quelqu’un de très intime » au point qu’il « le nomme dans [s]es prières […] 

tout d’un trait avec [s]es propres chers défunts » 93 ) et Henri Pourrat (avec qui il se sent 

« dans une étonnante intimité » 94 ). Rien qu’à regarder ses amours littéraires et ses 

amitiés personnelles, nous avons une image assez concrète de ce que Čep admirait le 

plus profondément dans la France, l’essence même dont ce pays fut pour lui doté. 

Or, à la suite de la Seconde Guerre mondiale, la France vit une mutation profonde. 

Le pays sort du cataclysme de la guerre ravagé et très affaibli au niveau économique. 

Au moment où des milliers de réfugiés de l’est tentent d’atteindre ses frontières, la 

France reste toujours un pays chancelant, la restauration globale est à peine entamée. 

Ainsi, en partie s’explique le phénomène de xénophobie qui apparaît nouvellement dans 

ces années d’après guerre. D’autre part, un sentiment plus fort que la xénophobie voit le 

jour notamment au sein de l’intelligentsia française, celui de la méfiance a priori, pour 

ne pas dire l’hostilité manifeste vis-à-vis des émigrés 95 , qui ne peut s’expliquer 

entièrement sans mentionner le rôle que joua le communisme en France depuis la 

Libération. 

En effet, la situation politique du pays voit, comme c’est le cas de beaucoup de pays, 

la croissance imminente des communistes. Le PCF, qui était à l’époque le deuxième 

parti communiste occidental après celui de l’Italie et l’un des plus staliniens, sortit de la 

guerre plus fort qu’il n’a jamais été (il se présente comme le « parti des fusillés ») et 

devint le premier parti de l’électorat du pays. 

Ce qui semble plus étrange, c’est la position prise par les intellectuels français. Si 

dans l’article « Paris au cœur du débat Est-Ouest » J.-F. Sirinelli, par une sorte de 

pudeur, n’ose pas parler de l’« hégémonie communiste au sein du milieu intellectuel 

français », il assure que les « termes position dominante paraissent bien caractériser, 

93 Brouillon de la lettre adressée par Čep à la sœur d’Alain-Fournier lors de son voyage en 1932. 

94 J. Čep à H. Pourrat, le 3 décembre 1935. 

95 A. Marès décrit ainsi la réception en France des réfugiés venus de l’Est : « Dans l’atmosphère qui suivit 

la libération, les émigrés qui avaient fui les troupes soviétiques et les régimes des démocraties populaires 

étaient suspects au même titre que les collaborateurs. Qu’ils viennent du Goulag, des camps de la mort, 

des camps de prisonniers militaires, les Displaced Persons […] étaient confondues dans la même 

opprobre mêlée de gêne. Globalement dans le monde intellectuel français, ils n’étaient pas considérés 

comme des victimes de l’Histoire, et même pas comme des objets de cette Histoire, mais plutôt comme 

des gêneurs qui troublaient un certain conformisme ambiant. Plus tard, en comparant leurs sociétés aux 

sociétés occidentales, les exilés apportaient un témoignage d’autant plus inacceptable – pour beaucoup – 

qu’ils parlaient du concret, dépassant de vaines discussions doctrinales ou académiques. […] Les exilés 

durent donc sans cesse se défendre de ces reproches souvent injustifiés, entretenus par les appareils de 

propagande de leurs Etats d’origine ou le PCF.» A Marès, « Exilés d’Europe centrale de 1945-1967 », in : 

Le Paris des étrangers depuis 1945, op. cit., p. 135-136. 

40


pour le communisme, la situation de la cléricature française au cours de la douzaine 

d’années qui suit la libération » 96 . 

La quasi-totalité de l’intelligentsia française adhère, d’une manière ou d’une autre, au 

communisme. Saisie par une admiration sans bornes, voire par une véritable fascination 

pour l’URSS, l’intelligentsia française ne fait preuve en cette fin des années 1940 

d’aucun sens critique, vis-à-vis de l’évolution de l’Europe centrale et de l’Est 97 . 

L’expansion communiste est vue par l’intellectuel français comme une chose 

inéluctable, les démocraties populaires infligées aux pays satellites sont observées plutôt 

avec une sympathie bienveillante comme les sociétés de l’avenir. L’attitude pro- 

communiste va chez certains écrivains si loin qu’ils sont prêts à nier les réalités des 

procès truqués ou des camps de travaux forcés pour les réfractaires (Aragon). Dans la 

littérature, le grand débat sur l’engagement de l’écrivain instauré par l’existentialisme 

semble nettement conduire les gens de lettres dans les bras du Parti, d’autant plus que la 

figure emblématique, Jean-Paul Sartre 98 , compte parmi les premiers défenseurs et 

propagateurs du communisme. Les personnes qui osèrent prendre position contre le 

communisme sont bien rares, se limitant à quelques exceptions d’intellectuels 

clairvoyants comme Raymond Aron ou aux écrivains catholiques comme F. Mauriac ou 

P. Claudel, dont les heures de gloire semblent déjà révolues. Cependant même parmi les 

catholiques, nombreux sont ceux qui observaient avec un sourire indulgent tout ce qui 

se déroulait dans la partie centrale et orientale de l’Europe. L’exemple éclatant de ce 

catholicisme « progressif », cherchant naïvement à trouver un compromis entre 

christianisme et communisme, à unir l’idée communiste avec le message évangélique, 

se trouve, à coup sûr, dans la revue du personnalisme chrétien, Esprit. Il est difficile de 

prendre au sérieux les propos de cette époque, proférés par certains membres de la 

rédaction, tels E. Mounier, J.-M. Domenach, propos d’une naïveté totale, à supposer 

96 

J.-F. Sirinelli, « Paris au cœur du débat Est-Ouest », Le Paris des étrangers depuis 1945, op. cit., 

p. 124. 

97 

Tony Judt traite du comportement des intellectuels français d’après-guerre vis-à-vis du communisme 

dans son livre intitulé Un passé imparfait. Les intellectuels en France 1944-1956, traduit de l’anglais par 

P.-E. Dauzat, Paris, Fayard (Pour une histoire du XX e siècle), 1992. Dans cet « essai sur l’irresponsabilité 

intellectuelle » où il cherche à étudier « la condition morale de l’intelligentsia dans la France de l’aprèsguerre 

», l’auteur apporte des arguments peu flatteurs mais irréfutables, utilisant à propos de la 

communauté des intellectuels français des jugements acerbes comme celui de la « trahison des clercs » ou 

de l’« exercice d’anesthésie morale collective ». 

98 

T. Judt présente Sartre comme un « apologiste du terrorisme politique » qui « salua dans la violence 

communiste non seulement l’expression nécessaire et objective de l’humanisme prolétarien, la justice 

sommaire de l’Histoire, mais aussi quelque chose qui forçait l’admiration ». Op. cit., p. 152-153. 

41


qu’il s’agissait seulement de naïveté 99 . Čep, qui connaissait personnellement les gens 

autour de la revue en question y compris son rédacteur en chef, Mounier, se déclara « de 

plus en plus irrité » par leur prise de position et se montra inquiet devant « leur manière 

de considérer l’expansion communiste mondiale comme une fatalité inéluctable à 

laquelle ils se croient tenus d’adhérer ». Son exaspération va jusqu’à « les soupçonner 

d’une mauvaise foi » 100 . 

Ceci dit, le constat de l’incompatibilité entre la France rêvé par Čep et celle de 

l’actualité d’après-guerre, s’impose de soi. Lorsque Čep arrive en automne 1948 à Paris, 

il aura peine à reconnaître le pays cher à son cœur. Ses amis personnels et littéraires ne 

sont plus en vie (Bernanos) ou sont relégués à l’arrière-plan (Pourrat). Le sentiment 

d’intimité et de fraternité fut sans doute en exil souvent remplacé par celui 

d’incompréhension, pour ne pas dire par le manque d’effort à comprendre, ou même à 

écouter : 

Depuis bientôt quatre ans que je suis en exil, il ne m’est pas arrivé très souvent d’être écouté un peu 

attentivement par quelqu’un à qui j’avais essayé de parler, et de recevoir un signe de compréhension. 

J’ai passé ma vie à lire et à aimer les auteurs français. J’étais venu souvent en France jusqu’en 37. 

J’avais connu Bernanos dont j’ai traduit plusieurs livres en tchèque. Ayant été obligé de quitter mon 

pays pendant l’été 48, je suis venu tout naturellement en France, comme dans ma seconde patrie. Au 

bout de trois ans, j’ai dû reconnaître mon échec. 101 

Il est évident que l’époque où les écrivains exilés furent accueillis en France avec 

bienveillance – nous pensons au temps de Mickiewicz – était depuis longtemps révolue. 

Néanmoins, malgré l’abîme qui s’est creusé entre lui et la France nouvelle, le 

« sentiment amoureux » résiste dans le for intérieur de Čep. Malgré de nombreuses 

rectifications douloureuses qu’il devra faire subir à son image de la France, l’amour 

restera solide. Cet amour, qui a enduré déjà les fissures de Munich, va résister 

également à toutes les avanies et toutes les déceptions de son émigration, fussent-elles 

des plus grandes. J. Pasquier s’en était étonné déjà au moment de Munich en avouant à 

Henri Pourrat que l’« amour désespéré que des gens comme Čep gardent à la France a 

99 Pour donner un exemple de cette incroyable naïveté, mais aussi de ce que nous pourrions appeler 

l’orthodoxie de la foi communiste, citons d’après T. Judt respectivement Domenach et Mounier : « nous 

marcherons toujours avec les communistes, nous avons une foi absolue dans leur amour sincère de la 

justice […] » ; « Nous ferons alliance, annonça Mounier en 1950, avec quiconque défend la dignité 

humaine, le courage civique et démocratique, l’honnêteté intellectuelle et la liberté spirituelle, mais pas 

avec les anticommunistes. », T. Judt, op. cit., p. 190, 216). 

100 Journal, le 22 décembre 1948. 

101 J. Čep à H. Queffélec, le 6 juin 1952. 

42


quelque chose de bouleversant » 102 . Il est évident que malgré un certain degré 

d’éloignement et d’étrangeté, Čep est toujours resté fidèle à sa seconde patrie en lui 

gardant une affection chaleureuse, comme en témoigne la citation pathétique tirée de 

l’année 1950 de son journal : 

Je ne sais pas ce que j’ai imaginé en venant en France ; en tout cas, je n’avais aucun désir de la quitter 

pour un autre pays. Même en ce moment, et malgré ce que j’ai pu dire sur les pages de ce cahier, ce 

serait pour moi un déchirement d’avoir [à] partir ; je suis tenté de rester ; advienne que pourra ; même 

si l’armée rouge devait envahir le pays ; même si je risquerais d’y trouver la mort. 103 

* 

Ayant épuisé la digression qui voulait apporter quelques éclaircissements au sujet de 

la relation de l’écrivain morave à l’égard de la France, hâtons-nous de terminer le 

portrait social de l’émigré Jan Čep. 

Ce qui blesse le plus l’exilé, c’est sans aucun doute le manque de ce qui est considéré 

comme un droit élémentaire de l’être humain, le manque de reconnaissance de la part 

des habitants d’origine du pays. La perte subite de son statut social et professionnel, 

l’impression d’être transparent, d’être tout à coup dépourvu de toute son œuvre 

précédente, coupé des succès du passé, de l’œuvre déjà réalisée « là-bas », est une des 

épreuves les plus dures de l’exil. C’est là, à notre avis, la plus grande tragédie de l’exil 

de Jan Čep. En France, il n’était pas reconnu dans ce qu’il se croyait être le plus 

profondément : un écrivain. La douleur du rejet de son œuvre par les Français, la 

constatation de son échec en tant qu’écrivain en France frôle chez Čep, à en juger selon 

les doléances répétitives, le désespoir. Il est « brisé de découragement », ses vaines 

tentatives pour se faire valoir comme écrivain en France échouent lamentablement et lui 

ôtent tout reste de confiance en lui, mais dégrade à la fois à ses yeux, l’intelligence 

française qui se révèle particulièrement vaniteuse, auto-suffisante et égoïste : 

Je n’ai plus le courage de me présenter en « écrivain » à n’importe quel Français. – Toutes mes 

tentatives d’entrer en contact avec les milieux littéraires français ont échoué. – Il faudra me résigner à 

ne recevoir plus d’écho de nulle part et de personne ; d’être de plus en plus seul. 104 

102 J. Pasquier à H. Pourrat, lundi de Pâques 1939. 

103 J. Čep, Journal, le 4 décembre 1950. 

104 Journal, le 14 janvier 1949 ; le 18 juillet 1949 ; le 25 juin 1960. 

43


Il saisit clairement sa situation qu’il parvient à décrire parfaitement comme le « sort 

de l’écrivain d’un certain âge, qui jouissait dans son pays d’une réputation nullement 

médiocre et qui se trouve tout à coup rejeté dans une solitude et dans un anonymat des 

plus impuissants » 105 . 

Être méconnu, c’est ne pas être tout court. Tout au long de son exil français, Jan Čep 

demeure avant tout un écrivain anéanti, qui se sent rejeté en marge de la vie littéraire 

française. Dans de telles conditions, il n’est guère possible de procéder à une 

assimilation réussie dans la société du pays d’accueil. Pour l’ « écrivain raté » en exil, il 

ne reste que la solitude et le silence. La « solitude effrayante » qu’il « faudra apprendre 

à peser » 106 et le silence irrévocable qui crie le vide, l’absurdité 107 de la vie de l’écrivain 

à qui il est défendu de s’exprimer. Pour ne pas succomber au désespoir, au rongement 

de l’absurdité, Čep recherche un remède dans sa foi, qui lui propose la vertu de 

l’humilité, de l’héroïsme et la pratique de l’abnégation. 

Mon œuvre littéraire, dit Čep avec accablement dans son journal intime, restera un échec, moi-même, 

un inconnu. Il ne me reste que l’espérance surnaturelle. Sur le plan temporaire et littéraire, il me faut 

apprendre l’humilité, l’apprendre comme une vertu héroïque. 108 

* 

Nous avons essayé d’esquisser le portrait de l’émigré Jan Čep dans les premières 

années de son exil parisien. Le lecteur aura sans doute remarqué que les couleurs gaies 

font défaut presque entièrement dans le portrait en question, que ce sont au contraire les 

couleurs sombres, pessimistes qui prédominent largement. Pour lui redonner des 

couleurs vives et pour alléger un peu notre propos, nous sommes tenté de l’achever par 

une histoire anecdotique, quelque peu divertissante, qui a pourtant un lien incontestable 

avec le sujet traité. Lorsque Henri Pourrat chercha un moyen de sortir Čep de son 

accablement en exil, il lui suggéra la possibilité du mariage. Il croyait que la chaleur du 

foyer familial rendrait à Čep le réconfort moral et lui assurerait les conditions à la fois 

105 Ibid., le 18 juillet 1949. 

106 Ibid., le 19 juin 1951. 

107 L’écrivain russe Philomenko considère l’absurdité comme l’un des traits principaux de l’expérience de 

l’exilé. « L’absence de fin » est pour Philomenko la seconde puissance de l’exil, juste après celle de la 

perte de la langue maternelle. L’écrivain russe va jusqu’à interpréter le sens du mot « exil » par « exister 

pour rien ». Cf. A. Philomenko, « Les Puissances de l’Exil », in : L’Exil, op. cit., p. 203. 

108 Journal, le 22 octobre 1960. 

44


nécessaires et favorables à son travail d’écrivain. Dans sa réponse, qui n’est pas 

dépourvu d’une fine ironie, Čep décrit très bien le statut de l’émigré en France : 

Je suis un réfugié sans patrie qui vit d’un travail (si c’est un travail) inavouable et précaire ; je ne sais 

jamais, en recevant mon enveloppe au début d’un mois, si je l’aurai encore le mois prochain. […] 

Comment me présenter devant une jeune fille ou une jeune femme en lui disant : Ecoutez, je suis un 

va-nu-pieds qui ne sait s’il aura de quoi vivre demain ; demain peut-être, je serai un traqué ; liez votre 

sort au mien. 109 

Ainsi, à la fin de ce portrait de l’émigré Čep, avons-nous inséré son propre 

autoportrait. 

109 J. Čep à H. Pourrat, le 22 février 1951. 

45


II. LA RECEPTION DE JAN ČEP EN FRANCE ET 

LA TENTATIVE DE SON EFFACEMENT EN 

TCHECOSLOVAQUIE 

« Les Français ne veulent pas de moi. Ils 

écrivent tous, personne ne lit. Ils 

s’étourdissent par le torrent de leurs propres 

paroles, sans entendre la voix d’autrui. » 110 

Si nous tentions de trouver le nom de l’écrivain tchèque dans les grands dictionnaires 

littéraires français, nous n’obtiendrions de succès que dans deux cas. Seuls le 

Dictionnaire des littératures et Le Dictionnaire des auteurs de tous les temps et de tous 

les pays, avec son pendant, le Dictionnaire des œuvres de tous les temps et de tous les 

pays, contiennent un article « Jan Čep » 111 . Encore l’explication de cette présence est- 

elle moins due à la notoriété de Čep en France qu’à cette coïncidence que le 

collaborateur des deux dictionnaires et l’auteur des passages consacrés à la littérature 

tchèque n’était autre que Vladimír Peška, ami proche et admirateur de Čep. 

Voici comment l’écrivain tchèque, désigné comme « l’un des plus grands et plus 

purs créateurs de la prose tchèque contemporaine » est présenté dans le Nouveau 

dictionnaire des auteurs de tous les temps et de tous les pays. Peška commence par 

retracer l’itinéraire de la vie de Čep (sans oublier de mentionner l’amitié de Čep avec 

Bernanos et Pourrat, de même que son mariage avec la fille de Charles Du Bos), 

énumère la totalité de son œuvre de romancier et d’essayiste et en donne les 

caractéristiques principales. Il souligne notamment l’importance de la spiritualité 

catholique qui rattache l’auteur à « la lignée spirituelle tchèque mais invoque aussi celle, 

française, qui va de Pascal à Claudel ». Cette spiritualité se concrétise dans le symbole 

110 Journal, le 18 juillet 1949. 

111 Rédigé sous la direction de Philippe van Thiegem, 1 ère édition en 1968 ; les deux autres sous la 

direction de Laffont-Bompiani, 1 ère édition respectivement en 1952 et 1954. Les citations tirées du 

Nouveau dictionnaire des auteurs de tous les temps et de tous les pays et du Nouveau dictionnaire des 

œuvres de tous les temps et de tous les pays renvoient à l’édition de 1994. 

46


du « double chez soi » qui se reflète dans la thématique, ainsi que dans l’expression des 

nouvelles de Čep : 

Ces itinéraires d’hommes simples ou d’intellectuels, conduits avec une remarquable finesse, écrits 

dans une pure langue classique, sont déterminés par les signes, les appels venant de la ‘seconde patrie’ 

de l’homme, celle qui transcende l’existence terrestre. 112 

Dans un second temps, Čep est présenté comme un penseur chrétien qui propose 

dans ses essais aux lecteurs « ses réflexions et ses méditations sur l’art, la spiritualité 

catholique, la condition humaine dans le monde actuel », ainsi que comme un traducteur 

assidu de plusieurs langues européennes. La notice se termine dans l’actualité par le 

constat de ce que la « période du Printemps de Prague permet la réédition de plusieurs 

de ses livres et [qu’] une exposition lui est alors consacrée […] ». Ces informations sont 

enrichies et complétées dans le Nouveau dictionnaire des œuvres de tous les temps et de 

tous les pays dans l’article consacré à l’unique roman de Čep La Frontière de l’ombre. 

Peška, après avoir esquissé la trame et les traits principaux du roman, élargit la famille 

spirituelle de Čep en citant d’autres noms d’écrivains tchèques et français à tendance 

spiritualiste (Mácha, Němcová, Zeyer, Durych ; Chateaubriand, Bloy, Alain-Fournier, 

Péguy, Ramuz, Du Bos). Le symbole du « double chez soi » est ici encore mieux percé 

par la mise en relation avec le « sol natal » et les « racines de la famille » : 

Ses multiples personnages, des paysans aux intellectuels, sont décrits au moment crucial où ils 

prennent plus ou moins conscience qu’outre leur patrie terrestre c’est l’autre, transcendante, la plus 

authentique, qui les appelle irrésistiblement ; ces renaissances spirituelles, parfois dramatiques et 

tragiques, s’opèrent souvent par le retour, réel ou imaginaire, au sol natal, aux racines de la famille. 

Rien, cependant, qui rappelle une thèse chez cet ‘amateur des âmes’ et poète en prose sans égal, tout 

en finesse, allusion, tendresse et mystère. 113 

Il est à regretter que le nom de Jan Čep ne figure pas dans d’autres dictionnaires 

littéraires français, notamment dans ceux plus récents, parfois en dépit de la 

participation de collaborateurs tchèques à leur préparation 114 . 

Ce qui nous intéresse ici n’est pas seulement la réception critique des œuvres de Čep 

par des Français. Celle-ci étant presque inexistante pour des raisons bien évidentes – on 

112 Nouveau dictionnaire des auteurs de tous les temps et de tous les pays, p. 553. 

113 Nouveau dictionnaire des œuvres de tous les temps et de tous les pays, p. 2921-2922. 

114 Citons notamment Dictionnaire universel des littératures, sous la dir. de Béatrice Didier, Paris, PUF, 

3. vol., 1 ère éd. 1994 et Dictionnaire mondial des littératures, sous la dir. de Pascal Mougin et Karen 

Haddad-Wotling, Larousse/VUEF, 2002, où la littérature tchèque est traitée respectivement par Petr Král 

et Arnault Maréchal. 

47


n’écrit dans aucun pays des critiques et des comptes rendus sur les livres qui ne sont pas 

disponibles dans la langue du pays – nous allons élargir cette notion de réception. Nous 

nous efforcerons de percevoir, d’une part, comment, notamment à travers un réseau de 

liens personnels, le nom de Jan Čep atteint une certaine connaissance en France ou 

plutôt chez certains Français et, d’autre part, quelle réception sera en France celle de Jan 

Čep en tant qu’écrivain exilé. Faute de matériaux critiques, nous laisserons, surtout dans 

la seconde partie, une large place à Čep lui-même, en nous appuyant sur les différents 

textes de l’égo-littérature (Journal, Correspondances) qui, constituant en réalité un seul 

moyen d’écriture pour Čep, comportent des témoignages précieux pour notre sujet. A la 

fin du chapitre, nous mentionnerons le destin de l’œuvre de Jan Čep en Tchécoslovaquie 

sous la dictature communiste. 

II. 1. La réception « française » avant 1948 

C’est grâce à Josef Florian, propagateur à la fois d’une francophilie sincère et d’un 

catholicisme moderne tout au long de la 1 ère République, que Čep noue ses premiers 

contacts français. Lorsqu’il se rend pour la première fois en France en 1928, Florian lui 

fournit des contacts et le charge de missions à accomplir : il doit transmettre un paquet à 

Georges Rouzet et offrir un exemplaire de luxe de la traduction de Sous le soleil de 

Satan, parue la même année à Stará Říše, à son auteur. Rouzet, jeune écrivain belge et 

admirateur de Léon Bloy, connaît déjà Čep par des lettres de Florian dans lesquelles ce 

dernier lui parle très favorablement du jeune écrivain tchèque, jugeant sa création « très 

excellent[e] 115 ». Florian sert ainsi à Čep d’introducteur auprès du monde littéraire en 

France. Cette première visite de la France – visite nocturne de Paris en compagnie de 

Rouzet, entretien cordial avec Bernanos – restera à jamais ancrée dans sa mémoire. Si 

Čep aime déjà la littérature française qu’il suit passionnément, cet amour jusque là 

purement spirituel et intellectuel, prend chair au cours de ce voyage et à travers ces 

rencontres personnelles. C’est ici que naît la prédilection indéracinable et permanente 

qui le fait avouer dans son autobiographie : 

115 Voir J. Bednářová, Josef Florian a jeho francouzští autoři, op. cit., p. 581. 

48


La France tout entière est devenue ma seconde patrie, dès ma première visite en 1928 ; une patrie de 

réserve qui se superposait à la mienne, la complétait, s’interpénétrait avec elle. 116 

Au cours de ses voyages successifs en France, Čep fait la connaissance d’autres 

écrivains français. Se noue dans les années trente l’amitié avec Henri Pourrat qui 

deviendra la plus durable (27 ans) et la plus fructueuse de toutes ses relations françaises. 

Un échange épistolaire épisodique aura lieu également entre Čep et Paul Claudel à la 

suite des événements tragiques de Munich, mais celui-ci sera brutalement arrêté par la 

guerre. 

C’est avant tout Pourrat qui, dans sa correspondance avec ses amis, reprend l’image 

de Jan Čep, ce poète « à la fois très paysan, très lettré, très mystique ». Il le décrit à ses 

divers amis sous ces caractéristiques récurrentes, qui mettent bien en relief l’origine 

paysanne de Čep : « C’est un paysan, fils du paysan, et dont le frère reste fermier » ; « Il 

est de famille paysanne, il a labouré, gardé les vaches » ; « C’est un paysan, très poète, 

très mystique »… 117 Au niveau de la littérature, il reconnaît que Čep atteint malgré sa 

jeunesse la position d’« un véritable écrivain » 118 en Tchécoslovaquie et qu’il est par 

ailleurs un fort bon traducteur, ayant « merveilleusement traduit Gaspard des 

Montagnes » 119 . Dédiant La Porte du Verger à Čep, il a livré son nom au public, ou du 

moins à ses lecteurs, qui purent ainsi apprendre, concernant ce dernier, les éléments 

suivants : 

à Jean Cep : Cher Jean, Vous êtes paysan, vous êtes poète, vous êtes croyant, et en translatant 

Gaspard des Montagnes du français au tchèque, vous en avez fait, ce que j’aurais voulu en faire, un 

grand poème terrien et chrétien. Que ce livre vous porte mon remerciement, mon amitié. 120 

L’amitié de Pourrat jouera un rôle décisif dans les publications, d’ailleurs peu 

nombreuses, des nouvelles de Čep dans les revues françaises. C’est le cas du Gardeur 

d’oies et du Village submergé qui paraissent dans la revue jésuite Etudes, 

respectivement en 1936 et 1947 121 . 

116 

Œuvres VI, p. 224. Cité de la version française de Ma Sœur l’angoisse, manuscrit dactylographié, 

archives de V. Peška p. 179-180. 

117 

H. Pourrat à L. Gachon, le 15 juillet 1934 et le 27 octobre 1935. 

118 

Ibid., le 15 juillet 1934. 

119 

Ibid., le 27 octobre 1935. 

120 

La Porte du verger, Uzès, Editions de la Cigale, 1938. 

121 

Le Gardeur d’oies paraît dans le numéro de juillet 1936, p. 215-224, dans la traduction commune de 

Čep et de Pourrat. Quant au Village submergé, la nouvelle a été traduite en français à l’aide de Pourrat 

pendant le séjour de Čep au Vernet en 1939. Pour des raisons de sécurité (on pourrait voir dans le récit de 

l’inondation du village l’allégorie de la menace de l’inondation allemande nazie) elle ne sera publiée 

qu’après la guerre dans le numéro de juillet-septembre 1947, p. 21-42. 

49


Le lecteur attentif aura remarqué que nous avons donné un titre assez étrange à ce 

sous-chapitre : « La réception ‘française’ avant 1948 » et non, comme on aurait pu 

l’attendre, « La réception en France avant 1948 ». C’est qu’en dehors de la réception en 

France proprement dite, bien pauvre et dont traitent les lignes précédentes, nous 

souhaitons mettre en valeur une réception de Čep et de son œuvre, qui précède la 

réception que nous avons mentionnée, à savoir celle qui fut le fait des Français ne vivant 

pas en France. Il s’agit bien sûr des Français de Prague dont la présence, dans cette 

période traditionnellement désignée comme l’« âge d’or » des relations franco-tchèques, 

se faisait fortement sentir notamment dans les domaines culturel et intellectuel. 

Ainsi Čep pouvait-il côtoyer autour de l’Institut français de Prague dans les années 

1920-1930 des personnalités marquantes du monde intellectuel et politique français, 

comme l’excellent historien de l’Europe médiane Victor-Lucien Tapié, le professeur de 

droit international et fondateur futur du quotidien Le Monde, Hubert Beuve-Méry, le 

comparatiste et directeur du Groupe d’Etudes franco-tchèques Jean Pasquier, les 

traducteurs de littérature tchèque Michel-Léon Hirsch et Joseph Gagnaire, le diplomate 

Pierre Baraduc, le général Louis-Eugène Faucher ainsi que d’autres, qui tous furent ses 

amis à l’époque, même si l’intensité de cette amitié différait chez chacun d’entre eux. 

Deux enseignants de l’Institut en particulier, J. Pasquier et J. Gagnaire, devinrent de 

véritables familiers de Čep. Ils se rendirent des visites mutuelles, Čep s’arrêta chez eux 

pendant ses voyages d’agrément en France, ces derniers se souvenant d’avoir gardé 

d’inoubliables souvenirs de moments agréables passés dans sa campagne morave 122 . 

Tout cela ne constituait que des relations purement amicales, certes pleines d’affection 

et de sympathie sincère, mais ne pouvant presque aucunement contribuer à la notoriété 

de l’écrivain en France. Il faut cependant bien souligner qu’à cette époque, Čep se 

concentrait uniquement sur sa situation d’écrivain tchèque, ne se souciant pas de faire 

connaître son œuvre hors de son pays. 

C’est ce milieu francophone de Prague qui rendit possible les premières traductions 

des nouvelles de Čep. Il y existait alors deux revues françaises importantes rédigées par 

122 Jean-Pierre Pasquier, le fils de Jean Pasquier, nous a raconté ses inoubliables souvenirs d’une visite 

rendue à Čep avec son père à Myslechovice. Petit garçon, il se sentait comme dans un autre monde 

(« comme chez les martiens »), se voyant entouré de nombreuses créatures aux coiffures et costumes 

étranges (Čep avait 4 sœurs et 2 frères, à la campagne les filles portaient encore des costumes 

traditionnels et se coiffaient le plus souvent avec des nattes ce qui n’était pas forcément le cas à Prague où 

vivaient les Pasquier) et parlant un langage incompréhensible (dialecte de Haná). 

50


les Français qui comptaient parmi leurs collaborateurs les figures saillantes de la vie 

intellectuelle et culturelle tchécoslovaque : La Revue française de Prague et L’Europe 

centrale. 

La Revue française de Prague, organe de la fédération des Sections de l’Alliance 

Française en Tchécoslovaquie, paraissant à la fois à Prague et à Paris, fut fondée en 

1922. Outre sa fonction de « trait d’union » entre les sections de l’Alliance française en 

Tchécoslovaquie, comprenant notamment la promotion de la culture française et la 

diffusion de l’Enseignement supérieur de l’Institut Français de Prague à un large public, 

le programme de la Revue consistait en ceci: 

- informer ses lecteurs des principaux événements de la Vie littéraire, artistique, philosophique, 

scientifique, économique, tant en France qu’en Tchécoslovaquie [...] 

ainsi que : 

- mettre en valeur tout ce qui a pu, dans le passé, tout ce qui peut actuellement et tout ce qui pourra 

de plus en plus rapprocher les deux pays et leur permettre de se mieux connaître. 123 

Dans cette intention, la Revue publie non seulement les traductions des auteurs biens 

établis, mais aussi celles des écrivains de la modernité qui ont fondé leur réputation dès 

avant la guerre (Viktor Dyk, Antonín Sova, Otokar Březina, F. X. Šalda) ainsi que 

« tous ces jeunes auteurs qui sont l’avenir de la littérature et de la poésie tchèque » 124 , 

tels Vilém Závada, Jaroslav Seifert, Jan Zahradníček, František Halas pour les poètes, 

et, parmi les prosateurs, Josef Kopta, Benjamin Klička, Egon Hostovský, Jan Weiss, et 

bien sûr Jan Čep. A partir de l’année 1933 (année de la publication de Letnice pour 

lequel Čep se voit décerner le prix de l’Académie, et aussi de la parution de Gaspard 

des Montagnes dans la traduction de Čep), le nom de Jan Čep apparaît dans les deux 

périodiques français avec régularité. La Nuit de Noël (Cesta na jitřní) paraît dans la 

traduction de M.-L. Hirsch en cette année. Un an après, un chapitre du roman en 

préparation, La Frontière de l’ombre, voit le jour sous le titre La Visite, dans la 

traduction de Čep lui-même, qui sera reprise dans le numéro de décembre de 1936 pour 

la revue de l’Université Paris IV Synthèse. Enfin, lors des événements néfastes de 

Munich, il accède à la demande de Jean Pasquier et écrit pour la Revue un article, sous 

la forme d’une lettre ouverte à Paul Claudel, fustigeant l’atmosphère spirituelle de la 

Première république tchécoslovaque qui, selon lui, a contribué à l’avènement de la 

123 Sur la couverture du 1 er numéro du 30 mars 1922. 

124 H. Jelínek, « Panorama de la littérature tchèque d’aujourd’hui », Revue française de Prague, X e année, 

n° 54, 15 décembre 1931, p. 415. 

51


catastrophe. Cette lettre a manifestement suscité des réactions chez certains lecteurs en 

France comme en témoigne la correspondance de Čep avec ses amis français. Ainsi 

V.-L. Tapié peut-il envoyer à Čep une lettre émouvante d’une Française touchée par 

l’article de Čep : 

Une dame amie, qui a voulu lire votre magnifique lettre à Paul Claudel, m’écrit deux pages [...] qu’il 

me paraît difficile de ne pas placer sous vos yeux. [...] Je suis si écœuré des témoignages d’amitié 

franco-tchèque officiels et menteurs que j’attache un prix infini à cette lettre [...]. 125 

Il est tout naturel que la création de Čep soit attentivement reflétée dans la chronique 

littéraire de la Revue, dirigée par Hanuš Jelínek, critique de théâtre et francophile 

sincère. A partir de Letnice (Pentecôte) de fort bons comptes-rendus accompagnent 

chaque nouveau livre de Čep. Dans l’un des derniers numéros, avant que la Revue ne 

cesse de paraître pour des raisons de censure, Joseph Gagnaire fait l’éloge de Jan Čep : 

« C’est exprimer une vérité évidente que de dire de Jan Čep qu’il est l’un des premiers – 

et, à notre goût, le tout premier – des écrivains tchèques de la jeune génération. » 126 

Gagnaire conclut par la ferme conviction que l’art de Čep atteindra des niveaux encore 

plus hauts : « Nous attendons de lui – il est de ceux à l’égard desquels on a le devoir 

d’être exigeants – le livre qui sera son chef-d’œuvre. » 127 

Une autre revue française paraissant à Prague, L’Europe centrale, revue de la 

semaine, qui prend le relais de La Gazette de Prague, fut créée en 1926 avec le but 

principal de « faire connaître les peuples de l’Europe centrale et de travailler […] à leur 

rapprochement » 128 . En dépit de cette « entreprise neuve et hardie que de fonder une 

revue française hors la France » comme l’affirme dans l’éditorial du premier numéro le 

rédacteur en chef Georges Marot, L’Europe centrale se veut 

une revue digne de ce nom, qui soit en contact permanent et immédiat avec la vie et qui chaque 

semaine mette de clarté et de l’ordre dans la représentation confuse que nous offre des événements la 

presse d’informations. 129 

Parmi ses correspondants on retrouve bien souvent les noms connus déjà de la Revue 

française de Prague : Michel-Léon Hirsch, Hubert Beuve-Méry, Victor Lucien Tapié, 

125 

V. L. Tapié à Jan Čep, le 11 mars 1939. 

126 

J. Gagnaire, « Jan Čep, Jaroslav Durych, Joseph Hora, Mme Zuzka Zguriška, H. Jelínek », Revue 

française de Prague, XVII e année, p. 51. 

127 

Ibid., p. 52. 

128 

G. Marot, « Editoriale », L’Europe centrale, n° 1, le 9 octobre 1926, p. 1. 

129 Ibid. 

52


Joseph Gagnaire, Junia Letty pour les Français, Richard Weiner, Hanuš Jelínek, 

Bohumil Markalous – entre autres – pour les Tchèques. La structure de la revue est 

organisée en rubriques stables : Editorial, Echos, Bulletin de Paris, La politique de 

l’Europe centrale, La vie économique, La littérature, Le théâtre, Beaux-arts, Variétés, 

Sports et La vie à Prague. 

C’est dans le numéro de juin 1938 que paraîtra un court récit de Čep Dimanche 

après-midi dans la traduction de Joseph Gagnaire. Plus important encore, un article 

sérieux de Gustave Aucouturier 130 est consacré à l’œuvre de Jan Čep. Dans cet article 

intitulé « Un jeune écrivain tchèque : Jan Čep » et écrit sur un ton flatteur, l’auteur 

présente Čep comme un « écrivain jeune et modeste qui parvient à se faire apprécier par 

la seule valeur de son talent, sans publicité tapageuse ni scandales savoureux » 131 . 

Aucouturier souligne l’originalité et la singularité de la création de Čep, qui fait plutôt 

exception dans la jeune littérature tchèque au sein de laquelle Čep est « un de ceux, 

assez rares, qui n’appartiennent à aucune école et font route à part » 132 . Aucouturier 

poursuit par percer les fondements de la création artistique de Čep : 

Son talent est fait d’une grande richesse d’émotivité lyrique et d’une certaine conception de la vie, 

d’un catholicisme à la fois indulgent et ascétique, qui donne le ton à tous ses récits, et qui par ailleurs 

limite un peu son domaine d’expression poétique. 133 

A juste titre l’auteur de l’article met en valeur les sources majeures de l’inspiration 

čepienne : le campagne natale, qu’il « chante avec une extraordinaire puissance 

d’expression et de suggestion », « le sentiment de la mort » et l’angoisse ou plutôt 

« toutes les angoisses qui étreignent l’homme, ou même déjà l’enfant, placé devant la 

vie et la destinée » et que Čep « ressent et exprime avec une douloureuse acuité. » 134 Au 

fond de tous ses récits, Aucouturier perçoit l’élément religieux, qui fait que malgré 

l’omniprésence de la mort et de l’angoisse, au plus profond on découvre l’amour de la 

vie. Si l’on distingue parfois deux types d’écriture en fonction de la priorité que 

l’écrivain attribue soit au sens (« ce qu’il a à dire ») soit au style (« comment le dit-il »), 

Jan Čep se classerait selon Gustave Aucuturier dans le premier groupe : 

130 Traducteur assidu du russe (Pouchkine, Gogol, Tolstoï, Dostoïevski) et du tchèque (I. Olbracht, 

K. Čapek) ; l’article parut dans le n° de 25 août 1934, p. 549-551. 

131 G. Aucouturier, « Un jeune écrivain : Jan Čep », Revue française de Prague, le 25 août 1934, p. 549. 

132 Ibid. 

133 Ibid. 

134 Ibid., p. 549-550. 

53


Jan Čep, à la différence de tant de ses jeunes confrères, écrit pour dire quelque chose : non pas tant 

pour enseigner ou prêcher – encore qu’il ne soit pas toujours exempt de cette tendance – mais pour 

exprimer son sentiment et sa foi. 135 

Cependant cet aspect religieux met le jeune écrivain en danger d’excès de passivité 

de ses personnages qui sont en majeure partie « des faibles, résignés à la vie, incapables 

de lui donner leur empreinte et de la forcer à leur direction » 136 . Bien que la plume 

d’Aucouturier ne fasse pas grâce à Čep de certaines remarques critiques, dont surtout sa 

« philosophie de résignation religieuse », le talent de Čep est hautement apprécié et 

l’article donne une impression généralement positive : 

Cette philosophie de résignation religieuse fait à Jan Čep une place à part dans la littérature tchèque, et 

pourra un jour lui rendre rigoureuse la critique, en un temps où l’âme slave du roman russe de la fin 

du siècle dernier n’est plus à la mode, où l’on préfère les conquérants ; les vainqueurs de la vie, les 

« dynamiques ». Mais ce jeune romancier si peu moderne prendra certainement place parmi les bons 

et probes écrivains qui disent ce qu’ils sentent, sans souci de la réclame et de la mode, et qui donnent 

une expression classique à ces tourments devant la destinée auxquels n’échappent probablement pas 

les âmes les plus héroïques. 137 

Bien que très jeune, il est indéniable que Čep, qui au milieu des années 1930 compte 

déjà parmi les écrivains importants de la littérature tchèque de l’époque, hautement 

estimé par la critique, et tout spécialement par son doyen et maître F. X. Šalda, est 

connu au même titre des Français pragois. Dans la deuxième moitié des années 1930, la 

renommée de Jan Čep dépasse les frontières nationales grâce aux traductions de son 

roman La Frontière de l’ombre en allemand (1935), en hollandais (1937) et en croate 

(1938). C’est la Seconde Guerre mondiale qui met probablement un frein à cette 

diffusion prometteuse de l’œuvre de Čep en langues étrangères. Certes, le roman n’était 

pas traduit en français, néanmoins, dans les années d’après-guerre, il fut question de 

publier des florilèges de nouvelles de Čep chez Sagittaire et chez un éditeur belge, ce 

dont fait preuve la correspondance avec Pourrat : 

On m’a parlé, il y a quelques mois, d’une possibilité de publier la traduction d’un de mes livres aux 

éditions Sagittaire ; ça n’a rien donné maintenant, on me parle du choix de mes nouvelles pour 

quelque édition belge si cela se réalise (je n’y crois pas), je voudrais y insérér [sic] la traduction du 

Village submergé que nous avions faite ensemble. Si vous pouviez en trouvez la copie et me 

l’envoyer. 138 

135 Ibid., p. 550. 

136 Ibid. 

137 Ibid., p. 551. 

138 Jan Čep à Henri Pourrat, le 26 mars 1947. 

54


Adviennent les événements de février 1948, qui mettent un terme pendant les 

quarante longues années de la dictature communiste, à la réception de Čep en 

Tchécoslovaquie, et qui le conduisent à l’aventure de l’exil. Ce bouleversement nous 

oblige à changer la perspective de ce chapitre. Il n’y sera plus question de la réception 

de l’œuvre de Čep, écrivain tchèque en France, mais nous porterons notre intérêt sur la 

réception et sur l’accueil que les Français firent à Jan Čep, écrivain émigré en France. 

II.2. La réception en France après 1948 

Le Coup de Prague en 1948 représente dans la vie de Čep, aussi bien que dans la vie 

de tout son pays, un tournant tragique. Non dépourvu d’ambitions littéraires, il se rend 

tout naturellement en France pour y tenter sa chance. Le résultat est bien connu : Jan 

Čep n’a pas réussi à devenir un écrivain français comme ce sera le cas de certains autres 

écrivains en exil (Samuel Beckett, Milan Kundera, Vladimir Nabokov). Cependant, son 

existence et son effort pour s’imposer en tant qu’écrivain ont dû laisser des traces 

quelque part, et c’est à nous maintenant d’essayer de les rassembler et de les porter à la 

lumière du jour. Ce que nous tenterons de montrer, c’est comment la personnalité et 

l’œuvre de Čep ont été reçues en France, quels furent ses « succès » littéraires, et quels 

furent au contraire ses échecs. 

L’accueil réservé par les intellectuels français, aux écrivains tchèques venus en 

conséquence des changements politiques de 1948, est très bien rendu par Milan Burda 

qui restitue avec précision cette atmosphère défavorable, l’indifférence et l’hostilité des 

collègues occidentaux « pour qui les écrivains qui avaient osé quitter leur pays étaient a 

priori suspects, voire traîtres à leur mission » 139 . Bien évidemment, Jan Čep ne peut 

éviter cette étiquette, bien que sa position paraisse plus avantageuse : il a une renommée 

d’écrivain catholique important dans son pays, tout en étant traducteur et ami personnel 

de plusieurs écrivains français, et connaît bien la langue et le pays d’accueil. Grâce à ces 

mérites, selon Burda, Čep « pouvait donc légitimement espérer une aide venant de ce 

côté-là [de la part des écrivains et intellectuels français] pour pouvoir continuer son 

139 M. Burda, « Accueil en France des écrivains tchèques émigrés après 1948 », in : Images de la Bohême 

dans les lettres françaises, op. cit., p. 83. 

55


œuvre et la faire connaître en France » 140 . Il fut en effet, toujours d’après M. Burda, « le 

seul à pouvoir réellement nourrir l’espoir de s’imposer en France en tant 

qu’écrivain » 141 . 

Malgré tout, aucune de ses œuvres majeures ne paraîtra en France au cours des vingt- 

six ans que dure son exil français. Quant à ses publications en français après 1948, elles 

se résument à une quinzaine d’articles journalistiques et seulement deux récits : Les 

Tsiganes, publié en 1952 par la revue Terre humaine, et une longue nouvelle, Oldřich 

Babor, publiée sous le titre L’Homme qui avait tout perdu, et qui paraîtra en 1964 dans 

la traduction de Madeleine Monzer dans la revue belge Le Flambeau 142 . Étant donnée 

cette situation, il n’est pas surprenant que la presse française ne porte à l’écrivain 

tchèque qu’un minimum d’attention. En effet, seules les publications en périodiques de 

ces deux nouvelles permettent de renseigner le public sur leur auteur et son œuvre. Les 

auteurs de ces petits « chapeaux » présentent Jan Čep comme un « écrivain catholique 

de renom en Tchécoslovaquie », un « écrivain tchèque qui faisait l’honneur de la 

Tchécoslovaquie libre », voire « le meilleur écrivain tchèque contemporain ». Il n’en 

reste pas moins vrai que Čep ne jouira jamais de la notoriété d’un grand écrivain en 

France et que, si flatteuses soient ces appréciations, elles impliquent en même temps 

l’arrière goût amer de l’échec général de ses tentatives littéraires dans ce pays. 

Comment, en dehors de ces caractéristiques générales, perçoit-on Čep dans ces profils ? 

Quels aspects de son œuvre y sont remarqués ? Quelles qualités y sont révélées ? Nous 

nous permetterons donc de résumer ce qui est dit sur le compte de l’écrivain tchèque et 

sur sa création dans les chapeaux introduisant les deux seules publications dans les 

périodiques francophones. 

En publiant Les Tsiganes en avril 1952 dans sa revue Terre humaine, Etienne Borne 

loue la maîtrise du français chez Čep et souligne la particularité de ce récit 

« parfaitement nu et dépouillé [...] dont toute la valeur littéraire tient précisément en 

ceci » qu’il est libre « de toute littérature » 143 . Dans le personnage du vieux prêtre, une 

des figures centrales du récit, il reconnaît la parenté spirituelle avec Bernanos, 

140 Ibid. 

141 Ibid. 

142 « Les Tziganes », Terre humaine, avril 1952, p. 82-96, précédé d’une présentation de l’auteur par la 

rédaction; « L’Homme qui avait tout perdu », Le Flambeau, n° 1, janvier-février 1964, p. 3-35, précédé 

de « Un écrivain tchèque : Jan Cep » (par Didier Castagnou), p. 1-3. 

143 Terre humaine, avril 1952, p. 82-83. 

56


considérant le curé des Tsiganes comme un « frère de ces prêtre de Bernanos dont la 

sainteté torturée rachète les temps mauvais » 144 . 

Oldřich Babor, une nouvelle d’une quarantaine de pages, écrite par Čep dans les 

années 1940, voit le jour en 1964 dans Le Flambeau, revue qui prouva son intérêt pour 

la culture et la politique des pays de l’Europe centrale pendant l’Entre-deux-guerres. La 

nouvelle, traduite par le soin de Madeleine Monzer, fut précédée dans le volume de la 

revue par un article intitulé « Un écrivain tchèque: Jan Cep [sic] » dont l’auteur, Didier 

Castagnou, était un traducteur de russe. Si Castagnou prouve une assez bonne 

compréhension de l’œuvre de Čep, dont il livre des caractéristiques pertinentes, il lui 

arrive en même temps d’exprimer un jugement, par lequel Čep dut se sentir absolument 

consterné et stupéfait. Ainsi par exemple le choix de le faire voisiner avec l’un des 

fossoyeurs de la littérature tchèque libre sous le régime communiste, Jan Drda, 

Castagnou désignant Čep comme « le meilleur écrivain tchèque contemporain avec, 

sans doute, un autre Jan, Jan Drda [...] » 145 . 

Castagnou continue son exposé sur Čep par la mise en valeur de son art : « Si le 

raffinement du style, la composition subtile et ferme à la fois, une émotion humaine 

contenue, enfin, font l’écrivain, Jan Cep [sic] est un grand écrivain. » 146 Ayant ensuite 

énuméré ses œuvres dont les titres sont « empreints de poésie insinuante » 147 , il se pose 

une question qui trahit la naïveté ou l’ignorance du critique à l’égard de l’existence 

malheureuse de l’écrivain dans son exil français : « On ne peut dire si l’exil, depuis, a 

tari l’inspiration de l’écrivain ou si, plutôt, il se tait volontairement pour mûrir mieux 

encore ses œuvres futures. » 148 

Bien que dans ses nouvelles Čep « ne s’aventure guère hors de sa Moravie 

natale » 149 , Didier Castagnou est loin de ne le considérer que comme un écrivain 

régionaliste et perçoit bien le versant existentiel de la création de Čep qui le rapproche, 

à ses dires, des grands écrivains de la littérature – pas seulement française : 

On trouve dans les œuvres de Cep tous les soucis, toutes les inquiétudes de l’homme moderne, du 

citadin. Son art est nourri aux meilleures sources : catholicisme de révolté de Léon Bloy, catholicisme 

encore, mais serein, visionnaire et moderniste, de Paul Claudel, douceur angélique de Georg Trakl… 

La « conscience malheureuse » de ses héros passifs et coupables, comme écrasés par une destinée 

144 Ibid., p. 82. 

145 D. Castagnou, « Un écrivain tchèque : Jan Cep », Le Flambeau, n° 1, janvier-février 1964, p. 1. 

146 Ibid. 

147 Ibid. 

148 Ibid. 

149 Ibid. 

57


contre laquelle ils tentent en vain quelque chose, rappelle, dans un registre tout différent, bien sûr, 

l’ambiance de Franz Kafka [...] 150 

Castagnou conclut son article sur Čep en exprimant son appréhension devant le fait 

qu’alors que, au cours de son exil, les livres de Čep sont diffusés dans différents pays (il 

mentionne l’Allemagne, la Pologne et même les États-Unis), 

il est à craindre que le lecteur de langue française ne soit finalement un des derniers à même de 

découvrir un écrivain qui fait honneur à la littérature de son pays, mais aussi à la littérature tout 

court. 151 

II.2.1. La réception immédiate 

Pour mieux comprendre la réception ou plutôt la non-réception de Čep en France, il 

serait plus qu’utile de soumettre à une analyse les tentatives de celui-ci auprès des 

éditeurs français, tentatives vainement répétées jusqu’à son départ pour Munich à 

l’automne 1951. Le passage de Ma Sœur l’angoisse où Čep fait le bilan de son échec est 

bien connu : 

Je me faisais des illusions ; j’avais en tête un sujet de roman que je voulais écrire en français, mais je 

me suis bientôt rendu compte qu’en France et surtout à Paris les gens ont d’autres soucis que 

d’écouter ma voix assourdie et ma mélodie probablement trop peu envahissante. [...] 152 

Comme nous l’avons déjà vu, dans les années d’après-guerre se sont offertes à Čep 

plusieurs occasions de publier un recueil de nouvelles en traduction française. De ce 

fait, en émigration, il est déjà muni de certaines traductions faites en grande partie son 

amie Madeleine Monzer. 153 Dans une lettre à son ami Pourrat, Čep explique sa 

situation : 

150 Ibid., p. 2. 

151 Ibid. 

152 Œuvres VI, p. 215. 

153 Comme elle occupait une place importante dans la vie de Čep d’après-guerre, elle mérite une brève 

présentation. Française très cultivée, passionnée de littérature et d’art, elle était la femme du colonel 

tchèque Ferdinand Monzer. Installée avec son mari à Prague, ville pour laquelle elle éprouva un très vif 

attachement, elle publiait régulièrement de courts articles et récits dans les deux périodiques français 

paraissant à Prague et dont nous avons traité précédemment. La Seconde Guerre mondiale poussa les 

Monzer à s’exiler à Londres. Après la guerre, ils revinrent aussitôt à Prague. C’est en 1946 que 

Madeleine, à travers Jean Pasquier, fit la connaissance de Čep et l’invita à fréquenter le salon littéraire 

qu’elle avait organisé dès les années 1930 et qu’elle rouvrit après la guerre. Ils devinrent des amis 

intimes, et il est certain que Madeleine joua un rôle non négligeable dans la décision de Čep de s’exiler en 

France. Dans les années 1970, elle publia deux plaquettes de poèmes, Mes larmes et ton sourire et 

Les années vides, dédiées à son mari décédé en 1968. 

58


Mme Monzer, qui avait déjà traduit plusieurs de mes nouvelles en vue de la publication éventuelle en 

français d’un choix de mes proses, s’est mis à la traduction du roman en question. Il paraît qu’un 

éditeur se déciderait plus facilement à publier un volume de nouvelles si j’étais déjà un peu connu par 

un roman. – Du reste je comprends bien toutes les difficultés qui sont pareilles partout. Le marché de 

livres en France semble vraiment trop chargé… Et avec tous ces désordres économiques, sociaux et 

politiques… 154 

Il est significatif de voir comment l’initiative pour faire paraître l’œuvre de Čep en 

France fut prise par d’autres personnes, qu’il s’agisse d’amis français (Madeleine 

Monzer, plus tard Albert Béguin et Henri Queffélec firent un effort pour trouver un 

éditeur, jusqu’à l’intervention de Mgr Himmer de Tournai) ou de compatriotes vivant en 

France. Čep, homme timide et manquant de sens pratique, n’était pas capable de 

s’imposer dans un milieu aussi concurrentiel que le marché du livre en France. 

Ainsi, c’est surtout un abbé slovaque 155 qui prit soin de la publication de Čep, faisant 

le tour des maisons d’édition avec un exemplaire de la traduction allemande de 

La Frontière de l’ombre. Rien n’est plus instructif au niveau de la réception de Čep en 

France que ces jugements des lecteurs des diverses maisons d’édition qui toutes finirent 

par refuser le livre de Čep pour des raisons bien différentes. Faisons à présent un petit 

tour de ces maisons d’édition et observons comment tout ceci se reflète dans la 

correspondance et dans le Journal de Čep. 

Commençons par Plon : 

Ça leur a plû [sic], paraît-il, mais finalement ils ont rendu l’exemplaire à l’abbé tout en lui exprimant 

leur regret que malgré les hautes qualités etc. du livre ils ne peuvent assumer de nouveaux 

engagements, étant débordés par les traductions… 156 

C’est ensuite le tour d’Albin Michel : 

L’abbé slovaque qui avait fait l’intermédiaire entre moi et Alb. Michel, m’a fait parvenir hier la lettre 

suivante : « … un premier lecteur nous ayant remis sur le roman (de M. J. Cep) un fort bon rapport, 

nous l’avons confié à un second lecteur qui, à son tour, a reconnu les qualités du livre et le talent de 

composition (!) de M. Jean Cep ; cependant, il a fait d’ailleurs un certain nombre de réserves quant au 

succès que l’on pourrait attendre d’un tel ouvrage ; selon lui, le récit est assez monotone, l’œuvre 

manque de vie et traite un thème fort connu, toujours valable, mais qui n’a pas été 

renouvelé. » « Devant cette divergence d’opinions, nous avons prié un autre lecteur d’examiner 

l’ouvrage et nous devons vous dire que ce troisième rapport ne conclut malheureusement pas plus que 

le second, à la publication en France du livre de M. Jean Cep, qui lui paraît assez faible, en dépit de 

certains épisodes mieux venus. Nous ne pouvons donc que décliner » etc. – R. Esménard. 157 

154 Jan Čep à Henri Pourrat, le 16 septembre 1948. 

155 Nous ne sommes pas parvenu à déterminer son identité. 

156 Jan Čep à Henri Pourrat, le 16 septembre 1948. 

157 Ibid., le 15 janvier 1949. 

59


Brice Parain, philosophe et essayiste français, qui travaillait chez Gallimard en tant 

que spécialiste des littératures russe et allemande trouva dans le roman en question « des 

passages ‘plats’, ‘pâteux’ » et il semblait sceptique que Čep parvient à s’ « exprimer un 

jour en français d’une manière équivalente » 158 . 

Les éditions Seuil ont refusér le manuscrit « sous prétexte qu’il ne donne plus l’idée 

de la Tchécoslovaquie actuelle » 159 . 

Pour ce qui est de l’édition belge Dupuis et fils on est même allé jusqu’à solliciter 

l’intervention du Monseigneur de Tournai. Čep s’explique davantage dans une lettre à 

G. Rouzet : 

Je me suis laissé faire, tout en ayant, dès le début, certains doutes quant à la réussite et même 

l’opportunité de cette entreprise. Je ne pense pas que ce roman puisse convenir à un éditeur 

« catholique » belge […]. 160 

En effet, on reconnaît les valeurs littéraires du roman ; cependant, trop dépourvu 

d’action, il ne convient pas à la stratégie éditoriale et au public « populaire » de la 

maison catholique. 

Dans les archives d’autres maisons d’édition nous aurions probablement trouvé 

encore des jugements de lecteurs au contenu similaire. L’échec total de ces tentatives 

d'entrer en contact avec les milieux littéraires français s’explique d’après nous par 

plusieurs causes qu’on pourrait répartir en trois groupes : 

1) La situation générale, politique, sociale et économique de la France d’après- 

guerre. Le marché du livre semble en effet à Čep « encombré du politique et de 

l’actuel ». Il en fait part à Henri Pourrat : 

La situation de l’édition n’a pas l’air de vouloir s’améliorer. Pourtant, des livres paraissent toujours, et 

je ne crois pas qu’ils sont tous d’un intérêt réel et d’une valeur incontestable. C’est tout un problème. 

L’actuel et le politique absorbent tout ; les gens n’ont pas de temps pour lire ni d’argent pour acheter 

des livres. Le nombre de ceux qui lisent semble plus restreint encore en France qu’en Europe Centrale 

par ex. ; il se réduit aux intellectuels qui tous savent écrire eux-mêmes ou au moins proférer des 

discours éloquents ce qui les dispense d’écouter ce que l’autre pourrait avoir à dire. 161 

158 Journal, le 16 février 1949. 

159 Ibid., le 16 mai 1951. 

160 Jan Čep à Georges Rouzet, le 14 avril 1951. 

161 J. Čep à H. Pourrat, Toussaint 1949. Il est intéressant de voir l’analyse semblable de la littérature 

française d’après-guerre, faite par Julien Gracq dans la Littérature à l’estomac où l’auteur souleva les 

mêmes problèmes que Čep. La littérature de l’époque est selon Gracq « dans l’événement jusqu’au 

cou » ; « elle est écrite pour son temps » : « Une chose en tous cas devient après la libération d’année en 

année plus claire, c’est que, malgré les affirmations d’école et le ton de plus en plus définitif des 

60


Naturellement, les éditeurs français de l’époque ne se risquaient pas à faire publier 

un auteur inconnu du public et à s’engager dans un projet éditorial dont ils ne tireraient 

probablement pas le profit souhaité. 

2) En outre, pour ce qui concerne les critères purement littéraires, ce qui pourrait 

faire défaut à l’œuvre de Čep est un certain « manque de littérarité ». Le style de Čep, à 

plus forte raison en traduction française, peut paraître aux Français « monotone », peu 

« littéraire » – pour ne pas dire pauvre. Nous reviendrons encore plus amplement sur les 

problèmes liés à la langue de Čep dans le dernier chapitre. Dans la France de l’époque – 

mais peut-être cela a-t-il toujours été le cas –, on recherchait dans le domaine littéraire 

avant tout le raffinement, l’originalité, la nouveauté, l’effet, pour ce qui est de la forme 

de l’expression comme du sujet. Dans un tel contexte, la thématique paysanne et 

l’expression traditionnelle pouvaient être difficilement pardonnées. En effet, les deux 

articles accompagnant les seules nouvelles parues en France notent l’absence de 

littérarité, tout en la considérant pourtant comme une qualité. 

3) Enfin, il ne faut pas oublier une certaine absence d’habitude, voire une certaine 

maladresse de Čep dans ses démarches. En Tchécoslovaquie, il ne lui était pas 

nécessaire de s’occuper de la publication de ses livres. Appartenant aux écrivains clés 

des maisons d’édition comme Melantrich, puis Vyšehrad, c’étaient les éditeurs qui se 

précipitaient pour obtenir un manuscrit de l’auteur dont le nom faisait un succès assuré. 

Une fois exilé, il dut lui-même faire face à ce genre d’obligations matérielles afin de 

faire connaître ses manuscrits aux éditeurs français. En lisant l’épisode de sa rencontre 

avec Marcel Arland, directeur de la N.R.F., nous ne pouvons nous défaire de 

l’impression qu’il ne s’y prenait pas toujours du bon côté, manquant parfois 

lamentablement d’aptitudes à la persuasion : 

jugements critiques, personne, ni écrivains, ni public, ne sait plus au juste à quoi s’en tenir. 

Une impression de désarroi, d’incertitude, de distance entre eux et le public se fait jour chez beaucoup 

d’écrivains, et comme le sentiment désagréable d’avancer sur une planche pourrie [...] (p. 14) Ailleurs, 

Gracq soulève également d’autres points remarqués déjà par Čep : l’emprise de la politique sur 

la littérature, la qualité parfois douteuse des œuvres des écrivains placés au rang de « vedettes » par 

la critique, la baisse de véritables lecteurs et la tendance générale à se contenter de consommer la 

littérature par le biais de la presse, etc. (Le livre de Gracq a été écrit en 1950, nous citons l’édition 

suivante : J. Gracq, Littérature à l’estomac, Jean-Jacques Pauvert (Collection Liberté 10), Presse de 

l’Imprimerie Bosch à Utrecht, 1964) 

61


Embarrassé, je parlai trop, précipitamment, maladroitement. Il m’a écouté avec un air doux. Il m’a 

posé peu de questions. Je ne suis resté d’ailleurs que dix minutes. Il m’a demandé de lui apporter mes 

manuscrits [...] Je suis allé voir Marcel Arland à la N.R.F. J’ai commencé par téléphoner, il n’était pas 

encore arrivé. Je suis passé ensuite rue Sébastien Bottin, il n’était toujours pas là. Je suis revenu vers 

cinq heures et demi, c'est-à-dire au moment où il doit quitter le bureau mais il n’était toujours pas 

venu. J’ai renoncé, emportant mes manuscrits dans ma serviette 162 . 

Ainsi, il s’avère que Jan Čep est connu et son œuvre estimée presque uniquement par 

des individus, dans le cercle restreint des intellectuels et écrivains catholiques, qui pour 

la plupart étaient en même temps des amis personnels de Čep. Aux noms déjà cités, 

ajoutons au moins ceux d’Albert Béguin, Etienne Borne, Henri Queffélec, plus tard 

Gabriel Marcel, Daniel-Rops et Maurice Nédoncelle… Une seule organisation, 

l’Association des écrivains catholiques, invita Čep à plusieurs reprises à ses sessions en 

tant que « le grand écrivain tchèque » et « l’éminent représentant » du peuple d’Europe 

centrale. Cette fois-ci, c’est Čep qui ne trouve pas d’intérêt à s’engager au sein de cette 

association, n’y trouvant que des « minores gentium », « écrivassiers de cinquième et 

dixième ordre » 163 . Et de cela, Jan Čep, écrivain tchèque de premier ordre n’avait pas 

besoin. 

II.2.2. La réception posthume (Nécrologies consacrées à Jan Čep dans la presse 

francophone) 

Par ironie du sort, il fallut attendre la mort de l’écrivain tchèque pour qu’on lui 

consacre un espace limité dans la presse et pour qu’on le présente au large public 

français. Nous sommes arrivés à retrouver trois nécrologies qui ont paru dans 

Le Monde, La Croix et Esprit 164 . La nécrologie du Monde, sans indication de l’auteur, 

résume la vie et l’œuvre de Jan Čep en le présentant comme écrivain catholique, 

traducteur et diffuseur de la culture française aussi bien que combattant pour la liberté et 

les valeurs spirituelles. Quant à Esprit, bien que la nécrologie ne soit pas signée non 

plus, le texte de l’article trahit que son auteur a bien connu Čep personnellement. Ce 

dernier est montré ici comme un ami d’Emmanuel Mounier ayant collaboré à la revue 

sous la direction de ce dernier. Malgré une longue maladie qui éloigna Čep des activités 

publiques, « sa présence était de celles qui rayonnent intensément la lumière spirituelle, 

162 Journal, le 29 mai et le 19 juin 1951. 


164 Toutes les nécrologies se trouvent en totalité dans les annexes de notre travail. Cf. Annexe III. 

62


et suscitent d’autres présences » 165 . Un paragraphe de l’autobiographie de Čep « en 

témoignage de cette amitié exigeante qu’était la sienne » 166 est mis en conclusion de la 

nécrologie. 

Nous sommes bien tentés de reproduire ici en totalité le bel hommage rendu à Jan 

Čep par Henri Queffélec, tant son témoignage est humain et personnel, affectueux et 

émouvant. Citons-en au moins quelques alinéas. L’article portant le titre « En souvenir 

de Jan Cep [sic] écrivain catholique tchèque » parut dans La Croix du 17-18 février 

1974. Son début fait le point sur la longue souffrance de Čep au cours des dernières 

années de sa vie, tout en le mettant à la lumière des Béatitudes en le plaçant au même 

niveau que les victimes des camps de concentration : 

Certains êtres, par la lourdeur des croix qui les frappent, semblent avoir reçu mission de représenter 

dans la Communion des Saints le déchirant mystère de la souffrance innocente. Le chrétien, devant 

eux, songe à la promesse paradoxale des Béatitudes. Heureux ceux qui pleurent, heureux les 

persécutés. Le noble écrivain tchèque Jan Cep [sic] [...] fut de ceux-là, au même titre que les martyrs 

des camps de concentration. 

[...] 

Une atroce maladie avait peu à peu détruit l’homme. Bien qu’il habitât au cœur de Paris et qu’il fût 

entouré des plus chères affections, il vivait ou il survivait depuis de longues années, enfermé, enfoncé 

dans sa nuit. Le regard, seul, évoquait par moments la profondeur intuitive de l’ancienne intelligence – 

tout de suite il se chargeait de navrance, d’interrogation. 167 

D’emblée Queffélec remonte dans ses souvenirs à leur première rencontre dans les 

années d’après-guerre, quand Čep, invité par Mounier à la rédaction d’Esprit, parlait de 

l’évolution politique en Tchécoslovaquie : 

Nous nous étions entretenus plus de deux heures sur les pelouses et le long des petites allées, 

immédiatement liés d’affection, comme deux hommes simples aimant les êtres et les choses. Sa parole 

avait un grand charme. Connaissant admirablement la langue française, il veillait à prononcer toujours 

le mot juste, mais soudain, une flamme passait, le débit se précipitait, le propos se chargeait d’une 

intense poésie… 168 

Queffélec évoque ensuite l’évasion de Čep et sa situation d’exilé en France, ce pays 

pour laquelle Čep avait une réelle affection : 

Il aurait pu trouver un poste dans une Université américaine, mais il aimait trop notre pays auquel, 

malgré Munich, il était demeuré fidèle. Il était l’ami de Balzac, de Claudel, de Bernanos, de Pourrat, 

d’autres encore, dont il avait publié de nombreuses traductions avant son exil et puis, peut-être même 

« et surtout », la France représentait le sol de la vieille Europe. Il pouvait même s’y tenir aux écoutes 

165 

Esprit, 42, n° 4, avril 1974, p. 768. 

166 

Ibid. 

167 

H. Queffélec, « En souvenir de Jan Cep [sic] écrivain catholique tchèque », La Croix, le 16-17 février 

1974, p. 9. 

168 Ibid. 

63


de la terre natale. Mieux y prier pour sa famille, pour ses amis restés là-bas, voire pour les nouveaux 

maîtres envers lesquels il n’éprouvait aucune haine. 169 

Le destin d’exilé recèle pour Čep un autre drame – celui d’un « écrivain qui doit 

s’interdire de publier dans sa propre langue » 170 . Queffélec qui avait eu la chance de lire 

un certain nombre de nouvelles (« pleines de suc ») traduites de Čep estime que ses 

textes 

reflétaient la tendresse et l’ardeur qui étaient bien les siennes propres, inspirées par le terroir et un 

talent uniques… Ils n’en révélaient pas moins très insuffisamment les dons d’un créateur qui, coupé 

de ses racines, hésitait dès lors devant l’œuvre à entreprendre. 171 

Queffélec conclut son hommage en rappelant le rebondissement du Printemps de 

Prague au cours duquel la Tchécoslovaquie « redécouvrit son grand écrivain Jan Čep ; 

pour de nouveau l’oublier officiellement » et exprime un espoir prophétique quant à 

l’avenir de l’œuvre de Čep – espoir dont la présente thèse prouve l’exactitude: 

Cet oubli ne durera pas. Jan Cep [sic] était de la rude lignée des Jean Hus, des Kafka, des Jan Palach. 

De ceux qui refusent l’abdication spirituelle. Son pays refleurira. Et il rendra justice à un de ses 

enfants les plus nobles, que la vie avait déchiré pour lui. 172 

II.3. L’effort de l’effacement de Jan Čep de la littérature tchèque 

sous la dictature communiste (1948 - 1989) 

Dès que les rumeurs du départ de Čep à l’étranger se répandirent, Karel Nový, 

critique officiel, lui adressa une sorte d’adieu dans un article portant un titre significatif 

« Na neshledanou, bývalý český spisovateli » (A non-revoir, ancien écrivain 

tchèque) 173 . L’œuvre de Čep, comme celle de tous les écrivains émigrés, fut écartée des 

bibliothèques publiques, leurs noms furent rayés des manuels d’histoire littéraire 

tchèque. On rapporta des anecdotes injurieuses et les mensonges les plus vulgaires sur 

leur existence en exil pour prouver l’erreur qu’ils avaient commise en quittant le 

« paradis terrestre » du pays socialiste. On tâcha de persuader les masses de la misère de 

leur existence à l’étranger, peu importe si elle était réelle ou supposée. Dans les 

169 Ibid. 

170 Ibid. 

171 Ibid. 

172 Ibid. 

173 K. Nový, « Na neshledanou, bývalý český spisovateli », Práce, octobre 1948. 

64


publications de propagande 174 qui ne tardèrent pas à surgir, les émigrés furent dépeints 

comme des personnes malhonnêtes au caractère douteux ; ils furent traités de traîtres, 

d’espions et d’agents au service du capitalisme et de l’impérialisme (de l’Amérique, du 

Vatican, peu importe), bref d’ennemis de la patrie. 

Ces actes de violence, ces attaques agressives et humiliantes, furent mis en place 

principalement dans les premières années suivant le coup d’Etat. A partir de la 

deuxième moitié des années 1950, les représentants politiques préférèrent ignorer les 

écrivains exilés et imposer ainsi leur oubli à la société, en particulier à la jeune 

génération. 

Si toutefois le nom de Čep figura dans les dictionnaires ou manuels littéraires de 

l’époque, son rôle était nettement déterminé par le fait de son émigration. Dans le 

Dictionnaire des écrivains tchèques publié en 1964, on constate entre autres ceci à 

propos de Čep : « en 1948 il a émigré en France, vit à Paris, écrit des travaux 

philosophiques-religieux et se prononce contre le régime socialiste en ČSRR » 175 

La situation changea doucement dans la deuxième moitié des années 1950, période 

appelée « dégel ». La mort de Staline et de Gottwald en 1953, aussi bien que le XX e 

Congrès du Parti communiste de l’Union soviétique en 1956 où Khrouchtchev dénonça 

pour la première fois les erreurs et les crimes de Staline, tous ces événements firent que 

la situation politique s’améliora quelque peu également en Tchécoslovaquie. La censure 

sembla se relâcher par rapport à la décade précédente du stalinisme rigide, les écrivains 

en Tchécoslovaquie osèrent même lancer un appel en faveur des écrivains 

emprisonnés 176 . 

Aussi vit-on dès la fin des années 1950 des tentatives de la part des représentants du 

régime communiste, de faire rentrer des écrivains exilés d’importance comme Čep ou 

Hostovský, ce qui aurait été un élément stratégique pour aider à consolider leur position 

et surtout pour empêcher qu’ils continuent à diffuser à l’étranger une image négative de 

la Tchécoslovaquie. Si ces personnalités d’exil étaient revenues, le régime leur 

174 Déjà les titres de ces publications sont significatifs, par exemple : Č. Suchý, J. Brejchová, J. Hochman, 

Emigranti proti národu (Les émigrés contre la nation), Praha, Mladá fronta, 1953. 

175 Slovník českých spisovatelů (sous la dir. de R.Havel, J. Opelík), Praha, Čsl. spisovatel, 1964, p. 67. 

176 On pense notamment à la situation autour du II e Congrès de l’Union des écrivains tchécoslovaques qui 

a eu lieu au printemps 1956. Surtout les poètes František Hrubín et Jaroslav Seifert dans leurs 

interventions attaquèrent audacieusement la politique culturelle officielle de l’Etat. 

65


promettait une existence confortable sachant qu’il pourrait les contrôler aisément à tout 

moment. Pour ce qui concerne Jan Čep, nous avons enregistré au moins deux tentatives 

qui avaient pour but de le persuader de retourner au pays. Ce fut d’abord son ami de 

jeunesse Vilém Závada qui lui proposa vers 1959 de rentrer, affirmant que le ministre 

Kopecký, le même qui avait interdit le discours de Čep à la mémoire des étudiants morts 

dans la Seconde Guerre mondiale, aurait arrangé tout le nécessaire pour son installation 

dans le pays. Čep consigne en détail la visite de son ancien ami dans son journal. Le 

lecteur pardonnera la longueur de la citation suivante. Elle révèle bien à la fois la 

perfidie du régime et le bouleversement de Čep dû à pareille proposition : 

L’autre jour à Châtenay-Malabry, je me suis laissé aller à raconter la rencontre avec V.Z., il y aura 

bientôt un an. D’abord le coup de téléphone de Sima, pour me demander si je consentirais à voir V.Z. 

chez lui. A mon arrivée il s’est jeté dans mes bras en s’écriant « Honzičku » 177 . Il est vrai que dans nos 

années universitaires nous étions comme des frères ; au collège nous partagions pendant deux ou trois 

ans, une même chambre. Nous avons publié presque en même temps nos premiers livres. Après le 

putsch, il est devenu directeur de la bibliothèque nationale de Prague. Il est membre du présidium, de 

l’union des écrivains tchécoslovaques. Ainsi nous nous sommes revus après onze ans. 

Lui sensiblement vieilli (moi aussi), avec la peau plissée près des yeux. Nous parlions de nos amis 

communs, de ceux qui ont été condamnés à des années de prison ; de la dictature du régime dans [les] 

domaine[s] de la pensée et de la parole. Il semble désapprouver tout cela comme nous, de la déplorer, 

d’en être sincèrement affligé. Il sort avec moi, se met dans le métro avec moi. Il consent à venir nous 

voir chez nous, tout seul, et à condition qu’on n’en parle à personne. Il vient en effet. […] Nous 

parlons des temps passés, évoquons nos amis communs. Tout d’un coup, dans un intervalle de silence, 

il me pose la question : Ne voudrais-tu pas rentrer ? Je suis tellement foudroyé que je commence à 

faire la sourde oreille et à mettre la conversation sur un autre sujet. Au bout de quelques phrases il 

revient à l’assaut : « Tu sais ce serait facile ; j’en ai déjà parlé à Kopecký, il est prêt à tout arranger. 

Evidemment tu ne pourrais pas publier des livres, au moins pas tout de suite ; mais tu pourrais faire 

des traductions, tu toucherais un revenu régulier à l’union des écrivains ». J’étais terriblement gêné ; je 

ne trouvais pas de mots pour lui répondre. Mon premier mouvement a été de le mettre à la porte. 

Comment a-t-il pu me faire cette proposition, après tout ce qu’il avait admis... Nos amis en prison 

etc... J’ai fini par lui répondre qu’il ne pouvait être quesiton de mon retour tant que la parole et la 

pensée seront asservies, l’Eglise et la religion poursuivies, les âmes des jeunes abasourdies par une 

propagande athée furieuse. La soirée s’est finie dans un malaise pénible. En partant il m’a embrassé de 

nouveau en répétant : « Réfléchis à ce que je t’ai dit et écris-moi ». Et si c’est non, avons-nous encore 

la chance de nous revoir ? Tu viendras peut-être ici de nouveau... Il a haussé les épaules, en me jetant 

un certain regard. Je n’en ai pas dormi pendant plusieurs nuits. Comment a-t-il osé ? Cela ne pouvait 

pas être seulement une idée à lui. Est-ce que je les gênerais plus étant dehors que s’ils m’avaient 

constamment sous leurs yeux sinon sous les verrous ? Je n’y comprenais rien. Depuis, je l’ai 

rapproché d’une phrase que m’a fait [sic] lire Egon Hostovský : le Polonais P. ayant visité la 

Tchécoslovaquie reproduisait dans sa lettre les paroles d’un poète communiste de là-bas. Que les seuls 

écrivains tchèques contemporains qui valaient quelque chose, étions nous deux Egon Hostovský et 

moi... Consolation un peu amère. […] Jusqu’à cette visite chez les Monzer à Châtenay, je n’en ai rien 

dit à personne, sauf justement à Egon Hostovský à qui on s’était adressé il y a quelques temps, avec 

une proposition semblable. 178 

Quelques années plus tard, le jeune écrivain Jan Beneš dut transmettre à Čep le 

même souhait exprimé cette fois-ci par le président Antonín Novotný. L’argument 

177 Forme familière et diminutive du prénom Jan. 

178 Cf. Journal de J. Čep, le 27 juillet 1960. 

66


majeur du Chef d’Etat se résumait à peu près ainsi : « […] si Čep est à Prague directeur 

d’une maison d’éditons, il n’écrira pas ses commentaires pour Radio Free Europe 

[…] » 179 . 

Tout contact avec les traîtres-émigrés demeure toujours indésirable, voire interdit. La 

plupart des écrivains tchécoslovaques officiels qui furent de passage par Paris étaient 

soucieux de ne pas rencontrer Čep ou d’autres émigrés de peur des recours consécutifs. 

Pour se faire une image, il suffit de lire dans les Mémoires de V. Černý, comment l’un 

des plus anciens amis de Čep, le poète František Hrubín, qui fut dans les années 1960 à 

la tête d’une délégation officielle d’écrivains tchécoslovaques à Paris, sous les yeux de 

témoins – membres de la délégation, déchira la lettre-invitation de Čep et la jeta dans la 

cuvette d’un hôtel parisien pour manifester résolument qu’il ne voulait rien avoir avec le 

traître 180 . 

Ceux qui osèrent publiquement défendre Čep n’étaient que de très rares exceptions. 

Parmi eux par exemple, le vieux poète J. Palivec, traducteur tchèque de Paul Valéry. 

Lorsque le journal communiste Rudé právo critiqua le professeur Černý en lui 

reprochant, entre autres, d’avoir rendu visite à Čep au cours de son séjour à Paris en 

1966, Palivec prit la défense du comparatiste en s’adressant à la rédaction de Rudé 

právo par une lettre où il répliqua à propos de l’auteur incriminé : 

Vous considérez comme un méfait de passer chez l’écrivain Jan Čep à Paris. Pourquoi, ne devrionsnous 

pas – je vous le demande – passer chez lui ? Car c’est un excellent écrivain, fidèle à sa patrie, 

multiplicateur utile de la beauté verbale tchèque ! On dit qu’il a, çà et là, adopté une position négative 

contre quelque chose qui se passait chez nous – je ne suis pas des rapports étrangers à cause de ma 

déficience auditive – mais je suis sûr que, s’il parlait de nous, jamais il n’a traqué, étant donné sa 

nature, il n’en était pas tout simplement capable. Faire le signe d’égalité entre les Tigrid et les Čep, 

c’est une injustice. Si je pouvais aller à Paris, je lui rendrais visite, au pauvre perclus, rien que pour 

m’incliner profondément devant sa femme, une rare Française, qui se procura, après la paralysie de 

son mari, un emploi afin de nourrir son mari et les jumeaux qu’elle a avec lui. Aujourd’hui, ils font 

déjà les études universitaires, frère et sœur, et aiment notre pays à l’instar de leur père. Nous devrions 

rendre hommage à Jan Čep et à sa famille, et non les vitupérer. 181 

La point culminant du dégel politique arriva avec le « printemps de Prague » en 1968 

dans la tentative de réformer le socialisme de coupe stalinienne en lui redonnant un 

« visage humain ». La libération politique se laissa sentir d’une manière décisive dans la 

culture : les livres jusque-là interdits furent publiés, les expositions portant sur les 

créateurs, qui, peu de temps auparavant, étaient destinés à l’oubli forcé, s’organisèrent, 

179 

Cf. J. Beneš, « PodČepobití », Telegram (supplément Parabola), 3, n° 5, le 15 janvier 1973, p. 5. 

180 

Cf. V. Černý, Paměti, op. cit., p. 502. 

181 

Cf le brouillon de la lettre de J. Palivec à Laco Novočeský en matière de la calomnie contre V. Černý. 

In : J. Palivec, Prózy, listy z vězení, pozdravy přátel, op. cit., p. 508. 

67


les gens bannis depuis 1948 de la culture et de l’enseignement purent revenir à leur 

travail normal. 

Cet esprit d’ouverture ne put omettre l’existence de Jan Čep. Ses nouvelles écrites en 

exil furent publiées dans les revues Plamen (La flamme) et Host (L’hôte), Bedřich 

Fučík se mit à préparer l’édition de son œuvre complète dans la maison d’édition 

Československý spisovatel (l’Ecrivain tchécoslovaque). Apparurent également de 

nouveaux dictionnaires littéraires qui intégrèrent les noms des écrivains proscrits, cette 

fois-ci sans préjugés idéologiques. Dans l’un d’eux, 50 českých spisovatelů posledních 

padesáti let (50 écrivains tchèques des cinquante dernières années) on peut lire ces 

lignes à propos de notre écrivain : 

Jan Čep est un de ces écrivains que l’on commence à redécouvrir. Le catholicisme et le départ en 

émigration après février 1948 ont rangé son œuvre parmi la littérature soi-disant indésirable, si bien 

que la jeune génération d’aujourd’hui dans sa majorité ne connaît même pas son nom. Toutefois, nous 

estimons que les valeurs artistiques qu’il avait créées, sont de tel ordre, qu’y renoncer pour toujours 

appauvrirait notre culture nationale. 182 

Malheureusement, la brèche de liberté entrouverte en Tchécoslovaquie autour du 

printemps de Prague se referma bientôt avec le commencement de la « normalisation ». 

Dès le début des années 1970 l’œuvre de Čep fut à nouveau exclue de la littérature 

nationale officielle. Le silence quasi-total autour de son nom continua jusqu’à sa mort 

en 1974. Pas une seule nécrologie officielle ne parut dans la presse officielle en 

Tchécoslovaquie à l’occasion de sa mort. Nous pouvons conclure par les mots de Jan 

Rolek (pseudonyme de Mojmír Trávníček) en constatant que dans la réception officielle 

au cours des quarante longues années du régime totalitaire, Jan Čep faisait partie des 

« écrivains tchèques les plus parfaitement occultés » : 

Pendant des dizaines d’années non seulement son œuvre ne fut pas publiée, mais de plus il fut 

systématiquement effacé de la conscience des nouvelles générations de lecteurs avec un tel soin que 

son nom même était rare sinon entièrement inconnu dans les index de tous les manuels littéraires 

[…]. 183 

182 

V. Macháček, 50 českých autorů posledních padesáti let (50 auteurs tchèques des derniers cinquante 

ans), Praha, Čsl. Spisovatel, 1969, p. 34. 

183 

J. Rolek, « Sebrané spisy Jana Čepa », Kritický sborník, samizdat, p. 50. archives de l’auteur. 

68


III. ACTIVITES ET ENGAGEMENT DE JAN ČEP 

EN EXIL 

« Si l'émigration de tous ces pauvres peuples 

doit avoir un sens, que ce soit de devenir un 

ferment de l'universalité chrétienne 

renouvelée! Que Dieu nous y aide. » 184 

Comme l’annonce le titre de ce chapitre, nous nous proposons maintenant de rendre 

compte des différentes activités de l’écrivain tchèque au cours de son exil français. 

Nous n’allons pas suivre strictement la chronologie de l’exil de Jan Čep. L’approche 

rigoureusement linéaire risquerait de s’encombrer dans la confusion. Pour des raisons de 

clarté nous distinguerons deux aspects de l’engagement de Čep en exil : en premier lieu 

nous ferons le point sur ses activités visant la population du pays d’adoption, ensuite 

nous évoquerons sa participation et sa contribution aux structures de l’émigration 

tchécoslovaque après 1948. 

Pourquoi avons-nous choisi un ordre de présentation qui privilégie l’engagement de 

Čep à l’égard des Français ? D’abord parce que cet aspect nous semble plus intéressant, 

dans la mesure où les informations récoltées en cette matière sont beaucoup moins 

connues, voire inédites, cachées par de nombreuses zones d’ombres. Il existe des 

catalogues des périodiques de l’exil tchèques, de même que des structures d’édition et 

de diffusion de la littérature tchèque en exil desquels on peut plus ou moins déduire la 

participation de Čep dans la vie littéraire au sein de cette émigration tchèque. Or, pour 

ce qui est des activités orientées vers les Français, elles ne sont recensées que très 

partiellement. Du reste, il nous paraît parfaitement dans la logique des choses de 

commencer par l’effort de Čep tourné vers le public français, celui-ci étant en effet 

primordial pour lui. En cela Čep faisait exception à la règle, étant donné que les élites 

tchèques en exil se donnaient pour but prioritaire de préserver les traditions culturelles 

nationales. Comme le montre avec justesse Milan Burda, l’écrivain émigré après 1948 


69


éprouve « le sentiment d’être le gardien d’une parcelle de traditions nationales qu’il se 

doit à préserver et d’enrichir éventuellement pour l’avenir » 185 . C’est une tradition qui, 

depuis le Renouveau National tchèque du début du XIX e siècle, prescrit à l’écrivain ce 

rôle de défenseur de la langue, de la culture, et par conséquent de l’identité nationale, et 

qui se voit fortement actualisée dans les conditions d’exil. L’idée d’un retour rapide 

dans la patrie jouait sans doute aussi un rôle dans cette attitude. La majorité des émigrés 

de 1948 n’admettait point l’idée que le régime communiste pourrait s’installer 

durablement, voire s’étaler sur plusieurs décennies. Ainsi, se figurant la chute plus au 

moins proche du communisme, se présentaient-ils à l’étranger en tant que « dépositaire 

légitime de la tradition littéraire tchèque » envisageant de « suppléer la littérature 

tchèque, qui dans le pays, en était réduite à exprimer l’idéologie dominante » 186 . 

Or rien de tel ne peut être constaté pour Jan Čep. À peine installé à Paris, il se met à 

écrire en français, désirant conquérir le public du pays d’adoption. Au lieu de 

s’enfermer dans la communauté des émigrés tchèques, au lieu de s’attacher uniquement 

à la tradition nationale, au lieu de s’enliser dans le passé, nous le voyons se diriger à la 

rencontre du nouveau public français, s’orienter vers de nouveaux horizons et aspirer à 

l’ouverture. 

Néanmoins, depuis le chapitre destiné à la réception de Čep en France, nous savons 

que ses aspirations furent amèrement déçues. Nous n’y reviendrons pas. Nous porterons 

notre attention sur un autre aspect : parallèlement à cet effort pour devenir un écrivain 

reconnu en France, Čep s’adresse à la société française en tant qu’intellectuel émigré 

d’un pays totalitaire. Qu’a-t-il à lui transmettre ? Que peut-il faire pour les 

autochtones ? Comment contribuer à l’épanouissement du pays qui l’a accueilli mais 

que lui-même avait choisi bien avant comme sa seconde patrie ? Nous nous 

intéresserons donc ici à l’engagement de Čep, écrivain exilé, face à la population 

autochtone. La double visée de cet engagement pourrait se traduire ainsi : rendre 

témoignage et lancer des ponts. 

185 M. Burda, La littérature de l’émigration tchèque de 1948 à 1968, op.cit., p. 23. 

186 M. Burda, « La vie littéraire des exilés tchèques de 1948 à 1968 », Littérature et émigration dans 

l’Europe centrale et orientale, op. cit., p. 21. 

70


III.1. Activités visant la population du pays d’adoption 

III.1.1. Rendre témoignage 

Témoigner, tel est selon Maria Delaperrière la définition de la première tâche de 

l’écrivain exilé : 

La vocation première des écrivains émigrés est de rendre compte de cette expérience unique, surtout 

lorsqu’elle prend la dimension historique d’un exode collectif. C’est alors que l’écrivain se transforme 

en témoin de l’histoire et que la terre de l’exil s’ouvre comme un espace de liberté. 187 

Et, centré sur le sort d’un écrivain de l’Europe de l’Est, elle précise : « Muselé dans 

son pays natal, l’Européen de l’Est s’exile pour pouvoir crier au monde entier sa vérité 

et celle des autres. » 188 

Dans ce sens, la figure de Čep semble exemplaire. Dès son arrivée à Paris, il se hâte 

d’écrire des articles journalistiques afin d’éclairer les événements de Prague qui, à 

l’étranger, ne sont pour la plupart connus que par les communiqués officiels forcément 

détournés par la propagande. Il y déclare à plusieurs reprises son désir principal de 

« témoigner pour [son] pays, pour la liberté ». Il s’attache à dévoiler le caractère 

inhumain du nouveau régime en Tchécoslovaquie au public français qui, comme nous 

l’avons déjà fait remarqué, voyait dans le communisme à la fois un nouvel espoir pour 

l’humanité et une évolution historique inévitable. Cela fut-il seulement possible en 

France d’élever la voix contre le communisme et ses régimes nouvellement instaurés 

dans une partie de l’Europe ? Evidemment oui, sinon, les articles que Čep écrivit alors 

n’auraient pas pu être publiés, et nous ne pourrions en parler en ce moment. La France 

restait un pays libre, démocratique, quoiqu’avec une orientation nettement favorable au 

communisme surtout dans les milieux intellectuels. En répondant donc oui, nous 

ajoutons tout de suite que ce témoignage porté par les exilés, victimes des nouveaux 

régimes en Europe orientale, ne fut vraiment écouté que par une partie infime de la 

société. Comme le dit justement Jean-François Sirinelli, il y avait à ce moment-là chez 

les intellectuels français une « certaine inaptitude à percevoir la réalité de l’Est, et donc 

187 M. Delaperrière, « Préface », in : Littérature et émigration dans l’Europe centrale et orientale, op. cit., 

p. 7. 

188 Ibid., p. 7-8. 

71


à en recevoir les témoignages » 189 . Plus significative encore, cette phrase de 

J.-F. Sirinelli mérite d’être citée : « la force du témoignage [de l’Est et sur l’Est] 

parvient très amortie à la société intellectuelle française. Ou, plus précisément, ce 

témoignage se perdit » 190 . Un constat bien peu flatteur pour l’intelligentsia française de 

l’époque, pourtant, comme nous le prouve également le destin de Jan Čep, très justifié. 

Les dispositifs de la presse à la disposition des non-communistes n’étaient 

évidemment pas majoritaires en France au tournant des années 1940 et 1950. 

Concernant le cas de Čep, il s’en trouvait de deux sortes : journaux d’orientation 

chrétienne (Etudes, Témoignage chrétien, Esprit – ce dernier marqué, d’ailleurs, par une 

sincère sympathie pour le communisme) et presse indépendante, neutre, ou plutôt de 

droite (spécialement Preuves mais aussi les grands journaux comme Le Monde, 

Le Figaro, etc.). Abordons sans plus tarder, l’analyse du message propre au témoignage 

que Čep essaya de transmettre aux Français. Il est possible de l’articuler en trois points : 

les « Réflexions d’un émigré » révélant le tout premier engagement de Čep envers les 

Français ; la situation de l’Eglise catholique dans la Tchécoslovaquie communiste ; les 

écrivains tchécoslovaques sous l’emprise du régime communiste. 

III.1.1.1. « Réflexions d’un émigré » 

Tel est le titre de la série de trois articles que Jan Čep publia dans Le Monde entre le 

28 octobre et le 1 er novembre 1948. Du point de vue du public, Čep n’aurait pas pu 

souhaiter mieux, Le Monde étant à l’époque l’un des quotidiens les plus lus. Si, et en 

quoi, la parution des articles de Čep dans le prestigieux journal parisien doit quelque 

chose aux liens entre Čep et son fondateur et directeur de l’époque, Hubert Beuve- 

Méry, qui dans les années 1930 exerçait les fonctions de professeur de droit à l’Institut 

français de Prague, nous ne pouvons aujourd’hui que le deviner 191 . Même si les articles 

189 

J.-F. Sirinelli, « Paris au cœur du débat Est-Ouest », Le Paris des étrangers depuis 1945, op. cit., 

p. 121. 

190 

Ibid. 

191 

Il nous semble d’ailleurs que depuis la fin de la guerre les opinions et les voies des deux intellectuels 

ne font que diverger. Lorsqu’après une rupture de six ans de guerre Čep se hâta de renouer ses contacts 

antérieurs avec ses amis français, il écrivit également à Beuve-Méry. La réponse plutôt officielle rédigée 

dans un ton assez distant ne semble pas partager l’élan et la sympathie de l’écrivain tchèque. Deux ans 

plus tard, dans une des premières lettres que Čep a envoyée à Pourrat après s’être exilé, il confia à son 

ami sa déception après la rencontre avec Beuve-Méry, devenu entre-temps directeur d’un influent 

quotidien : « J’hésite un peu à aller voir des Français ; un Beuve-Méry, par ex., que je croyais connaître 

72


« ont finalement passé avec des ratures et modifications assez douloureuses » 192 comme 

nous l’apprenons dans une lettre à Henri Pourrat, l’entrée dans la conscience du public 

s’est avérée plutôt satisfaisante. Čep lui-même semble leur conférer une importance plus 

particulière, du fait qu’en dehors du long traité sur la lutte religieuse en 

Tchécoslovaquie, ils représentent la seule référence dans son autobiographie à ses 

activités journalistiques en France 193 . Sans doute devaient-ils être une sorte d’avant- 

garde ou de complément parallèle à sa création littéraire envisagée directement en 

français. 

Le but primordial des trois articles consistait à informer la société occidentale de la 

situation politique dans la Tchécoslovaquie d’après « Février » 1948. Ils s’attachaient à 

décrire au lecteur français cette « atmosphère d’incertitude et d’angoisse, de mensonge 

et de mauvaise foi » 194 qui règne en Tchécoslovaquie depuis le putsch communiste, et à 

dénoncer les mécanismes qui l’ont rendu possible (manipulation des masses, abus de la 

notion de « peuple », censure et propagande, maîtrise de la force armée et de la 

police…). Leur motivation ne fut autre que la nécessité interne de témoigner, 

s’appuyant sur l’expérience authentique de l’inhumanité de l’idéologie communiste 

ainsi que des pratiques d’un régime basé sur une telle idéologie. Or, en exil Čep se 

rendait très amèrement compte que l’expérience avec le pouvoir communiste totalitaire 

n’était pas transmissible en Occident ; tandis qu’à Prague des procès monstrueux se 

préparaient, à Paris on discutait vivement de la réconciliation du communisme avec les 

idées du christianisme. 

Comme nous touchons ici l’entrée de Čep dans le milieu des intellectuels français, 

caractérisons brièvement les trois articles. 

La première réflexion intitulée « Souffrir comme les autres ? » se montre la plus 

personnelle. Čep s’interroge notamment sur la légitimité morale de l’émigration d’un 

pays qui a basculé dans le totalitarisme. Nous tenons pour certain qu’à côté de l’effort 

de témoigner sur l’évolution néfaste de son pays, l’écriture de l’article fut incitée par le 

besoin de justifier son émigration aux yeux des habitants du pays d’accueil autant 

assez bien, m’a montré nettement qu’il désapprouvait ceux qui s’exilaient. » J. Čep à H. Pourrat, 

le 16 septembre 1948. 

192 

J. Čep à H. Pourrat, le 28 novembre 1948. 

193 

Cf. Œuvres VI, p. 215. 

194 

J. Čep, « Souffrir comme les autres ? », Le Monde, le 28 octobre 1948, p. 3. 

73


qu’aux yeux de ceux qui souffraient « de l’autre côté du mur » et bien sûr pour soi- 

même. L’enjeu de la question capitale impliquée dans le titre tient en ceci : un 

intellectuel chrétien, un « écrivain qui croit avoir une œuvre à réaliser » doit-il rester 

dans son pays éprouvé et souffrir comme les autres ? Si Čep concède que l’évasion peut 

avoir aux yeux des Français l’estampille d’une « faiblesse », il exprime en même temps 

sa conviction ferme qu’elle peut être comprise et admissible à condition que l’émigré 

n’ait pas fui primairement par peur d’être arrêté ou persécuté mais qu’il ait été poussé 

par un besoin interne de liberté. Sa légitimité provient du fait que l’évadé se met à 

disposition d’une mission supérieure, transcendante, qu’il s’efforcera selon ses forces et 

capacités à « contribuer à établir une communauté fraternelle et vraiment libre dans le 

monde entier » 195 . 

La deuxième réflexion portant un titre proustien « A la recherche de l’unité perdue » 

est édifiée sur le contraste entre la conception de l’unité dont la société communiste se 

réclame, et celle de l’universalité qui habitait le Moyen-Âge chrétien. Face à une 

« conception philosophique, économique et politique du monde qui prétend réaliser 

l’unité humaine sur le principe de l’égalité absolue et de la communauté universelle de 

moyens de production et de produits de consommation » 196 , se dresse pour Čep la 

civilisation médiévale comme « première grande réalisation, quoique imparfaite, d’une 

communauté universelle où des contraintes incontestables étaient compensées par des 

libertés aujourd’hui inconnues » 197 . Il n’est pas surprenant que devant une « marche 

agressive et conquérante » de l’idéologie communiste Čep se réfugia vers l’image 

idéalisée de la chrétienté médiévale où « on travaillait à une œuvre commune, mais 

infiniment variée » 198 . 

Dans la troisième réflexion intitulée « Christianisme et communisme », Čep 

s’interroge sur le rôle des Chrétiens dans le monde problématique d’après-guerre, mis 

en question par l’histoire du XX e siècle, sur la position qu’ils devraient adopter, se 

trouvant pris entre le bloc communiste et le bloc libéral. Čep tient pour une évidence 

que « pour tout chrétien, le monde et la société tels qu’ils sortent de la révolution 

communiste doivent présenter une figure monstrueuse » 199 . Or ce qui est une évidence 

pour Čep n’en est pas une pour les Occidentaux qui n’ont pas l’expérience directe du 

195 

Ibid. 

196 

J. Čep, « A la recherche de l’unité perdue », Le Monde, le 29 octobre 1948, p. 3 

197 

Ibid. 

198 

Ibid. 

199 er 

J. Čep, « Christianisme et communisme », Le Monde, le 31 octobre-le 1 novembre 1948, p. 3. 

74


communisme. L’article tâche notamment de décrire la situation de la religion et de 

l’Eglise qui va empirant sous un régime proclamant « un athéisme agressif, haineux ». 

Čep dresse au public français une image de la dévastation délibérée de la religiosité et 

du spirituel ; en montrant les atteintes concrètes du gouvernement tchécoslovaque à 

l’autonomie de l’Eglise catholique, il saisit le processus de réduction de la liberté 

religieuse dans le pays et prouve ainsi l’incompatibilité substantielle du message 

chrétien avec la théorie et la pratique du communisme. 

Les « Réflexions d’un émigré » passèrent inaperçues dans Le Monde. Elles n’ont 

suscité aucun commentaire de la part des rédacteurs, aucune réaction de la part des 

lecteurs. Pour notre part, il semble important de souligner que ces trois premiers articles 

français contiennent déjà en germe les thèmes majeurs qui vont surgir sous la plume de 

Čep dans ses méditations pour Radio Free Europe et préfigurent ainsi l’œuvre non plus 

fictionnelle mais celle idéologique de l’écrivain dont l’exil a fait avant tout un penseur. 

III.1.1.2. La situation du catholicisme dans la Tchécoslovaquie communiste 

Nous avons déjà fait remarquer que le témoignage que Čep tenta de livrer aux 

Français bifurquait dans deux directions : il porte d’un côté sur la situation de la 

religion, notamment de l’Eglise catholique, dans son pays, de l’autre sur le destin des 

écrivains obligés de continuer à vivre et à créer sous le régime communiste. 

Commençons par le premier qui est plus présent et plus ancien dans l’engagement de 

l’émigré Čep. 

A vrai dire, la première tentative de Čep, auprès des Français, de dénonciation des 

atteintes portées en Tchécoslovaquie à la liberté de la religion, et par delà à la liberté 

tout court, remonte à la période qui précède le putsch communiste. Le contact que Čep 

noua avec Emmanuel Mounier y joue un rôle certain. Connu par une petite partie des 

Catholiques tchèques comme fondateur du mouvement personnaliste et rédacteur en 

chef de la revue Esprit, ce dernier réveille et pas seulement chez Čep l’espoir d’un 

certain renouvellement de l’esprit chrétien dans le monde d’après-guerre. Ce fut déjà en 

75


1946 que Čep, en tant que lecteur de la maison d’édition Vyšehrad, fit à Mounier une 

demande de droits d’auteur pour son Manifeste du personnalisme qu’il se proposa lui- 

même de traduire. Mounier se montra tout à fait favorable à la diffusion du Manifeste 

aussi bien que de sa revue en Tchécoslovaquie, car il lui semblait « fort important de 

jeter des ponts par-dessus cette zone de l’Europe » 200 : comme il l’écrit en conclusion 

d’une de ses lettres, « il faut éviter à tout prix que ne se trace une frontière mortelle » 201 . 

Vu l’évolution politique du pays, le Manifeste ne parvint évidemment pas à voir le jour 

mais le contact noué au niveau formel se transforme au fil de la correspondance en 

amitié personnelle. 

Ce fut au printemps de l’année 1947 que Čep livra pour la première fois un message 

traitant de la situation précaire de l’Eglise en Tchécoslovaquie. Incité par une enquête 

émise par Esprit sur la coopération possible entre le communisme et le christianisme, 

Čep y répondit à titre personnel, par l’article « La situation du catholicisme en 

Tchécoslovaquie » en y donnant l’avis de quelqu’un qui pour ainsi dire respire l’air et 

vit la réalité d’un pays appartenant à l’influence soviétique. Sans ambition de faire 

publier sa communication, car ne se considérant pas assez compétent en matière de 

philosophie, il envoya son texte – analyse ponctuelle de la situation du catholicisme 

dans son pays – « avant tout pour se soulager » 202 . Alors que son message n’avait pas 

encore atteint le public français, quelques mois plus tard, lorsqu’il se trouvait à Paris 

comme délégué tchèque au Comité catholique de l’Unesco, il se vit invité par Mounier à 

débattre avec un groupe d’intellectuels proches de la revue Esprit. C’est au sein de la 

rédaction à Châtenay-Malabry, qu’il fit part de certaines de ses craintes concernant 

l’évolution politique de son pays. Plus tard, dans ses mémoires, il avouera être alors trop 

discret dans son discours de peur qu’à Prague son propos ne soit connu avant même 

qu’il ne revienne 203 . 

Cette prudence devant chaque parole et chaque acte, cette précaution consciente, 

voire cette autocensure, ne disparurent entièrement qu’en exil. Seule la liberté retrouvée 

sur le sol français permit à Čep de se prononcer pleinement et ouvertement sur la réalité 

tchécoslovaque. Après ses premiers articles d’ordre plutôt général dans Le Monde 

(même si déjà la troisième réflexion annonçait avec force l’enjeu de l’Eglise), c’est 

200 

E. Mounier à J. Čep, le 27 mars 1946. 

201 

Ibid. 

202 

Cf. J. Bednářová, « Situace českého katolicismu », Česká literatura, n° 2, 2001, p. 215-218. 

203 Cf. Œuvres VI, p. 204. 

76


précisément la situation de la religion, de l’Eglise catholique qui va préoccuper Čep 

dans ses activités journalistiques. 

Čep prêtait une attention systématique à la relation compliquée qui s’instaurait entre 

l’Eglise et le nouveau régime en Tchécoslovaquie. Cette relation tendue fut largement 

traitée dans un vaste article de plus de 20 pages « La lutte religieuse en 

Tchécoslovaquie » stimulé par le rédacteur en chef d’Esprit, Emmanuel Mounier, et 

publié en novembre 1949 204 . Il s’agit d’un remaniement profond, d’une concrétisation et 

d’une mise à jour de la réflexion de 1947 dont il a été question plus haut. Le cœur du 

problème consiste dans le désaccord entre le gouvernement et l’Eglise dans la 

compréhension de la réalité fondamentale qu’est la liberté religieuse. Le traité de Čep ne 

parut pas isolément dans Esprit. Il fut accompagné par des remarques polémiques de 

P. Boulier, prêtre et juriste, qui, faisant figure de grand slavophile et ami de l’URSS, fut 

après « Février » un invité régulier du gouvernement tchécoslovaque. En appendice le 

commentaire généralisant d’Emmanuel Mounier confronte les deux contributions tout 

en essayant de les élever dans une perspective unifiante. 

Dans plusieurs autres articles dont nous n’allons citer que les titres 205 , Čep suivait de 

près le conflit entre la hiérarchie ecclésiastique et les représentants du gouvernement ; il 

releva et commenta ces étapes particulières depuis l’effort premier de conclure un 

accord mutuel jusqu’aux procès truqués de religieux, la liquidation des ordres et la 

fermeture des séminaires. Notamment les rapports portant sur les procès politiques 

avaient un caractère strictement documentaire. L’auteur de l’article s’efface presque 

entièrement, se contentant de la transcription littérale du protocole qui suffisait en lui- 

même pour révéler l’absurdité monstrueuse des procès en question. Le jugement des 

dépositions des accusés était laissé au bon sens des lecteurs eux-mêmes. 

204 « Mettez-vous à votre travail sur l’église tchèque : cela vous fera aussi du bien. Je crois que B. veut 

aussi écrire et je doute qu’il voudra me le proposer. Peut-être finalement pourra-t-on mettre cela sous 

forme de libres débats entre deux chrétiens. Mais écrivez ce que vous voulez sans vous soucier du 

reste. », E. Mounier à J. Čep, le 20 septembre 1949. 

205 « Les évêques tchécoslovaques s’opposent aux nouvelles lois religieuses », Témoignage chrétien, 

le 9 décembre 1949, p. 1, 8 ; « Procès des religieux tchèques », Etudes, tome 265, 1950, p. 396-398 ; 

« Second procès de religieux à Prague », Esprit, n° 3, 1951, p. 458-464 ; « La tragédie de l’Eglise 

catholique en Tchécoslovaquie, Témoignage chrétien, le 11 mai 1951, p. 4 ; « La condition présente du 

clergé catholique en Tchécoslovaquie », Etudes, année 84, tome 268, 1951, p. 107-111 ; « La condition 

humaine : Jean Rolin : Drogues de police », Esprit, 1951, n° 10, p. 585-587. Dans le numéro d’avril 1952 

de la revue Terre humaine parut un long article « Terreur en Tchécoslovaquie » (p. 65-81) signé par un 

chiffre J.E.C.B. Nous croyons l’avoir déchiffré en tant que les initiales mélangées des noms de Jan Čep et 

Etienne Borne (rédacteur en chef de Terre humaine). Il n’est pas exclu qu’il existe d’autres articles inédits 

de Čep sur ces mêmes sujets. 

77


Čep était particulièrement horrifié par les procès qui eurent lieu dans la 

Tchécoslovaquie de l’époque, que ce soit à l’encontre de religieux ou d’écrivains 

catholiques un peu plus tard. Il se sentait personnellement impliqué car il connaissait la 

plupart des condamnés et il savait que ce que les méthodes des interrogatoires (quelque 

part il parle d’une « chasse à l’aveu ») faisaient avouer aux malheureux accusés ne 

pouvait tout simplement pas être vrai. Sans trop exagérer nous pouvons dire qu’il était 

réellement obsédé par ces procès, par leurs méthodes inhumaines qui réduisaient la 

personne de l’accusé en « martyre anonyme ». Des paragraphes entiers de ses lettres 

privées, comme celui-ci tiré d’une lettre à Henri Pourrat, sont noircis d’encre par ses 

appréhensions à propos des représentants de la hiérarchie ainsi que des fidèles 

ordinaires : 

Dans les journaux tchèques que je reçois ici (avec un grand retard) je suis surtout, avec angoisse, 

l’évolution désastreuse de la lutte entre l’Etat et l’Eglise. J’ai connu personnellement la plupart des 

moines condamnés au mois d’avril, et la plupart des prêtres condamnés en décembre dernier. Ces 

procès sont une horreur. On met dans la bouche de ces malheureux des aveux impossibles. Il ne peut 

même pas être question d’aveux – parce qu’ils avouent ce qui n’est pas vrai. Quel martyre [sic] 

anonyme. Jamais un régime n’a pris un tel soin de déshonorer ses victimes avant de les condamner. 

Pas même les césars romains, pas même les bourreaux nazis. – Les évêques – dont le procès ne se fera 

plus attendre, je crois – sont complètement isolés des fidèles et du clergé ; les ordres religieux ont été 

liquidés. L’Etat lui-même fait le recrutement pour les deux « facultés de théologie » dont il a assumé 

le contrôle. Il me semble que les catholiques français, surtout ceux « de gauche », ne veulent pas voir 

les choses comme elles sont. Ils ont l’air de se dire: « Chez nous, ça ne pourrait pas arriver ; nous 

sommes déjà plus avancés… » 206 

Nous aimerions encore nous attarder sur la figure de l’archevêque Josef Beran qui 

semble occuper une place à part et jouir d’un respect et d’une sympathie sincère dans 

les articles de Čep. Juste après la guerre, Čep salua son intronisation par la glose 

« Habemus episcopum » dans la revue Vyšehrad 207 . Ensuite, comme nous l’avons déjà 

fait remarquer, Beran avait choisi Čep comme délégué pour le Comité catholique 

international auprès de l’Unesco qui se réunit à Paris en 1947. Dans tous les textes 

français de Čep consacrés à la persécution de l’Eglise catholique, la personnalité de 

l’archevêque Beran incarne l’audace et une coriacité inébranlable : sa stature devient le 

symbole de la résistance, représentant le roc solide sur lequel l’Eglise tchécoslovaque 

éprouvée pourra s’appuyer et grâce auquel elle survivra. Après de longues années 

d’internement, l’archevêque Beran, à l’occasion de sa nomination au rang des 

cardinaux, fut forcé à émigrer et son sort s’apparenta ainsi à celui de Čep. En 1965 ces 

deux personnalités de l’exil tchèque se rencontrèrent à Paris au cours d’une courte visite 


207 Vyšehrad, II, n° 1, le 1 janvier 1947, p. 11. 

78


du cardinal en France. Les quelques jours passés ensemble avec, entre autres, la visite 

de Chartres et de Lisieux, resteront pour toujours gravés dans la mémoire de Čep, 

comme en témoigne M. Trávníček dans sa monographie 208 . 

Nous n’avons point l’intention d’entrer plus en détails dans cette problématique 

religieuse qui dépend beaucoup plus de l’histoire des religions ou de l’histoire tout 

court, alors que nous envisageons de rester dans le champ de l’histoire littéraire. Disons 

simplement pour terminer qu’il est parfois étonnant de constater avec quelle exactitude 

et clairvoyance Čep parvint dans ces articles à analyser une situation aussi délicate que 

fut le conflit entre le régime communiste et les religions, et tout particulièrement 

l’Eglise catholique. Ses conclusions, appuyées uniquement sur des matériaux limités et 

déformés par la propagande et qu’il recevait à distance avec un retard de plus en plus 

considérable, se montrent aujourd’hui aussi valables et précises qu’au temps de son exil. 

Ses articles écrits au tournant des années 1940 et 1950 apparaissent comme de 

véritables précurseurs des études récentes et contemporaines dans ce domaine avec les 

résultats desquelles ils s’accordent remarquablement ou qu’ils préfigurent carrément 209 . 

III.1.1.3. Le sort des écrivains tchécoslovaques : le « cas Halas », Zahradníček et 

autres 

Le témoignage de Čep portant au sujet du destin des écrivains sous la domination 

stalinienne ne fut pas aussi conséquent que celui portant sur l’enjeu religieux, et éveilla 

moins encore la conscience de l’intelligentsia française. A vrai dire, il se limite à peu 

d’articles, pour la plupart non publiés, où Čep essaya d’alerter les intellectuels sur le 

sort de l’écrivain sous l’emprise communiste. Nous allons porter notre attention sur 

deux ou trois exemples en mentionnant successivement le « cas Halas », le discours 

français de Čep de 1956 et la nécrologie après la mort de Jan Zahradníček. 

208 Cf. Pouť a vyhnanství (Le pèlerinage et l’exil), op. cit., p. 77. 

209 Cf. par exemple les travaux après 1989 des historiens comme K. Kaplan, V. Vaško, S. Balík, etc. ou la 

publication collective Katolická církev a totalitarismus v českých zemích (L’Eglise catholique et le 

totalitarisme dans les pays tchèques) parue chez CDK en 2001. 

79


Le « cas Halas » 

Janvier 1952 vit naître la polémique entre Le Figaro littéraire et l’hebdomadaire de 

tendance communiste les Lettres françaises. L’enjeu de la polémique tenait dans le soi- 

disant « Testament » du poète tchèque František Halas, mort en octobre 1949, dans 

lequel ce poète socialiste de conviction et haut fonctionnaire après le coup d’Etat de 

février, devait avouer sa désillusion, voire son dégoût du régime nouvellement instauré. 

Le texte même, rédigé par des amis du poète à partir de ses plaintes et critiques faites en 

privé dans les derniers temps de sa vie, fut transporté en occident par le professeur 

italien Angelo Maria Ripellino 210 . Après la publication du texte dans Le Figaro 

littéraire sous le titre « Les dernières pensées d’un poète communiste. Une tragédie de 

la servitude », les Lettres françaises tentèrent de mettre en doute l’authenticité du 

document. Pour ce faire L. Aragon s’est même rendu à Prague pour recueillir les 

témoignages (dont celui de la veuve du poète) qui auraient démenti les propos du 

testament. Le Figaro, de son côté, est accouru avec un témoignage personnel en 

publiant « Dernière rencontre avec František Halas » dont l’auteur, Michel Léon Hirsch, 

avait bien connu le poète tchèque lors de son long séjour pragois et avait même traduit 

quelques-uns de ses poèmes en français. Inutile de s’attarder davantage sur cette 

polémique qui enflamma les deux périodiques français tout au long du mois de janvier 

1952 et dont le dernier mot revint au directeur du Figaro littéraire, Pierre Brisson, qui 

affirma à nouveau l’authenticité du document. Quelle fut la place de Čep dans tout 

cela ? Avait-il sa part dans la polémique ? Quel y fut son apport ? En définitive aucun, 

comme nous le prouve bien la consultation des dits journaux pendant cette période. 

Toutefois, nous savons que Čep s’est investi dans la polémique par un texte qui ne fut 

jamais publié en français. Et comme de bonnes intentions sont parfois de la même 

valeur que les faits accomplis, et comme plusieurs ombres planent autour de l’article de 

Čep dans l’affaire Halas chez les chercheurs čepiens, il serait juste d’y ajouter quelques 

mots 211 . 

210 Václav Černý, entre autres, parle de ce « testament » dans ses mémoires. Cf. Paměti, op. cit., p. 254. 

211 Il ne serait peut-être pas inutile de rappeler que dans sa correspondance privée, Čep parle de la 

désillusion de son ami Halas, sans toutefois le nommer, depuis le printemps 1949 : « Un de ceux qui ont 

écrit pendant trente ans des litanies au saint Staline et qui avouent maintenant, découragés et honteux, 

qu’ils ‘ne se sont pas imaginés les choses de cette manière’. – Mais c’est trop tard ; la parole et le pouvoir 

sont maintenant à d’autres qu’à eux. Leur expérience et leur déception semblent malheureusement 

intransmissibles ; les Eluard, Aragon, Em. Mounier, Mandouze, Boulier etc. français ne les croiraient pas, 

même si les premiers pouvaient faire leurs aveux à haute voix. », J. Čep à H. Pourrat, le vendredi saint 

1949. 

80


Il s’agit d’un texte que Čep intitula « Závěť svobodnému světu » (Testament au 

monde libre) et qui servit de préface au propre texte de Halas dans plusieurs 

publications de l’exil tchèques 212 . Cette préface, écrite par l’un des amis les plus 

proches du poète pragois, présente Halas comme victime de sa foi dans le communisme. 

Ce poète d’origine prolétaire, « fils du peuple dans le sens le plus authentique de ce 

mot » 213 , fut cruellement abusé par le nouveau régime qui l’a « utilisé comme une 

décoration sur sa façade » 214 et qui n’a pas hésité presque immédiatement après sa mort 

à l’accuser de « décadence », de « formalisme » et d’« exécuter l’homme et le 

poète » 215216 . À la fin de sa préface, Čep met le cas Halas aux côtés de ceux de Yesenin 

ou Akhmatova qui tous « témoignent tragiquement que dans le communisme marxiste, 

la vie de l’esprit est coupée tout près à la racine, que la voix du cœur y est étouffée, que 

le destin de l’homme y est cruellement défiguré » 217 . 

La version française de cet article, accompagnée encore par un autre texte à caractère 

plus documentaire basé sur les citations directes de la critique stalinienne et dont 

l’auteur était V. Peška, fut adressée au Figaro littéraire comme un prolongement de la 

polémique. Malheureusement, les textes envoyés de Munich au début du mois de mars 

arrivèrent pour ainsi dire après coup, au moment où la polémique entre les deux 

journaux était déjà bouclée depuis plus d’un mois. Ainsi les deux contributions furent- 

elles finalement refusées compte tenu de ce décalage avec l’actualité, malgré le regret 

exprimé par Maurice Noël, rédacteur en chef du Figaro littéraire, avouant que les deux 

textes « donnent absolument toutes satisfactions, soit dans la vérité humaine, soit dans 

la vérité politique, au sujet du poète de Prague » 218 . A la suite de cela, les deux amis 

proposèrent leurs articles aux Preuves (« […] nous ne demandons point d’honoraire. Il 

s’agit pour nous ainsi que pour vous d’établir la vérité à l’aide des preuves »), or le 

212 

Nous faisons confiance à M. Burda qui dans sa thèse fait remarquer que le « testament de Halas » avec 

la préface de Čep fut publié dans le n° 10 de Nový život, 1951, p. 10-14. L’article de Čep fut dans la 

presse de l’exil tchèque plusieurs fois réimprimé : dans Svědectví, XI, n° 41, p. 120-121, et Narodní 

politika, XVI, n° 10, p. 8. 

213 

Cité du texte tchèque in : Œuvres VI, p. 233. 

214 

Ibid., p. 234. 

215 

Ibid. 

216 

Ce fut avant tout autre, le critique officiel Ladislav Štoll (« ancien journaliste de dixième ordre » selon 

les mots de Čep), qui, dans son traité du janvier 1950, intitulé « Třicet let bojů za českou socialistickou 

poesii » (Trente ans de luttes pour la poésie socialiste tchèque) proféra le jugement sur le poète mort, mit 

son œuvre en anathème, en le traitant de « poète de l’atmosphère décadente », de « chantre morbide », et 

sa poésie de « formalisme » et de « spiritualisme ». 

217 


218 

M. Noël à J. Čep et V. Peška, le 18 mars 1952. 

81


même scénario que pour Le Figaro s’est répété. Malgré l’« intérêt » du journal pour les 

matériaux, leur retard fut tel qu’il ne permettait plus leur publication 219 . 

Le destin des écrivains emprisonnés 

Après avoir réglé la question des religieux, le régime ne tarda pas à poursuivre sa 

mission liquidatrice dans les rangs des intellectuels et des écrivains. L’aboutissement 

des épurations et de l’intimidation la plus brutale fut deux procès d’écrivains notamment 

catholiques qui eurent lieu en juin 1952. Čep en fut complètement bouleversé, sachant 

que le même sort lui aurait été réservé s’il était resté en Tchécoslovaquie. La pensée de 

ses amis emprisonnés ne le quittait plus, elle devint l’obsession permanente de son exil, 

l’immobilisant et le paralysant au point de tarir, selon V. Peška, sa veine créatrice 220 . 

Malgré tout, Čep ne resta pas inactif, il ne s’enferma pas dans un mutisme angoissant. 

Celui qui, d’après le même Peška, appartenait à « ceux, rares, qui partagent à la lettre le 

destin de sa nation » 221 ne pouvait pas rester muet devant les souffrances faites à ses 

compatriotes. Comme pour les religieux, il crie sa colère et son dégoût et plaide pour les 

innocents condamnés, mais comme dans le cas des religieux, peu de gens lui prêtent 

l’oreille. Fournissons à notre propos quelques exemples. 

Il est certain, qu’il s’exprima avec obstination sur le sujet des écrivains persécutés 

dans sa correspondance avec ses amis français. Puisqu’il s’agit ici d’un message privé, 

ne visant pas un grand nombre de gens, nous n’en donnerons que cet exemple tiré d’une 

lettre à Henri Queffélec, où, à nouveau, on peut lire la déception de Čep devant 

l’attitude passive et disproportionnée adoptée par des intellectuels français : 

Je ne désire pas la guerre et je n’incite pas à la guerre. Mais je ne peux pas oublier un instant ceux qui 

sont écrasés là-bas tous les jours. Mes meilleurs amis sont en prison. J’ai l’impression qu’on 

n’imagine pas en France ce que c’est [que] cet étouffement monstrueux. On ne prête pas assez 

d’attention à ces procès où les gens ne sont plus semblables à eux-mêmes, où ils paraissent vidés de 

leur identité. Ce n’est pas un fait révolutionnaire ; c’est un système, c’est la nouvelle conception de 

l’homme qui s’exprime par ces procédés, c’est l’avenir. Non, je ne peux pas l’accepter. Je sais, le 

219 Cf. J. Čep à V. Peška, le 9 octobre [novembre] 1952. 

220 « La raréfaction, puis l’arrêt de sa création littéraire, chez un être aussi sensible et fragile que Jan Čep, 

s’expliquent par ce brutal double exil. Il vit en liberté, certes, mais il vit déchiré, crucifié car ses frères 

dans son pays restent exposés aux souffrances qu’il éprouve quasi charnellement. », V. Peška, « Deux 

types d’écrivains en exil : Jan Čep et Egon Hostovský », Émigration et exil dans les cultures tchèque et 

polonaise, op. cit., p. 221. Nous comprenons cette sentence de Peška dans le sens où toute création peut 

paraître vaine et futile devant une telle souffrance, à moins qu’elle ne soit pas due à cette souffrance 

même. 

221 Ibid. 

82


monde « occidental » souffre d’autres monstruosités ; mais il ne faudrait pas nommer celles-ci en 

passant sous silence celles-là. 222 

Ce qui nous intéresse davantage, ce sont les manifestations publiques par lesquelles 

Čep prétendait toucher une audience plus large en lui transmettant le message de la 

cruauté et de l’arbitraire, non plus vis-à-vis de l’Eglise mais des écrivains et des 

intellectuels. Ainsi l’intelligentsia française, qui se targuait depuis toujours de son esprit 

d’humanisme et de sa puissance intellectuelle, pourrait-elle peut-être porter plus 

d’attention à ses confrères éprouvés. 

Il faut mentionner avant tout le discours que Čep a proféré en conclusion du Congrès 

du Conseil culturel tchécoslovaque, le 8 juillet 1956 223 . Ce discours fut prononcé devant 

un public mixte, qui comptait, outre les élites de l’émigration tchécoslovaque, certaines 

personnalités illustres de la représentation politique et culturelle française. Čep semble 

dans son discours viser avant tout l’audience française et une des lignes de force fut 

justement le sort des écrivains emprisonnés en Tchécoslovaquie : 

[…] nous avons beau accepter l’incertitude de notre existence d’intellectuels et d’écrivains émigrés, 

nous n’arrivons pas à nous débarrasser d’un fardeau secret, d’une angoisse qui serre notre cœur nuit et 

jour : la pensée, la présence hallucinante, à tous les moments de notre vie, de ceux que nous avons 

laissés là-bas, et qui souffrent derrière les grilles, entre les murs épais et humides des prisons, dans les 

couloirs souterrains de mines. 224 

Il attire l’attention des représentants français sur deux procès contre des intellectuels 

tchèques qui « sont devenus victimes de l’idéologie et de la police du régime ». Il leur 

fait voir la fausseté, voire l’absurdité, des accusations et insiste sur le fait que malgré 

certains « aveux spontanés », « leur seul crime consistait à vouloir incarner, dans leur 

œuvre, une autre vision du monde que celle qui relève du matérialisme marxiste ». Il 

entreprend un travail de sensibilisation en essayant de forcer les Français à imaginer la 

transposition du problème dans leur pays : 

Figurez-vous qu’un régime politique en France supprime ou élimine les hommes – non seulement 

comme Bernanos, Mauriac, Paul Claudel, Péguy, etc. – mais tous ceux susceptibles d’êtres accusés de 

spiritualisme, d’idéalisme ou de formalisme, et dont la série, en France, serait infinie. […] je cite ces 

noms, toutes proportions gardées ; mais c’est cela qui s’est produit en Tchécoslovaquie et qui n’est 

pas en train d’être réparé, malgré qu’on en dise. 225 


223 Les extraits essentiels de ce discours furent publiés sous le titre « Quelques réflexions d’un écrivain 

tchèque en exil », Bulletin du Comité d’Etudes Culturelles Franco-Tchécoslovaques, n° 1, 1956, p. 6-13. 

224 [J. Čep], « Quelques réflexions d’un écrivain tchèque en exil », Bulletin du Comité d’Etudes 

Culturelles Franco-Tchécoslovaques, n° 1, 1956, p. 6. 

225 Ibid., p. 8. 

83


Les derniers mots font allusion à la prétendue détente et démocratisation des pays 

communistes après les déclarations de Khrouchtchev dénonçant les crimes de Staline. 

Čep s’avère bien prudent sur ce point en posant la condition de la liberté créatrice 

totale : 

Tout cela n’a pour nous aucun sens tant que les intellectuels, les poètes, les esprits créateurs ne seront 

pas libres de voir et d’exprimer le monde à partir des données extérieures qu’ils choisiront euxmêmes. 

226 

Consignons à la fin le cas d’un manuscrit retrouvé qui est en fait la nécrologie de Jan 

Zahradníček, l’un des plus intimes amis de Čep et l’une des plus grandes victimes du 

régime communiste 227 . Suivant le flux de l’évolution humaine et poétique de 

Zahradníček, Čep rappelle surtout la tragédie que fut sa vie à partir de 1948 : condamné 

à 13 ans de prison dans un procès préfabriqué, il fut libéré pour quelques jours pour 

assister à l’enterrement de deux de ses enfants décédés d’intoxication fongique, avant de 

mourir subitement quelques mois seulement après l’amnistie en 1960. La nécrologie 

s’achève par ces mots : 

Même si cette expérience n’avait pas pu s’exprimer par une parole écrite, ou au moins parlée, elle ne 

restera pas muette pour nous ; personne ne pourra la rayer du monde, comme on a rayé le nom du 

poète des manuels de littérature tchèque ; jamais on ne pourra la séparer de la douleur et de l’espoir de 

notre temps. 228 

Nous ne sommes pas en mesure de confirmer si le texte, accompagné encore par des 

extraits traduits des poésies de Zahradníček, fut publié dans quelque journal français 

auquel il fut sans aucun doute destiné 229 . 

226 

Ibid. 

227 

Il s’agit en fait d’une version raccourcie et légèrement remaniée d’un texte tchèque qui fut publié dans 

le dernier livre de Čep, paru de son vivant, Un Pèlerin sur la terre. 

228 

L’article dactylographié se trouve dans les archives personneles de Vladimír Peška déposées à 

l’Institut des Etudes slaves à Paris. 

229 

À notre connaissance, l’unique texte publié dans la presse française où Čep mentionne (ne serait-ce 

qu’en marge) le sort des écrivains emprisonnés, est l’étude « La littérature tchèque moderne d’inspiration 

catholique » parue dans la revue dominicaine, La Vie intellectuelle, août 1954, p. 70-81. Citons de cette 

étude au moins l’avant-dernier paragraphe : « La littérature et les écrivains catholiques tchèques ont subi 

le même sort que l’Eglise dans ce pays. Beaucoup sont en prison (Zahradníček, Renč, Kostohryz, 

Křelina), les autres sont condamnés au silence. L’écrivain tchèque et slovaque actuel est appelé, par 

définition, à former le nouvel homme et la nouvelle société marxistes. Mais il n’y a pas de place dans 

cette tâche pour un poète ou un écrivain inspiré par la vision chrétienne de l’univers dont les horizons ne 

coïncident pas avec les frontières et les perspectives du monde marxiste. » 

84


III.1.2. Bâtir les ponts 

Dans le champ de la littérature de l’Entre-deux-guerres Jan Čep appartenait aux 

importants médiateurs culturels entre la France et la Tchécoslovaquie. Par ses 

traductions il introduisait des auteurs français dans le milieu tchèque, par les 

correspondances et les contacts personnels, il contribuait à l’échange des idées si 

caractéristique pour cette époque, âge d’or des rapports entre les deux pays. Cette liberté 

dans le dialogue culturel fut brusquement interrompue par l’avènement du régime 

communiste. Néanmoins, par l’exil même, Čep se vit attribuer une autre possibilité de 

travailler au rapprochement des deux peuples. Certes, le statut de ce dialogue change, il 

n’est plus situé foncièrement au niveau de la littérature mais s’élargit car Čep, comme 

les élites de l’émigration tchèque en général, se voulut un représentant de la 

Tchécoslovaquie libre vis-à-vis de la population du pays d’accueil. 

L’une des idées motrices de son départ fut, et on a pu l’observer déjà dans les pages 

précédentes, que l’émigration peut et doit contribuer à la création d’une vraie 

communauté humaine, qu’elle doit devenir, selon la parole de Čep, un « ferment » 230 , un 

« amalgame » 231 , les « germes d’un rapprochement plus étroit » 232 entre les deux pays, 

pays natal et pays d’adoption. Précisément ceci devait être le sens profond, la raison 

d’être même et la justification de l’émigration. Il est vrai que cette idée va 

progressivement perdre son sens au fur et à mesure de l’expérience quotidienne des 

exilés 233 . 

Nous ne faisons que nous répéter en disant que Čep arriva en exil doté d’une double 

mission : rendre témoignage et bâtir des ponts. Si la première fut accomplie, pour des 

raisons évidentes, principalement dans les premières années de l’émigration (1948- 

1952), la seconde trouva son apogée à partir du milieu des années 1950 dans la 

fondation du Comité d’études culturelles franco-tchécoslovaques. Avant de consacrer le 

plus gros de cette partie du chapitre aux activités de ce Comité et au rôle que Čep y 


231 [J. Čep], « Quelques réflexions d’un écrivain tchèque en exil », Bulletin du Comité d’Etudes 

Culturelles Franco-Tchécoslovaques, n° 1, 1956, p. 12. 

232 Ibid. 

233 C’est dans son discours du 8 juillet 1956 que Čep fait cette constatation accablante : « Après huit ans 

d’exil, nous avons de moins en moins l’audace de nous présenter à nos amis occidentaux comme les 

messagers et les ambassadeurs de notre pays. », « Quelques réflexions d’un écrivain tchèque en exil », 

Bulletin du Comité d’Etudes Culturelles Franco-Tchécoslovaques, n° 1, 1956, p. 12. 

85


jouait, nous ne voulons pas omettre une autre organisation ayant également pour but de 

bâtir des ponts entre les deux pays, L’Amitié franco-tchécoslovaque. 

III.1.2.1. L’Amitié franco-tchécoslovaque 

Fondé le 9 novembre 1949, cette association se constitua pour remplacer 

l’Association France-Tchécoslovaquie qui s’inféoda au nouveau régime pragois. 

Comme nous le révèle le 1 er numéro du Bulletin paru en janvier 1950, L’Amitié franco- 

tchécoslovaque qui « se refuse à être un organisme parapolitique » se donna pour 

mission « de travailler en pleine indépendance au rapprochement du peuple 

tchécoslovaque et du peuple français ». Ensuite la proclamation fait mention des 

rapports fort bons qui régnaient jusqu’au coup d’Etat entre les deux peuples qui « sont 

liés par une communauté profonde de souvenir et de tradition, par maints aspects de leur 

évolution historique, économique, sociale, intellectuelle, par leur culte de la démocratie 

et de la justice et de la liberté ». Enfin, tout en travaillant « pour le présent et pour 

l’avenir », L’Amitié franco-tchécoslovaque exprime son espoir de pouvoir contribuer, 

après la chute du régime communiste, à « rendre plus facile la reprise des contacts 

humains, directs, libres et fraternels, entre deux nations […] » 234 . 

Le bureau de l’association fut composé de figures qui représentaient bien ces 

relations ardentes entre les deux pays de l’Entre-deux-guerres. Son président fut le 

Général Louis-Eugène Faucher, ancien Chef de la Mission militaire française en 

Tchécoslovaquie, l’un des vice-présidents Michel-Léon Hirsch, écrivain et journaliste 

dont nous avons déjà mentionné les traductions de la littérature tchèque. Significative, 

fut aussi la composition du Comité de patronage de L’Amitié franco-tchécoslovaque qui 

comptait de nombreuses personnalités de la vie politique et culturelle françaises comme 

en témoignent des noms de Léon Blum, Maurice Schumann pour les politiciens, Paul 

Claudel, Georges Duhamel, Pierre Emmanuel, André Gide, François Mauriac, Rémy 

Roure pour les littéraires. 

Le rôle de Jan Čep dans L’Amitié franco-tchécoslovaque ne fut pas des plus 

importants. Certes, il en était membre, mais il faut l’avouer, pas très actif. Cependant, 

234 Toutes les citations précédentes sons tirées de la page 1 du 1 er numéro du Bulletin de L’Amitié franco- 

tchécoslovaque. 

86


cette adhésion plus ou moins passive, ne fut pas anodine car sa seule présence, même 

formelle, fut hautement représentative. Nous osons dire qu’il n’y avait pas un membre 

de plus grande envergure dans les rangs de L’Amitié franco-tchécoslvaque qui puisse 

mieux représenter la culture libre de la Première République. En tant qu’écrivain réputé, 

Čep fut souvent invité à prendre part aux activités de l’association sous la forme de 

discours pour les divers anniversaires et fêtes. Ainsi, par exemple, pour célébrer le 14 e 

anniversaire de l’association et en même temps le 40 e anniversaire de la proclamation de 

la République tchécoslovaque, Čep, invité par le Président Faucher, tint le discours de 

conclusion, position sans doute la plus privilégiée. Il s’y penchait sur le problème de la 

jeune génération grandissant dans la société communiste : 

Quant à savoir comment évolue la jeunesse, je crois qu’elle ne croit plus à l’idéologie marxiste. […] 

les jeunes se demandent quel sens a la vie et quel est le but de la destinée humaine. Je m’explique leur 

attitude par cette image : le mythe marxiste a un sens horizontal alors qu’ils sentent, eux, le besoin 

d’un sens vertical, celui qui relie le temps et l’éternité. 235 

Après la mort de Čep, l’association rendit hommage à l’écrivain décédé et plusieurs 

orateurs prirent la parole. Après que V. Peška eut retracé son itinéraire humain et 

littéraire, le vice-président Václav Faucher s’attacha à dégager les traits majeurs de 

l’apport de Čep à l’émigration tchèque qui, selon lui, consistait d’une part dans sa vertu 

de méditation, d’autre part dans sa réflexion sur la condition humaine et surtout dans 

l’élaboration positive de la notion d’exil : 

Lui-même [Čep] soumis aux rigueurs de l’exil, il nous montre le chemin qui nous conduit non 

seulement à accepter l’exil mais encore à l’utiliser, à y puiser des forces qu’il fait fructifier pour 

l’édification de ses contemporains. 236 

Si l’initiative de Čep au sein de L’Amitié franco-tchécoslovaque se limitait à la 

fonction d’orateur solennel, il en est tout autrement pour le Comité d’études culturelles 

franco-tchécoslovaques. 

III.1.2.2. Le Comité d’études culturelles franco-tchécoslovaques 

Le Comité d’études culturelles franco-tchécoslovaques vit le jour en 1956 et Čep en 

fut à la fois le fondateur, l’animateur principal et le vice-président. Comme il manquait 

235 Bulletin de L’Amitié franco-tchécoslovaque, n° 3-4, 1963, p. 7. 

236 Ibid., n° 1, janvier-mars 1975, p. 6. 

87


de capacités d’organisation et de sens pratique, l’entreprise échoua à peine un an plus 

tard. 

Il nous semble inutile de nous y attarder trop, étant donné que M. Burda a 

minutieusement analysé cette matière dans sa thèse 237 . Regardons seulement ce qui 

relève de notre enjeu principal : l’engagement de Jan Čep à l’égard des Français, 

notamment son effort à bâtir des ponts, à se placer en intermédiaire entre son pays natal 

et sa patrie d’adoption. 

Il a été dit plus haut que Čep, en tant que fondateur du Comité, en devint son vice- 

président. Le poste de présidence fut réservé à un linguiste renommé, Jiří Georges 

Straka. Le comité d’honneur, comme dans le cas de l’association L’Amitié franco- 

tchécoslovaque, pouvait se targuer de compter des personnalités de premier ordre : 

Raymond Aron, Marc Blancpain, Etienne Borne, Georges Duhamel, Gabriel Marcel, 

Rémy Roure. Le siège du Comité se trouvait au domicile même de Čep, au 16 rue 

Chanoinesse dans le 4 e arrondissement parisien. Le Comité fut inauguré par le 

lancement du Bulletin dont le premier numéro proclamait son programme. Comme le 

nom de l’organisme l’indique, le Comité d’études culturelles franco-tchécoslovaques se 

donnait pour mission précisément de bâtir des ponts dans le domaine des sciences 

humaines et de l’esprit humain par des études, pourrions-nous dire, à caractère 

comparatif. Justement, il se proposait « de publier des études touchant les relations 

culturelles, littéraires, scientifiques et religieuses entre la France et les pays tchèques, 

dans le passé et dans le présent, et de rassembler une documentation sur ces mêmes 

sujets » 238 . Etant donné que ces rapports furent violemment interrompus, et que « tous 

les liens qui unissaient non pas seulement la France et les pays d’Europe Centrale, mais 

plus généralement ces pays et l’Occident, ont été systématiquement défigurés et 

embrouillés au cours des années qui viennent de s’écouler » 239 , le Comité prétendait 

pallier cette rupture, au moins partiellement compte tenu de ses modestes moyens. Car, 

comme il est écrit toujours dans la proclamation, 

les intellectuels en exil – et surtout ceux qui ont choisi la France comme pays d’adoption – jugent de 

leur devoir de suppléer à cette carence, de réparer […] cette douloureuse rupture. Ils voudraient 

témoigner de leur présence et de leur double fidélité. Si, un jour, le caractère des relations culturelles 

France-Tchécoslovaquie change assez radicalement, leur œuvre ou ce qu’ils auront pu en réaliser 

pourra s’intégrer organiquement dans le nouveau contexte. 240 

237 Cf. M. Burda, La littérature de l’émigration tchèque de 1948 à 1968, op. cit., p. 204-209. 

238 Bulletin du Comité d’études culturelles franco-tchécoslovaques, n° 1, 1956, p. 1. 

239 Ibid., p. 2. 

240 Ibid. 

88


Et « même […] si ce que nous nous proposons de faire ne devait que constituer un 

témoignage, nous ne croirions pas avoir perdu notre temps en essayant de 

l’apporter » 241 . Voilà les deux points enfin réunis : porter témoignage en bâtissant des 

ponts, bâtir des ponts en témoignant. Dans cette proclamation introductive, comme 

d’ailleurs dans tout le premier numéro, l’écriture de Čep est fort perceptible. 

S’ensuit l’énumération des projets de plusieurs publications futures du Comité et à la 

fin du premier numéro du Bulletin est placé le discours raccourci que Čep prononça 

pour la clôture du Congrès du Conseil culturel tchécoslovaque dont nous avons déjà 

parlé. Même si l’esquisse de programme à venir du Comité se terminait par l’expression 

de l’espoir de « pouvoir faire un travail utile et durable » 242 , de tous les projets seul l’un 

a abouti : le livre de Georges Pistorius Destin de la culture française dans une 

démocratie populaire. La présence française en Tchécoslovaquie (1948-1956) 243 . Il 

semble donc que toute activité du Comité d’études culturelles franco-tchécoslovaques 

s’épuise avec la publication de deux numéros du Bulletin et de la monographie citée. 

L’organisme manquait sans doute de moyens de financement et peut-être aussi de 

collaborateurs enthousiastes pour poursuivre sa mission. 

Cependant le Comité ouvrit une voie nouvelle et originale dans les structures de 

l’émigration tchèque car il ne visait plus prioritairement la diaspora mais s’adressait 

directement aux Français. Bien que le Comité n’eût pas l’intention de suppléer aux 

activités des centres des slavisants ni des alliances françaises et encore moins des 

associations de l’exil à objectif politique ou culturel, voire littéraire, il ne les exclut 

aucunement, surtout les premiers, de son influence. Le destinataire souhaité englobe en 

premier lieu le « public un peu ‘spécialisé’ », c’est-à-dire les slavisants et les 

enseignants, et ensuite « tous les Français et autres qui réfléchissent sur le sort et le 

contenu de ce que l’on appelle la civilisation occidentale, et qui ont à cœur le 

rayonnement de cette civilisation dans le monde entier » 244 . 

Par rapport à L’Amitié franco-tchécoslovaque nous pouvons ainsi constater une 

orientation plus « scientifique » et plus ancrée dans le présent. Déjà par ses membres 

représentatifs L’Amitié franco-tchécoslovaque s’enlisait nostalgiquement dans le passé 

241 Ibid. 

242 Ibid, p. 5. 

243 Le livre a paru aux Editions des Iles d’Or en 1957 avec une préface de Marc Blancpain. 

244 Bulletin du Comité d’études culturelles franco-tchécoslovaques, n° 1, 1956, p. 4. 

89


alors que le Comité d’études culturelles franco-tchécoslovaques avait pour but 

d’apporter des résultats concrets de recherches et de travaux contemporains dont les 

fruits pourraient être appréciés surtout à l’avenir quand les deux pays reprendraient un 

libre contact. 

Nous ne saurions mieux conclure que par la citation de Milan Burda qui met en 

valeur l’importance de cet organisme dont Čep fut le représentant et l’animateur 

principal : 

En dépit de sa vie extrêmement brève et de son activité somme toute réduite, l’apparition du Comité 

d’études culturelles franco-tchécoslovaques au moment précis où s’amorçait un dialogue entre 

l’Occident et les pays sous domination soviétique est […] tout à fait caractéristique d’un mouvement 

intérieur à l’émigration culturelle tchèque. Les animateurs de cette émigration ne visaient plus, en 

effet, le public émigré, mais le public occidental, afin de contrebalancer par des données peu connues 

en Occident les arguments et la propagande venus de l’autre côté du rideau de fer et de rappeler qu’en 

Occident même des représentants d’une culture tchèque occultée et chassée de son pays, au propre 

comme au figuré, par le régime de Prague, s’efforçaient de maintenir et de développer les liens 

culturels rompus par l’avènement du communisme. 245 

III.2. Participation de Jan Čep à la vie des structures de l’émigration 

tchèque 

L’émigration tchécoslovaque après « février » 1948 déploya dès le début un spectre 

large d’activités diverses. Les émigrés issus de différentes couches sociales, se 

réclamant de différentes positions politiques, furent tous réunis par un dénominateur 

commun : l’anticommunisme. Il ne surprend donc pas que l’effort majoritaire des 

premières années en exil fut orienté sur le plan politique. Les organismes culturels et les 

activités littéraires n’apparurent que plus tardivement et furent encore longtemps 

considérés comme secondaires. Leur vie fut d’ailleurs souvent de courte durée, pour ne 

pas dire éphémère. Quelle fut la place de Jan Čep dans ces activités de l’émigration 

tchécoslovaque ? Prenait-il une part active dans les organisations d’exil ? Nous allons 

essayer d’y répondre en articulant notre propos en trois points. D’abord, nous 

consacrerons une partie de ce chapitre à ce que Čep appelle dans son journal ses 

« collusions politiques » 246 , c’est-à-dire à ses engagements politiques, volontaires ou 

plus ou moins contraints. Ensuite, notre intérêt se déplacera vers le domaine culturel et 



90


plus spécifiquement littéraire. Nous chercherons à faire observer la mesure et la nature 

de son implication dans les projets d’animation de la vie littéraire de l’exil. Il s’agira 

bien sûr avant tout de sa collaboration avec des périodiques variés et avec des maisons 

d’édition d’exil. Enfin, le point capital viendra avec la mise en valeur de l’action de Čep 

dans le fonctionnement de Radio Free Europe qui enveloppait l’action politique et 

culturelle à la fois et qui, de tous les organismes de l’exil tchécoslovaque d’après 1948, 

eut le plus grand retentissement et impact sur la vie dans la Tchécoslovaquie totalitaire. 

III.2.1. Episodes politiques 

Jan Čep ne fut jamais un homme de politique. Il était un intellectuel dans le sens 

sublime que donnait à ce mot Václav Černý : « L’intellectuel dans notre civilisation est 

par définition celui qui ne se laisse pas emporter par le courant. Il est avant tout la 

conscience personnelle et sociale hautement développée. » 247 Cela ne veut aucunement 

dire que Čep ne suivait pas les événements politiques de son pays ou du monde. Au 

contraire, il observait avec une grande attention, sinon inquiétude, l’évolution de la 

situation politique d’avant et d’après la Seconde Guerre mondiale. C’est sans doute 

l’apanage des vrais intellectuels de rester en dehors de la politique active, « au-dessus 

de la mêlée », ce qui leur permet de mieux la questionner, d’avertir aussi de ses abus et 

de ses dérapages. 

La situation en Tchécoslovaquie pendant les trois ans de « semi-liberté » entre 1945 

et 1948 évolua dans un sens tel qu’il était devenu impossible d’être tout à fait apolitique. 

Car avec la pression croissante de la propagande communiste, tout acte, fut-il le plus 

innocent, était considéré et interprété dans le sens politique. Pas seulement les actes, 

mais les idées et les croyances autres que communistes, devenaient gênants. Le « coup 

de Prague » ne faisait qu’entériner la situation. 

Le fait même de traverser illégalement la frontière exprimait une prise de position 

intransigeante vis-à-vis du régime communiste en Tchécoslovaquie et la plupart des 

émigrés n’en restaient pas là de leur engagement politique. Parmi ceux qui partirent 

figuraient de nombreux représentants importants des partis démocratiques, dont par 

247 « Vzdělanec v naší civilizaci je samým definičním výměrem ten, jenž se nedává unášet proudem. Je 

především vysoce vyvinuté osobní a společenské svědomí. », V. Černý, Paměti, op. cit., p. 601. Mots 

soulignés V. Č. 

91


exemple Petr Zenkl, leader du parti national-social, membre du même parti et ministre 

du Commerce extérieur avant le Coup de Prague Hubert Ripka, ou le député pour le 

parti populaire d’orientation chrétienne Bohdan Chudoba. Ces gens-là se voulaient les 

représentants de la Tchécoslovaquie libre à l’instar du gouvernement de Londres au 

temps de l’occupation allemande. Ils continuèrent la vie politique de leurs partis en exil 

tout en espérant le renversement plus ou moins rapide du régime pragois et leur retour 

au pouvoir. 

Si l’on veut parler de l’engagement politique de Čep, il faut faire preuve d’une 

grande précaution. Nous l’avons souligné : homme hors la politique, intellectuel 

impartial. Čep ne se sent pas « un talent de politicien ni de journaliste » 248 comme il 

l’écrit dans une lettre à Paul Claudel en 1939 où il fut pour la première fois tenté de 

s’exiler. S’il s’est pourtant trempé dans la « politique » après son vrai exil en 1948, 

c’était toujours presque à contrecœur et avec beaucoup d’embarras. Il s’agit d’ailleurs 

d’épisodes éphémères qui restèrent à la marge de sa vie et de ses activités en exil. 

La plus marquante de ses « collusions politiques » fut sans doute sa participation à la 

fondation et à la vie de l’Union démocratique de Masaryk (Masarykův demokratický 

svaz, MDS). Il s’agissait de l’une des nombreuses tentatives de créer une organisation 

culturelle et politique qui devait viser à rassembler les forces éclatées de toute 

l’émigration tchécoslovaque 249 . Par quelle ironie du sort voyons-nous adhérer aux 

idéaux de Masaryk celui qui fut l’un des critiques de l’idéologie libérale de la Première 

république 250 ! Certes, dans des conditions normales, Čep n’aurait jamais accepté de 

prêter son nom à une telle entreprise mais la situation d’exil est une situation extrême où 

il sent le devoir de se joindre à la mêlée, d’autant plus que le MDS ne se présentait pas 

uniquement comme une organisation politique mais, peut-être plus encore, culturelle. 

Néanmoins, les embarras de Čep restent presque entiers. Dans son journal, il parle de 

l’ « histoire gênante de M.D.S. », de ses « collusions politiques » qui le « mettent de 

plus en plus mal à l’aise », du manque de « courage de [se] dérober » 251 . Sa 

248 Cf. J. Čep à P. Claudel, le 23 juillet 1939. 

249 Pour se faire une idée plus concrète, il serait peut-être instructif de lire un commentaire contemporain à 

la formation de MDS. Nous citons du journal de V. Peška du 1 er novembre 1949 : « Enfin la question de 

MDS est claire : il veut éduquer les gens, former l’opinion publique, désagréger le système actuel des 

partis politiques et préparer un système nouveau. » Traduit du tchèque J. Z. 

250 L’ironie va parfois encore plus loin lorsque l’on demande à Čep de proférer un discours sur Masaryk, 

plus précisément sur le « sentiment religieux de Masaryk ». Čep a naturellement décliné la proposition. 

Cf. Journal, le 25 février 1949. 

251 Journal, respectivement le 22 janvier 1949 et le 16 février 1949. 

92


participation lui fait « l’effet d’avoir à enfiler une chemise sale qui a été portée par un 

autre. […] consentir à invoquer le patronage et à adopter les idées de T.G. M. » et il 

« redoute le moment où sera rendue publique la proclamation […] avec [s]a signature en 

bas de ce texte qui [l]e satisfait si peu » 252 . La proclamation de MDS fut publiée le 20 

février 1949 dans le journal Le lendemain libre signée par son président Ferdinand 

Peroutka et par ses six vice-présidents : deux anciens ambassadeurs, deux anciens 

universitaires, un ancien général et Jan Čep. Dans le texte on observe avant tout un 

effort pour « rassembler toutes les forces politiques et culturelles à l’étranger sans 

différences de partis politiques et de confessions religieuses » : 

Le MDS ne sera pas un autre parti politique, mais une union politique et culturelle de tous ceux qui en 

exil respectent la primauté des intérêts communs. […] Les deux fructueuses résistances antérieures 

prouvaient que l’exil doit être avant tout une politique étrangère commune de la patrie muselée et non 

la lice des intérêts partiels des partis. […] le MDS désire surtout protéger l’exil contre l’éparpillement 

sous n’importe quel prétexte. 253 

Force est de constater le caractère illusoire de cet effort unificateur de MDS, d’autant 

plus que son existence fut très brève. L’éparpillement contre lequel le MDS se proposait 

de lutter l’emporta très vite au sein de l’émigration tchèque comme en témoigne le 

nombre recensé des partis, des fractions et des associations à visée uniquement ou 

majoritairement politique. 254 Comme l’a noté avec quelques exagérations mais au fond 

très judicieusement Michal Přibáň, au cours des cinq premières années suivant Février 

1948, le « nombre des partis excéda le nombre des émigrés » 255 . 

Les conflits idéologiques mais plus encore les aversions personnelles perdurèrent au 

cours de toute la période 1948-1968 comme en témoigne entre autre l’expérience de 

Václav Černý. Lors d’une série de conférences universitaires à Paris en 1966, celui-ci 

ne manqua pas l’occasion de faire connaissance avec la situation de l’exil tchèque. Or, 

ce qu’il observe au sein de cet exil le rend mal à l’aise : 

252 Cf. Journal, le 22 janvier et le 16 février 1949. 

253 « MDS nebude další politickou stranou, nýbrž kulturně poltickým svazem všech, kdo v exilu cítí 

prvenství společných zájmů. […] Oba dřívější úspěšně odboje dokázaly, že exil musí být především 

společnou zahraniční politikou umlčeného domova a nikoliv zápasištěm dílčích stranických zájmů. […] 

MDS touží zejména chránit exil před tříštěním pod jakoukoliv záminkou. », Svobodný zítřek (Le 

lendemain libre), le 20 février 1949, p. 1. 

254 Le n° 13 du Lendemain libre de décembre 1949 fait le recensement des groupements politiques et 

apporte ces chiffres : 8 partis politiques, 2 autres partis politiques dissimulés sous le label d’ « institutions 

impartiales », 28 unions et organisations n’appartenant pas à un parti, 147 autres organisation et 

associations, 76 journaux et bulletins tchèques et slovaques. Cité d’après P. Tigrid, Marx na Hradčanech, 

op. cit., p. 74n. 

255 Cf. M. Přibáň, « Exil o domově. Poznámky o exilové literární kritice a publicistice v padesátých 

letech. », in : Studia Moravica IV (Ideologie a imaginace), Olomouc, AUPO, 2006, p. 139. 

93


[…] en exil se poursuivait la chamaillerie des partis et l’éclatement de chez-nous, chacun travaillait à 

son compte ou au compte de son ancien groupe politique, vivait dans le passé, et ce n’était pas gai, 

cela signifiait vivre des souvenirs de la défaite, c’est-à-dire des amertumes, des récriminations et des 

accusations des uns et des autres pour une culpabilité commune, aucune idée unificatrice, ni 

programme, aucune personnalité centrale et fédératrice, saillante du point de vue des idées, autour de 

laquelle le rassemblement serait possible. 256 

Dans de telles conditions, même si Čep avait été vraiment tenté par la carrière 

politique, et ce n’était pas le cas, ces pratiques malsaines l’en dégoutèrent aussitôt, 

d’autant plus que lui-même, malgré la distance qu’il prenait avec toute action politique, 

ne fut pas toujours épargné par les brouilleries et les marchandages entre les diverses 

groupements politiques de l’exil 257 . 

Dans ces premières années de l’institutionalisation de l’émigration tchécoslovaque, 

la seule adhésion directe de Čep à un organisme que l’on pourrait qualifier – et ce ne 

serait encore que partiellement – de « politique », serait sa signature de la proclamation 

du MDS. Ainsi, délibérément distancié vis-à-vis de la politique active, Čep continuait à 

réfléchir sur les événements qui faisaient bouger le monde comme en témoignent 

nombre de commentaires de l’actualité dans son journal intime. Concluons à propos des 

épisodes politiques par celui où Čep rapproche les conceptions sociales des différents 

régimes politiques avec les positions exprimées dans la doctrine sociale de l’Eglise : 

Il y a, malgré les apparences mesquines, quelque chose de très réel et de très grave à la base de la 

querelle qui sépare le parti de B. [Bohdan Chudoba 258 ] et les autres. Les autres sont socialistes et 

athées (ou libéraux tout au plus) CH. [Chudoba] est catholique et croyant, et quant au problème social, 

il se réclame de la doctrine contenue dans les Encycliques. Cette doctrine a été déjà interprétée, avec 

des nuances différentes, par le régime Dollfuss, Schuschnigg, Mussolini, Salazar, Franco. Les 

déclarations récentes faites par le général de Gaulle présentent beaucoup d’affinités avec les tendances 

sociales de ces régimes là. Pour les socialistes, tout ça c’est du fascisme. Il faudrait s’entendre sur les 

mots et sur la chose. Les socialistes connaissent-ils vraiment ce qu’ils condamnent avec une telle 

irritation ? Une différence profonde n’existe-t-elle pas par exemple entre le régime de Salazar et celui 

de Mussolini ? Mais aussi « la doctrine sociale de l’Eglise » n’a-t-elle pas un peu évolué au cours de 

ces vingt dernières années ? N’a-t-elle pas fait certaines concessions aux idées et méthodes 

« socialistes » ? Evidemment, le Christianisme ne peut jamais s’accommoder du socialisme pris en 

bloc, présenté comme une conception totale de l’homme et du monde. Dans le socialisme, c’est 

l’homme qui se trouve au centre du monde, mais en même temps, il est sujet aux déterminismes 

matériels, au mouvement « historique » fatal. Son destin est centré sur lui-même, trouve en lui-même 

son accomplissement final. La question Chrétienne (et celle des philosophes anciens) sur l’origine, le 

256 « […] v exilu pokračovalo stranické škorpení a roztříštění domácí, každý táhl a svou pěst či na pěst své 

bývalé politické skupiny, žil v minulosti a to nebylo veselé, znamenalo to žít ze vzpomínek porážky, a 

tedy z hořkostí, rekriminací a obviňování druhých za společnou vinu, jednotící myšlenka žádná ani 

program, žádná centrální a tmelivá, ideově impozantní osobnost, okolo níž by se dálo sjednocení […] » 

Cf. V. Černý, Paměti, op. cit., p. 500-501. 

257 Čep réalisa avec stupéfaction que dans certains cercles de l’exil on le traita – sans doute à cause de son 

implication à la MDS – d’être « vendu à Ripka ». Cf. Journal, le 6 janvier 1949. 

258 Bohdan Chudoba (1909-1982), historien, traducteur, écrivain, journaliste et politicien. Sous 

l’occupation nazie, il participa aux activités de la résistance. Entre 1946-1948 il fut député du Parti 

populaire tchécoslovaque. Il émigra après le putsch de février 1948 et enseigna dans les universités de 

Madrid et de Chicago. 

94


sens et le but de la vie humaine ne se pose pas pour un socialiste athée ; le destin humain n’a pas du 

tout pour lui la même perspective, le même horizon. (L’illusion qu’on puisse escamoter la souffrance, 

la mort !) 259 

Ainsi constante-t-on qeu dans son exil Jan Čep s’est rapproché plus encore de ce type 

d’intellectuel évoqué par Václav Černý. Comme l’a fait observer Vladimír Peška, l’exil 

a transformé, « érigé Čep en conscience et témoin de la réalité spirituelle et, en général, 

des valeurs culturelles universelles inaliénables, mortellement menacées » 260 . 

III.2.2. Participation à la vie culturelle et littéraire de l’exil tchèque 261 

La lecture des pages qui vont suivre sera pour le lecteur plutôt fastidieuse et son 

attente peut-être déçue. Il est de l’évidence que l’apport de Jan Čep à la vie culturelle 

d’exil tenait en premier lieu dans ses écrits, littéraires ou d’idée. Force est de constater 

que Čep n’aspirait pas à devenir un animateur de la vie culturelle de l’exil tchèque. 

Dans les structures de l’exil tchèque il ne déploiera pas une initiative personnelle telle 

que celle dont nous étions témoins dans le cas du Comité des études culturelles franco- 

tchécoslovaques. Il fut un écrivain soucieux de la tranquillité et du recueillement 

nécessaires à sa création et laissant à d’autres le soin de s’occuper du reste. Plutôt que 

d’énumérer les activités de Jan Čep censées contribuer à l’animation de la vie littéraire 

et culturelle de l’exil, nous allons procéder à un recensement plus ou moins mécanique 

des structures culturelles (revues, maisons d’édition, institutions) avec lesquelles il a 

collaboré en tant qu’écrivain. Encore leur liste ne saura-t-elle pas être exhaustive ; ce 

serait tout aussi impossible qu’inutile. Pour rendre compte de la totalité par exemple des 

contributions de Čep dans les périodiques d’exil, il faudrait dépouiller la quantité 

immense et souvent inaccessible des périodiques parus au cours de la vie de Čep dans 

tous les endroits du monde où la diaspora tchèque s’enracina. Inutile aussi parce que les 

articles qu’il fournissait aux revues et magazines divers ne furent pour la plupart que des 

versions légèrement remaniées de ses émissions radiophoniques et leur recensement 

259 Journal, le 9 janvier 1949. 



261 Pour ce chapitre, nous puisons avec utilité – hormis les dépouilles personnelles – des abrégés suivants : 

J. Gruntorád (éd.), Katalog knih českého exilu. 1948-1994, Praha, Primus 1995 ; A. Zach, Kniha a český 

exil 1949-1990, Praha, Torst, 1995 ; Fr. Knopp, Česká literatura v exilu 1948-1989, Praha, Makropulos, 

1996 ; J. Gruntorád, L. Formanová, M. Přibáň (eds.), Exilová periodika. Katalog periodik českého 

a slovenského exilu a krajanských tisků vydávaných po roce 1945, Praha, Libri prohibiti, 2000. 

95


complet ne nous apporterait donc aucune information particulièrement nouvelle. 

Commençons néanmoins par eux. 

III.2.2.1. Périodiques et anthologies 

Du point de vue de la vie littéraire, Milan Burda étiqueta les premières années de 

l’émigration (c’est-à-dire de 1948 à 1952) comme la « période des journaux ». En effet, 

dans des conditions matérielles très limitées, le seul dispositif envisageable était les 

journaux dont la fabrication, d’abord ronéotypée, puis imprimée, fut la moins onéreuse. 

Comme nous l’avons déjà souligné, toute action des exilés visait d’abord le domaine 

politique. Il en fut ainsi en ce qui concerne les périodiques qui aspiraitent surtout à 

suivre et à commenter l’évolution de la situation politique en Tchécoslovaquie après le 

putsch. Selon nos informations Čep s’engagea au moins dans deux journaux de ce type : 

Tchécoslovaquie libre et Svobodná země (Le pays libre). 

Le premier était un bulletin d’information conçu en français et distribué gratuitement 

à Paris. Le rôle de Jan Čep dans ce bulletin fut avant tout « représentatif », c’est-à-dire, 

qu’il lui a fourni l’autorité et la crédibilité de son nom. C’est ainsi que sur la première 

page du bulletin sautent aux yeux en majuscules grasses les noms de deux représentants 

éminents de l’exil Jan Čep et František Kovárna 262 . Une notation du journal de Čep 

renvoie au bulletin en question, même si le nom n’est pas cité, et résume bien le rôle et 

le rapport de Čep vis-à-vis de ce journal dont la vie n’excéda d’ailleurs pas la durée de 

quelques mois : « Prêté mon nom, à côté de celui de F. Kovárna, à un bulletin en 

français (en mauvais français) où j’avais écrit un article qui ne me satisfait pas et qui 

grouille de fautes d’imprimerie. » 263 Selon nos dépouillements, Čep contribua à 

Tchécoslovaquie libre en y publiant deux articles 264 . Le premier titré « L’Horreur 

grise » poursuit la ligne des « Réflexions des émigrés », le second intitulé « La 

Philosophie du Vatican – Agresseur » prend pour cible la propagande journalistique 

mensongère, laquelle utilisait souvent des arguments aussi dérisoires qu’incroyables. 

262 F. Kovárna (1905-1952), historien et critique d’art, avant le Coup de Prague professeur à l’Université 

Charles de Prague. Après son émigration et jusqu’à sa mort prématurée, il fut un animateur très actif de la 

vie politique et culturelle de l’exil tchécoslovaque. 


264 « L’Horreur grise », Tchécoslovaquie libre, [n° 1 ?], 15 février 1948, Annexes, p. I-III ; 

« La Philosophie du Vatican – Agresseur », Tchécoslovaquie libre, n° 4, [mai 1949], p. 5. 

96


Čep se moque de la critique officielle de Prague qui tentait de faire croire à un large 

public que par exemple un Jacques Maritain, philosophe français du néothomisme, 

n’était qu’un laquais du Vatican et de ses « conceptions sociales et politiques 

ultraréactionnaires » : 

Qu’on puisse maintenant débiter sur son compte des mensonges aussi flagrants […] dans le journal 

représentatif des intellectuels tchèques et que les lecteurs de J. Maritain, catholiques et non 

catholiques, se trouvent dans l’impossibilité absolue de protester, n’ayant aucune tribune, d’où ils 

puissent faire entendre une opinion libre et équitable, c’est un fait dont l’éloquence nous semble 

écrasante. Si on lit en même temps, et presque tous les jours dans les colonnes de Lidová demokracie, 

ancien organe du parti populaire, des articles tendant à persuader les lecteurs que seul le régime 

communiste réalise le vrai christianisme, on se demande avec stupéfaction pour qui ces nouveaux 

dicteurs de la loi prennent-ils leurs disciples et s’ils pensent sincèrement faire accroire aux chrétiens 

tchèques que la vraie base doctrinale de la pratique chrétienne, c’est l’athéisme agressif de Marx et de 

Lénine auprès desquels St. Thomas d’Aquin et son interprète moderne J. Maritain font figure 

d’imposteurs et d’idiots. 265 

Svobodná země fut un bulletin politique édité à Paris entre 1951 et 1953 et destiné à 

être distribué dans la Tchécoslovaquie assujettie. Pour cette raison n’y figuraient ni le 

nom des rédacteurs ni celui des auteurs d’articles, tout devant rester anonyme. On sait 

néanmoins que la revue fut rédigée par le Groupe des Tchécoslovaques 

démocrates (Skupina demokratických Čechoslováků) se réclamant des traditions libres, 

comme le confirme la citation de Jan Masaryk, mise en exergue de chaque numéro : 

« La nation de Saint Venceslas, de Jan Hus et de Thomas Masaryk ne sera pas une 

nation d’esclaves ». Selon l’information de Jiří Pistorius 266 Čep aurait fait parti de la 

rédaction, à côté de Pistorius lui-même et de l’historien et journaliste Theodor 

Procházka. Il est possible que Čep ait parrainé, d’une manière ou d’une autre, la 

création de la revue dont le premier numéro vit le jour en mai 1952, mais il est probable 

que depuis son départ à Munich en septembre 1951, sa collaboration s’arrêta ou au 

moins s’amoindrit. Outre sa prétendue part à la rédaction de la revue, nous sommes 

persuadés que certains articles anonymes proviennent de la plume de Čep. Ce serait par 

exemple le cas de l’article « Moderní Neronové » (Les Néro modernes) qui, en dehors 

de nombreuses marques de l’écriture čepienne, trahit une forte ressemblance thématique 

avec les articles que Čep avait écrit à cette époque-là dans les périodiques français au 

sujet de l’Eglise catholique en Tchécoslovaquie. 

Nous avons déjà mentionné Svobodný zítřek (le Lendemain libre) en rapport avec la 

proclamation du MDS. Ce « Journal des Tchécoslovaques démocratiques en exil », ainsi 

265 « La Philosophie du Vatican – Agresseur », Tchécoslovaqui libre, n° 4, [mai 1949], p. 5. 

266 Cf. J. Gruntorád, L. Formanová, M. Přibáň (eds.), Exilová periodika. Katalog periodik českého 

a slovenského exilu a krajanských tisků vydávaných po roce 1945, op. cit., p. 75. 

97


qu’il était sous-titré, fut dirigé par Luděk Stránský à Paris entre 1948 et 1950. C’était 

probablement le premier journal imprimé en exil après le putch de février 1948. Plus 

important encore, il offrait pour la première fois un certain espace (la dernière page) à la 

production littéraire d’exil. C’est dans les numéros 2 et 3 que paraît en feuilleton la 

traduction du récit français de Čep, Les Tziganes. 

Pendant sa vie en exil, Čep contribua à de nombreux périodiques, mais ainsi que 

nous l’avons déjà dit, il s’agissait le plus souvent de ses méditations radiophoniques 

remaniées pour la lecture. Enumérons simplement quelques autres journaux et revues 

d’une importance certaine où on peut trouver des écrits de Čep : Skutečnost (Réalité, 

Genève), Revue (Brisbane) České slovo (la Parole thèque, Munich), Hlas 

Československa (Voix de la Tchécoslovaquie, Washington), une revue uniquement 

littéraire Sklizeň (la Récolte, Munich), Zapisník, Perspektivy et Proměny (Carnet, les 

Perspectives, les Métamorphoses, toutes les trois publiées New-York). Enfin, puisque la 

collaboration de Čep avec elles fut d’une nature beaucoup plus intense traitons plus en 

détails des deux revues suivantes : Nový život (Nouvelle vie) et Svědectví (le 

Témoignage). 

Fondée en 1949 à Londres par une ligue de saint Cyril et Méthode (Cyrilometodějská 

liga), et domiciliée depuis 1951 à Rome sous l’égide de l’Académie chrétienne, la 

Nouvelle vie fut un journal avec lequel Čep collabora régulièrement tout au long de son 

exil. Quoiqu’il s’agît principalement d’un journal religieux et théologique la Nouvelle 

vie consacra cependant une place considérable aux informations culturelles et à 

l’expression littéraire. Malgré son encadrement institutionnel religieux, voire 

confessionnel, on aurait tort d’imaginer une revue étroitement bornée par des 

présupposés idéologiques. Au contraire, on pourrait dire que la Nouvelle vie fut une 

vraie revue culturelle pluridisciplinaire où les études et les réflexions théologiques et 

philosophiques jouxtaient de courts récits littéraires et où les documents de l’Eglise (par 

exemple les encycliques du Concile Vatican II) côtoyaient des reportages politiques ou 

des critiques d’art. Par une affinité tout à fait naturelle, Čep y trouva la tribune la mieux 

appropriée à sa voix et devint un des contributeurs stables. C’est là que Čep publia le 

plus grand nombre de ses articles, des méditations intimes ou des discours de 

circonstance (par exemple à l’occasion de l’intronisation de l’archevêque Beran au rang 

de cardinal), de petites traductions et des récits ou même des fragments de son journal 

intime. 

98


La revue Svědectví (Témoignage) est sans nul doute la plus connue de tous les 

périodiques de l’exil tchèque. Fondée par Pavel Tigrid en 1956 à New York et établie 

depuis 1960 à Paris au 30 rue Croix-des-Petits-Champs 267 dans le 1 er arrondissement, la 

revue se constituait en tant que réaction sur l’évolution politique dans le bloc 

communiste et sa réflexion par l’exil. D’un côté il était déjà clair qu’il ne fallait plus 

attendre de reversement des régimes communistes depuis l’extérieur par des forces 

alliées étrangères. D’un autre côté, le soulèvement de Budapest a montré que même au 

sein de la société vivant sous les dictatures communistes, il existait un courant 

anticommuniste, une sorte de résistance dissidente. A ce moment-là naquit Témoignage 

fondée justement dans le but de renouer le dialogue avec les gens en Tchécoslovaquie. 

La nouveauté radicale de la revue consistait non seulement dans le fait qu’elle fut 

ouverte à tous les courants de l’émigration tchécoslovaque, mais que s’y débondaient 

aussi des communistes « réformés » (les révisionnistes), ceux qui n’étaient pas satisfaits 

de la ligne officielle de la politique tchécoslovaque et souhaitaient le changement. Ce 

courant qui s’efforçait d’entrer en contact avec les gens de là-bas et même avec les 

représentants des communistes fut appelé le gradualisme, ce qui voulait dire que la 

société totalitaire pouvait changer petit à petit, pas à pas, graduellement, de l’intérieur 

plutôt que d’être renversée de l’extérieur. Le débat, incité par les événements de 1956 à 

Budapest, qui s’articulait justement autour de la question, « faut-il amorcer ou non le 

dialogue avec les représentants de la société en Tchécoslovaquie ? » animait vivement 

la vie des émigrés tchécoslovaques. Jan Čep s’engagea lui aussi dans ce débat par un 

essai important publié en 1957 sous le titre « Les conditions du dialogue » dans le 

recueil culturel Rok. Il y met notamment en exergue le fait que la société moderne et 

civilisée est basée sur la pluralité des idées et des opinions, des conceptions sur la vie 

humaine. Là où l’échange libre et pluraliste des idées et des conceptions, fussent-elles 

les plus opposées, n’est pas permis, on assiste aux dictatures et aux tyrannies. 

L’unité organique et véritable de la communauté nationale, dit Čep, ne se crée pas du haut par une 

idéologie d’Etat unifiée, surveillée par des organes policiers. La vraie communauté nationale peut 

s’établir et exister seulement là où le dialogue libre est possible, porté au moins par une bonne volonté 

minimale de comprendre le point de vue d’autrui, d’entendre ce qu’il veut dire et pourquoi il pense et 

dit ce qu’il dit et ce qu’il pense. 268 

267 En 2007, l’ambassade de la République tchèque a fait inaugurer sur le bâtiment la plaque 

commémorative à Pavel Tigrid et à sa revue Témoignage. 

268 « Skutečná a organická jednota národního společenství se netvoří shora, jednotnou státní ideologií, 

hlídanou policejními orgány. Skutečné národní společenství může vzniknout a existovat jenom tam, kde 

je možný svobodný dialog, nesený aspoň minimální dobrou vůlí pochopit stanovisko druhého, porozumět, 

99


L’idée du gradualisme de même que ses tenants et sa plateforme Témoignage furent 

à l’origine réfutés par la majorité « intransigeante » de l’exil politique et culturel 

tchèque en tant que concession impardonnable avec le mal communiste. Assez vite, 

grâce à l’impact grandissant de la revue et le travail persévérant de Tigrid et de ses 

fidèles, l’idée gradualiste s’imposa tandis que et ses tenants devenaient le groupe le plus 

important et le plus influant au sein de l’émigration, de même que Témoignage finit par 

devenir une revue très appréciée, sollicitée par des lecteurs en Tchécoslovaquie aussi 

bien qu’en exil. 

Jan Čep, qui fut l’ami proche de Tigrid depuis leur collaboration à Radio Free 

Europe à Munich, fut un contributeur assez habile et, au moins dans les premières 

années, plus au moins régulier. Pour les numéros 13-20 et 27-47 il figurait même dans 

le conseil éditorial. Il contribuait à la revue par des essais fondamentaux aux sujets 

philosophiques (par exemple sur le problème des élites intellectuelles) et par des écrits 

commémoratifs (souvenirs de ses rencontres avec Claudel ou Bernanos, souvenirs de 

ses amis tchèques, nécrologies). Dès le 3 e numéro, il a également entamé une chronique 

littéraire visant à informer le lecteur sur l’actualité littéraire en France ; cependant il ne 

poursuivit pas cette entreprise dan les numéros ultérieurs. 

Concluons la partie consacrée aux périodiques en rappelant que Čep figura 

également aux sommaires de nombreux recueils, anthologies et almanachs, qu’ils furent 

destinés aux compatriotes en exil ou délivrés illégalement derrière le rideau de fer 269 . 

III.2.2.2. Maisons d’édition 

Après les périodiques parcourons rapidement les maisons d’édition qui publiaient en 

exil les livres de Čep. Tour à tour, nous allons mentionner quatre entreprises d’édition : 

les Editions Sokolova, l’Armoirie de pierre, Rencontre et l’Académie chrétienne. 

La première maison d’édition vit le jour à l’automne 1952 à Genève et porte le nom 

de sa fondatrice Meda Sokolová qui était historienne de l’art. Bientôt domiciliées à Paris 

co chce říci, a proč myslí a říká to, co říká a co si myslí. », « Podmínky rozhovoru », in : Rok :Kulturní 

sborník, New York, Moravian Librery, 1957, p. 8-9. 

269 Citons que les contributions de Čep se trouvent entre autres dans : Matka (Paris 1954), Vánoční tisk 

Svobodné Evropy (Munchen 1955), Novoročný almanach Svobodné Evropy (Munchen 1956), Praha 

(Řím 1956), Peníz exulantův (Mnichov 1956), Rok : Kulturní sborník (New-York 1957), Padesát let 

Egona Hostovského (New-York 1958). 

100


les Editions Sokolova publièrent en tout six titres pendant leurs quatre années 

d’existence. Ce fut peut-être la toute première maison d’édition qui se donna pour 

mission de continuer la tradition de la création littéraire libre. Le n° 14 de Svobodná 

země (Pays libre) d’octobre 1952 annonce les deux premiers volumes à paraître : les 

« Discours destinés à la patrie » de Ferdinand Peroutka et « Trois nouvelles » de Jan 

Čep. Tandis que Peroutka trouva la grâce auprès de l’éditrice de sorte qu’on lui a même 

publié deux ouvrages, le manuscrit de Čep fut finalement refusé à cause, sans doute, 

d’un certain clivage idéologique. Expliquons-nous davantage. Meda Sokolová et le 

cercle de ses « conseillers » étaient bien plus proches du libéralisme et du pragmatisme 

d’un Peroutka que de la vision spirituelle de Čep. Toute cette histoire désagréable pour 

Čep se reflète dans l’échange épistolaire avec Vladimír Peška. C’est lui qui avait été 

chargé par Čep, résidant alors à Munich, de veiller sur la préparation de son livre dans 

l’édition parisienne. En décembre 1952 Peška écrit à Čep qu’ « autour de son livre règne 

une certaine indécision » 270 . Čep rétorque de Munich, visiblement irrité, qu’il 

« préférerai[t] qu’elles [les éditrices] le lâcheraient » qu’elles « ont assez des autres » 271 . 

Ce qui ne tardera pas à s’accomplir. C’est en mars de l’année suivante que Peška, cette 

fois c’est lui qui est au comble de l’exaspération, décrit à Čep comment il s’est laissé 

échauffer en récupérant les manuscrits déclinés et éclaire les raisons du refus : 

Je voudrais connaître ces « conseillers littéraires » de mademoiselle l’éditrice ! […] Des allusions, j’ai 

compris […] que vous leur sembliez un peu plus « désespéré » qu’il leur convenait, et peut-être qu’ils 

n’appréciaient pas votre « écriture », mais sûrement votre « conception du monde » (pardonnez le 

monstre). Alors, sit venia verbo, les imbéciles, ou bien pour être plus décent, les aveugles ou les 

malhonnêtes. 272 

Certes, le manuscrit ne resta pas longtemps en suspend. Il fut repris et publié en 

automne de la même année sous le titre Les Tziganes par la section culturelle du Comité 

des réfugiés politiques tchécoslovaques en Allemagne. L’animateur de cette maison 

d’édition, laquelle adoptera bientôt le nom de l’Armoirie de pierre selon le recueil des 

poésies de Zdeněk Rotrekl, poète emprisonné en Tchécoslovaquie, était un jeune 

critique littéraire, Antonín Kratochvil. Ce fut le même Kratochvil qui eut l’idée d’éditer 

270 V. Peška à J. Čep, le 9 décembre 1952. 

271 J. Čep à V. Peška, le 12 décembre 1952. 

272 « Chtěl bych znát ty „literární porádce“ slečny nakladatelky! […] Z náznaků […] jsem vyrozuměl, že 

jste se jim zdál trochu víc „désespéré“ než jim bylo vhod, and se jim možná nelíbilo Vaše „écriture“, jistě 

ovšem Váš „světový názor“ (odpusťte tu obludu!) Tož, sit venia verbo, blbci, nebo abych byl slušnější, 

slepci nebo nepoctivci. », V. Peška à J. Čep, le 23 mars 1953. 

101


une anthologie de la prose d’exil tchèque qui verra le jour en 1956 sous le titre Peníz 

exulantův (Le Denier de l’exilé). 

Une autre maison d’édition à avoir appelé Čep à la contribution, ne serait-ce qu’une 

seule fois, fut les éditions Rencontre fondées en 1950 à Paris. Le nom des éditions fut 

repris à l’ancienne revue franco-tchécoslovaque créée dans les années 1930 par les 

étudiants tchécoslovaques du lycée Carnot de Dijon. Leur animateur, Jaroslav Trnka, fut 

d’ailleurs élève dans cet établissement. En dehors des publications livresques, J. Trnka 

dirigeait également la revue du même nom conçue en français ou en version bilingue et 

dont les numéros monothématiques tendaient à mettre en valeur les relations culturelles 

entre les deux pays. Les différents numéros furent consacrés entre autres au peintre 

František Brožík, au comédien Jára Kouhout (pseudonyme français Lecoque), au 

politicien Štefan Osuský ou à Paul Claudel. Ce fut précisément ce numéro intitulé 

Hommage de la Bohême à Paul Claudel, que Čep se vit invité à contribuer. Il écrivit 

alors le texte-souvenir intitulé « Rencontre » où il fait part de sa visite chez Paul Claudel 

un an avant le décès du poète français. Dans une lettre d’accompagnement, Čep 

explique à Trnka la genèse du texte : 

[…] ce ne fut pas alors une vraie interview, mais une rencontre personnelle… Claudel ne voulait pas 

que notre entretien soit enregistré sur une sténotype, même pas qu’il soit obligé de répondre aux 

questions que j’avais préparées par avance sur un papier. – Il voulait une conversation tout à fait libre. 

Ainsi, je ne pouvais pas rédiger accessoirement mon texte sous forme d’interview. Je me remémorais 

de quoi nous avons parlé, pas toujours exactement, dans quels termes. Mais je suis sûr que je n’ai 

aucunement déformé ni faussé l’entretien. 273 

La dernière maison d’édition dont nous allons dire un mot fut l’Académie chrétienne 

de Rome. Nous l’avons déjà évoqué en présentant la revue la Nouvelle vie. Hormis la 

formation des séminaristes et prêtres tchèques et l’édition de la revue, elle apporta un 

nouveau souffle dans la culture de l’exil. Elle a initié l’organisation des concours 

littéraires et musicaux annuels pour repérer les talents d’exil et pour faciliter leur 

développement. Ces concours, organisés en collaboration avec la revue hambourgeoise 

Sklizeň (Récolte), se tinrent régulièrement à partir de 1953 jusqu’à la fin des années 

273 « […] nebyl to tenkrát skutečný interview, nýbrž osobní setkání… Claudel nechtěl, aby byl náš hovor 

zaznamenáván na těsnopisném psacím stroji, ba ani, aby on musil odpovídat na otázky, které jsem měl 

předem napsány na papíře. – Chtěl, aby to byl hovor docela volný. Nemohl jsem potom ovšem redigovat 

svůj text dodatečně jako interview. Vzpomínal jsem si, o čem jsme spolu mluvili, ne vždy přesně, 

v jakých termínech. Jsem si však jist, že jsem ten hovor nijak nezdeformoval ani nezfalšoval. » J. Čep 

à J. Trnka, le 2 mai 1965. Le texte original qui restituait la visite justement sous la forme d’une interview 

fut diffusé à Radio Free Europe en automne 1954. Nous avons publié l’ensemble des textes de Čep sur 

Claudel ainsi que deux lettres personnelles de Čep à Claudel dans la revue Česká literatura, n° 5, 2006, 

p. 53-79. 

102


1960. Les organisateurs du concours sollicitèrent à plusieurs reprises l’appui de Čep. 

Ainsi, on sait par exemple qu’en 1955 Čep présida le jury de la section littéraire et 

qu’en 1959 il entra même activement en compétition car d’après les résultats, ses deux 

livres de cette année-là y furent primés (Soliloques et dialogues et Petits Discours à 

l’occasion des fêtes). Cependant l’activité principale de l’Académie chrétienne 

consistait en l’édition et la publication de livres. Sa longue existence d’exil qui perdura 

tout au long du régime communiste lui valut de devenir l’une des maisons d’édition les 

plus riches tant en nombre des volumes publiés qu’en qualité de la production. Au fil 

des années l’Académie développa plusieurs collections spécialisées comme « Edition 

religieuse », « Concile Vatican II », « Edition de la catéchèse », « le Rocher » publiant 

des encycliques et les discours papaux. Celles-ci assez tardives (fondées dans la seconde 

moitié de 1960) n’avaient plus rien à voir avec Jan Čep. Ce sont en revanche les deux 

premières éditions nommées « Studium » (Etudes) et « Vigilie » (Vigile) qui publiaient 

depuis 1953 tous les livres de Čep. « Studium », amorcé depuis 1951, se vouaient, à 

l’instar de l’édition du même nom de l’Entre-deux-guerres réalisée par Josef Florian, 

surtout aux essais philosophiques et religieux. C’est là qu’en 1953 paraît le premier 

recueil des émissions radiophoniques de Čep sous le titre O lidský svět (Pour un monde 

humain). L’édition « Vigilie » naquit en 1953 pour compléter l’activité éditrice de 

l’Académie chrétienne en matière de la littérature. En dehors des livres des écrivains en 

exil (souvent ceux qui étaient primés dans les Concours) elle choisissait également les 

livres d’auteurs persécutés dont les ouvrages étaient mis à l’index en Tchécoslovaquie. 

A une exception de fait – les Soliloques et dialogues qui furent publiés par Sklizeň 

svobodné tvorby (Récolte de la création libre) en Suède – toute la production de Čep 

depuis l’esquisse des Journées de mai à travers sa traduction des Saintes images de 

Bohême de Claudel jusqu’à la parution posthume de Ma Sœur l’angoisse, fut publiée à 

« Vigilie » par l’Académie chrétienne 274 . 

274 La liste des publications de Jan Čep chez l’Académie chrétienne est la suivante : O lidský svět (Pour un 

monde humain, 1953), Květnové dni. Skizza (les Journées de mai. Esquisse, 1954), Svaté obrázky české 

(Saintes images de la Bohême, 1958), Malé řeči sváteční (Petits Discours à l’occasion des fêtes, 1959), 

Poutník na zemi (Un Pèlerin sur la terre, 1965), Sestra úzkost (Ma Sœur l’angoisse, 1975). 

103


III.2.2.3. Autres activités 

Avant d’aborder le passage le plus important qui sera consacré à l’emploi de Čep à 

Radio Free Europe, il faut encore mentionner la présence de Čep dans les différentes 

organisations et institutions de l’exil tchécoslovaque. En général sa présence dans ces 

organismes était purement formelle comme par exemple dans le Conseil culturel 

tchèque à l’étranger (Česká kulturní rada v zahraničí) dans les années 1950 ou, plus 

tard, dans la Société tchécoslovaque des sciences et des arts (Československá společnost 

pro vědy a umění) dont le siège se situait en Amérique. Enigmatiques restent l’impact et 

l’implication de Čep dans les activités du PEN Club international des écrivains en exil 

dont il présidait dans les années 1960 la filiale parisienne. 

III.2.3. Jan Čep à Radio Free Europe 

Le 18 septembre 1951 Jan Čep écrit à son ami Henri Pourrat pour la première fois 

d’Allemagne : 

Mon séjour et mes conditions de travail à Paris étant devenus intenables j’ai accepté la proposition 

d’aller travailler aux émissions en langue tchèque de la Radio Free Europe (Europe libre) à Munich. 275 

Quelques mois plus tard il s’épanche dans le même sens à un autre Henri, cette fois- 

ci à Henri Queffélec : 

N’ayant plus de quoi subsister j’ai accepté à contrecœur l’invitation de la Radio Europe libre [sic] et je 

suis parti pour Munich pour travailler aux émissions en langue tchèque destinées à ceux qui souffrent 

sous la terreur communiste. 276 

Cette grande nouvelle si importante, à savoir qu’il a quitté la France aimée, sa 

« seconde patrie », est donnée à ses amis comme à demi-mots, sous cette forme 

laconique, comme si Čep ne voulait pas en parler. Il ajouta d’ailleurs à Pourrat qu’il 

partait de Paris le « cœur lourd » même s’il avoua que les trois ans qu’il y avait passées 

ressemblaient à un « fiasco ». Il lui confia également qu’il tâcherait de garder les papiers 

français et il exprima l’espoir de pouvoir revenir en France, ne serait-ce qu’à la frontière 

à Strasbourg, où Radio Free Europe inaugurait une université pour des émigrés. 

275 J. Čep à H. Queffélec, le 18 septembre 1951. 

276 J. Čep à H. Queffélec, le 6 janvier 1952. 

104


Pourquoi cette appréhension de Radio Free Europe ? Fut-elle justifiée ou bien s’agissait- 

il plutôt de la répugnance d’un homme d’un certain âge à changer pour la deuxième fois 

dans un petit laps de temps de pays, de vie ? Que l’attendait-il en réalité à Munich ? 

Avant de nous aventurer dans des réponses à de telles questions et avant de rendre 

compte en quoi consistait précisément ce travail qu’il a accepté « à contrecœur », 

remontons un peu aux origines de cette station radiophonique devenue légendaire. 

C’est en 1949 que se constitua à New York Le Comité pour l’Europe libre (Výbor 

pro Svobodnou Evropu) avec pour but d’acquérir des ressources financières et de 

former une équipe d’experts afin de fonder une station radiophonique dont la mission 

serait de s’adresser aux peuples dominés par les régimes communistes. Un an plus tard 

Radio Free Europe fut fondée par le Congrès des Etats-Unis. Son objectif primaire était 

de détruire le monopole d’informations qui régnait derrière le rideau de fer par une 

percée de nouvelles objectives, non détournées par la propagande idéologique et de 

promouvoir des valeurs démocratiques 277 . Ce fut précisément cette tâche de 

contrebalancer le régime dans le domaine de l’information, de devenir une brèche de la 

vérité dans le mur bâti des mensonges qui fut soulignée dans le discours inaugural tenu 

par le directeur tchèque de Radio Free Europe, Ferdinand Peroutka : 

Car un tel régime se fonde et se maintient par le fait que seul le gouvernement peut parler et personne 

ne peut répondre, que chacun peut être accusé mais personne ne peut se défendre. Cependant dès que 

[…] ne serait-ce qu’un fragment de la liberté pénètre dans ce système rigide et artificiel, dès que de 

nouveau il est possible de mettre l’argument contre l’argument, dès que l’on ne peut agir sans critique, 

dès qu’il y a une place quelque part d’où il est possible de réfuter les contre-vérités, alors c’est tout ce 

système orgueilleux qui tremble. 278 

Bien que l’émission d’essai se réalisait depuis juin 1950, la date qui s’inscrivit dans 

l’histoire de Radio Free Europe fut le 1 er mai 1951 où les deux stations tchécoslovaques, 

celle de New York et celle de Munich furent unifiées. Ce jour là depuis la station 

munichoise se fera entendre en Tchécoslovaquie pour la première fois l’annonce 

caractéristique : « Appelle la voix de la Tchécoslovaquie libre, la station Europe 

277 Comme le fait observer Milan Burda pour la première moitié des années 1950 « l’emprise de la 

machine d’Etat sur l’ensemble des masmédia tchécoslovaques était telle que les gens ne savaient même 

pas ce qui se passait réellement à l’intérieur de leur propre pays […] », M. Burda, La Littérature de 

l’émigration tchèque de 1948 à 1968, op. cit., p. 60. 

278 Cf. « Neboť takový systém zakládá se na tom a udržuje se tím, že jen vláda smí mluvit a nikdo nesmí 

odpovídat, že každý může být obžalován, ale nikdo se nesmí hájit. Avšak jakmile […] vnikne do tohoto 

tuhého a umělého systému třeba jen zlomek svobody, jakmile zase je možno stavět argument proti 

argumentu, jakmile už nelze jednat bez kritiky, jakmile někde je místo, odkud je možno vyvracet 

nepravdy, pak celý tento pyšný systém se chvěje. », Svobodná země, n° 3, septembre 1951, p. 12-13. 

105


libre ! » A partir de là, la station de Munich émit de façon quasiment ininterrompue 

(environ 20 heures par jours) proposant la palette la plus riche possible de programmes. 

La puissance de Radio Free Europe tenait surtout dans le fait que les deux directeurs, 

Ferdinand Peroutka à New-York et Pavel Tigrid à Munich – tous deux journalistes de 

premier ordre et personnalités éminentes de l’exil – savaient attirer dans les rangs des 

collaborateurs une vraie élite de l’émigration d’après 1948. Ainsi, au moins en ses 

débuts, les meilleurs intellectuels en exil se donnaient rendez-vous à Radio Free Europe. 

On peut citer au hasard des écrivains Jan Čep, Egon Hostovský, Zdeněk Němeček, Jiří 

Kovtun ; outre les journalistes-directeurs déjà cités d’autres hommes de plumes et 

commentateurs comme Julius Firt (ancien directeur des maisons d’éditions Borový et 

Melantrich), Jaroslav Pecháček, Ivan Herben, Leo Gruber, Josef Pejskar, le dramaturge 

Josef Kodíček ; on aperçoit des politiciens Michal Múdry, Jozef Lehota ; des religieux 

catholiques Alexandr Heidler, Karel Fořt collaborent avec le protestant Přemysl Pitter ; 

ne manquent pas les critiques littéraires et les futurs universitaires Petr Demetz, 

Vladimír Peška ou les compositeurs Josef Stelibský et Václav Nelhýbl et beaucoup 

d’autres. 

Pour le fonctionnement de la station munichoise la personnalité de son premier 

directeur Pavel Tigrid fut fondamentale. Bénéficiant de récentes expériences à la BBC 

de Londres où il travailla pendant la Seconde Guerre mondiale, Tigrid fut « agent 

mobile, force motrice […] de Radio Free Europe et c’est lui qui, d’une manière ou 

d’une autre, donna à la diffusion la forme et la construction élémentaires, le schéma 

radiophonique fixe » 279 . Le spectre des émissions ne se limitait pas aux informations et 

commentaires politiques, le programme fut beaucoup plus complexe et varié. Il y avait 

plusieurs types d’émissions culturelles où passaient des informations sur les nouveaux 

livres du monde libre (Livre de la semaine), des lectures de ces livres ainsi que de ceux 

inaccessibles ou interdits en Tchécoslovaquie (Lecture à haute voix, Lecture du 

dimanche, Lecture des livres interdits). Dans les premières années on allait même 

jusqu’à jouer une Pièce de la semaine qui cependant échouera en raison des problèmes 

avec le maintient des ayant-droits. Il y avait encore des émissions religieuses (diffusion 

des messes du dimanche, méditations), didactiques et pédagogiques qui voulaient 

proposer aux auditeurs une formation autre que celle dispensée par une doctrine 

279 F. Smrček, « 30 let čs. vysílání Svobodné Evropy » (30 ans de l’émission tchécoslovaque de L’Europe 

libre), České slovo, le 27 mai 1981, p. 5. 

106


marxiste-leniniste. Enfin d’autres émissions étaient destinées à un public spécifique, 

entre autres pour des femmes, pour des jeunes, des émissions musicales ou sportives. En 

dehors des activités purement liées à la marche de la radio, Radio Free Europe 

organisait également plusieurs actions extérieures, notamment les fameux « ballons de 

la liberté » qui étaient censés apporter des tracts de « contre propagande » sur l’étendue 

de la Tchécoslovaquie. 

Ceci dit, il n’est pas surprenant que Radio Free Europe soit devenue très vite la 

« bête noire » du régime communiste à Prague, si bien qu’il déployait toutes sortes 

d’efforts pour empêcher ou au moins diminuer l’impact de la station sur la population. 

Ainsi dès ses premières émissions Radio Free Europe dut faire face au brouillage 

constant et désagréable de sa diffusion. La propagande communiste ne se lassait pas 

d’attaquer à chaque occasion la station munichoise de la « diversion idéologique », de 

calomnier et d’intimider ses collaborateurs, de les traiter d’ « assassins de l’éther », de 

« chiens aboyants », de « traîtres de Munich » d’ « espions et provocateurs de 

l’impérialisme américain » et de beaucoup d’autres désignations outrageuses et 

injurieuses. Le gouvernement pragois tenta à plusieurs reprises et y réussissait parfois 

d’accouver ses propres agents au sein de la station ce qui n’était pas toujours sans 

danger comme en témoigne l’attentat à la bombe de février 1981 280 . 

Le décor tracé, le contexte général expliqué, nous pouvons enfin préciser la relation – 

et l’ampleur de cette relation – de Jan Čep à Radio Free Europe. 

Jan Čep resta dans les services de Radio Free Europe depuis ses origines jusqu’à sa 

maladie qui l’a rendu invalide dans la deuxième moitié des années 1960. Durant cette 

période, qui représente en totalité une quinzaine d’années, il a d’abord passé quatre ans 

à Munich pour être ensuite, à partir d’avril 1955, grâce à son mariage avec Primerose 

Du Bos, muté pour Paris où il a continué sa collaboration. Le rapport de Čep vis-à-vis 

de son emploi à Radio Free Europe subit une évolution marquante. Si à l’origine le 

travail pour la radio parut à Čep « intéressant et même joyeux » 281 et s’il en ressentit une 

certaine satisfaction puisqu’il avait « à faire des choses pour lesquelles [il se] sen[tait] 

280 Ce fut l’agent de la police secrète tchécoslovaque Pavel Minařík qui s’était infiltré au sein de RFE au 

tournant des années 1960 et 1970 et qui avait préparé un attentat à la bombe qui ne fut pourtant pas 

réalisé. Néanmoins en 1981 le service d’espionnage roumain fit exploser, à l’aide de terroristes 

professionnels, une partie de la rédaction tchécoslovaque de RFE. Cet attentat eut des conséquences 

tragiques – plusieurs personnes furent alors grièvement blessées. 

281 J. Čep à H. Pourrat, le 18 septembre 1951. 

107


une certaine compétence » 282 , au fil des années sa collaboration devint un fardeau lourd 

à porter, et pour reprendre les mots de Čep lui-même, une « corvée », voire un 

« cauchemar ». Pourquoi une telle dégradation ? Tout simplement parce que Čep n’était 

pas pour ainsi dire fait pour le travail qu’on lui demandait à la radio, ou du moins, était- 

il mal adapté à ce type de travail celui d’un journaliste ponctuel et rapide. La charge 

qu’il devait y exercer violait sa nature et ses habitudes d’écrivain libre de son temps, 

d’écrivain surtout accoutumé au rythme lent de la gestation de l’œuvre, du mûrissement 

et de la progression de la pensée. Les « cauchemars des termes » le tuaient littéralement, 

la régularité propre aux journalistes manquait lamentablement à Čep, écrivain et poète. 

Comme il le fait voir à Pourrat, moins de trois semaines après son arrivée à Munich : 

« c’est un grand moulin où il faut malheureusement travailler plus souvent très vite et 

sans préparation » 283 et il se plaint que son « travail personnel semble encore une fois 

remis à plus tard » 284 . En effet, il s’agissait d’une « fabrique », comme les internes 

aimaient à surnommer la Radio, où il fallait écrire (plutôt produire ou fabriquer) les 

contributions à la hâte et où la quantité l’emportait souvent sur la qualité. Comme un 

refrain on peut lire depuis un certain moment les lamentos récurrents de Čep au sujet de 

son travail pour la Radio, le plus sensiblement au moment où son congé mensuel arrive 

vers sa fin : 

Tout recommencera pour 11 mois sans répit ; une méditation par semaine, un autre programme de 15 

minutes tous les quinze jours, que j’ai [sic] des idées ou pas. Il faudra écrire coûte que coûte, pendant 

onze mois. 285 

Ainsi la joie de faire le travail plus au moins approprié à ses capacités se trouve 

occultée par le manque d’environnement favorable et d’ambiance amicale : 

J’ai beaucoup à faire à la Radio, mais je le ferais avec joie si c’était ailleurs. Je me trouve ici dans une 

solitude morale qui est quelquefois lourde à porter. Mais placé devant le choix de recommencer à 

Paris dans les mêmes conditions qu’avant, ou de rester ici, je suis décidé à tenir encore. 286 

Il confie le même déchirement, sa nausée de l’environnement à la radio et son désir 

impossible de rentrer en France à Henri Queffélec : 

J’avoue d’ailleurs très sincèrement que je me sens ici très mal à l’aise, bien que ce que je fais ici n’ait 

rien à faire avec la propagande proprement politique. J’écris un texte par semaine où je me tiens 

strictement sur le plan d’idées, et un autre texte sur les livres parus récemment en France, en 

282 Ibid. 

283 Ibid. 

284 Ibid. 

285 Journal, le 2 septembre 1960. 

286 J. Čep à H. Pourrat, le 23 décembre 1951. 

108


Angleterre, en Italie. Personne ne m’a jamais rayé un mot. Evidemment, il y a le contexte dont je ne 

suis pas toujours très content, non plus du milieu, allemand et tchèque. A vrai dire, je suis ici très 

malheureux et je voudrais rentrer en France si j’avais de quoi y vivre. 287 

Čep n’aimait donc point la métropole bavaroise où il souffrait de problèmes de santé 

récurrents à cause du temps peu clément et chaque fois qu’il revenait de France, où il se 

rendait deux fois par an pour renouveler ses papiers, il le faisait à regret, se demandant 

« dans quel cauchemar » il avait déjà vu cette ville terrible. D’autre part, il craignait de 

plus graves répercussions. Il appréhendait que son implication à Radio Free Europe, 

cette « entreprise américaine » très mal vue par les Français y compris catholiques, ne le 

prive de ses amis. Ainsi, il s’explique par exemple – à tort sans doute – le mutisme d’un 

Albert Béguin qui ne répond pas à sa lettre, s’inquiète que Henri Queffélec ne 

« sursaute » à la lecture de sa première lettre envoyée de Munich, ou redoute que 

certains des catholiques français dont l’amitié lui était chère « ne [lui] tendraient plus la 

main » 288 . 

Nous arrivons maintenant à l’essentiel, c’est-à-dire à la nature du travail de Čep pour 

Radio Free Europe. Il faut commencer par la constatation simple qu’au cours des 

années, il exerça des fonctions multiples et variées en fonction des mouvances internes 

et du développement qui se produisirent à Radio Free Europe. Tour à tour, Čep était 

auteur et traducteur, rédacteur, éditeur et surveillant des programmes, et même, pour un 

laps de temps, directeur de la section culturelle. 

La fonction qui resta constamment la sienne et pour laquelle il fut embauché par 

Tigrid était évidemment celle d’auteur. Son statut d’écrivain réputé fut incontestable, on 

le laissa libre de choisir les thèmes de ses émissions, ainsi se vanta-t-il auprès de 

H. Queffélec que « personne ne [lui] a jamais rayé un mot » 289 . Sa tâche principale 

tenait en deux types d’émissions régulières dont la première, créée plus ou moins exprès 

pour lui, s’appelait « Comment survivre » (plus tard le titre fut modifié en « Réflexions 

temporelles et intemporelles »). La seconde fut appelée « Le Livre de la semaine ». A 

eux seuls, les intitulés révèlent bien de quoi il s’agissait. Le premier programme avait 

pour mission d’aider à survivre les compatriotes étouffés par la dictature communiste, 

de les soutenir à force de paroles réconfortantes. L’autre leur proposait le panorama des 

287 J. Čep à H. Queffélec, le 6 janvier 1952. 


289 Ibid. 

109


livres paraissant dans le monde occidental inaccessibles alors pour les auditeurs. Nous 

n’allons pas entrer plus en détail pour ce qui concerne ces deux émissions que Čep 

réalisait pour Radio Free Europe, car nous y réservons un chapitre entier plus loin. 

Après un an environ d’activité à Radio Free Europe, Čep avait obtenu du directeur 

Tigrid un congé non rémunéré de six mois dont il voulait profiter pour briguer un 

emploi en France. Or, suite à une mésentente entre les deux directeurs Peroutka et 

Tigrid, ce dernier démissionna de son poste et c’est pourquoi Čep s’est vu brusquement 

rappelé à Munich ayant à peine profité de deux mois de vacances. Là, il est tombé en 

pleine restructuration. La nouvelle direction le nomma directeur de la section culturelle, 

ce qui signifiait évidemment la multiplication de ses devoirs. Outre l’écriture de ses 

deux programmes habituels, il fut chargé de la rédaction et de l’administration des 

scripts. On devine aisément que si pour la fabrication de ses méditations et de ses 

comptes rendus, Čep se sentait une certaine compétence, le travail de bureau, 

d’organisation et de supervision l’effrayait. Nous en avons, par ailleurs, une idée assez 

convaincante par ses lettres de ce temps-là qui trahissent son impuissance désespérée 

devant les nouvelles tâches : 

En arrivant ici je suis tombé dans un beau gâchis. Tout est sens dessus dessous à la Radio. Je dois être 

chargé surtout d’une corvée de surveillance, de rédaction de textes, d’administration. Je ne sais pas 

comment je pourrai m’en tirer. Par moments, j’ai envie de rire aux éclats. 290 

A notre avis, il s’en est tiré avec honneur. Au moins à juger selon les matériaux que 

nous avons eu l’occasion de consulter, surtout la correspondance avec le jeune 

collaborateur parisien de Radio Free Europe Vladimír Peška. Dans leurs échanges 

épistolaires, une partie imporante est consacrée aux questions administratives, au 

planning préliminaire des programmes qu’il garantissait, au choix des livres à présenter 

et des thèmes à traiter. Dans sa fonction d’éditeur et de directeur de la rédaction 

culturelle Čep était entre autres obligé d’établir la liste des livres pour « Le Livre de la 

semaine » un mois à l’avance, ce qui impliquait de coordonner la préparation des 

comptes rendus de différents rédacteurs, y compris lui-même, afin que plusieurs 

personnes ne travaillent pas sur le même ouvrage. 

Il semble qu’il fut un supérieur plutôt indulgent qui laissait la main libre à ses 

rédacteurs, mais il ne s’abstenait pas pour autant de conseils ou d’objections critiques en 

cas de besoin. Bien que, en général, Čep approuve les propositions de Peška, il y eut des 


110


moments où il intervint. Ainsi une fois lui déconseilla-t-il par exemple de traiter de 

Husserl considérant le philosophe allemand comme peu adapté au programme en 

question (« je pense qu’un Français ou un Italien parvient à être plus compréhensible 

qu’un Husserl » 291 ). Une autre fois, il a édité « avec gros embarras » le livre de la 

semaine portant sur une monographie sur Simone Weil écrite par Mary-Magdaleine 

Davy. D’où ce conseil général à Peška « de ne pas écrire sur les livres qui parlent des 

autres livres (quoiqu’on puisse dire qu’ils parlent à la fois des hommes) » 292 . En effet, 

ce critère de compréhensibilité et de clarté fut l’un des principes primordiaux dans le 

choix des livres. D’un côté il fallait choisir des livres qui se laissaient comprimer dans 

un format d’émissions de 10 ou 15 minutes, de l’autre on devait tenir compte de 

l’irréversibilité des programmes dont la diffusion ne pouvait être arrêtée ni réécoutée au 

besoin, et qui au surplus subissait des brouillages. 

En plus de la clarté, il fallait veiller à ce que les programmes informassent sur la 

production d’actualité. On privilégiait à la Radio des parutions récentes que les gens en 

Tchécoslovaquie communiste ne pouvaient se procurer. Lorsque Peška lui proposa un 

roman de la résistance Les hommes et les autres par un écrivain italien Elio Vittorini, 

Čep le refusa précisément parce que le roman avait déjà été publié en 1945 (« Je pense 

que Vittorini est un peu vieillot, je l’ai lu en français à Prague en 1947. » 293 ) 

Enfin, bon gré mal gré, Čep dut s’adapter au moins à peu près à la philosophie ou à 

l’orientation, ou si l’on veut, à la ligne directrice de Radio Free Europe. Il arriva parfois 

des situations paradoxales où il se vit obligé de décliner des propositions qui auraient 

très bien convenu à son goût personnel mais qui « n’auraient pas passé » pas la grille de 

sélection. C’est le cas, entre autres, de la mise en scène de La Condition humaine par 

l’auteur et Thierry Maulnier : « Moi-même, je serais enclin de dire oui à Malraux- 

Maulnier, mais savez-vous qu’ils nous ont assommé La Maison de la nuit de Maulnier 

parce qu’il paraissait trop ‘pessimiste’ ? » 294 . Rarissimes étaient les cas où Čep se 

trouvait en conflit avec la ligne directrice ou avec ses supérieurs. Toutefois, cette 

situation se produisit lorsqu’il refusa du point de vue de sa conviction personnelle « cinq 

lectures de Bertrand Russel » les considérant comme « exécrables » 295 . Si ce cas passa 

sans commentaire – car Čep comme directeur avait ses droits et ses responsabilités – il 

291 

J. Čep à V. Peška, le 3 décembre 1952. 

292 

J. Čep à V. Peška, le 4 janvier 1955. 

293 

Ibid. 

294 

Ibid. 

295 

Cf. J. Čep à V. Peška, le 17 février 1953. 

111


en fut tout autrement pour le refus d’un script à l’écrivain Zdeněk Němeček. Nous ne 

savons pas aujourd’hui où se cachait l’enjeu de mésentente et quelles furent les raisons 

pour lesquelles Čep avait retourné le papier de Němeček. Ce qui est par contre sûr et 

certain, c’est que Němeček, soutenu par Peroutka, a porté plainte auprès de la direction 

américaine, en conséquence de quoi Čep fut exemplairement réprimandé. Ce conflit qui 

prit l’envergure d’un petit scandale à la Radio, l’a beaucoup atteint et n’épargna pas non 

plus ses rapports avec la Radio. Voici ce qu’il confia de cette intrigue à Peška : 

J’ai rendu un script à Němeček, j’ai essayé de le lui expliquer par une lettre personnelle, mais N. avec 

Peroutka la donnèrent, apparemment dans une traduction incomplète et tendancieuse, à disposition des 

Américains ; le chef américain Galantiere a écrit un long et injuste mémorandum aux chefs d’ici […] 

Kelly n’avait rien de plus diligent au travail que de faire copier ce mémo et de l’envoyer à tous les 

rédacteurs ; c’est le premier cas dans l’histoire de Radio Free Europe qu’un des rédacteurs fut ainsi 

publiquement blâmé – sans même que Kelly ne me parle avant. Il y en eut un débat assez violent 

d’abord avec Kelly, et puis avec Galantiere lui-même qui est entre-temps arrivé à Munich. 296 

Čep ne se prononce pas uniquement sur le choix des livres, il parle à Peška 

également en éditeur en lui fournissant des conseils, pourrait-on dire, méthodologiques, 

nécessaires à un travail de qualité. Il lui montre comment il faut travailler avec la 

citation dans une émission radiophonique et souligne bien souvent l’importance de la 

qualité d’une traduction : 

Je vous prierais de citer davantage dans vos prochains livres, et de citer les endrois bien exposés et 

bien traduits, et que ces citations constituent la construction du script, son plan dramatique. Il ne 

s’accorde pas avec notre pratique d’aujourd’hui de ne citer une phrase ou une demi-phrase. 

Naturellement, les citations doivent être très bien choisies. 297 

Čep se montrait extrêmement sensible, voire exigeant, pour ce qui est de la 

traduction. C’est dû en bonne partie à ce que lui-même fut un traducteur éminent. On 

peut cependant constater que les critiques de Čep étaient exprimées de façon à ne jamais 

affliger le rédacteur « fautif ». Au contraire, comme nous le prouve l’extrait suivant, 

Čep formulait ses objections avec un tact et une délicatesse infinis où la volonté de ne 

pas blesser autrui se lit à chaque phrase : 

296 « Vrátil jsem jeden Němečkův skript, pokusil jsem se to Němečkovi vysvětlit soukromým dopisem, 

ale N. s Peroutkou jej dali zřejmě v neúplném a tendenčním překladu k disposici Američanům; americký 

šéf Galantiere napsal dlouhé a nespravedlivé memorandum zdejším šéfům […] Kelly neměl nic pilnějšího 

na práci, než dát toto memo rozmnožit a poslat všem redaktorům; byl to první případ v dějinách Radio 

Free Europe, že byl některý redaktor takto veřejně pokárán – aniž se mnou Kelly předtím vůbec mluvil. 

Byla z toho dost ostrá debata nejprve s Kellym, a pak se samým Galantierem, který přijel mezitím do 

Mnichova. », J. Čep à V. Peška, le 20 juin 1953, souligné J. Č. 

297 « Prosil bych Vás, abyste v příštích knihách týdne více citoval, a to místa hodně reliefní, dobře 

přeložená, a aby tyto citáty tvořily konstrukci škriptu, jeho dramatický plán. Nesnáší se s naší dnešní 

praksí, aby se citovala jenom jedna věta, nebo půl. Ovšem citáty musejí být velmi dobře vybrány. », 

J. Čep à V. Peška, le 4 janvier 1955. 

112


Et maintenant, cher Vladimír, je dois dire deux mots en tant qu’éditeur et superviseur. J’avoue que la 

construction de vos phrases, surtout quand vous traduisez, me désarçonne parfois. J’avais un grand 

« trouble » (et vous apparemment aussi) avec votre Proust. Je sais qu’il n’est pas facile de faire parler 

Proust en tchèque. Vous l’auriez peut-être senti seul, si vous pouviez lire votre texte un ou deux jours 

après l’avoir écrit. Il est possible que je sois à cet égard un peu trop sensible, surtout lorsqu’il s’agit 

des autres. Il est certain, que le français est en général beaucoup plus difficile à traduire en tchèque 

que par exemple l’anglais. Je sais que vous ne m’en voudrez pas pour ces objections. Je sais 

également que je m’assommerais si je voulais exercer mon office de cette manière. D’autre part, je ne 

peux juger objectivement de la manière avec laquelle mes propres traductions sonnent à l’oreille 

d’autrui. 298 

Avec tous ces critères (clarté, compréhensibilité, actualité, philosophie de la station, 

qualité de la traduction), il faut ajouter la prise de conscience constante de la nature du 

public visé. Ce public est évidemment illusoire, ou au moins virtuel, Radio Free Europe 

n’a, au moins dans les premières années de la diffusion, aucune réaction de retour, ses 

animateurs ne savaient pas exactement à qui ils parlaient. C’est cette spécificité du 

rapport à l’auditoire que Čep souligne à son jeune collègue et qui traduit parfois une 

certaine ambiguïté comme le révèle l’émission sur Péguy. L’achoppement tenait en ceci 

qu’il fallait éviter à la fois la Scylla d’excès de didactisme et de trop de généralités pour 

les auditeurs plus âgés, initiés à l’œuvre du poète français, et la Charybde 

d’incompréhensibilité et de trop de complexité pour les néophytes : 

Encore quelque chose de désagréable : si vous parlez par exemple de Péguy, vous devez le faire de 

sorte que cela intéresse deux groupes presque incompatibles d’auditeurs : ceux qui le connaissent bien 

et le connaissaient peut-être avant vous (les traductions de Péguy paraissaient chez Florian avant la 

Première Guerre Mondiale) – et ceux qui n’ont jamais entendu prononcer son nom. C’est 

extrêmement difficile, je sais. Je crois qu’importent beaucoup le choix des citations et l’intensité de la 

traduction. 299 

Il va sans dire que Čep lui-même effectua un nombre certain de traductions pour les 

programmes culturels de Radio Free Europe. Il s’agit du travail peut-être le moins 

visible, souvent resté anonyme, où nous ne sommes pas en mesure de concrétiser ni la 

quantité et l’ampleur des traductions ni la qualité ou l’incidence sur le public. Encore 

298 « A teď musím, milý Vladimíre, promluvit jako editor a superviser. Přiznám se, že mě někdy uvádí 

značně do rozpaků konstrukce Vašich vět, zejména když překládáte. Měl jsem velký ‘trouble’ (a Vy 

zřejmě také) s Vaším Proustem. Já vím, že není lehké dávat mluvit Proustovi po česku. Snad byste to 

ucítil sám, kdybyste si mohl přečíst svůj text za den, za dva po napsání. A já jsem možná po té stránce 

trochu příliš úzkostlivý, hlavně když jde o druhé. Je jisté, že francouzština je vůbec na překládání do 

češtiny mnohem těžší jazyk než např. angličtina. Vím, že se nebudete zlobit pro tyto moje připomínky. 

Vím také, že kdybych tady chtěl vykonávat svůj ouřad tímto způsobem, brzy bych se utloukl. A nemohu 

objektivně posoudit, jak znějí uchu druhého např. texty a překlady moje. », J. Čep à V. Peška, 

le 3 décembre 1952. 

299 « Ještě něco nepříjemného: Mluvíte-li na příklad o Péguym, musíte to udělat tak, aby to zajímalo dvě 

skoro neslučitelné kategorie posluchačů: ty, kteří ho znají dobře a znali možná dřív než Vy (české 

překlady z Péguyho vycházely u Floriana před první světovou válkou) – a ty, kteří jakživi neslyšeli 

vyslovit jeho jméno. To je velmi těžké, já vím. Domnívám se, že mnoho záleží na volbě citátů a na 

intensitě překladu. », J. Čep à V. Peška, le 4 janvier 1955. 

113


n’avons-nous d’autres traces que les lettres de Čep dans lesquelles il fait parfois 

mentions des traductions qu’il était en train de faire 300 . Nous en reparlerons un peu plus 

dans le chapitre voué au Livre de la semaine de Čep. 

300 Il est par exemple évident qu’il consacra un bon laps de temps de son congé en 1952 à la traduction du 

Fond du problème de Graham Greene : « je peine ici, gratuitement, sur la traduction du roman de Greene 

pour Reading Aloud », J. Čep à L. Gruber, le 7 août 1952. 

114


ŒUVRE LITTERAIRE 

_________________________________________ 

115


IV. RECITS D’EXIL 

« En me mettant à ma table, devant une feuille 

de papier blanc, je ne trouve en moi aucun 

sujet que je puisse traiter. Sujet de nouvelle, 

sujet du roman, sujet d’un essai. Je ne sais à 

quoi m’accrocher. La source paraît tarie. » 301 

Le départ dans l’émigration représenta une rupture et un choc non seulement dans la 

vie de Jan Čep mais aussi dans son œuvre. Le bouleversement fut tel que sur l’étendue 

de dix-huit ans au cours desquels Čep jouit d’une relativement bonne santé lui 

permettant de créer, il n’écrira que six minces récits : Cikáni (Les Tziganes), Tajemství 

Kláry Bendové (Le Secret de Klára Bendová), Před zavřenými dveřmi (Devant la porte 

fermée), Ostrov Ré (L’Ile de Ré), Květnové dni (Les Journées de mai) et Tři pocestní 

(Les Trois Passants). 

Les chercheurs et les interprètes de l’œuvre de Čep ne portaient pas trop attention à 

ces quelques récits, les considérant comme un torse, comme l’épilogue d’une œuvre 

plus ou moins achevée. Sans doute en serait-il tout autrement si Čep avait réalisé son 

rêve d’exil qui n’était autre que d’écrire le grand roman qui aurait dû être son chef- 

d’œuvre et par lequel il voulait consacrer son entrée dans la littérature en France 302 . De 

longues années, il avait médité sur ce roman où il envisageait de peindre « l’aventure de 

[s]on départ » 303 et dont plusieurs récits d’exil devaient représenter les esquisses, 

jusqu’à finalement l’abandonner en faveur du projet autobiographique. 

Les critiques ne portaient sur la production conçue en exil que des jugements 

généraux sans se donner la peine de les analyser de plus près. Ainsi, Milan Burda voit 

dans ces récits de Čep seulement « un pâle reflet de ce qu’il avait écrit autrefois » 304 . 

Burda reproche aux ouvrages notamment le manque de densité psychologique de leurs 

personnages, il reproche à l’auteur de se contenter de « décrire assez platement les 

301 Journal, le 22 juillet 1950. 


303 Cf. Journal, le 24 juin 1960. 

304 Cf. M. Burda, La littérature de l’émigration tchèque de 1948 à 1968, op. cit., p. 244. 

116


situations de ses héros sans jamais tenter vraiment de pénétrer dans l’univers 

psychologique de ses personnages et d’y faire entrer le lecteur » 305 , considérant ce 

« psychologisme » – à tort sans doute – comme la force majeure de son œuvre 

antérieure et la cause de son succès. 

Par contre, Vladimír Peška, compagnon de Čep dans les années de l’exil parisien, 

apprécia dans Les Tziganes, recueil paru à Munich en 1953 qui rassemble quatre des six 

récits d’exil, « la prose poétique tchèque cultivée et merveilleusement simple » 306 . Il va 

jusqu’à dire que le livre de Čep « est jusque là l’œuvre littéraire la plus puissante de 

l’exil tchécoslovaque » 307 et cela notamment pour la « vision de la condition humaine 

sur la terre et pour sa présentation poétique ». Il reste que le compte rendu de Peška, ami 

proche et admirateur fervent de Čep, était conçu plus comme un « éloge » que comme 

un article critique, comme l’auteur le souffla dans son journal intime 308 . 

Donnons encore la parole à Mojmír Trávníček, l’un des plus grands connaisseurs 

actuels de la vie et de l’œuvre de Čep, qui perçoit une sorte de bifurcation dans la 

création d’exil : ses récits « d’un côté poursuivaient la ligne de bilan des derniers livres 

[…] de l’autre ouvraient de nouvelles possibilités » 309 . Et il a parfaitement raison, car 

même si la continuité de l’œuvre de Čep est nettement perceptible – la rupture, le 

déracinement de l’exil ne modifient pas essentiellement ni le réservoir des thèmes ni la 

poétique et l’écriture, – on trouve dans les récits écrits en exil certains éléments sinon 

entièrement nouveau, du moins mieux et davantage développés, et qui pourraient mener 

à un renouveau de Čep-prosateur si celui-ci persévérait… 

C’étaient donc quelques opinions portées sur l’œuvre d’exil de Čep, qui à première 

vue frappent par leur divergence (Burda vs. Peška) ou par trop de généralité 

(Trávníček). Le reste du chapitre proposera notre regard sur l’ensemble des six récits de 

Čep. Nos interprétations, qui ne s’arrogent nullement le droit à l’unicité et feront sans 

doute partie de nombreuses autres interprétations possibles, seront basées avant tout sur 

la lecture minutieuse des textes. Là où il apparaîtra nécessaire ou utile de faire un retour 

en arrière pour mettre au jour la cohérence, la continuité avec l’œuvre d’avant 1948, 

305 

Ibid., p. 246. 

306 

« […] úžasně prostou a kultivovanou českou básnickou prosu […] », V. Peška, « Jan Čep : Cikáni », 

Livre de la semaine, [janvier 1954], p. 3. 

307 

« Pro toto vidění člověkova údělu na zemi a pro jeho básnické podání je Čepova sbírka krátkých próz 

zatím nejsilnějším slovesným dílem československého exilu. », Ibid., p. 13. 

308 

Cf. Journal de V. Peška, manuscrit inédit, archives de Vladimír Peška, Institut des Etudes slaves, 

le 22 février 1954. 

309 

M. Trávníček, Pouť a vyhnanství, op. cit., p. 11. 

117


nous le ferons naturellement. Dans nos analyses nous ne suivrons pas exactement la 

chronologie dans laquelle l’œuvre de Čep est produite (mais nous ne la rejetons pas 

pour autant) considérant que l’approche purement chronologique serait limitative et à 

plusieurs égards insuffisante. Nous préférons regrouper les nouvelles dans trois cycles 

unis non pas tant par de simples traits thématiques mais plutôt par des contextes globaux 

communs. Le premier cycle comprendra les écrits se déroulant encore en 

Tchécoslovaquie dans le temps d’avant l’émigration, dans le second, en revanche, 

l’action – si l’on peut parler d’ « action » – se joue dans la terre d’exil. Enfin un statut 

particulier sera réservé au dernier récit de Čep, Les Trois Passants, écrit en 1956 sur 

« commande », qui raconte une anecdote du temps de « demi-liberté » après la 

Libération et avant le putsch communiste. Les pages suivantes traiteront donc 

successivement de : 

1) Récits d’Occupation et de Libération (Les Tziganes, Le Secret de Klára Bendo- 

vá, Les Journées de mai) 

2) Récits d’exil (Devant la porte fermée, L’Ile de Ré) 

3) Le dernier cri de Čep-prosateur : Les Trois Passants 

IV.1. Les récits d’Occupation et de Libération 

IV.1.1. Présentation générale 

Avant de passer à l’interprétation, faisons une présentation générale des trois récits 

dont l’action est placée pendant la guerre et les « journées de mai ». Nous retracerons 

brièvement le contenu des récits et nous tâcherons surtout de reconstituer le contexte de 

leur création et de leur publication et de saisir l’écho de leur réception. 

La nouvelle Les Tziganes fut écrite immédiatement après le débarquement de Čep 

sur le sol français dans les semaines automnales de 1948. La rapidité, la facilité 

d’écriture trahit la préméditation de la matière par l’écrivain longuement avant l’acte 

même de l’écriture qui n’est pas encore alourdie par le poids du découragement de sa 

déconvenue en France. Le récit est la transposition d’un événement réel – la mort du 

118


curé de la paroisse de Čep, Mgr Jindřich Skácel – dont il est fait mention dans son 

journal 310 . Mais par rapport à la notation journalière, le récit français se trouve enrichi 

d’une souffrance parallèle à celle du prêtre moribond qui est celle d’une troupe des 

tziganes. Ceux-ci sont d’abord cantonnés par un décret du Protectorat sur un « no man’s 

land » entre deux communes, soumis ensuite aux travaux forcés pour le Reich et 

déportés finalement dans les wagons à bestiaux sans doute dans un camp de 

concentration. Le double destin, celui des vagabonds indomptables et inadaptables et 

celui du vieux prêtre, qui seul au village semble porté vers eux par un mouvement de 

charité et de compassion, sont reliés ici par des liens mystérieux, et aboutissent au 

même calvaire, au moment précis de la Semaine Sainte. Au drame individuel (agonie du 

curé) et collectif (déportation des tziganes) s’ajoute la tragédie de la nation entière, elle 

aussi souffrante sous le joug de l’occupation allemande. 

Le titre n’est pas neuf dans la littérature tchèque car nous retrouvons un titre 

identique chez Karel Hynek Mácha au XIX e siècle. Néanmoins, en dehors du titre il n’y 

a plus d’autres similitudes entre le récit de Čep et le roman romantique de Mácha. Ce 

n’est d’ailleurs pas la première fois que Čep reprend un titre déjà existant dans l’histoire 

de la littérature. Rappelons son roman La Frontière de l’ombre qui se sert du titre utilisé 

en 1917 par Joseph Conrad (The Shadow Line) sans qu’il y ait un rapport quelconque 

entre les deux ouvrages. Dans ces cas-là, Čep ne joue pas sur la corde de 

l’intertextualité, il réinvente les titres en fonction de ses propres intentions. Il s’en sert 

justement puisqu’il n’y a aucune relation (voulue) avec l’œuvre homonyme antérieure. 

Dans son essai autobiographique Ma Sœur l’angoisse Čep confie que Les Tziganes 

fut « le premier et l’unique récit écrit directement en français » 311 . Avant de paraître en 

français – plus de trois ans se seront écoulés depuis le moment de leur écriture – dans 

Terre humaine, Čep en a procuré la version tchèque pour Svobodný zítřek (Le 

Lendemain libre). La nouvelle donna enfin le titre au petit volume publié à Munich en 

1953, rassemblant quatre récits comme nous l’avons déjà évoqué 312 . 

310 

Cf. les notations journalières de la deuxième moitié d’avril et du début mai 1945. 

311 


312 

En français, Les Tziganes furent publiés in : Terre Humaine, avril 1952, p. 81-96, et dans le numéro 

« tchèque » de la revue littéraire de P.E.N. Club international Arena, n° 5, janvier 1962, p. 49-64 ; 

la traduction tchèque parut successivement dans deux numéros de Lendemain libre, octobre et novembre 

1948, p. 6. Le recueil de 4 récits parut par les soins du Comité des réfugiés politiques tchécoslovaques en 

Allemagne à Munich en octobre 1953. 

119


Les Tziganes furent vivement appréciés des amis de Čep : Henri Pourrat confie qu’il 

les a « lu[s] avec émotion » 313 ; Gabriel Marcel s’en dit « frappé » 314 ; enfin Vladimír 

Peška dans son compte rendu pour Radio Free Europe parle des Tziganes comme d’une 

« parabole artistique des errances tragiques des hommes modernes, déracinés et 

dispersés » 315 . 

Disons tout de suite que pour notre part, nous estimons Les Tziganes comme le récit 

le plus abouti de toute la production d’exil de Čep. Il semble indéniablement que lui- 

même attachait à cette nouvelle une valeur particulière. Tandis que les récits postérieurs 

subissaient de virulentes autocritiques, Les Tziganes non seulement furent épargnés, 

mais Čep les cite expressément dans son autobiographie et intervient pour qu’ils soient 

inclus dans une anthologie allemande de son œuvre 316 . 

Si Les Tziganes étaient placés en pleine Occupation sous le Protectorat de Bohême- 

Moravie, le deuxième récit Le Secret de Klára Bendová se déroule dans les journées 

suivant la Libération. Ecrit au début de 1949 317 , cette « ballade en prose » comme l’a 

caractérisé Mojmír Trávníček 318 , tout comme Les Journées de mai, quelques années 

plus tard, remet en question l’événement capital que fut la Libération, cette Libération 

qui met un terme au carnage de la guerre et qui à la fois préfigure pour Čep l’autre 

monstre que sera la dictature communiste. Toute l’ambiguïté de la Libération est 

concentrée dans la mort gratuite, arbitraire d’une jeune personne innocente, Claire, qui, 

ne reviendra pas de sa promenade, probablement foudroyée par la balle d’un soldat 

russe. C’est dans cette nouvelle qu’Antonín Kratochvil, critique littéraire en émigration, 

voyait « le sommet de l’art de la nouvelle de Čep » 319 . 

Les Journées de mai furent publiées séparément dans une plaquette d’une 

quarantaine de pages par l’Académie chrétienne à Rome en 1954. Comme le titre 

l’indique le récit est situé pendant les journées de mai, ces « journées étranges » où « il 

313 H. Pourrat à J. Čep, le 26 octobre 1952. 

314 Cf. Journal de Čep, le 22 octobre 1960. 

315 « [U]mělecké podobenství tragických bloudění moderních vykořeněných a rozptýlených lidí », 

V. Peška, « Jan Čep: Cikáni », op. cit., p. 5. 

316 Zeit und Wiederkehr. Bilder aus Böhmen und Mähren. (trad. du tchèque Hana et Peter Demetz), Wien, 

Herder Verlag, 1962. 

317 Le 30 décembre 1948 on peut lire dans le journal de Čep : « Projet de travail : Une nouvelle (Claire) ». 

318 M. Trávníček, Pouť a vyhnanství, op. cit., p. 145. 

319 « umělecké vyvrcholení Čepovy novelistiky », A. Kratochvil, « Poutník absolutna u bran věčnosti 

(Několik myšlenek k úmrtí Jana Čepa », Nový domov, le 6 février 1974. 

120


n’y avait pas de sens d’entreprendre quoi que ce soit, d’aller où que ce soit » 320 . La 

nouvelle représente une esquisse, le mot même apparaît dans le titre (Journées de mai. 

Esquisse) et elle devait être un « prélude » au projet romanesque auquel rêvait son 

auteur en exil. D’où un certain sentiment d’inachèvement, de vide, d’insatisfaction, qui 

fut perceptible dans les réactions des lecteurs 321 . Il n’empêche que, comme Le secret de 

Klára Bendová, cette nouvelle est avant tout une tentative de démythification de la 

Libération légendaire de la Tchécoslovaquie par l’armée russe et laisse prévoir déjà des 

événements funestes dont l’accomplissement aura leiu en Février 1948. C’est d’ailleurs 

aisni qu’elle est perçue en exil comme le prouve l’extrait du compte rendu de Miroslav 

Podivínský : 

Au moment où les écrivains asservis en Tchécoslovaquie écrivent sur commande une fausse épopée 

de prétendue Libération de 1945, le témoignage de Čep se montre particulièrement convaincant et 

bouleversant. 322 

A première vue, ces récits apparaissent simplistes, voire banals. A en juger selon 

l’histoire, il ne s’y passe presque rien, comme nous l’avons prouvé en résumant leurs 

contenus en deux ou trois phrases. Or, nous savons que la force de Čep ne résidait 

jamais en capacité à construire une histoire, à fabuler. Cette banalité est en effet une 

« fausse banalité » pour reprendre le terme employé par Pierre Brunel pour Le Grand 

Meaulnes d’Alain-Fournier. Poursuivons encore un peu la pensée du comparatiste 

français, qui dit que la particularité du Grand Meaulnes « est moins dans les êtres, dans 

les choses […] que dans la qualité du regard, de la sensibilité et de la mémoire » de 

l’auteur 323 . Littéralement, on est prêt à souscrire à cela pour l’œuvre de Čep dans son 

ensemble. On ne s’en étonne même pas, il suffit de nous rappeler l’admiration profonde 

que Čep portait pour l’ouvrage de l’écrivain français qu’il avait pris l’habitude de 

considérer comme son frère aîné. Ainsi, nous aimerions rendre compte au moins de 

quelques traits de ce regard, de cette sensibilité propre à l’écrivain morave, aussi bien 

que de certains autres aspects spécifiques, sémantiques ou formels, de l’univers 

imaginaire čepien, qui méritent d’être mentionnés et qui valorisent les rares récits 

produits dans les années d’exil. 

320 « Byly to divné dni. Nemělo jaksi smyslu něco dělat, někam chodit. », Œuvres III, p. 329. 

321 Cf Journal de V. Peška du 15 mars 1955 où nous pouvons lire : « faible et toujours la même chanson ». 

322 « V době, kdy sloužící spisovatelé v Československu píšou na objednávku falešnou epopej o 

domnělém osvobození z roku pětačtyřicátého, je Čepovo svědectví zvláště přesvědčivé a otřesné. », 

Mp [M. Podivínský], « Květnové dni », Nový život, 7, n° 4, avril 1955, p. 94. 

323 P. Brunel, Glissements du roman français au XX e siècle, Paris, Klincksieck 2001, p. 61. 

121


IV.1.2. Représentation de la guerre et ambiguïté de la Libération 

La première nouvelle est plongée en pleine guerre sous le Protectorat de Bohême- 

Moravie. La campagne morave, où l’histoire est placée, ne fait pas partie des zones 

frontalières et on est très loin des descriptions réalistes des batailles tonitruantes, des 

tranchées encombrées de cadavres en lambeaux, des opérations militaires à la 

Remarque. Rien de cela. Et pourtant, l’atrocité de la guerre y est comme omniprésente 

et cela malgré le fait que le mot « guerre » n’y est même pas une seule fois prononcé. 

Comment Čep réalise-t-il l’image de la guerre, par quels moyens parvient-il à lui donner 

l’actualité tranchante, sa force suggestive ? 

Le lecteur ne sait même pas d’abord que le récit se passe pendant la Seconde Guerre 

mondiale, il ne trouve pas de repères spatio-temporels, il ne sait pas où et quand situer 

l’action. En effet, abstraction faite du mot « verdict », dont nous ne savons d’ailleurs de 

quelle autorité il venait, qui imposa aux tziganes de se fixer définitivement, nous ne 

trouvons aucune référence à la situation de guerre. Il commence à s’orienter un peu 

seulement à la fin de la deuxième page qui fournit la première allusion renvoyant à la 

guerre, et encore tellement discrète, imprécise, voire intemporelle : il découvre que le 

verdict avait frappé les tziganes « quand les grandes calamités s’abattirent sur la 

terre » 324 . De l’envergure de ces « calamités » témoignent le fait qu’ils ont dû mettre fin, 

probablement pour la première fois dans l’histoire, à leur nomadisme ancestrale et qu’ils 

« se trouvèrent pris tout à coup dans des entraves et des haines pour lesquelles il n’y 

avait peut-être pas de forme dans leur pensée ni d’expression dans leur langage » 325 . Or 

la phrase suivante pose déjà nettement le cadre référentiel : des mots comme 

« hitlérisme », « Munich », « Protectorat de Bohême-Moravie » font irruption dans le 

champ du narrateur qui se demande justement ce que ces mots-là peuvent signifier pour 

les pauvres Tsiganes frappés par le verdict. Si pour le « vieux peuple vagabond » ces 

termes ne sont pas porteurs de significations bien concrètes, le lecteur, lui, peut enfin 

encadrer l’action dans une époque précise. Les références se multiplient au court du 

récit (Reich, théorie des races 326 ), cependant, ni le temps ni l’espace ne sont vraiment 

324 

Les Tziganes, p. 85. Pour Les Tziganes, les numéros de pages renvoient à la publication française dans 

Terre humaine. 

325 

Ibid. 

326 

Ainsi est-il aussi intéressant de voir comment Čep soulève ces réalités terribles de guerre : « c’était le 

temps où s’instituait d’office une religion du travail ; le travail de tous pour le Reich devenait un devoir 

122


délimités : pas de nom propre, pas de date précise. Tout est comme embrumé, suspendu 

dans l’intemporel. Autrement dit, tout est transparent comme si l’auteur voulait faire 

comprendre au lecteur que l’essentiel n’est pas de déterminer précisément « quand » et 

« où » mais plutôt d’observer le récit en tant que symbole ou parabole. Le lecteur 

attentif identifiera tout de même que le récit se déroule de l’automne au printemps (la 

partie finale sera identifiée en la Semaine Sainte) dans un « petit village », sans doute 

morave, qui donnait au narrateur l’impression « d’une épave immobilisée sous des 

constellations étrangères et séparée des lieux les plus proches par des distances 

infranchissables. Les routes qui le traversaient semblaient coupées du reste du monde 

par un abîme sans fond » 327 . Voilà une présence de la guerre. Rien qu’à regarder les 

champs lexicaux de cette phrase, les attributs de la guerre surgissent : destruction et 

asservissement (« épave immobilisé »), occupation (« sous des constellations 

étrangères »), rupture et clôture (les « lieux les plus proches » séparées par des 

« distances infranchissables » ; « coupées du reste du monde », « abîme sans fond »). 

La guerre, constamment présente, n’est pas ici mise au premier plan, elle n’est pas 

exposée explicitement de manière descriptive, sa présence est sous-jacente, faisant le 

fond et l’arrière-plan de la vie de chaque homme. Elle se trouve comme dissimulée 

derrière les faits divers de l’existence quotidienne dans laquelle elle distille les 

sentiments de peur, d’angoisse, de méfiance. L’art de Čep n’est pas celui de décrire 

mais de suggérer au moyen d’un raccourci ou d’un sous-entendu efficaces, d’une 

allusion, d’une périphrase ou d’une image inattendues. Au lieu de révéler les 

événements et les faits de la guerre, Čep tente d’évoquer son atmosphère monstrueuse. 

Il suffit à Čep de quelques images, de quelques métaphores bien choisies, 

accompagnées d’un vocabulaire spécifique pour suggérer de façon inimitable la guerre 

et l’ambiance étouffante de l’Occupation. Ainsi par exemple, au lieu d’employer la 

dénomination directe « Gestapo », Čep exploite dans son texte par une métaphore 

récurrente : « ce mauvais œil gigantesque aux pupilles innombrables ». L’emploi et le 

retour de cette métaphore suffit à créer l’atmosphère d’angoisse et de peur qui régnait 

sous l’Occupation, à en saturer les vies des gens, la vie du petit village : 

Les gens se blottissaient dans leurs maisons ancestrales pour échapper à ce mauvais œil gigantesque 

aux pupilles innombrables, qui pénétrait les coins les plus cachés et les pensées les plus secrètes. Nul 

sacré ; les bureaux d’embauche sévissaient... » […] « la terrible théorie des races cheminait dans cette 

partie du monde et laissait sur ses traces des larmes, du sang, des monceaux de cadavres, une semence 

inexpiable de Caïn... », p. 90. 

327 Les Tziganes, p. 85-86. 

123


n’était plus en sécurité chez soi, chacun se sentait épié ; le sommeil même, plein de cauchemars, ne 

nous appartenait plus. […] Les grands froids aux immenses nuits étoilées étreignirent la terre. En 

même temps, le règne de la terreur ralentissait le rythme des cœurs. On ne parlait que des victoires de 

l’ennemi, que d’arrestations, de fusillades. Le mauvais œil gigantesque aux pupilles innombrables 

nous regardait de plus en plus près, hantait sans trêve notre solitude, nos angoisses, nos prières. Nous 

ne nous sentions plus maîtres ni de notre corps ni de notre âme. En retenant notre haleine, nous 

écoutions la nuit le bruit de l’auto qui s’engouffrait dans le village, le crissement des pas sur la neige 

croûteuse. Les rideaux du black-out séparaient hermétiquement les familles du reste du monde et les 

unes des autres, mais ne pouvaient pas créer une atmosphère d’intimité. A chaque moment, on 

s’attendait à ce que quelqu’un frappât à la fenêtre, à la porte, à ce qu’une voix rude parlât dans la 

langue étrangère. 328 

De même dans Le Secret de Klára Bendová, le souvenir de la guerre n’est pas rendu 

en description directe mais en image. De la guerre, ce « temps de la nuit la plus noire », 

ce « spectre de longues années » n’est évoquée qu’une scène de raid d’avions, elle aussi 

au moyen d’une image saisissante qui s’enracine très bien dans le contexte d’une belle 

journée d’été presque idyllique : 

Là haut, de grands oiseaux blancs planaient, n’agitant pas les ailes, groupés dans des formations 

géométriques étranges, baignés de soleil, proches et inaccessibles à la fois, porteurs d’espoir et de 

mort. 329 

Ce n’est que la réaction des gens, lesquels s’agitaient, qui suggère la gravité de la 

scène et le chaos de la guerre : 

Les gens en bas dans les jardins levaient les bras, ne retenaient pas les cris de : ‘Là aussi, et là, et 

encore !’ Quelqu’un s’est mis à compter, mais à cause de l’émoi, il se trompait sans cesse. Et tout d’un 

coup il a grondé comme s’il tonnait, mais de manière un peu sèche, sans résonance, et des éclairs 

sortirent de la terre. 330 

La Libération du 9 mai 1945 par l’armée russe entraîna l’euphorie quasi générale du 

peuple tchèque et devint immédiatement l’objet de représentation littéraire, dans les 

poèmes et les odes d’abord, dans les nouvelles et les romans après. Nous avons fait 

observer ailleurs que Čep ne partageait pas cet enthousiasme, qu’il n’adhérait pas à cette 

frénésie collective, aidée par certains intérêts politiques. Il fut au contraire saisi d’un 

malaise, ressentant avec acuité le provisoire de la liberté regagnée. L’incarnation de son 

malaise et sa vision des événement de mai 1945 se trouvent dans la nouvelle Le Secret 

de Klára Bendová et dans l’esquisse Les Journées de mai. 

328 Les Tziganes, p. 86, 88-89. 

329 « [P]luli tam vysoko velicí bílí ptáci, nehýbajíce křídly, seskupení v podivných geometrických 

útvarech, zalití sluncem, blízcí a zároveň nedostupní, nositelé naděje i smrti. », Œuvres III, p. 338. 

330 « Lidé dole v zahradách zvedali ruce, nezdrželi se výkřiků: ‘Tamhle také, a tamhle, a ještě!’ Kdosi 

začal počítat, ale vzrušením se ustavičně mátl. A vtom už to zadunělo, jako když hřmí, ale jaksi suše, bez 

ozvěny, a od země vylítly blesky. », Œuvres III, p. 338. 

124


La Libération n’est pas rendue chez Čep comme un événement univoque, elle est 

mise en question, voire compromise par les faits qui l’accompagnent et qui dénonce 

l’image idéalisée des libérateurs russes. Elle porte dans les deux nouvelles des traits 

d’ambiguïté, dont l’ampleur est saisie par l’antithèse dans Le Secret de Klára Bendová : 

Ils [les habitants du bourg, les autochtones] les [les libérateurs russes] accueillirent avec des chants, ils 

les couvrirent de fleurs. Mais le soir même, les gens se turent, leurs visages se figèrent à nouveau 

d’angoisse et de peur. 331 

De même dans Les Journées de mai l’ambivalence de la Libération se trouve 

soulignée par l’antithèse : « Cela paraissait beau, mais les exclamations ne sortaient pas, 

s’étouffèrent pour ainsi dire dans la gorge. » 332 

De même, il n’y a pas d’univocité dans la présentation des personnages. Il n’y a pas 

de schématisation en héros noirs et blancs chez Čep comme il n’y a pas d’hommes 

seulement bons ou mauvais dans le monde. Certains Allemands, c’est-à-dire des 

« ennemis », peuvent se montrer meilleurs, plus humains que certains Russes, c’est-à- 

dire des « libérateurs ». On le voit bien lorsque Teodor Benda, directeur de l’institut 

d’enseignement est, après avoir servi d’interprète aux Russes, car le seul connaissant 

leur langue, arrêté la nuit même de la Libération dans sa maison. S’il peut se féliciter de 

ne pas être fusillé, il est tout de même mis en prison sans procès, sans la moindre 

explication à sa famille qui en subit les conséquences douloureuses. « Car ce qui s’est 

passé fut une injustice, intentionnelle et incompréhensible » 333 , premier signe du 

désarroi des mois d’après-Libération remplis de dénonciations, de règlements de 

comptes entre les voisins, entre les proches. 

En revanche, les Allemands des derniers jours de la guerre qui se précipitent en 

fuyant vers l’ouest font parfois presque figurent des pauvres minables, « des fourmis 

géantes traquées, auxquelles quelqu’un barre le chemin, qui essaient de fuir par là ou 

par ici » 334 . Parcourrant le village de Vojtěch Kratochvíl, alter ego de Čep lui même 

dans Les journées de mai, les Allemands, « ceux qui ne demandaient pas la permission 

d’entrer » 335 , occupent une partie de la maison natale de Vojtěch, habitée par lui, sa 

331 

« Přivítali je se zpěvem, zasypali je květinami. Ale už k večeru lidé zmlkli, jejich tváře znovu tuhly 

úzkostí a strachem. », Œuvres III, p. 339. 

332 

« Zdálo se to krásné, ale výkřiky jaksi selhávaly v hrdle. », Œuvres III, p. 334. 

333 

Œuvres III, p. 339. 

334 

« […] ohromní poplašení mravenci, kterým někdo nastavuje nohu, ať se pokusí uniknout tím nebo 

oním směrem », Œuvres III, p. 333. 

335 Œuvres III, p.325. 

125


mère et ses deux sœurs. Les occupants ne font pas peur aux femmes pour autant : « ce 

sont tous de vieux pépères », « ils n’ont rien touché jusque là, n’ont pas ouvert 

d’armoire », dit la mère à Vojtěch. Et quelques jours après, arrivèrent d’autres 

« visiteurs » involontaires dans la maison, qui après avoir appris leur capitulation, 

veulent trinquer à la santé des domestiques, s’adressant à Vojtěch : « Wir verstehen… 

que vous n’avez pas voulu nous voir. Mais nous ne sommes pas tous de mauvaises gens. 

Seulement, nous sommes trop habitués à obéir. » 336 L’écho du Silence de la mer de 

Vercors où le personnage du soldat allemand est vu de manière plutôt positive, ou du 

moins humaine, est apparent. Il est vrai, d’ailleurs, que Čep écrivit un long compte 

rendu sur le livre de Vercors. Il n’y a donc pas de peinture schématique, en noir et 

blanc, des Allemands. A chaque page, on sent ici la contradiction qui est celle du 

narrateur, voire de l’auteur, partagé entre le rejet de l’agresseur dangereux et la 

compassion pour les fuyards misérables : 

Il est vrai, ils ne violent pas et ils ne tuent pas. […] Ils sentent qu’ils jouent leur peau, que ça tourne 

mal. Ils voudraient atteindre leurs maisons. Mais si un furieux ou un fou leur ordonnait de tuer, ils se 

mettraient à tuer… 337 

Ainsi, au lieu de contribuer à conforter la légende de l’armée russe, chantée alors par 

la quasi-totalité des écrivains tchèques, Čep procède au contraire à la démythification de 

la Libération. Certes, la Libération met fin à six années de guerre, mais comme le note 

le narrateur čepien « la fin n’est jamais vraiment la fin » 338 , elle est plutôt le 

commencement d’autres événements funestes, ou mieux leur présage. La liberté 

découlant de la Libération n’a pas le caractère joyeux et purifiant surtout du fait qu’elle 

s’ouvre par une mort arbitraire. Dans Les Journées de mai c’est l’indigène Hynek 

Spurný qui, juste avant l’arrivée des chars russes, tire gratuitement sur un Ukrainien 

« comme sur un lièvre ou sur un chat » 339 . C’est dans la bouche d’une femme regardant 

la scène que Čep met le commentaire suivant : « Comment se peut-il que même les 

nôtres deviennent fous… […] Si cela doit être la nouvelle liberté… » 340 . 

336 

Ibid., p. 332. 

337 

« Je pravda, že neznásilňují a nezabíjejí. […] Cítí jenom, že jim jde o kůži, že to končí špatně. Chtěli 

by se dostat domů. Ale kdyby jim nějaký zuřivec nebo blázen dal rozkaz vraždit, začnou vraždit… », 


338 

« […] konec není nikdy koncem », Œuvres III, p. 323. 

339 


340 

« Jak je možné, že se i naši lidé zblázní… […] Má-li to být tohle ta nová svoboda… », Œuvres III, p. 

334. 

126


La « nouvelle-esquisse » se termine par l’embarras croissant de Vojtěch qui se voit 

chargé par le maire de tenir le discours solennel. L’ambiguïté est apparente. 

Le Secret de Klára Bendová se déroule dans les mois d’été suivant la Libération. Le 

narrateur fait plusieurs retours en arrière en fonction des souvenirs et des rêveries du 

personnage principal. L’ambiguïté de cette période qui suit les moments de la 

Libération n’est pas due seulement à l’atmosphère malsaine de dénonciation et 

d’insécurité comme nous l’avons déjà signalé. La mort d’une « grande belle fille » fait 

planer sur cette nouvelle liberté comme une ombre, comme une mauvaise conscience. Il 

reste d’ailleurs difficile de savoir si Claire est arbitrairement tuée par un soldat russe qui 

la surprend au moment où la fille se décide à prendre un bain dans un ruisseau, ou bien 

si elle est morte après une chute accidentelle causée par une alarme des coup de fusil du 

soldat : 

Soudain un autre coup de feu claqua. Fut-ce un son réel ou bien un souvenir de l’angoisse qu’elle 

avait éprouvé un instant plutôt ? […] Claire sursauta, il lui semblait glisser sur des cailloux, agita les 

bras, mais ne parvint à s’accrocher à rien… Quand elle se réveilla, elle avait les pieds dans l’eau, le 

dos appuyé contre le bord. Elle avait terriblement mal à la tête, des taches rougeâtres lui dansaient 

devant les yeux. […] La surface du ruisseau devint étrangement rose. « Je saigne, » pensa-t-elle. La 

frayeur l’envahit. Elle se releva encore une fois, fit plusieurs pas chancelants, s’affala sur le bord. […] 

On n’a trouvé Klára Bendová qu’à la fin du soir. […] La plaie profonde à l’occiput pouvait être 

causée par un choc avec une pierre ou autrement. Qui l’a couvert de vêtements ? Les gens qui l’ont vu 

les premiers, affirmaient qu’elle était entièrement nue, mais le lendemain ils l’avaient dénié. Les 

médecins ont parlé d’un malheureux accident. 341 

Le suspens reste encore une fois entier, ce qui renforce l’ambiguïté non seulement du 

dénouement mais aussi l’ambiguïté générale de la nouvelle. Rappelons d’ailleurs son 

titre qui joue sur l’opposition de la clarté impliquée par le prénom de l’héroïne et de 

l’obscurité du secret qu’elle cache : Le Secret de Klára [Claire] Bendová. Le sens ou le 

référent de ce « secret » reste tout aussi ambivalent. Il s’agit bien sûr de la non 

élucidation de sa mort ; toutefois une lecture différente s’impose : le secret peut 

impliquer l’acceptation intime de la souffrance, du sacrifice de Claire, comme nous 

l’observerons un peu plus loin. 

341 « Najednou třeskl zase výstřel. Byl to skutečný zvuk nebo vzpomínka na úzkost, kterou zakusila před 

chvílí? […] Klára vyskočila, zdálo se jí, že sklouzla po kamení, zamávala rukama, ale nestačila se ničeho 

zachytit… Když se probrala, měla nohy ve vodě, záda se opírala o břeh. Hlava ji hrozně bolela, před 

očima jí tančily červenavé skvrny. […] Povrch tekoucího proudu podivně zrůžověl. „Krvácím,“ pomyslila 

si. Pronikla ji hrůza. Zvedla se ještě jednou; udělala několik vrávoravých kroků, svalila se na břeh. […] 

Kláru Bendovou našli až sám večer. […] Hluboká rána v týle mohla být způsobena nárazem o kámen 

nebo jinak. Kdo přes ni přehodil šaty? Lidé, kteří ji viděli první, tvrdili, že byla úplně nahá, ale druhý den 

to zase zapírali. Lékaři mluvili o nešťastné náhodě. », Œuvres III, p. 342-323. 

127


IV.1.3. Les motifs de l’exclusion et de l’étrangeté 

Dans sa présentation sommaire de l’œuvre de Jan Čep écrite en exil, Milan Burda 

relève entre autres ceci : 

Les quatre récits ont en commun le sentiment éprouvé par leurs héros d’être des parias de la société où 

ils vivent et l’impossibilité de communiquer véritablement avec autrui, porteurs qu’ils sont des 

stigmates d’une irréductible différence, et cela qu’ils se trouvent dans leur pays natal ou qu’ils vivent 

sur une terre d’asile. 342 

Le mot de « parias » figure même dans le texte de Čep où il est employé pour 

désigner les protagonistes des Tziganes. On ne s’étonnerait pas, d’ailleurs, de voir 

s’exprimer des sentiments d’étrangeté, d’exclusion, de déracinement chez un écrivain 

émigré. Or, il serait incongru et superficiel de ne pas reconnaître que tous ces éléments 

sont imminemment présents déjà dans l’œuvre antérieure à l’émigration de Čep. Le 

héros souffrant de l’étrangeté, de l’exclusion sous une forme quelconque et à des degrés 

différents, est un personnage typiquement čepien, et on pourrait même dire un 

personnage de prédilection pour l’auteur 343 . 

Chez Čep pour qui tout homme se définit comme un « pèlerin sur la terre » se 

dirigeant vers son vrai chez-soi hors de ce monde, il ne peut pas ne pas y avoir l’aspect 

de l’étrangeté. C’est l’un des traits constitutifs de son univers imaginaire qui est basé sur 

l’existence du « double chez soi ». Encore, ne faut-il pas s’y tromper – si nous parlons 

de l’étrangeté, ce n’est pas toujours avec des connotations négatives de différence, 

d’exclusion, de ban, même si ces dernières sont fréquentes. C’est tout simplement un 

aspect de la condition humaine que d’être étranger dans ce monde, d’y passer en 

« hôte » qui, à travers cette vie terrestre et provisoire, aspire à atteindre la véritable 

demeure, durable et originelle. Nécessairement, les récits de Čep sont habités par un 

nombre important de figures de rôdeurs, de vagabonds, d’errants, de naufragés, 

d’étrangers chez soi et à soi-même, mais aussi de pèlerins tranquilles et méditatifs, de 

« blooming pilgrims » comme le dit P. Demetz 344 . D’où aussi l’abondance des chemins, 


343 Dans sa conception de l’art et de la littérature en particulier, Čep souligne le rapport tout à fait 

privilégié qu’entretient le poète (écrivain) avec l’humanité souffrante et les exclus : « D’après la loi de la 

gravitation mystérieuse et infaillible, le poète tend vers les choses et les êtres humiliés et souffrants, aux 

hommes et aux destins brisés et menacés, à la douleur non révélée et silencieuse. » « Úděl, který nebude 

básníkovi odňat », Œuvres IV, p. 123) 

344 Egalement J. Trávníček s’est aperçu de la grande fréquence du motif de cheminement, de marche, 

d’activité ambulatoire. Dans ce contexte, il repère deux cas de personnages typiques chez Čep qu’il 

128


des sentiers, des routes, des voyages et des pèlerinages dans les récits de Čep. D’où 

également l’importance sémantique capitale du topos du chemin. 

Pour illustrer notre propos, le prototype de ces « blooming pilgrims », ces amateurs 

de la vie, serait Tomáš Suchomel de L’Herbe des champs qui, en parcourant les contrées 

de sa patrie savoure toutes ses beautés. Pour lui et ses semblables le chemin est une 

métaphore de la liberté. Ou bien pensons à un autre type de personnage čepien, incarné 

par Prokop Randa, protagoniste du roman La Frontière de l’ombre, qui après avoir 

parcouru le monde, revient en « naufragé » dans le pays de ses aïeux pour y retrouver 

son identité et sa vocation profonde. C’est d’ailleurs l’une des situations modèles de 

l’univers romanesque čepien, ce retour du héros des pays lointains dans son village natal 

afin de s’y retrouver, de renouer avec ses racines. C’est parce que le pays natal, 

l’intimité de l’enfance, l’espace saturé de la présence des ancêtres, représente pour Čep 

un lieu tout à fait privilégié où les deux demeures de l’homme, terrestre et 

métaphysique, peuvent mieux s’entrelacer et s’entrecroiser. Et nous voilà au point nodal 

de la vision de Čep qui est « le double chez soi », alpha et oméga de toute la création de 


Certes, on trouve des exceptions, plutôt rares, des personnages qui sont comme 

dépourvus de la magie qu’exerce sur les personnages čepiens le pays natal. On se 

souvient d’un Artur Stein de La Frontière de l’ombre, ce cosmopolite inassouvi, qui ne 

veut pas se fixer, ne peut tenir en place, ou de Jan Šimon du dit roman, poussé par une 

inquiétude métaphysique à quitter son village pour essayer sa quête de bonheur ailleurs. 

Avec Les Tziganes entre en scène un nouveau type de personnage dans lequel 

l’aspect d’étrangeté se radicalise et s’intensifie parce qu’il se double de l’exclusion. 

Prokop Randa ou Tomáš Suchomel sont tous deux des errants : Prokop, recherchant sa 

propre voie, est avant tout étranger à lui-même ; Tomáš Suchomel, le « amateur » de la 

vie, peut aux yeux des autres faire figure de vagabond en marge de la société ou de doux 

rêveur. Cependant tous deux ils leur chez-soi où ils sont libres de revenir. Ils ont en 

réserve leur village natal qui reste le point stable et sûr de leurs vies agitées. Or, les 

tziganes sont des nomades, de vrais apatrides, sans domicile fixe. En raison de leur 

nomadisme, ils se distinguent radicalement des autres et cette étrangeté constitue une 

désigne comme « Pilgrim » et « Wanderer ». Le premier représente un « archétype d’un pèlerin médiéval 

cheminant sur un lieu déterminé d’avance », le second fait cas d’un « pèlerin romantique rôdant sans but 

dans le paysage, d’un lieu à un autre ». Cf. J. Trávníček, « Dvojí domov, jeden vypravěč a jeho trojhlas » 

(Double chez soi, un narrateur et ses trois voix), Česká literatura, n° 2, 1997, p. 204. 

129


différence irréductible qui entraîne dans le récit le mépris, l’exclusion et finalement 

l’expulsion (déportation). 

Enfin la forme suprême de l’étrangeté, son degré supérieur, s’incarnera dans le type 

du personnage de l’« exilé », déraciné de chez-soi, errant dans l’ailleurs, déchiré entre 

« ici » et « là-bas », mais finalement condamné à la solitude. Nous en reparlerons dans 

le sous-chapitre suivant. 

Pour terminer cette digression rassemblons schématiquement tous ces aspects liés à 

l’étrangeté et au statut de « l’homme-pèlerin-sur-la-terre » qui sont indissociables en 

proposant un tableau synoptique. Les types particuliers exposés ci-dessous ne sont 

évidemment pas nettement délimités, ils peuvent s’interpénétrer, traverser plusieurs 

stades dans un même récit. 

Type 

Rôdeur- 

vagabond 

Rôdeur- 

amateur de la 

vie 

Voyageur- 

cosmopolite 

Pèlerin 

Naufragé 

Déraciné (de 

chez soi) 

Etranger- 

exclu/proscrit 

Exilé 

Exemple 

(ouvrage) 

Hanýsek (L’Herbe 

des champs) 

Tomáš Suchomel 

(L’Herbe des 

champs) 

Artur Steine (La 

Frontière de 

l’ombre) 

Vojtěch (Le 

Pèlerinage), 

Prokop Randa (La 

Frontière de 

l’ombre 

Jakub Kratochvíl 

(Pentecôte) 

Les nomades (Les 

Tziganes) 

Pavel Kříž 

(Devant la porte 

fermée) 

Trait caractéristique/ mobil 

du cheminement 

Remord, faute non expiée 

Amour de la vie et de la terre, 

de leurs beautés 

Sens/réaction des autres 

Fuite devant les remords, devant 

soi 

Expression de la liberté 

Juif errant Etre sans racine 

Foi, rencontre de l’au-delà, 

pèlerinage au sens religieux 

Retour au pays natal, 

recherche de l’identité 

Etrangeté, déracinement en 

raison des études en ville, de 

la culture revêtue 

Différence irréductible, 

nomadisme, liberté sauvage 

Différence irréductible : fuite 

devant le régime totalitaire 

Point culminant du récit ; moment 

de la grâce, changement de la vie 

Pays natal – symbole du premier 

chez-soi ; lieu de manifestation de 

Communio sanctorum 

Pour la plupart temporaire, étape 

nécessaire pour se retrouver 

vraiment 

Persécution, mépris 

Solitude, déracinement, 

incompréhension 

130


Revenons enfin au cycle des récits de l’Occupation et de la guerre et notamment à la 

première nouvelle Les Tziganes où nous trouvons une certaine nouveauté dans l’entrée 

en scène d’un nouveau type de personnage et dans la gradation du sentiment d’étrangeté 

et d’exclusion qui lui est propre. 

Les Tziganes de Čep n’ont rien à voir avec leurs homologues romantiques chez 

Mácha. Alors que le plus grand des poètes du romantisme tchèque fait valoir surtout 

l’aspect sauvage, passionné et désordonné des Tziganes, mettant en relief le côté 

exotique comme le romantisme l’exigeait, les Tziganes chez Čep jouent un rôle 

beaucoup plus tragique. Leur tragédie qui est bien évidemment due au contexte de la 

Seconde Guerre mondiale a pour cause justement leur étrangeté, leur différence. 

Voyons tout d’abord comment les Tziganes sont décrits dans le récit de Čep et 

comment ils sont perçus par les villageois. Par leurs traditions ancestrales, leurs 

coutumes et pratiques proches de la sorcellerie, la couleur de leur peau, l’inintelligibilité 

de leur langue, et tout particulièrement par leur nomadisme, les Tziganes diffèrent 

radicalement des gens sédentaires, dits « ordinaires ». Systématiquement, la désignation 

des Tsiganes dans la nouvelle est périphrastique, ces périphrases soulignant toujours le 

mode de vie ambulant ou autres traits propres – ou supposé propres – à leur nature : « la 

vieille race vagabonde », « le vieux peuple vagabond et inassimilable », « la vielle race 

vagabonde et fière » 345 . Les Tziganes sont ainsi vus essentiellement sous l’angle du 

nomadisme : « ces nomades [...] venant on ne savait d’où et se dirigeant vers des 

destinations aussi imprécises, mus par des instincts ou des coutumes beaucoup plus 

insondables que celles des bêtes et des oiseaux migrateurs » 346 . 

La différence est telle qu’au regard des autres ils perdent même les caractéristiques 

des êtres humains, s’approchant plus du côté animal ou surnaturel, voire magique. Pour 

les enfants du village qui sont seuls à être attirés par les nouveaux venus, le monde de 

ces nomades « exhal[e] une odeur de liberté sauvage, de pratiques secrètes et cruelles, 

situé quelque part entre la bête et l’homme, au-dessus de l’homme peut-être » 347 . Le 

curé du village, qui seul prend en charge ces « nouveau citoyens indésirables », médite 

345 Les Tziganes, respectivement p. 83, 84, 85. 

346 Ibid., p. 83. 

347 Ibid., p. 84. 

131


sur leur fond, et confie au personnage-narrateur ceci : « On arriverait à se demander s’ils 

avaient une conscience humaine, des sentiments naturels. » 348 

Pour la plupart, la différence des Tziganes génère chez les autres (sauf justement les 

enfants et le curé) le mépris, la réprobation ou le sentiment du dégoût et devient en elle- 

même la cause et l’origine de leur exclusion, voire de leur persécution. Celle-ci a 

tendance à se renforcer. D’abord les Tziganes sont exclus des deux communes entre 

lesquelles, ils durent se fixer à l’issue du décret funeste (« les deux villages se 

disputaient et se renvoyaient tour à tour ces nouveaux citoyens indésirables » 349 ), puis 

ils sont soumis aux travaux forcés pour le Reich (ce qui donne l’occasion une fois de 

plus à une comparaison animalière : « Qu’un Tzigane travaillât comme les autres, cela 

semblait une chose contre nature, comme si l’on voyait une superbe bête sauvage porter 

des fardeaux ou faire tourner une roue » 350 ) avant d’être finalement déportés « dans un 

wagon à bestiaux », conséquence nécessaire de « la terrible théorie des races ». Si la 

non-acceptation des deux villages a le caractère d’exclusion partielle, restreinte, car 

limitée à une localité géographique, l’expulsion finale donne à l’exclusion un caractère 

universel – les Tziganes, comme les Juifs, sont exclus de l’humanité entière. 

De surcroît, le rejet ne se produit pas seulement de la part des humains – des deux 

communes d’abord, de l’humanité entière de suite – c’est également l’espace, le 

paysage, la nature qui semblent y contribuer, le renforcer. Déjà la première phrase du 

récit suggère le « non-accueil » des Tziganes étant donné qu’ils doivent se fixer sur un 

terrain vague, dépourvu de présence humaine : « au milieu des champs sur un petit 

chemin qui séparait deux cadastres et deux communes » 351 . La même chose est répétée 

trois pages plus loin avec plus d’insistance et de force : « juste à la limite de deux 

communes, au milieu des champs plats et dénudés, sur un petit tertre battu de tous les 

vents et de toutes les pluies... » 352 . Les Tziganes sont ainsi expulsés dans un no man’s 

land, exposés à toutes les intempéries de l’hiver « qui s’annonce dur », saison- 

métaphore de la guerre qui se concrétise par le gêl d’un enfant nouveau né. 

D’après ce que nous venons de dire, on aurait pu avoir l’impression que le récit de 

Čep est trop pessimiste, qu’il sombre dans le noir sans issue. Il n’en est rien. Toute 

348 Ibid., p. 87. 

349 Ibid., p. 83. 

350 Ibid., p. 90. 

351 Ibid., p. 83. 

352 Ibid., p. 85. 

132


œuvre de Čep est marquée par une atmosphère sombre, par une tonalité morne qui 

semble encore s’accentuer dans certains récits d’exil. L’histoire des Tziganes ne peut se 

lire sans prendre en compte un certain contexte religieux qui imprègne l’univers du récit 

et qui est pour son interprétation fondamentale comme nous le verrons un peu plus loin. 

L’abandon des Tziganes n’est tout de même pas absolu. Il y a cette présence sacerdotale 

du vieux curé mourant qui s’engage pour les « paroissiens [...] encore plus malheureux 

que les autres », qui les prend en charge par une « compassion surnaturelle » pour 

reprendre le mot d’Etienne Borne dans son introduction au récit dans Terre humaine. Et 

puis il y a cette autre présence silencieuse symbolisée par la croix située « à dix pas de 

la roulotte », le Christ crucifié souffrant les mêmes peines et intempéries avec ses 

voisins noirs et qui est bien évidemment signe de l’espérance. C’est justement le rapport 

mystérieux entre la tragédie des Tziganes et la mort du curé dont les derniers mots 

rapportés par le narrateur sont « Le Christ... va... ressusciter... » – en outre, clin d’œil 

fait à Bernanos et son « Tout est grâce » dans le Journal d’un curé de campagne – d’un 

côté et tout ce contexte religieux qui vient d’être signalé et qui se manifeste par de 

nombreux signes, motifs, allusions, éléments spatio-temporels, qui permettent 

d’affirmer que le dénouement n’est pas senti par le lecteur comme tragique mais qu’il 

comporte une ouverture cathartique, un germe d’espérance. 

IV.1.4. L’aspect religieux 

L’élément religieux est omniprésent dans l’œuvre de Čep 353 . Lui même était dès le 

début de sa carrière littéraire conscient que le ressort principal de toute sa création est 

l’expérience religieuse 354 . De même, depuis ses premiers livres, la critique le classait 

parmi les écrivains d’inspiration catholique. Or, ceci ne signifie nullement que l’œuvre 

de Čep est un exemple de la littérature à thèse ni qu’elle est incompréhensible pour le 

lecteur ne partageant pas la foi de l’auteur. Čep savait bien que la philosophie ou, si l’on 

353 Pour examiner plus profondément le rapport des textes de Čep, de sa poétique notamment, au sacré, au 

religieux, nous ne saurions que recommander l’étude de Pavel Šidák, « Katolická poetika Jana Čepa » (La 

poétique catholique de Jan Čep), in : Víra a výraz, Brno, Host, 2005, p. 404-416, et plus amplement son 

mémoire de maîtrise très suggestif Poetika posvátného. Jan Čep a křesťanský archetext (La poétique du 

sacré. Jan Čep et l’architexte chrétien), élaboré sous la direction de Jan Wiendl et soutenu à l’Université 

Charles en 2002. 

354 Cf. la notation du journal à la date du 21 août 1936 : « Il n’y a pas de doute pour moi que je suis 

capable de créer seulement de la perspective religieuse. » 

133


veut, l’idéologie d’un ouvrage littéraire, ne doit pas sauter aux yeux, qu’elle doit être au 

contraire parfaitement assimilée et refondue « par l’imagination créatrice du poète et 

transformée dans la chair et la forme poétique » 355 . Il ne s’agit donc pas de faire de la 

littérature catholique, il s’agit de faire de la littérature de qualité, de valeur esthétique. 

L’inspiration de l’auteur ne correspond pas à la valeur de son œuvre et ne la fonde pas 

non plus. 

Nous venons d’affirmer que ni la pratique de la foi ni la compétence de la science 

des religions (catholicisme en l’occurrence) n’est nécessaire et indispensable pour la 

lecture de Čep, pour la compréhension de ses livres. Il reste toutefois vrai que la 

compréhension de l’élément religieux fonde un autre type de lecture et que 

l’interprétation faite par un croyant et un non-croyant ne sera pas identique. Comme l’a 

remarqué avec pertinence Ivan Slavík : « On peut y [dans Čep] trouver beaucoup, on 

peut accepter de lui beaucoup, on peut vérifier chez lui beaucoup, même si nous ne 

croyons pas. On peut ne pas voir l’essentiel. » 356 

Dans les pages précédentes nous avons plusieurs fois signalé l’importance du 

contexte religieux dans les récits écrits par Čep en exil. Le temps est venu de 

systématiser nos remarques jusque là trop éparses. 

IV.1.4.1. Le cadre spatio-temporel 

La Semaine Sainte 

Le fait que le dénouement des Tziganes est placé dans le cadre de la liturgie de la 

Semaine sainte donne au récit une dimension particulière. Ce moment qui représente 

pour l’Eglise catholique le moment clé, le sommet même de l’année liturgique, mêlant 

la souffrance de la passion avec la gloire de la résurrection, correspond parfaitement au 

mélange de l’angoisse et de l’espoir sous l’Occupation. Cette traversée de la passion à la 

résurrection est en plus redoublée dans le cadre naturel, par le passage de l’hiver au 

355 « [J]enom […] je-li křesťanská nauka zcela vstřebána tvůrčí obrazností básníkovou a proměněna 

v básnické tělo a tvar – lze mluvit o slovesné tvorbě křesťanské inspirace […] », Œuvres IV, p. 26. 

356 « Lze v něm nalézt velmi mnohé, lze z něh přijímat velmi mnohé, lze si u něho ověřit velmi mnohé, 

i když nevěříme. Je možno nevidět to hlavní. », I. Slavík, « Jan Čep, spisovatel křesťanský », in : Viděno 

jinak, Brno, Vetus via, 1995, p. 176. 

134


printemps. C’est le côté jubilatoire, l’espoir de la vie qui se réveille, qui prévaut, qui est 

mis en avant par la description du narrateur : 

Vint la Semaine Sainte encadrée d’un printemps timide, avec de jeunes feuilles tendres aux arbres et 

de frêles pointes d’herbe qui perçaient sur les talus, le long des chemins, portant chacune une petite 

goutte de rosée, le matin, quand la voix exaltée des alouettes s’élevait au-dessus des sillons 

fraîchement ouverts. Cette vie naissante se mêlait étrangement et inexprimablement à l’angoisse qui 

pesait sur les cœurs. 357 

Certes, on peut aller plus loin en repérant les correspondances de manière plus 

subtile. L’agonie et la passion du Christ, cette liturgie du Vendredi Saint qui « devenait 

plus éloquente que jamais » 358 se confond avec la tragédie des Tziganes (déportation) et 

avec l’agonie du prêtre mourant. Des analogies latentes avec le récit biblique se 

multiplient : l’enchère des choses délaissées par les Tziganes déportés font penser au 

tirage au sort des soldats romains pour récupérer la tunique de Jésus ; l’image du 

« colloque de Calvaire entre deux crucifiés dont l’un est un voleur de grand chemin et 

l’autre le Prêtre de Dieu » 359 surgit à l’esprit d’Etienne Borne au cours de la lecture de la 

nouvelle de Čep. La fin du récit située à la vigile du Samedi Saint se conclut par une 

pointe forte, par un contrepoint entre la mort du curé, devinée par le narrateur (et par le 

lecteur) avant même qu’on ne la lui apprenne, et la solennité de la résurrection 

condensée dans « le vieux chant de triomphe, le cri suprême de l’espérance chrétienne, 

vibrant à travers les siècles, jaillissant vers l’éternité : ‘Resurrexit in hac hora’ » 360 , 

anticipé déjà par la phrase du curé à l’article de la mort : « Le Christ... va ... 

ressusciter... ». 

L’église et la croix 

L’église en tant que lieu sacré revêt chez Čep une importance capitale. Elle est le lieu 

central (unificateur) du village, car le lieu de culte, c’est-à-dire le lieu de la communion 

des gens avec Dieu. Par la forme verticale de ses tours, elle représente le lieu 

intermédiaire reliant la terre au ciel, l’humanité à Dieu. La position de l’église dans les 

Journées de mai est en ce sens significative : « L’église se dressait au bout même du 

357 

Les Tziganes, p. 91. 

358 

Ibid. 

359 

Introduction aux Tziganes, Terre humaine, avril 1952, p. 83. 

360 Les Tziganes, p. 96. 

135


village voisin, au pied d’un talus prolongé. Ses deux tours montaient dans le ciel bleu 

[…]. D’en bas lui répondait le silence de la terre embuée. » 361 

L’attribut de l’église, lieu sacré, c’est naturellement avant tout le silence sacré 

répondant à la présence divine mystérieuse concrétisée par la présence sacerdotale. 

Ainsi après le rasement du village voisin dans les Journée de mai « malgré le jeux de 

l’orgue, celui-ci ne pouvait étourdir un certain silence, étrange et profonde » 362 . De 

même dans Les Tziganes, le silence du jeune vicaire « s’approfondit étrangement, 

s’étendit à toute l’église » 363 . Le « sacrum » se manifeste pleinement au cours de la 

liturgie. Pour cette raison le regard du narrateur est souvent focalisé sur les gestes du 

prêtre. Ceux-ci également sont contraints par l’atmosphère sacrée et doivent la 

respecter. D’où les mouvements lents, graves, sublimes, implorants. Dans les Journées 

de mai, le jeune prêtre « déployait et levait les bras par un mouvement d’une insistance 

implorante » 364 , ses gestes sont « lents et mesurés » 365 . 

L’église représente un lieu de sécurité où les gens se réfugient devant les malheurs, 

où ils se sentent à l’abri des fléaux de la guerre. La messe finie, les fidèles ne se 

précipitent pas dehors, « il semblait qu’ils n’avaient pas envie de se disperser qu’ils se 

sentaient ici plus proche de quelque chose » 366 . L’église survit même à un 

bombardement proche en dépit du fait que « cette fois-ci, il paraissait vraiment que les 

murs de l’église ne tiendraient pas, que la voûte devait s’effondrer quelque part » 367 . 

Enfin l’église reste le lieu privilégié où se joue les moments capitaux de la vie des 

individus, que nous appellerons les « moments de grâce ». Ces moments qu’il ne serait 

pas incongru de nommer des moments de réveil ou même des moments mystiques sont 

une autre constante de l’univers čepien. Correspondant à une sorte d’extase ou de rêve, 

souvent, ces moments changent radicalement la vie des personnages. Dans les nouvelles 

qui nous intéresse, ce moment arrive à Claire et se déroule précisément dans l’église au 

cours de la messe. 

361 

« Kostel stál na samém konci sousední vsi, na úpatí táhlého svahu. Jeho dvě věže stoupaly do modrého 

nebe […]. Zdola mu odpovídalo ticho orosené země. », Œuvres III, p. 330. 

362 


363 

Les Tziganes, p. 95-96. 

364 


365 

Ibid., p. 330. 

366 

Ibid., p. 324. 

367 

« Tentokrát to opravdu vypadalo, že to zdi kostela nevydrží, že se klenba musí někde prolomit. », 


136


Ce moment est préparé par une anticipation dès le deuxième paragraphe du récit. 

Nous pouvons y lire que depuis l’arrestation injuste de son père « le poids permanent 

alourdissait son cœur » alors qu’« aujourd’hui pour la première fois comme si elle 

[Claire] était soulagée, presque tout d’un coup, sans raison » 368 . Le moment mystique 

est décrit de manière suivante : 

[...] ce jour avait une autre couleur que les soixante précédents qui s’étouffaient dans l’angoisse et les 

larmes. Cela commença le matin dans l’église. Au milieu de la messe, Claire eut soudain l’impression 

qu’elle était chez elle, au cœur même de quelque chose, d’où personne ne pouvait la répudier. Il en 

était peut-être ainsi pour ceux qui étaient assis à Ses pieds, au bord du lac, les bienheureux... 369 

Le moment de grâce revêt bien l’attribut d’exceptionnel, il change la perspective des 

journées mornes par une acceptation volontaire de la souffrance. 

Pour ce qui est de la croix, qu’il s’agisse de la croix au milieu des champs ou d’un 

crucifix suspendu sur le mur d’une chambre, elle renvoie aussi à la sphère du sacré. 

C’est une présence symbolique du Christ comme nous l’avons déjà vu dans Les 

Tziganes où le « Christ silencieux, étendu sur sa croix » 370 fut le seul à rester auprès des 

nomades abandonnés « en butte aux tourments, fendue par des froids blancs et 

violets » 371 . 

IV.1.4.2. Le personnage du prêtre 

Comme celui de Bernanos, l’univers imaginaire čepien serait difficilement 

concevable sans personnage sacerdotal. Il faudrait consacrer une étude à part au 

personnage du prêtre chez Čep, de même qu’il serait utile de consacrer une autre étude à 

la comparaison du prêtre chez Čep et chez son maître français 372 . Dans le cadre de notre 

368 

« […] jí ležela na srdci ta neustálá tíha » « Dnes ponejprv jako by se jí bylo ulevilo, skoro náhle, bez 

příčiny. », Œuvres III, p. 337. 

369 

« Přes to měl dnešní den jinou barvu než těch minulých šedesát, které se udusily v úzkosti a slzách. 

Začalo to ráno v kostele. Uprostřed mše měla najedou Klára pocit, že je doma, v samém srdci něčeho, 

z čeho ji nemůže nikdo vypudit. Bývalo tak asi těm, kteří sedali u Jeho nohou, na březích jezera, 

blahoslavení… », Œuvres III, p. 340. 

370 


371 

Ibid. 

372 

Nous ne sommes pas tout à fait d’accord avec l’affirmation de M. Trávníček selon laquelle les figures 

des prêtres čepiens ne sont pas du tout marquées par l’influence de Bernanos. Bien que les prêtres de Čep 

soient la représentation du clergé tchèque de la première moitié du XX e siècle, certains attributs, motifs, 

caractères, prouvent d’après nous la trace indélébile de Bernanos. Cf. M. Trávníček, « Tvář pod 

pavučinou (Čepovská studie) », Box, n° 2, 1992, p. 94-97. 

137


travail nous ne pouvons que nous contenter de relever quelques traits généraux de 

manière nécessairement limitée. 

D’une part les personnages de prêtres ne sont pas mis chez Čep dans la position du 

héros, du protagoniste de ses récits, d’autre part leur rôle est le plus souvent 

considérable aussi bien que leur influence sur le héros et les autres personnages. Il suffit 

de se rappeler les figures des prêtres dans certaines longues nouvelles de Čep, tel le Père 

Klement dans Jakub Kratochvíl ou le Père Stoklas de La Frontière de l’ombre qui tous 

deux influencent de manière essentielle la vie des héros. Ils jouent le rôle d’un correctif, 

d’une conscience latente qui empêche l’aberration définitive du héros. 

Le personnage du prêtre – chez Čep il s’agit le plus souvent d’un curé de campagne – 

reste à la fois très humain, subissant pleinement la pesanteur terrestre, et hors ce monde 

par son rapport particulier à Dieu. Ainsi ses curés éprouvent-ils des douleurs, des doutes 

quant à leur vocation, une tentation de découragement au cours de leur mission, voire 

une sorte d’insatisfaction, mais en même temps ils parviennent à les surmonter par une 

mise à disposition totale de leur existence en faveur de Dieu et des gens. Malgré leur 

humanité, les prêtres chez Čep se distinguent des autres personnages, ou plus 

précisément, les autres ressentent leur différence. Celle-ci est due au fait de leur 

sacerdoce. Ils sont consacrés de Dieu, ils jouissent d’un lien spécial, sacramental avec 

Dieu. Nous le voyons bien sur l’exemple d’Antonín, personnage du curé des Trois 

passants : « Ses amis le traitaient comme leur égal, cependant, ils sentaient en même 

temps comme si un cercle invisible était tracé autour de lui, qu’il n’est pas permis de 

traverser. » 373 

Le prêtre chez Čep est souvent caractérisé par un visage pâle, une maigre stature, 

parfois maladive, ce qui doit signifier son retrait du monde, l’ascèse volontairement 

imposée et assumée. En contrepartie, il est doté parfois de capacités hors du commun, 

comme celle de voir dans les autres, de lire dans leurs âmes comme dans des livres. Le 

rapprochement avec Bernanos est ici immanquable. 

Dans Les Tziganes, le curé est un personnage principal, à côté de la troupe des 

Tziganes et du personnage-narrateur, témoin des événements. Nous apprenons qu’il 

373 « Jeho přátelé s ním zacházeli jako se sobě rovným, ale cítili zároveň, jako by byl okolo něho 

narýsován neviditelný kruh, který není dovoleno překročit. », Œuvres III, p. 355. 

138


s’agit d’un vieux curé malade « qui sentait que ses forces le désertaient » 374 et pour qui 

« la distance de l’église au presbytère s’allongeait […] d’un jour à l’autre » 375 . La 

description physique du prêtre n’est pas offerte au lecteur, à l’exception des indices de 

cette décrépitude. Le prêtre lui même se rend compte de son état et le glose avec une 

pointe d’ironie fine, se caractérisant comme « une pauvre vieille carcasse qui est près de 

ses dernières convulsions » 376 ou se plaignant de « ce pauvre corps qui [lui] joue de 

drôle de tours » 377 . Seul son regard « juvénile » comme s’il restait toujours jeune et 

résistait à la déchéance corporelle. C’est à lui que le narrateur porte une attention 

accrue. Le regard, les yeux sont avec les mains (« sèches et brûlantes », « moites et 

fiévreuses ») la seule partie qui est décrite d’une manière concrète dans le récit. Deux 

fois il s’agit du regard au sens propre : « son regard merveilleusement bleu et 

tendre » 378 , « ses beaux yeux juvéniles, agrandis » 379 . Ce sont les yeux du curé qui sont 

décrits par leur couleur, leur lustre, nuance, etc. en donnant en même temps par le 

procédé métonymique, les qualités de caractère du personnage comme la tendresse, la 

jeunesse d’esprit. Pour la troisième fois, la caractérisation du regard du prêtre est 

beaucoup plus lourde de sens, car ce regard « naïf et solennel » n’est plus la description 

du physique ; il est signe de la mort proche et renvoie à la réalité de l’au-delà. C’est le 

regard qui trouble le héros-narrateur, celui-ci ne trouvant pas de sujet de conversation 

« devant ce grand regard naïf et solennel qui commence déjà à subir l’attraction d’une 

vision plus qu’humaine » 380 . 

Le profil du caractère du prêtre est donné en deux traits seulement : l’ascèse et la 

charité. Le premier est révélé par une focalisation sur sa demeure modeste, voire pauvre 

(« Le presbytère était vieux [...] de dimensions mal appropriées à notre temps 

d’économie hygiénique, et il était difficile d’y trouver un coin un peu accueillant. » 381 ), 

sur sa pudeur vis-à-vis des soins que les autres prennent pour lui, sur son refus de 

s’aliter sur un lit plus confortable. Le second se manifeste non seulement dans la 

tendresse de son regard mais surtout dans sa compassion et son engagement pour les 

374 


375 

Ibid. 

376 

Ibid., p. 92. 

377 

Ibid. 

378 

Ibid., p. 87. 

379 

Ibid., p. 92. 

380 

Ibid. 

381 

Ibid., p. 86. 

139


Tziganes (« la pensée de ces parias misérables l’obsédait » 382 ). Ce qui est tout à fait 

singulier dans le récit – et nous l’avons déjà souligné – c’est le fait que la tragédie des 

Tziganes est mise en rapport, s’entrecroise, avec l’agonie et la mort chrétienne du 

prêtre. Il convient de présenter un thème extrêmement čepien, celui de la mort. 

IV.1.4.3. La souffrance et la mort : sens chrétien 

Le « poète de la mort », tel fut le titre décerné à Čep par le doyen de la critique 

tchèque F. X. Šalda au début des années 1930 383 . Ceci reste valable également pour la 

création d’après 1948. Si nous faisons le bilan des morts dans les trois récits dont nous 

parlons dans ce chapitre, nous arrivons au chiffre de 4 sans compter deux groupes, celui 

des Tziganes déportés destinés, eux aussi, à la mort, et celui du carnage de Javoříčko, 

village rasé par les Allemands dont la réminiscence se trouve dans Les Journées de mai. 

Ce sont le bébé gelé et le vieux curé dans Les Tziganes, Claire et l’Ukrainien dans les 

deux autres récits. C’est la mort du curé et celle de Claire qui nous intéressent, 

puisqu’elles suscitent la réflexion du point de vue religieux. 

Trois vérités de la foi catholique sont illustrées par les deux récits de Čep. Mieux 

vaut encore utiliser le terme d’« incarnation » ou de « diffusion » au lieu 

d’ « illustration » qui pourrait faire penser à l’illustration d’une thèse, d’une tendance. 

On pourrait les énumérer ainsi : la mort comme le passage dans l’éternité (ou l’existence 

de la vie après mort), le sens chrétien de la souffrance, le sacrifice substituant. Tous les 

trois sont évidemment étroitement liés, les deux derniers pouvant être considérés 

comme deux aspects d’une même chose. Relevons tout simplement quelques citations 

pour concrétiser notre propos. 

Dans Les Tziganes la dernière rencontre du curé avec le héros-narrateur nous révèle 

les réflexions du prêtre au sujet de la mort qu’il sent approcher. Son état d’esprit trahit 

le mélange d’angoisse et d’attente sereine. L’évocation forte de l’enfance de l’agonisant 

fait encore penser à Bernanos, à cette idée qu’il faut redevenir innocent et pur comme 

un enfant pour passer sans danger par la mort. 

382 Ibid., p. 87. 

383 F. X. Šalda, « Dva moderní vypravěči », Šaldův zápisník, V, 1932-1933, p. 407. 

140


Ce qui retient le mourant ici bas, c’est le sentiment de ne pas avoir achevé le travail 

dans « ce pauvre monde », de ne pas l’avoir accompli de manière suffisante, de l’avoir 

parfois trahi. C’est enfin le côté serein qui prévaut, la sérénité venant du fait que le 

Christ, lui aussi, avait subi la mort. Ce qui suit dans le monologue du prêtre pourrait être 

pris pour une vulgarisation du sens de la mort chrétienne sans pour autant donner 

l’impression d’un ajout artificiel au récit : 

Ça ne m’amuse pas non plus de passer par là... j’aimerais mieux sauter par-dessus, pour me retrouver 

d’un seul coup de l’autre côté... Mais le Bon Dieu veut cela de nous, que nous souffrions de cette 

misère, de cette humiliation... Lui-même, Il ne s’y est pas dérobé... Mais mon ami, ça vient toujours 

un peu trop tôt, nous ne savons pas nous y prendre. On s’aperçoit toujours quand on est au bout qu’on 

a négligé tant de choses, qu’on les a mal faites... Et puis quitter ce pauvre monde quand tout y est sens 

dessus dessous, rien que ténèbres partout, et du sang et de l’horreur... 384 

La mort chez Čep est enveloppée d’un mystère impénétrable pour les vivants. Si 

l’auteur se hasarde à saisir le moment de la mort (ou tout simplement le moment de la 

perte de conscience), il n’a d’autre moyen que de recourir au vocabulaire très flou, aux 

vocables sémantiquement imprécis et indéterminés comme « quelque chose », « quelque 

part », « étrange » pour frôler ce qui reste pour chaque humain inimaginable et indicible 

dans le langage humain. C’est ainsi que Čep saisit le moment même de la perte de 

conscience de Klára Bendová, y ajoutant encore le jeu sémantiquement significatif de 

l’obscurité et de la lumière : 

Elle [Klára] entendit encore un rire d’enfant, le chant du coucou ; puis tout à coup quelque chose 

s’effaça devant elle, et quelque part au bout du couloir obscur et long se révéla une lumière étrange, 

qui s’approchait de plus en plus. 385 

Quelque chose de la mort, de son mystère, s’encroûte sur les mourants et à plus forte 

raison sur les morts dont l’expression du visage reflète qu’ils savent déjà. Si le regard du 

curé agonisant semble seulement entrevoir « une vision plus qu’humaine », le corps de 

Claire trahit manifestement sa « connaissance incommunicable » : « Son front rayonnait 

d’une blancheur paisible, ses paupières étaient enfermées sur une connaissance 

incommunicable. » 386 La mort chez Čep revêt en général une auréole de solennité, de 

gravité, de sublime. 

384 Ibid., p. 92. 

385 « Zaslechla ještě dětský smích, volání kukačky ; potom se před ní naráz něco uhnulo, a kdesi na konci 

dlouhé tmavé chodby se ukázalo podivné světlo, přicházelo blíž a blíž. », Œuvres III, p. 343. 

386 « Její čelo zářilo bělostí a klidem, její víčka byla přimknuta nad poznáním nesdělitelným. », Œuvres 

III, p. 343. 

141


Pour ce qui est de l’autre « vérité de foi », celle du sacrifice et de la souffrance 

volontairement assumés, elle donne le sens profond à la mort de Claire, qui sans prendre 

en compte la dimension religieuse (spirituelle) serait entièrement arbitraire et absurde. 

Or, le moment de grâce au cours duquel elle découvre d’emblée le sens de la souffrance 

acceptée non seulement la soulage de l’opprobre des autres mais la rend disponible à 

cette mort à première vue insensée. A nouveau cette « leçon de catéchisme » est 

organiquement incorporée dans le récit : 

La souffrance, contre laquelle elle se révoltait, adhéra à ses épaules. Elle l’accepta, la prit pour sienne. 

Et du coup ce fut comme si elle ressentait une autre épaule à côté de la sienne, chargée de son fardeau. 

Elle sentit que la souffrance du monde entier et de tous les hommes n’était qu’une, et que la sienne y 

prenait part. » 387 

L’image inédite du « rayon de la lumière, embué de larmes et de sang » 388 , auquel le 

sentiment mystique de Claire est comparé, a pour fonction d’anticiper sa mort. 

La nouvelle s’achève sur une pointe puissante, dans laquelle le père, libéré de prison, 

retrouve sa fille « dans le cercueil, couverte de fleurs » 389 . La dernière phrase du récit 

mise à la bouche de « l’homme grisaillé et brisé » 390 revient au sens profond de la mort 

de sa fille qui dans les termes théologiques est connu comme le « sacrifice 

substituant » : « Toujours quelqu’un doit payer […] Même s’il semble qu’il n’y a pas de 

dette. Et elle fut peut-être la plus riche d’entre nous. » 391 

IV.1.4.4. Allusions et intertextualité 

Les textes čepiens sont parsemés de signes qui renvoient aux réalités de l’au-delà. 

Qu’il s’agisse des symboles du sacré (objets et lieux), d’analogies latentes, d’allusions 

diffuses ou de citations concrètes, tous ces signes créent un réseau de significations 

(religieuses) et infléchissent nécessairement l’interprétation pour un lecteur qui sait les 

décrypter. 

387 

« Utrpení, proti kterému se bouřila, přilehlo těsně k jejím ramenům. Přivolila k němu, vzala je za své. 

A rázem jako by ucítila jiné rameno vedle svého, obtížené jejím břemenem. Ucítila, že utrpení celého 

světa a všech lidí je jedno, a že její utrpení je jeho částí. », Œuvres III, p. 340-341. 

388 


389 

Ibid., p. 343. 

390 

Ibid. 

391 

« Vždycky musí někdo platit, […] I když se zdá, že není dluhu. A ona z nás byla patrně nejbohatší. », 


142


Nous avons déjà fait remarquer quelques exemples d’analogies sous-jacentes avec le 

récit de la passion du Christ dans Les Tziganes : la mise aux enchères d’objets ayant 

appartenu aux déportés peut être mise en relation avec le tirage au sort par les Romains 

de la tunique de Jésus ; la compassion du curé à l’égard des Tziganes rappelle à Borne 

le dialogue au Calvaire entre Jésus et le larron. Ajoutons un autre parallèle possible, 

celui de la cohorte des Tziganes conduite dans un « wagon à bestiaux » par les 

« gendarmes, baïonnettes aux canons » et qui par la description de leur mutisme horrifié 

fait penser à la vision du prophète Isaïe du Messie en agneau mené à l’abattoir, lui aussi 

sans pousser un cri : « Hommes et femmes regardaient droit devant eux, terriblement 

muets. » 392 

En ce qui concerne les effets intertextuels au sens plus étroit, on en trouve dans les 

récits en question sous deux formes dont la distinction tient dans la démarcation précise 

ou non, ou dans la possibilité du repérage exact ou non dans le texte čepien. Ainsi nous 

avons d’un côté à faire avec des citations précises, marquées comme telles ; d’un autre 

côté il y a des allusions plus ou moins vagues qui sont incorporées dans le récit (champ 

du narrateur), ne différant aucunement de lui. Les premières, facilement repérables 

renvoient directement à son hypertexte (au sens genettien du mot) qui est soit biblique, 

soit plus largement liturgique. C’est par exemple le cas du chant pascal : « Resurrexit in 

hac hora » ou les citations bibliques dans Les Journées de mai lorsque Vojtěch assiste à 

la messe et médite sur les textes qui viennent d’y être lus et dont le premier d’ailleurs 

peut être compris en tant qu’anticipation des détonations prochaines dont l’église sera la 

scène (« La mer s’enfla, la terre trembla là où l’archange Michel descendit du ciel, 

alléluia. » 393 ). L’exemple parlant des secondes, dissimulés dans le récit, est celui que 

nous avons déjà cité en parlant du moment mystique de Claire : 

Au milieu de la messe, Claire avait soudain l’impression, qu’elle était chez elle, au cœur même de 

quelque chose, d’où personne ne pouvait la répudier. Il en était peut-être ainsi pour ceux qui étaient 

assis à Ses pieds, au bord du lac, les bienheureux... 394 

La deuxième phrase de la citation avec les « bienheureux » « au bord du lac » est 

évidemment une allusion au Sermon de la montagne où Jésus proféra les sept 

béatitudes. La fonction d’une telle allusion est fondamentale, car elle fait une sorte 

392 Les Tziganes, p. 93. 

393 « Vzdulo se moře a zatřásla se země tam, kde Archanděl Michael sestoupil z nebe, aleluja. », Œuvres 

III, p. 331. 

394 Œuvres III, p. 340. 

143


d’entorse, de détournement de la ligne de base du récit pour dévier dans un espace autre, 

dans un « hors récit ». Autrement dit, le récit produit une bifurcation qui consiste à 

superposer à l’action primaire (Claire assiste à la messe) un autre niveau de sens (récit 

biblique des béatitudes) et à les faire coexister et fuser dans un sens commun 

supérieur 395 . C’est le moment clé de la nouvelle dans lequel Claire comprend le sens de 

la souffrance et l’accepte. 

IV.2. Les récits d’exil 


Parmi les six récits écrits en émigration, seuls deux sont situés dans la terre d’exil et 

rendent directement l’expérience de l’exilé : Před zavřenými dveřmi (Devant la porte 

fermée) et Ostrov Ré (L’Ile de Ré). Čep les écrivit au début des années 1950 et les a 

rassemblés sous un titre commun d’une éloquence significative : Rozptýlení, que l’on 

pourrait traduire par « Dispersés » ou plutôt au singulier « Dispersion ». Les trois 

paratextes reliés pourraient se traduire à peu près ainsi : dispersés dans le monde entier, 

les exilés se voient rejetés devant les portes fermées, isolés comme des îles dans 

l’océan. Bien que les deux récits soient autonomes, ils sont reliés par une tonalité 

commune et par un personnage de l’exilé. Tous deux tâchent de donner une 

représentation de la réalité de l’exil. 

A la différence des Tziganes, Čep jugeait ses récits d’exil d’une manière 

extrêmement sévère comme si son autocritique notoire allait par l’expérience d’exil 

encore s’exacerber. Les notations de son journal recèlent amplement de ces auto- 

flagellations implacables : 

J’ai essayé d’écrire une nouvelle [...] Ce n’est pas une réussite. Manque de densité, rechute dans les 

clichés. Je n’ai eu aucune joie à écrire. Toutes les articulations mentales rouillées. – Ecrit un très 

mauvais récit (Devant la porte fermée). – Très mécontent. C’est aussi mauvais que certaines proses, 

395 Pour mettre en relief l’importance des références bibliques dans l’œuvre de Čep, P. Šidák emploie 

l’expression « suprèmement substantiel » et il précise : « Leur effet intertextuel a considérablement activé 

l’univers fictif […] de l’œuvre. », P. Šidák, La poétique du sacré. Jan Čep et l’architexte chrétien, op. 

cit., p. 135. 

144


non publiées, du temps de Zeměžluč. Aucune prise sur la réalité. Rien que moi-même et un moi-même 

terriblement appauvri. 396 

Vu le penchant chronique à l’autocritique qui fut propre à Čep, il serait incongru de 

surestimer des jugements semblables. V. Peška, formule dans la correspondance une 

évaluation plus objective en soulignant surtout la dimension spirituelle des deux récits : 

Je ne vous dirai pas de banalités à la « ça m’a plu » mais tout simplement : cela m’a touché, ce que 

vous avez écrit. Seul un aveugle peut ne pas voir derrière un fait divers peint de manière apparemment 

désespérée (comme la fête du 28 octobre à Paris, en l’an de grâce 1948) Votre certitude profonde, 

certitude naturellement non matérielle, mais d’autant plus sûre. Si je voulais renchérir, je dirais que 

c’est justement cette certitude la plus profonde et ce soutien dans la foi que je vous « envie ». Vous 

entendez ce que je veux dire. Vous seriez réellement « désespéré » et « déraciné » si vous n’aviez pas 

ce fond, ce que Kafka nomme « indestructible » ou bien comme dit Rilke la patrie métaphysique, 

« intérieure ». 397 

L’exil fait une telle irruption dans la vie de l’exilé qu’il suffit à lui même à fournir à 

l’écrivain la matière de son œuvre. Ainsi s’explique l’essor particulier de l’écriture 

autobiographique chez les écrivains exilés 398 . En ce qui concerne la forme, selon 

Andrew Gurr le moule favorit en exil, est la nouvelle. C’est elle qui permet à l’écrivain 

l’expression brute et immédiate de sa nouvelle expérience, de la situation limite dans 

laquelle il se trouve. Un récit bref correspond aussi mieux au désir urgent de l’écrivain 

de se trouver une nouvelle audience que, par exemple, un recueil de poésies qui en 

général pose au lecteur plus de difficultés que la nouvelle ou le conte. Gurr fait 

observer : 

The exile needs to communicate explicitly, in realistic prose fiction. Prose forms tend to leave less 

work for the reader [...] the exile feels more intensely the need to communicate fully, to leave as little 

as is practicable to the audience’s sympathy or understanding. The allusiveness and the imagisme 

which are poetry’s responses to alienation are too obscure for the true exile. 399 

Chez Čep ce sont précisément ces deux critères qui s’entrecroisent. Dans les deux 

récits d’exil, il incarne ses sentiments propres, ses expérience propres, les observations 

de ce qui lui arrive et de ce qui se passe autour. Il ne le cache pas d’ailleurs, nous avons 

396 Journal, respectivement le 28 octobre 1951, le 16 et le 22 août 1952. 

397 « Neřeknu Vám banalitu a la „líbilo se mi to“, ale docela prostě: dotklo se mne to, co jste napsal. Jen 

slepec může nevidět za zdánlivě beznadějně vylíčeným „fait divers“ (jako je oslava 28. října v Paříži léta 

páně 1948) Vaši hlubokou jistotu, jistotu ovšem nehmatatelnou, ale zato mnohem bezpečnější. Kdybych 

chtěl přehnat, řekl bych, že Vám právě tuto nejhlubší jistotu a oporu ve víře „závidím“. Rozumíte, co chci 

říci. Byl byste skutečně „désespéré“ a „déraciné“, kdybyste v sobě neměl to hlubší, to, jak říká Kafka 

„indestructible“, nebo jak říká Rilke svou „vnitřní“, metafysickou vlast. », V. Peška à J. Čep, le 29 mars 

1953. 

398 Cf. A.-R. Delbart, Les exilés du langage. Un siècle d’écrivains français venus d’ailleurs (1919-2000), 

Pulium, Presses Universitaires de Limoges, 2005, p. 201. 

399 A. Gurr, Writers in exile. The identity of Home in Moderne Literature, New Jersey, Sussex, 

The Harvester Press, Humanities Press, 1981, p. 19. 

145


déjà cité ce soupir de son journal intime : « rien que moi-même et moi-même 

terriblement appauvri ». Beaucoup de détails laissent facilement deviner que Pavel Kříž, 

professeur d’histoire médiévale à l’université dans la Tchécoslovaquie libre, n’est qu’un 

double de Čep. Parmi les livres qu’il a emmenés, on voit, entre autres, le Journal d’un 

curé de campagne « avec la dédicace de l’auteur ». Et le narrateur ne s’empêche pas de 

noter une remarque qui exprime une sorte de connivence et en même temps permet au 

lecteur de situer le moment de l’émigration du héros : « S’il s’était un peu dépêché, il 

aurait pu arriver aux funérailles de Bernanos. » 400 On sent bien que l’auteur ne fait pas 

grand effort pour dissimuler les éléments autobiographiques, que leur transposition, leur 

mise en fiction au sens de l’invention, de mensonge romanesque, lui importe peu. 

Si les récits d’Occupation, tels Les Tziganes et Le Secret de Klára Bendová, revêtent 

encore des miettes de « fictionnalité », les récits d’exil en sont presque entièrement 

dépouillés, la fiction se limitant plus ou moins à la troisième personne du narrateur et au 

nom propre inventé du personnage. Les événements et les faits les plus anecdotiques, 

les allusions et les références du narrateur, tout serait en mesure d’être décrypté à partir 

de la vie de l’émigré Čep jusqu’aux moindres détails. Or, nous savons depuis Proust que 

l’intérêt de l’analyse littéraire ne se résume pas à un rapprochement entre l’œuvre et la 

vie de son auteur. Que cette analyse biographique n’est aucunement nécessaire à la 

meilleure compréhension de l’œuvre. Quoi qu’il en soit, nous donnons entièrement 

raison à Vladimír Peška lorsqu’il affirme que le fond autobiographique des deux 

nouvelles de Čep « ne réduit point leur valeur universelle » 401 . 

L’histoire des deux récits est plus que simple, voire anecdotique. Le héros du 

premier, Pavel Kříž (ce qui donnerait en français Paul Croix), assiste à la 

commémoration de la fête du 28 octobre, organisée à Paris par la diaspora des émigrés 

tchèques. Après la réception, il rentre à son hôtel dont la porte est fermée à clé. Puisque 

personne ne réagit à sa sonnerie, il se voit obligé de passer le reste de la nuit dans les 

boulevards désertés de la métropole au point qu’épuisé par la fatigue, il s’endort au bord 

de la fontaine Saint-Michel. 

L’Ile de Ré manque encore davantage d’élément épique. Plutôt que de parler 

d’histoire ou de fable, il s’agit de la simple notation de petits faits quotidiens, 


401 V. Peška, « Jan Čep: Cikáni », op. cit., p. 9. 

146


d’impressions suscitées par le paysage, de réflexions et de souvenirs du narrateur. Le 

récit prend la forme, au moins partiellement, d’une lettre destinée à une amie. 

En faisant la typologie des personnages čepiens du point de vue de l’étrangeté, nous 

avons anticipé que la forme la plus radicale en sera l’exilé. Avant d’entrer dans 

l’analyse détaillée de deux récits d’exil, arrêtons-nous encore rapidement sur ce qui 

annonce dans l’œuvre de Čep (bien avant qu’il ne devienne émigré) le phénomène de 

l’exil. 

IV.2.2. Le présage de l’exil dans l’œuvre d’avant l’émigration de Jan Čep 

Tenant compte de ce qui avait été déjà dit à propos de la vision générale de l’univers 

de Čep (double chez soi, l’homme en tant que pèlerin ou étranger sur la terre), nous 

sommes susceptibles de déclarer que l’exil – métonymiquement parlant – est pour Čep 

une condition naturelle de l’homme. Son vrai chez-soi auquel il aspire au plus profond 

de son être n’est pas ici-bas, mais ailleurs. De ce fait, on a pu voir dans l’œuvre de Čep 

de vrais thèmes de l’exil dès le début de sa carrière littéraire. En témoignent les critiques 

comme celle de Miloš Dvořák qui, en traitant du deuxième recueil de nouvelles de Čep, 

Vigilie (La Vigile) (1928) lui propose un sous-titre « l’exil » 402 . Il parle précisément du 

« chant de l’exil » auquel se mêle du loin le « son du pays natal » 403 . Tout 

particulièrement le texte éponyme du dit recueil se révèle en fort présage du destin futur 

de l’exilé. Il s’agit de l’histoire d’un être banni, condamné à l’exil et à l’errance 

perpétuels en raison de son incapacité à se décider à se séparer des contours familiers. 

Citons-en quelques phrases parlantes : 

J’étais proscrit, je n’appartenais à nulle part. [...] j’étais cruellement puni pour ne pas avoir eu la force 

de me séparer. Je n’étais ni ici ni là-bas [...] de tout je me suis déshérité par le fait de ne pas oser. 404 

Ce paria, vagabondant à travers les pays, vivant de mendicité, reste malgré tout 

attaché par des liens extrêmement forts à son pays natal, au village où il a grandi. En 

dépit de toutes ses avanies, ce vagabond est sensé être plus heureux qu’un vrai exilé, car 

402 Cf. M. Dvořák, « Umění Čepových Vigilií », Tvar, II, n° 4-5, 1928, p. 186-190. 

403 « zvuk domoviny », ibid., p. 186. 

404 « Byl jsem vyhnancem, nepatřil jsem nikam. […] byl jsem krutě trestán za to, že jsem neměl sílu se 

rozloučit. Nebyl jsem zde ani tam […] ze všeho jsem se vydědil tím, že jsem se neodhodlal. », Œuvres I, 

p. 77. 

147


il a la possibilité du retour, ne serait-ce qu’à la dérobée, sous la nuit, car « il avait honte 

de revenir parmi les siens, où il n’y avait plus de place pour [lui] » 405 . C’est lui-même 

qui s’est exclu, ce n’est pas une conjoncture politique, une dictature qui l’a fait partir et 

qui lui interdit de revenir. Cet errant-vagabond est aussi et surtout un pèlerin cheminant 

les mille chemins qui sont ses seuls vrais amis, au point qu’il s’identifie à eux : 

Je me suis épris des chemins pour eux mêmes, pour leur figure de pèlerin, pour leur humilité et leur 

patience. Que de gens les traversent, que de traces les marquent ! Oh, qui voudrait décrypter l’écriture, 

gravée sur les chemins par des traces de pieds humains ! [...] J’ai marché sur les chemins asservis et 

avilis, pelés, écorchés, pleins de poussière et de plaies impures, traînant au milieu du paysage désert et 

aride [...] Ce sont ces chemins que je préférais [...] Nous ressemblions tant, moi dans mes habits roux, 

tout couvert de leur poussière [...] tout imbibé de leur douleur et de leur désir pèlerin – et eux si 

éreintés, si paisibles [...]. 406 

De tels passages, d’une grande beauté poétique, trahissent une sensibilité aiguë et un 

amour profond de Čep pour le monde ici-bas, pour la terre, pour le pays natal. Un autre 

passage-éloge du pays natal fait irrésistiblement penser à Mácha. Nous reconnaissons ici 

en Čep l’héritier du poète du romantisme tchèque dont les vers glorifiant la terre-mère, 

son berceau et sa tombe, sont connus par cœurs de tout élève tchèque. Ce passage, 

souvent varié par des écrivains tchèques en exil, retentit dans la profession du héros 

banni de Čep de la Vigile : 

Ainsi, ce soir, je me dresse encore une fois au-dessus de cette vallée à laquelle je suis attaché jusqu’à 

la mort [...] Et je sais pourtant que c’est toi, lieu mystérieux où il m’a été donné de naître, vers lequel 

je reviens dans mes rêves et auquel j’associe tous les contes de ma vie ; lieu qui ne peut être remplacé 

ni échangé par aucun autre, lieu unique au monde, mon pays ! 407 

Il nous fallut cette digression pour souligner une fois de plus sous une lumière un peu 

différente la vision du destin humain chez Čep, qui est dans le monde quasi peregrini et 

pour lequel, en conséquence naturelle, la vie n’est qu’une forme de l’exil. Il nous la 

fallut aussi pour démontrer que l’exclusion, le bannissement, l’exil, sont corrélatifs avec 

405 Œuvres I, p. 77. 

406 « Cesty jsem si zamiloval pro ně samy, pro jejich poutnickou podobu, pro jejich pokoru a trpělivost. 

Co lidí po nich přejde, co šlépějí je poznamená! Oh, kdo by chtěl luštit písmo, vyryté do cest šlépějemi 

lidských nohou! […] Šel jsem po cestách porobených a zneuctěných, lysých, odřených, plných prachu a 

nečistých ran, vlekoucích se uprostřed krajiny pusté a vyprahlé […] Tyto cesty jsem měl vlastně nejraději 

[…] Byli jsme si tak podobni, já v svých rezavých šatech, všecek pokrytý jejich prachem […], všecek 

prosáklý jejich bolestí a jejich poutnickou touhou – a ony tak utýrané, tak pokojné […] », Œuvres I, 

p. 79-80. 

407 « A tak dnes večer stojím zase nad touto dolinou, k níž jsem připoután nadosmrti. […] A přece vím, 

že jsi to ty, místo tajemné, ke mi bylo souzeno, abych se narodil, k němuž se vracím v snách a s nímž si 

sdružuji všechny pohádky svého života; místo, které nemůže být nahrazeno ani vyměněno žádným jiným, 

místo na světě jediné, můj domove! », Œuvres I, p. 81. 

Les célèbres vers de Mácha sont magnifiquement variés par exemple à la fin de la nouvelle d’Egon 

Hostovský Zápisky Bedřicha Davida o velké nevěře (Les notes de Bedřich David sur la grande trahison) 

incluse dans le recueil Listy z vyhnanství (Lettres de l’exil). 

148


l’amour du pays natal. Il nous la fallut enfin pour valoriser une unité et une continuité 

impeccable de l’œuvre de Čep, de son univers imaginaire, de sorte que Pavel Kříž ou le 

narrateur de l’Île de Ré renoue avec le personnage proscrit et errant de la Vigile. Ainsi 

ce que dit V. Peška à propos des derniers récits de Čep en exil peut sans aucune 

modification être rattaché non seulement au recueil de jeunesse des Vigiles mais à toute 

l’œuvre de Jan Čep : 

Dans le sentiment d’attachement aux lieux qui nous furent donnés en patrie (domov), et dans le 

sentiment de leur séparation, réside la première impulsion d’inspiration [...] de Jan Čep. 408 

Or ce qui nous intéressera par la suite, ce sera l’image de l’exil dans son acception 

plus limitée, non figurée, à savoir celle de l’exil de Čep après 1948. Non tant l’exil 

comme métaphore de la condition humaine, mais comme expérience réelle infligée par 

des événements extérieures de l’histoire du XX e siècle. Nous chercherons donc à saisir 

comment la réalité de l’exil entre dans les récits de Čep, comment elle est transposée et 

représentée. Quels aspects concrets de l’expérience des émigrés d’après 1948 entrent 

dans ses récits ? Y a-t-il des attributs propres à l’espace et à l’atmosphère de l’exil ? 

Comment le destin même de l’exilé est-il reflété et existe-il une issue à l’exil ? 

IV.2.3. Les facettes de l’exil 

Les différentes facettes de l’exil ressortent des nouvelles de Čep : perte, misère, 

détresse, crise identitaire, communication impossible, exclusion, solitude, errance, 

marginalisation... Voilà quelques termes qui correspondent à la situation d’exil et que 

nous avons abordés sous une lumière différente dans « Le portrait de l’emigré Jan 

Čep ». On les retrouve refondus dans le corps des récits d’exil, témoignant non 

seulement d’une tragédie individuelle mais aussi dans un sens plus symbolique de la 

dérive de l’humanité de l’après-guerre. L’exil chez Čep ne s’enferme pas dans un repli 

nationaliste larmoyant ni ne se fond non plus dans un melting pot cosmopolite. Comme 

l’a dit judicieusement V. Peška : 

[...] il faut rappeler le sens inappréciable de Čep pour la mesure dans la présentation du sujet aussi 

délicat qu’est la condition et la psychologie de l’exilé : il a esquivé deux écueils : pitié sentimentale de 

408 « V tomto pocitu příchylnosti k místům, která nám byla dána jako domov, a v pocitu odloučenosti od 

nich je první inspirační podnět […] Jana Čepa. », V. Peška, « Jan Čep: Cikáni », op. cit., p. 5. 

149


soi et héroïsation pathétique ; en revanche, il a rendu une tranche de vie d’un exilé avec tout ce qu’elle 

comporte de pénible, de dérisoire et de mortellement sérieux. 409 

IV.2.3.1. Le fardeau lourd à porter et la mission à entreprendre 

Le seul nom du héros n’est pas anodin à notre avis. Il peut être compris en tant que 

nomen omen de la situation de l’exil. Le nom Kříž (Croix), aussi bien que le prénom 

Pavel (Paul), sont fortement connotés et renvoient au domaine de la religion chrétienne. 

« Kříž » signifie l’instrument de torture ; au sens figuré c’est une peine, un fardeau 

lourd à porter. Pavel renvoie à l’apôtre Paul, missionnaire ardent de la bonne nouvelle. 

On peut admettre l’interprétation que ce nom propre suggère une vision, une conception 

de l’exil propre à Čep, qu’il révèle la tension entre la dure réalité de l’exil et la mission 

que l’exilé doit entreprendre. D’un côté l’exil représente pour l’exilé une dure épreuve, 

il doit l’assumer et la porter comme la croix, comme le fardeau. D’un autre côté, il a, 

aux yeux de Čep, une tâche spécifique à accomplir comme nous l’avons déjà fait 

remarquer : il est appelé à devenir le ferment de la communauté humaine, de souder 

cette communauté ce qui lui donne une sorte de mission comme à l’époque de Saint 

Paul. 

La dureté de l’exil se traduit d’abord dans la précarité, dans la privation matérielle, 

puis dans les relations interpersonnelles perturbées. C’est surtout le premier récit du 

diptyque qui nous laisse entrevoir la vie misérable des exilés. Ceux qui ont opté pour 

l’émigration durent assumer les conséquences de leur décision, souvent irrévocables. 

Partir, c’était probablement ne plus revenir, ne plus jouir de ses biens et de son statut 

professionnel, de son crédit moral, ne plus revoir ses amis et ses proches. Tout ce que 

Pavel Kříž emporte en France se résume à une boîte en carton qu’on lui offrit au camp 

de réfugiés en Allemagne contenant le strict nécessaire, et à une serviette contenant 

quelques livres, le seul souvenir de chez lui. 

L’un des topos de la littérature de l’exil c’est l’image des fêtes commémoratives, des 

diverses cérémonies qui permettent de brosser les rassemblements des exilés. Il suffit de 

penser au roman de Hostovský, Dobročinný večírek (La Charité mène le bal), traduit 

409 « [M]usíme opět připomenout Čepův neocenitelný smysl pro míru v podání námětu tak ošemetného 

jako je úděl a psychologie exulanta. Vyhnul se dvěma úskalím: sentimentálnímu sebelitování 

a pathetickému zhrdinšťování, ale podal kus života exulanta s tím co obsahuje trapného, směšného, 

i smrtelně vážného. », V. Peška, « Jan Čep: Cikáni », op. cit., p. 9. 

150


d’ailleurs en français par le couple Čep. De pareilles situations donnent l’occasion à 

l’auteur de mettre en scène tout un défilé d’exilés, de saisir leur grouillement, de faire 

rencontrer leurs différents types, bons ou méchants, d’en tirer facilement les intrigues 

nécessaires au roman. Čep lui aussi emploie la situation d’une célébration de la fête 

nationale par la diaspora des émigrés à Paris pour en faire le point de départ de son récit 

Devant la porte fermée. Pour Čep qui n’écrit pas un roman, il s’agit moins de tramer 

une intrigue que d’évoquer une atmosphère ennuyeuse et malsaine qui règne au sein de 

la communauté de l’émigration tchèque. Le lustre de la fête ne peut cacher non plus le 

dénuement matériel, la non-assurance existentielle de la plupart des participants aussi 

bien que l’éparpillement et la dissension latente de la diaspora tchèque : 

On voyait des manteaux de coupe parfaite, luisant de blancheur, et tout près des habits élimés, des 

cravates chiffonnées, des cols avec des traînés sales. Manifestement, ils ne sont pas tous partis dans 

les mêmes vêtements et dans les derniers mois, ils ne dormaient pas toutes les nuits dans un lit. Les 

regards par lesquels ils se rencontraient et se fuyaient trahissaient déjà le soupçon, les récriminations, 

la jalousie. 410 

Dans les premiers moments d’euphorie Kříž écrivait à ses amis des phrases pleines 

d’espoir et sa bonne volonté d’être utile dans le pays d’adoption. Il s’avère convaincu 

que la présence des exilés ne restera pas « stérile » et portera ses fruits sous forme de 

« semence d’une nouvelle communauté entre les pays et les nations » 411 . Cependant 

bientôt il est contraint de s’avouer l’échec de cette mission en 

s’interrogeant douloureusement : 

Où sont les liens vivants qui l’attachent à cette ville, aux gens qui l’habitent ? Lui-même, n’est-il pas 

menacé de rester un élément étranger dans la chair de ce pays, une chose séparée pour toujours, de 

plus en plus fatiguée et usée, que la botte d’un piéton distrait écartera finalement dans le caniveau ? 412 

Le nom propre de la personne est un trait de son individualité, il fait même partie de 

son identité. Or, celle-ci est en exil violemment foulée et humiliée. L’émigré Pavel Kříž 

n’est pas reconnu en tant qu’être libre et autonome, jouissant des droits civiques, il est 

réduit au statut de détenteur d’un récépissé délivré par une autorité anonyme. L’exil 

410 « Bylo vidět kabáty bezvadného střihu, košile, které svítily bělostí, a vedle nich šaty ošumělé, kravaty 

pomačkané, límečky s čmouhami špíny. Neodešli zřejmě všichni v stejných šatech, a za posledních 

několik měsíců nespali všichni každou noc v posteli. Pohledy, kterými se setkávali i kterými se vyhýbali, 

prozrazovaly už podezření, výčitky, závist. », Œuvres III, p. 361. 


412 « Kde jsou živá vlákna, která ho poutají k tomuto městu, k lidem, kteří v něm bydlí? Nehrozí jemu 

samému, že zůstane cizím tělesem v tkáni této země, věcí navždy oddělenou, čím dá tím unavenější a 

ošumělejší, kterou nakonec odhrne bota roztržitého chodce do rigola pod chodníkem? », Œuvres III, 

p. 366. 

151


intimide Pavel Kříž et exacerbe chez lui son « complexe des papiers » dont il souffrait 

déjà auparavant, mais qui en exil devient obsessionnel : 

Ses amis se moquaient de Pavel pour son « complexe des papiers ». C’était plus fort que lui. Il avait 

toujours mauvaise conscience, l’impression que ses papiers n’allaient pas, que l’on y décèlerait 

quelque chose de suspect ; que l’on découvrirait soudainement qu’il ne devait pas être là où il était. 413 

L’incarnation du pouvoir à la fois anonyme et tout-puissant de l’administration 

étrangère, c’est la préfecture. L’évocation de l’atmosphère de ce lieu, décrit en une sorte 

de collecte d’humiliation et d’avilissement humains, n’est pas dissemblable de l’univers 

étouffant des romans kafkaïens : 

La salle sordide où échouent les existences rejetées de tous les chemins, terres et océans... Mélange 

des langues de l’Europe, de l’Afrique et de l’Asie, regards errants dans les visages basanés, chaussures 

trouées, loques flasques... Sur un banc sans appui une femme donne indolemment le sein à un gosse 

hurlant. De temps en temps, un fonctionnaire entre, le poignet plein de papiers, et crie des noms 

mutilés, dans lesquels personne ne se reconnaît. 414 

A quel point défiguré le héros devait-il entendre l’appel de son nom compliqué par 

trois accents tchèques, imprononçable pour un Français : Kříž ? La langue, c’est en effet 

un enjeu majeur de la littérature d’exil. Chez Čep, il est présent abondamment. 

IV.2.3.2. La langue aliénée et la communication impossible 

Une autre facette de l’exil, c’est le bouleversement identitaire causé par le 

dépaysement subi et par le déracinement de toutes les certitudes dont la première est 

sans doute celle de la langue maternelle 415 . Une sorte de scission linguistique se laisse 

observer dans les deux récits d’exil. 

Premièrement, nous la distinguons dans le matériau linguistique (lexiques, tournures, 

phrases brèves) des récits, notamment dans les dialogues qui sont à plusieurs reprises 

413 « Přátelé se smávali Pavlovi pro jeho „papírový komplex“. Bylo to silnější než on. Měl vždycky špatné 

svědomí, že s jeho papíry není něco v pořádku, že na nich objeví někde něco podezřelého; že najednou 

objeví, že nemá být tam, kde je. », Œuvres III, p. 365. 

414 « Špinavý sál, v kterém ztroskotávají vyvržené existence všech cest, zemí a oceánů… Míchanina 

jazyků Evropy, Afriky a Asie, těkavé pohledy v snědých tvářích, díry v botách, splihlé cáry… Na dřevěné 

lavici bez opěradla sedí žena a podává lhostejně prs křičícímu děcku. Občas vstupuje úředník s hrstí 

papírů a vyvolává zkomolená jména, v kterých se nikdo nepoznává. », Œuvres III, p. 367. 

415 Les conséquences du déracinement linguistique pour l’écrivain Čep seront traitées dans le dernier 

chapitre de la thèse « L’écrivain exilé et sa langue ». 

152


reproduites sous la forme d’« un dialogue mixte, tchèque et français » 416 . Souvent les 

dialogues entre les personnages sont entamés en français pour basculer vers le tchèque 

de crainte que le texte ne devienne pour le lecteur incompréhensible. Le schéma de 

l’interaction de deux langues est en général le suivant : une ou plusieurs répliques du 

discours direct en français précèdent une narration (commentaire du narrateur) en 

tchèque. Voici quelques exemples du texte original dans lequel nous mettons en italique 

les parties en français tout en traduisant les parties tchèques entre crochets : 

« Tiens, vous voilà ! », ozval se vedle Pavla Kříže čísi hlas. [se fit entendre à côté de Paul Croix la 

voix de quelqu’un] […] « Ah, que je suis content de vois voir ici ! Pojďte, jsou tady Lecoqovi a 

Vernierovi. Půjdeme si na chvíli někam sednout. [Venez, il y a les Lecoq et les Vernier. On va 

s’asseoir un moment quelque part.] Ah, que je suis content que vous ayez pu partir ! » opakoval 

mladý muž, odvlékaje Pavla ke skupině, z které bylo slyšet smíšený hovor český a francouzský. 

[répétait le jeune homme, traînant Paul vers un groupe duquel on entendait un dialogue mixte, tchèque 

et français.] » 

« C’était un beau pays, quand même… » řekl profesor Lecoq, podávaje mu ruku. [dit le professeur 

Lecoq en lui tendant la main.] – « Quel dommage ! » 

« Mon pauvre monsieur, vous n’avez pas de chance. Pokoj, který jsme pro vás chystali, předevčírem 

vyhořel. Takový krásný tichý pokoj, s oknem přímo k moři…[La chambre qui était réservée pour vous 

a entièrement brûlé. Une chambre belle et si calme donnant directement sur la mer…] » 

« Jean-Paul ! » křičela z okna francouzská maminka, [cria d’une fenêtre une maman française]« tu 

vas te salir ! » – Jean-Paul ovšem dělá, že neslyší, staví si dále hráze a můstky v kaluži, kterou 

nechalo v bahně moře na útěku. [Jean-Paul fit bien sûr semblant de ne pas entendre et continua à bâtir 

des barrages et des petits ponts dans une flaque délaissée dans la sable par la mer en fuite.] 417 

Si dans l’Ile de Ré il s’agit plus ou moins d’une simple couleur locale, d’une 

décoration extérieure, où le narrateur enregistre les énoncés des autres résidants qu’il 

entend autour de lui (surtout des rappels à l’ordre aux enfants insolents de la part des 

parents exaspérés), dans Devant la porte fermée cet amalgame de langues comporte un 

aspect de gravité et veut suggérer le milieu de l’exil, l’interaction des exilés avec les 

autochtones, leur assimilation entamée. Ce mélange de langues est symptomatique de 

l’exil, il est l’expression d’une tension profonde entre la langue du présent, dont la 

maîtrise est indispensable pour la survie des émigrés, et la langue du passé, ressentie 

comme la perte, le déracinement. Par cette brassage des langues, Čep complique d’un 

côté l’acte de la lecture à ceux qui ne possèdent pas les bases solides du français, d’un 

autre côté les dialogues ainsi composés ont un charme indéniable pour les lecteurs 

initiés à la langue française. Par une transposition des tournures et des phrases 

françaises en tchèque, la qualité esthétique des deux nouvelles s’en serait trouvée 


417 Œuvres III, respectivement p. 361, 362, 369, 373. Les deux premiers extraits sont tirés de Devant 

la porte fermée, les deux autres de l’Ile de Ré. 

153


affaiblie, les répliques seraient devenues banales. De surcroît, les segments français 

peuvent, involontairement, exciter le comique dans la vie réelle des exilés. Ceci, lorsque 

après la parution du recueil Les Tziganes, Vladimír Peška « se plaint » que leurs femmes 

« incultes » [comprends la femme de Peška et la future de Čep] ne font que piocher des 

expressions qu’elles comprennent et « s’en moquent perfidement ». Et il n’oublie pas 

d’exhorter Čep pour qu’il « écrive la prochaine fois quelque chose qu’elles comprennent 

[l’œuvre en français] » 418 . 

La scission linguistique ne se révèle pas seulement dans le matériau linguistique des 

deux récits, elle se manifeste également dans leur thématique. De ce point de vue le 

thème de la communication, de ce qu’elle est possible ou non, est très significatif. 

D’une part la communication des personnages exilés avec les Français se limite aux 

dialogues conventionnels, composés de banalités plates qui ne disent rien. C’est le cas 

de la rencontre de Pavel Kříž avec les dames Lecoq et Vernier : « ‘Et vous,’ 

demandèrent-elles à Pavel de temps à autre, ‘ça va ?’ Pavel répondait : ‘Merci, ça va,’ et 

dans ses oreilles résonnait le mot qu’il avait entendu un moment plus tôt dans la salle : 

‘Cela donne le cafard’ » 419 . Ou bien, la communication ne peut pas aboutir du tout en 

raison de sa complexité et de l’incapacité à élucider par exemple la situation politique 

dans le pays natal pour les personnes qui n’en possèdent que des informations 

superficielles, voire déformées. Une scène de l’Ile de Ré où le voisin alsacien tente au 

cours des dîners dans le restaurant d’hôtel d’entreprendre avec le narrateur des 

entretiens au sujet de la politique l’illustre fort bien : 

« Chez vous, il y a des Russes, à présent ? » demanda-t-il. Je commençai à expliquer, mal avec 

dégoût. Il m’écouta un instant, puis il posa une question innocente : « Y a-t-il une chance qu’une 

insurrection va éclater chez vous ? » – Ah, que c’est loin de Mulhouse à Prague ! Je crois, que j’ai 

seulement hoché la tête, et puis nous ne parlions plus de la politique. 420 

La communication est perturbée, vouée à l’échec non pas parce que l’émigré ne 

parlere pas la langue des autochtones, mais parce que son expérience interne (le pouvoir 

418 V. Peška à J. Čep, le 20. novembre 1953. 

419 « ‚Et vous,‘ ptaly se občas Pavla, ‚ça va?‘ Pavel odpovídal: ‚Merci ça va,‘ a v uších mu znělo slovo, 

které zaslechl před chvílí v sále: ‚Cela donne le cafard.‘ », Œuvres III, p. 362. 

420 « ‚U vás jsou teď Rusové?‘ ptal se. Začal jsem vysvětlovat, špatně a s nechutí. Chvíli mě poslouchal, 

a potom se zeptal nevinně: ‚Je naděje, že u vás vypukne povstání?‘ – Ach, jak je daleko z Mulhouse do 

Prahy! Myslím, že jsem jenom zakroutil hlavou, a potom jsme už o politice nemluvili. », Œuvres III, 

p. 371. 

154


totalitaire qu’il a fui, l’expérience de l’exil elle-même) est intransmissible, inexplicable, 

indicible. C’est elle qui le rend irréductiblement différent. 

Enfin le déracinement linguistique en tant que tel est directement thématisé lorsque 

le narrateur éprouve sur lui-même la dégradation de la langue maternelle. En se 

promenant, le narrateur de l’Ile de Ré admire les fleurs des champs. Tout à coup il est 

figé dans une sorte de vacuité, où il n’est plus capable d’attribuer aux fleurs leurs noms 

ni en tchèque ni en français : 

[...] sur les bornes très basses poussent des fleurs jaunes et carmins. En vain, je cherche comment elles 

s’appellent. J’ai oublié leurs noms tchèques et les noms français, je ne les connais pas. 421 

Cette dégradation de la langue maternelle, dans une mesure encore beaucoup plus 

élevée, se trouve également chez Egon Hostovský. Sous l’influence de l’exil, l’un de ses 

personnages errant, nommé Beran, perd quasiment toute aptitude à communiquer avec 

les autres. L’aphasie progressive atteint chez lui un tel niveau d’économie linguistique 

que son discours devient carrément incompréhensible : 

En fuyant la France, cet homme singulier perdait jour après jour, d’heure en heure, les mots de son 

vocabulaire. Maintenant, il parle de sorte que seulement Barach et moi le comprenons. La phrase qui 

doit se composer de dix mots en comporte quatre dans le langage bizarre de Beran. 422 

IV.2.3.3. Triangle d’exil : Solitude-étrangeté-errance 

Toutes les facettes dont nous avons traité jusqu’à maintenant – privation matérielle, 

complexe de papiers, déracinement et barrière linguistique, impossibilité de 

communiquer, crise identitaire – impliquent en quelque sorte l’enjeu central peut-être de 

toute littérature écrite en exil. Nous aimerions le représenter sous la forme d’un triangle 

dont les sommets seraient nommés Solitude-Etrangeté-Errance et où chaque sommet est 

lié aux autres, l’un appelant les deux autres. 

421 « [N]a nizounkých mezích kvete žluté a karmínové kvítí. Marně hledám v paměti, jak se jmenuje. 

Česká jména jsem zapomněl a francouzská neznám. », Œuvres III, p. 370. 

422 « Tento jedinečný muž ztrácel totiž na útěku z Francie den ke dni, hodinu k hodině slovíčka ze své 

slovní zásoby. Nyní hovoří tak, že mu rozumíme jen Bachrach a já. Věta, která má obsahovat deset slov, 

je složena v Beranově zvláštní mluvě ze čtyř. », E. Hostovský, Listy z vyhnanství, p. 79. 

155


L’entrée d’un exilé sur un sol étranger est marquée par un fort degré d’isolement. La 

majorité de la population indigène ne s’intéresse pas à ces nouveaux venus, elle n’a 

pour eux que de l’indifférence glaciale, voire de la méfiance comme si les pauvres 

réfugiés devaient les encombrer d’une manière ou d’une autre. « Ah, tous ces 

émigrés... ! » 423 , soupira un agent surveillant au cours paisible de la réception des 

émigrés (comme si la commémoration de la naissance de la République devait mal 

tourner) et blasé, il baille. De même, des serveurs dans la salle trahissent une indolence 

suprême lorsque devant les destins des gens qui ont quitté leurs maisons souvent dans 

des conditions les plus tragiques, « musardaient ennuyeusement, les bras croisés » 424 . 

Ensuite, quand Pavel Kříž, errant nuitamment dans Paris, rencontre la sentinelle de nuit, 

les deux agents « ne tournèrent même pas leurs têtes au son de ses pas » 425 . 

Comme si l’émigré était marqué par une flétrissure, visible de partout, flétrissure de 

sa différence irréductible. Car non seulement des inconnus comme des serveurs ou des 

agents – leur indifférence serait encore tout à fait compréhensible – mais encore les 

amis proches du héros, ceux avec qui auparavant « il parlait d’égal à égal, sans aucun 

hiatus dans les pensées et sentiments », se comportent envers lui autrement, font demi- 

tour, prennent de la distance. Kříž lit dans leur regard « une ombre déconcertante », 

« l’ombre de l’éloignement subit qui ressemblait à l’effroi » 426 . Le personnage émigré 

est vu comme un étranger, il est autre, c’est pourquoi il est voué à être seul. 

Les motifs de la solitude et de l’isolement, de l’étrangeté et de la différence 

irréductible sont récurrents. Ils reviennent sans cesse et prennent des allures variées. 

L’image de la solitude par excellence, aussi bien que le symbole de l’exil tout court, 

c’est la porte fermée devant Kříž, de même que le cliquetis furibond de la sonnerie dans 

la nuit qui ne provoque aucune réaction : 

Ses nerfs se blottissaient sous un flux de sons cliquetants comme sous les cascades de la honte, 

cependant le rideau derrière la fenêtre restait immobile. Comme si même la pénombre qui régnait dans 

la chambre devenait plus morte. 427 


424 Ibid., p. 362. 

425 Ibid., p. 366. 

426 Ibid., p. 367. 

427 « Jeho nervy se choulily pod přívalem řinčivých zvuků jako pod vodopádem hanby, ale záclona za 

oknem zůstávala viset bez hnutí. Ba i ono pološero, které předtím panovalo v pokoji, jako by zmrtvělo. », 


156


L’expression la plus accablante en est sans doute le motif de l’errance désespérante 

de Pavel Kříž dans la nuit parisienne où il attend vainement le lever du jour. Ici, la 

solitude de l’errant est absolue, car « cette aventure dérisoire [...] ne conduit même pas à 

la rencontre d’un clochard ou d’une prostituée » 428 . L’absurdité de l’exil touche à son 

sommet : 

Ses pensées se déchiraient, le vide gris remplissait son cerveau. Au fond de son cœur se rassemblait 

lentement une mare d’amertume, secrétée par la solitude nocturne, par la dureté des pierres, par les 

façades indifférentes des maisons. Un sentiment dangereux d’errance absurde s’emparait de lui. 429 

IV.2.3.4. L’espace de l’exil : labyrinthe, île 

Chacun des deux récits s’inscrit dans un décor qui peut être pris pour un vrai topos 

de la littérature d’exil. Le premier met en place l’espace labyrinthique, le second 

l’espace de l’île isolée. Ce qu’ils ont en commun, c’est leur caractère d’impasse, 

l’impossibilité de l’exilé à en sortir. 

Qu’il soit ouvert ou clos, l’espace de l’exil est toujours un espace hostile. Nous avons 

déjà vu l’ambiance sinistre de la préfecture. L’hôtel de Pavel Kříž ne s’ouvre pas devant 

lui et ne le laisse pas entrer. De même l’extérieur se détache de lui et montre son 

hostilité. Nous voyons le héros s’enfoncer dans « une rue étroite et obscure », il ressent 

la « dureté des pierres » des trottoirs, il longe « les façades indifférentes des maisons », 

ses pas résonnent « sur le pavé du boulevard désert et noir », le « froid » 430 de la nuit 

pénètre son corps. Tout espace de l’exil prend la forme d’un immense labyrinthe dont il 

est difficile de trouver l’issue, ou mieux, dont les voies ne conduisent nulle part. Il ne 

s’agit pas, bien évidemment uniquement de l’errance extérieure, mais aussi de celle qui 

règne à l’intérieur du héros, qui travaille son psychisme. Le motif de l’errance de Pavel 

Kříž, peut être entendu comme une métaphore constituant une analogie à l’errance (au 

sens figuré) de Jan Čep dans sa nouvelle situation d’exilé, qui se sent envahi par le 

désarroi, la perte du sens, le rongement de l’absurdité. 

428 

« […] toto hloupé dobrodružství […] nevede ani k setkání s pobudou nebo s prostitutkou. », 


429 

« Jeho myšlenky se trhaly, v mozku se dělalo šedé prázdno. Na dně jeho srdce se pomalu 

shromažďovala kaluž hořkosti, vylučovaná noční samotou, tvrdostí kamenů, lhostejnými fasádami domů. 

Zmocňoval se ho nebezpečný pocit omylu, nesmyslného zabloudění. », Œuvres III, p. 366. 

430 

Œuvres III, p. 363, 365, 366. 

157


A l’espace ennemi se superpose encore le temps, lui aussi hostile à Kříž. Car l’espace 

désert de la nuit est rempli de temps immobilisé, qui retombe sur le héros par le poids de 

tout son passé et avec qui celui-ci doit se confronter : 

D’emblée l’heure vide de nuit s’approfondit autour de lui de tous côtés, s’affala sur ses épaules par le 

poids du temps matérialisé. Il est bon d’éprouver une fois ce qu’est le temps, un écoulement lent et 

ininterrompu que l’on ne peut tromper par rien. Tu l’affrontes seul, mon cher, face à face, tu affrontes 

face à face toi-même. 431 

L’espace du second récit, l’Ile Ré, implique également l’aspect d’impasse. Par 

analogie avec le dédale des rues parisiennes, l’île, à son tour, est un lieu d’où ne part 

aucune issue, étant enfermé de partout par l’océan. C’est un lieu de solitude par 

excellence dans lequel est projeté le destin du naufragé. Aucun doute que l’exilé est 

aussi, en quelque sorte, un naufragé. A un certain moment le paysage insulaire apparaît 

désert et abandonné au narrateur, dépourvu de présence humaine dans la mesure où il a 

l’impression d’être « le dernier habitant de cette terre ». L’espace insulaire est saisi dans 

une image quasiment apocalyptique : 

Je me suis tourné ; sur la pente du ciel la lune rougeâtre, immense, s’était figée. Des barrières de 

nuages s’élevaient au-dessus de l’horizon, telles les décombres du continent ravagé. L’île reposait 

profondément en bas, terriblement silencieuse. Sa surface, maculée de tâches d’ombre et de lumière 

livide, semblait être le reflet d’une planète morte qui planait à travers un espace vide. La mer 

mugissait dans les oreilles du dernier habitant de cette terre. 432 

IV.2.4. L’issue du labyrinthe de l’exil : interpénétration du « double chez soi » 

Il est fréquent que la littérature parle de l’exil comme d’une sorte de maladie. Les 

personnages čepiens sont, eux aussi, contaminés et cherchent parfois un antidote dans 

l’évasion, loin de l’actualité dangereuse, dans le monde du souvenir. Toutefois cet 

antidote implique des effets secondaires sous forme de stagnation, de pétrification dans 

le passé, d’enfermement dans la rêverie nostalgique. Afin que l’exil ne devienne pas une 

431 « Prázdná noční hodina se okolo něho rázem prohloubila na všechny strany, lehla mu na ramena tíhou 

zhmotnělého času. Je dobré zkusit to jednou, co je to čas, nepřerušované pomalé plynutí, které nelze 

ničím ošidit. Stojíš mu, holečku, sám tváří v tvář, stojíš tváří v tvář sobě. », Œuvres III, p. 365. 

432 « Otočil jsem se; na svahu oblohy stál ohromný narudlý měsíc. Hráze mraků se zdvíhaly nad obzorem 

jako zříceniny zpustošeného kontinentu. Ostrov ležel hluboko dole, strašlivě tichý. Jeho povrch, 

rozeklaný skvrnami stínu a sinavého světla, se zdál odrazem mrtvé planety, která se vznášela prázdným 

prostorem. Moře hučelo v uších posledního obyvatele této země. », Œuvres III, p. 372. 

158


puissance purement destructrice, il faut trouver un autre remède qu’un palliatif au retour 

rêvé dans le pays d’enfance. 

Il a été dit déjà plusieurs fois que l’exil avec ses conséquences linguistiques, sociales, 

existentielles, entraîne un bouleversement identitaire qui peut provoquer l’éclatement du 

sujet. Pavel Kříž s’en rend très bien compte, il l’éprouve sur lui-même au cours de son 

aventure nocturne : « ‘Pendant toute la nuit je n’ai même pas combiné deux idées,’ se 

dit-il avec honte. ‘Je me décompose... je dois me défendre.’ » 433 La situation de l’exilé 

est représentée par une métaphore végétale, comme « une mise à nu des racines 

physiques » : 

Les branches de l’arbre semblent encore verdoyantes mais ce qui murmure en elles ne sont que des 

souvenirs de la vie qui fut aspirée d’en bas. Cependant l’homme n’est pas un arbre et ne reçoit pas la 

vie seulement depuis la terre. Les racines de l’âme sont tournées vers le haut, dans l’espace de la 

lumière. 434 

Afin que l’exil ne désagrège pas l’existence de l’exilé irrémédiablement, il est 

nécessaire de puiser la force des sources spirituelles, car, comme le dit la citation 

précédente, « les racines de l’âme sont tournées vers le haut, dans l’espace de la 

lumière ». Cette distinction des espaces d’en bas et du haut, de la terre et du ciel, ne 

correspond pas à autre chose qu’à la coexistence du « double chez soi » čepien. 

L’homme doit assumer son destin terrestre mais il a pour tâche de le transcender. C’est 

donc par une interpénétration des deux chez-soi, la plus partielle et la plus éphémère 

qu’elle soit, que l’exilé parvient à endosser son exil. C’est la consolation métaphysique 

qui sauve l’émigré chez Čep. On pourrait même pousser plus loin cette interprétation 

dans un sens religieux plus étroit en se réclamant d’une veritas fidei catholicae de la 

communion des âmes (communio sanctorum). C’est justement « en communion » dans 

le sens du catholicisme que l’issue de la chausse-trappe de la solitude et de l’aliénation 

de l’exil pourrait se trouver. Autrement dit, c’est dans la communion (spirituelle) avec 

les autres – ceux que l’actualité pose devant moi aussi bien que ceux que j’ai laissés 

dans la patrie – que se trouve la garantie du maintien de la continuité intérieure de 

l’individu, de son intégrité, et la retrouvaille du sens dans le labyrinthe de l’exil. Pour le 

433 

« ‚Nedal jsem za celou noc dohromady ani dvě myšlenky,‘ řekl si zahanbeně. ‚Rozpadávám se… 

musím se bránit.‘ », Œuvres III, p. 367. 

434 

« Větve stromu se zdají ještě zelné, ale šumějí v nich jenom vzpomínky života, který byl nasát zdola. 

Člověk ovšem není strom a nepřijímá život jenom z hlíny. Kořeny duše jsou obráceny vzhůru, do 

prostoru světla. », Œuvres III, p. 373. 

159


catholique Čep la forme suprême d’une telle communion spirituelle, c’est la prière. 

Poursuivons dans la métaphore végétale : 

Les racines se rencontrent dans le noir sous la terre, communient ensemble sans paroles. Les âmes se 

cherchent dans l’espace de la liberté sur des trajectoires invisibles, perçant avec angoisse leur solitude 

par laquelle elles sont séparées comme une étoile d’une autre étoile, un univers d’un autre univers. 435 

Or, cette interprétation religieuse (métaphysique) en implique encore une, moins 

abstraite. Dans les récits d’exil de Čep, on peut observer un phénomène paradoxal. La 

métaphore centrale du « double chez soi », c’est-à-dire la coexistence du monde naturel 

et transcendant qui est à la base de toute son œuvre, revêt ici une concrétisation 

poignante. Elle se redistribue entre le pays natal, le pays d’enfance qui devient le 

premier chez-soi, et la France, le pays adoptif, le second chez-soi. Le premier est la 

certitude immuable, le second, quoique aimé, reste vacillant, caduque et dangereux 436 . 

Le héros de Devant la porte fermée s’avère un francophile sincère, débordant 

d’affection pour la France, connaissant ce pays de manière plus que familière : 

Pavel Kříž connaissait l’histoire de ce pays comme de son propre pays ; il prêtait souvent la parole de 

sa langue natale à ses écrivains, de sorte qu’elle sonnait dans sa patrie le plus naturellement possible. 

Il y avait des amis avec lesquels il parlait comme leur égal sans hiatus aucun dans les pensées et les 

sentiments. 437 

En se retrouvant sur le sol français il ressent d’emblée « un soulagement énorme » ; 

« pour un moment tout était couvert d’un voile de lumière suave, d’un bruissement 

silencieux du vent, d’une paume douce de l’amitié » 438 . N’empêche que cette affection 

profonde ne peut retenir une vague d’ambiguïté, voire un germe d’hostilité qui monte de 

cette France aimée dès qu’il s’y trouve en émigré : 

435 « Kořeny se setkávají ve tmě pod zemí, obcují spolu beze slov. Duše se hledají v prostoru svobody po 

neviditelných drahách, prolamujíce s úzkostí svou samotu, kterou jsou odděleny jako hvězda od hvězdy, 

vesmír od vesmíru. », Œuvres III, p. 373. 

436 C’est dans son autobiographie que Čep se prononce sur le rapport des deux pays : « Maintenant, la 

relation entre mes deux patries, celle où je suis né et celle que j’ai adoptée, est renversée ; c’est la 

première qui est devenue un pays de rêve, mais en même temps un refuge inaliénable. Je porte toujours 

son sol collé à mes semelles. Ceux que j’y ai laissés, me sont plus proches que jamais. C’est que ce pays 

inaccessible et présent partout, rejoint peu à peu l’ultime patrie de tous, séjour hors de tout lieu et de tout 

temps… », Œuvres VI, p. 224. 

437 « Pavel Kříž znal historii této země vlastní; propůjčoval často slovo svého rodného jazyka jejím 

spisovatelům, tak aby znělo v jeho vlastní zemi co možná nejpřirozeněji. Měl v ní své přátele, s kterými 

mluvíval jako rovný s rovným, bez jakéhokoli hiátu v myšlenkách a v citech. », Œuvres III, p. 366-367. 

438 « Na okamžik […] ležel na všem hojivý závoj líbezného světla, tiché šumění větru, měkká dlaň 

přátelství. », Œuvres III, p. 365. 

160


Il ne connaissait pas un pays au monde, en dehors de son propre pays, vers qui son cœur se penchait 

par un mouvement aussi naturel que celui-ci. Et pourtant, il avait le sentiment embarrassant comme si 

quelqu’un pourrait lui demander à chaque moment : « Mon ami, comment es-tu venu ici ? » 439 

La désillusion s’accroît dans la mesure où l’émigré perd le sens de son exil, où il 

s’aperçoit de ce qu’il est là pour rien, que personne ne lui prête l’oreille, n’écoute ce 

qu’il a à dire, que tout le monde reste indifférent à son témoignage. L’amour voué au 

pays d’adoption semble irréfutablement perturbé et la vie de bonne aloi impossible. 

Ainsi le seul lieu de certitude demeure pour le héros čepien le pays d’enfance : 

« C’est seulement dans le paysage de l’enfance que ce sentiment effrayant le quittait. 

Là, personne ne pouvait dénier son droit au chez-soi (domov) ; là, il avait vraiment le 

droit d’être. » 440 

Ici et là-bas, la France et le pays d’enfance ; il y a une vraie dialectique entre ce 

« double chez soi » concrétisé. L’exilé peut-il rester stable dans ce va-et-vient incessant 

entre les deux réalités ? Comme nous l’avons déjà dit, le fantasme du retour rêvé ou 

imaginé dans le pays d’enfance (le premier chez-soi) est fallacieux, possible seulement 

pour un court moment et racheté par un réveil amer. D’autre part l’actualité cruelle du 

second chez-soi peut renverser les racines (l’identité) mêmes de l’exilé. C’est 

uniquement dans un entrelacement, dans une superposition des deux chez-soi, que 

l’exilé est en mesure de garder la continuité, sa cohérence intérieure et en même temps 

de rester ouvert au moment présent et aux perspectives de l’avenir. Ainsi est-il très 

significatif que ce soit précisément par cet entrelacement des deux pays, adoptif et natal, 

que Čep dénoue les deux récits. Par ce procédé d’entrelacement, qui en réalité s’avère 

double, concret (les deux pays dans le sens disons géographique) et abstrait (le 

quotidien et le transcendant), les deux conclusions, et de ce fait les récits en tant que 

tels, sont pourvus d’une profonde tension sémantique, d’une forte impulsion spirituelle. 

A la fin de Devant la porte fermée, Pavel Kříž, somnolent et épuisé, se trouve à la fois 

« ici » et « là-bas », il marche sur le boulevard parisien, croise des passants matinaux et, 

simultanément, il sent l’odeur amère des feuilles de noyers, entend le grincement de la 

petite porte paysanne, voit sa mère et se joint à sa prière muette (communion) : 

439 « Neznal na světě zemi, kromě své vlastní, ke které by tíhlo jeho srdce pohybem tak přirozeným jako 

k této. A přece měl tísnivý pocit, jako by se ho mohl někdo každou chvíli zeptat: „Příteli, jak jsi sem 

přišel? », Œuvres III, p. 362. 

440 « Jenom v krajině jeho dětství ho opouštěl ten ošklivý pocit. Tam mu nemohl nikdo upírat právo na 

domov; tam měl doopravdy právo být. », Œuvres III, p. 365. 

161


Sa bouche [de la mère] tremblait, mais aussitôt ses lèvres se détachèrent et commencèrent à articuler 

des mots insonores. « Je vous salue..., » disait Pavel Kříž en même temps avec elle, envisageant, 

émerveillé, les tours trapues de la cathédrale. 441 

Un double entrecroisement semblable se déroule également en conclusion de l’Ile de 

Ré. Le narrateur visitant une église locale aperçoit des peintures dans sa chapelle 

latérale qui représentent des figures de prêtres voués à la persécution au temps de la 

révolution française. Cette scène fonctionne pour le visiteur en déclencheur d’une autre 

vision, celle des procès politiques se tenant dans sa patrie. Ce court moment d’évocation 

donne un sens profond à tout le séjour vacancier du narrateur qui, encore une fois ébahi, 

va se prosterner devant le tabernacle (prière, communion) : 

Au lieu des visages peints malhabilement sur le mur de l’église, je vis soudainement les faces de tant 

de personnes connues, dont la voix, méconnaissable, bégayait à la radio des aveux étranges. Je suis 

revenu auprès de l’autel principal. J’avais l’impression que je ne m’étais pas fourvoyé par hasard et en 

vain sur l’île de Ré. 442 

Si aux deux récits le thème de la solitude et du déracinement est commun, il y a tout 

de même une certaine différence ou plutôt une évolution. Nous observons cette 

différence avant tout dans la tonalité et partiellement aussi dans l’investissement de 

certains procédés formels. Tandis que la tonalité du premier récit est caractérisée par des 

champs sémantiques de la nuit, de l’obscurité, du désert et du froid et comme l’image 

centrale domine le cliquetis fou de la sonnerie dans l’absence de la nuit – l’abandon 

semble absolu –, le second récit fait part des isotopies sémantiques plus « gaies » des 

éléments de la nature (mer, soleil, champs, arbres, fleurs). De même la forme dialogique 

(quoique virtuelle) de la lettre contribue à la perturbation, ou du moins à l’atténuation de 

la solitude dans l’Ile de Ré. Enfin, la tonalité du second récit est moins morne et sombre 

à force d’utiliser l’humour, l’ironie et l’auto-ironie fines qui sont déployées dans une 

plus large mesure que dans l’œuvre antérieure et qui sont susceptibles de contrebalancer 

la solitude du sujet exilé 443 . 

441 « Její ústa se třásla, ale pak se její rty rozdělily a začaly článkovat nezvučná slova. ‚Zdrávas…,‘ říkal 

Pavel Kříž zároveň s ní, hledě užaslý k zavalitým věžím katedrály. », Œuvres III, p. 368. 

442 « Místo tváří namalovaných neuměle na zdi tohoto kostela jsem najednou uviděl tváře tolika známých, 

jejichž hlas, k nepoznání změněný, koktal do rádia podivná přiznání. Vrátil jsem se opět k hlavnímu 

oltáři. Zdálo se mi, že jsem nezabloudil náhodou a nadarmo na ostrov Ré. », Œuvres III, p. 375. 

443 C’est probablement dans cette distance ironique – à côté de la forme épistolaire inhabituelle chez Čep 

– que M. Trávníček observait les signes du possible renouveau dans la création de Čep comme il le 

signale à propos du récit L’Ile de Ré. L’extrait suivant, où le narrateur voulait prendre un bain dans la 

mer, illustre bien la tonalité humoristique du récit : « Je voulais justement obéir à votre conseil et aller à la 

mer […] Mais… la mer ne daigne pas être là. Elle a laissé dérrière elle une large étendue de boue de 

laquelle se dresse les parcs à huîtres et que les autochtones traversent à gué. J’ai oublié que ce n’était pas 

162


IV.3. Le dernier cri de Čep-prosateur : Tři pocestní (Les Trois 

Passants) 


Sans l’initiative d’Antonín Kratochvil, la création littéraire de Jan Čep se serait 

probablement arrêtée aux deux récits d’exil dont traitait le chapitre précédent. Ce jeune 

journaliste critique littéraire et rédacteur à Radio Free Europe eut l’idée d’éditer une 

anthologie de la prose tchèque produite en exil. Un tel projet était, bien évidemment, 

inconcevable sans la participation d’un prosateur de renom comme fut Jan Čep. Ainsi, 

le récit Les Trois Passants fut écrit en 1956, pour ainsi dire sur commande. Non 

seulement l’impulsion primaire, mais aussi la tonalité de la nouvelle provenaient de 

l’extérieur, à en croire le souvenir de Kratochvil qui aurait demandé à Čep d’écrire 

« quelque chose de nouveau, d’insolite, par exemple une nouvelle avec un arrière fond 

humoristique... » 444 L’anthologie envisagée parut à Munich en 1956 par les soins du 

Comité des réfugiés politiques tchécoslovaques en Allemagne dans l’édition Kamenný 

erb (Le Blason de pierre) sous le titre Peníz exulantův (Le Denier de l’exilé) et le texte 

de Čep fut jugé par l’éditeur comme la meilleure contribution. 

Le récit raconte la rencontre folichonne de plusieurs amis dans le caveau d’un village 

de Moravie du sud après la Seconde Guerre mondiale. L’intrigue minime en est le 

retour aventureux de trois d’entre eux Jiří, Karel et Antonín qui s’égarent dans le 

paysage nocturne. L’errance ou l’égarement, encore une fois donc, mais cette fois-ci 

plutôt teinté d’humour, bien que le côté grave ne manque pas non plus. 

Les Trois Passants est un récit anecdotique dans le plein sens du terme. Si l’anecdote 

est définie en tant que petit événement insignifiant ou l’accent est placé sur 

l’authenticité du fait et sur la narration, tout est valable pour ce dernier cri prosaïque de 

Čep. Comme dans les cycles précédents où nous avons analysé successivement les 

récits d’Occupation et de Libération et les récits d’exil, relevons quelques aspects 

singuliers des Trois Passants. 

la Méditerrannée docile mais l’Océan atlantique. Il vient et repart. Ses horraires de visite sont écrits à 

l’hôtel sur le tableau. », Œuvres III, p. 370. 

444 Cf. A. Kratochvil, « Vzpomínky na Jana Čepa » (Souvenirs sur Jan Čep), in : Konference o díle Jana 

Čepa, Olomouc, Danal, 1999, p. 106-110. 

163


IV.3.2. Nouvelle à clé ? Nouvelle cryptée ? 

Avec quelque exagération le récit pourrait porter le titre générique de nouvelle à clé. 

En effet, si on emploie le terme « à clé » pour des textes dans lesquels « les 

protagonistes et les lieux renvoient à des personnes et à des endroits réels dont les noms 

sont soumis à un cryptage » comme le définit Le Dictionnaire du littéraire 445 , le label 

d’une nouvelle à clé paraît favorable aussi pour Les Trois Passants. Non seulement que 

Čep y crypte les noms de personnes et de lieux réels, mais le narrateur čepien porte une 

attention constante justement au cryptage et à la dissimulation des noms propres. Il va 

même jusqu’à souligner leur arbitraire en attribuant un nom à un des personnages de 

manière fortuite : « on va l’appeler par exemple Jiří » 446 . 

La raison du cryptage s’avère double. L’une externe, relevant du facteur 

extralittéraire, équivaut à une exigence d’autocensure. La révélation des noms réels 

resterait à peine sans conséquence pour ceux des protagonistes qui sont restés en 

Tchécoslovaquie. L’autre facteur, textuel, relève de la stratégie narrative, par le fait 

d’insister sur le processus même de cryptage, et constitue un jeu entre le narrateur et le 

lecteur qui se voit fortement impliqué dans le récit. En tout cas, le cryptage fut 

facilement décelable, voire transparent pour ceux qui servaient de modèles aux 

personnages du récit. En témoigne la satisfaction de Čep avouée dans sa correspondance 

avec ses amis d’exil : 

Deux de ces passants me firent signent de « là-bas » ces derniers temps ; d’une manière ou d’une 

autre, ça leur est tombé entre les mains, et naturellement, ils s’y sont reconnus tout de suite. 447 

On pourrait envisager le cryptage encore sous un autre angle. D’une certaine 

manière, c’est la vie de Čep lui-même qui est codée dans le récit. A l’instar de Pierre 

Brunel qui décela maints aspects biographiques cryptés par Gide dans les Faux- 

Monnayeurs 448 , nous voyons un chiffrage analogique dans le récit čepien en question. 

445 Sous la dir. de P. Aron, D. Saint-Jacques, A. Viala, 2. éd. revue et augmentée, Quadrige/PUF, 2006. 

446 « [B]udeme mu říkat třeba Jiří », Œuvres III, p. 348. 

447 « Dva z těch pocestných se mi v poslední době ozvali ‘odtamtud’ ; nějak se jim to dostalo do ruky a to 

se ví, že se v tom hned poznali. Říkají prý si nahlas i jména těch dvou vsí, která jsem se neodvážil 

vyslovit. », Cité par A. Kratochvil, « Vzpomínky na Jana Čepa », in : Konference o díle Jana Čepa 

Konference o díle Jana Čepa, op. cit., p. 109. 

448 P. Brunel, « André Gide : Les Faux-Monnayeurs. Les vrais et les faux amis. », in : Glissement du 

roman au XX e siècle, op. cit., p. 87-109. 

164


Il est vrai, nous l’avons déjà répété à plusieurs reprises, que l’œuvre de Čep est 

considérablement autobiographique et cette tendance va croissant dans la production 

écrite en émigration. Alors que dans les œuvres antérieures la base biographique fut 

travaillée et transposée dans la fiction par un travail d’imagination créative, ici la base 

autobiographique, comme déjà dans Les Journées de mai d’ailleurs, n’est voilée que par 

la mise en fiction des noms propres. La nouveauté provient encore du fait qu’auparavant 

l’auteur s’incarnait avant tout dans un type de personnage particulier (souvent jeune 

intellectuel désabusé), dont les traits de caractère et les événements de la vie faisaient 

penser à l’auteur. Dans Les Trois Passants les traits autobiographiques semblent se 

distribuer entre les trois personnages centraux. Jiří semble le plus proche de l’auteur 

(son alter ego), le seul des compagnons à être célibataire, révélant une timidité 

maladroite dans son comportement vis-à-vis des femmes ; c’est un vieux garçon 

introverti, à l’esprit méditatif. A propos de Karel, le narrateur nous apprend qu’il 

écrivait des 

nouvelles [...] proches de la terre et de sa propre enfance, mais en même temps saturées de questions 

et de mystère, dans lesquelles un enclos paysan apprivoisé devenait un terrain inexploré, et chaque 

rencontre entre deux hommes, une aventure étonnante. 449 

Cette description s’applique merveilleusement à l’œuvre čepienne. Et enfin, le 

personnage sacerdotal d’Antonín peut être vu comme le rêve de devenir de Jan Čep. Ce 

dernier, découvrant après le décès de son père le petit carnet qu’il avait tenu pendant la 

Grande Guerre, y lira sur la première page la volonté de son aïeul jamais prononcée de 

sa vie, de voir son aîné se vouer au sacerdoce. Ce souhait paternel inavoué ne fera 

qu’aiguiser l’indécision de Čep, qui depuis son séjour chez Josef Florian à Stará Říše 

était tenté de se faire prêtre ou moine. Ce dilemme résolu une fois pour toutes par son 

mariage tardif, n’empêcha pas Čep de ressentir une sorte d’incertitude voire des 

remords, se demandant s’il n’avait pas trahi sa vocation profonde et véritable. 

Ainsi Jan Čep auteur semble-t-il se redistribuer dans les trois passants nocturnes : Jiří 

représente son caractère et sa vie intime, Karel cache Čep écrivain, et Antonín, c’est 

Čep en puissance, en idéal, en rêve. 

449 « [...] povídky blízké zemi a jeho vlastnímu dětství, ale zároveň plné otázek a tajemství, v kterých bylo 

krotké selské záhumení zemí neprozkoumanou, a každé setkání mezi dvěma lidmi překvapujícím 

dobrodružstvím. », Œuvres III, p. 355. 

165


IV.3.3. Narration et stratégies narratives dans Les Trois Passants 

Il semble indéniable que la narration dans la nouvelle Les Trois Passants comporte 

des éléments nouveaux dans la création de Jan Čep. Avant de montrer quels sont les 

éléments de cette innovation, résumons les traits prépondérants de la narration čepienne. 

Dans l’œuvre précédant l’exil, Čep ne fait pas preuve d’une grande expérimentation 

dans le domaine des techniques narratives. Au début des années 1930 Bedřich Fučík 

caractérise ainsi l’art de la narration de Čep : « sa narration se porte dans une ligne 

classique simple, virilement dépouillée et magistrale dans sa simplicité et sa 

solidité » 450 . F. X. Šalda fait observer que le narrateur čepien « est infiniment paisible et 

attentif, plein de sens pour un détail familier, doux, aimable et pour la vie des 

choses » 451 , qualités provenant de la vision originale de l’auteur, de son « regard 

matinal ». 

Dans ses écrits Čep a recours en général à deux types de narration traditionnelle : 

celle à la troisième personne où domine le narrateur omniscient et celle à la première 

personne employée dans les récits où le narrateur raconte sa propre histoire dont il est le 

personnage principal. Comme l’affirmait déjà Bedřich Fučík, la forme narrative de Čep 

est essentiellement monologique, c’est-à-dire que le « narrateur [est] strictement limité à 

une voix » 452 . Il n’empêche qu’en dépit de l’unicité formelle du narrateur (à la troisième 

ou à la première personne), une sorte de dialogisme ou de polyphonie peut être repérée. 

C’est en analysant les stratégies narratives dans le récit Do města (A la ville), 

appartenant à la première période créatrice de Čep, que Jiří Trávníček distingua sous un 

seul narrateur formel trois types de voix, ou mieux, trois rôles de ce même narrateur 

qu’il désigne successivement comme le stratège, le participant et l’annonciateur. A ces 

trois types du narrateur correspondent trois niveaux d’organisation de texte qui 

induisent aussi l’interprétation sémantique : « récit en tant que trame textuelle (stratège), 

récit en tant que participation émotionnelle (participant), récit en tant que trace 

450 « Jeho vyprávění nese se v jednoduché klasické linii, mužně oproštěné a mistrovské ve své 

jednoduchosti a pevnosti […] », B. Fučík, Kritické příležitosti, I, Praha, Melantrich, 1998, p. 189. 

451 « Vypravěč nesmírně klidný a pozorný, plný smyslu pro laskavý, teplý, důvěrný detail a život věcí », 

F. X. Šalda, « Dva moderní vypravěči », Šaldův zápisník, V, 1932-1933, p. 407. 

452 Cf. B. Fučík, Píseň o zemi, Praha, Melantrich, 1994, p. 113. 

166


(annonciateur) – tout cela dans une seule forme narrative. » 453 J. Trávníček fait ainsi 

observer que le texte čepien n’est pas dépourvu de dynamisme, voire d’un conflit 

interne, dû au travail du narrateur. 

Si nous avons repris plus haut la citation de B. Fučík rappelant la simplicité de la 

narration de Čep, il ne faut pas pour autant penser qu’il s’agit de la narration 

traditionnelle du XIX e siècle à la Balzac. Bien que la linéarité du récit soit un fait 

prépondérant, Čep utilise en abondance les procédés modernes de monologue intérieur 

ou de mélange de discours direct, indirect et indirect libre. 

Pour ce qui est des récits que Jan Čep écrit en exil, la majorité d’entre eux ne se 

singularise pas par une innovation radicale ni dans la poétique ni dans la technique 

narrative. Nous y retrouvons le plus souvent la troisième personne (Le Secret de Klára 

Bendová, Les Journées de mai, Devant la porte fermée), la première personne domine 

L’Ile de Ré et les Tziganes. Une nouveauté certaine est apportée dans L’Ile de Ré qui se 

présente sous la forme épistolaire, et de ce fait implique dans le texte le narrataire 

concret – une amie du narrateur. Si nous osons considérer la forme des Trois Passants 

comme singulière dans l’ensemble de l’œuvre čepienne, c’est parce que l’acte narratif 

lui-même est mis en relief. Les fonctions de la narration et du narrateur sont accentuées 

afin de produire des effets d’humour. 

IV.3.3.1. Le narrateur et ses manifestations dans le texte 

En comparaison avec l’œuvre antérieure de Čep où la narration semble couler toute 

seule, dans Les Trois Passants la présence du narrateur est très visible, notamment dans 

la première moitié du récit. Le narrateur fait souvent irruption dans le récit, commente 

l’histoire, apostrophe le lecteur, lui fournit des informations ou des conseils, se 

manifeste en tant que son guide. Du point de vue de ses connaissances sur les 

personnages, il se profile comme omniscient. Il sait d’avance ce qui va suivre plus tard, 

il expose son savoir et en partage une partie avec le lecteur dans de nombreuses 

453 « Příběh jako textový rozvrh (stratég), příběh jako emocionální účast (účastník), příběh jak stopa 

(zvěstovatel) – to vše v jedné (formální) vypravěčské podobě. », J. Trávníček, « Dvojí domov, jeden 

vypravěč a jeho trojhlas », Česká literatura, n° 2, 1997, p. 207. 

167


anticipations. Toutefois, le rapport du narrateur à l’histoire racontée reste ambigu. 

Certes, il est omniscient, est placé au-dessus des personnages, les surplombe par son 

savoir, mais en même temps, il trahit plus qu’une complicité avec eux (il dit « nos 

passants »), une parenté même, car il se situe parfois directement parmi eux, comme 

l’un d’entre eux disant par exemple ceci : « lorsque nous allons revenir, nous devrions 

avoir la forêt de notre côté gauche, et le champ du droit » 454 ou: « Cet après-midi, nous 

sommes en chemin de... à ... » 455 . Ainsi l’emploi de « nous » est au cours du récit 

ambiguë, parfois il implique le narrateur et les personnages, ailleurs il a une valeur plus 

générale englobant le narrateur et l’ensemble des lecteurs potentiels ou signifiant 

simplement tout le monde. A vrai dire la distribution des pronoms personnels au cours 

du récit produit de l’ambiguïté : la narration à la troisième personne donnée par un 

narrateur omniscient alterne donc avec la première personne du pluriel. Plus rarement 

apparaît la narration à la première personne du singulier où se manifeste le narrateur 

individualisé et personnalisé. 

Le récit se compose d’une bonne dizaine de pages et se divise en cinq fragments 

numérotés. Il n’empêche que l’on peut facilement délimiter trois parties du récit. Deux 

parties liminaires – exposition et dénouement – forment une sorte de cadrage qui 

enlacent la scène centrale de l’errance nocturne. Au nombre de pages, nous retrouvons 

le schéma suivant : exposition (4 pages) – scène (5 pages) – dénouement (0,5 page). Le 

propos du narrateur retrace d’ailleurs explicitement les frontières des trois parties en 

marquant le début et la fin approximatifs de la scène centrale : « Nous ne racontons 

toute cette histoire que parce qu’il nous faut avoir l’arrière-fond pour la future scène 

nocturne. » 456 – « Ici se termine le récit d’une errance mémorable. » 457 

Le narrateur s’immisce en abondance notamment dans l’exposition du récit. Dans 

une moindre mesure et d’une autre manière aussi dans la conclusion ou plus 

précisément dans la partie finale de la conclusion – nous pourrions la dénommer 

épilogue. La partie centrale reste quasiment vierge de ses interventions. 

454 

« [A]ž se budeme vracet, měli bychom mít les po levé straně, a po pravé pole. », Œuvres III, p. 348. 

455 

« Dnes odpoledne jsme na půl cestě od… do… », Œuvres III, p. 348. 

456 

« Celou tuhle historii vypravujeme jenom proto, že potřebujeme pozadí pro nastávající noční scénu. », 


457 

« Tady se končí příběh jednoho památného bloudění. », Œuvres III, p. 357. 

168


Le narrateur interrompt le flux de l’histoire pour se manifester en tant que guide du 

lecteur. Il lui fournit des explications, sème de nombreuses anticipations, commente des 

événements racontés, s’engage parfois dans des digressions d’ordre méditatif (ou 

pseudo-méditatif, humoristique). Donnons-en quelques exemples. Dans le deuxième 

paragraphe on peut lire la phrase : « C’était une affaire purement masculine, et les deux 

femmes s’en mêlèrent pour ainsi dire par mégarde, comme vous l’entendrez dans un 

instant. » 458 La mise en scène des « deux femmes » se trouve en opposition, voire 

conteste carrément l’affirmation précédente (« affaire purement masculine »), ce qui 

signale déjà la fonction ludique du narrateur, ainsi que l’appartenance du texte au 

registre non-sérieux. Ceci est renforcé par l’expression familière de « femme [ženská] » 

et la manière dont elles sont introduites dans le récit. Etant présentées par l’article défini 

(en tchèque il y a même le pronom démonstratif « ces deux femmes » (ty dvě ženské)), 

on s’attendrait qu’il en ait déjà été question auparavant, or ce n’est pas le cas. 

C’est avant tout le déplacement des amis d’un village à l’autre, précédant la visite du 

caveau, qui devient la riche source de manifestations du narrateur. Celui-ci ne se lasse 

pas de secouer le lecteur en exigeant son attention, l’exhortant à retenir ceci ou cela, lui 

soulignant de multiples détails de leur passage : 

Le sentier conduit à la lisière de la forêt qui respire les premiers parfums de l’automne. Du côté droit 

la forêt, du côté gauche les champs, labourés et non encore labourés. Retenez bien ceci, je vous prie : 

lorsque nous allons revenir, nous devrions avoir la forêt du côté gauche et les champs à droite. » ; « Ils 

marchaient depuis un peu plus d’une heure (ceci, s’il vous plaît, est aussi important) lorsqu’ils 

s’aperçurent des jardins de l’autre village. » ; « la distance, qui séparait la forêt des premiers enclos, 

n’était plus que de quelques cinq cent pas, pas plus, croyez-moi. 459 

Toutes ces indications spatio-temporelles très précises (dispositif de l’entourage, 

durée de marche, distance, etc.) et ostensiblement mises en relief n’ont pas d’autre but 

que d’anticiper le futur égarement, et de sous-entendre son aspect risible, comique, 

voire absurde. 

La longue citation suivante nous permettra d’affiner davantage le fonctionnement du 

narrateur et d’en dégager quelques autres spécificités : 

458 

« Byla to záležitost čistě mužská, a ty dvě ženské se do toho připletly až později a jaksi nedopatřením, 

jak později uslyšíme. », Œuvres III, p. 347. 

459 

« Pěšina vede po kraji lesa, který už vydechuje první vůni podzimu. Po pravé straně les, po levé straně 

pole, zoraná a ještě nezoraná. To si, prosím, zapamatujte: až se budeme vracet, měli bychom mít les po 

levé straně, a po pravé pole.» ; « Šli o málo víc než hodinu (to je, prosím, také důležité) […] » ; « Od 

místa, kde přestával les a začínala záhumení, bylo nějakých pět set kroků, ne víc, to mi věřte. », Œuvres 

III, p. 348. 

169


Or, comme cela s’est révélé plus tard, un seul des passants – on l’appellera par exemple Georges, 

s’aperçut que ce champ, un petit paysan le labourait. Et le petit paysan qui laboure, n’omet pas le 

sentier, que les pieds des passants doivent frayer après chaque labourage. Sans le sentier égratigné, je 

n’aurais rien à vous raconter. C’est comme avec tout ce qui nous arrive dans la vie : nous avons pu 

aller dans un certain moment à droite ou à gauche ; nous avons pu saluer une demoiselle ou ne pas 

saluer ; quel diable (si nous disons « diable », nous voulons seulement dire par là : quel mouvement 

intérieur, quel démon dans le sens de Socrate) nous a poussé à la saluer. Difficile de faire tourner les 

roues du temps en arrière, inutile de se dire, ce qui serait, s’il n’avait pas été. Notre destin s’engage 

dans une autre et décisive direction au moment de notre plus grande distraction. 

Mais j’ai trop digressé ; je voulais seulement dire que lorsque nos passants traversaient le champ, le 

sentier n’était pas encore tout à fait labouré ; çà et là seulement ils devaient déjà enjamber les mottes, 

or ceci pour ainsi dire échappa à leur attention. 460 

Voyons d’abord la situation du narrateur. Celui-ci confirme son omniscience en 

révélant sa connaissance de la suite de l’histoire (« comme cela s’est révélé plus tard ») 

aussi bien que sa domination du récit (l’arbitraire de dénommer un personnage 

Georges). L’intrigue ainsi dévoilée – au retour les passants perdront l’orientation à 

cause du sentier entre-temps labouré par un paysan – lui arrache une digression pseudo- 

philosophique sur le destin humain. L’évocation du diable et le passage 

métalinguistique précisant la signification de la notion n’est évidemment pas chargé ici 

de connotations religieuses, et n’incombe nullement au domaine métaphysique. Il s’agit 

plutôt d’un clin d’œil discret à Gide (diable des Faux-Monnayeurs) mais plus encore à 

Pourrat dont Čep venait de lire Le Sage et son démon. Enfin, la tournure avec le 

« diable » fait partie des locutions idiomatiques relevant du langage populaire. 

Le lexique employé dans le passage cité contribue également à mettre en relief la 

narration plutôt que l’histoire narrée. Spécialement le diminutif « sedláček » (petit 

paysan) en combinaison avec la forme verbale archaïque « oře » (laboure) renvoie au 

domaine des chansons populaires. De même que la sentence « tourner en arrière les 

roues du temps » (ou la tournure de « diable » citée plus haut). Il est indéniable que 

l’extrait choisi comporte un caractère ludique, amusant, savoureux tant pour le lecteur 

qui y découvre des allusions et des jeux de mots relevant du registre par exemple de la 

460 « Ale jak se později ukázalo, všiml si jediný z pocestných – budeme mu říkat třeba Jiří, že to pole 

sedláček oře. A sedláček, který oře, nevynechává pěšinu, kterou musejí nohy pocestných po každém orání 

znovu vyšlapat. Nebýt té zorané pěšiny, neměl bych vám o čem vypravovat. Je to jako se vším, co nás 

potkává v životě: mohli jsme jít jednu chvíli vpravo nebo vlevo; mohli jsme pozdravit slečnu, nebo 

nepozdravit; který čert (říkáme-li „čert“, chceme tím jenom říci: jaké vnitřní hnutí, jaký démon ve smyslu 

Sokratově) nás pudil, abychom ji pozdravili. Těžko vracet nazpátek kola času, zbytečné si říkat, co by 

bylo, kdyby nebylo bývalo. Náš osud se dává jiným a rozhodujícím směrem ve chvíli naší největší 

roztržitosti. 

Ale to jsem příliš odbočil; chtěl jsem jenom říci, že když šli naši pocestní přes to pole, pěšina ještě nebyla 

docela zorána; jenom sem tam už museli překračovat hroudy, ale to jaksi ušlo jejich pozornosti. », 

Œuvres III, p. 348-349. 

170


chanson et de la sagesse populaires, que pour le narrateur qui se complait dans son 

propre commentaire, pour ne pas dire sa divagation. 

IV.3.3.2. Dissimulation des noms propres : Jeu de cache-cache 

Un autre trait caractéristique pour le narrateur du récit, c’est sa volonté de ne pas 

localiser l’action de l’histoire et de dissimuler les noms propres. Comme un fil rouge 

cette volonté traverse tout le récit, de la première page à la dernière. Certes, nous avons 

déjà signalé des raisons extralittéraires qui y jouaient un rôle : la détermination précise 

pouvait entraîner des conséquences notamment pour le modèle réel du personnage 

sacerdotal d’Antonín, originaire du village. Néanmoins, cette contrainte (de ne pas 

pouvoir révéler le lieu de l’action) sert à Čep pour déployer toute une stratégie narrative, 

un jeu que le narrateur noue et ne cesse de jouer avec le lecteur. La tension entre l’envie 

de dévoiler le nom du village et l’impossibilité de le faire se double dans le récit d’une 

sorte de mise en doute de l’existence des événements racontés. D’un côté le narrateur 

tisse un réseau de sous-entendus et de suspense concernant le nom du village, de l’autre, 

les personnages (et à la fin le narrateur) remettent en question son existence. Les effets 

produits sont encore une fois ludiques, humoristiques, et surtout ambigus. Donnons à 

voir quelques exemples du jeu. 

Depuis la troisième phrase du récit le narrateur se refuse à prononcer les noms des 

villages. Il multiplie ses réticences au cours de l’exposition en utilisant de simples 

allusions, la périphrase, le point de suspension : « Antonín leur promettait depuis 

longtemps de les amener à... bref dans son village natal où ses parents et frères 

possédaient un caveau. » 461 Le lecteur apprend que les amis doivent se retrouver à « ... 

et bien, quelque part dans la Moravie du sud » 462 . En arrivant dans le village, le 

narrateur se contente de remplacer le nom figurant sur un panneau encore une fois par 

un point de suspension suivi du commentaire entre parenthèses : « … (je regrette de 

plus en plus de ne pas pouvoir prononcer le nom, mais non, je ne le dirai pas ; je sais 

461 

« Antonín jim už dávno sliboval, že je pozve do… zkrátka do své rodné vsi, kde jeho rodiče a bratři 

měli sklep. », Œuvres III, p. 347. 

462 

« … nu, někam na jižní Moravu. », Œuvres III, p. 347. 

171


bien pourquoi) » 463 . Ces signes d’indétermination parsemés et gradués dans le texte 

suscitent chez le lecteur le suspense, la curiosité, l’envie de connaître les noms précis. 

A cette réticence obstinée se joignent secondairement les énoncés méfiants de la part 

des personnages qui mettent en doute l’existence réelle du village, la traitant avec 

raillerie d’« attrape » ou d’« village de Potemkine ». Pour exprimer leur méfiance, Čep 

se sert entre autres de citations tirées de l’Evangile. Exactes ou détournées, dans un 

contexte précis, elles contribuent toujours à suggérer l’humour, à confirmer la ligne de 

la légèreté du récit. Comme Thomas l’Incrédule, les amis raillent « qu’ils ne croiront 

pas tant qu’ils ne voient pas » pour renchérir avec la boutade de Karel : « je ne croirai 

pas tant que je ne bois pas » 464 . 

Même si le nom du village est finalement révélé, sa validité est tout de suite mise en 

doute. C’est au cours de l’errance nocturne lorsque la fatigue due au cheminement sans 

fin ni direction et la quantité de vin consommé font que Karel s’enflamme contre 

Antonín : 

Ecoute, hier encore, j’étais sur le point de croire que tes Hejlovice – ou quel que nom que tu as inventé 

pour nous – existent réellement. A présent je pense à nouveau, que ce n’était qu’une attrape. 465 

Le lecteur ne peut toujours pas être assuré de l’authenticité du nom. De manière 

semblable, le narrateur dévoile le nom de la demoiselle qu’il voulait également tenir 

secret. Son nom lui a « échappé » par erreur, comme s’il se trouvait lui aussi aviné et 

que sa langue s’était déliée sous l’effet d’une boisson alcoolisée. 

Dans la partie finale, le narrateur entretient l’ambiguïté en posant la 

question : « Tous, ils se posent aujourd’hui la question : le village d’Antonín fut-il une 

illusion ou une réalité ? » Dans le contexte des derniers paragraphes, la perspective de la 

remise en question est posée autrement. Le « aujourd’hui » n’appartient plus ici au 

temps de l’histoire mais rend compte de la situation d’énonciation (d’écriture) et notifie 

une barrière infranchissable entre les amis dispersés, entre avant et maintenant. C’est 

pourquoi cette histoire sans souci paraît être plus une illusion, un rêve lointain qu’une 

réalité vécue et qui ne pourra plus se reproduire. 

463 

« … (lituji čím dál tím víc, že nemohu vyslovit to jméno, ale ne, neřeknu je; vím dobře proč). », 


464 

« […] že neuvěří, dokud neuvidí » ; « [N]euvěřím, dokud se nenapiju », Œuvres III, p. 347, 348. 

465 

« Poslouchej, včera jsem už skoro věřil, že ty tvoje Hejlovice – nebo jaké jméno sis pro nás vymyslil – 

opravdu existují. Teď už zase myslím, že byla jenom atrapa. », Œuvres III, p. 352. 

172


IV.3.4. L’errance nocturne comme symbole du « double chez soi » 

Jusqu’à maintenant, nous avons mis en relief le côté ludique et léger du récit, son 

aspect humoristique, comique, qui prévaut dans l’exposition. Cete légèreté se traduisait 

par une tonalité gaie, joviale, correspondant à la rencontre entre amis autour de coupes 

de bon vin, plein de plaisanteries (toast à la barbe de Staline et à la Voie lactée), de 

rires, de chants. Elle est soutenue par des interventions du narrateur, par son jeu avec le 

lecteur, par des paraphrases badines, comme nous l’avons montré. Au fur et à mesure 

que le vin est consommé, l’ambiance se détend de plus en plus jusqu’au point culminant 

de l’exposition, où, dans un spectacle grotesque, Jiří et « demoiselle » dansent la valse 

« au milieu d’un champ de pommes de terre, au cœur de l’obscurité de la nuit et au clair 

des étoiles tandis que Karel et Antonín chantent : ‘Sur la prairie verte...’ ». Le dialogue 

qui met un terme à la partie gaillarde et qui précède la scène de l’errance étrange mérite 

d’être reproduit : 

« Tu m’aimes, Jiří ? » demanda tout à coup Marie […] 

« Je t’aime », mentait courageusement Jiří. 

« Ne le dis-tu pas, parce que tu es saoul ? » 

« Je ne suis pas saoul, » mentait Jiří encore plus courageusement. 

Et ainsi, ils se séparèrent. » 466 

La scène centrale de l’errance nocturne se pose en contraste criant avec l’ambiance 

enjouée et la légèreté de l’exposition. La tonalité se comble de gravité, les champs 

lexicaux, les motifs et les thèmes introduits sont tout autres que légers. Ils forment des 

isotopies d’obscurité, de vide, d’aliénation, de silence, de temps arrêté, de 

mort : « obscurité illimitée », « obscurité difforme dans tous les sens », « comme si 

l’obscurité et l’insonorité se répondaient », « l’heure de l’intemporalité nocturne, au 

milieu du paysage sans chemin et sans direction », « silence des ténèbres nocturnes » ; 

« le sentiment que le noir pousse de la terre, que la terre est une source profonde 

d’obscurité », « abîme » (2 fois), « ce délaissement nocturne, cette intemporalité de nuit, 

466 « […] uprostřed brambořiště, uprostřed noční tmy a za svitu hvězd, zatímco Karel a Antonín zpívali: 

„Na tý louce zelený…“ „Máš mě rád, Jiří?“ zeptala se znenadání Marie […]. „Mám,“ lhal statečně Jiří. 

„Neříkáš to, protože jsi opilý?“ „Nejsem opilý,“ lhal Jiří ještě statečněji. A tak se rozloučili. », Œuvres 

III, p. 351. 

173


ce ‘pays de personne’ » 467 . La légèreté et le ton de gaillardise et de défoulement sont 

remplacés par un décor angoissant : « Tout espace fut creusé par l’abîme du silence 

mort. Le sentiment d’intemporalité et d’absence de tout chemin devint 

insupportable. » 468 

Si l’errance dans les récits d’exil fut l’image et même le symbole de la vie d’un 

émigré, d’un déraciné dont les traits parlants étaient l’étrangeté, l’exclusion, le 

délaissement, ici l’errance représente autre chose. Le fait qu’Antonín s’égare dans son 

propre pays natal comporte une teinte d’absurdité, de ridicule. Si Karel semble être 

fâché contre l’indigène et scandalisé par cet égarement incompréhensible, Jiří par contre 

connaît ce sentiment d’aliénation des choses les plus proches, mise en doute des 

certitudes les plus sûres. Se perdre dans le pays que l’on connaît le plus intimement lui 

paraît tout à fait possible : 

N’y a-t-il pas, en fait, en tout lieu deux paysages dont les chemins s’entrecroisent mystérieusement ? 

Si nous nous écartons, cela ne signifie-t-il pas que nous étions captés dans un réseau d’un de ces 

carrefours, et que nous marchons déjà sur les chemins de l’autre paysage, sans savoir à quel moment 

nous avons franchi la borne invisible ? » 469 

Et un moment plus tard, la nuit et la fatigue lui suggèrent l’impression de se trouver 

« à la frontière même entre la conscience et la non-conscience, entre l’être et le non- 

être » : 

« Est-ce encore moi, tant que je supposais me connaître, ou bien ai-je déjà traversé cette borne, 

derrière laquelle je me retrouverai tel que je suis vraiment ? 470 

Nous y retrouvons donc le dualisme fondamental qui se manifeste sous diverses 

variantes : double paysage, double temps (jour et nuit) qui préfigurent pour Čep un 

double mode d’existence : terrestre (imparfaite) et celle où l’on entre à travers l’abîme 

de la mort (vraie, accomplie). On pourrait même aller plus loin dans l’interprétation de 

467 

« neohraničená tma », « beztvará tma na všechny strany », « tma a nezvučnost jako by si odpovídaly », 

« hodina nočního bezčasí, uprostřed krajiny bez cest a beze směru » (352), « ticho noční tmy », « pocit, že 

tma vyrůstá ze země, že země je hlubokým zdrojem tmy », « propast » (353), « tahle noční opuštěnost, 

tohle noční bezčasí, tento ’kraj nikoho’ » (354). 

468 

« Celý prostor byl vyhlouben propastí mrtvého ticha. Pocit naprostého bezčasí a bezcestí se stal 

nesnesitelným. », Œuvres III, p. 355. 

469 

« Nejsou vlastně na každém místě krajiny dvě, jejichž cesty se tajemně kříží ? Zabloudíme-li, 

neznamená to, že jsme byli chyceni do sítě jedné z takových křižovatek, a že jdeme už po cestách krajiny 

druhé, aniž víme, kdy jsme překročili neviditelnou mez ? », Œuvres III, p. 352. 

470 

« Jsem to ještě já, tak jak jsem se domníval, že se znám, anebo jsem už překročil onu mez, za kterou 

potkám sám sebe takového, jaký opravdu jsem? », Œuvres III, p. 354. 

174


la dualité en évoquant le double registre (comique et grave) et le dédoublement du 

narrateur (avec les personnages et au-dessus). Toutes ces variantes prennent leur source 

dans l’image-mère de Čep, son « double chez soi ». En outre, les mots-clés signifiant la 

séparation de deux entités différentes, tels que « abîme » (propast), « frontière » 

(hranice), « borne » (mez), « carrefour » (křižovatka), « limite » sont récurrents. En 

même temps, le sentiment de l’imbrication de deux réalités, de leur coexistence de fait, 

est très présent pour Jiří. 

De même que nous avons pu prononcer l’hypothèse que Les Tziganes sont le 

symbole de l’humanité en proie au désarroi de l’après-guerre, Les Trois Passants 

peuvent être interprétés également de façon symbolique. Čep lui-même infléchit le sens 

de l’errance nocturne dans le pays natal, connu jusqu’aux moindres replis, en tant que 

« mémento éloquent » pour les trois passants « qu’il est possible de s’effondrer de la 

certitude matérielle quotidienne dans un pays sans nom et direction ; dans un monde où 

non seulement la distance entre moi et toi, mais aussi la distance entre moi et moi 

s’ouvre en abîme infranchissable » 471 . L’errance nocturne étrange ne veut-elle pas 

suggérer que même les choses que nous prétendons connaître au plus profond cachent 

une partie mystérieuse ? Qu’il n’y a aucune certitude dans l’existence humaine du 

monde moderne en dehors de la nécessité de passer du paysage que l’on a connu ici-bas 

à cet autre désigné par Čep comme le « royaume de la mort » où la vérité de nous et des 

autres serait enfin révélée ? Nous sommes prêts à admettre une telle interprétation. 

IV.3.5. Epilogue auctorial 

La partie que nous avons dénommée le dénouement se compose de deux segments de 

nature différente. Le premier continue et parachève l’histoire de l’errance. Avec la 

retrouvaille de l’orientation au lever du jour, la tonalité et la narration retrouvent leur 

légèreté originale, interrompue par la sérieuse méditation sur la condition humaine sous 

la forme de la partie centrale. Plus intéressant est le second segment contenant les deux 

derniers paragraphes du récit. Nous pourrions le désigner sous le terme de l’épilogue 

471 « Dnešní bloudění jim však bylo zároveň výmluvným mementem: že se lze propadnout z každodenní 

hmotné jistoty do kraje beze jména, do světa beze směru; do světa, kde nejenom vzdálenost mezi mnou a 

tebou, ale i vzdálenost mezi mnou a mnou, se rozevře jako nepřekročitelná propast. », Œuvres III, p. 356. 

175


auctorial 472 . Le narrateur fait un bond hors de l’histoire, du temps et de l’espace qui lui 

étaient propres (l’après-guerre, la Moravie du Sud). Il se place dans l’actualité qui est 

celle de l’écriture, autrement dit il se situe au moment de l’énonciation et évoque les 

destins différents des anciens passants qui évoluent dans trois situations limites : en 

prison, en exil et dans le « royaume de la mort » : 

Autour de certains se fermèrent les murs des prisons, d’autres s’enfoncèrent dans un monde sans 

direction à l’horizon indistinct duquel clignotent des lanternes énigmatiques. Certains ont déjà franchi 

la frontière de l’espace et du temps. 473 

Cependant, le récit se conclut par un accord convergeant, lorsque le narrateur se 

figure Antonín célébrant la messe matinale et prononçant les noms de ses amis, morts et 

vivants, au moment du mémento. Ainsi les amis dispersés sont-ils réunis à force d’une 

communion spirituelle qui n’est plus séparée par aucune frontière, ne subissant pas les 

distances dans l’espace ni dans le temps. 

472 Nous employons le terme « épilogue » dans le sens que G. Genette lui a donné : « l’épilogue a pour 

fonction canonique d’exposer brièvement une situation (stable) postérieure au dénouement proprement dit 

[…] », Palimpsestes. La littérature au second degré, Paris, Seuil, 1982, p. 284. 

473 « Okolo některých se zavřely zdi vězení, jiní se propadli do světa beze směru, na jehož nezřetelném 

obzoru mžikají záhadné lucerny. Někteří už překročili hranice prostoru a času. », Œuvres III, p. 357. 

176


V. ŒUVRE PRODUITE POUR RADIO FREE 

EUROPE 

« Vous parlerez un jour non seulement pour 

votre famille et votre pays mais pour toute la 

nation, pour tous les muets et déchus dans le 

silence. Ce sera un grand moment préparé 

depuis des siècles. » 474 

Dans l’un des précédents chapitres, nous avons donné un aperçu global et général des 

activités effectuées par Jan Čep pour Radio Free Europe. A présent nous nous 

proposons de développer et d’approfondir ce que nous avons appelé son travail 

d’auteur, c’est-à-dire, que nous procèderons à l’analyse des deux programmes dont Čep 

fut non certes l’unique, mais l’un des principaux fournisseurs. Le premier sous-chapitre 

sera consacré aux « méditations » de Čep diffusées dans l’émission hebdomadaire 

« Comment survivre » (plus tard « Réflexions temporelles et intemporelles »), le second 

portera sur les comptes rendus littéraires faisant partie du programme culturel bimensuel 

« Le Livre de la semaine ». Bien que les deux programmes fussent destinés à être 

diffusés de manière radiophonique, nous allons privilégier leur traitement en tant que 

textes. 

V.1. « Méditations temporelles et intemporelles » 

V.1.1. Présentation générale 

Parmi les centaines d’émissions produites dans le cadre de « Comment survivre » et 

« Réflexions temporelles et intemporelles » entre 1951 et 1966, Čep n’en choisit qu’une 

474 « Promluvíte jednou nejen za svůj rod a za svůj kraj, ale i za celý národ, za všechny němé a propadlé 

do mlčení. Bude to veliká chvíle připravovaná od věků. », F. X. Šalda à J. Čep, le 13 septembre 1933. 

177


infime partie pour la publication livresque. Ainsi paraîtront successivement des recueils 

intitulés O lidský svět (Pour un Monde humain, 1953), Samomluvy a rozhovory 

(Soliloques et dialogues, 1959), Malé řeči sváteční (Petits Discours à l’occasion des 

fêtes, 1959) et Poutník na zemi (Un Pèlerin sur la terre, 1965). Ces quatre volumes 

(contre seulement un recueil de récits) représentent la principale récolte dans la création 

de l’écrivain en exil. Certes, ce transfert vers une littérature d’idée ne fut pas abrupt – 

songeons à Rozptýlené paprsky (Les Rayons dispersés), livre d’essais que Čep publia 

encore en Tchécoslovaquie après la guerre. Il reste que depuis qu’il avait amorcé la 

collaboration avec Radio Free Europe, Čep n’écrivit guère de récits de fiction. Comme 

l’a exprimé avec pertinence Vladimír Peška, ce fut avant tout l’expérience de l’exil qui 

fera abandonner à Čep la narration des histoires pour se tourner vers la littérature 

d’idée : 

Jan Čep a continué son œuvre sur un plan différent mais nécessaire. Son art de la parole simple, 

directe, précis, fort, se retrouve pleinement dans l’art difficile de l’essai – car ses textes, ce sont les 

vrais essais ; ils se sont déjà inscrits dans l’art de l’essai tchèque dont le fondateur fut précisément 

Šalda. Mais, essentiellement, tel Comenius, il demeure l’homme que l’exil a transformé, érigé en 

conscience et témoin de la réalité spirituelle et, en général, des valeurs culturelles universelles 

inaliénables, mortellement menacées. 475 

Certains ont vu dans cette transformation du nouvelliste en essayiste plus que le 

changement imposé de l’extérieur par les conditions de vie dures en exil, par le 

caractère de son travail à la radio, tout en suggérant une crise latente qui aurait rongé la 

création de Čep depuis plus longtemps, dès la Seconde Guerre mondiale pour le moins. 

Cette crise insidieuse se serait traduite dans sa méfiance croissante à l’égard de la 

fabulation d’histoires, de l’invention d’intrigue, bref de la fiction en tant que telle. Cette 

explication négative de la transformation ou mieux, sous l’éclairage de la citation de 

Peška, de la réorientation de l’écrivain Čep, peut être également renversée en positive : 

la transformation n’est pas seulement due aux facteurs extérieurs, notamment aux 

pressions dues aux conditions d’existence. Elle est, au moins pour certains, la 

continuation organique de la création čepienne, voire son accomplissement : « Les 

essais ne sont pas un complément mais la suite logique et le sommet de l’œuvre de 

Čep. » 476 


cultures tchèque et polonaise, op. cit., p. 222-223. C’est V. Peška qui souligne. 

476 « Esejistika není doplněním, nýbrž logickým pokračováním a vyvrcholením Čepova díla. », 

K. Komárek, « Souvislosti Čepovy epiky a esejistiky », Konference o díle Jana Čepa, op. cit., p. 34. 

178


Comme l’annonce le premier intitulé du programme radiophonique, les émissions de 

Čep avaient pour but d’aider les souffrants à « survivre » sous la dictature communiste, 

elles s’attachaient à rester en contact le plus possible avec eux afin de les soutenir au 

moins moralement dans l’oppression, afin de leur insuffler l’espoir et des préceptes « de 

survie ». Ou bien, à reprendre le titre du premier recueil, ces textes se proposaient de 

contribuer à construire un « monde humain », contrairement à cette société inhumaine, 

« diabolique » qui s’est créée derrière le rideau de fer où tout procède pour « renverser 

et violer l’homme de l’intérieur, afin de l’énucléer de sa substance et de sa 

vérité même » 477 . Parler aux opprimés depuis le pays libre comporte une sorte 

d’ambiguïté, le danger d’une moralisation stérile. Čep évite un tel danger par le seul 

moyen accessible : l’effort intérieur pour se mettre à la place des victimes au moins 

dans l’imagination, pour les secourir spirituellement. C’est dans cette souffrance 

partagée que ses émissions peuvent être légitimées : 

Nous n’aurions pas le droit de vous parler si nous ne nous efforcions pas de nous mettre à votre place, 

de porter avec vous au moins partiellement le fardeau que vous portez. Même si notre imagination 

parfois échoue, si nous devons nous figurer l’atmosphère que vous êtes obligés de respirer du matin 

jusqu’à la nuit, en sommeil ou en veille, notre cœur répond à votre angoisse par la même angoisse, à 

votre désir et espoir par le même désir et le même espoir. 478 

Si les destinataires des émissions de Čep étaient d’abord par définition les auditeurs 

tchécoslovaques, plus tard, dans les publications en volumes, les textes de Čep 

s’ouvraient aux autres émigrés susceptibles d’y retrouver un « écho de leurs propres 

angoisses et de leurs espoirs » 479 . 

Les enjeux des essais de Čep ne sont pas autres, selon M. Burda, que les « problèmes 

essentiels de son époque » : 

Il ne s’agit pas, en effet, de commentaires journalistiques sur l’actualité brute, mais des méditations et 

des réflexions philosophiques d’un homme profondément croyant qui, à partir d’un problème 

d’actualité, s’interroge sur le présent de la condition humaine dans un monde divisé, s’efforçant 

d’attirer l’attention du lecteur (et de l’auditeur) sur les valeurs universelles de notre civilisation et de 

l’avertir des dangers que court l’homme en acceptant de leur substituer les valeurs fausses que lui 

proposent les hommes de pouvoir. 480 

477 

« […] vyvrátili a zneuctili člověka zevnitř, aby ho vyloupli ze samé jeho podstaty a pravdy. », Œuvres 

V, p. 11. 

478 

« Neměli bychom práva k vám mluvit, kdybychom se nesnažili postavit na vaše místo, nést s vámi 

aspoň zčásti břímě, které sami nesete. I když snad naše obraznost někdy selhává, máme-li si představit 

ovzduší, které jste nuceni dýchat od rána do noci, ve spaní, ve bdění – naše srdce odpovídá na vaší úzkost 

stejnou úzkostí, na vaši touhu a naději stejnou touhou a nadějí. », Œuvres V, p. 11. 

479 

Préface de Pour un monde humain, nous citons de postface aux Œuvres V, p. 307. 

480 

M. Burda, La littérature de l’émigration tchèque de 1948 à 1968, op. cit., p. 359-360. 

179


Du point de vue du contenu et des idées que Čep préconise dans ses essais, les quatre 

livres sont assez homogènes 481 : partout il s’agit de rendre compte de l’expérience 

profonde d’un chrétien dans le monde moderne, désorienté, dépourvu de tout repère et 

qui a vu naître les catastrophes du XX e siècle. Face au chaos, à la relativisation des 

valeurs, et tout particulièrement à l’idéologie et la pratique communistes, Čep propose 

une alternative : l’univers fondé sur des assises chrétiennes dans le sens le plus large du 

terme (le christianisme résorbant le socle des valeurs de l’antiquité et de la tradition 

juive). Rien qu’à lire les titres des sections dont les livres se composent, nous apprenons 

énormément sur les sujets traités. Enumérons-en quelques-uns : Břímě našeho času (Le 

Fardeau de notre temps), Lidské společenství (La Communauté humaine), Já a druhý 

(Moi et l’autre), Lidská paměť a dějiny (La Mémoire humaine et l’histoire), O paměti 

věcí a o paměti srdce (De la Mémoire des choses et de la mémoire du cœur), Rodný 

úžas (L’Emerveillement natal), Souvislost lidského vědomí (La Continuité de la 

conscience humaine), Já a můj bližní (Moi et mon autrui)… Aussitôt les grands thèmes 

čepiens se dressent devant nos yeux, celui du temps et de sa fuite insaisissable, celui de 

la conscience de soi, de l’identité et de l’intégrité de la personne humaine et de son 

rapport aux autres et au monde, celui de la cimentation de la vraie société des humains. 

Nous en reparlerons plus tard en démontrant quelques idées-clés de la pensée de Jan 

Čep. Disons seulement que depuis le premier recueil jusqu’au dernier on observe une 

tendance qui consiste à pencher vers le plus personnel, qui incline de plus en plus vers 

l’intimité du sujet écrivant. Autrement dit, si le Pour un Monde humain est centré sur 

une polémique avec l’idéologie marxiste et communiste, cette polémique, bien plus 

apaisée, étant présente encore dans les Soliloques et dialogues ; dans Un Pèlerin sur la 

terre l’auteur livre ses préoccupations les plus intimes, il s’épanche auprès des lecteurs 

en leur livrant, à l’instar de Baudelaire, son cœur mis à nu. Dans ce dernier livre 

d’émissions radiophoniques, il s’agit en effet fréquemment de textes-bilans, de récits de 

souvenirs, de plongées dans l’enfance, voire d’extraits de son journal intime. Il faut sans 

doute voir cette tendance vers l’intériorité, vers l’intimisme en liaison avec 

l’autobiographie à laquelle Čep alors travaillait et dont des passages entiers 

correspondent avec les pages de la section du Pèlerin titré « De l’autre bord ». 

481 Comme le titre l’indique les Petits Discours à l’occasion des fêtes déboîte quelque peu de la ligne 

comprenant spécifiquement des émissions de circonstance s’attachant aux fêtes religieuses (Pâques, Noël, 

Pentecôte, Toussaint) ou civiques (Fin de l’année, la Nouvel an). Toutefois même ici, les sources restent 

les mêmes ainsi que la vision du monde qui ressortent des textes. 

180


V.1.2. Problème de définition générique 

Dans notre présentation générale, nous avons à plusieurs reprises utilisé quelques 

termes génériques, notamment « essai », « méditation » et « polémique ». Le moment 

est propice pour faire le point sur cette question du genre. 

Les chercheurs en littérature tchèque distinguent dans l’œuvre de Čep deux blocs 

indépendants mais complémentaires, en tout cas équivalents du point de vue de 

l’importance et de la proportion : littérature de fiction prédominant avant l’émigration 

(un roman, de nombreux recueils de nouvelles et des récits) et littérature d’idée se 

développant notamment en exil et pour laquelle on utilise volontiers le label générique 

d’essais. Vérifions si, et en quoi, les textes de Čep correspondent au genre de l’essai. 

L’essai est considéré comme la forme majeure de la littérature d’idée. Depuis son 

origine qui se rapporte à Montaigne, ce genre, assez flou et très variable, est basé 

essentiellement sur l’expérience et la réflexion personnelle de l’auteur. L’une des 

définitions de l’essai serait donc : « une sorte de traité sans système sur ‘l’humaine 

condition’ fondé sur l’expérience personnelle » 482 . Contrairement à un traité scientifique 

ou à une étude, l’essai est dépourvu de l’ambition d’exhaustivité et de la mise en 

système, il « préfère élire le processus en mouvement plutôt que la réflexion achevée et 

close » 483 . Autrement dit, il accentue la dynamique de la pensée par rapport au statisme 

du savoir, de l’érudition. En ce qui concerne le contenu de l’essai, celui-ci vise en 

général l’actualité en avertissant des problèmes poignants de l’époque, du domaine 

philosophique, religieux, social, politique ou autre. Enfin, la valorisation du langage, 

son rôle et son traitement particuliers sont très importants pour le genre en question : 

« le langage ne sert pas qu’à transmettre la pensée, il contribue à la faire advenir, la 

montre comme une quête de sens » 484 . 

Il nous semble que les textes de Čep correspondent assez fidèlement aux 

caractéristiques énumérées ci-dessus. La primauté du personnel comme la base de la 

réflexion čepienne est un fait incontestable et comme nous l’avons déjà dit, cet élément 

d’intime va se renforçant au fil des années. Čep observe toujours la situation du monde 

depuis sa position personnelle et à travers son expérience propre. Les expériences mises 

482 Le dictionnaire du littéraire, op. cit., p. 203. 

483 Ibid. 

484 Ibid., p. 204. 

181


en avant sont notamment celles qui constituent sa personnalité : à la foi chrétienne, 

l’identité de l’écrivain et de l’intellectuel, après 1948 s’ajoute l’expérience de l’exil. 

Quant aux traits formels des essais de Čep qui apparemment ne visent ni 

l’exhaustivité ni la systématisation, tels « fragmentation », « discontinuité », 

« répétition », « variabilité », ils ont une double cause. D’abord il faut tenir compte du 

contexte externe dans lequel les textes-émissions furent écrits. On perçoit nettement 

dans la correspondance de Čep comment celui-ci souffrait de la régularité de son travail 

à la radio. Les termes fixes, auquels il n’était pas habitué auparavant, le jugulaient et ne 

lui laissaient pas assez de temps pour la réflexion. Dans une lettre à Madeleine Monzer 

datant de la première période à Radio Free Europe, il dévoile un peu le processus de son 

travail : 

[…] le dimanche prochain n’attend jamais pour arriver et je suis obligé de faire mon papier avec les 

idées qui me viennent au moment même (ou qui souvent ne viennent pas). […] Comme tu verras, 

cette fois-ci je ne fais pas l’histoire de la culture humaine, mais un raccourci synthétique centré sur le 

sujet « sentiment naturel du sacré – dignité de la personne humaine ». – Je n’ai pas du reste de plan 

bien arrêté et je ne sais jamais ce que je vais dire prochainement. 485 

En revanche, il ne faut pas penser que les textes de Čep relevaient purement et 

simplement d’improvisation. Notamment dans les volumes tardifs, une structuration 

apparaît clairement. Dans l’ensemble des textes formant un tout thématique, la pensée 

progresse selon une logique interne de sorte que chaque essai traite un sujet particulier. 

Ceci dit, Čep ne créa pas tout à fait ad hoc, il se faisait au moins un plan général d’un 

ensemble thématique. Si nous regardons par exemple un corpus de cinq textes titré 

« L’émerveillement natal » inclus dans Un Pèlerin sur la terre, une structure préméditée 

ressort nettement après la lecture : 1) enfance – noyau de l’être humain 2) non-évidence 

de l’existence 3) mystère de l’homme et de l’univers 4) mystère de Dieu 5) synthèse. 

Ces contraintes négatives liées au travail radiophonique nous sont fortement 

confirmées par les paratextes auctoriaux qui accompagnent la publication des essais. 

Ainsi pour le premier volume d’essais Pour un Monde humain qui ne subissait aucune 

modification par rapport aux émissions diffusées à la radio, Čep dans la préface avertit 

le lecteur de la genèse du livre et explique les nombreuses répétitions, les idées 

délaissées à mi-chemin, l’argumentation qui ne pouvait pas tout à fait aboutir. « Pour 

que ces textes puissent devenir un vrai livre, dit-il dans la préface, il faudrait les réécrire 

485 J. Čep à M. Monzer, le 26 mars 1952. 

182


tous. » 486 De même dans les autres paratextes Čep se plaint des « formulations 

fragmentaires », de la « pression extérieure des délais radiophoniques » trop réguliers 

qui « ne donne pas le temps à la réflexion », etc. Malgré un certain degré de rédaction 

des volumes postérieurs à Pour un Monde humain, l’empreinte du caractère originaire 

des textes radiophoniques se laisse toujours voir dans les essais livresques. De fait, il ne 

serait peut-être pas incongru de parler des essais radiophoniques ou au moins des essais 

qui l’étaient originairement 487 . 

D’autre part, il est incontestable que le principe de répétition et de variation constitue 

le fond même de la poétique de Čep. Si dans la création fictive, il consiste à varier 

certains motifs et situations clés, dans les essais ce sont également toujours les mêmes 

enjeux auxquels il se voit poussé à revenir sans cesse. Lui-même dans la préface 

d’Un Pèlerin sur la terre affirme la reprise et la répétition des thèmes et des motifs 

centraux comme le principe universel de tout écrivain. Nul ne peut l’éviter tout à fait car 

ces répétitions, aussi variées soient-elles et chaque fois situées dans un contexte 

différent, sont toujours engendrées par la même vision créatrice immuable que 

l’écrivain se forge de l’homme et du monde : 

Il semble que chaque écrivain répète, dans un sens, toujours la même chose. […] Même si le 

nouvelliste ou le romancier raconte chaque fois une nouvelle histoire et met en scène toujours de 

nouveaux personnages, il part [cependant] toujours d’une certaine intuition foncière, qui naturellement 

subit une évolution et une transformation sous l’influence de sa propre expérience vitale, devant de 

nouveaux horizons spirituels. 488 

La question du langage des essais – nous pouvons dorénavant utiliser ce terme sans 

peur d’en abuser – confirme encore plus l’appartenance des textes de Čep à la catégorie 

des essais. Dans les comptes rendus de l’époque, les critiques – même ceux qui ne 

partageaient pas les idées et les perspectives chrétiennes de l’auteur – s’inclinaient 

devant le langage dans lequel ces idées s’incarnaient. Les critiques d’exil fondent 

littéralement « en lisant ce tchèque classique et cristallin » 489 , jubilent devant une 

486 « Aby vznikla z těchto textů opravdová kniha, bylo by třeba napsat je všechny znova. », Préface de 

Pour un monde humain, nous citons de postface aux Œuvres V, p. 306. 

487 En inversant les choses, nous pouvons aussi dire en citant le témoignage de Jaroslav Dresler que Čep 

« s’adaptait mal à la technique de la radio, de ce fait ses réflexions et méditations restaient foncièrement 

littéraires », « Jan Čep ve Svobodné Evorpě », in : Konference o díle Jana Čepa, op. cit., p. 112. 

488 « Zdá se, že každý spisovatel říká v jistém smyslu stále totéž. […] I když novelista nebo romanopisec 

vypravuje po každé jiný příběh a uvádí na scénu nové postavy, vychází stále z jisté základní intuice, která 

se ovšem vyvíjí a přetváří pod vlivem jeho vlastní životní zkušenosti, před novými duchovními obzory. », 


489 V. Peška, « Jan Čep: Samomluvy a rozhovory », Livre de la semaine, le 2 mars 1961, p. 1. 

183


« pureté de langage relevé » 490 et savourent ce « tchèque reluisant de l’or de nos champs 

de blé et retentissant de l’argent de bons deniers tchèques » 491 . Nous savons l’estime de 

toute la critique tchèque de l’Entre-deux-guerres pour le langage des proses de Čep. 

Force est de constater que Čep a su conserver ce langage vivant et riche aussi dans ses 

essais. C’est Egon Hostovský qui s’étonna de l’art propre à Čep d’envelopper les idées 

les plus abstraites de la chair poétique : « He can recast abstract thought into poetry. 

Even his latest philosophical and religious essays, published in exile, are replete wish 

his singular poetry. » 492 Qu’est-ce qui fait cette « singulière poésie » dont les essais de 

Čep sont imbibés ? Disons ici seulement que ce sont en grand partie les mêmes moyens 

qui faisaient l’honneur de la prose de fiction de Čep : métaphores et comparaisons peu 

communes, poétismes, mélodie verbale. Pour certains textes il serait effectivement plus 

adapté de parler de « récits poétiques » ou de « réflexions poétiques ». 

Dans la correspondance avec ses amis, Jan Čep donnait à ses émissions 

hebdomadaires souvent le nom de « méditations semi-philosophiques, semi- 

religieuses » ou « semi-philosophique, semi-politique ». Le mot méditation n’est pas ici 

anodin. Si nous sommes d’accord pour considérer génériquement les textes de Čep 

comme des essais, la méditation en serait une sous-forme, accentuant un aspect de leur 

genèse, à savoir les conditions dans lesquelles ces textes ont été engendrés, et la façon 

dont ils furent créés. La méditation entraîne l’idée de concentration, de recueillement, 

de silence. Ce n’est point du « silence indifférent et mort, mais du silence vigilant que 

naissent la pensée, la prière et la méditation » 493 , dit Čep dans l’une de ses premières 

émissions ; de ce silence salutaire qui interpose une distance entre le sujet et la situation 

du moment présent, et qui permet dans l’ « écoute du cours du temps » de revenir sur le 

soi profond, de « reconnaître sa vraie figure » 494 . Ce retour à soi dans le silence est une 

condition nécessaire pour Čep afin qu’il puisse déterrer dans l’intimité du cœur les 

expériences dépassant le personnel, le subjectivisme narcissique, et qui donc puissent 

devenir « intemporelles » et retentir d’une vérité universelle également pour les autres. 

Dans la méditation il s’agit toujours d’une « recherche de la vérité, vécue dans la 

490 

Sil., « Samomluvy a rozhovory », Svědectví, 4, n° 13, printemps 1961, p. 79. 

491 

Expression d’un critique cité par V. Peška, « Samomluvy a rozhovory », Livre de la semaine, le 2 mars 

1961, p. 1. 

492 

E. Hostovský, « Homage to Jan Cep on his sixtieth birthday », émission à Radio Free Europe, 

le 30 décembre 1962, p. 5-6. 

493 Œuvres V, p. 13. 

494 Ibid. 

184


sincérité du cœur » « cherchant à faire coïncider l’intemporel avec les circonstances 

vécues » 495 . 

Primairement classée dans le domaine du religieux, la méditation peut s’étendre dans 

un champ séculier comme « des textes qui cherchent l’intimité de l’être en se fixant sur 

un objet ou un thème » 496 . Dans les essais de Čep on repère les deux formes. Les 

méditations religieuses seraient sans aucun doute celles des Petits Discours à l’occasion 

des fêtes, qui se rapportent aux fêtes religieuses. Ce sont des réinterprétations des 

événements bibliques, c’est surtout la réécriture des récits évangéliques, notamment 

l’histoire de la Passion. Čep s’adonne aussi au sous-genre que serait la « prière », 

considéré par M. Trávníček comme le « déploiement intrinsèque le plus personnel et le 

plus mûr des essais de Čep » 497 . Le fait que la prière achève les deux livres les plus 

personnels de Čep, Un Pèlerin sur la terre et Ma Sœur l’angoisse, est d’une grande 

éloquence et lui donne parfaitement raison. 

Si le terme de « méditation » est bien approprié aux essais de Čep, l’aspect 

polémique dont ces textes regorgent, surtout dans les deux premiers volumes, lui fut 

étrange. La conception de Radio Free Europe exigeait la confrontation des valeurs 

démocratiques avec les valeurs et leur réalisation dans les sociétés communistes. Bon 

gré mal gré, sur ce point Čep fut obligé de se soumettre à la philosophie de Radio Free 

Europe. Il l’explique dans une lettre à Madeleine Monzer : « La nature de ma tâche 

exige que je fasse à chaque fois un rapprochement avec les réalisations de la société 

marxiste. » 498 Nous sommes toutefois loin des textes de genre pamphlet ou de quelque 

autre forme extrême de la polémique. Dans ses essais, Čep n’est ni violent ni agressif, 

l’échauffement exclut la méditation. Aussi le ton passionnel, l’expression emphatique 

ou ironique, qui sont les moyens courants du pamphlet, sont-ils dans les essais de Čep 

dosés plutôt chichement. Il ne fait que poser des arguments objectifs, que tracer par 

exemple la comparaison de la société occidentale libre avec ce qu’il appelle une « large 

prison durement surveillée » pour faire démasquer les mensonges flagrants de la 

propagande communiste. 

495 

Le dictionnaire du littéraire, op. cit., p. 381. 

496 

Ibid., p. 381. 

497 

M. Trávníček, Pouť a vyhnanství, op. cit., p. 143. 

498 

J. Čep à M. Monzer, le 26 mars 1952. 

185


Enfin pour rendre compte de la spécificité et de la précarité de la communication 

dont les textes furent l’objet, il faut mentionner encore le label générique contenu dans 

un titre : Soliloques et dialogues. Ce sont les « méditations d’un solitaire », puisées dans 

le silence intérieur, qui se veulent des messages pour ceux qui sont pour le moment 

éloignés physiquement et cloisonnés par le rideau de fer. C’est pour eux et à leur place 

que Čep s’efforça de « penser à haute voix » 499 . 

Achevons donc ce développement sur la question du genre en constatant que les 

textes que Čep produisit pour les émissions « Comment survivre » (« Réflexions 

temporelles et intemporelles ») sont de vrais essais quoique portant des traces de la 

pratique radiophonique. Ils sont aussi des méditations dans ce qu’ils mûrissent dans le 

recueillement et le silence ouvrant le fruit de la réflexion intime aux autres et la 

partageant avec eux. Du point de vue du schéma communicationnel, la désignation de 

soliloques et de dialogues se montre pertinente, faisant entendre qu’il s’agit d’un 

dialogue avec le destinataire absent. 

V.1.3. Les enjeux centraux de l’essayiste Čep 

Nous allons à présent nous plonger dans l’univers des essais de Čep pour en faire 

ressortir quelques thèmes principaux qui constituaient les axes de sa réflexion. Il va de 

soi que ses écrits sont fortement marqués par l’atmosphère de l’époque et qu’ils puissent 

parfois nous paraître assez éloignés de notre temps. C’est pourquoi dans l’approche qui 

est la nôtre nous préférerons valoriser plutôt la partie « intemporelle » des méditations. 

Or cet aspect « temporel », c’est-à-dire le contexte historique qui est celui de la guerre 

froide, et qui dérange parfois à la lecture d’aujourd’hui, est tout de même inévitable à la 

compréhension du sujet. Nous le baliserons sommairement afin de pouvoir poursuivre 

de plus près la pensée de l’essayiste Čep. Ayant donc rappelé les lignes de force de la 

critique de Čep vis-à-vis du régime communiste, nous centrerons notre intérêt sur son 

observation de l’homme, pour terminer par une analyse de la perception qu’il se fait du 

temps et de l’histoire humaine. 

499 Terme utilisé dans la préface du Pour un monde humain. 

186


V.1.3.1. Réfutation du régime communiste 

Il serait assez insensé de résumer l’argumentation que Čep développe dans ses essais 

à une opposition systématique contre les réalisations des Etats communistes. Ce ne 

serait que répéter les thèses générales qui figurent dans grand nombre d’ouvrages qui 

ont fait la critique du totalitarisme communiste, que ce soit du point de vue 

philosophique, politique, social ou autre. La hiérarchie de ces arguments pourrait certes 

être nuancée en fonction du parti-pris de tel ou tel critique s’attaquant au communisme, 

mais en principe on arriverait à un nombre certain d’arguments communs comme 

l’imposition de l’unique idéologie de l’Etat, la suppression de la pluralité démocratique, 

le rôle néfaste de la propagande, de la censure, de la rééducation, l’entrave des libertés 

fondamentales de l’homme, la persécution, l’emprisonnement ou la liquidation physique 

des « ennemis de classe », et ainsi de suite. Au lieu de refaire, après tant d’autres, un tel 

recensement d’objections et de critiques faites au communisme, nous essaierons de 

répondre à deux questions à première vue toutes banales. Au lieu de nous questionner 

sur « ce qu’il dit contre » (question de la critique philosophique), nous allons nous 

interroger sur le double « comment ». Le premier « comment » serait pragmatique : 

Comment, dans quel sens veut-il influencer ses auditeurs ? Autrement dit : quel est 

l’effet voulu – ou parlons avec John Austin de « force illocutoire » – auprès de ses 

auditeurs ? De quelle nature est sa relation avec eux ? Le second « comment » relèvera 

plutôt de la rhétorique, de la construction du discours critique : comment fait-il sa 

critique de la dictature communiste ? Par quels moyens procède-t-il pour la réfuter, pour 

démontrer les vices de ce « régime diabolique » ? Quelle est sa stratégie ? 

Méditation comme support moral et appel à la résistance interne 

La méditation čepienne comporte deux aspects essentiels : rectificateur (ou 

simplement informatif) et moral. Le premier avait pour but de contrebalancer la 

propagande communiste omniprésente, le second – plus important à notre avis – devait 

alléger la souffrance, réconforter et encourager les opprimés. Le premier aspect était 

propre à la mission de Radio Free Europe en tant que telle ; le soutien moral fut par 

contre la priorité de Čep. C’est cette relation compassionnelle qui, entres autres, donne 

aux émissions sa couleur spécifique. 

187


Le support moral des méditations se manifeste tout d’abord dans cet effort de se 

mettre à la place de ses auditeurs, de s’approprier en quelque sorte, par le travail de 

l’imagination, leur souffrance et leur misère comme nous en avons parlé plus haut. Čep 

ne se lasse pas de confirmer que non seulement les compatriotes en exil mais le monde 

libre tout entier est en communion étroite avec les opprimés. Il s’agit pour Čep de 

souligner ce que le philosophe tchèque et futur porte-parole de la Charte 77 Jan Patočka 

allait appeler la « solidarité des ébranlés » 500 . C’est que partout dans le monde les gens 

ne doivent pas restés indolents face à un malheur que subissent leurs semblables dans un 

autre endroit du monde. « Par ce qui arrive à l’homme à Moscou, à Prague ou à 

Budapest, l’homme, dans le monde entier et à tout moment, est blessé dans son 

humanité ; il se voit menacé de devenir quelque chose d’inférieur à l’homme » 501 . Le 

propos est d’une actualité toujours poignante ; il suffit de substituer les noms 

géographiques et prononcer au lieu de Moscou, Prague, Budapest par exemple Darfour, 

Tchétchénie, Iran. La source de cette solidarité est pour Čep moins basée sur une 

conception philosophique que sur les préceptes tirés de l’Evangile, puisque chez lui 

cette vague de solidarité n’exclut pas des adversaires et des tyrans. Cette « unité avec 

des frères inconnus du monde entier – même avec ceux qui se prennent aujourd’hui 

pour nos ennemis » 502 fait pour Čep partie du projet divin qui est celui de l’ « unité 

d’amour ». 

L’expression de cette large solidarité va de paire avec la répétition constante de 

certitude que le règne du communisme prendra fin. C’est un important appel à 

l’espérance. Čep ne pense pas tant à l’intervention militaire comme le souhaitait la 

majorité des émigrés à l’époque, il met l’accent sur le caractère caduc inné du 

communisme. Celui-ci est selon Čep erroné de fond en comble puisque sa tentative de 

créer un monde nouveau pour un homme nouveau « s’oppose aux lois de la nature 

humaine, aux besoins les plus profonds de l’être humain, à sa destination et à sa 

vocation spirituelles » 503 . Le moment privilégié pour exprimer l’encouragement est bien 

évidemment la fin de l’émission. C’est dans le dernier paragraphe, voire les dernières 

lignes de l’essai que Čep concentre tout son effort pour toucher les auditeurs. La fin de 

500 Le terme est élaboré notamment dans Kacířské eseje o filosofii dějin (Essais hérétiques sur la 

philosophie de l’histoire), Praha, (samizdat), 1975 ; puis publié en 1990 dans les éditions Academia. 

501 « Tím, co se děje na člověku v Moskvě, v Praze a v Budapešti, je člověk po celém světě a v každém 

okamžiku ohrožován a zraňován na svém lidství; hrozí mu, že se stane něčím méně než člověkem. », 

Œuvres V, p. 101. 

502 Œuvres V, p. 113. 

503 Œuvres V, p. 19. 

188


l’essai dévie souvent de la ligne argumentative majoritaire pour s’enflammer d’un feu 

de passion, d’emphase, de poésie particulière. C’est ici que Čep martèle afin qu’au 

moins les dernières paroles de son discours marquent l’auditeur. Voici quelques 

exemples de ces fins pathétiques où s’imbriquent l’accentuation du caractère temporel, 

définitif du régime communiste avec l’appel à l’espérance : 

Les radicelles de la mousse vivante suffisent à ronger les murs de la prison la plus dure, par la fêlure 

de laquelle le bleu lumineux du ciel finira par percer. – Or seul Dieu est le maître suprême du temps et 

de l’histoire. Les tours babyloniennes n’étaient jamais achevées – Chers amis, en ce moment vous êtes 

emprisonnés comme dans un mauvais rêve, comme dans une cave souterraine immense avec des murs 

épais sans issue et sans fente. […] Vous tâtonnez péniblement dans les douleurs et dans les ténèbres 

mais vous êtes premiers sur le chemin vers la lumière qui jaillira de l’intérieur et dont les premiers 

rayons sont en train de tomber sur vos traces ensanglantées. 504 

Régulièrement, nous trouvons également une conclusion qui se rapproche de la 

prière liturgique, en particulier de la prière universelle ou de la courte prière finale après 

la communion qui achève la liturgie de la messe. Ou encore – si nous voulons rester 

dans le domaine de la messe – il nous vient à l’esprit une autre analogie : Čep procède 

tel un prêtre prêchant à ses ouailles qui conclut son homélie souvent par une sorte 

d’exhortation. C’est à la fin qu’il incite, soutient, encourage les auditeurs tout en priant 

pour eux. Par exemple au moment de la fête de la Pentecôte, l’émission de Čep s’achève 

par ces mots : 

Que ce rayon [de la flamme de l’Esprit] pénètre aussi le crépuscule de vos prisons et remplisse vos 

cœurs de l’espérance et de la force. Qu’il touche même les cœurs de vos geôliers et rompe la cuirasse 

de leur haine et de leur aveuglement spirituel. 505 

Ou bien la méditation portant sur la vertu de l’espérance se clot par cette 

intercession : 

Que ce mouvement interne profond [espérance] que Dieu a mis dans notre nature même résiste à la 

souffrance et aux épreuves de ces temps, qu’il éloigne de nous toute tentation et désespoir. Qu’il 

retentisse sans cesse dans les cœurs de ceux pour qui les jours passent sans joie, dont le pain quotidien 

n’est autre que l’angoisse et la peur. […] Qu’ils puissent sentir par leur être entier, que leur souffrance 

est le chemin de l’espérance et la porte de la vie. 506 

504 « Kořínky živého mechu stačí na to, aby rozhlodaly zdi nejtvrdšího žalářem jehož trhlinou si prodere 

cestu světelná modř z oblohy. » – « Ale jenom Bůh je svrchovaný pán času a dějin. Babylonské věže 

nebyly nikdy dostavěny. » – « Drazí přátelé, jste tuto chvíli uvězněni jako v zlém snu, jako v nesmírné 

podzemní kobce s tlustými zdmi bez východu a beze škvíry. […] Tápete v těžce v bolestech a ve tmách, 

ale jste první na cestě k světlu, které se vyřine zevnitř, jehož první paprsky už padají do vašich 

zakrvácených šlápot. », Œuvres V, p. 54, 101-102. 

505 « Kéž pronikne tento paprsek i soumrak vašich vězení a vleje vašim srdcím naději a sílu. Kéž se 

dotkne i srdcí vašich žalářníků a rozrazí krunýř jejich nenávisti a duchovní slepoty. », Œuvres V, p. 78. 

506 « Kéž toto hluboké vnitřní hnutí, které už do samé naší přirozenosti vložil Bůh, odolá utrpení a 

zkouškám těchto časů, kéž od nás vzdálí pokušení a zoufalství. Kéž se ustavičně znovu ozývá v srdcích 

189


De telles conclusions homilétiques 507 (ou sous forme de prière) sont assez fréquentes 

dans les essais de Čep. 

Si le soutien, le support moral fut le côté face de la visée de Čep à l’égard du 

destinataire, le côté pile en serait l’appel à la résistance, à l’héroïsme, à la responsabilité 

personnelle. Bien évidemment, il n’est pas question pour Čep de pousser au 

soulèvement armé contre le régime ; son appel vise à la résistance passive qui 

permettrait d’éviter la domination totale de l’individu. La résistance à laquelle il invite 

ses auditeurs se situe à l’intérieur, plutôt sur le plan moral que sur celui de l’action. Il 

s’agit d’une attitude de non-acceptation exprimée du fond du cœur alors qu’à l’extérieur 

aucune réprobation n’est concevable, toute opposition étant liquidée. Car ne pas se 

laisser enrouler dans la pression du Parti, ne pas renoncer à cette liberté intérieure, c’est 

une nécessité de survie morale. 

À part son rôle de consolateur, Čep revêt ici la charge de conseiller ou de maître 

susceptible de guider, d’aider à passer à travers l’épreuve et le mal ceux qui lui 

attribuent sa confiance. C’est à ce titre qu’il parsème ses allocutions, surtout dans les 

premiers temps, de nombreuses indications à suivre. Ce n’est pas par hasard que l’on a 

employé le terme d’ « exercices spirituels » 508 pour désigner l’effet que les émissions de 

Čep avaient sur ses auditeurs. 

Dans la première phase de ses « exercices spirituels » Čep incite ses auditeurs de 

rester les personnes cohérentes, stables et fidèles aux valeurs édifiantes à l’aide d’un 

acte d’intériorisation qui permet d’« acquérir le recul le plus grand possible des choses 

qui menacent de nous aveugler et assourdir » 509 .S’ensuit l’appel à l’engagement 

individuel et personnel. Dans la société qui néglige l’individualité aux dépens du 

collectif, Čep tient à la responsabilité toute personnelle : 

všech těch, kterým plynou dni bez radosti, jejichž denním chlebem je úzkost a strach. […] Kéž by cítili 

celou svou bytostí, že jejich utrpení je cestou naděje a branou života. », Œuvres V, p. 87. 

507 Karel Komárek fait d’ailleurs remarquer les traits homilétiques dans les œuvres de fiction de Čep. 

Cf. « Souvislosti Čepovy epiky a esejistiky », in : Konference o díle Jana Čepa, op. cit., p. 34. 

508 Cf. « Postface » de B. Fučík et M. Travníček aux Œuvres V, p. 309. 

509 Œuvres V, p. 22. 

190


Il serait erroné de croire que le Destin ou la Providence l’arrangerait au lieu de nous d’une certaine 

manière, sans que chacun de nous subisse le risque personnel d’une décision, d’un choix et d’un acte, 

ne fût-il même tout à fait interne. 510 

C’est même par leur impuissance que les persécutés travaillent sur l’effondrement du 

régime criminel. Čep développe souvent cette idée de correspondance et 

d’interdépendance entre les oppresseurs et leurs victimes. Dans un essai intitulé « La 

force des impuissants » qui préfigure de beaucoup la réflexion sur le « pouvoir des 

impuissants » 511 envisagée par un autre porte-parole de la future Charte 77, Václav 

Havel, Čep déclare que les malheureuses victimes « portent témoignage justement par 

leur impuissance et leur misère ». Leur souffrance et leur silence sont des moyens plus 

puissants que la force armée ou la torture physique et psychologique des bourreaux 

communistes : 

L’intention de ceux qui les ont condamnés fut de les exclure de la communauté des autres. Nous 

sommes persuadés qu’il ont réalisé précisément le contraire : ces opprimés, exterminés, invisibles et 

silencieux sont au contraire présents dans l’esprit et dans le cœur de tous ; toute atmosphère est 

imbibée par leur absence, par leur souffrance, aux traces ensanglantées auxquelles tous se heurtent, en 

dormant, en veillant. 512 

C’est sans doute aussi le reflet du message évangélique qui subvertit le concept du 

pouvoir qui permet de voir une force dans la faiblesse et une puissance dans 

l’impuissance. Čep se rend très bien compte que les nouvelles formes de torture mises 

en œuvre par les méthodes de la police communiste vont de paire avec la nouvelle 

perception de notions comme « martyr » ou « héroïsme ». Il ne peut plus s’agir des 

grands actes héroïques qui stimulaient jadis l’imagination des poètes et des romanciers. 

La nouvelle forme de l’héroïsme, cachée et tout interne, saura naître seulement de « ce 

noyau spirituel qui donne l’orientation à toutes nos pensées, à chacun de nos gestes » : 

Tous nos efforts […] doivent être concentrés pour parvenir à maintenir cette liberté profonde dans 

laquelle nous disons à certaines choses oui, et à certaines non. Même si le mot est déjà imperceptible, 

même si nous ne sommes plus en mesure de mouvoir nos lèvres pour le prononcer. Et même alors que 

notre langue, notre volonté et notre conscience sont paralysées par le sortilège scientifique de nos 

bourreaux. Notre oui et notre non que nous prononçons jusqu’au dernier moment lucide dans notre 

cœur, et auquel nous reviendrons dès que nous retrouverons le pouvoir sur notre volonté – ce notre oui 

510 « Bylo by omylem se domnívat, že to za nás Osud nebo Prozřetelnost nějak vyřídí, aniž každý z nás 

podstoupí osobní riziko rozhodnutí, volby a činu, byť třeba zcela vnitřního. », Œuvres V, p. 17. 

511 Cf. l’essai de V. Havel Moc bezmocných (Le Pouvoir des impuissants) écrit en 1978 et dédié à Jan 

Patočka fut publié dans le recueil O lidskou identitu, Praha, Rozmluvy, 1990. 

512 « Úmyslem těch, kteří je odsoudili, bylo, vyloučit je ze společenství s druhými. Jsme přesvědčeni, že 

dosáhli pravého opaku: tito potlačení, vyhlazení, neviditelní a mlčící jsou naopak přítomni v myslích a 

v srdcích všech; celé ovzduší je proniknuto jejich nepřítomností, jejich utrpením, na jehož krvavé stopy 

narážejí všichni ve spaní, ve bdění. », Œuvres V, p. 263. 

191


et non sera – et il l’est déjà à ce moment, l’arme la plus puissante. C’est lui qui va à nouveau peupler 

le monde ravagé par des ingénieurs matérialistes des âmes humaines. 513 

L’humanité versus le monde inhumain : principe de contraste 

L’aiguillon polémique ne constitue pas l’enjeu principal de la réflexion de Čep. Il est 

plutôt à la marge de ses sujets de prédilection, tels la fuite du temps, la dignité et 

l’irréductibilité de la personne humaine, le sens de l’histoire, etc. Cet aspect polémique 

dont l’auteur « se défendait » (comme il le confie dans un paratexte auctorial) était 

imposé, comme nous le savons, par l’orientation intrinsèque de Radio Free Europe. La 

critique explicite a d’ailleurs une tendance décroissante cédant de plus en plus de place 

aux préoccupations vraiment intimes de Čep. 

Nous avons encore promis d’essayer de faire observer comment Čep introduisit la 

critique du communisme dans le corps de ses essais. Démontrons donc à présent à l’aide 

de quelques exemples de quelles positions et par quels procédés la critique čepienne fait 

son entrée. 

Le principe majeur auquel Čep a recours dans ses essais pour mettre en cause le 

totalitarisme communiste est le principe du contraste. C’est ce « rapprochement » 

nécessaire dont il se plaint dans la lettre à Madeleine Monzer que nous avons citée, une 

mise en opposition d’un aspect propre à l’idéologie ou la pratique communistes avec 

une entité autre. 

De quelle sorte d’analogies s’agit-il ? Čep met côte à côte par exemple la pluralité 

des pays démocratiques et la doctrine idéologique imposée de l’Etat communiste, sa 

« vérité » unique. Ou bien, lorsqu’il aborde le sentiment du sacré dans l’histoire de la 

religiosité, il compare la frayeur du sacré dans le paganisme chez les anciens avec le 

refus et la liquidation de toute métaphysique dans l’Etat communiste. Idem pour la 

question de la mort et de la souffrance, du mal, et autres problèmes ontologiques (ou 

métaphysiques) qui passent sous silence, voire sont banalisés dans les pays où s’étaient 

établis les régimes communistes, alors que depuis toujours de tels « mystères » 

513 « Všecko naše úsilí […] musí být soustředěno k tomu, abychom uhájili onu hlubokou svobodu, v které 

říkáme některým věcem ano, a některým věcem ne. I když toto slovo je už třeba neslyšitelné, i když už 

nemůžeme ani pohnout rty, abychom je vyslovili. Ba i tenkrát, když náš jazyk, naše vůle a naše vědomí 

jsou ochromeny vědeckým čarodějstvím našich katů. Toto naše ano a naše ne, které budeme vyslovovat 

do poslední jasné chvíle ve svém srdci, ke kterému se vrátíme, jakmile nabudeme opět moci nad svou vůlí 

– toto naše ano a ne bude – a je už od této chvíle, zbraní ze všech nejmocnější. Ono opět zalidní svět 

zpustošený materialistickými inženýry lidských duší. », Œuvres V, p. 104. 

192


accompagnaient l’existence de l’homme et l’interrogeaient. C’est par cette tentative 

d’enfermer l’homme en lui-même, de détourner ses aspirations innées vers l’absolu, de 

faire tarir son désir de transcendance, que l’idéologie communiste paraît à Čep la plus 

néfaste. Etroitement liée à l’effort d’ôter ou de substituer à l’individu tout ce qui 

remplissait sa vie intérieure, l’expérience communiste risque, selon Čep, de créer un 

« homme déshumanisé », uniformisé, qui ressemblerait plus à une fourmi ou à un robot 

qu’à un être doté d’un esprit et d’une volonté libres. Ainsi donc les rapprochements de 

Čep sont-ils multiples, tirés de registres divers. Ils se situent soit sur l’axe temporel, ce 

qui permet de comparer certains aspects des pays communistes avec les réalisations de 

phénomènes semblables dans les époques antérieures (Antiquité, Moyen-Âge, 

Révolution française, Entre-deux-guerres, etc.), soit sur l’axe spatial où il oppose des 

« acquis » des sociétés communistes du mode de vie d’ailleurs, c’est-à-dire du monde 

occidentale libre. Mettons quelques exemples concrets de mises en rapport faites par 

Čep dans un tableau : 

communisme Les anciens Moyen-Âge 

Société occidentale 

libre 

Athéisme agressif Sentiment du sacré Religiosité fervente Liberté de confession 

Vérité unique 

imposée, doctrine 

d’Etat 

Connaissance 

« scientifique » 

totale et infaillible 

Refus de toute 

métaphysique et 

ontologie (mystère) 

Uniformité basée 

sur l’organisation 

du travail 

Ontologie – base 

de la philosophie 

antique 

Métaphysique – 

base de la 

philosophie 

médiévale 

Unité basée sur la 

croyance 

Pluralité des 

opinions, recherche 

individuelle de la 

vérité 

Partialité de la 

connaissance et 

pluralité des 

méthodes 

Aspiration 

inextirpable de 

l’homme vers 

l’absolu, 

transcendance 

193


Banalisation 

(escamotage) de la 

mort et de la 

souffrance 

Frayeur sacrée 

devant la mort 

Mort et souffrance 

prises en rapport 

avec la religion 

Conscience du 

tragique dans la 

condition humaine 

(Camus, Malraux) 

Le plus souvent et le plus amplement est convoqué le rapprochement entre le 

communisme et le christianisme, deux visions du monde intransigeantes pour Čep. A 

l’instar de Chesterton il voit dans le communisme, comme d’ailleurs dans 

l’existentialisme, une variante égarée du christianisme. Le communisme comme le 

christianisme relèvent du domaine de la croyance, entre les deux, les ressemblances sont 

frappantes. Le communisme apparaît à Čep comme une imitation du christianisme, un 

peu comme Satan est appelé le singe (imitateur) de Dieu 514 . C’est la religion où la place 

de Dieu détrôné est occupée par l’homme lui-même. La foi communiste semble à Čep 

encore plus irrationnelle que la métaphysique chrétienne, puisque ce à quoi il faut croire 

n’est rien de moins que l’avènement du paradis sur la terre, où l’accomplissement total 

de l’homme est garanti dans le temps. Čep va jusqu’à pointer les analogies dans la 

structure hiérarchique du Patri communiste qui est comme empruntée à la hiérarchie 

catholique. Le communisme fait figure de christianisme dégradé, c’est son imitation 

caricaturale : 

Le parti communiste nous apparaît comme une sorte d’Eglise qui a sa rigide hiérarchie et sa 

discipline, son système d’autorité complexe et emboîté, au sommet duquel se trouve le pape 

moscovite. La doctrine marxiste-léniniste-staliniste, science de toutes les sciences, est présentée aux 

croyants communistes comme une sorte de révélation dont on ne peut pas douter et dont l’exégèse et 

l’application sont contrôlées par les autorités suprêmes du Parti. […] L’inquisition idéologique et 

politique est beaucoup plus implacable que cette malheureuse institution d’Etat espagnol […] Le chef 

moscovite de l’Eglise communiste, est entouré par un culte devant lequel les restes de la cérémonie du 

Vatican de la Renaissance semblent piètres. Or le plus insolent c’est que la caricature communiste du 

christianisme ne pouvait pas se passer de cet ‘au-delà’, de l’état éternel de la félicité parfaite qui 

représente pour le chrétien l’accomplissement du temps, l’acquittement de toute injustice terrestre, 

l’être dans le sens véritable et plein du mot, la participation à la vie de Dieu. Seulement, dans la 

version marxiste-communiste, cet état adviendra d’ores et déjà sur cette terre et dans ce temps, dieu 

sait pourquoi et dieu sait quand. Les communistes ne disent rien de plus précis sur la nature et le 

contenu propres de cette soi-disant félicité à la fois éternelle et temporaire, sinon que l’on accède à 

elle, qu’on l’atteindra, non par la pureté de la vie, par la vérité et l’amour, mais par la terreur du Parti, 

la souffrance et la misère arbitraires des millions, les tribunaux populaires et les camps de 

concentration, la cruauté et le mensonge, et surtout par la haine irréductible des classes. 515 

514 L’épithète « diabolique » est d’ailleurs plusieurs fois rattaché au communisme (« régime diabolique », 

« entreprise diabolique », ses protagonistes sont le « jeu de la puissance mystérieuse du mal »). Il n’est 

pas l’expression d’une diabolisation quelconque mais décèle plutôt le point de vue duquel Čep traite les 

choses. Ce n’est pas la perspective purement politique ou sociale, mais transcendante, métaphysique. 

515 « Komunistická strana se nám jeví jako jakási církev, která má svou tuhou hierarchii a kázeň, svou 

složitě skloubenou autoritativní soustavu, na jejímž vrcholku stojí moskevský papež. Marxistickoleninsko-stalinská 

nauka, věda všech věd, se předkládá komunistickým věřícím jako jakési zjevení, které 

194


Le principe de contraste, renforcé quelquefois par une expression ironique, se révèle 

le moyen par excellence pour réfuter le « monde inhumain » couvé par le communisme. 

Que la critique de Čep fasse mouche et agace le régime de Prague confirme entre autres 

les tentatives de faire revenir Čep à Prague, dont nous avons déjà traité, justement afin 

de mettre fin à ses méditations à Radio Free Europe. Il n’empêche que la référence 

constante au communisme paraît aujourd’hui parfois fatiguante, voire irritante. Les 

réflexions portant sur la condition humaine, le temps et l’histoire sont d’une portée 

universelle. C’est l’interrogation sur ces thèmes communs, valides à tout moment de 

l’humanité, qui fait la partie la plus intéressante et la plus vivante des essais de Jan Čep. 

V.1.3.2. Méditation sur la condition humaine : humanisme chrétien de Jan Čep 

Jan Čep aimait à présenter ses émissions comme des « méditations semi- 

philosophiques, semi-religieuses ». Cette caractéristique démontre non seulement les 

domaines où il puise l’inspiration et les thèmes principaux de sa réflexion mais mettent 

surtout en lumière le regard par lequel Čep perçoit la réalité (dans le sens le plus large 

possible) et le point de vue duquel il la juge et la jauge. En même temps il refuse de se 

prendre pour un philosophe, sa réflexion n’est jamais spéculative ou abstraite, il s’agit 

plutôt d’un énoncé poétique sur la situation actuelle du monde et de l’homme. Il en 

avertit d’ailleurs explicitement le lecteur dans l’épilogue des Soliloques et dialogues : 

L’auteur de ces textes n’étudia systématiquement aucune philosophie. Il se considère avant tout 

comme poète. Ce qui pourrait sonner dans ses phrases comme une philosophie ou même comme une 

« théologie », il faut l’imputer à cette manière de percevoir la réalité qu’on appelle l’intuition, quoi 

qu’elle fut souvent appuyée – à bon escient ou inconsciemment – par une étude positive de la pensée 

et de l’histoire humaines. 516 

nesmí být bráno v pochybnost a jehož výklad a aplikace jsou kontrolovány nejvyššími stranickými 

autoritami. […] Ideová a politická inkvizice komunistické strany je mnohem neúprosnější než ona 

nešťastná španělská instituce […] Moskevská hlava komunistické církve je obklopena kultem, proti 

kterému vypadají chudobně zbytky renesančního ceremonielu vatikánského. Nejpovážlivější je však to, 

že se komunistická karikatura křesťanství nemohla obejít bez onoho „au delà“, bez věčného stavu 

dokonalé blaženosti, který je pro křesťana dokonáním času, vyrovnáním vší pozemské nespravedlnosti, 

bytím v pravém a úplném slova smyslu, účastí na životě Božím. Jenže v marxisticko-komunistické verzi 

nastane tento stav už na této zemi a v tomto čase bůhví proč a bůhví kdy? O vlastní povaze a obsahu této 

takříkajíc věčné a zároveň pozemské a časné blaženosti neříkají sice komunisté nic bližšího, leda to, že se 

k němu dospívá a dospěje nikoliv čistotou života, pravdou a láskou, nýbrž jen hrůzovládou strany, 

svévolným utrpením a bídou miliónů, lidovými soudy a koncentráky, krutostí a lží, a hlavně 

nesmiřitelnou třídní nenávistí. », Œuvres V, p. 28-29. 

516 « Autor těchto textů nestudoval soustavně žádnou filosofii. Pokládá se především za básníka. Co by 

mohlo znít v jeho větách jako filosofie nebo dokonce ‘teologie’, nutno přičíst tomu vnímání skutečnosti, 

195


Etant donné que, nous non plus nous ne possédons pas de formation philosophique 

approfondie, nous n’allons pas nous hasarder à spéculer dans ce domaine, d’autant 

moins que nous ne prétendons pas dresser une sorte de système philosophique relevant 

de la pensée čepienne. Nous allons simplement recenser et commenter quelques sujets 

qui furent au centre de la réflexion de Jan Čep. 

Mystère de l’existence humaine : l’existence comme don et devoir 

L’être, son origine et sa fin, sa substance et ses manifestations, ont attiré depuis 

toujours l’attention des philosophes de toute orientation. Pour Čep, l’ « être », tout ce 

qui « est », est avant tout objet d’émerveillement et de gratitude 517 . Cette attitude n’est 

pas une conséquence de la perception d’un poète sensible qui reste ébahi devant 

l’existence variable des choses, devant les différentes formes et couleurs, etc. Elle n’est 

pas non plus due à l’interrogation toujours insuffisante de la raison humaine. Il s’agit 

comme d’une révélation, de la prise de conscience subite de la « non-évidence » et de 

l’incompréhensibilité de toute existence, de sa dimension transcendante. A ce titre, on 

trouve chez Čep des expressions qui sont dignes des déclarations notoires d’un Pascal 

ou d’un Kant : 

Mais, si j’ai des yeux pour voir et un cœur pour sentir et si j’ai une raison qui me pose des questions, 

je me tiens dans l’émerveillement devant ce qui est et au-dessus du fait que c’est. Et que les choses qui 

existent sont aussi grandes et incompréhensibles et que plus je pénètre par ma connaissance dans leur 

être, plus je dévoile leur incompréhensibilité. 518 

Tout ce qui est pourrait ne pas être, s’aperçoit Čep, et il en déduit que tout ce qui 

existe est un don : « Notre monde et ma vie pourraient ne pas être, mais il dut être 

quelque chose qui leur donna l’existence. Leur être est issu d’une autre vie et de la 

volonté de quelqu’un. » 519 Autrement dit, l’homme n’est pas sa propre origine, il ne 

s’engendre pas lui-même. Tout don implique un donateur et un donataire. Ce couple 

kterému se říká intuice, i když je často podepřeno – vědomky nebo nevědomky – pozitivním studiem 

lidské myšlenky a lidských dějin. », Cité de « Postface » de B. Fučík et M. Trávníček aux Œuvres V, 

p. 307. 

517 Cf. surtout la série « Rodný úžas » (Emerveillement natal) comprise dans Œuvres VI, p. 10-23. 

518 « Ale mám-li oči, abych viděl, mám-li srdce, abych cítil, a rozum, který mi klade otázky – stojím 

v úžase před tím, co je, a nad tím, že to je. A že věci, které jsou, jsou tak veliké a nepochopitelné, a že čím 

víc pronikám svým poznáním do jejich bytí, tím víc se mi odhaluje jejich nepochopitelnost. », Œuvres V, 

p. 50. 

519 « Náš svět i můj život mohly nebýt, ale musilo být něco, co jim dalo jsoucnost. Jejich bytí vzešlo 

z nějakého jiného života a z něčí vůle. », Œuvres V, p. 50. 

196


relie d’un côté une instance transcendante (pour Čep c’est évidemment Dieu dans 

l’acceptation chrétienne) qui est la source de tout être, son principe même, et de l’autre 

côté l’homme qui seul de toute la Création est capable de mesurer l’immensité du don. 

Mais qu’est-ce au fait que l’homme pour Čep ? Quelle est sa substance et quelle 

place occupe-t-il dans le monde, voire dans la Création ? Il faut se rendre compte que 

toute anthropologie s’édifiant sur les concepts chrétiens est radicalement autre en raison 

de l’incarnation, du fait que Dieu s’est fait homme dans la personne du Christ. Cet 

événement qui se situe à la fois sur le plan de la divinité et sur le plan de l’humanité, 

hors du temps et dans le temps, marque fondamentalement l’appréhension de l’homme, 

lui attribuant une valeur incommensurable. Ainsi pour Čep, l’homme est infiniment plus 

qu’un animal doué d’une rationalité, un mammifère supérieur aux autres par sa capacité 

mentale, par son intelligence. De même, l’homme ne se réduit pas à sa fonction sociale, 

il n’est pas un simple individu, un élément de la société, de la collectivité des hommes. 

Il est une « véritable et irréductible personne » 520 qui est pourvue d’une identité unique, 

d’un destin personnel et d’un rôle irremplaçable dans l’univers. La dignité irréductible 

de l’homme, de la personne humaine, ressort grâce à l’acte de l’incarnation, de la 

filiation divine. L’individualité, l’unicité de la personne humaine, tient dans son âme, 

mot ambigu que Čep entend justement comme principe vital et essence individuelle et 

personnelle de chaque être, inconnaissable à un autre : 

Chaque homme porte en soi une sorte de secret, quelque chose de caché et de précieux qui est propre 

uniquement à lui, ce qui est une affaire secrète entre lui et Dieu. […] Chaque âme humaine depuis le 

commencement de l’humanité fut créée à part entière, avec sa mission et son destin singuliers, pour un 

accord impénétrable de tous à la fin des temps. Chacun est entouré par une zone de mystère que Dieu 

seul perçoit et connaît, et auquel il faut s’approcher avec discrétion et respect. 521 

Par l’accent mis sur l’unicité et l’originalité de chaque personne humaine, Čep se 

rapproche des idées du personnalisme développées au milieu du siècle dernier par divers 

philosophes, mais en France notamment par Emmanuel Mounier et Maurice 

Nédoncelle. 

520 Œuvres V, p. 168. 

521 « Každý člověk v sobě nese jakési tajemství, cosi skrytého a drahocenného, co je vlastní jenom jemu, 

co je tajnou záležitostí mezi ním a Bohem. […] Každá lidská duše od počátku lidského pokolení byla 

stvořená zvlášť se svým zvláštním posláním a osudem, k nezbadatelné souhře všech na konci časů. Každá 

je obklopena oblastí tajemství, které vidí a zná jenom Bůh, a ke kterému se třeba blížit se šetrností 

a úctou. », Œuvres V, p. 73-74. 

197


Néanmoins s’il nous fallait nommer un courant philosophique qui s’apparenterait aux 

idées de Čep, nous dirions sans hésiter le mot d’existentialisme 522 . Les similitudes 

n’échappèrent point aux chercheurs čepiens. Jaroslav Med avise depuis longtemps et 

avec persévérance de la proximité de la pensée de Čep avec l’existentialisme chrétien de 

Gabriel Marcel. Et récemment, Vladimír Papoušek dans son ouvrage monumental 

Existencialisté (Les existentialistes) démontre le caractère existentiel (avant la lettre si 

l’on peut dire) de la prose de Jan Čep. 

Certains éléments peuvent être pris comme existentiels en général, peu importe les 

distinctions internes au courant existentialiste. C’est en premier lieu l’accent mis sur 

l’existence concrète et individuelle, la priorité de celle-ci sur l’essence universelle. 

D’autres thèmes sont développés individuellement selon les particularités des différents 

représentants de la philosophie de l’existence. Čep se montre troublé par ce courant 

multiforme, il l’étudie et en parle déjà en 1947 dans une conférence destinée à des 

étudiants pendant une Semaine académique 523 . 

Contrairement à Sartre, Čep ne considère pas l’existence comme une condamnation 

mais comme un don. L’existence pour Čep est dotée d’un sens, elle ne revêt donc pas 

l’habit de l’absurdité. Ce qui leur est toutefois commun, c’est la conscience de la 

gratuité de l’existence. Alors que pour Sartre l’existence est gratuite parce 

qu’injustifiable et absurde, pour Čep la gratuité relève du don, de la bonté de Dieu. L’un 

comme l’autre sont toutefois d’accord sur un point : si l’homme est ainsi jeté en 

existence, il ne choisit pas les conditions externes de celle-ci, il est mis dans une 

situation qui lui est donnée (ou imposée, selon le parti pris). Certes, la situation externe 

est infligée à l’homme, mais ce qu’il en fera est déjà affaire et choix personnels de 

chaque sujet individuel. La grandeur de l’homme tient, dans l’idée de Čep, précisément 

dans la possibilité, voire le devoir, d’effectuer à chaque moment de son existence des 

choix parfois lourds de conséquences, de prendre des décisions immuables : 

L’existence de l’homme est faite d’une situation objective dans laquelle il fut posé, et de son choix 

libre. Cette liberté contient toujours un élément de risque et de danger. En elle, l’homme se confronte 

avec le domaine de l’incertain et de l’inconnu, et dans ceci tient le tragique et la grandeur de son 

522 Il serait intéressant de consacrer une étude à faire apparaître le réseau d’auteurs qui entoure la pensée 

de Čep. Il faudrait recenser « ses » auteurs (penseurs, philosophes, essayistes, écrivains), qui 

accompagnent sa réflexion, qu’il cite abondamment, sur l’autorité desquels il s’appuie. Il n’y a point de 

doute, qu’au premier rang se situeraient des penseurs chrétiens comme Pascal, Jacques Maritain, Romano 

Guardini, Gabriel Marcel, Maurice Nédoncelle, Louis Lavelle, Jean Guitton, etc. 

523 Le texte de la conférence intitulé « Úzkost a nejistota » (L’angoisse et l’incertitude) fut publié dans le 

recueil Umění a milost (l’Art et la grâce), Brno, Vetus via, 2001, p. 83-91. 

198


destin. – La situation objective, qui nous fut donnée et dans laquelle nous fûmes posés est une matière 

de notre croissance et de notre œuvre. 524 

Dans les postulats sartriens l’homme se construit, il est son projet et se donne essence 

par ce qu’il fait, par ses actes. Or pour Čep l’existence ne correspond pas avec l’essence, 

cette dernière ne peut pas se réduire aux actes seuls, l’homme n’est pas seulement son 

propre projet. L’essence de l’homme tient pour Čep, nous l’avons déjà dit, dans son 

âme, elle est son noyau vital, donnée par Dieu. Ce qui reste au contraire c’est la liberté 

absolue de l’homme. Bien évidemment le positionnement axiologique et moral serait 

différent chez Sartre pour qui l’homme est l’aune de toute chose, sa liberté n’est bornée 

par rien, alors que chez Čep, qui lui aussi accepte la pleine liberté de l’homme, cette 

liberté-ci est cultivée et influencée par une loi implicite et universelle qui dirige l’action 

de l’homme dans le sens du bien. Il n’empêche que l’homme est tout à fait libre de 

transgresser cette loi morale, gravée dans son cœur, il est libre de s’autodétruire par 

l’abus de sa liberté, il peut aller jusqu’à « refuser sa propre éternité » 525 . 

La liberté est pour Čep, et pour Sartre aussi d’ailleurs, inséparablement liée avec la 

responsabilité. Seule la responsabilité sartrienne relève du sujet lui-même, la 

responsabilité čepienne est orientée par l’ethos chrétien qui garantit le maintien de la 

« mesure de l’humain et de l’inhumain » 526 . Une différence incompatible se trouve 

cependant dans l’appréhension des relations interhumaines. Tandis que pour Sartre les 

autres c’est l’enfer, parce qu’ils entravent la liberté du sujet, se posent en obstacle, 

s’érigent comme une barrière pour son déploiement, pour Čep l’épanouissement de la 

personne humaine s’effectue justement dans l’interaction avec l’autrui. Il adopte ici 

l’idée de Maurice Nédoncelle selon laquelle les destins humains s’accomplissent dans la 

réciprocité et l’interdépendance, les uns à travers les autres 527 . 

Le symbole de l’enfance et le mystère de la mort 

Dans les proses de Jan Čep l’enfance et la vieillesse sont des moments privilégiés de 

la vie humaine. En témoignent non seulement la fréquence élevée des héros, enfants et 

524 

« Člověkova existence je utvořena z objektivní situace, do které byl postaven, a z jeho svobodné 

volby. Tato svoboda obsahuje vždycky prvek rizika a nebezpečí. Člověk se v ní utkává s oblastí nejistého 

a neznámého, a v tom je tragika a velikost jeho osudu. » – « Objektivní situace, která nám byla dána a do 

které jsme byli postaveni, je látkou našeho růstu a naší tvorby. », Œuvres V, p. 17, 88. 

525 


526 

Ibid., p. 101. 

527 

Cf. M. Nédoncelle, La Réciprocité des consciences, Aubier, 1942. 

199


vieillards, mais surtout l’importance qu’il attribue aux deux périodes. L’enfance – le 

paradis perdu de l’innocence première –, la vieillesse – le temps du bilan de la vie avant 

la mort. Il est d’ailleurs assez commun dans la littérature de mettre en relief ces phases 

cruciales de l’existence humaine. Il suffit de rappeler, parmi beaucoup d’autres, les 

romans de Mauriac, de Bernanos, d’Alain-Fournier, pour estimer l’enjeu capital de 

l’enfance dans leurs œuvres respectives. Dans ses essais Čep décèle davantage, sans 

voile de l’intrigue et de la fiction, quel sens il donne à l’enfance dans sa perception de 

l’homme, de la personne humaine. 

En 1965, âgé alors de soixante-trois ans, Čep écrivit dans la préface d’Un Pèlerin sur 

la terre ces phrases : 

L’homme vieillissant perçoit son enfance autrement qu’au moment où il l’a réellement vécue, bien 

qu’il aille, dans un certain sens, toujours à son encontre. Il sait qu’il rencontrera le garçon qu’il était 

jadis dans la dernière rencontre à laquelle il pense de plus en plus et avec un vertige toujours 

grandissant. 528 

L’enfance ce n’est pas pour Čep simplement une étape lointaine de la vie, 

définitivement révolue, ni un souvenir sentimental, source de nostalgie après l’état de 

grâce et de l’innocence. C’est quelque chose de plus qui se prolonge dans la vie adulte, 

ou, en tout cas, qui devrait se prolonger, qui devrait persister. Pour Čep l’enfance est un 

symbole. Le symbole de l’authenticité de l’être, le noyau secret le plus profond, de la 

personne humaine, le ressort grâce auquel celle-ci se renouvelle sans cesse. C’est 

l’enfance qui constitue la vraie identité de la personne de sorte que Čep doute que les 

personnes ne l’ayant pas connu depuis l’enfance soient en mesure de comprendre qui il 

est vraiment, profondément. En outre, la notion de l’enfance se confond, correspond de 

manière métonymique avec le pays de l’enfance. L’enfance est ancrée à la fois dans le 

temps et dans l’espace : « C’est un lieu dans le temps – et en même temps souvent un 

lieu concret sur la terre – que je porte sans cesse avec moi, qui est en quelque sorte un 

noyau et une source de mon être. » 529 Au sens plus ou moins traditionnel du mot 

« enfance » – la première étape de la vie où s’édifie la personne humaine qui est donc 

une catégorie physique ou biologique, se superpose dans l’idée de Čep, une catégorie 

« ontologique » – le noyau authentique et organique de la personne humaine. 

528 « Stárnoucí člověk vidí jinak svoje dětství, než když je doopravdy prožíval, ačkoli mu jde v jistém 

smyslu stále vstříc. Ví, že se setká s chlapcem, kterým byl kdysi, v onom posledním setkání, na které 

myslí čím dál tím víc, a s rostoucí závratí. », Œuvres VI, p. 9. 

529 « Je to místo v čase – a zároveň často určité místo na zemi – které nosím ustavičně s sebou, které je 

jaksi jádrem a zdrojem mé bytosti. », Œuvres VI, p. 10. 

200


La première signification est source des souvenirs et de la nostalgie (et de la création 

artistique), la seconde entraîne des conséquences dans le domaine existentiel et éthique 

puisque toute la vie de la personne est toisée par rapport à cette enfance. L’enfance est 

pour Čep aussi le symbole d’une vie idéale, d’une vie de plénitude, de pureté et de 

bonheur que l’homme, corrompu par le péché, ne peut jamais atteindre au cours de son 

existence terrestre. C’est pour cela qu’il peut dire que son enfance est derrière lui tout 

autant qu’elle est encore devant lui. Et d’ajouter : « Mon enfance – c’est moi, c’est déjà 

moi. » 530 Paradoxalement, sa présence conditionne la vraie maturité ; il faut développer 

l’enfance en soi par le fait de devenir une personne adulte et responsable. Il faut renouer 

avec l’enfance pour garder l’intégrité de la personne. Il faut garder, comme le dit encore 

Čep, l’ « esprit de l’enfance » qui est « l’esprit de générosité et d’amour, d’honnêteté et 

d’ouverture, de joie et de plénitude » 531 . 

L’enfance est liée à la mort, puisqu’elle n’est pas seulement le point de départ de la 

vie humaine mais aussi son horizon. L’enfance première doit retrouver la seconde 

enfance, l’enfance mûre de la vieillesse afin que nous n’ayons pas honte « de regarder 

dans les yeux de l’être que nous étions dans notre enfance » 532 . La ressemblance avec la 

fidélité à l’esprit de l’enfance chez Bernanos, qui lui aussi souhaitait passer à travers la 

mort guidé par le garçon qu’il était, est frappante 533 . 

Nous avons insisté, déjà à plusieurs reprises, sur le fait que la mort, « l’aventure 

suprême et grandissime » 534 , est un sujet central dans toute œuvre de Jan Čep. 

Souvenons-nous que F. X. Šalda désigna Čep dès ses premiers livres comme « le poète 

de la mort ». La fascination de la mort nous a été confirmée encore dans ses derniers 

récits d’exil comme l’a démontré notre analyse. Dans la fiction il s’agit toutefois 

toujours de la mort des autres, de la mort imaginée des autres. Dans les essais, il est 

530 

« Moje dětství – to jsem já, to jsem už já. », Œuvres VI, p. 10. 

531 


532 

Ibid., p. 155. 

533 

Cf. par exemple les deux citations suivantes, parmi une quantité d’autres de Bernanos tiré des Grands 

cimetières sous la lune : « Qu’importe ma vie ? Je veux seulement qu’elle reste fidèle à l’enfant que je 

fus. Oui, ce que j’ai d’honneur et ce peu de courage, je le tiens […] de l’enfant que je fus et qui est à 

présent pour moi comme un aïeul. » – « Certes ma vie est déjà pleine de morts. Mais le plus mort des 

morts est le petit garçon que je fus. Et pourtant, l’heure venue, c’est lui qui reprendra sa place à la tête de 

ma vie, rassemblera mes pauvres années jusqu’à la dernière, et comme un jeune chef ses vétérans, ralliant 

la troupe en désordre, entrera le premier dans la maison du père. », G. Bernanos, Romans, Paris, Plon, 

1994, respectivement p. 1290 et 1251. 

534 


201


question plutôt de la réflexion sur la mort, celle des autres certes, mais l’âge avançant 

l’idée de sa propre mort s’impose de plus en plus. Nous allons ici seulement baliser la 

réflexion sur la mort. Il faudra revenir sur la notion de l’angoisse qui s’y ratache 

intimement dans le chapitre suivant lorsque nous aurons à parler de l’autobiographie Ma 

Sœur l’angoisse. 

« Comme le jour est enveloppé par la nuit et la terre par des océans, la vie de 

l’homme est enveloppée par la mort. » 535 C’est ainsi que Čep amorce une de ses 

méditations qui ont la mort pour l’objet. Le phénomène de la mort est inséparable de 

l’existence humaine, elle est même sa seule certitude. Elle fait partie de ce que l’on est 

habitué à appeler la condition humaine à laquelle sa présence fournit un aspect tragique. 

Čep insiste d’ailleurs souvent sur le côté tragique et douloureux de l’humanité, en partie 

sans doute en polémiste avec la conception marxiste du monde qui tente d’escamoter le 

tragique de l’existence humaine. Dans la vision de Čep, la mort et la souffrance sont des 

traits inextirpables de la condition humaine ; la joie, le bien et la vie sont corrélatifs à la 

douleur, au mal et à la mort : 

La joie humaine pousse sur l’arbre de la douleur humaine, et, vers la vie, nous nous frayons un chemin 

à travers les ténèbres de la mort. – Nous savons ce qu’est la joie, puisque nous savons la profondeur 

des racines de la douleur. 536 

La mort a pour Čep une origine transcendante, ayant pour cause la révolte contre 

Dieu. Elle est, en effet, la concrétisation la plus pure du mal ontologique et il faut la 

réfléchir dans le contexte de la métaphysique. Toutefois, Čep n’envisage pas la mort 

comme un sujet de spéculation philosophique abstraite qui se proposerait à l’analyse 

objective mais comme une expérience concrète de l’homme. Il ne s’interroge pas tant 

sur son aspect ontologique (ce qu’est la mort) que sur l’aspect existentiel, c’est-à-dire 

comment « vit-on » le drame de la mort, si l’on peut dire, et quels sont les effets de la 

prise de conscience de la mort par l’homme. 

Déjà Heidegger désignait la vie de l’homme comme l’ « être-pour-la-mort ». La prise 

de conscience de sa propre mort est un moment existentiel par excellence comme le 

prouve l’intérêt des penseurs existentialistes qui ont exploré à fond ce territoire. C’est 

dans cette conscience de la finitude que prend source l’angoisse de l’homme. Dès le 

moment de la prise de conscience de la mort – individuel pour chacun – on commence 

535 « Jako je den obklopen nocí a země oceány, tak je lidský život obklopen smrtí. », Œuvres V, p. 216. 

536 « Lidská radost pučí na stromě lidské bolesti, a k životu se prodíráme skrze temnotu smrti. », « Víme, 

co je to radost, protože víme, jak hluboké jsou kořeny bolesti. », Œuvres V, p. 34, 35. 

202


« à vivre sa propre mort » ce qui signifie qu’une rupture fondamentale se produit dans la 

manière même de l’existence, entraînant une refondation profonde des valeurs qui 

constituaient les repères qui orientaient la vie de l’individu en question. Depuis, « tout 

ce que nous sentons, pensons, entreprenons, dit Čep, est déjà marqué par son ombre [de 

la mort] » 537 . Ce moment – qu’il surgisse sans préparation ou qu’il soit provoqué par 

l’ébranlement de la mort d’un autre – peut être comparé au fait de recouvrer la vue pour 

un aveugle, tellement il est frappant et ses conséquences radicales. Ou bien on pourrait 

dire que c’est une conversion à partir de laquelle une autre vie commence. Le converti, 

celui qui a entrevu sa propre mort, est surtout confronté à son passé qui pèse sur lui par 

ses fautes et ses échecs. La prise de conscience de la mort ne devrait pas mener à la 

résignation et au désespoir mais au contraire devrait stimuler le « converti », l’emporter 

dans un élan nouveau vers une vie de meilleur aloi. La présence silencieuse et 

permanente de la mort « devrait condenser le temps de la vie qui nous reste, le rendre 

plein et fécond » 538 . 

L’angoisse de la mort ne serait-elle pas plutôt une angoisse de la vie ? Plus 

exactement de la vie négligée, manquée, avortée ? Ou encore peut-être les deux ? Il faut, 

en effet, distinguer deux côtés à cette angoisse chez celui qui s’est rapproché de la mort. 

D’une part il y a l’angoisse, voire la peur devant l’inconnu, cette grande question 

d’ « après », puisque il s’agit d’une situation extrême, incompatible avec l’expérience 

humaine, que d’être « subitement plongé dans le néant, dans le noir sans mémoire ni 

continuation » 539 . Čep en tant que chrétien refuse l’idée de la mort comme fin définitive 

de la vie, le « néant » sartrien lui est inacceptable : 

La mort et le néant absolus resteront pour nous toujours une idée inintelligible et inacceptable, aussi 

bien que toutes sortes de succédanés de l’éternité. Même pour ceux qui ont peut-être gaspillé de 

beaucoup de leur temps terrestre, qui ont concédé que les lieux nus et vides s’y sont rependu 

dangereusement, tout cela peut être retourné à la vie dans les derniers moments par une montée de 

volonté à l’encontre de laquelle vient la grâce divine. 540 

D’autre part, il y a l’angoisse de la vie manquée, d’un échec dont il faut s’acquitter. 

Afin de la surmonter il n’y a qu’une seule possibilité selon Čep : regarder face à face 

son passé, l’assumer virilement et porter un regard plein d’espoirs vers l’avenir. C’est 

537 Œuvres V, p. 219. 

538 Ibid., p. 219. 

539 Ibid., p. 71. 

540 « Absolutní smrt a nicota zůstane pro nás vždycky představou nesrozumitelnou a nepřijatelnou, stejně 

jako různé náhražky věčnosti. I pro ty, kteří snad utratili velké části svého pozemského času, kteří 

připustili, aby se v něm rozšířila místa prázdná a lysá, může to všechno obrátit opět v život v posledních 

okamžicích, vzepětí vůle, které přichází vstříc milost boží. », Œuvres V, p. 196. 

203


seulement cette attitude qui fait que la prise de conscience de la mort ne paralyse pas, ne 

désagrège pas la personne mais peut conduire au contraire à la réunification de soi et 

permet en quelque sorte de racheter le passé. 

Dans l’appréhension de Čep, la mort ne correspond pas seulement à l’événement 

extrême qui met un terme à la vie humaine. Elle n’est pas l’anéantissement de la vie 

mais au contraire son aboutissement et son accomplissement puisque c’est elle et 

seulement elle qui donne à la vie sa véritable forme, sa valeur définitive. Le sens de la 

mort est donc capital, la mort devient ici question de vie car toute une vie se concentre 

dans le moment de la mort. 

La vie humaine – chaque vie humaine individuelle – tient sa valeur irremplaçable et sa dignité 

inaliénable du fait qu’elle aboutit un jour dans l’aventure mystérieuse de la mort. – On ne sait jamais 

réellement qui fut l’homme, de quelle mesure et de quel poids il était, quel espace il occupait dans la 

vie, tant qu’il n’occupe pas sa position dernière, enveloppé par le silence sublime qui le rattache et le 

juge. 541 

L’instant de la mort modifie radicalement les relations entre le mort et les survivants, 

il les transpose dans un autre niveau, les pourvoit d’une autre qualité. Le mort chez Čep 

jouit toujours d’une position supérieure vis-à-vis du vivant précisément par le fait 

d’avoir subi l’expérience de la mort inconnue de tout vivant. Quelles que soient les 

relations entre le mort et le vivant dans leur côtoiement quotidien (amour, haine, 

indifférence), celles-ci se trouvent brutalement changées par la mort : « Si tu as aimé ce 

défunt, il t’aime plus que tu ne peux imaginer, et si tu l’as détesté, il est à présent hors 

d’atteinte de toute ta haine. Tu es désarmé, tu ne peux rien contre lui. » 542 Contre le 

mort, le vivant est impuissant ; le mort est intouchable. 

La relation entre le mort et celui qui reste en vie ne se disloque pas pour autant. Le 

défunt, notamment s’il était proche et aimé, ne disparaît pas de la vie du survivant, au 

contraire il l’habite peut-être encore plus qu’auparavant. Les morts restent présents non 

seulement dans les souvenirs des vivants mais en eux-mêmes. Cette « présence des 

absents », comme dit Čep, est encore une fois très proche de la réflexion de Gabriel 

541 « Lidský život – každý jednotlivý lidský život – má svou nenahraditelnou cenu a nezcizitelnou 

důstojnost z toho, že vyústí jednoho dne v tajemné dobrodružství smrti. » – « Nikdy se doopravdy neví, 

čím byl člověk, jakou měl víru a váhu, jaký prostor v životě zaujímal, dokud nezaujme svou polohu 

poslední, obklopen oním velkým vznešeným tichem, které ho váže a soudí. », Œuvres V, p. 218. 

542 « Miloval-lis toho nebožtíka, miluje tě on víc, než si umíš představit, a nenáviděl-lis ho, je tuto chvíli 

mimo dosah vší tvé nenávisti. Jsi odzbrojen, nemůžeš proti němu nic. », Œuvres V, p. 217. 

204


Marcel lorsque ce dernier médite sur la fidélité aux morts 543 , fidélité qui en dépit de 

l’absence physique et objective ne cesse de se référer aux morts, de continuer en 

quelque sorte de vivre avec eux. La présence des êtres aimés est incessante pour les 

deux penseurs 544 . 

Achevons le développement sur la mort par un cas spécifique qu’est le suicide. Dans 

les proses de Čep on rencontre à plusieurs reprises des personnages qui se donnent la 

mort. Qu’il s’agisse d’un jeune valet dans le récit Kozlovice (Village Kozlovice) qui se 

suicide par pur blasphème ou de Martin Vrána de la nouvelle Husopas (le Gardeur 

d’oies) qui porte les traits d’un possédé du diable ou encore de la maîtresse adultère 

dans Hoře z lásky (Chagrin d’amour) qui se pend devant la porte de l’amant qui l’a 

repoussée, dans tous les cas, le suicide est un acte de révolte et de vengeance produit le 

plus souvent dans un état de désespoir ou de folie 545 . Au plus profond, un tel acte 

d’autodestruction ne peut s’expliquer que par des circonstances tragiques, extrêmement 

funestes. L’échec de vie, la perte de l’être aimé, le sentiment du manque de sens de sa 

propre existence, sont de rudes coups du sort mais n’annulent pas en l’homme le 

principe de vie en tant que tel, comme le fait celui qui commet l’acte de suicide. Pour 

Čep, le suicide rime avec le dégoût de soi-même et le plus profond désespoir. C’est le 

« vertige du vide intérieur », le « vertige de la chute précipitée » dont Čep donne la 

description suivante : 

La tentation du dégoût profond de soi-même, qui menace l’homme s’érigeant sur les décombres de sa 

vie extérieure et intérieure, sur les ruines de ce qu’il voulait, espérait et aimait, sur les ruines de sa 

propre figure, qu’il a trahie, sur le désert du temps gaspillé, risque de nous amener au fond du néant et 

ouvre sous nos pas la voie à la fois obscure et étrangement enivrante du désespoir et de la mort. 546 

Le suicide peut bien évidemment être une puissante tentation encore d’une autre 

manière. Prétendant maîtriser la vie et la mort et s’octroyant ainsi la place qui ne lui 

appartient pas, l’homme se croit égal à Dieu, l’acte de suicide lui donne le sentiment 

fallacieux de toute-puissance. Le suicide n’est qu’une révolte contre Dieu : « L’idée 

543 Cf. par exemple G. Marcel, Présence et Immortalité, Paris, Flammarion, 1959. En tchèque les textes 

choisis de Marcel fut publié sous le même titre : Přítomnost a nesmrtelnost, traduit du français 

P. Bendlová, Praha, Mladá fronta, 1998. 

544 Cf. la phrase célèbre que G. Marcel met dans la bouche d’Antoine dans Le Mort de Demain : « Aimer 

un être n’est-ce pas lui dire implicitement : ‘Toi tu ne mourras point ?’ ». 

545 Les trois récits cités se trouvent in : Œuvres I. 

546 « Pokušení hlubokého znechucení sebou samým, které ohrožuje člověka stojícího nad zříceninami 

svého života vnějšího i vnitřního, nad troskami toho, co chtěl, več doufal, co miloval, nad troskami své 

vlastní podoby, které se zpronevěřil, nad pouští zmrhaného času, nás hrozí rázem stáhnout na dno vlastní 

nicoty a otvírá pod našimi kroky temnou a zároveň podivně opojnou cestu zoufalství a smrti. », 


205


humaine qui se prévaut de son autosuffisance, se trouve d’emblée devant le miroir qui 

invite au suicide. » 547 

Si Camus trouve, dans une certaine phase de sa réflexion, l’issue de l’absurdité de le 

vie dans le suicide, pour Čep il s’agit toujours de la négation totale du « plus grand 

bien » qu’est la vie humaine. Au fond le problème du suicide est un problème 

métaphysique, que l’on ne parvient pas à expliquer sans le « domaine mystérieux où 

règne l’esprit du mal ». 

Ainsi tandis que la mort (naturelle) correspond chez Čep à l’accomplissement et 

l’achèvement de l’homme, le suicide est un acte désespéré et révoltant, rejetant le don 

de la vie et par-delà une part d’éternité. 

V.1.3.3. Intersubjectivité : entre solitude et communauté 

Les relations interhumaines sont souvent mises au cœur de la philosophie et de 

l’éthique qui se réclament du christianisme. Dans la pensée de Čep elles occupent un 

lieu tout aussi privilégié de sorte que l’on pourrait tirer de ses essais une certaine théorie 

de l’intersubjectivité et une pratique de comportement (éthique) qui en découlerait. Or 

nous n’avons pas une telle ambition. Il faudrait y consacrer beaucoup plus d’espace, 

peut-être une thèse entière, ce que nous confions aux futurs chercheurs čepiens. Notre 

travail ne se prête, en effet, qu’à un petit aperçu d’idées de Čep sur la réalité complexe 

des relations interhumaines. 

Il est dans la condition de l’homme d’osciller entre deux pôles de l’existence : la 

solitude et la communauté. Etre seul ou éprouver la présence d’autrui reflète aussi une 

des expériences primordiales de l’homme. Čep distingue donc deux aspects différents. 

D’un côté il se penche sur cette opposition (solitude – communauté) comme sur un fait 

donné, imposé à l’homme : 

Notre situation dans le temps a deux pôles : l’endroit d’une solitude profonde intérieure, que nul ne 

peut occuper au lieu de nous, et le besoin d’une plus large et plus haute participation, extrapersonnelle 

et suprapersonnelle. 548 

547 

« Lidská myšlenka, která si zakládá na své soběstačnosti, stojí najednou před zrcadlem, které vyzývá 

k sebevraždě. », Œuvres V, p. 56. 

548 

« Naše situace má dvojí pól: místo hluboké vnitřní samoty, které za nás nemůže zaujmout nikdo jiný, 

a potřebu účastenství širšího a vyššího, mimoosobního a nadosobního. », Œuvres VI, p. 25. 

206


D’un autre côté, il observe son aspect individuel et subjectif, c’est-à-dire la façon de 

vivre la solitude, ce « sentiment de la solitude incurable » d’une part et « le désir d’une 

communauté profonde et d’une symbiose serrée avec les autres » d’autre part 549 . 

Toute la réflexion de Čep n’est pas autre chose qu’une tentative d’unifier, de couvrir 

cette contradiction fondamentale. L’interrogation va dans le sens de la connaissance des 

autres, de la communication avec eux. Les questions qui ne lui laissent pas de répit, qui 

le hantent puisqu’elles reviennent sans cesse dans les innombrables variantes sont les 

suivantes : 

Dans quelle mesure suis-je capable de me connaître moi-même – et dans quelle mesure suis-je capable 

de connaître – aimer – les autres ? Dans quelle mesure la connaissance de soi est-elle la condition à la 

connaissance et à l’amour des autres ? – Dans quelle mesure tout homme est-il enfermé dans sa 

solitude impénétrable et dans quelle mesure nous pouvons-nous approcher l’un et l’autre par les 

paroles, l’imagination, la compassion et l’amour ? Sommes-nous en mesure de connaître vraiment 

l’autre, ou même de nous identifier avec lui, nous mettre à sa place ? 550 

Connaissance de soi et connaissance d’autrui 

La connaissance de l’autre est inséparable de la connaissance de soi. Le postulat 

socratique « Connaît-toi toi-même » est une condition sans laquelle il n’est pas possible 

d’entrer en vraie relation avec l’autre. La connaissance de soi qui dans l’idée de Čep 

correspond à la construction délibérée de soi, est le privilège de l’homme, car c’est 

l’homme qui seul est pourvu de la capacité d’autoréflexion, de la capacité de se prendre 

soi-même comme objet de sa conscience. Ainsi se connaître signifie pour Čep 

distinguer « qui et ce que je suis, quelle est la matière matérielle et spirituelle de ma 

vie ; qu’en ai-je fait et qu’aurais-je pu et dû en faire » 551 . Enfin, c’est affirmer son 

humanité, sa dignité humaine. 

Il est cependant évident que le degré de la connaissance de soi diffère d’un sujet à 

l’autre et en tous cas, qu’elle ne peut être que partielle. Selon Čep, même les gens les 

plus disposés à l’introspection, qu’il s’agisse des écrivains – fins psychologues 

s’autoanalysant dans leurs journaux intimes – ou des moines – gens de contemplation et 

549 Cf. Œuvres V, p. 269. 

550 « Do jaké míry jsem schopen poznat sám sebe – a do jaké míry jsem schopen poznat – milovat – 

druhé? Do jaké míry je poznání sebe samého podmínkou, abych mohl poznat a milovat druhé? » – « Do 

jaké míry je každý člověk uzavřen do své neproniknutelné samoty, a do jaké míry se můžeme přiblížit 

jeden k druhému slovy, obrazností, soucitem a láskou? Můžeme opravdu poznat druhého člověka, nebo se 

s ním dokonce ztotožnit, zaujmout jeho místo? », Œuvres V, p. 135, 221. 

551 « […] kdo a co jsem, jaká je hmotná i duchovní látka mého života; co jsem z ní vytvořil, a co jsem ní 

mohl a měl vytvořit. », Œuvres V, p. 134. 

207


de silence voués à l’examen de soi et de sa conscience – n’atteignent pas la 

connaissance absolue de soi. Celle-ci est réservée uniquement à Dieu qui seul pénètre 

l’insondable. 

Si la solitude est une condition nécessaire à la connaissance de soi, à l’unification de 

soi, elle ne doit toutefois pas consister en une séparation absolue et définitive d’avec le 

monde ambiant. Toute solitude n’est pas bénéfique. Čep distingue en effet la « solitude 

de Satan » se délectant d’elle-même, et la « solitude habitée » qui est susceptible d’une 

ouverture à l’autre. La première est un geste d’orgueil et de révolte, elle est basée sur la 

fausse croyance de l’autosuffisance, sur le culte du moi et se caractérise par 

l’enfermement, l’égoïsme et l’isolement volontaire des autres et mène à la 

déshumanisation progressive tout en jetant l’homme dans un « vacuum stérile » 552 . La 

seconde est peuplée de la présence des autres, de « tous ceux que nous aimons ou qui 

ont croisé nos chemins » 553 . Čep dit littéralement : 

Notre solitude est toujours habitée. Même lorsque nous nous sentons entièrement délaissés et seuls, 

nous sommes délaissés de quelque chose ou de quelqu’un ; quelque chose que nous avions déjà ou à 

quoi nous avons vainement aspiré. 554 

Autrement dit, dans la pensée de Čep, même dans la solitude physique la plus pure, 

nous vivons avec les autres. De manière spirituelle, une part des autres subsiste en nous, 

fait partie de nous-mêmes. Si la solitude de Satan est une « solitude désespérée, 

infranchissable, indicible », la solitude habitée est vivifiante puisqu’elle « contient les 

éléments de la communauté avec les autres » 555 . 

Reconnaissance et éthique de l’altérité : réciprocité et coresponsabilité 

Autant que par l’introspection solitaire, l’homme se construit et se reconnaît face à 

autrui, en sa présence, dans la relation. On pourrait dire que grâce à l’autre – qui me 

ressemble et diffère de moi en même temps – je me perçois mieux moi-même. 

552 Cf. Œuvres V, p. 148. 

553 Cf. Ibid., p. 84. 

554 « Naše samota je vždycky obydlena. I když se cítíme docela opuštěni a sami, jsme opuštěni něčím 

nebo někým; něčím, co jsme už jednou měli, nebo po čem jsme marně toužili. », Œuvres V, p. 141. 

555 Cf. Œuvres V, p. 135-136. 

208


A reprendre les mots de Čep : « s’il n’y avait pas les autres ni relation avec eux, je 

saurais moins qui je suis moi-même. » 556 Ou encore : 

Je connais et j’approche les autres dans la mesure où je suis capable de me connaître moi-même ; et en 

revanche, la connaissance des autres, l’amitié et l’amour envers les autres m’aident à mieux percevoir 

mon propre cœur, à me réconcilier avec moi-même. 557 

En fin de compte, la solitude et la communauté ne sont pas posées en contradiction 

chez Čep, l’une n’exclut pas l’autre, mais au contraire elles s’appellent et se 

conditionnent mutuellement. La solitude personnelle est la condition d’un rapport 

authentique aux autres, de même que la rencontre avec autrui enrichit ma personne, rend 

ma solitude plus vivante, peuplée : « La voie à la communauté humaine ne passe pas 

ailleurs qu’à travers ma solitude, à travers mon destin personnel. » 558 

Pour entrer en relation avec autrui, il faut d’abord reconnaître le fait qu’il est 

différent de moi. Cette reconnaissance de l’altérité est pour Čep une condition 

nécessaire à toute relation authentique interpersonnelle. C’est la garantie que l’autre 

n’est pas pour moi un objet (ou comme dit Čep une « proie ») mais une personne 

humaine autonome et indépendante de moi. La vraie relation ne doit pas être basée sur 

une relation de possessivité, elle ne se concentre pas sur moi mais est tendue vers 

l’autre. C’est ici que Čep s’écarte radicalement de l’intersubjectivité sartrienne où 

l’enfer, c’est précisément les autres. Čep approche ici peut-être encore plus que les 

personnalistes cités plus haut la philosophie de G. Marcel avec sa priorité du principe de 

l’ « être » au détriment de la possessivité de l’ « avoir » 559 . Ou bien la philosophie de la 

relation personnelle élaborée par Martin Buber, dans laquelle le Tu de la relation est un 

vrai partenaire du dialogue et non l’objet de mon désir, ou plus tard par Emmanuel 

Levinas pour qui autrui apparaît comme l’épiphanie. Autrui ne représente pas une 

menace pour le sujet mais au contraire s’avère comme un enrichissement, une 

bénédiction. La « rencontre » avec autrui est pour Čep beaucoup plus qu’un contact 

physique, c’est une « présence active des autres en nous et notre présence dans les 

autres » : 

556 

« […] kdyby nebylo druhých a mého vztahu k nim, věděl bych méně, kdo jsem já sám. », Œuvres V, 

p. 138. 

557 

« Poznávám druhé a přibližuji se k nim do té míry, pokud jsem schopen poznat sám sebe; a naopak, 

poznání druhých, přátelství a láska k druhým mi pomáhají, abych viděl líp do vlastního nitra, abych se 

smířil sám se sebou. », Œuvres V, p. 149. 

558 

« Cesta do lidského společenství nevede jinudy než skrze mou samotu, skrze můj duchovní osud. », 


559 

Cf. l’ouvrage du philosophe français Être et avoir (1935). 

209


Je deviendrais plus amplement moi-même, si je sais davantage sortir de moi-même, de faire mon 

centre d’un autre moi. […] Notre chemin vers Dieu mène à travers les autres, et de nouveau revient, 

enrichi, vers eux. 560 

Dans la construction de la personne, l’autre occupe donc une place considérable. 

L’idée de la réciprocité des destins humains et de la coresponsabilité en découlant est 

très présente dans la pensée de Čep : 

Nos destins individuels sont mutuellement imbriqués et se réalisent les uns à travers les autres. […] et 

même si en apparence nous ne nous décidons que pour nous mêmes, notre décision implique toujours 

aussi quelqu’un d’autre, ou beaucoup d’autres, desquels un jour nous devrons rendre compte. 561 

L’homme ne peut se déployer pleinement que parmi d’autres hommes, dans la 

relation mutuelle avec eux, grâce à eux. En même temps, ce qu’il fait et même ce qu’il 

pense atteint fortement l’espace de la liberté des autres, la responsabilité pour l’autre 

n’est pas seulement un impératif moral, c’est un fait. Même si quelqu’un ne veut 

s’occuper que de soi, son indifférence ou son égoïsme se posent sur les autres. Nul ne 

peut se détacher de cet enchevêtrement relationnel, de cette coresponsabilité puisque 

« nous sommes tous l’un de l’autre réciproquement garants, nous sommes responsables 

l’un pour l’autre. » 562 

Cette imbrication des destins, des vies et des actes individuels, va bien au-delà du 

contact physique, du côtoiement dans la vie quotidienne, ou même temporelle. Il s’agit, 

pour reprendre les termes de Čep lui-même, d’un « enchevêtrement mystérieux de 

rapports et de correspondances entre les âmes, entre les vivants et les morts » 563 . Čep 

utilise souvent la métaphore de l’« enchevêtrement » ou du « réseau » de « rapports » ou 

de « destins » unissant et liant les sujets entre eux. Pour définir davantage la nature de 

ces rapports, il emploie parfois le vocabulaire du comptable : d’un côté il y a dans ce 

réseau des « débiteurs », des pauvres, de l’autre côté il y a des « donateurs », des 

« riches ». Il parle aussi d’une « gravitation énigmatique de la faute et de l’amour » 564 – 

cela, pour faire ressortir une sorte d’équilibre, d’harmonie régnant au sein de ce 

560 

« […] činnou přítomností druchých v nás a naší přítomností v druhých » – « Stanu se tím víc a plněji 

sebou samým, čím víc dovedu vyjít ze sebe, učinit svůj střed z druhého já. […] Naše cesta k Bohu vede 

skrze druhé, a opět se k nim obohacena vrací. », Œuvres VI, p. 18, 40. 

561 

« Naše jednotlivé osudy jsou spolu ovšem vzájemně spjaty a uskutečňují se jedny skrze druhé. […] 

i když se zdánlivě rozhodujeme jenom za sebe, zasahuje vždycky naše rozhodnutí ještě někoho jiného, 

anebo mnoho jiných, za které budeme jednou odpovídat. », Œuvres V, p. 84. 

562 

« Jsme si všichni navzájem ručiteli, jsme jeden za druhého odpovědni. » Œuvres V, p. 190. 

563 

« […] tajemná spleť vztahů a korespondencí mezi dušemi, mezi živými a mrtvými », Œuvres VI, 

p. 49. 

564 

« […] záhadná přitažlivost viny a lásky », Œuvres VI, p. 49. 

210


« réseau ». Ici-bas, cette harmonie ne peut être qu’imparfaite, c’est dans l’au-delà 

transcendant qu’elle sera réalisée pleinement. En fait, la représentation des relations 

interhumaines que Čep concrétise par un réseau de destins renvoie à une réalité plus 

large qui est la « communio sanctorum » de l’Eglise catholique. C’est à ce type de 

communauté (d’existence relationnelle) que pense Čep lorsqu’il parle de l’ « unité 

mystérieuse » : 

Cette communauté entoure et rattache les vivants et les morts, les souffrants et les glorifiés, les 

spirituellement riches de même que les mendiants, le mérite de même que la faute. Il y a de la place 

pour chaque homme avec sa liberté intérieure, avec son destin unique et irremplaçable, et il est en 

même temps tout entier compris dans un homme, dans celui, étant Dieu, qui a assumé le corps 

humain. 565 

De cette conception de la relation dans laquelle je vois l’autre en tant que l’autre (et 

non comme ma « propre image », comme un « miroir flatteur »,) et dans laquelle j’aime 

l’autre pour l’autre (et non comme un « objet de [mon] propre enchantement » ou même 

« proie » de mes désirs) découle pour Čep des préceptes éthiques en faveur d’autrui : 

Je devrais m’efforcer davantage d’accepter les autres avec leurs défauts et les imiter dans leurs 

qualités. – Dans l’amitié ou dans l’amour nous ne devons jamais forcer les autres à nous accepter 

« tels que nous sommes » – toutefois, nous-mêmes, nous devons être prêts à les accepter tels qu’ils 

sont, même si en même temps nous faisons un effort pour qu’ils changent, si nous savons à coup sûr 

que c’est important avant tout pour eux-mêmes ; qu’ils deviennent davantage eux-mêmes, s’ils sont en 

mesure de changer. 566 

L’amitié et l’amour, deux mots à la signification usée jusqu’à la corde, sont des 

notions clés de la réflexion čepienne car l’amitié et l’amour (mais aussi la haine comme 

antinomie de l’amour) représentent le sommet et l’accomplissement des relations 

interhumaines. 

Amour et amitié : accomplissement des relations interhumaines 

Dans l’amour (dont l’amitié représente une variante) se réalisent le rapprochement et 

la connaissance les plus grands possibles entre les personnes humaines, car l’amour est 

565 « Toto společenství obepíná a váže živé i mrtvé, trpící i oslavené, duchovní boháče i žebráky, zásluhu 

i vinu. Je v něm místo pro každého člověka s jeho vnitřní svobodou, s jeho jednotlivým a nezaměnitelným 

osudem, a zároveň je celé obsaženo v člověku jednom, v Tom, který, jsa Bůh, vzal na sebe lidské tělo. », 

Œuvres V, p. 74-75. 

566 « Měl bych se více snažit přijímat druhé s jejich chybami, a napodobovat je v jejich přednostech. » – 

« V přátelství nebo v lásce nesmíme nikdy vymáhat na druhých, aby nás přijali „takové, jací jsme“ – ale 

my musíme být ochotni přijmout je takové, jací jsou, i když zároveň usilujeme, aby se změnili, víme-li 

najisto, že je to důležité především pro ně samy; že se stanou více sebou samými, jestliže boudou s to se 

změnit. », Œuvres V, p. 138, 269. 

211


caractérisé par Čep comme « l’organe de la connaissance plus parfait que la psychologie 

la plus raffinée » 567 . Pour aimer les autres, il faut d’abord être ami avec soi ; celui qui se 

tient en dégoût et qui considère sa propre vie comme un fardeau est dépourvu de la 

capacité d’ouverture relationnelle envers les autres : 

Ne peut aimer les autres celui qui dans un sens ne s’aime pas soi-même, qui n’a pas de compassion 

pour son âme, qui reste indifférent à son destin éternel. Notre amour pour les autres, les mots de 

consolation que nous leur apportons dans la douleur et le malheur, peuvent être vrais uniquement s’ils 

jaillissent du profond sentiment que tout ce que nous avons et par quoi nous vivons est un don ; si 

nous sommes prêts à nous ouvrir au monde et aux autres, mais aussi à nous-mêmes. 568 

Même si l’amour (ou la haine) fait réduire les distances entre Moi et l’Autre, celles-ci 

ne sont pas supprimées pour autant. L’amour ne procède pas à une fusion de deux sujets 

en un seul, le Je et le Tu ne se fondent pas dans un Nous ; l’identification entière et 

complète avec l’autre ne s’avère pas possible. Du reste, les frontières et les distances 

séparant le sujet de l’autre peuvent être éprouvées avec encore plus d’acuité puisque 

dans la relation d’amour ou d’amitié authentique il y a un vrai engagement en faveur de 

l’autre. C’est avant tout dans les situations limites où se révèlent les insuffisances de 

l’amour, celui-ci ne possédant pas le moyen d’enlever la souffrance ou la mort à l’être 

aimé. Čep développe l’idée : 

Même cet amour [véritable] ne suffit pas afin que deux personnes qu’il lie soient l’une à l’autre 

entièrement transparentes, que je sois toujours tu. Je ne peux pas me mettre tout à fait à la place de 

celui que j’aime, et même si dans une certaine mesure je souffre avec lui, je ne peux pas souffrir au 

lieu de lui – je ne peux pas faire en sorte qu’il ne souffre pas ; je ne peux pas faire en sorte qu’il ne 

meurt pas et que moi je reste en vie. C’est justement l’amour ou l’amitié qui devient parmi les 

hommes une source de souffrance dont l’indifférence mutuelle se trouve épargnée. 569 

Selon Čep, l’amour absolu qui ferait tomber les murs de Je et de Tu n’est possible 

qu’en une rencontre dans « quelque chose tierce ». 

L’amour, dit Čep, ce n’est pas plus de moi ou plus de toi ; c’est une rencontre dans quelque chose 

tierce ou plutôt dans une réalité qui n’est pas non plus tout à fait moi et toi, mais dans laquelle nous 

sommes tous deux davantage nous-mêmes que si nous nous sauvions chacun pour soi, ou si nous 

tentions une fusion impossible l’un dans l’autre. 570 

567 Œuvres V, p. 119. 

568 Ibid., p. 223. 

569 « Ale ani taková láska nestačí ovšem na to, aby dvě lidské bytosti, které k sobě poutá, byly jedna druhé 

naprosto průhledné, aby já bylo vždycky ty. Nemohu se nikdy úplně postavit na místo toho, koho miluji, 

a i když do jakési míry trpím s ním, nemohu trpět místo něho – nemohu způsobit, aby on sám netrpěl; 

nemohu způsobit, aby on sám neumřel, a já abych zůstal živ. Právě láska nebo přátelství bývá mezi lidmi 

zdrojem utrpení, kterého je ušetřena vzájemná lhostejnost. », Œuvres V, p. 161-162. 

570 « Láska neznamená více já nebo více ty; znamená setkání v něčem třetím, nebo spíše vytvoření nějaké 

skutečnosti, která není ani docela ty a já, ale v které jsme oba více sami sebou, než kdybychom se 

zachraňovali každý sám pro sebe nebo snad usilovali o nemožné splynutí jednoho v druhém. », Œuvres V, 

p. 162. 

212


Ce « tierce », c’est bien évidemment un Dieu transcendant. Il n’y a pas d’autres 

possibilité pour Čep de plein aboutissement des relations intersubjectives que dans le 

face à face avec Dieu, « dans la communauté de Dieu ». C’est là que les relations 

interhumaines touchent à la plénitude. Terminons le développement par une question 

qui achève une des méditations et qui résume bien l’intersubjectivité čepienne : « Ne 

sais-tu donc pas que notre véritable et entière rencontre n’est que dans notre amour 

commun de Dieu ? » 571 

V.1.3.4. Temps, mémoire, histoire 

Bedřich Fučík qualifia Čep de « plus grand poète du temps après Mácha » 572 . Eduard 

Petrů affirma très judicieusement que la temporalité était « une catégorie existentielle 

fondamentale de laquelle Čep s’acquittait dans son œuvre et par une réflexion artistique 

de la réalité et par une réflexion théorique » 573 . František Valouch acquiesce : « Le 

temps et l’éternité forment l’axe sémantique de toutes les proses de Čep et s’imposent 

significativement aussi dans le noyau philosophico-réflexif de ses essais. » 574 Que cet 

enjeu attire toujours des chercheurs est prouvé par la quantité d’articles rendant compte 

de la perception du temps et de la réflexion sur les phénomènes qui s’y attachent 575 . 

Nous n’avons point l’intention de les doubler ici, ni même de les affiner. Notre tâche est 

plus simple : nous nous proposons encore une fois plutôt de baliser le sujet en suggérant 

les enjeux majeurs, les lignes de force de la réflexion čepienne telle qu’elles se profilent 

dans ses essais d’exil. Nous commencerons par aborder la perception de Čep de la 

temporalité et de la mémoire pour apporter ensuite quelques remarques sur sa 

conception de l’histoire. 

571 

« Copak nevíš, že naše pravé a úplné setkání je jenom v naší společné lásce k Bohu? », Œuvres V, 

p. 224. 

572 

B. Fučík, « Svět Jana Čepa », in : Píseň o zemi, Praha, Melantrich, 1994, p. 53. 

573 

E. Petrů, « Literárněvědná relevance Čepových esejů », in : Konference o díle Jana Čepa, op. cit., p. 9. 

574 

F. Valouch, « Čepovo pojetí času », in : Konference o díle Jana Čepa, op. cit., p. 18. 

575 

Citons plusieurs des articles récents : F. Valouch, « Čepovo pojetí času » (La conception du temps 

chez Čep), in : Konference o díle Jana Čepa, op. cit., p. 18-22 ; J. Vanovič, « Durée Jana Čepa » (La 

durée de Jan Čep), in : Konference o díle Jana Čepa, op. cit., p. 23-27 ; P. Komenda, « Přítomnost 

a dějinnost v pozdních prózách Jana Čepa » (La présence et l’histoire dans les proses tardives de Jan 

Čep), in : Studia Moravica, p. 85-91 ; M. Bauer, « Jan Čep jako básník paměti » (Jan Čep comme poète 

de la mémoire), in : Osobnost Mojmíra Trávníčka v české literatuře (La Personnalité de Mojmír 

Trávníček dans la littérature tchèque), Vsetín, Nakladatelství Dalibor Malina, 2007, p. 11-15. 

213


Le temps vivant et créateur 

Au début de ce chapitre, lorsque nous avons présenté quelques sous-titres des livres 

d’essais de Čep, il était déjà clair que le temps s’y manifestait comme un enjeu de 

première importance. Citons-en quelques-uns à nouveau : Le fardeau de notre temps, 

La mémoire humaine et l’histoire, Sur la mémoire des choses et sur la mémoire du 

cœur, Sur la continuité de la mémoire humaine, La continuité de la conscience humaine. 

Mais qu’est-ce qu’en fait le temps pour Čep ? 

Il y a, à notre avis, deux caractéristiques essentielles concernant le temps dans la 

conception de Čep. Le temps est perçu comme une catégorie existentielle, c’est-à-dire 

envisageable surtout par rapport à l’existence concrète, en liaison avec la vie 

individuelle de chaque homme ; il s’agit avant tout du temps de l’homme, du temps 

pour l’homme et vécu par l’homme. Ceci ressort clairement de la réponse que Čep fit 

lorsqu’on lui avait soumis le fameux questionnaire de Proust. A la question « Quel est 

votre idéal de vie terrestre ? » il répondit alors : « Savoir être entièrement présent à 

chaque moment » 576 

Le deuxième constat s’applique à la perception du temps. Chez Čep le temps est vu 

comme un flux ininterrompu où il n’y a aucune barrage entre le passé, le présent et 

l’avenir, ce qui a pour conséquence que ces trois « aspects » du temps s’influencent l’un 

l’autre, sont dans une realtion dialectique mutuelle incessante. « Ce qui est et sera, 

précise Čep, est organiquement apparenté à ce qui était. » 577 Cette continuité du temps 

est pour Čep fondamentale. 

Le temps représente pour Čep une « matière de notre vie, une matière avec laquelle 

nous avons à faire quelque chose, de laquelle nous avons à croître et mûrir » 578 . D’un 

côté, le temps est un élément extérieur, indépendant de l’homme, il avance 

constamment sans que quiconque puisse en arrêter le flux. D’un autre côté, il incombe à 

l’homme de le travailler, de lui imposer une forme en fonction de ses actes, de sa 

volonté. 

Le temps est une catégorie existentielle par excellence, chaque moment se propose à 

l’homme en tant que potentialité ; à chaque moment du temps l’homme est contraint à 

un choix, il doit trancher, prendre une décision entre d’innombrables possibilités. Pour 


577 « To, co je a bude, je organicky příbuzné s tím, co bylo. », Œuvres VI, p. 12. 

578 Œuvres V, p. 109. 

214


illustrer cet aspect de choix existentiel, Čep a recours à une métaphore marine : 

« A chaque dernier moment de notre vie nous nous tenons comme sur la proue d’un 

bateau qui fend les eaux d’un océan inconnu. » 579 

Čep distingue, à l’instar d’Henri Bergson, le temps physique, qui est celui du 

calendrier, et le temps « vivant et vécu », qui est celui de la conscience individuelle, de 

l’expérience intérieure humaine. C’est le temps créateur. Bien évidemment, Čep donne 

la priorité à la seconde conception qui seule est propice à créer en l’homme un certain 

espace intérieur et est en mesure de nourrir sa vie intérieure. Ce temps-là fait partie du 

domaine psychique et spirituel. C’est ce temps qui accepte la transcendance. Comme 

l’entend Čep, le temps n’est pas seulement une irréversibilité, l’engloutissement de 

toute chose dans le passé, il est aussi le dispositif de l’activité créatrice ; il est, tout à fait 

dans le sens bergsonien, « la matière et la scène de notre esprit créateur, de notre 

volonté, de notre espérance » 580 . 

Et fugit interea, fugit irreparabile tempus… 

Le célèbre vers de Virgile figure à plusieurs reprises dans les essais de Čep et on sait 

que la fuite du temps est l’un des leitmotives de son œuvre. Čep est conscient de ce que 

le fugitif et l’éphémère font partie de la condition humaine, que personne n’est en 

mesure d’embrasser d’un seul geste toute une vie, toute sa vie. Une telle capacité 

transformerait déjà la temporalité en éternité. Ainsi chaque vie humaine regorge de 

« lacunes », de « lieux vides », qui sont causés par le fait d’« esquiver le fardeau du 

temps », d’une « désobligeance de regarder en face le moment présent », de manquer 

dans notre propre vie. Čep dit à ce propos : 

La plupart des gens sont présents dans la vie seulement pour ainsi dire de temps en temps ; dans 

certaines périodes, voire instants. Il n’est pas toujours facile de vivre dans le plein sens du mot tout 

son temps, toutes les situations qu’il apporte. L’homme est trop souvent incommode à soi-même, il 

s’enfuit de soi vers une distraction superficielle. 581 

579 

« V každém posledním okamžiku svého života stojíme jako na přídi lodi, která rozráží vody 

neznámého oceánu. », Œuvres V, p. 35. 

580 


581 

« Většina lidí je přítomna v svém životě jaksi jenom občas; jenom v jistých obdobích, ne-li 

okamžicích. Není vždycky snadné, prožívat v plném slova smyslu celý svůj čas, všechny jeho situace. 

Člověk je příliš často nepohodlný sám sobě, utíká od sebe samého k povrchnímu rozptýlení. », 


215


Ces « lacunes » sont donc ressenties comme une perte, une amputation de soi, une 

négation de la vie ; ce sont elles qui « nous paralysent et entravent le plus notre 

marche » 582 . Pour qu’il n’y ait pas de ces « lacunes » dans notre passé, il faudrait 

collaborer activement avec le temps, essayer d’être pleinement présent dans notre vie, 

de nous identifier entièrement avec chaque instant. 

La vie humaine oscille donc entre les « courtes périodes de plénitude intérieure » et 

« les heures, les jours, voire les années entières d’indolence, d’aridité, de fatigue » 583 . 

La question que Čep se pose est de savoir s’il est possible de convertir le manque en 

quelque chose de positif et valorisant, si l’homme détient les moyens de remplir ses 

« lacunes » ou si elles sont destinées à rester irréparablement vides. 

C’est que pour Čep ce n’est pas seulement le passé qui d’une certaine manière 

influence et façonne le présent et peut préfigurer l’avenir informe mais, dans le sens 

inverse, le futur peut modifier le passé et réorienter sa signification, sa portée et ses 

perspectives. Le passé individuel, notre passé n’est pas immuable, c’est notre attitude à 

l’égard de l’avenir qui peut faire renaître ces « lacunes » : « De notre parti pris vis-à-vis 

de l’avenir dépend la faculté des endroits chauves de nos occasions à reverdir. » 584 Cette 

idée est mieux éclairée si nous tenons compte du processus d’édification de la personne 

chez Čep. Celle-ci ne se résume pas en effet dans les actes matériellement accomplis, 

mais englobe aussi la potentialité, le devenir possible et voulu de la personne. La valeur 

de la personne humaine ne dépend pas uniquement de ses actes, c’est-à-dire de son 

« faire » mais tout autant de sa « puissance » et de son « vouloir ». Irrésistiblement, il 

nous vient à l’esprit la définition que Maurice Zündel appliqua l’homme : « Je ne suis 

pas, je puis être ». Čep, de son côté, renchérit : 

Heureusement, je ne suis pas seulement ce que j’étais jusque à présent ; je suis aussi – et peut-être 

davantage – ce que je devais et pouvais être, et ce que je voudrais être. La perspective de mon univers 

intérieur et sa relation aux autres change de fond en comble, si je déplace son noyau et son centre de 

gravité dans la direction dans laquelle mon moi est en train de se constituer. 585 

582 


583 

Ibid., p. 153. 

584 

« Na tom, jak se postavíme k budoucnosti, záleží, zda se zazelenají lysá místa našich zmrhaných 

příležitostí […] », Œuvres V, p. 36. 

585 

« Nejsem však naštěstí jenom tím, čím jsem byl dosud; jsem také – a možná víc – tím, čím jsem měl 

a mohl být, a čím bych chtěl být. Perspektiva mého vnitřního vesmíru a její vztah k druhým se od základu 

změní, posunu-li její střed a její těžiště ve směru, v kterém se moje já teprve utváří. », Œuvres V, p. 138. 

216


Dans cette perspective on peut pour ainsi dire utiliser les « lacunes » – à condition 

qu’on les reconnaisse sincèrement – comme matière édifiante dans le processus de 

l’épanouissement de la personne. 

Dans sa réflexion Čep ne peut pas ne pas effleurer l’enjeu proustien de l’immortalité 

personnelle. Čep se rend compte que tout artiste aspire par sa création à une forme 

d’immortalité, que la base de toute création n’est en effet rien d’autre que le « besoin de 

prolonger la vie de l’instant, de l’allumer parmi tous les autres, d’en faire une image 

d’éternité » 586 . N’empêche que Čep conteste, ou au moins met en question, la capacité 

de l’auteur d’A la recherche de temps perdu de racheter le temps grâce à son art. Son 

« effort désespéré de fuire la vanité, l’oubli et le néant » 587 , sa « tentative de surpasser 

par ses propres forces l’abîme tragique entre le temps et l’éternité » 588 ne peut abolir la 

fuite du temps, et instaurer l’éternité. Il s’agit, selon Čep d’un effort purement humain 

qui manque la jonction à la transcendance. Reprenons davantage son argumentation : 

La mémoire de Proust est une mémoire tout à fait humaine : il n’y a dans son pouvoir rien de plus que 

de renouveler, dans un certain sens, le passé avec ses rares particularités, avec ses lacunes et ses 

diérèses. Même s’il parvient parfois, dans un moment esthétique fort, presque à toucher l’éternité, il 

ne peut empêcher que même cette expérience particulière ne soit la proie du temps, qu’un vide 

insaturé ne reste après elle. Manifestement, on n’entre pas dans l’éternité de la sorte. Même le temps 

ainsi retrouvé a une dimension seulement horizontale, il n’est que la durée. Afin qu’il devienne 

vraiment une sorte d’éternité, son affluent, il devrait être complété par une dimension verticale, par 

une relation personnelle à Dieu. 589 

La question proustienne instaure le problème de la mémoire humaine. C’est 

également une des préoccupations primordiales de Čep. La mémoire est le fondement 

de la personne humaine, elle constitue son identité. La mémoire n’absorbe pas tous les 

moments de notre vie ; Čep compare le passé individuel à « la surface de l’eau de 

laquelle ressortent, çà et là, les îles et les îlots » 590 . Ailleurs encore, il fait une analogie 

avec le « crible troué, d’où fuient plus de choses qu’il n’en reste » 591 . Cela veut dire que 

586 


587 

Ibid. 

588 

Ibid., p. 176. 

589 

« Proustova paměť je však pamětí zcela lidskou. Není v její moci nic víc než obnovit v jistém smyslu 

minulost s jejími vzácnými jednotlivostmi, s jejími mezerami a přerývkami. I když se mu někdy podaří 

dotknout se v jediném silném estetickém okamžiku takřka věčnosti, nemůže zabránit, aby se i tato 

výjimečná zkušenost nestala opět kořistí času, aby po ní nezůstalo nenasycené prázdno. Do věčnosti se 

zřejmě nevstupuje takto. I čas takto nalezený má jenom rozměr horizontální, je jenom trváním. Aby se 

opravdu stal jakousi formou věčnosti, jejím přítokem, musil by být doplněn rozměrem vertikálním, 

osobním vztahem k Bohu. », Œuvres V, p. 176. 

590 


591 Ibid., p. 212. 

217


peu d’événements de notre passé sont nettement délimités et éclairés, le plus souvent 

l’homme ne garde qu’un certain sentiment de l’événement passé, une atmosphère 

particulière. La mémoire humaine, puisqu’il n’y a pas d’autres mémoires, est 

nécessairement imparfaite, limitée et délimitée, sélective, elle trie, faute de pouvoir tout 

retenir. 

La mémoire humaine est constituée en premier lieu par notre propre passé stricto 

sensu, c’est-à-dire par nos pensées et nos actes, bons ou mauvais, et aussi par ceux qui 

n’ont pas été réalisés. Or, la mémoire personnelle est prolongée par la mémoire 

collective, l’héritage familial d’abord, puis national, jusqu’à la mémoire de toute 

l’humanité. Čep s’interroge souvent sur la « mémoire culturelle de l’humanité », 

considérant comme un miracle le fait que nous soyons en mesure de comprendre nos 

ancêtres, de jouir des œuvres d’un Platon ou d’un Virgile. C’est une preuve pour lui que 

quelque chose subsiste dans tout homme, que son noyau reste immuable à travers les 

temps. 

V.1.3.5. Au carrefour de l’histoire 

La réflexion au sujet de l’histoire humaine, qu’il s’agisse des atrocités toutes récentes 

des guerres et des régimes totalitaristes ou bien d’événements beaucoup plus lointains – 

les méditations portent souvent sur les civilisations antiques, le Moyen-Âge, la 

Révolution française, etc. – abonde dans les essais de Jan Čep ; de même que 

l’interrogation sur le sens et le « fonctionnement » de l’histoire humaine, de la part de 

l’homme et de sa liberté dans son devenir. 

Les enjeux principaux des méditations portant sur l’histoire et sur le temps en 

général pourraient être résumés par cette phrase de Čep : « Nous faisons tous partie d’un 

courant immense qui nous emporte dont nous essayons de nous rendre compte de la 

direction et du sens, tout en y cherchant notre place, notre part, notre responsabilité. » 592 

Il s’agit de renouer le dialogue avec le passé pour mieux comprendre le présent toujours 

fuyant. Il est important de tenir compte du moment où Čep écrit ses méditations sur 

l’histoire et sur l’actualité, les deux étant le plus souvent entrelacées. C’est une période 

592 « Jsme všichni částí nesmírného proudu, který nás unáší a jehož směr a smysl si snažíme uvědomovat, 

hledajíce zároveň svoje místo v něm, svůj podíl, svou odpovědnost. », Œuvres V, p. 151. 

218


d’après-guerre où règne un désarroi profond et général de sorte qu’il est difficile 

d’apercevoir des repères stables ou des points d’orientation. A cette confusion générale 

se joint la situation personnelle de l’écrivain qui ne fait que conforter son sentiment 

d’incertitude et justifie, voire lui inflige, un retour vers le passé qui lui apparaît 

structuré, plus clair et mieux compréhensible. 

Tout cet aspect tragique et chaotique de l’actualité suggère chez Čep le sentiment 

aigu de se trouver dans un moment crucial de l’histoire. Il croit entrevoir, par un 

sentiment presque apocalyptique, que l’humanité est en train d’aboutir à un grand 

carrefour, à un tournant limite où le vieux monde se meurt pour donner naissance à un 

monde nouveau, porteur d’espoir pour l’humanité. Il affirme : 

Il nous semble qu’il nous fut destiné de naître à un carrefour de l’histoire, où l’humanité se dépouille 

dans les douleurs de sa vieille peau et cherche de nouvelles formes de vie. Les convulsions dans 

lesquelles notre terre se tord depuis plusieurs décennies sont les symptômes d’un profond 

renouvellement, tant intérieur qu’extérieur. » 593 

A cet égard, le désir de voir plus clair, de se situer, de chercher sa place dans ce 

monde vacillant, ne devient que plus intense. 

L’histoire humaine entre la conception marxiste et existentialiste 

L’histoire, telle que Čep la perçoit, s’oppose foncièrement à deux conceptions 

dominantes à l’époque : marxiste et existentialiste. Dans sa critique de la conception 

marxiste Čep fustige notamment deux postulats : la négligence de l’histoire individuelle 

et l’abus du passé au profit de l’utopie communiste. Čep récuse cette instrumentalisation 

de l’histoire, où « l’essentiel, c’est le procès, les hommes n’y signifient peu ou rien. » 594 . 

En dépit de la volonté de se fonder sur un matérialisme historique, l’histoire marxiste 

semble à Čep une construction abstraite, immatérielle et anonyme. Cette vision qui fait 

abstraction de l’homme est, selon lui, erronée. Pour Čep au contraire, l’histoire se 

compose avant tout des vies individuelles des hommes concrets, « elle est tissue 

d’individuels destins, pensées, volontés et passions » 595 , et en tant que telle – c’est-à- 

dire dans la perspective des relations intersubjectives – elle doit être envisagée 596 . 

593 « Zdá se, že nám bylo určeno zrodit se na křižovatce dějin, kdy lidstvo svléká v bolestech starou kůži 

a hledá nové formy života. Křeče, v kterých se op několik desetiletí svíjí naše země, jsou průvodními 

zjevy hluboké, vnitřní i vnější obnovy. », Œuvres V, p. 26. 

594 Œuvres V, p. 82. 

595 Œuvres V, p. 82. 


219


L’histoire, celle avec un H majuscule, n’est pas façonnée seulement par les grands 

événements tels que les guerres ou les décisions des puissants ; elle est pétrie au même 

titre à travers le train-train quotidien des vies ordinaires. « Pour un mouvement global 

[de l’histoire], il n’est pas indifférent de savoir à quoi les gens aspirent dans leurs vies 

individuelles, vers quoi ils veulent arriver, en quoi ils croient. » 597 C’est dire que pour 

Čep, c’est l’atmosphère culturelle et spirituelle qui est le facteur décisif de l’histoire. La 

causalité strictement matérielle qui ferait qu’un événement s’enchaîne sur l’autre n’a 

pas lieu ; c’est beaucoup le « climat de l’époque », l’ « héritage culturel et spirituel » qui 

emplit et vivifie tel ou tel moment de l’histoire, qui est à l’origine de grands événements 

historiques dont l’émergence serait impensables sans eux. L’histoire externe 

(événementielle) relève de ce climat, de cette atmosphère, les événements de l’histoire 

reflètent l’esprit et la pensée de l’époque. 

La deuxième objection faite à la conception marxiste est liée à la première. Čep ne 

peut pas accepter le refoulement du passé au profit du bien-être situé dans l’avenir, 

censé s’accomplir dans une nouvelle société socialiste. Ce déterminisme, selon lequel 

toute les générations précédentes auraient eu cette malchance de naître trop tôt, et, par la 

suite, de ne pas pouvoir atteindre le bonheur et la plénitude promis (uniquement) à ceux, 

heureux, à qui il était donné de vivre dans le paradis communiste, s’avère néfaste et en 

tout cas trop injuste pour qu’il puisse être vrai. Ce bonheur exclusif et trop étroitement 

défini, situé dans l’avenir et voué à un petit nombre d’élus, est inacceptable pour Čep. Il 

exige, par contre, une chance équitable et une possibilité égale pour tout un chacun, non 

pas de toucher le bonheur absolu (ce qui n’est pas possible ici-bas), mais de réaliser un 

déploiement personnel maximal. L’homme peut tenter son bonheur indépendamment 

d’un moment concret de l’histoire. Cela dit, Čep ne désapprouve pas l’idée du progrès 

(technique) dans l’histoire, il est conscient que dans un certain sens l’humanité travaille 

à sa plus grande perfection et à sa quête du bonheur. Cela n’empêche pas que chaque 

homme dans le moment concret de l’histoire possède « toutes les possibilités pour 

s’épanouir pleinement et pour atteindre son but » 598 . Et il poursuit : 

Il n’existe pas seulement de relations entre le passé et le futur, mais aussi des relations qui attachent 

tout homme et chaque destin individuel, qu’il soit fixé à n’importe quel moment de l’histoire humaine, 

597 « Není pro celkový pohyb dějin lhostejné, oč lidé v svém individuálním životě usilují, k čemu chtějí 

dospět, več věří. », Œuvres V, p. 17. 

598 Œuvres V, p. 185. 

220


à un certain centre qui se trouve hors le temps historique. […] Chaque homme doit avoir le même 

espoir de conquérir sa part d’éternité, de connaissance de la vérité. 599 

En ce qui concerne la perception de l’histoire et du monde chez les représentants de 

la philosophie de l’existence, c’est la constatation de l’absurdité que Čep, en tant que 

croyant, ne peut pas admettre. En dépit des catastrophes du XX e siècle, l’histoire n’est 

pas un « non-sens cruel, une hallucination morbide d’un cerveau monstrueux » 600 . Elle 

n’est pas dépourvue d’un sens et d’une logique intrinsèques même si ces derniers restent 

parfois illisibles au regard humain. Čep se rend très bien compte que la connaissance 

humaine est limitée, c’est pourquoi elle ne peut capter l’événementiel dans toute sa 

complexité. Son sens reste pour l’homme en grande partie un mystère. Le sens de 

l’histoire où il y a tant de mal et tant de douleur peut-être justifié uniquement dans la 

perspective de la foi. L’acceptation de la dimension de l’au-delà peut fournir même aux 

événements les plus tragiques le sens qui les revalorise positivement : 

Sous la formule confuse des événements extérieurs [de l’histoire] le plan caché se déroule, dont les 

relations et les correspondances se projettent parfois même à notre connaissance sensorielle et 

rationnelle dans des images fragmentaires qui se correspondent symboliquement. C’est comme si 

certains événements et certains personnages jouaient un rôle dans une parabole d’histoire dont l’acte 

propre, entier et cohérent, se déroulait à un autre niveau, et là seulement acquierait son sens et sa 

justification. 601 

L’histoire humaine comme partie de l’histoire du salut 

On vient d’affirmer que l’histoire humaine, telle qu’elle apparaît à la perception de 

l’homme, n’est, pour Čep, qu’un fragment d’un processus plus vaste et plus complexe 

se déroulant « à un autre niveau », ailleurs 602 . Au-delà de l’événementiel du monde 

humain, ce monde concret, visible et palpable qui est la scène de nos vies, d’autres 

« actions » se superposent, qui sont invisibles, imperceptibles par les sens, appartenant à 

599 « Neexistují jenom vztahy mezi minulostí a budoucností, ale zároveň vztahy, které vážou každého 

člověka a každý jednotlivý lidský osud, ať už je upoután na kterýkoliv okamžik historického času, 

k jakémusi středu, který je mimo historický čas. […] Každý člověk musí mít stejnou naději na svůj podíl 

na věčnosti, na poznání pravdy. », Œuvres V, p. 185. 

600 Œuvres V, p. 15. 

601 « Pod zmateným vzorcem jejich zevnějších událostí probíhá skrytý plán, jehož vztahy a souvislosti se 

občas promítají i našemu smyslovému a rozumovému poznání v útržkovitých obrazech, které si 

korespondují. Zdá se, jako by jisté události a jisté postavy hrály úlohu v historickém podobenství, jehož 

vlastní, celé i souvislé dějství probíhá v jiné rovině, a teprve v ní nabývá smyslu a ospravedlnění. », 


602 Cf. entre beaucoup d’autres cette citation faisant apparaître la distinction platonicienne de la 

temporalité/historicité et l’éternité dans la conception de l’histoire : « Le temps est seulement la toile sur 

laquelle les actions et les réalités existant dans l’éternité se projettent à la perception humaine. » [Čas je 

jenom plátnem, na které se lidskému vnímání promítají děje a skutečnosti existující ve věčnosti.], 


221


la sphère du spirituel (métaphysique). Cet univers spirituel est pour Čep une réalité aussi 

tangible que le premier, puisqu’il « s’infiltre dans l’expérience quotidienne [du croyant] 

et la pétrit dans chaque moment de son temps historique » 603 . 

Nous reconnaissons aisément le « double chez soi » čepien, ce dualisme fondamental 

qui est au fond de sa vision du monde et de l’homme, et qui naturellement influence 

aussi sa perception de l’histoire humaine. C’est cette superposition (l’entrelacement) et 

l’interférence des deux dimensions, humaine et transcendante, qui permet la 

redistribution du sens même aux actes et aux événements les plus déshonorants ou 

ignobles. En dépassant les mesures d’appréhension purement matérielles, cette 

deuxième dimension préserve le sens contre l’absurdité et devient le garant de 

l’équilibre entre le bien et le mal. C’est grâce à elle que l’homme peut accepter son 

destin tragique, le mal, la douleur, la souffrance, comme une incontournable partie de 

son histoire. L’histoire humaine s’incruste donc dans une conception de l’histoire 

beaucoup plus vaste à laquelle participe tout l’univers créé, y compris son Créateur. Čep 

perçoit l’histoire de l’homme dans la perspective chrétienne de l’histoire du salut. 

Autrement dit, l’histoire se dévoile à Čep dans la lumière de la Révélation. Lorsqu’il 

parle de la condition humaine ou de la nature du mal, il n’oublie pas d’évoquer le mythe 

de la Chute originelle, qui creuse la déchirure inguérissable entre l’éternité et la 

temporalité, et qui constitue en somme le dualisme du « double chez soi ». La tâche de 

l’homme consiste alors en une réunification de ce dualisme ; il ne doit aspirer à rien de 

moins qu’à « s’efforcer de renouveler dans sa vie et dans le monde l’unité 

originelle ? » 604 . De même, l’accomplissement final de l’histoire est situé hors ce 

monde-ci, car il se trouvera dans la « durée inimaginable dans laquelle tout sera réuni en 

même temps et pour toujours, dans l’Etre lumineux, incessamment jaillissant » 605 . On 

voit bien que la conception de l’histoire chez Čep est à l’antipode de l’appréhension 

positiviste, et qu’elle s’éloigne aussi de l’observation phénoménologique. 

La place de l’homme et de sa liberté dans l’histoire 

Une question s’impose enfin : quelle place dans cette conception métaphysique 

l’homme occupe-t-il ? Est-il déterminé dans ce qu’il fait d’une manière ou d’une autre 

603 « Duchovní vesmír, který je pro věřícího člověka vesmírem skutečným, prolíná a formuje jeho 

každodenní zkušenost ve všech okamžicích jeho historického času. », Œuvres V, p. 181. 

604 Œuvres V, p. 70. 

605 Œuvres VI, p. 29. 

222


ou bien agit-il en toute liberté ? Contribue-t-il à former l’histoire ou bien n’est-il plus 

qu’une marionnette guidée par une instance supérieure ? 

Le premier constat est que Čep contrarie l’interprétation marxiste selon laquelle 

l’histoire ne serait que le reflet des conditions matérielles de la production. On aura 

plutôt compris que l’histoire pour Čep est à la fois l’œuvre de l’homme et l’œuvre 

divine. Elle se produit dans le concours de la volonté humaine et des desseins divins. 

Čep n’évite pas ici la contention théologique ancienne : en acceptant la Providence, 

l’existence de l’instance divine dotée de toute puissance, l’homme peut-il encore être 

vraiment libre ? Čep opte pour la liberté humaine qui peut aller, comme nous l’avons 

déjà fait observer, jusqu’à la révolte contre Dieu. Cependant la volonté de l’homme et 

celle de Dieu ne sont pas pour ainsi dire du même niveau. Autrement dit, l’intention 

divine s’accomplit même au travers et malgré les actes contradictoires de l’homme 

comme le fait comprendre le proverbe portugais choisi par Claudel en exergue du 

Soulier de satin et souvent cité par Čep 606 . Ce fait ne devrait pas toutefois conduire à la 

résignation et à la passivité de l’homme. A chaque moment la responsabilité 

individuelle de l’homme pour la marche de l’histoire est engagée. La potentialité du 

moment et la gravité du choix en découlant, la valeur de l’acte, réalisé ou non, font que 

l’homme est responsable de ses actes et par delà de l’histoire. Il faudrait s’entendre 

encore sur ce qu’est l’acte pour Čep, car l’acte est pour lui une opération décidant des 

pays entiers tout autant que l’intention cachée, l’effort moral tout intérieur. Ces actes 

internes, apparemment insignifiants, équivalent en importance à tout acte externe dont 

les conséquences peuvent se voir de très loin 607 . 

Souvenons-nous aussi lorsque nous avons parlé des relations intersubjectives, que 

celles-ci sont d’une grande complexité (système des donateurs et de débiteurs, équilibre 

des dettes et des réserves) et que l’homme est responsable dans un double sens, vers le 

passé et vers l’avenir : le passé apparemment perdu qu’il peut doter d’un sens, l’avenir 

qui sera le miroir de la fidélité ou de l’infidélité aux valeurs universelles. Tout cela se 

ressent également dans la conception de l’histoire de Čep. 

606 « Deus escreve dirceito por linhas tortas. » [Dieu écrit directement par des lignes courbes.] 

607 Cf. par exemple : « [N]otre avenir ne dépend pas seulement de ce que nous faisons à cet instant, mais 

peut-être beaucoup plus de ce qu’à l’instant présent nous pensons et de ce que nous sommes au fond de 

notre âme et de notre cœur. » ([N]aše budoucnost nezávisí jenom na tom, co tuto chvíli děláme, ale snad 

mnohem víc na tom, co tuto chvíli myslíme a čím jsme v hloubi své duše a svého srdce.), Œuvres V, 

p. 107. 

223


Il nous semble nécessaire d’achever cette partie destinée à l’histoire par une citation 

dans laquelle Čep justifie l’importance des recherches historiques. Elle est tirée d’une 

réflexion titrée « Sur la connaissance historique et la philosophie de l’histoire » dans 

lequel l’auteur fait un commentaire à partir d’un ouvrage d’Henri Marrou (De la 

connaissance historique, 1955), historien français à qui Čep vouait une admiration 

sincère et profonde. Laissons parler Čep : 

L’étude de l’histoire nous libère des frontières et des chaînes que notre situation dans le temps, à tel 

ou tel endroit, dans une certaine société, à un certain moment de son évolution, a mis sur notre 

expérience humaine. Ainsi, devient-elle, dans une certaine mesure, l’instrument de notre liberté. 608 

V.2. Livre de la semaine 

Tout le monde sait quel changement radical s’est opéré dans le domaine des 

recherches littéraires, et particulièrement dans ce qu’on peut appeler la communication 

littéraire dans la seconde moitié du siècle dernier. Sur le triangle fondamental « auteur- 

œuvre-lecteur », l’accent s’est progressivement déplacé du premier nommé au dernier. 

Ce fut tout particulièrement l’école de Constance avec son esthétique de la réception qui 

a valorisé le rôle du lecteur et s’est ainsi profondément intéressée à l’acte même de la 

lecture. S’il y a dans toute l’œuvre de Čep un domaine particulièrement propice à 

l’approche de la lecture, c’est le deuxième programme qu’il assurait régulièrement pour 

Radio Free Europe et qui portait le nom du Livre de la semaine 609 . 

608 « Studium dějin nás osvobozuje z hranic a pout, jež položila na naši lidskou zkušenost naše situace 

v čase, na tom nebo onom místě v určité společnosti, v určité chvíli jejího vývoje. Tím se stává do jisté 

míry nástrojem naší svobody. », Œuvres V, p. 280. 

609 Nous distinguons la désignation du programme en général que nous mettons en italique (Livre de la 

semaine) des comptes-rendus particuliers que nous mettons entre guillemets (« livre de la semaine »). 

À notre connaissance, personne n’a vraiment orienté son attention dans cette direction de la vie et de 

l’œuvre de Jan Čep. Seul J. Dresler effleure ce sujet dans ses articles et dans ses souvenirs voués au relais 

munichois. Il porte des jugements fort favorables quant au Livre de la semaine de Čep en parlant des 

« bijoux radiophoniques » qui « même aujourd’hui valaient la publication en livre ». Il s’aperçoit surtout 

des histoires corsées lorsqu’il consigne à plusieurs reprises que Čep dans ses émissions souvent « allait 

trop loin » en citant les passages les plus drastiques et les scènes érotiques les plus ouvertes. 

Cf. J. Dresler, « Jan Čep ve Svobodné Evropě », Konference o díle Jana Čepa, Olomouc, Danal, 1999, 

p. 111-113 ; « Slovo a svět » (La parole et le monde), Akord, XX, n° 1, p. 3-4 ; « Překladatel a redaktor 

Jan Čep » (Traducteur et rédacteur Jan Čep), Národní politika, 1/1983. 

224


Contrairement à ce qu’on dit parfois, Čep a assuré cette émission culturelle, tout 

comme ses méditations, dès le début de sa collaboration avec la Radio 610 . Une fois tous 

les quinze jours, il présentait des livres nouvellement parus dans le monde occidental 

libre, livres qui n’avaient pas la chance d’échapper à la censure imperméable qui régnait 

derrière le rideau de fer. Comme toute entreprise de Radio Free Europe, les émissions 

culturelles, elles aussi, avaient pour but de perturber le monopole d’information de 

l’idéologie et de la propagande du régime communiste. Que pouvons-nous apprendre de 

cette masse de comptes-rendus que Čep fournit à la Radio pendant plus de quatorze 

ans ? Que révèlent ces exposés sur les goûts de leur auteur, sur sa manière de concevoir 

le fait littéraire ? Quelles furent les spécificités et les contraintes de ce genre insolite 

qu’on pourrait désigner comme le « compte rendu parlé » ? Quel fut le rapport de Čep à 

l’égard de la production littéraire de l’époque, de la jeune génération des écrivains 

français ? Autant de questions que recouvre le matériel multiple du Livre de la 

semaine de Čep. 

V.2.1. Présentation générale 

Jan Čep s’avère dans ses mémoires, à plusieurs reprises, un lecteur passionné. De 

longues énumérations dans son journal témoignent, d’ailleurs, de ses innombrables 

lectures 611 . Nous ne nous tromperons pas en disant que Čep a un besoin constant 

de livres, de la présence de ce pouvoir ensorcelant de la parole qu’est la littérature. La 

lecture fut indispensable à la vie de Čep, il la croyait nécessaire à la vie saine et 

équilibrée de tout homme et accusait la société moderne, encombrée par toutes sortes de 

bruits assourdissants, de réduire le temps et l’espace voués jadis à la lecture. La lecture, 

ce « vice impuni », pour reprendre la désignation de Valéry Larbaud, écrivain français 

610 Par exemple, M. Trávníček dans sa monographie indique comme début de cette émission l’année 

1960. L’erreur provient peut-être de ce que Čep s’était engagé à ce moment dans un autre programme 

culturel, La parole et le monde. 

611 Voici un exemple de cette énumération qui révèle non seulement le rythme frénétique des lectures de 

Čep, mais également ce qui doit être la base et le sens d’une vraie lecture – l’enrichissement de 

l’expérience intérieure du lecteur. L’extrait tombe au moment où Čep assista à la décade « Raymond 

Queneau » à Cérisy-la-Salle. On peut se demander comment il a pu terminer toutes les lectures citées, s’il 

devait en même temps participer aux débats programmés : « Pendant les quinze jours que nous sommes à 

Cérisy, j’ai lu : Halévy, Degas, G. Marcel, Le mystère de l’Etre (2 vol), M. Oren, Prisonnier politique à 

Prague, R. Gary : La promesse de l’aube, St Augustin, Péguy, Hostovský. Cela fait huit livres. Je ne 

pourrais pas continuer à ce rythme. Il faut faire autre chose en même temps ou dans les intervalles. 

Autrement, on lirait comme on se décharge de n’importe quelle corvée ennuyeuse ; on n’en tirerait aucun 

profit, cela ne contribuerait pas à enrichir notre expérience intérieure. », Journal, le 21 août 1960 

225


bien aimé de Čep, ne fut pas une simple distraction comme il en est de nos jours. Selon 

Čep elle instruisait l’homme sur le fond caché, universel, de la vie, de l’homme et du 

monde qui l’entoure. Tout naturellement, Čep écrivain cherchait dans ses lectures 

l’inspiration, ou mieux, la « recette » de la bonne prose. En même temps, il avoue qu’il 

y avait des moments où la lecture devenait pour lui une échappatoire, une évasion 

coupable pour ne pas avoir à écrire lui-même. 

De ses lectures délibérées, volontaires, choisies à son gré, il faut distinguer la lecture 

« imposée » par son travail à la Radio. La relation de Čep envers le programme du Livre 

de la semaine fut ambivalente, pour ne pas dire négative. Il n’en dit pas un seul mot 

dans son autobiographie. À la différence de ses méditations, qu’il estimait beaucoup 

plus, il laissa émettre ses « livres de la semaine » sans mention de son nom d’auteur, 

comme s’il considérait le programme comme quelque chose de subalterne. Cette lecture 

forcée devenait une corvée, sinon un obstacle à sa propre création 612 . Il est vrai que la 

lecture fut aussi à d’autres reprises son obligation professionnelle lorsqu’il exerçait des 

fonctions de lecteur dans différentes maisons d’édition mais, à la différence de sa 

situation en exil, il disposait alors d’assez de loisirs et de certitudes qui lui permettaient 

de travailler parallèlement à son œuvre de créateur. 

Plus l’âge avance, moins Čep se sent capable de lire n’importe quel livre. Cette 

lecture infligée a dorénavant pour Čep un arrière-goût de temps perdu, et même d’ennui. 

Les aveux démontrant sa répugnance face à la lecture de ses « livres de la semaine » se 

multiplient dans sa correspondance comme nous pouvons le constater, entre autres, dans 

une lettre adressée à Gabriel Marcel : 

J’ai perdu et je continue à perdre trop de temps en lisant des livres pour mes programmes à la Radio ; 

mais la production littéraire contemporaine ne m’intéresse plus dans sa majorité. Si je pouvais, je ne 

ferais plus que relire quelques classiques et très peu de « modernes » dont la liste s’arrêterait à 

Newman, Claudel, Bernanos, deux ou trois autres. 613 

Nous sommes néanmoins conscients de la tromperie que représentent de semblables 

citations, voyant Čep lire pendant ses congés autant, sinon plus, que pendant l’exercice 

de sa fonction professionnelle. L’avidité de sa lecture atteint à certains moments une 

612 Une des rares citations où Čep s’exprime sur l’émission en question se trouve dans la notation 

journalière du 28 mars 1960 : « Fini contre tout espoir, mon livre de la semaine sur ‘l’hommage à Albert 

Camus’ publié à la Table Ronde. Malgré le sentiment que c’est un travail mal fait, que j’ai dû beaucoup 

tricher pour en venir au bout, je ne peux m’empêcher de sentir, en même temps, une certaine satisfaction ; 

mais c’est la satisfaction d’une corvée finie, non d’une création. Si je n’avais fait que cela pendant toutes 

ces années et ai-je fait beaucoup plus ? Il n’en serait pas assez pour boucher le vide du temps perdu. » 

613 J. Čep à G. Marcel, cité de la transcription du Journal du 19 août 1960. 

226


intensité au-delà de toute mesure, car il lui arrive de voir sa « puissance d’assimiler » 

[sic] « épuisée », d’avoir après toutes ses lectures la « gueule de bois », de n’avoir plus 

« envie de toucher à un livre », ce qui lui arrive, selon ses propres paroles, « rarement ». 

Il est grand temps d’aborder directement le programme Le Livre de la semaine et 

d’apporter les fruits concrets de nos observations et de nos réflexions. 

* 

Commençons par noter quelques informations élémentaires. Anticipons tout de suite 

en disant que les chiffres présentés ne sont donnés qu’à titre indicatif et qu’ils ne 

peuvent être que des estimations approximatives, étant donné que nous n’avons pas pu 

consulter la totalité des papiers que Čep a fournis à Radio Free Europe. Les archives 

relatives aux programmes culturels de Čep sont assez lacunaires, de nombreux 

documents faisant défaut. Quoique incomplète, la quantité de la matière examinée nous 

semble suffisamment représentative (d’autant plus qu’il s’agit de programmes répétitifs 

à structure fixe) pour nous permettre d’en tirer des résultats convaincants et des 

caractéristiques généralisantes. 

Jan Čep ne fut pas le seul à la Radio à assurer le programme du Livre de la semaine. 

Il le préparait tous les quinze jours en alternance avec d’autres rédacteurs culturels 

(V. Peška, Z. Lederer, P. Demetz). En principe, il était donc chargé de deux « livres de 

la semaine » par mois, ce qui fait – en tenant compte d’un mois de congé – environ 

vingt-deux « livres » par an. En multipliant le chiffre avec le nombre d’années au cours 

desquelles Čep a collaboré avec la Radio, nous atteignons le chiffre d’à peu près 320 

livres. À première vue le nombre ne paraît pas excessif, ni démesuré, pour un rédacteur 

culturel. Toutefois, si on prend en considération d’autres préoccupations dont Čep fut 

constamment ou occasionnellement chargé à la Radio – notamment son programme 

hebdomadaire de Méditations, les traductions et les supervisions – nous observons 

finalement que son emploi du temps était bien rempli. Mais le chiffre conduit aussi à 

deux questions intéressantes : Quels auteurs furent présentés dans les émissions de Čep 

le plus souvent ? Peut-on découvrir dans ce matériel informe certains critères, déceler 

certains motifs qui orientaient ou influençaient la sélection de Čep ? Quels livres 

227


prédominèrent du point de vue thématique et générique ? Que pouvons nous déduire du 

goût de l’auteur du compte rendu ? Qu’observer de sa « méthode critique » ? 

V.2.2. Tableau du Livre de la semaine et commentaire à propos du choix des 

auteurs 

Nous avons dit que le but du programme consistait à informer l’auditoire derrière le 

rideau de fer sur la production littéraire occidentale à laquelle celui-ci n’avait pas le 

droit d’accéder. Nous proposons donc ici de donner une sorte d’aperçu panoramique des 

auteurs que Čep présentait aux auditeurs tchèques. Nous tenterons également de faire 

remarquer certaines récurrences et certains axes d’orientation dans les sélections de 


Commençons par donner le tableau des « livres de la semaine » tel que nous avons 

pu le reconsituer à partir des archives consultées. Pour chaque livre nous faisons 

apparaître les données élémentaires comme l’auteur, l’éditeur et la collection, le tirage 

(s’il est indiqué, ce qui arrive rarement), le genre et les thèmes principaux ainsi que 

l’appartenace à une littérature nationale : 

N° Livre de la semaine 

1 

2 

3 

4 

5 

6 

7 

Georges Duhamel : 

Le Voyage de Patrice 

Périot 

Anne-Marie 

Guillemin : Virgile, 

poète, artiste et 

penseur 

Egon Hostovský : 

Missing 

Roger Bésus : Le 

Refus 

Julien Gracq : Le 

rivage des Syrtes 

Emmanuel Roblès : 

Cela s’appelle 

l’aurore 

Jean Cayrol : Le vent 

de la mémoire 

Editeur 

(Collection)/Tirage 

1950 

Genre Thème Littérature 

Mercure de France 

1951 

Roman Quête 

personnelle et 

spirituelle 

Française 

Albin Michel Etude littéraire Virgile et son 

œuvre 

Française 

1952 

Manuscrit Roman Espionnage Tchèque 

Seuil Roman Religieux, prêtre Française 

Librairie José Corti Roman Mystère, 

suspense 

Seuil Roman Quête de bonheur 

individuel, 

dignité humaine 

Seuil Roman Egoisme 

intellectuel 

Française 

Française 

Française 

228


8 

9 

10 

11 

12 

13 

14 

15 

16 

17 

18 

19 

20 

21 

22 

23 

24 

25 

26 

27 

28 

29 

Ernst Wiechert : 

Missa sine nomine 

Evelyn Waugh : Men 

at Arms 

François Mauriac : 

Galigaï 

Daniel-Rops : 

L’Eglise de la 

cathédrale et de la 

croisade 

Marcel Arland : La 

consolation du 

voyageur 

A. de Saint-Exupéry : 

Pilote de guerre 

Roger Bésus : Cet 

homme qui vous 

aimait 

Rosamond Lehmann : 

The Echoing Grove 

Thomas Mann : Die 

Betrogene 

Albrecht Goes : 

Jusqu’à l’aube 

Pierre-Henri Simon : 

Les Hommes ne 

veulent pas mourir 

Margaret Kennedy : 

Troy Chimneys 

Claude Mauriac : 

Marcel Proust par luimême 

René Grousset : 

L’homme et son 

histoire 

André Chamson : Le 

chiffre de nos jours 


Federica 

Paul-André Lesort : 

Le vent souffle où il 

veut 

Hervé Bazin : L’huile 

sur le Feu 

Bruce Marshall : Un 

sou par homme 

Luc Estang : Les 

fontaines du grand 

abîme 


L’Agneau 

Calmann-Lévy Roman Guerre, religion Allemande 

Chapman & Hall Roman Guerre Anglaise 

Flammarion Roman Drame amoureux Française 

Fayard (Les grandes 

études historiques) 

Etude Histoire de 

l’Eglise 

Stock Récit Enfance, pays 

natal 

Française 

Française 

1953 

Gallimard (Livre de Roman Guerre, devoir, Française 

Poche) 

honneur 

Seuil Roman Amour chrétien, 

péché x grâce, 

prêtre 

Française 

Collins Roman Drame d’amour Anglaise 

S. Fischer Verlag Nouvelle Amour x 

conventions 

Allemande 

Albin Michel Roman Guerre, religion Allemande 

Seuil Roman Problèmes 

sociaux et 

ethniques 

d’après-guerre 

Française 

Macmillan & co. Roman Journal fictif Anglaise 

Seuil (Ecrivains de 

toujours) 

Commentaire 

littéraire 

Marcel Proust Française 

1954 

Plon Etude 

Histoire, Française 

historique civilisation 

occidentale 

Gallimard Récit d’enfance Enfance Française 

Seuil Roman Amour, aventure, 

quête du bonheur 

individuel 

Plon Roman Amour humain et 

divin, 

conversion, 

problèmes 

sociaux 

Grasset (Les Roman Imposture, folie, 

Cahiers verts) 

révolte 

Gallimard (L’air du Roman Prêtre, grâce, 

temps) 

miséricorde 

Française 

Française 

Française 

Anglaise 

Seuil Roman 3 e tome du cycle 

Charges d’âmes, 

drame de famille 

Française 

Flammarion Roman Sacrifice Française 

Julien Green : Journal Plon Journal Religion, 

notations variées 

Française 

229


30 

31 

32 

33 

34 

35 

36 

37 

38 

39 

40 

41 

42 

43 

44 

45 

46 

47 

48 

Walter Baxter : The 

Image and the search 

Louis Chaigne : 

Georges Bernanos 

Jean Mouton : 

Charles Du Bos, sa 

relation avec la vie et 

avec la mort 

Daniel-Rops : 

L’Eglise de la 

renaissance et de la 

réforme. Une ère de 

renouveau : la 

réforme catholique 

Graham Greene : 

Loser takes all 

Elizabeth Bowen : A 

World of love 

Henri Irénée Marrou : 

De la Connaissance 

historique 

A. de Saint-Exupéry : 

Lettres à sa mère 

Nikos Kazantzakis : 

Le Christ recrucifié 

L. P. Hartley : Le 

Messager (The Go- 

Between) 

Edmond Michelet : 

Rue de la liberté 

Robert Graves : 

Homer’s daughter 

Raymond Aron : 

L’Opium des 

intellectuels 

Bernard Berenson : 

Esquisse pour un 

portrait de soi-même 

Walter Jens : 

L’Aveugle (Der 

blinde) 

Henri Guillemin : 

Claudel et son art 

d’écrire 

Guy Gaucher, Le 

thème de la mort dans 

les romans de 

Georges Bernanos 

Evelyn Waugh : 

Officers and 

gentlemen 

André Dhôtel : Le 

pays où l’on n’arrive 

jamais 

H. Weinemann Roman Amour, quête 

spirituelle 

Anglaise 

Ed. universitaire 

(Classiques du XX e 

Etude littéraire Georges Française 

siècle) 

Bernanos 

Desclée de Brouwer Etude littéraire Vie, mort Française 

1955 

Fayard (Les grandes 

études historiques) 

Etude 

historique 

Histoire de 

l’Eglise 

catholique 

Française 

W. Heinemann Roman Relation hommefemme 

Anglaise 

J. Cape Roman Drame d’amour Anglaise 

Seuil (Esprit. La 

condition humaine) 

Etudes Philosophie de 

l’histoire 

Française 

Gallimard Correspondance Affection à la 

mère 

Française 

Plon Roman Mythe biblique Grecque 

Amiot-Dumont (La 

Fleur des romans 

étrangers) 

Seuil Romansouvenirs 

Roman Adolescence, 

bilan de vie 

Occupation 

allemande, 

Dachau 

Anglaise 

Française 

Cassell Roman Histoire 

homérique 

Anglaise 

Calmann-Lévy 

(Liberté de l’esprit) 

Essai 

Totalitarisme Française 

Albin Michel Roman Art, peinture, 

introspection 

Plon Roman Révolte, 

désespoir, moi et 

autre 

Gallimard Etude littéraire Paul Claudel, 

critiques et 

Lettres modernes 

(Thèmes et mythes) 

interprétations 

Etude littéraire Mort dans 

l’œuvre de 

Georges 

Bernanos 

Chapman and Hall Roman Suite à Men at 

arms (voir 

l’année 1952) 

P. Horay Roman Merveilleux du 

quotidien 

Anglaise 

allemande 

Française 

Française 

Anglaise 

Française 

230


49 

50 

51 

52 

53 

54 

55 

56 

57 

58 

59 

60 

61 

62 

63 

64 

65 

66 

67 

68 

69 

70 

71 

Aldous Huxley : The 

Genius and the 

goddess 

Valéry Larbaud : 

Journal 

Leslie Poles Hartley : 

A Perfect woman 

Henri Bosco : Les 

Balesta 

René Hardy : Amère 

victoire 

Ramon Sender : Le 

Roi et la reine 

Marie Forestier : Le 

Fort San Lorenzo 

Jean Fabre : André 

Chénier : l’homme et 

l’œuvre 

Jean-Paul Clébert : Le 

Blockhaus 

André Chamson : 

Adeline Venician 


Les Couteaux 

Gertrude von Le 

Fort : Les cierges 

éteints 

Daniel-Rops : 

Nocturnes 

Hervé Bazin : Qui 

j’ose aimer 


Elsinfor 

Graham Greene : The 

Quiet American 

Julien Green : Le 

Malfaiteur 

Jean Cayrol : Le 

Déménagement 

Albert Camus : La 

Chute 

Jean Schlumberger : 

Passion 

Henri Queffélec : Un 

feu s’allume sur la 

mer 


Les compagnons de 

l’Apocalypse 

Ugo Betti : Haute 

pierre 

Chatto and Windus Roman Révolte 

religieuse, 

pessimisme 

Anglaise 

Gallimard Journal Voyages, intime Française 

H. Hamilton Roman Monde d’enfant x 

monde adulte 

Anglaise 

Gallimard Roman Provence, 

mythes, 

vengeance 

Française 

Robert Laffont Roman Guerre du désert Française 

Seuil 

(Méditerranée) 

Roman Guerre 

d’Espagne, 

amour 

Espagnole 

Gallimard Roman Guerres 

napoléoniennes 

Française 

Hatier-Boivin Etude littéraire Vie et œuvre Française 

(Connaissance des 

lettres) 

d’André Chénier 

Denoël Roman 2 nde 1956 

Guerre, 

drame de survie 

Française 

Grasset Roman Amour, rêve Française 

Seuil Roman Aventure, 

passions, orgeuil, 

amour 

Seuil Roman Sacrifice des 

innocents 

Française 


Grasset Essais Littérature, art, 

religion 

Française 

Grasset (Rien que la Roman Courage féminin, Française 

vie) 

vie à la 

campagne 

Seuil Roman Déclin d’une 

vieille famille 

bourgeoise 

Française 

W. Heinemann Roman Espionnage, 

guerre, politique 

Anglaise 

Plon Roman Hypocrisie, 

spiritualité 

Française 

Seuil Roman Drame conjugal Française 

Gallimard Récit Confession 

intime 

Française 

Gallimard Nouvelles Lettres intimes Française 

Amiot-Dumont Roman 

Bretagne, mer, 

amour 

Mercure de France Roman Problème 

religieux, dignité 

humaine 

Seuil Roman Mythe du rocher, 

amour 

Française 

Française 

Italienne 

231


72 

73 

Georges Bernanos : 

Le crépuscule des 

vieux 

Marcel Arland : 

L’eau et le feu 

Romain Gary : Les 

racines du ciel 

Paule Régnier : Fêtes 

et nuages 

Françoise Mallet- 

Gallimard Textes inédits 

variés 

Religion, 

politique, 

littérature 

Française 

La guilde du livre Nouvelles Amitié, amour Française 

74 

Gallimard Roman Lutte contre la 

cruauté, nature 

Française 

75 

Gallimard Roman Chronique d’une 

enfance 

Française 

76 

Joris : Les mensonges 

R. Julliard Roman Relation 

conjugale 

Française 

Egon Hostovský : Manuscrit Roman Exil, intrigues Tchèque 

77 

Dobročinný večírek 

(La charité mène le 

bal) 

78 Jean Guitton : Jésus Grasset Essai Religion, Eglise Française 

Constantin Amariu : Denoël Roman 2 

79 La Fiancée du silence 

nde Guerre, Roumaine 

1957 

amour, vie des 

montagnards 

80 

Roger Bésus : Les 

abandonnés 

La Table ronde Roman Solitude, Dieu Française 

81 

Roger Bésus : Barbey 

d’Aurevilly 

Editions 

Universitaires 

Etude littéraire Vie et œuvre de 

B. d’Aurevilly 

Française 

82 

Albrecht Goes : La 

flamme du sacrifice 

Albin Michel Récit Sacrifice, religion Allemande 

Luc Estang : 

Seuil Roman Lutte 

Française 

83 L’Interrogatoire 

antireligieuse 

dans l’URSS 

84 

Henri Queffélec : Un 

royaume sous la mer 

Presses de la Cité Roman Travail et drames 

des marins 

Française 

85 

Albert Camus : 

L’Exil et le royaume 

Gallimard Nouvelles Situations 

existentialistes 

Française 

86 

Charles Morgan : 

Défi à Vénus 

Stock Roman Amour, 

spiritualisme 

Anglaise 

87 

Ignazio Silone : Le 

Secret de Luc 

Grasset (Les cahiers 

verts) 

Roman Réconciliation, 

politique x amour 

Italienne 

88 

Elsa Triolet : Le 

Monument 

Gallimard Roman Société socialiste Française 

Jacques de Bourbon Gallimard Récit Amour, femme, Française 

89 Busset : Le silence et 

la joie 

Dieu 

Jean Guirec : La Albin Michel Roman Amour, guerre Française 

90 Fontaine des 

innocents 

d’Indochine 

Jacques Madaule : Club français du Biographie Dante, univers de Française 

91 Dante et la splendeur livre (Portraits de littéraire son œuvre 

italienne 

l’histoire) 

92 

Paul Guimard : Rue 

du Havre 

Denoël Roman Vie ordinaire, 

humour, amour 

Française 

Angélina Bardin : A. Bonne (Par 4 Roman Souvenirs Française 

93 Vous qui passez sur la chemins) 

poétique d’enfance, vie à 

route… 

la campagne 

94 

Michel Butor : La 

Modification 

Minuit Roman Temps, 

psychisme 

Française 

95 

Roger Vailland : La 

Loi 

Gallimard (Soleil) Roman Cynisme, 

érotisme 

Française 

232


96 

97 

98 

99 

100 

Henri Mondor : 

Propos familiers de 

Paul Valéry 

Georges Méautis : 

Sophocle, essai sur le 

héros tragique 

Boris Pasternak : 

Récit 

Marie Forestier : Le 

Détour 

Henri Granjard : 

Mácha et la 

renaissance nationale 

en Bohême 

Grasset (Les 


Souvenirs 

littéraires 

Rencontres avec 

Valéry 

Albin Michel Etude Tragédie de 

Sophocle 

Française 

Française 

Lyon : E. Vitte Récit Société russe Russe 

Gallimard Roman Amitié, amour Française 

Institut d’Etudes 

slaves 

Etudes Mácha et le 

romantisme 

tchèque 

Française 

101 

André Chamson : Nos 

ancêtres les Gaulois 

1958 

Gallimard Conte 

philosophique 

Progrès, France, 

avenir 

Française 

Gilbert Cesbron : Il Robert Laffont Roman Histoire d’amour, Française 

102 est plus tard que tu ne 

problème de 

penses… 

l’euthanasie 

103 

Julien Green : Le Bel 

aujourd’hui 

Plon Journal Vie quotidienne, 

variétés 

Française 

Henri Queffélec : Fayard Roman Foi, recherche Française 

104 Combat contre 

nucléaire, rapport 

l’invisible 

homme-femme 

Georges Duhamel : Mercure de France Roman Drame de Française 

105 Le complexe de 

conscience, 

Théophile 

culpabilité, foi 

106 

Jacques de Bourbon 

Busset : Moi, César 

Gallimard Récit Monologue 

intérieur de César 

Française 

Zinaïda 

Grasset Enquête, Russie soviétique Russe 

107 

Chakhovskaia : Ma 

Russie habillée en 

U.R.S.S. 

document 

Francis Stuart : Gollancz Roman 2 

108 Victors and 

Vanquished 

nde Guerre, Irlandaise 

religion, 

sensualité 

109 

Marguerite Duras : 

Moderato Cantabile 

Minuit Roman Crime, amour Française 

Gabriel D’Aubarède : Flammarion Roman Enfance, bilan de Française 

110 La Foi de notre 

enfance 

la vie ratée 

111 

Joseph Kessel : Le 

Lion 

Gallimard Roman Aventure, 

voyage, Afrique 

Française 

112 

Julien Gracq : Un 

balcon en forêt 

J. Corti Récit 2 nde Guerre, 

angoisse 

Française 

113 Julian Fane : Matin Grasset Roman Enfance Anglaise 

Francis Walder : Gallimard Roman Conflit religieux, Belge 

114 Saint-Germain ou la 

historique catholiques x 

Négociation 

huguenots 

115 

Michel del Castillo : 

Le Colleur d’affiches 

R. Julliard Roman Guerre 

d’Espagne 

Française 

Daniel-Rops : Fayard Etude 

Histoire de Française 

116 Histoire de l’Eglise 

historique l’Eglise 

du Christ /V./ 

catholique 

117 

François Mauriac : Le 

Fils de l’Homme 

Grasset (Les 


Essai Religion, foi 

personnelle 

Française 

233


118 

119 

120 

121 

122 

123 

124 

125 

126 

127 

128 

129 

130 

131 

132 

133 

134 

135 

136 

137 

Maurice Zermatten : 

La Fontaine 

d’Aréthuse 

Claude Simon : 

L’Herbe 

Bertrand Poirot- 

Delpech : Le grand 

dadais 

Friedrich 

Durrenmatt : La 

Panne 

Hanah Arendt : The 

human condition 

André Chamson : 

Devenir ce qu’on est 

Jean Cayrol : Les 

corps étrangers 

Gilbert Cesbron : 

Tout dort et je veille 


L’homme d’avril 

André Maurois : 

Portrait d’un ami qui 

s’appelait moi 

Luc Estang : 

L’Horloger du 

Cherche-midi 


Travail, ô mon seul 

repos ! 

Jean M. Kolar : La 

Monnaie de retour 

Gustave Thibon : 

Vous serez comme 

des dieux 


Mémoires intérieurs 

Luise Rinser : Le Vol 

de la colombe 

(Abenteuer der 

Tugend) 

Franz Weyergans : Le 

Bonheur à Venise 

Henri Troyat : Les 

Compagnons du 

Coquelicot 

Françoise Sagan : 

Aimez-vous Brahms ? 

Marguerite 

Yourcenar : Denier 

du rêve 

Desclée de Brouwer Roman Foi, prêtre, 

sacrifice 

Minuit Roman Guerre, histoire, 

mort 

Denoël Roman Humour, ironie, 

rapport hommefemme 

Albin Michel Nouvelle Culpabilisation, 

manipulation 

Suisse 

Française 

Française 

Suisse 

University of Etude Politique, Américaine 

Chicago press 

1959 

totalitarisme 

Editions Wesmael- Mémoires Œuvre, écriture, Française 

Charlier (Les 

Auteurs juges de 

leurs œuvres) 

littéraires écrivain 

Seuil Roman Modernité 

formelle 

Française 

Robert Laffont Recueil de 

récits 

Thèmes variables Française 

Seuil Nouvelles Bonheur difficile 

dans un monde 

incompréhensible 

Française 

Editions Wesmael- Mémoires Œuvre, écriture, Française 

Charlier (Les 



littéraires écrivain 

Seuil Roman Drame familial Française 

Wesmael-Charlier 

(Les auteurs juges 

de leurs œuvres) 

Mémoires 

littéraires 

R. Julliard Roman Vie en exil, 

Afrique 

Fayard Théâtre 

philosophique 

Flammarion 

Seuil 

Seuil 

Flammarion 

R. Julliard 

Plon 

Mémoires 

littéraires 

Roman 

épistolaire 

Roman 

Roman 

Roman 

Roman 

Œuvre, écriture Française 

Progrès 

technique, 

christianisme 

Littérature, 

rencontres 

littéraires 

Drame conjugal, 

foi 

Amour, rapport 

homme-femme 

Guerres 

napoléoniennes 

Amour, relation 

homme-femme, 

infidélité 

Italie sous 

fascisme, 

conspiration 

Française 

(d’origine 

tchèque) 

Française 

Française 


Française 

Française 

Française 

Française 

234


138 

139 

140 

141 

142 

143 

144 

145 

146 

147 

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149 

150 

151 

152 

153 

154 

155 

156 

157 

158 

159 

160 

161 

Nathalie Sarraute : Le 

Planétarium 

René Dumesnil : Le 

Rideau à l’italienne 

Georges Conchon : 

La Corrida de la 

victoire 

André Schwarz-Bart : 

Le Dernier des justes 

Alain Hus : Les 

Etrusques 

Tomasi Guiseppe di 

Lampedusa : Le 

Guépard 

Claude Mauriac : Le 

Dîner en ville 

Daniel Halévy : Les 

trois Mary 

Friedrich 

Durrenmatt : La 

Promesse 

Jacques Perret : 

Horace 

Hervé Bazin : Au 

nom du fils 

Charles Du Bos : 

Choix de textes 

Cahiers Paul 

Claudel : Le Rire de 

Paul Claudel 

Gilbert Cesbron : 

Avoir été 

Henri Queffélec : 

Frères de la brume 

Emile Henriot, On 

n’est pas perdu sur la 

terre 

NFR : Hommage à 

Albert Camus 

Vintila Horia : Dieu 

est né en exil 

André Bourin, 

Province, terre 

d’inspiration 

Ignazio Silone : Le 

Renard et les 

camélias 

Marcel Arland : Je 

vous écris… 

Henri Mondor : 

Claudel plus intime 

Romain Gary : La 

Promesse de l’aube 

Michel de Saint 

Pierre : Les nouveaux 

aristocrates 

Gallimard 


Albin Michel 

Seuil 

Seuil (Le Temps 

qui court) 

Club des éditeurs 

Albin Michel 

Grasset 

Albin Michel 

Hatier 

(Connaissance des 

lettres) 

Seuil 

La Colombe 

1960 

Gallimard 

Robert Laffont 

Presses de la Cité 

Plon 

Nouvelle Revue 

Française 

Fayard 

Albin Michel 

Grasset (Les 


Grasset (Les 


Gallimard 

Gallimard (Soleil) 

Calmann-Lévy 

Roman 

Souvenirs 

Roman 

Relations 

familiales 

Française 

Vie et littérature Française 

Guerre civile en 

Espagne 

Française 

Roman Peuple et 

tradition juifs 

Française 


Histoire, 

archéologie 

Française 

Roman Destin d’une 

famille, d’un 

pays 

Italienne 

Roman Mélange de 

monologues 

intérieurs 

Française 

Récit Marie Robinson Française 

Récit 


Crime, intrigue 

policière 

Horace 

Suisse 

Française 

Roman Rapport père-fils Française 

Variété 

posthume 

Recueil 

d’études 

littéraires 

Roman 

Littérature, 

religion 


Guerre, amitié 

Française 

Française 

Française 

Roman Aventure marine Française 

Essai, somme 

philosophique 

Condition 

humaine, temps, 

souvenirs 

Albert Camus 

Recueil de 

critiques 

Roman Journal d’Ovide 

en exil 

Essais Géographie 

littéraire 

Roman 

Lettres 

imaginaires 

Souvenirs 

littéraires 

Roman 

Idéologie 

politique x 

probité humaine 

Confidences, 

intime 


Amour maternel 

Roman Vie des lycéens, 

christianisme 

Française 

Française 

Roumaine 

Française 

Italienne 

Française 

Française 

Française 

Française 

235


162 

163 

164 

165 

Paul Vialar : Le Fusil 

à deux coups 

Gaëtan Picon : 

L’Usage de la lecture 

André Maurois : Pour 

piano seul 


Le Vésuve 

Flammarion 


Flammarion 

1961 

Seuil 

Roman 

Recueil 

d’articles 

critiques 

Nouvelles 

Drame intérieur, Française 

chasse 

Ecrivains non Française 

seulement 

français 

Thèmes variés Française 

Roman Quête de 

bonheur, deux 

conceptions de 

l’amour 

Souvenirs Enfance et 

jeunesse 

Profils Conquérants dans 

Française 

166 

Jean Guéhenno : 

Changer la vie 

Grasset (Les 

Cahiers rouges) 

Française 

167 

Jérôme Carcopino : 

Profils de conquérants 

Flammarion 

historiques l’histoire 

Française 

Petru Dumitriu : Seuil 

Roman Critique du Roumaine 

168 Rendez-vous au 

régime 

Jugement dernier 

communiste 

169 

Luc Estang : Le 

Bonheur et le salut 

Seuil Roman Crise, 

convention x foi 

Française 

Georges Hourdin : Calmann-Lévy Essai 

Sociologie du Française 

170 Une civilisation des (Question 

temps libre 

loisirs 

d’actualité) 

171 

Vivran : L’aigle royal Robert Laffont Roman Rapport hommeanimal, 

nature 

Française 

172 

Henri Bosco : Un 

Oubli moins profond 

Gallimard 

Souvenirs Enfance Française 

173 

Jean Guitton : Une 

Mère dans sa vallée 

Aubier 

Souvenirs Mère 

Française 

Maurice Genevoix : Editions Wesmael- Essai 

Souvenirs de sa Française 

174 

Jeux de glaces Charlier (Les 



autobiographique 

vie, œuvre, 

écriture 

175 

André Dhôtel : 

Idylles 

Gallimard Nouvelles Jeunesse, 

paysage 

Française 

176 

André Dhôtel : Ma 

chère âme 

Gallimard Roman Amour, Grèce Française 

Jean de La Varende : Fayard (Le Signe) Nouvelles Quête spirituelle Française 

177 Seigneur, tu m’as 

vaincu 

Catherine Paysan : Denoël 

Roman Histoire familiale Française 

178 Nous autres, les 

Sanchez 

Paul Vialar : 

Flammarion Roman Passion de la Française 

179 L’Homme de la 

chasse 

chasse, aventure 

180 

Michel Mohrt : La 

prison maritime 

Gallimard 

Roman Aventure marine Française 

181 

Georges Montforez : 

L’ombre d’un chêne 

Gallimard Roman Vie campagnarde Française 

182 

Charles Du Bos : 

Journal (IX) 

Edition du Vieux 

Colombier 

Journal Religion, 

littérature, art 

Française 

183 

Lucien Bodard : La 

Chine du cauchemar 

Gallimard (L’air du 

temps) 

Reportage La Chine 

communiste 

Française 

René Dumesnil : La Gallimard 

Etude littéraire Jeunesse de Française 

184 vocation de Gustave 

Flaubert 

(Vocations) 

Flaubert 

236


185 

186 

187 

Vintila Horia : Le 

Chevalier de la 

résignation 


Présence de Camus 


Le jardin et la ville 

Fayard (Le Signe) 

1962 

La Renaissance du 

livre (La Lettre et 

l’Esprit) 

Seuil 

Roman 

philosophique 

Recueil 

d’études 

littéraires 

Recueil de 

critiques 

littéraires 

Récits 

Société 

roumaine, 

mœurs, mort 

Vie et œuvre 

d’Albert Camus 

Littérature 

française, 

humanisme 

Quête spirituelle 

Roumaine 

Française 

Française 

188 


Sous un ciel noir 


x technicité 

Française 

Henri Queffélec : Presse de la Cité Roman Vieille légende Française 

189 Tempête sur la ville 

d’Ys 

bretonne 

190 

Henri Troyat : Les 

dames de Sibérie 

Flammarion Roman Société russe du 

XIXe siècle 

Française 

Yves Sandre : Seuil 

Roman Vie ordinaire Française 

191 Marchands de 

participes 

Maurice Schumann : R. Julliard 

Roman Confession Française 

192 Le Rendez-vous avec 

quelqu’un 

avant-mortelle 

193 

Louis de Villefosse : 

L’œuf de Wyasma 

R. Julliard 

Récit 

Autobiographie 

intellectuelle 

Française 

Wladimir 

Plon Mémoires Politique, Française 

194 d’Ormesson : Les 

diplomatie, 

vraies confidences 

France 

Maurice Genevoix : Presses de la Cité Roman Pays de la Loire, Française 

195 La Loire, Agnès et les 

garçons 

enfance 

Louis Barjon : De Casterman 

Critiques et Écrivains Française 

196 Baudelaire à Mauriac 

interprétations 

littéraires 

français 

197 

Simone Jacquemard : 

Le Veilleur de nuit 

Seuil 

Roman Monologue 

intérieur, procès 

Française 

198 

François Mauriac : Ce 

que je crois 

Grasset (Les 


Essai 

Religion, foi Française 

Guiseppe Tomasi di Seuil 

Souvenirs Enfance Italienne 

199 Lampedusa : Le 

professeur et la sière 

Henri-Paul Eydoux : Union générale Essais, études Archéologie, la Française 

200 Monuments et trésors 

de la Gaulle 

d’éditions 

Gaulle 

Lucien Guissard : Editions 

201 

Emmanuel Mounier universitaires 

(Classiques du XX e 

Biographie Vie et pensée Française 

siècle 

d’Emmanuel 

Mounier 

202 

Robert Merle : L’Ile Gallimard Roman Aventures, 

exotique, révolte 

Française 

203 

Claudine Canetti : 

Interprète à Moscou 

Albin Michel Reportage Russie soviétique Française 

204 

Henri Bosco : Le 

chemin de Monclar 

Gallimard 

Souvenirs Enfance Française 

205 

Jean Sulivan : Du 

côté de l’ombre 

Gallimard 

Roman Vieillesse, bilan 

de vie 

Française 

Maurice Toesca : Le Albin Michel Roman Conflit 

Française 

206 Bruit lointain du 

sentimental et 

temps 

moral 

237


207 

208 

209 

210 

211 

212 

213 

214 

215 

216 

217 

218 

219 

220 

221 

222 

223 

224 

225 

226 

227 

228 

Julien Green : Partir 

avant le jour 

Jean Guitton : 

l’Amour humain 


Solitudes 

Joël Le Gall : Alésia. 

Archéologie et 

Histoire 

Roger Vrigny : La 

nuit de Mougins 

Quintin Ritzen : 

L’odeur du temps 

George Steiner : 

Tolstoï ou 

Dostoïevski 

Roland Dorgelès : Au 

beau temps de la 

Butte 

Hervé Bazin : 

Chapeau bas 

Jean Steinmann : 

Littérature d’hier et 

d’aujourd’hui 

Jean de Fabrègues : 

Bernanos tel qu’il 

était 

Henri Troyat : Sophie 

ou la Fin des combats 

Georges Cattaui : 

Proust perdu et 

retrouvé 

Henri Guillemin : 

Flaubert devant la vie 

et devant dieu 

Quentin Ritzen : 

L’Album 

Marcel Arland : La 

nuit et les sources 

Jérôme Carcopino : 

Rencontre de 

l’histoire et de la 

littérature romaines 

André Dhôtel : La 

Tribu Bécailles 

Andrée Sentaurens : 

Dix-sept ans dans les 

camps soviétiques 

Fernand Desonay : Le 

Grand Meaulnes 

d’Alain-Fournier 

Georges Bordonove : 

Chien de feu 

Pierre Gascar : Le 

meilleur de la vie 

1963 

Grasset 

Editions Montaigne 

Presses de la Cité 

Fayard 

(Résurrection du 

passé) 

Gallimard 

Casterman 

Seuil (Pierres vives) 

Albin Michel 

Seuil 

Desclée De 

Brouwer 

Mame 

Flammarion 

Plon (La recherche 

de l’absolu) 

A.-G. Nizet (La 

Lettre et l’esprit) 

Castermann 

Grasset 

Flammarion 

Gallimard 

Gallimard (L’Air du 

temps) 

R. Julliard 

1964 

Gallimard (Soleil) 

Autobiographie 

Essai 

Roman 

Etudes 

Roman 

Récits 

Etude littéraire, 

critique et 

interprétation 

Roman 

Nouvelles 

Etudes et 

critiques 

littéraires 

Souvenir 

littéraire, 

biographie 

Roman 

Enfance, mère, 

religion 

Formes d’amour 

humain 

Vie des pêcheurs 

normands 

Archéologie et 

histoire d’Alésia 

Souvenir, 

mémoire, mort 

du père 

Souvenirs, temps 

Œuvres de 

Tolstoï et de 

Dostoïevski 

Souvenirs de 

jeunesse 

à Montmarte 

Singularité de 

vie, des hommes 

Baudelaire, 

Balzac, Nerval, 

Claudel, etc. 

Georges 

Bernanos 

Fin de la saga 

russe du XIXe s. 

Etude Œuvre de Marcel 

Proust 

Etude Littérature, 

Flaubert 

Roman 

Lettres 

imaginaires 

Etudes 

Roman 

Romanreportage 

Bilan de vie, 

enfance 

Paysage, 

rencontres, 

intime 

Civilisation et 

littérature 

romaines 

Mystère de 

l’homme 

Souvenirs de la 

Russie soviétique 

Française 

Française 

Française 

Française 

Française 

Française 

Anglaise 

Française 

Française 

Française 

Française 

Française 

Française 

Française 

Française 

Française 

Française 

Française 

Française 

Etude littéraire Interprétation de 

l’œuvre d’Alain- 

Fournier 

Française 

Roman Chasse d’un loup Française 

Roman 

poétique 

Enfance, vie à la 

campagne 

Française 

238


229 

230 

231 

232 

233 

234 

Gilbert Cesbron : Une 

abeille contre la vitre 

Luc Estang : Que ces 

mots répondent 

Alexandre Arnoux : 

Flamenca 

Jean Bastaire : Alain- 

Fournier ou la 

tentation de l’enfance 

André Dhôtel : Le 

Mont Damion 


Histoire d’un bonheur 

Robert Laffont 

Seuil (Le bonheur 

et le salut) 

Albin Michel 

Plon (La recherche 

de l’absolu) 

Gallimard 

1965 

Seuil 

Roman Femme, laideur, 

grâce divine 

Roman Crise conjugale, 

crise de foi 

Roman, Vieux poème 

chantefable provençal 

Etude littéraire, Vie et œuvre 

« psychoportrait 

» 

d’Alain-Fournier 

Roman Vie du 

personnage exclu 

Roman, 2 nd 

volet de la 

trilogie 

Amour, 

occupation, 

morale 

Française 

Française 

Française 

Française 

Française 

Française 

235 

André Chamson : La 

petite Odyssée 

Gallimard Récit de voyage Aventures et 

rencontres 

Française 

Pierre Fisson : Les Grasset Roman Amour, 

Française 

236 rendez-vous de 

espionnage, 

Moscou 

Russie soviétique 

237 

Marcel Arland : Le 

grand pardon 

Gallimard (Soleil) Nouvelles Intime, agnoisse 

métaphysique 

Française 

238 

Jean Canu : Barbey 

d’Aurevilly 

Robert Laffont Etude littéraire, 

biographie 

Barbey 

d’Aurevilly 

Française 

239 

Roger Bésus : Par un 

autre chemin 

Vitte (publié en 

1959) 

Ajouts 

Roman Amour humain, 

grâce divine 

Frnaçaise 

Pierre-Henri Simon : La Presse française Essais 

Ecrivains et Française 

240 L’Homme en procès et étrangère (1950) philosophiques 

et littéraires 

penseurs français 

Nigel Balchin : The Collins (1955) Roman Procès civil, Anglaise 

241 Fall of the Sparrow 

complexité d’une 

vie banale 

Hillaire Belloc : One Hollis & Carter Essais inédits Histoire, Anglaise 

242 Thing and Another (1955) 

posthumes paysages, 

christianisme 

243 

Guy Cadou : Maison 

d’été 

Nouvelles éditions 

Debresse (1955) 

Roman lyrique Enfance, amour, 

quête de soi 

Française 

244 

Compton Mackenzie : 

Thin Ice 

Penguin (1956) Roman Amitié Anglaise 

245 

Bruce Marshall : Girl 

in may 

Cosntable (1956) Roman Amours des 

adolescents 

Anglaise 

246 

Jean Blanzat : La 

Gartempe 

Gallimard (1957) Roman Amour, homme 

entre 2 femmes 

Française 

Une large majorité de livres dont Čep traitait était tirée de la littérature française. 

Viennent ensuite la littérature anglaise, et, dans une moindre mesure, les littératures 

italienne, allemande et d’autres nationalités. En appliquant le critère de génération, nous 

trouvons des écrivains divers depuis ceux, fort âgés ou morts, qui commencèrent à 

publier avant la Première Guerre mondiale (G. Duhamel, G. Dorgelès, T. Mann, 

P. Valéry, F. Mauriac, A. Maurois, Alain-Fournier) à travers l’essor du roman de 

239


l’Entre-deux-guerres (représenté par des noms comme G. Bernanos, J. Green, 

G. Greene, Saint-Exupéry, A. Chamson, H. Bosco) jusqu’aux auteurs faisant leur 

apparition après la Seconde Guerre mondiale et tout au cours de l’exil de Čep (H. Bazin, 

L. Estang, R. Gary, M. Butor, C. Mauriac). 

Il n’est pas surprenant qu’une grande partie de ces « livres » ait été représentée par 

des auteurs d’orientation catholique. Il ne s’agissait pas seulement d’écrivains chers à 

Čep, qu’il avait intimement connus, ou même traduits, dans l’Entre-deux-guerres, tels 

les Français Bernanos, Mauriac, J. Green (d’origine américaine), ou les Anglais 

G. Greene, B. Marshall, E. Waugh, F. Stuart. Il observe également avec une attention 

systématique, la nouvelle génération des auteurs se réclamant de valeurs chrétiennes. 

Ainsi, les exposés de Čep ne passent pas pour la plupart sous silence les livres d’un 

P.-H. Simon, L. Estang, R. Bésus, J. Cayrol, G. Cesbron, ou de son ami H. Queffélec, 

c’est-à-dire, la génération qui, selon les paroles de Čep, porte « l’héritage spirituel et 

littéraire de Mauriac et de Bernanos » 614 . 

Après les auteurs catholiques, un autre groupe plus ou moins homogène peut être 

repéré : les auteurs anciens, notamment antiques. Čep dévore les monographies sur 

Virgile, Horace, Ovide, Dante, et en rend compte avec passion dans ses émissions. 

Chose, qui, à première vue, pourrait surprendre, mais qui est tout à fait dans la logique 

de l’évolution intérieure de Čep qui, à partir d’un certain âge, s’est détourné de plus en 

plus de la production contemporaine pour se vouer aux auteurs anciens. 

Un autre ensemble d’auteurs attire l’attention de Čep constamment. Ce sont, comme 

on aurait pu s’y attendre, les écrivains exilés. Le choix des écrivains ayant quitté de leur 

patrie, ceux qui partagent, pour ainsi dire, son propre destin, fut sans aucun doute 

motivé en grande partie par des raisons toutes personnelles. C’est la plaie jamais guérie 

de la non-reconnaissance, qui ne cesse de se rouvrir à chaque parution d’une œuvre d’un 

auteur émigré et ne fait qu’aiguiser le doute installé en Čep depuis toujours concernant 

son talent et son œuvre. Lorsqu’en 1960 l’Académie Goncourt attribue le prix au roman 

Dieu est né en exil de l’exilé Vintil Horia, Čep en fait un compte rendu positif. 

Parallèlement, il écrit dans son journal des phrases emplies de son incurable déception : 

Dans les Nouvelles Littéraires, l’article élogieux de Daniel-Rops sur un roman écrit par un émigré 

roumain. Pas moyen de m’empêcher avec amertume de penser à mon propre échec en France, en tant 

qu’écrivain. Est-ce tout à fait de ma faute ? […] Est-il vrai que ce que j’ai écrit n’est rien en dehors de 

614 J. Čep, « Roger Bésus, Člověk, který vás miloval », Livre de la semaine, 1953, p. 9. 

240


ma langue maternelle, en dehors de mon pays ? Ou ai-je plutôt manqué d’énergie, de volonté, de 

persévérance ? 615 

En feuilletant les « livres de la semaine » de Čep, nous rencontrons donc plusieurs 

auteurs issus de l’émigration roumaine : V. Horia, K. Amariu, P. Dumitriu. Fidèlement, 

Čep présente aussi chaque nouveau livre de son ami E. Hostovský, « l’un de ces rares, 

auxquels le déracinement répété ne fit pas tomber la plume de la main, mais au contraire 

est devenu pour eux l’inspiration d’une nouvelle création » 616 . Pour celui-ci, 

l’engagement de Čep dépasse de beaucoup le simple compte rendu, car, comme nous 

l’avons déjà noté, Čep secondé de sa femme assuma la traduction en français d’un des 

romans de Hostovský écrit en exil. Le cas de J. M. Kolár, jeune exilé tchèque en 1948 

est à considérer un peu différemment. En effet, ce n’est qu’en exil que ce jeune homme 

se met à écrire, et cela directement en français. Ainsi faut-il le voir peut-être plutôt 

comme un écrivain français. Écrivain tchèque ou français, il n’en reste pas moins qu’il 

fut un exilé et que Čep présenta au moins certains de ses romans aux auditeurs de Radio 

Free Europe. 

Il n’est pas sans intérêt de voir qu’à côté des écrivains chevronnés, expérimentés et 

depuis longtemps établis dans le parnasse littéraire français, nous trouvons également 

des amateurs et des « autodidactes », des auteurs occasionnels, ou des écrivains « du 

dimanche » (par exemple des hommes politiques, ministres du gouvernement de Charles 

de Gaulle, J. de Bourbon-Busset, E. Michelet), ainsi que des débutants qui publient leur 

premier livre (M. Forestier, A. Bardin, A. Goes, J. Sulivan). 

En ce qui concerne le niveau et la qualité littéraire, la réputation littéraire, nous 

constatons qu’en dehors des écrivains de premier ordre, des vedettes dont la notoriété 

s’étendait au moins à travers toute la France, quand elle n’était pas déjà une notoriété 

universelle, et qui représentent une majorité écrasante dans les émissions de Čep, 

surgissent parfois des noms aujourd’hui peu connus ou même entièrement oubliés. Čep 

en était d’ailleurs conscient, avertissant çà et là l’auditeur que le nom de tel ou tel auteur 

« ne se prononce pas parmi les plus notables » et que tel ou tel auteur ne représente 

qu’une « bonne moyenne » (G. D’Aubarède, M. Balchin). S’il incluait pourtant des 

615 Journal, le 18 mars 1960. Čep a parlé du roman de Horia dans son programme du 24 avril 1960. 

616 J. Čep, « Egon Hostovský : Pohřešovaný », Livre de la semaine, le 8 juillet 1952, p. 1. 

241


ouvrages de ces auteurs, il avait sûrement ses raisons, ne serait-ce par exemple que la 

« probité et l’authenticité » de l’art de l’œuvre en question. 

Après avoir donné ces quelques exemples, tâchons de généraliser. Y avait-il des 

critères certains dans le choix des livres, ou seulement des appuis qui purent aider Čep à 

orienter sa sélection ou bien est-ce que tout fut simplement et uniquement déterminé par 

les goûts personnels du rédacteur ? 

Bien évidemment, l’affinité de cœur, la prédilection pour certains auteurs, le 

sentiment de parenté ou de filiation spirituelle à l’égard de certains écrivains furent pour 

beaucoup dans le choix des livres. Mais il y avait encore autre chose qui comptait, qui 

« facilitait » en quelque sorte l’orientation dans la matière informe de la production 

littéraire : le prestige des prix littéraires, l’autorité de certains critiques de renom, les 

débats qui s’engageaient autour de certains noms, certains livres, et qui faisaient 

bouillonner l’intelligentsia parisienne de l’époque 617 . Il suffit de parcourir rapidement 

une année ou deux de ses programmes pour s’aviser que les grands prix littéraires 

français (Goncourt, Femina, Médicis, Renaudot, Interallié) n’échappèrent pas pour la 

plupart à l’attention de Čep 618 . Il faut toutefois dire que Čep se sentait entièrement libre 

de présenter ou non des prix littéraires. Sachant la futilité et souvent l’éphémère des 

gloires mondaines, et étant conscient des choix parfois erronés des jurys dans l’histoire 

de ces prix, il s’approchait parfois, en matière de prix littéraires, de l’avis d’un Julien 

Gracq. 

Un autre facteur qui était susceptible d’infléchir le choix des livres de Čep pour ses 

émissions littéraires fut la possibilité de mise en relation avec ce qui se passait dans la 

Tchécoslovaquie communiste. Dès qu’il s’en présente l’occasion, Čep n’oublie pas de 

faire ressortir la différence foncière qui distingue la culture libre de celle assujettie à une 

esthétique officiellement imposée. Une citation de 1958 se révèle doublement propice, 

parce qu’elle réunit les deux points dont nous venons de parler : celui des prix littéraires 

et celui d’une mise en opposition avec la culture officielle de la Tchécoslovaquie. Tirée 

du « livre de la semaine », consacré au roman de Roger Vailland, La loi, la citation nous 

fait observer que bien plus que l’attribution du prix Goncourt, c’est l’aspect 

617 Que Čep fut immergé dans l’ambiance littéraire française, des remarques intertextuelles qui renvoient 

à ses lectures de la presse littéraire le démontrent bien. C’est André Rousseau, le maître-critique du 

Figaro littéraire, qui est le plus fréquemment cité dans ses émissions et qui, comme le souffle Čep dans 

une lettre à son ami Peška, jouit dans les cercles intellectuels du surnom de « méchant boiteux ». 

618 Au cours des dix premières années à la Radio, Čep parla, selon nos matériaux fort incomplets, de 

5 prix Goncourt, 2 Femina, 1 Renaudot, 1 Médicis et 1 Interallié. 

242


« polémique » qui entre en ligne de cause. Au début de son texte Čep se déclare 

indépendant des prix ; ce qui le fait choisir cet auteur, dont les romans débordent d’un 

« cynisme moral complet », n’est pas autre chose que la volonté de démontrer qu’il lui 

est possible, qu’il a toute liberté de présenter un livre dont la « philosophie » s’oppose à 

ses convictions et à ses goûts personnels – chose impensable dans un pays communiste : 

Nous ne considérons pas comme notre devoir de parler dans ces émissions de tous les prix français. Le 

jury de l’Académie Goncourt s’est déjà tant de fois trompé ; il a attribué des prix à des romans dont 

personne ne se souvenait plus deux mois après, et a omis des auteurs qui, dès aujourd’hui, 

apparaissent, même à l’aveugle et au sourd, comme des classiques de la prose française de la première 

moitié du vingtième siècle. Nous avons donc pu avec tranquillité passer sous silence le roman de 

Vailland dans cette émission. Si nous osons en parler malgré tout, nous profitons de la même liberté 

dont bénéficient les critiques des plus importantes chroniques littéraires françaises ; par exemple 

André Rousseaux dans le Figaro littéraire ne se soucie guère de ce que disent du même livre ses 

collègues dans les Nouvelles littéraires ou quelque part ailleurs. 

Mais notre hésitation avait encore d’autres raisons. Un certain Ivo Fleischmann – nous disons « un 

certain » malgré le fait que ce jeune homme a occupé pendant une assez longue période, de manière 

inexplicable, le poste d’attaché culturel tchécoslovaque à Paris et qu’il a signé plusieurs livres – a 

mentionné Vailland dans un des numéros récents de Literární noviny, dans la chronique vouée aux 

littératures étrangères, intitulée la « Fenêtre ouverte ». A vrai dire, ce n’est qu’une toute petite fenêtre 

à peine entrouverte. Par cette fente imperceptible, nous entrevoyons le profil de Roger Vailland 

esquissé par son ami Claude Roy. […] Fleischmann ne dit rien de la création romanesque de 

Vailland ; il ne parle pas du sujet de son dernier livre La Loi qui a obtenu le prix Goncourt. 619 

Dans cette introduction à son « livre de la semaine » de 1958 Čep sait donc à la fois 

souligner son autonomie par rapport aux prix littéraires, tout en rappelant la non-liberté 

culturelle des pays communistes. Il le fait en mettant en cause, ou du moins, en 

relativisant sa tendance à une soi disant tranquillité et prétendant une certaine ouverture 

depuis la seconde moitié des années 1950. Enfin, il n’oublie pas de s’en prendre avec 

ironie au critique officiel Ivo Fleischmann. 

619 « Nepokládáme za svou povinnost, mluvit v tomto vysílání o všech francouzských cenách. Porota 

Akademie Goncourtů se už tolikrát zmýlila; udělila cenu románům, na které si už za dva měsíce nikdo 

nevzpomněl, a pominula autory, kteří se už dnes jeví, i slepému a hluchému, jako klasikové francouzské 

prózy první poloviny dvacátého století. 

Mohli jsme tedy klidně vynechat Vaillandův román v tomto vysílání. odhodláváme-li se o něm přesto 

mluvit, používáme svobody, jaké užívají kritikové předních francouzských literárních kronik; na příklad 

André Rousseaux ve Figaro littéraire se nestará o to, co napíší jeho kolegové o téže knize v Nouvelles 

littéraires nebo kdekoli jinde. 

Avšak naše váhání mělo ještě jiné příčiny. Jakýsi Ivo Fleischmann – říkáme ‚jakýsi‘, přes to že byl ten 

mladík dost dlouhou dobu, způsobem nevysvětlitelným, československým kulturním ‚ataše‘ v Paříži a že 

podepsal několik knížek – se zmiňuje o Vaillandovi v jednom z nedávných čísel Literárních novin, 

v kronice o cizích literaturách, nadepsané ‚Otevřené okno‘. Po pravdě řečenom je to velmi malé okýnko, 

sotva pootevřené. Zahlédáme tou nepatrnou skulinkou profil Rogera Vaillanda, načrtnutý jeho přítelem 

Claudem Roy.[…] O románové tvorbě Vaillandově neříká Fleischmann nic; nemluví o námětu jeho 

poslední knihy, Zákon, která dostala cenu Goncourtů. », J. Čep, « Roger Vailland : Zákon », Livre de la 

semaine, le 23 février 1958, p. 1-2. 

243


Après avoir donné une analyse complète et objective du roman (il qualifie Vailland 

de « styliste excellent »), dans sa conclusion Čep revient à nouveau au rapprochement 

avec la culture tchécoslovaque, gouvernée par la seule idéologie d’Etat : 

Peu importe de savoir si Roger Vailland resta membre du Parti ou s’il en sortit, son dernier roman ne 

se prête guère à l’utilisation ou à l’abus dans le sens d’une propagande idéologique quelconque. Nous 

ne saurons dire s’il est un grand romancier, et si le jury des Goncourt eut raison en le couronnant de 

lauriers. […] De notre point de vue, nous disons « non » à sa soi-disant philosophie. En même temps, 

nous comprenons que le fait qu’il reste malgré tout communiste peut être désagréable aux idéologues 

de tous les partis communistes du monde. Mais ceci est leur souci, pas le nôtre. 620 

V.2.3. Aperçu thématique et générique du Livre de la semaine 

Après cette digression, revenons encore à nos observations d’ordre plus général. 

Nous avons suggéré la palette variée des auteurs que Čep choisissait pour ses « livres de 

la semaine » en en extrayant plusieurs noyaux plus ou moins homogènes. Qu’en est-il 

pour la thématique ou pour le genre ? Peut-on faire de même ? En essayant de regrouper 

et de classer les thèmes et les genres récurrents, apprendrons-nous davantage sur les 

goûts littéraires de Čep ? Soulèverons-nous les problèmes qui le préoccupaient le plus 

dans son exil ? 

On peut relever à peu près quatre noyaux thématiques qui semblent prédominer dans 

les livres choisis par Čep pour ses comptes-rendus diffusés à la Radio. C’est d’abord la 

thématique des romans reflétant le cataclysme de la guerre et le désarroi des années 

d’après-guerre. Ici, les thèmes de la guerre et des camps de concentration s’entrelacent 

avec l’existence des systèmes totalitaires, mettant en place l’abus de l’idéologie et 

l’oppression de la liberté, le phénomène de l’exil. Il s’agit donc de livres puisant leur 

thématique dans la situation dramatique de l’époque, traitant les problèmes du monde 

contemporain qui sont également ceux qui préoccupent le plus Čep. Les deux autres 

groupes thématiques importants trahissent des affinités majeures avec l’univers poétique 

čepien et sont intrinsèquement liés à sa vision du monde. Il s’agit de thèmes intimistes 

comme l’enfance, le pays natal, mais tout particulièrement la problématique qu’on 

620 « Ať už zůstal Roger Vailland členem strany, nebo ať z ní vystoupil, může být jeho posledního románu 

sotva použito nebo zneužito ve směru nějaké ideologické propagandy. Nedovedeme říci, je-li to veliký 

romanopisec, a měli-li členové poroty Goncourtů pravdu, když ověnčili autora vavřínem. […] Se svého 

hlediska říkáme ‘ne’ jeho tak zvanému světovému názoru. Zároveň však chápeme, že může být 

nepříjemné ideologům všech komunistických stran světa, zůstává-li přes to všechno komunistou. 

Ale to je starost jejich, nikoli naše. », J. Čep, « Roger Vailland : Zákon », op. cit., p. 6-7. 

244


pourrait qualifier de religieuse ou métaphysique. Il n’est pas rare d’ailleurs que 

plusieurs sujets mentionnés se combinent et se superposent, comme, par exemple, dans 

les romans racontant l’histoire de la guerre où l’un des personnages est prêtre. 

Il semble naturel que de nombreux romanciers aient décrit, après un temps de recul, 

leurs expériences de guerre ou de camps de concentration, ou bien leur participation 

active dans les mouvements de résistance. Čep en parle abondamment, considérant sans 

doute de tels romans comme des témoignages nécessaires pour qu’on n’oublie jamais de 

quelle barbarie les humains sont capables. 

Nous n’avons pas l’intention d’encombrer le lecteur par un excès d’énumérations et 

de citations plus ou moins longues. L’ambition de l’exhaustivité n’est pas la nôtre ; il 

suffira sans doute d’insérer quelques exemples bien choisis. 

Jan Čep présentait aux auditeurs tchèques des romans de guerre d’écrivains assez 

connus, aussi bien que de ceux qui venaient d’entrer en littérature. Parmi les premiers, 

on peut citer Pilote de guerre de Saint-Exupéry, parmi les seconds figurent entre autres 

Blockhaus de Jean-Paul Clébert ou L’Aveugle d’un jeune auteur allemand W. Jens, ou 

encore la ballade de guerre, La Fiancée du silence d’un émigré roumain, Konstantin 

Amariu. Čep fait également le compte rendu de deux œuvres écrites par Albrecht Goes, 

pasteur protestant qui fut au cours de la Seconde Guerre mondiale, aumônier militaire 

en Russie près de Kiev. Les débuts de A. Goes parurent sous le titre Jusqu’à l’aube 

[Čep les traduit en tchèque sous le titre La nuit inquiète] en 1952, soit dix ans après les 

événements qui en ont fourni la matière à l’auteur. L’exposé de Čep sur ce « récit 

infiniment humain » se termine sur un ton presque pathétique. En conclusion, Čep met 

en valeur des livres qui, comme celui de A. Goes, savent faire ressortir la dignité 

humaine, même dans les monstruosités les plus violentes, peu importe si elles ont eu 

lieu pendant la guerre mondiale ou sous un régime communiste : 

Il est bon d’entendre et de lire un témoignage rappelant que le sentiment humain profond, l’essence 

spirituelle et la dignité de l’homme ne peuvent être étouffés et renversés par aucune idéologie et 

brutalité bestiale, qu’ils ne peuvent périr même au milieu des horreurs dont nous ne voyons pas en ce 

moment la fin. 621 

621 « Je dobré slyšet a číst takové svědectví o tom, že hluboký lidský cit, duchovní podstata a důstojnost 

člověka nemohou být udušeny a převráceny žádnou ideologií a zvířecí brutalitou, že nemohou zahynout 

ani uprostřed hrůz, kterým tu chvíli nevidíme konce. », J. Čep, « Albrecht Goes : Nepokojná noc », Livre 

de la semaine, le 14 mars 1954, p. 6-7. 

245


Bien évidemment, la thématique de la guerre ne se limite pas à la dernière guerre, 

même si c’est elle qui reste la plus présente. Parmi les romans dont Čep traite dans ses 

émissions, on trouve ceux, qui placent leur intrigue en pleines guerres napoléoniennes 

(Marie Forestier, Le Fort San Lorenzo) ou puisent leur sujet, à l’instar d’un Malraux, 

dans la guerre civile d’Espagne (Georges Conchon, La Corrida de la victoire ; Michel 

de Castillo, Le Colleur d’affiches). Ou encore, il y a des romans qui ne représentent pas 

la guerre de manière directe, qui ne peignent pas des épisodes ou des événements 

concrets, mais s’efforcent plutôt de suggérer son atmosphère ou d’en relever la cruauté à 

force de symboles. Tel est le cas, par exemple, des romans de Julien Gracq, Le Rivage 

des Syrtes et Un Balcon en forêt (à propos de ce dernier, Čep déclara que « c’est 

certainement un des plus importants livres parus en France ces derniers temps »), qui ne 

peuvent pas ne pas être objets du Livre de la semaine de Čep. Dans d’autres ouvrages, 

comme par exemple dans le roman de l’Espagnol Michel de Castillo, Le Colleur 

d’affiches, l’intrigue guerrière s’attache au sujet de l’abus idéologique. 

La thématique de la guerre est complétée par la thématique concentrationnaire. 

Plusieurs romans sur le sujet « juif » figurent parmi les choix de Čep dont Le Dernier 

juste d’André Schwarz-Bart. Čep ne passe pas non plus sous silence un livre dont 

l’auteur n’était pas, en premier lieu, un écrivain. Il s’agit des souvenirs de Dachau 

d’Edmond Michelet, ministre du gouvernement de Charles De Gaulle à l’époque, 

publiés sous le titre Rue de la liberté. En introduction de son compte rendu, Čep justifie 

son choix en dépit de l’énorme quantité de livres même plus célèbres ayant pour sujet la 

même matière des camps de concentration : 

Peu d’anciens prisonniers parvenaient dans leurs souvenirs à s’élever à une attitude moralement aussi 

juste qu’Edmond Michelet […] l’expérience concentrationnaire ne fut pas seulement l’occasion de 

montrer ce qu’il y a de plus brutal dans l’homme, mais, en même temps, de quel héroïsme et de quel 

sacrifice l’homme est capable dans des situations qui cherchent à le priver, par une détresse morale et 

physique inouïe, de toute sa dignité humaine ; et enfin – les camps de concentration, hélas, 

n’appartiennent pas définitivement au passé, et la bestialité perverse qui régnait à Buchenwald, 

Dachau, Mauthausen et ailleurs, se cache seulement sous d’autres noms. 622 

En ce qui concerne la thématique du totalitarisme, elle se présente dans les « livres 

de la semaine » de Čep de différentes façons. D’abord, il y a des ouvrages qui sont, 

622 « Málo bývalých vězňů se dovedlo ve vzpomínkách povznést na stanovisko mravně tak spravedlivé 

jako Edmond Michelet […] koncentráčnická zkušenost nebyla příležitostí jenom k tomu, aby ukázala, co 

je v člověku nejsurovějšího, ale zároveň, jakého čistého hrdinství a obětavosti je schopen člověk 

v situacích, které ho chtěji zbavit neslýchanou fyzickou a mravní bídou vší lidské důstojnosti; a konečně – 

koncentrační tábory nenáleží bohužel definitivně minulosti, a zvrácená bestialita, která vládla 

v Buchenwaldě, v Dachau, v Mauthausenu a jinde, se kryje jenom jinými jmény. », J. Čep, 

« E. Michelet : Ulice svobody », Livre de la semaine, le 14 août 1955, p. 1. 

246


aujourd’hui, des références classiques en matière de totalitarisme : l’Opium des 

intellectuels de Raymond Aron et la Condition de l’homme moderne de Hannah Arendt. 

Čep met ses compatriotes opprimés au fait de ces livres importants immédiatement 

après leur parution : en ce qui concerne le premier en septembre 1955 et le second en 

octobre 1959 (livre paru aux Etats-Unis en 1958). 

Ces ouvrages de théorie sont accompagnés par des témoignages poignants de 

personnes ayant fait l’expérience directe du régime totalitaire, dans la majorité des cas 

communiste. Čep n’hésite pas à insérer dans ses émissions culturelles des rapports sur 

les reportages journalistiques pour lesquels les auteurs ne se soucient pas tant de la 

puissance esthétique que de la véracité et de l’authenticité du témoignage. C’est le cas 

par exemple d’une traductrice française, Claudine Canetti, partie pour Moscou à 

l’occasion d’une exposition internationale (Interprète à Moscou) ou d’un journaliste, 

Lucien Bodard, rendant ses impressions bouleversantes de sa visite en Chine (La Chine 

du cauchemar). L’exemple le plus éclatant de ce genre aux confins du reportage 

journalistique-témoignage et de l’ambition vraiment littéraire est sans doute le livre 

d’Andrée Sentaurens, Dix-sept Ans dans les camps soviétiques. À la fin de son compte 

rendu, Čep en résume l’importance testimoniale et s’interroge sur la position morale des 

écrivains communistes qui, d’après lui, par le fait de s’allier au régime, perdent la raison 

même de leur existence : 

Le livre d’Andrée Sentaurens n’est pas, en premier lieu, une œuvre littéraire, mais un témoignage 

déchirant de l’expérience personnelle qui fut en même temps l’expérience de milliers et de milliers 

d’hommes et de femmes. […] Le lecteur ne peut pas s’empêcher de se poser la question : comment 

est-il possible que tant de gens de lettres dans certains pays, fissent semblant que tout cela n’existait 

pas ? Un jour, tout devra être dit, tout devra entrer dans la conscience de tous. Sinon, jamais rien ne 

pourra sonner vrai ni ce qu’on écrit ni ce qu’on dit sur la réalité présente. 623 

Nous n’allons pas nous attarder à énumérer d’autres exemples. Signalons encore que 

nombreuses sont aussi les œuvres de fiction qui placent leur action dans les pays 

totalitaires (communistes) ou bien traitent, d’une manière ou d’une autre, de la vie dans 

tel ou tel pays. Parmi beaucoup d’autres, c’est le cas du roman L’interrogatoire de 

L. Estang dont le héros, marxiste orthodoxe, feignant, sur ordre du Parti, d’être un 

623 « Kniha André Sentaurensové není především dílem literárním, nýbrž drásavým svědectvím 

zkušenosti osobní, která byla zároveň zkušeností tisíců a tisíců žen a mužů. […] Čtenář se nemůže ubránit 

otázce: Jak je možné, že se tolik píšících lidí v jistých zemích tvářilo, že toto všecko neexistuje? Bude to 

musit být jednou řečeno, bude to musit vstoupit do vědomí všech. Jinak by nemohlo zaznít nikdy 

pravdivě ani to, co se píše a říká o skutečnosti přítomné. », J. Čep, « A.Sentaurens : Sedmnáct let 

v sovětských táborech », Livre de la semaine, le 29 juillet 1963, p. 6. 

247


prêtre, s’enlise dans son propre jeu pour ne plus pouvoir en ressortir – devant le 

tribunal, il ne saura pas expliquer quelle transformation s’est opérée en lui. 

En dehors des sujets de la guerre et du totalitarisme, nous avons annoncé des thèmes 

plus intimes, intrinsèques à la nature créatrice de Čep : notamment l’enfance et le pays 

natal aussi que l’élément religieux. Pour ce qui est du thème religieux ou métaphysique, 

nous renvoyons, notamment, aux noms des écrivains catholiques, classiques ou 

contemporains, cités précédemment. Dans la société de l’après-guerre, marquée par la 

déchristianisation et par le relativisme croissant de toutes les valeurs, les voix des 

auteurs catholiques ont pour lui un son proche et familier ; elles représentent des oasis 

de calme et un repère stable dans un monde qui se complique et se fragmente de plus en 

plus. Certes, Čep ne juge pas les écrivains en fonction de leur philosophie ; le fait qu’un 

écrivain se réclame du christianisme n’ajoute rien à la valeur de son œuvre. 

Si la jeune littérature de l’époque semble à Čep souvent « cruelle, cruelle jusqu’au 

cynisme désespéré », – et dans cette cruauté, il reconnaît un « effort de véracité 

implacable, et en même temps un geste de révolte contre la solitude spirituelle et la 

frayeur qui s’est accumulée sur les épaules de l’homme dans le monde moderne » 624 –, 

les jeunes écrivains chrétiens ne se dérobent pas face au tragique, n’éludent pas les 

maux de l’époque. Ils « tiennent compte en toute responsabilité de la situation 

douloureuse et compliquée de notre monde contemporain » mais, à la différence des 

autres, ils « s’efforcent d’y trouver une réponse dans la lumière du message chrétien 

originel » 625 . Comme tant d’écrivains de l’époque, les chrétiens, eux aussi, descendent 

« dans les couches inférieures de l’être humain » et pénètrent « à travers ses ténèbres 

jusqu’à son noyau où brûle une petite flamme d’amour, ou au moins du désir d’amour ». 

Ces auteurs-là n’oublient donc pas la vertu de l’espérance qui fait défaut à de nombreux 

écrivains de l’époque ; ces derniers ne voyant aucune issue possible sombrent dans le 

cynisme et le désespoir. 

624 « […] úsilí o neúprosnou pravdivost, a zároveň gesto vzpoury proti duchovní samotě a hrůze, která se 

v moderním světě navalila na člověka. », J. Čep, « Catherine Paysan : My Sanchezové », Livre de la 

semaine, 1961. 

625 « […] berou s plnou odpovědností na vědomí složitou a bolestnou situaci našeho současného světa 

a kteří se na ni pokoušejí odpovědět ve světle původního křesťanského poselství. », J. Čep, « Jean 

Cayrol : Vítr paměti », Livre de la semaine, 1952, p. 1. 

248


Enfin, il y a des écrivains comme Julien Green qui sont pour Čep avant tout des 

« créateur[s] de l’espace du silence » 626 , ce qui n’est pas pour Čep une chose 

insignifiante, à l’ « époque des records de vitesse et du vacarme assourdissant de la 

propagande idéologique et politique ». Il est intéressant de voir comment, même dans 

un genre aussi objectif que le compte rendu, Čep arrive à introduire un souvenir tout 

personnel, s’il entre dans la logique de sa pensée. De ce tapage de la société moderne lui 

revient la phrase dont se servaient les parents afin de calmer la « marmaille » criarde : 

« Ne criez pas autant, on ne s’entend pas parler». Et il développe l’analogie avec la 

situation présente : « Nous pourrions dire que par tout ce bruit, nous n’entendons plus 

nos propres paroles, et encore moins nos propres pensées, ni la pensée ni le sentiment 

d’autrui. » 627 Pour conclure son compte rendu, il souligne encore une fois l’importance 

et la nécessité d’un moment silencieux, propice à la méditation, dans un monde qui ne 

fait que s’accélérer, voire se défaire : 

Il est sans doute suprêmement utile pour la santé spirituelle de l’homme moderne qu’il existe des 

écrivains qui ne crient pas et qui ne se hâtent pas. Le regard attentif, la parole apaisante, qui se place 

comme un doigt sur une chose ont dans notre situation le poids et l’importance d’un acte. Nous 

péririons d’étouffement si, autour de certaines personnes de notre époque, ne s’étendaient des oasis 

contemplatives, si certains esprits n’étaient pas capables non seulement de voir les choses dans leur 

mouvement vertigineux mais aussi de les peser dans ce qui ne passe pas. 628 

Toutes les œuvres traitant un sujet religieux ne sont pas aussi paisibles que le Journal 

d’un Julien Green. Čep est tenté aussi par des livres dans lesquels le problème religieux 

626 Déjà en 1949, ayant lu des extraits du Journal de Green dans la Table Ronde, Čep apprécia sa voix 

tranquille et en fut enthousiasmé au point d’écrire à l’auteur une lettre personnelle, une sorte de 

remerciement. Dans la lettre on peut lire aussi ces paroles : « Je suis persuadé que je ne suis pas seul 

parmi vos lecteurs non-français qui vous suis particulièrement reconnaissant d’écrire et de publier ce 

journal, au milieu de notre univers rempli de vacarme inhumain et d’où sont bannis toute intimité, tout 

soliloque, toute contemplation qui mettent l’homme face à face avec Dieu et avec sa création humiliée et 

souillée. […] Vous avez un art de créer le silence par votre parole attentive, un silence bienheureux qui se 

pose comme un baume sur les cœurs endoloris et dans lequel se rencontrent les âmes de ceux qui, tout en 

aimant la création de Dieu d’une tendresse nostalgique se savent de peregrini in terra et tâchent de vivre 

tamquam nihil habentes et omnia possidentes. Et ce sont ceux- là, finalement, qui sauveront le monde, si 

Dieu veut qu’il soit encore sauvé, et qui contribueront à renouveler cette grande communauté humaine 

dont les tentatives des réformateurs et révolutionnaires sociaux obsédés par l’idée d’une humanité divisée 

par sa propre force ne réussissent à réaliser que des caricatures monstrueuses. », Cf. Journal, le 10 mars 

1949. 

627 « ‘Nekřičte tolik, vždyť tu není slyšet vlastního slova,’ říkávali v mém kraji rodiče dětem. Mohli 

bychom říci, že pro sám hluk, neslyšíme ani my svého slova, tím mémě vlastní myšlenku, nebo myšlenku 

a cit druhého člověka. », J. Čep, « J. Green : Deník VI », Livre de la semaine, le 8 mai 1955, p. 7. 

628 « Je zajisté svrchovaně potřebné k duchovnímu zdraví moderního člověka, aby existovali spisovatele, 

kteří nekřičí a nespěchají. Pozorný pohled, tiché slovo, které se položí jako prst na věc, mají v naší situaci 

váhu a význam činu. Zahynuli bychom udušením, kdyby se okolo některých lidí naší doby nešířily 

kontemplativní oasy, kdyby nebyli někteří duchové schopni nejenom vidět věci v jejich závratném 

pohybu, ale zároveň je vážit v tom, co z nich nepomíjí. », J. Čep, « J. Green : Deník VI », Livre de la 

semaine, le 8 mai 1955, p. 7. 

249


n’est pas exposé du point de vue de l’orthodoxie catholique, ou par ceux qui remanient 

des mythes bibliques et en détournent la signification convenue et traditionnellement 

acceptée. Tel est le cas des derniers romans de G. Duhamel (Le Voyage de Patrice 

Periot, Les Compagnons de l’Apocalypse, Le Complexe de Théophile), ou, exemple plus 

frappant, du roman provoquant du Grec N. Kazantzakis, Le Christ recrucifié. Čep va 

jusqu’à examiner l’aspect religieux dans les ouvrages qui se veulent délibérément 

agnostiques et qui récusent a priori toute transcendance. Pour en donner une idée, 

bornons nous à l’exemple d’Emmanuel Roblès, dont les romans intriguèrent Čep car il y 

revient à plusieurs reprises dans ses comptes rendus. Son roman Cela s’appelle l’aurore 

reflète, selon Čep, l’ « angoisse métaphysique » de l’époque, quoiqu’il s’agisse d’une 

métaphysique « naturaliste » où Dieu est mort. Il conclut l’exposé sur ce roman par les 

phrases suivantes : 

La plénitude de l’amour humain doit suffire à tout, et même l’angoisse devant la mort se fond dans cet 

amour. Mais pour un chrétien c’est un phénomène étrange et inquiétant : voir comment s’édifie toute 

une littérature où la soif d’absolu nourrit et soulève l’esthétique et la morale, mais en même temps 

croit qu’elle peut être abreuvée seulement sur les prés de cette terre et des passions du cœur humain. 629 

La thématique religieuse, pour en finir avec elle, se trouve dans de nombreux 

ouvrages non fictifs comme nous le verrons dans nos remarques sur la classification 

générique. 

Le parcours thématique nous a déjà donné une idée de la diversité des livres que Čep 

choisissait pour ses émissions culturelles. Il en est de même pour la question du genre. 

En dehors du genre romanesque, prédominant, nous y rencontrons des formes plus 

brèves du récit (poétique ou d’enfance) et de la nouvelle, aussi bien que des œuvres 

relevant de la soi-disant « ego littérature », c’est-à-dire toutes sortes de mémoires, de 

récits d’enfance, d’autobiographies, de journaux, sans compter des ouvrages ayant le 

caractère d’essais ou entièrement spécialisés (études, reportages, monographies, récits 

de voyage). Deux genres méritent une courte remarque : nouvelle et littérature du moi. 

Čep, en tant que « maître de la nouvelle » est particulièrement enclin à suivre 

629 « Plnost lidské lásky má dostačit všemu, a sama úzkost před smrtí se v této lásce rozplývá. Pro 

křesťana je to ovšem zjev podivný a znepokojující: vidět, jak se buduje celá literatura, kde žízeň 

absolutna živí a povznáší estetiku a morálku, ale zároveň myslí, že může být uhašena jenom na luzích této 

země a z vášní lidského srdce. », J. Čep, « E. Roblès : Tomu se říká zoře », Livre de la semaine, 

[probablement 1953], p. 8. 

Cf. aussi l’extrait de la lettre adressée à V. Peška : « Ce n’est point du tout chrétien, mais cela semble 

‘noble’ et bien fait », J. Čep à V. Peška , le 12 décembre 1952. 

250


l’évolution de ce genre dévalorisé en France 630 . Sur le terrain de la littérature française 

de l’époque, il reconnaît une maîtrise, une habileté suprême pour le genre en question 

chez Marcel Arland. Il ne manque jamais de présenter ses nouveaux recueils de 

nouvelles (La Consolation du voyageur, L’Eau et le feu, Je vous écris…, La Nuit et les 

sources, Le Grand Pardon) aux auditeurs tchèques, d’autant plus qu’il sent sa propre 

création typologiquement proche de l’œuvre d’Arland 631 . De nombreux recueils d’autres 

nouvellistes, réguliers ou occasionnels, font l’objet des exposés de Čep : Passion de 

J. Schlumberger, Solitudes et Sous un ciel noir de H. Queffélec, Tout dort et je veille de 

G. Cesbron, Pour Piano seul d’A. Maurois, plusieurs nouvelles de F. Durrenmatt, pour 

ne donner que quelques exemples. 

Par ailleurs, Čep puise fréquemment pour ses émissions parmi les autobiographies et 

de mémoires en tous genres, surtout depuis le début des années 1960, nous semble-t-il. 

C’est un fait naturel qu’en vieillissant les lecteurs savourent de plus en plus ce genre de 

livres souvenirs, avides de savoir comment tel ou tel écrivain percevait, rendait, vivait 

les événements dont eux-mêmes furent les témoins. Tout de même, nous croyons voir 

encore une autre raison dans ce choix de la part de Čep. Nous sommes tentés de mettre 

cette croissance du genre autobiographique en relation avec l’intention de Čep de 

concevoir sa propre autobiographie. C’est justement en 1960 qu’il aborde ce qui 

deviendra l’essai autobiographique Ma Sœur l’angoisse. Voulait-il, peut-être, s’instruire 

ou s’inspirer dans ce genre qui ne compte sûrement pas parmi les plus faciles ? Il 

semble en être ainsi si nous comparons l’année 1961 comprenant quatre livres de 

souvenirs (mémoires de Guéhenno, souvenirs d’enfance de H. Bosco et de J. Guitton, 

autobiographie de M. Genevoix), contre un ou tout au plus deux pendant les années qui 

précédaient. Fut-elle ou non, dans ces années-là, choisie intentionnellement, en fonction 

de son projet autobiographique, il reste que la littérature du moi eut au moins cet attrait 

pour Čep et qu’elle permettait de mieux voir et de comprendre davantage non seulement 

la vie de l’auteur, mais encore plus peut-être, les ressorts secrets de sa création littéraire. 

630 Une certaine attitude distante, vis-à-vis de la nouvelle, remarqée déjà par Čep dans les années d’aprèsguerre, 

semble se prolonger jusqu’à nos jours, selon les constatations des spécialistes du genre. L’un 

d’entre eux qualifie la nouvelle de «Cendrillon de la littérature», de «fille mal-aimée que les éditeurs 

laissent à l’abandon, au profit des sœurs aînées qui se réclament des modes du roman». 

Cf. D. Grojnowski, Lire la nouvelle, 4 e éd., Armand Colin (Lettres sup), 2005, p. XI. 

631 Cf. la lettre du 19 septembre 1946 adressée à M. Monzer dans laquelle Čep se lamente sur le manque 

d’éléments épiques dans sa création. Pour sa défense, il se réclame d’écrivains comme Tchékhov, 

Mansfield et justement Arland. 

251


Čep résuma cela lorsqu’il présenta un livre paru dans la collection « Les auteurs juges 

de leurs œuvres » : 

Il est sans doute toujours intéressant de lire comment l’auteur perçoit sa propre vie, son œuvre, quels 

livres dans sa création lui importent le plus, ceux pour lesquels il ressent le plus de familiarité, avec 

quels écrivains, passés ou contemporains, il se sent intérieurement apparenté. 632 

Nous avons déjà signalé cette tendance générale chez Čep visant à suppléer de plus 

en plus les fictions par la littérature d’idées, par les essais, et même les études. Au fur et 

à mesure, ce sont les essayistes, philosophes, théologiens, historiens, critiques littéraires, 

professeurs d’université, qui prennent la place des romanciers, dont la production ne 

satisfait plus le goût et les préoccupations de Čep. Ainsi, parmi les livres de la semaine 

surgissent des noms comme Jean Guitton, Daniel-Rops, Henri Marrou, René Grousset, 

Jérome Carcopino, Alain Hus, Henri-Paul Eydoux, Jacques Perret, Joël Le Gall, Henri 

Guillemin, Gaëtan Picon, et ainsi de suite. Les ouvrages de la sorte, notamment les 

essais philosophiques et religieux, eurent sans aucun doute une influence sensible sur 

les cycles de ses propres « méditations », portant sur les problèmes de l’identité et de la 

conscience de l’homme, des relations intersubjectives, de la mémoire et de l’histoire. 

V.2.4. Remarque sur la forme du Livre de la semaine 

Du point de vue fonctionnel, le Livre de la semaine relève du genre du compte rendu 

dont le but est d’apporter des informations critiques plus ou moins détaillées sur un livre 

nouvellement paru. En ce qui concerne la forme, il y a certaines différences par rapport 

au compte rendu tel que nous l’entendons dans son sens habituel. Le dispositif primaire 

du compte rendu est généralement le journal ou la revue littéraire ; il est destiné à être 

lu, le lecteur l’aborde donc par l’acte de lecture. Les « livres de la semaine » de Čep ne 

sont pas tout d’abord destinés à la publication dans une revue, (quoiqu’il en place de 

temps en temps quelques-uns, légèrement remaniés, dans les journaux culturels de 

l’exil), ce sont des émissions radiophoniques. Leur support matériel n’est pas le papier 

mais l’enregistrement sonore, et le destinataire les perçoit auditivement. Le terme 

632 « Je zajisté vždycky zajímavé číst, jak se autor dívá na vlastní život, na své dílo, kterým svým knihám 

přikládá větší důležitost, ke kterým má větší osobní vztah, s kterými spisovateli, minulými nebo 

současnými se cítí vnitřě příbuzný. », J. Čep, « André Maurois : Podobizna přítele, který se jmenoval já », 

Livre de la semaine, [probablement 1959 ou 1960], p. 1. 

252


générique qui conviendrait le plus à la forme du Livre de la semaine, serait, finalement, 

le « compte rendu parlé », déjà utilisé par J. Dresler. 

V.2.4.1. Les contraintes du « compte rendu parlé » 

Le compte rendu destiné à une émission radiophonique recouvre un certain nombre 

de contraintes. La plus évidente est la durée fixe du programme à laquelle le rédacteur 

doit être attentif. La deuxième relève de la spécificité de la communication 

radiophonique qui exige un maintien du contact avec le destinataire beaucoup plus fort 

que dans le compte rendu ordinaire. 

L’émission culturelle de Radio Free Europe intitulée le Livre de la semaine durait 15 

minutes. Dans le cas de Čep, qui ne sait pas percevoir ses émissions autrement que sous 

la forme de pages remplies de son écriture, cela représente en moyenne dix pages 

manuscrites, soit six à huit pages tapées à la machine. La durée limitée inflige à Čep la 

nécessité de ménager bien son propos, de se concentrer sur l’essentiel, d’éviter trop les 

digressions afin que l’auditeur éloigné, qui n’a d’ailleurs pas le livre à portée, puisse 

comprendre. La question de la compréhensibilité et de la clarté est – à la différence d’un 

compte rendu classique où le lecteur peut revenir en arrière et relire le déjà lu – 

primordiale. Cette limite de la durée fixe se traduit donc, d’une part, par le caractère 

concentré et la concision, la densité et la précision ; d’autre part, elle n’évite pas 

toujours une certaine réduction et un certain morcellement, une tendance au superficiel, 

au simple résumé. 

La marque de cette contrainte, concernant l’espace limité de la structure fixe, est 

fréquemment présente dans les propos mêmes de Čep. S’il a par exemple affaire à un 

livre dont le contenu est difficilement compréhensible par le sommaire (méthode 

artistique compliquée), il est obligé « de compenser cette difficulté par des citations plus 

amples ». Ailleurs, lorsqu’il laisse aller plus loin le souffle de l’inspiration subite, 

lorsqu’il s’empresse de rendre les idées dont bouillonne telle ou telle œuvre, tout à coup, 

il prend conscience de l’existence de la contrainte générique et signale au public qu’il ne 

lui est pas donné de développer à son gré puisque le « cadre de notre émission nous 

oblige déjà à la brièveté ». Enfin, faute de temps, la sélection s’impose inexorablement. 

Ainsi, pour parler d’un livre de J. Madaule sur Dante, il ne « peut aborder en détail que 

253


la troisième partie du livre ». Ou bien dans l’exposé de Pâques consacré au livre de J. 

Guitton, Jésus, Čep avertit ainsi l’auditeur : 

Il n’est pas possible de mentionner, ne fût-ce que brièvement, tous ses sujets [de l’auteur]. Nous 

devons nous contenter d’attirer l’attention des auditeurs au moins sur quelques-uns. 633 

Les programmes culturels de Čep furent destinés à un public plutôt homogène, celui 

des amateurs de littérature, curieux de connaître d’autres horizons que ceux dont la 

littérature et critique officielles les intoxiquaient. Ce contact, qui de la part de l’émetteur 

fut illusoire, car la réaction directe du public ne put jamais l’atteindre, resta dans le cas 

de Čep discret, ne mettant aucunement en relief la figure du rédacteur (nous avons déjà 

signalé que les « livres de la semaine » de Čep furent diffusés anonymement). C’est un 

guide patient et initié, menant son auditoire à mieux cerner les enjeux du texte présenté, 

à en mieux savourer l’esprit et la beauté particuliers. 

Le contact se manifeste notamment par les rappels, par des renvois au passé commun 

d’avant le Coup de Prague, par des percées censées rafraîchir la mémoire culturelle des 

auditeurs vivants depuis dans un espace culturel et intellectuel hermétiquement fermé. 

En parlant de nouveaux livres d’écrivains jadis non-défendus, dont les œuvres furent 

connues, lues et aimées dans la période de l’Entre-deux-guerres en Tchécoslovaquie, 

Čep redescend jusque dans ces années-là pour faire le point, pour rappeler la continuité 

de l’œuvre de l’auteur et pour pouvoir ensuite dresser l’analyse de son évolution. Il ne 

se lasse pas de rappeler que tel ou tel auteur fut, jadis, dans les années de liberté, publié 

par telle ou telle maison d’édition à Prague, que tel roman ou tel autre fut traduit par tel 

traducteur de renom, et faute de pouvoir se procurer l’œuvre récente, il encourage ses 

compatriotes à relire les livres plus anciens de l’auteur en question en espérant qu’ils 

soient encore trouvables, au moins dans certaines bibliothèques privées. 

Un égard tout particulier, et il faut l’appliquer à l’ensemble de l’œuvre d’idées de 

Čep, fut accordé aux jeunes générations. Dans le cas présent du Livre de la semaine (de 

même que dans ses Méditations), c’est avant tout l’appréhension de la dévastation 

morale et intellectuelle des jeunes, éduqués et formés selon les moules marxistes. Dans 

certains de ses rapports, il avoue la « difficulté d’imaginer ce que dit à nos auditeurs 

633 « Není možné zmíniž se, byť jenom zběžně, o všech jeho tématech. Musíme se spokojit tím, že 

obrátíme pozornost posluchačů aspoň na některá z nich. », J. Čep, « Jean Guitton : Ježíš », Livre de la 

semaine, 1956, p. 3. 

254


plus jeunes le nom de cet auteur [de Mauriac en l’occurrence] » 634 , ou il désespère de 

présenter un Bernanos « à nos auditeurs plus jeunes qui peut-être n’ont rien lu de 

Bernanos, ou même n’en ont jamais entendu parler ». S’il s’efforce de brosser son 

portrait malgré cette ignorance prétendue absolue, il prévient qu’il ne peut être que 

« sommaire et nécessairement superficiel » 635 . Or les remarques semblables ne 

concernent pas seulement les écrivains catholiques, elles impliquent également des 

noms comme Paul Valéry – une occasion pour Čep de s’en prendre encore à 

l’intelligentsia communiste : 

Nous aimerions supposer qu’il est inutile de rappeler, même à nos plus jeunes auditeurs, les titres des 

œuvres majeures de Paul Valéry […] Leurs destins dans notre littérature de démocratie populaire est 

douteux ; car même au cours du congrès révolutionnaire du Syndicat des écrivains tchécoslovaques en 

avril 1956, l’un des principaux poètes tchèques parla avec un dédain non dissimulé des soi-disant 

« valéryens » qu’il a jetés, pour ainsi dire, dans le même sac que les soi-disant « cléricaux ». – Et Dieu 

sait quelles distances éloignaient Paul Valéry des « cléricaux » de la trempe d’un Claudel par 

exemple, au moins sur cette terre. 636 

L’intention de Čep dans le Livre de la semaine va donc au-delà de la simple 

information ; il vise à remplir les coupures et réparer les déformations utilitaires, faites 

par le scalpel et la presse idéologiques dans le domaine des sciences humaines, et à 

ouvrir de nouvelles perspectives et horizons qui n’ont pas leur place dans la 

Tchécoslovaquie totalitaire. 

V.2.4.2. La structure du Livre de la semaine 

La forme fixe du compte rendu radiophonique réclamait une structure plus ou moins 

stable qui ne donne pas trop d’espace à l’invention et à l’originalité. Dans ses émissions, 

Čep suivait donc un ordre fixe, la plupart du temps immuable. Tout d’abord, il s’attache 

à présenter la figure de l’écrivain, à le situer dans le contexte de la littérature de 

l’époque, à retracer son œuvre antérieure. C’est également dans cette partie introductive, 

qui parfois s’étend sur plusieurs pages que Čep met en lumière les rapports de l’écrivain 

634 Cf. J. Čep, F. Mauriac : Vnitřní paměti », Livre de la semaine, 1959, p. 1. 

635 Cf. J. Čep, Georges Bernanos : Soumrak starců », Livre de la semaine, 1956, p. 1. 

636 « Rádi bychom se domnívali, že nemusíme ani našim mladším posluchačům připomínat tituly hlavních 

děl Paula Valéryho. […] Jejich osud v naší lidově demokratické literatuře je pochybný; vždyť se i na 

revolučním sjezdu Svazu československých spisovatelů v dubnu roku 1956 vyjádřil jeden přední český 

básník s nelíčeným opovržením o tak zvaných ‘valeryánech‘, které hodil tak říkajíc do jednoho pytle s tak 

zvanými ’kostelníky‘. – A ví Bůh, jak měl Paul Valéry daleko ke kostelníkům rázu třeba Claudelova, 

aspoň na této zemi. », J . Čep, « H. Mondor : Duvěrné hovory s Pauelem Valérym », Livre de la semaine, 

le 9 mars 1958, p. 2. 

255


en question avec la réalité tchécoslovaque, s’il y en a eu (inspiration tchèque chez 

Claudel et Camus ; rappel des traductions en tchèque ; position prise après le putsch 

communiste ; etc.). Après l’introduction, s’ensuit la partie principale du compte rendu, 

celle où Čep résume l’action du roman ou les thèmes majeurs dont l’ouvrage traite, en 

analyse l’aspect formel (si la technique se montre nouvelle, originale ou audacieuse), 

tout ceci accompagné par des citations sagement choisies (moments-clés de l’intrigue, 

démonstration de la nouveauté et de l’originalité formelle ou simplement des extraits 

trahissant un goût et des affinités personnels) 637 . L’émission s’achève par une 

généralisation des observations faites et par un jugement de valeur, prononcé sur 

l’œuvre qui, malgré le grand tact de Čep, ne fut pas toujours entièrement positif. 

Si parfois le « livre de la semaine » ressemble à un simple résumé du contenu de 

l’œuvre – n’oublions pas la contrainte de la compréhensibilité – très souvent il dépassait 

le compte rendu, ou mieux, le combinait avec l’étude approfondie, avec l’article 

critique. De ce point de vue, deux points liminaires des émissions de Čep sont très 

précieux : l’introduction et la conclusion dont le caractère est par définition plus 

général. Ces deux points nodaux cachent bien souvent des passages d’une analyse ou 

d’une synthèse littéraires excellentes. Nous y découvrons des chefs-d’œuvre de ce qu’on 

pourrait appeler le profil critique d’un écrivain, de vraies microétudes comparatives (par 

exemple comparaison des poétiques de Mauriac et de Bernanos, de Bernanos et de 

B. Marshall), des estimations judicieuses des œuvres et de la production littéraires en 

général. Ces perles dispersées çà et là dans le matériau informe des « livres de la 

semaine » font découvrir Čep en tant que fin analyste de l’œuvre littéraire. Certes, Čep 

le fut tout autant auparavant, dans ses comptes-rendus journalistiques et ses rapports de 

lecteur, mais avec le Livre de la semaine ce regard critique devient plus constant, plus 

approfondi, plus nuancé. 

Rares ne sont pas non plus les situations où, au cours de l’analyse consacrée à une 

œuvre ou un écrivain, surgissent d’emblée des passages qui ne reflètent pas la matière 

examinée de l’ouvrage en question, mais visent plutôt à formuler des perspectives, des 

conceptions artistiques propres à Čep lui-même. Ces bribes de réflexions sur l’art et la 

637 Pour ce qui est des citations que Čep choisit par affinité, il y en a parfois qu’on arrive difficilement à 

discerner de la pensée propre de Čep. Lorsqu’il traite par exemple de l’angoisse dans le Fils de l’homme 

de Mauriac, ou des chemins, du pèlerinage, de l’amour pour cette terre, chez H. Belloc, s’agit-il de 

citations non indiquées, de périphrases ou bien Čep développe-t-il ses propres idées ? 

256


littérature doivent être prises en compte et doivent être mises en relation avec les essais 

fondamentaux, portant sur la littérature depuis Les Rayons dispersés, pour en former un 

pendant précieux. 

Il ne rentre pas dans le cadre de notre travail d’illustrer, comme il le faudrait, cet art 

critique de Čep. Il n’y a qu’à espérer qu’un volume représentatif des « livres de la 

semaine » verra bientôt le jour. Cependant, glissons au moins un exemple en choisissant 

un extrait où, en introduction d’un nouveau roman de Bruce Marshall, Čep compare le 

génie et les traits caractéristiques de la poétique de ce dernier avec ceux de Bernanos : 

Bruce Marshall est écossais catholique d’origine, et dans l’Entre-deux-guerres il a vécu vingt ans en 

France. Dans tous ses livres, il est attiré par le problème religieux ; les personnages principaux de ses 

histoires sont des prêtres, comme par exemple chez Georges Bernanos. Entre le Français Bernanos et 

l’Ecossais Marshall, il y a pourtant une grande différence : Bernanos voit avant tout le tragique de la 

situation du chrétien, et encore plus celui du prêtre, dans le monde moderne, le conflit entre l’amour et 

le mal, la grâce et le péché. Sa voix est pathétique, sa méthode littéraire est foncièrement 

psychologique. Il voit et peint ses personnages de l’intérieur, du cœur même de leur destin spirituel. 

Bruce Marshall est naturellement, lui aussi, conscient du tragique constitutif de l’univers spirituel 

chrétien ; ses prêtres sont dans leurs fors intérieurs crucifiés par l’amour, ils assument la misère et la 

douleur du monde et de leurs prochains. Cependant, l’Ecossais Marshall a tendance à voir plutôt le 

côté humoristique des situations, qui tirent leurs sources dans le conflit entre les faiblesses de 

l’homme et le but élevé qu’il vise. La grâce de Dieu semble souvent être réduite aux instruments 

humains si démesurément insuffisants. 

Les histoires de Marshall ne sont pas non plus construites – à la différence de Bernanos – avec un 

ordre intérieur rigoureux. L’auteur approche ses personnages davantage de l’extérieur, les dessine par 

leurs actes ou leurs paroles ou par des situations externes. Or, en même temps, il parvient à les rendre 

très vivants et convaincants. Sa phrase est, en principe, lyrique, et ce lyrisme se mêle étrangement 

avec son inclination à l’humour et à l’ironie. Cela rajoute à son récit un accent profondément humain, 

comme si le rire s’interpénétrait avec les larmes. 638 

638 « Bruce Marsall je původem katolický Skot, a mezi dvěma válkami žil dvacet let ve Francii. Ve všech 

svých knihách je přitahován problémem náboženským; hlavními postavami jeho příběhů bývají kněží, 

jako na příklad u Georgese Bernanose. Mezi Francouzem Bernanosem a Skotem Marshallem je však 

jeden veliký rozdíl: Bernanos vidí především tragičnost situace křesťana a tím více kněze v moderním 

světě, konflikt mezi láskou a zlem, milostí a hříchem. Jeho hlas zní patheticky, jeho literární metoda je 

v podstatě psychologická. Vidí a líčí své postavy zevnitř, ze samého středu jejich duchovního osudu. 

Bruce Marshall si je ovšem také vědom základní tragičnosti duchovního vesmíru; jeho kněží jsou v hloubi 

srdce křižováni láskou, berou na sebe bídu a bolest světa a svých bližních. Skot Marshall má však sklon 

k tomu, aby viděl spíše humornou stránku situací, které vznikají tím, že se v člověku střetávají jeho 

slabosti s vysokým cílem, ke kterému míří. Boží milost se zdá často odkázána na lidské nástroje tak 

neúměrně nedostatečné. 

Příběhy Marshallovy nebývají také stavěny – na rozdíl od Bernanose – s přísnou vnitřní zákonitostí. 

Autor se přibližuje k svým postavám více z vnějšku, kreslí je jejich gesty nebo jejich slovy, nebo vnějšími 

situacemi. Přitom však dosahuje toho, že jsou velmi živé a přesvědčující. Jeho věta je v podstatě lyrická, a 

tento lyrismus se podivní mísí s jeho sklonem k humoru a k ironii. Dodává to jeho příběhu hluboce 

lidského přízvuku, jako když je smích prostoupen slzami. » J. Čep, « B. Marshall : Každému po 

denáru », Livre de la semaine, 1954, p. 1-2. 

257


V.2.5. Le rôle de la traduction 

Il ne nous reste qu’à ajouter deux mots sur la question de la traduction, présente elle 

aussi dans les programmes culturels de Radio Free Europe. Čep lui-même contribuait de 

manière considérable aux programmes comme In the mood et Sunday Reading (Lecture 

du dimanche) mais sa participation précise ne peut être devinée qu’assez 

grossièrement 639 . Nous ne sommes pas parvenu à restituer la liste de ses traductions 

pour de tels programmes, ni à connaître la fréquence et la régularité de celles-ci. 

Cependant, il est indéniable que Čep traduisit plusieurs œuvres complètes pour les 

émissions culturelles (L’Annonce faite à Marie de P. Claudel, Le Fond du problème de 

G. Greene) ansi que de nombreuses nouvelles et récits d’écrivains de divers origines 

(J. Supervielle, S. Lagerlöf, E. Schaper, S. Anderson, R. H. Benson, C. Coccioli, 

M. Arland). 

Quel est le lien entre ce que nous venons de dire et le Livre de la semaine dont il est 

question dans ce chapitre ? Il existe en ce qu’une partie non insignifiante de ses exposés 

présentait des citations et des extraits traduits de l’œuvre même. Ces extraits s’élevant à 

un tiers, voire parfois à une moitié du texte de Čep, devaient rendre plus proche l’œuvre 

traitée, en suggérer l’atmosphère et la voix du narrateur, pour ceux qui n’avaient aucune 

possibilité de se procurer le livre présenté et, encore moins, de le lire. 

Ceci dit, le volume déjà important des traductions faites par Čep s’agrandit 

sensiblement si nous y impliquons toutes ses traductions effectuées pour Radio Free 

Europe, restées souvent anonymes et inconnues jusqu’à nos jours. 

V.2.6.2. Jan Čep face aux tendances modernistes de la littérature française 

d’après-guerre 

À la fin de ce chapitre, nous donnerons un aperçu de ce qu’on pourrait appeler la 

réception des nouvelles tendances dans la littérature française par Čep. Nous tâcherons 

de montrer la manière dont Čep reflétait les courants littéraires des années 1950-1960 

639 Tous ces programmes culturels, complétés dans les premières années encore par La pièce de la 

semaine, eurent pour but de présenter directement les œuvres importantes de l’Occident en traduction. 

258


qui s’appliquaient à repenser le genre romanesque. Il s’agira notamment de rendre 

compte de sa rencontre avec le nouveau roman. 

Installé dans l’exil parisien dès 1948, Čep fut l’un des rares intellectuels tchèques 

auxquels il fut donné de suivre directement et de très près l’ébullition littéraire du pays. 

Nous limitons volontairement notre champ d’investigation aux auteurs de tendance dite 

« moderniste », c’est-à-dire à ceux qui, par leur création, ou plutôt par des méthodes 

formelles appliquées dans leurs œuvres, cherchaient à renouveler le genre romanesque. 

En effet : Que pensait Čep des romans d’un Michel Butor ou d’une Marguerite Duras ? 

Comment reflétait-il, lui, romancier traditionaliste, leurs tentatives visant à nier le 

modèle du roman traditionnel ? S’était-il lancé dans une polémique avec eux, à l’instar 

d’un François Mauriac ? Grâce à ses émissions de Livre de la semaine, il est possible de 

répondre à de telles questions. 

On se doute bien que l’attitude de Čep, vis-à-vis de la littérature française d’après- 

guerre, ne fut pas sans failles. Il est vrai qu’il estimait beaucoup l’œuvre d’Albert 

Camus, qu’il percevait un certain talent et une quête honnête chez les jeunes chrétiens 

(Luc Estang, Roger Bésus, Jean Cayrol, Paul-André Lesort, Gilbert Cesbron, Pierre- 

Henri Simon) ou même chez les agnostiques (Emmanuel Roblès, Romain Gary, Hervé 

Bazin). Il est tout aussi vrai qu’une grande partie de la production littéraire française de 

l’époque le décevait. Ce rapport ambivalent se laisse nettement deviner, lorsque Čep se 

met à comparer l’actualité avec la période de l’Entre-deux-guerres. Si, dans ses 

émissions radiophoniques, il s’efforce toujours de valoriser plutôt que de critiquer, il ne 

peut s’empêcher, cependant, de faire sentir de quel côté vont ses propres préférences. Il 

lui arrive de glisser, çà et là, que, par rapport aux auteurs phares de la période 

précédente, comme Gide, Claudel, Larbaud, son impression générale sur la production 

contemporaine serait « plutôt défavorable » 640 . Il n’est pas surprenant qu’il apparaisse 

beaucoup plus tranchant dans le discours personnel. La longue citation suivante, tirée 

d’une lettre envoyée à Vladimír Peška, malgré la clausule dépréciative finale, en dit 

beaucoup sur son attitude réservée devant la littérature française d’après-guerre : 

640 Pour ne pas surcharger le texte de références, nous ne les appliquons qu’aux citations d’une certaine 

longueur. Toutes les citations non indiquées sont tirées des scripts des émissions radiophoniques (non 

publiés) dans lesquels Čep traite des ouvrages en question. Les documents cités se trouvent dans les 

archives personnelles de l’auteur. 

259


Je commence à être écoeuré par la production littéraire française actuelle. […] Les nouveaux écrivains 

– et même écrivaines – français se délectent trop dans la cruauté cynique et arbitraire. S’agit-il, peutêtre 

un peu de remords inavoués (mais ce mot n’est pas pris à leur vocabulaire) pour ce qu’ils ne 

veulent pas admettre la souffrance du monde environnant (ou bien c’est la réaction indirecte à cette 

souffrance). Quoi qu’ils fassent, un jour ce monde fera une irruption terrible dans leurs constructions 

psychologiques et trop ingénieusement littéraires. […] Mais je voulais seulement dire que la 

différence entre les Bernanos et les Gide, les Camus et les Sartre – et même entre les Mauriac et les 

Duhamel – et ces Perry, Bosquet, Dutourd, Zéraffa, etc. saute aux yeux. […] Il faudrait un géant – à la 

[…] Dostoïevski – pour soulever par le cœur et l’imagination l’horreur et la misère de notre monde et 

sauver la dignité naturelle et surnaturelle de l’homme. Parmi les modernes y parvenait Bernanos – et à 

un autre niveau et avec moins de force Camus s’y applique avec probité. – Mais ce ne sont que des 

divagations qu’il ne faut pas prendre à la lettre. 641 

Ailleurs encore, Čep compare la situation de la littérature française de l’époque à la 

littérature du XVIII e siècle. Comme au temps de Voltaire et de Rousseau, la production 

d’après-guerre pullule sans « dépasser une certaine moyenne » ; comme au temps des 

Lumières, la littérature narrative est submergée, au détriment du roman, par le genre de 

l’essai philosophique d’un côté, et par le journalisme facile et superficiel de l’autre. Le 

roman, lui-même, est d’ailleurs « infecté » par ces deux tendances. Mais nous nous 

éloignons un peu trop du sujet proposé qui doit être le regard de Čep sur les ouvrages 

novateurs, notamment ceux conçus par les représentants du nouveau roman. 

Le seul fait que Čep ne passa pas leur production sous silence dans ses comptes 

rendus, prouve qu’il ne les refusait pas a priori. Dans ses jugements portés sur ce 

phénomène naissant qu’est le nouveau roman, il apparaît donc plus discret que François 

Mauriac, qui dans ses Mémoires intérieures s’en prend à Robbe-Grillet et à ses postulats 

théoriques. 642 En tout cas, Čep ne dégaine pas ici l’arme de l’ironie comme le fait 

parfois Mauriac. Plutôt que de fustiger, Čep observe. 

Dans la jeune littérature française en général, Čep semble saisir un trait commun. 

C’est, avant tout, une littérature « marquée par l’expérience de l’incertitude et de 

l’instabilité », ce qui fait que les jeunes écrivains ressentent plus que jamais la nécessité 

641 « Já začínám být „écoeuré“ nynější francouzskou literární produkcí. […] Noví francouzští autoři – 

i autorky – si příliš libují v svévolné a cynické krutosti. Možná, že jsou to trochu nepřiznané výčitky 

svědomí (toto poslední slovo ovšem není vzato z jejich slovníku) za to, že si nechtějí připustit utrpení 

okolního světa (anebo je to nepřímá reakce na toto utrpení). Ale ať dělají, co dělají, tento svět jednoho 

dne strašlivě vtrhne do jejich příliš důmyslných literárních a psychologických konstrukcí. […] Ale chtěl 

jsem jenom říci, že rozdíl mezi Bernanosy a Gidy, Camusy a Sartry – ba i mezi Mauriaky a Duhamely – 

a těmihle Perrymi, Bosauety, Duourdy, Zéraffy, atd. bije do očí. […] Musil by to být obr – à la […] 

Dostojevský – aby mohl nazvednout srdcem a obrazností hrůzu a bídu našeho světa a zachránit člověku 

jeho přirozenou a nadpřirozenou důstojnost. Dovedl to z moderních Bernanos – a v jiné rovině a s menší 

silou se o to poctivě pokouší Camus. – Ale toto jsou divagace, které neberte doslova. », J. Čep à V. Peška, 

le 12 décembre 1952. 

642 Cf. F. Mauriac, Mémoires intérieures, Paris, Flammarion (Livre de poche), 1959, p. 303-308. 

Relevons une citation exemplaire à la page 308 : « Si M. Robbe-Grillet écrit un jour de grands livres, ce 

ne sera pas grâce aux lois qu’il a édictées, mais dans la mesure où il les aura oubliées. » 

260


de « tout vérifier à leur tour ». Il est vrai que c’est l’expérience de tout écrivain digne de 

ce nom, précise Čep ; il n’empêche que le désarroi du monde moderne embrase ce 

sentiment de manière beaucoup plus intense. La conséquence de ce dénominateur 

commun de l’incertitude et de l’instabilité se traduit, selon Čep, dans les préoccupations 

majeures des jeunes auteurs : la question de l’identité individuelle et le problème de la 

prise de conscience. Ce double enjeu, que nous pourrions désigner comme ontologique 

et noétique, s’incarne chez les nouveaux romanciers notamment dans la recherche 

formelle. C’est le compte rendu sur Le dîner en ville de Claude Mauriac qui permet à 

Čep de rendre l’aspiration générale du nouveau roman, dont les différents tenants 

s’appliquent aux « tentatives d’une objectivité absolue, d’une certaine mathématique ou 

géométrie dans la représentation de la réalité humaine » : 

Tous, ils cherchent une nouvelle expression, une nouvelle technique romanesque, qui saisirait et ferait 

naître l’impression de réalité de manière plus insistante et plus véridique qu’il ne le fut possible dans 

la création romanesque précédente. Il ne s’agit pas, bien sûr, seulement de la forme, d’un mode 

narratif nouveau ; il est question avant tout d’une nouvelle noétique, d’une certaine philosophie de la 

connaissance ; de la relation de la conscience humaine avec les hommes et les choses, au monde 

environnant. La question de chaque moi individuel et de l’existence des choses est posée à nouveau, 

dans la mesure où ces derniers se reflètent dans la conscience singulière et qu’ils la fondent ou 

contribuent à la fonder. 643 

Cette exigence d’une noétique nouvelle ne peut pas ne pas avoir de répercussions 

dans le domaine de l’esthétique. Čep saisit bien les deux postulats du nouveau 

roman qui sont le rejet de l’intrigue et le rejet de la psychologie traditionnelle. 

Cependant, le postulat de l’objectivité absolue, de l’exclusion de tout sentiment et de 

toute idéologie lui semble illusoire. Čep est persuadé que même la « psychologie » 

nouvelle de ces auteurs qui prétend être « objective, matérielle, fondée sur l’analyse 

détaillée des sensations », n’élimine pas l’arbitraire et encore moins la subjectivité. Elle 

y est encline, d’après Čep, peut-être encore davantage que les méthodes traditionnelles, 

car tout « dépend toujours de l’a priori philosophique de l’auteur, de sa vision globale 

de l’homme et du monde » 644 . 

643 « Všichni hledají nový výraz, novou románovou techniku, která by zachytila a navodila dojem 

skutečnosti způsobem naléhavějším a pravdivějším, nežli by to bylo možné v dosavadní románové tvorbě. 

Nejde ovšem jenom o formu, o nový vyprávěcí způsob; jde především o novou noetiku, o jistou filosofii 

poznání; o vztah lidského vědomí k lidem a věcem, k okolnímu světu. Klade se tu znova otázka existence 

každého jednotlivého já a existence věcí, pokud se odrážejí v jednotlivém vědomí a pokud je vytvářejí 

nebo spoluvytvářejí. », J. Čep, « Claude Mauriac : Večeře v městě », Livre de la semaine, le 13 mars 

1959, p. 1. 

644 Ibid. 

261


Les novateurs : Michel Butor, Claude Mauriac, Marguerite Duras 

Prenons quelques exemples concrets des œuvres-phares de cette modernité 

romanesque des années 1950. Lorsque la Modification de Michel Butor décroche le prix 

Renaudot, Čep ne manque pas d’en faire son « livre de la semaine ». Il avoue, au début 

de son compte rendu, qu’il a été cent fois tenté de délaisser le livre, tellement la lecture 

du roman lui semblait « abrupte ». Cette contrainte de la lecture difficile – 

« impraticabilité irritante de la narration » [dráždivá neschůdnost vyprávění] – 

fonctionne en même temps comme une stimulation forçant le lecteur à reprendre le 

livre. C’est seulement en arrivant aux dernières pages que Čep ressent le sentiment 

« que cela aurait été dommage, si nous n’avions pas persévéré jusqu’à la fin ». 

En ce qui concerne la nouveauté du roman, il soulève tous les traits essentiels de la 

méthode de Butor, devenus incontournables dans tous les manuels de littérature 

française moderne : la « description incroyablement précise et détaillée liée à la capacité 

du souvenir d’une même précision et minutie » ; l’entrelacement de différents niveaux 

temporels, passé-présent-futur, si bien que le « lecteur perd souvent la continuité et 

n’arrive pas à s’orienter immédiatement » ; le « vous » de la deuxième personne du 

pluriel où il n’est pas certain « que le héros de l’histoire s’adresse à lui-même, qu’il 

s’agit d’un moyen de dialogue avec sa propre conscience, ou bien qu’il parle au lecteur, 

n’importe quel lecteur, qui pourrait se trouver à la place de notre voyageur – qui de 

toute façon doit se mettre à sa place au moins en imagination ». 

Au moment de l’évaluation finale, Čep se demande si l’auteur est parvenu à réaliser 

son intention, qui ne fut autre que de « rendre l’équivalent total de la réalité, restituer le 

temps ». Malgré la technique spécifique appropriée au roman, l’intention artistique de 

Butor ne s’accomplit, selon Čep, que partiellement, car en dépit de l’extrême densité de 

la forme adaptée, « la réalité et le temps s’enfuient comme de l’eau » : 

Aucun roman ne peut être aussi long que le temps physique, que la vie physique de l’homme. Même 

Michel Butor fut d’ailleurs obligé de choisir dans la réalité empirique, de construire un drame intérieur 

de l’homme. L’effort de l’objectivité absolue, également évidente et accessible à tous, généralement 

valable, est sans doute une illusion. 645 

645 « Povaha uměleckého díla záleží v tom, že vybírá z tak zvané skutečnosti empirické; že je jinak 

pravdivé než ona. Žádný román nemůže bát tak dlouhý jako fyzický čas, jako fyzický život člověka. 

I Michel Butor byl ostatně nucen vybírat z empirické skutečnosti, konstruovat vnitřní lidské drama. Úsilí 

o naprostou objektivitu, všem stejně zřejmou a přístupnou, obecně platnou, je bezpochyby ilusí. », J. Čep, 

« Michel Butor : Změna », Livre de la semaine, le 19 janvier 1958, p. 6. 

262


Butor échoue, selon Čep, dans son effort d’impartialité. Même s’il évite de porter des 

jugements d’idées et d’évaluer ses personnages, même s’il prétend uniquement à 

l’observation et à la description, la neutralité et l’objectivité totales ne sont pas acquises. 

Car déjà « ses descriptions […] impliquent souvent des jugements, des sympathies ou 

antipathies idéologiques ». On se souvient par exemple des passages où le narrateur de 

Butor tourne en dérision le Vatican et son représentant suprême le pape, ce qui 

n’enchantait sûrement pas le catholique Čep. 

Čep se pose le même genre de questions concernant l’aboutissement de l’intention 

auctoriale au sujet d’un autre représentant proche du nouveau roman, Claude Mauriac. 

Dans son roman Le dîner en ville C. Mauriac raconte une conversation apparemment 

banale de plusieurs personnages, réunis à l’occasion d’un repas. Or, tout un réseau de 

pensées cachées se tisse derrière les répliques anodines des commensaux, faisant 

ressortir les portraits singuliers et plastiques des personnages. L’enjeu du roman semble 

à Čep plutôt réussi car l’auteur « est parvenu à construire une action interne cohérente à 

partir de dialogues et de monologues intérieurs, en apparence fragmentaires, divergeant 

dans tous les sens ». De même, à propos de la technique adoptée par C. Mauriac, Čep se 

dit convaincu de sa pertinence, car en dépit de sa défiance première, un moment est 

arrivé où il « a succombé, il a cessé de faire attention à la ‘fabrication’, à ce ‘comment’ 

c’est fait ». La technique fut donc « en accord » avec la matière du roman. 

« Cependant », rappelle Čep, « c’est une technique qu’on ne peut utiliser qu’une seule 

fois. » 

Après les deux auteurs masculins ajoutons encore deux exemples où Čep observe 

l’écriture féminine. 

En premier lieu, signalons le cas de Moderato Cantabile de Marguerite Duras. A 

l’époque, cet ouvrage assez insolite fut mis en relation par certains avec les tendances 

du nouveau roman. Les points forts de l’analyse de Čep – le récit dépouillé au 

maximum, la rigueur formelle – nous semblent être toujours justes et valides. Après 

avoir fait remarquer le saut qualitatif dans l’évolution de l’œuvre de Duras, consistant 

en un changement radical de sa poétique (l’auteur a « renoncé à toute son expérience 

précédente qui tend à la facilité et a opté pour une forme beaucoup moins accessible, et 

beaucoup plus rigoureuse ») il laisse comprendre à ses auditeurs en quoi consiste cette 

transformation : « Son dernier roman n’est guère une histoire dans le sens traditionnel 

du mot ; ce n’est en fait que quelques phrases, quelques situations, qui se répètent sans 

263


cesse, sans que rien ne se passe vraiment » 646 . Et, il va tenter l’analogie du récit 

durassien au domaine musical en le rapprochant du Boléro de Ravel : « toujours la 

même phrase tournoie presque sur place, mais en réalité, elle s’élève toujours plus haut 

par un mouvement en spirale, jusqu’à ce que son intensité devienne presque 

insupportable ». 

Phénomène Sagan 

Une autre écrivaine qui intriguait Čep, aussi bien que toute la critique française des 

années 1950, était la toute jeune Françoise Sagan. « Une fille extrêmement talentueuse 

et extraordinairement cynique », tel est la formule synthétique de Čep. 647 Entrée en 

littérature à moins de dix-neuf ans, elle diffère des noms dont il fut question 

précédemment. Sagan ne tend pas tant à une quête formelle, elle reste plus proche du 

roman traditionnel que Butor ou même Duras. Elle se situe en dehors du nouveau 

roman, se contentant de raconter l’histoire sans mettre en avant les procédés techniques. 

Mais en même temps, elle est, sans doute, le représentant le plus marquant de cette 

jeune littérature dont les traits essentiels sont d’après Čep « la cruauté cynique et 

l’arbitraire ». C’est d’ailleurs cet aspect de révolte sur lequel se penche Čep en y 

décelant le symptôme de l’atmosphère spirituelle inquiétante de la société française. 

Avec un intérêt sincère, l’écrivain exilé tchèque suit l’évolution de la jeune 

romancière. Au fur et à mesure, il lui semble que le cynisme des premiers ouvrages se 

teinte d’un accent plus humain. Ainsi la parution de Aimez-vous Brahms ?, quatrième 

roman de Sagan, fournit à Čep l’occasion de se pencher sur les ressorts de la création de 

l’écrivaine qui sont « l’amertume et la solitude de la vie » et qui lui semblent, répétons- 

le, s’imprégner progressivement de tons tragiques, c’est-à-dire humains. Voici comment 

Čep retrace l’évolution possible, et sans doute souhaitée, de cette jeune rebelle : 

Françoise Sagan a découvert tôt l’amertume et la solitude de la vie, mais de la manière dont la 

découvrent les jeunes gens qui ne croient pas tout à fait en leur découverte, qui s’en acquittent avec un 

certain sourire. – Il est vrai, seulement cinq ans se sont écoulés depuis son premier roman, cependant 

ces cinq ans apportèrent dans son regard sur la réalité humaine un changement sensible. Le sujet reste 

le même, il est puisé dans la même société, et il est plutôt mince. Toutefois, il semble qu’elle a 

approché de beaucoup plus près la solitude de la vie humaine ; solitude et amour, solitude dans 

l’amour. Le ton tragique commence à se faire entendre, qui est peut-être le présage d’une interrogation 

646 J. Čep, « Marguerite Duras : Moderato Cantabile », Livre de la semaine, 1958, p. 8n. 

647 Jan Čep, « Francouzská kronika », Svědectví, I, n° 3-4, 1957, p. 248. 

264


de l’auteur sur le sens du destin de l’homme ; que le temps cessera d’être pour elle uniquement un 

élément qui use, mais [deviendra] la terre de laquelle naît un vrai amour, et de l’amour l’espérance. 648 

Vis-à-vis des tendances modernistes dans le roman français, Čep se montre ouvert et 

prudent, bienveillant et modéré à la fois. S’il estime l’honnêteté de la quête des 

« nouveaux romanciers » et leur audace formelle, il n’en est pas moins inquiet, ne 

cachant pas ses réserves à propos de leurs postulats théoriques et des conceptions 

romanesques qui en découlent. Ce sont, certes, des essais légitimes de renouveler le 

genre romanesque. Čep semble toutefois sceptique quant à leur avenir, les considérant – 

et sa prédiction s’avéra juste – comme une impasse. Même si les techniques adaptées 

par Butor dans la Modification ou par Claude Mauriac dans le Dîner en ville semblent 

bien adéquates à leurs intentions artistiques, ce sont des procédés qui ne servent qu’une 

seule fois, qui ne sont pas susceptibles d’être renouvelés. Du reste, la mise en avant 

obstinée de la technique, de la méthode appliquée, est fort loin de la conception de la 

création littéraire qui fut celle de Čep, sinon tout à fait contraire à celle-ci. L’effort 

d’éliminer toute psychologie en faveur de l’objectivité absolue et parfaite lui semble 

également illusoire. 

Ceci dit, Čep n’était pas persuadé que la voie proposée par le nouveau roman était 

propice et juste pour le genre romanesque en général, et il se préoccupait de l’avenir du 

roman, au cas où celui-ci adopterait cette tendance pour de bon 649 . Toutefois, il faut 

avouer que Čep ne tranche pas ; il laisse la question du cheminement future du roman 

ouverte. Il ne sait que trop bien que ce sera le temps qui apportera une réponse. 

648 « Françoise Saganová objevila brzo hořkost a samotu života, ale tak, jak ji objevují lidé mladí, kteří 

zcela nevěří svému objevu, kteří se s ním vypořádávají s jistým úsměvem. – Je pravda, že od jejího 

prvního románu uplynulo teprve pět let, ale těchto pět let přineslo v jejím pohledu na lidskou skutečnost 

znatelnou změnu. Námět zůstává podobný, je čerpán ze stejné společnosti a je spíše útlý. Zdá se však, že 

samota lidského života k ní přistoupila mnohem blíž; samota a láska, samota v lásce. Začíná se tu ozývat 

tragický tón, který může být předzvěstí, že si autorka jednou položí otázku po smyslu lidského osudu; že 

čas pro ni přestane být jenom živlem, který opotřebovává, nýbrž půdou, z které se rodí skutečná láska, 

a z lásky naděje. », J. Čep, « F. Sagan : Máte ráda Brahmse? », Livre de la semaine, 1959, p. 5. 

649 Par exemple dans l’interrogation suivante on ressent bien une teinte d’inquiétude : « Où mènera cette 

tendance ? Créera-t-on par cette méthode vraiment quelque chose de nouveau dans la littérature, 

découvrira-t-on par elle de nouveaux domaines de la vie humaine – ou au moins, servira-t-elle à ce qu’ils 

puissent être exprimés avec plus d’insistance ? Va-t-elle enrichir ou appauvrir l’expérience humaine ? », 

J. Čep, « Claude Mauriac : Večeře v městě », Livre de la semaine, 1959, p. 9. 

265


VI. MA SŒUR L’ANGOISSE – ŒUVRE 

POSTHUME 

« L’angoisse est l’élément constant de ma vie, 

de mon expérience ; c’est le mot qui vient le 

plus souvent sur mes lèvres ; l’angoisse fidèle, 

bleue comme le ciel en plein été, vertigineux, 

mystérieux… » 650 

Le manuscrit de Ma Sœur l’angoisse 651 a attendu plus de dix longues années dans le 

tiroir de l’appartement rue Chanoinesse avant d’être finalement publié par l’Académie 

chrétienne de Rome en 1975 652 . Son auteur occupait alors depuis plus d’un an sa place 

dans le tombeau de la famille Du Bos à la Celle Saint-Cloud. 

Comme toute œuvre posthume (où l’auteur n’est plus en mesure de donner des 

explications sur son projet artistique ni de proposer des interprétations auctoriales), 

l’essai autobiographique de Čep recèle un nombre considérable de questions de toutes 

sortes dont les réponses, apportées certes souvent par de plus grands spécialistes, ne 

dissippent point l’ombre qui plane au-dessus. Ces réponses, concernant notamment la 

nature du projet auctorial et la genèse du livre, restent à ce jour partielles, plutôt 

hésitantes, et ce qui est plus graves, elles sont parfois tout à fait fausses. Depuis la 

première édition – nous l’appellerons romaine – un certain nombre d’idées reçues et 

même d’erreurs s’étaient constituées, répandues ensuite par le vent de la critique, et se 

virent reprises dans toutes les éditions ultérieures (1993, 1998) et tous les écrits portant 

sur la dernière œuvre de l’écrivain morave. La faute n’en incombe certainement à 

personne, sinon aux conditions malheureuses qui étaient celles d’un explorateur 

650 Journal, le 25 mars 1960. 

651 En accord avec l’édition tchèque nous utilisons la forme du titre avec « a » minuscule : Ma Sœur 

l’angoisse. Il est toutefois à noter que sur l’original du manuscrit dactylographié, le titre autographe est 

pourvu d’un « A » majuscule. 

652 Ma Sœur l’angoisse fut publiée comme le 51 e volume de l’édition littéraire la Vigile. En 1964, du 

vivant de l’auteur, une sélection importante du manuscrit parut en français dans la revue Arena, n° 20, 

p. 1-29. Le livre ne fut publié en République tchèque qu’après 1989 : Sestra úzkost, traduit du français par 

V. Čep et B. Fučík, Brno, Proglas, 1993 puis comme partie du VI e volume des « Œuvres complètes » 

Poutník na zemi (Un Pèlerin sur la terre), Brno, Proglas-Vyšehrad, 1998. 

266


dépourvu de la quasi-totalité des matériaux dont il a absolument besoin pour son travail. 

Les éditeurs de l’édition romaine et les traducteurs du manuscrit français avaient hâte de 

présenter l’écrit inédit aux lecteurs tchèques, et surtout, ils ne disposaient pas de certains 

documents (correspondance, journal, etc.) dont nous avons su trouver le chemin. Par la 

suite, leurs erreurs initiales et certaines hypothèses erronées ne furent que reprises par 

des critiques littéraires et des chercheurs. 

Ainsi donc allons-nous consacrer la première partie de ce chapitre à rectifier et à 

préciser les informations s’attachant à la genèse de Ma Sœur l’angoisse, à la constitution 

du manuscrit et à sa datation, au statut même de l’ouvrage. Dans la seconde partie, nous 

quitterons le domaine de la critique des sources, de la critique génétique et de la théorie 

de l’édition pour nous tourner davantage vers les problèmes liés à l’interprétation et à la 

« philosophie » de l’œuvre en question. Notre questionnement tournera autour des 

notions comme « autobiographie » et « confession » d’un côté et « angoisse » et « foi » 

(ou confiance) de l’autre. L’enjeu de la langue – si importante pour cet unique ouvrage 

conçu en français (abstraction faite du court récit des Tziganes) – sera traité au dernier 

chapitre où se retrouveront plusieurs questions relevant du rapport ambivalent de l’exil 

et de la langue. 

VI.1. Enjeux textuels, génétiques, éditoriaux 

VI.1.1. La genèse de Ma Sœur l’angoisse 

Prenons comme point de départ la préface anonyme 653 de l’édition romaine. C’est à 

partir d’elle que les imprécisions s’étaient transmises. Reprenons-en l’essentiel : 

Ma Sœur l’angoisse fut écrite en français et était destinée au public français. Pour cette raison sont 

donnés la perspective d’ensemble ainsi que certains détails explicatifs, non nécessaires au lecteur 

tchèque. L’omission volontaire des noms (effectuée avec une inconséquence apparente) s’inscrit dans 

ce projet. En effet, la plupart des noms ne n’auraient rien dit au lecteur français. Aussi, il est évident 

que Jan Čep, en écrivant ses souvenirs, ou plutôt sa confession, se précipitait et que le manuscrit 

supposait une rédaction finale. 

Jan Čep écrivit Ma Sœur l’angoisse dans les années 1964-1965. Peu après, il subit une attaque 

cérébrale à la suite de laquelle sa main et sa jambe droites furent paralysées, aussi bien que, dans une 

large mesure, sa parole. C’est la raison pour laquelle il ne put faire d’un côté la version définitive du 

653 Quoique anonyme, on sait bien que le lot léonin incombait au frère de Jan Čep, Václav, et à l’ami 

proche et critique littéraire, Bedřich Fučík. 

267


texte et de l’autre côté la version tchèque. Des amis et des spécialistes de l’œuvre de Čep se 

chargeaient de la traduction tchèque tout en étant conscients de ce qu’ils ne pouvaient, pas même de 

loin, atteindre l’exactitude de l’expression, la nuance mélodique et la richesse de langue de 

l’auteur. 654 

Deux informations fausses ou au moins inexactes furent émises dans ce péritexte et 

docilement reprises et diffusées partout jusqu’à nos jours : la datation erronée et le 

caractère prétendument inachevé de Ma Sœur l’angoisse. Quasiment tous les comptes 

rendus postérieurs à l’édition romaine reprennent les années 1964-1965 comme 

intervalle dans lequel Čep écrivit son autobiographie, de même qu’ils soulignent sans 

exceptions l’écriture précipitée, la hâte d’un auteur qui sent déjà la mort approcher et 

qui s’applique à rédiger, à pas pressés, son testament. Ainsi, dans les comptes rendus de 

l’époque, des termes comme « énoncé non-fini » (nedořečená zpráva), « texte 

inachevé », « inachèvement », « caractère fragmentaire », etc. fourmillent. Antonín 

Kratochvil se montre le plus explicite à ce sujet, puisque nous pouvons lire chez lui des 

phrases telles que : « Chaque phrase laisse sentir la hâte de [vouloir] achever son 

épitaphe et son adieu littéraire. » Ou bien : « […] la maladie impitoyable arracha la 

plume à Jan Čep achevant ses mémoires littéraires […] En terminant les pages finales, il 

fut frappé par l’apoplexie. » 655 De telles phrases donnent l’effet d’une rupture brusque 

causée par la maladie ou la mort subites comme nous en rencontrons dans les journaux 

fictifs (plus précisément les romans écrits comme des journaux) où la dernière phrase 

reste inachevée. Songeons par exemple au Nœud de vipères de F. Mauriac, au Journal 

d’un curé de campagne de G. Bernanos ou même aux Carnets de Jilji Klen de Čep lui- 

même. De tels propos, hyperboliques et pleins d’emphase, sont à prendre plus comme 

des jeux de style, que comme des énoncés véridiques. Ils ne sont pas à considérer 

comme fondés sur les faits, sinon on entre dans la fiction pure et simple : Čep tomba 

654 « Sestra Úzkost byla napsána francouzsky a byla určena pro francouzského čtenáře. Tím je dána 

celková perspektiva a některé explikativní podrobnosti, ne nutné pro českého čtenáře. Úmyslné 

vynechávání jmen (velmi nedůsledně provedené) patří zřejmě do tohoto plánu, valná většina jmen by 

francouzskému čtenáři nic neříkala. Jinak je patrno, že Jan Čep při psaní svých vzpomínek či spíše 

zpovědi spěchal a že rukopis předpokládal konečnou redakci. 

Sestru Úzkost psal Jan Čep v letech 1964-1965, nedlouho poté podlehl mozkové mrtvici, po které mu 

ochromla pravá ruka a pravá noha a z valné části také řeč. To je důvod, proč nemohl provést jednak 

definitivní znění textu, jednak znění české. Překladu do češtiny se ujali přátelé a znalci Čepova díla, 

vědomi si toho, že ani zdaleka nemohou dosáhnout přesnosti výrazu, melodického odstínu a bohatství 

jazyka autorova. », Sestra Úzkost. Zlomky autobiografického eseje, Rome, Křesťanská akademie, 1975, 

p. 5. 

655 A. Kratochvil, « Deset let bez Jana Čepa » (Dix ans sans Jan Čep), České slovo, 30, n° 2, 1984, p. 7, et 

« Sestra úzkost. Na okraj posmrtného autobiografického eseje Jana Čepa » (Ma Sœur l’angoisse. En 

marge de l’essai autobiographique posthume de Jan Čep), Národní politika, 8, n° 7 (juillet-août) 1976, 

p. 4. 

268


malade à l’été 1966 alors que, comme nous le verrons tout à l’heure, le manuscrit fut 

plus ou moins terminé trois ans auparavant. 

Les mêmes informations se verront répétées dans les péritextes des deux éditions 

tchèques après 1989, même si en même temps, une certaine attitude réservée se laisse 

entrevoir notamment vis-à-vis de l’inachèvement de l’œuvre. L’auteur des épilogues et 

de notes d’édition, Mojmír Trávníček, n’oublie certes pas de souffler que Ma Sœur 

l’angoisse fut écrite en 1964-1965 et que la « plume lui [à Čep] fut arrachée de la 

main » mais en même temps il parsème son épilogue de 1993, de haute qualité 

d’ailleurs, de jugements plus nuancés à cet égard. Il ne parle plus d’une évidence de la 

hâte dans l’écriture mais seulement d’une « probabilité » (« Il est probable qu’elle fut 

écrite en hâte. » 656 ) et l’affirmation du caractère non définitif de l’ouvrage revêt l’allure 

d’une hypothèse généralement reçue (« On présume communément qu’il s’agit d’une 

œuvre qu’il ne fut donné pas à Čep de polir à sa forme définitive. » 657 ). Trávníček 

semble douter de la pérennité d’énoncés pareils et ne pas vouloir s’y impliquer 

personnellement. Il va jusqu’à se demander s’il ne s’agit pas là d’une « erreur et d’un 

malentendu » et rappelle que Čep employa pour plusieurs de ses proses l’indication 

générique de « fragment » ou d’ « esquisse ». Comme nous le verrons tout à l’heure, 

cette interrogation va dans le bon sens. 

Mais qu’est-ce qui nous permet de mettre en doute les propos des spécialistes les 

plus compétents en ce qui concerne l’œuvre de Jan Čep ? Qu’est-ce qui nous fait croire 

que nous détenons la vérité contre l’opinion généralement admise ? Comment pouvons- 

nous être tellement sûr de nous à propos de la genèse de Ma Sœur l’angoisse ? C’est 

que, grâce au journal personnel de Čep, nous avons pu reconstituer les étapes différentes 

de la genèse, reconstruire l’acte créateur depuis le projet initial jusqu’à la pointe finale 

du manuscrit. Nous allons maintenant rendre compte de nos observations en suivant et 

en commentant, pas à pas, la gestation douloureuse de Ma Sœur l’angoisse. 

La première mention, vague et incertaine, portant sur ce qui deviendra Ma Sœur 

l’angoisse, est sans doute la notation dans le journal à la date du 21 avril 1960 : 

« Voudrais commencer l’autobiographie que m’a recommandé d’écrire Pierre 

656 M. Trávníček, « Postface », in : Sestra úzkost, traduit du français par V. Čep et B. Fučík, Brno, 

Proglas, 1993, p. 123. 

657 Ibid. 

269


Emmanuel il y a plus de deux ans. Mon enfance qui me paraît chaque jour [de] plus 

près. » 658 Cette première mention, sans titre ni autres précisions du projet envisagé, 

révèle cependant des informations essentielles, et notamment qu’à l’origine de 

l’ouvrage se trouvait un stimulus venu de l’extérieur. Nous apprenons que l’essai 

autobiographique fut incité par le poète français et l’ami de Čep, Pierre Emmanuel, 

probablement dans une conversation ou un échange épistolaire privé quelque part au 

tournant de 1957/1958 659 . En outre, c’est la présence de sa propre enfance qui s’annonce 

à son esprit avec de plus en plus d’insistance. Cependant, à ce moment, le projet ne 

demeure qu’en puissance, trahissant le désir profond de son auteur. 

Quatre mois plus tard, deuxième mention, cette fois-ci pourvue directement d’un titre 

Ma Sœur l’angoisse, quoique le titre en question soit débattu entre trois ouvrages 

différents, l’un déjà publié, le second étant en train d’être traduit, le troisième enfin 

marquant le projet autobiographique 660 : 

Ma Sœur l’angoisse. J’ai proposé ce titre à Demetz, pour le choix de mes proses qu’il est en train de 

traduire en allemand. Cela le fera tiquer sans doute ; cela lui paraîtra trop « subjectif », 

autobiographique. […] J’avais déjà donné ce titre au choix de mes proses parues pendant la guerre. Et 

je le reprends pour le texte que j’ai commencé aujourd’hui, sans savoir encore trop quelle forme il 

prendra : essai autobiographique ou seulement une suite de méditations personnelles ? 661 

C’est donc la date du 22 août 1960 qui est le commencement effectif de l’écriture ; le 

désir entre en acte. C’est aussi le moment de l’attribution du titre qui ne subira aucune 

modification au cours de la longue genèse du manuscrit. Si le titre paraît clair à l’auteur, 

le projet reste encore flottant, peu défini, plutôt intuitif que prémédité. C’est d’ailleurs 

répété une semaine plus tard lorsque Čep note dans son journal : 

Je néglige un peu ce cahier depuis que j’ai commencé d’écrire dans le grand cahier bleu, mon « essai 

autobiographique » intitulé provisoirement « Ma Sœur l’angoisse ». Je ne sais pas ce que cela va 

donner, je ne me suis fait aucun plan. J’ai l’intention d’avancer au hasard, au fil de mes souvenirs, des 

expériences et des préoccupations majeures de ma vie. 662 

La dernière notation de cette année-là concernant le projet autobiographique, malgré 

la stabilisation du titre et même du sous-titre (« essai autobiographique »), confirme 

658 Journal, le 21 avril 1960. 

659 Les deux écrivains ont fait connaissance en 1948 à Prague, peu avant le putsch communiste. Le récit 

de cette rencontre ne manque d’ailleurs pas dans Ma Sœur l’angoisse. 

660 En 1944 Sestra úzkost (La sœur angoisse) fut le titre d’un recueil de proses de Čep choisi et établi par 

Oldřich Králík pour les éditions Akord de Brno. En ce qui concerne la traduction allemande des nouvelles 

de Čep publiée en 1962 à Wien chez Herder Verlag, le volume porta finalement le titre différent de Zeit 

und Wiederkehr. Bilder aus Böhmen und Mähren. (Le temps et le retour. Images de Bohême et Moravie). 

661 Journal, le 22 août 1960. 

662 Ibid., le 27 août 1960. 

270


l’incertitude, sinon la perplexité devant l’entreprise à peine amorcée. Le 7 septembre il 

avoue qu’il « n’y voi[t] toujours pas très clair » et que s’il « réusssi[t] à trouver [s]on 

chemin (une sorte de méthode) tout sera à réécrire » 663 . 

Presque un an s’écoule sans qu’on puisse trouver une mention sur Ma Sœur 

l’angoisse dans le journal. Il ne faut cependant pas chercher l’explication d’une lacune 

pareille très loin. C’est sans doute qu’en dehors des vacances Čep manquait de loisirs 

pour avancer dans son autobiographie, étant submergé par ses obligations à la Radio. Ce 

n’est qu’en août 1961 que nous pouvons lire deux courtes notations au sujet du projet 

autobiographique. Les deux sont portées dans un esprit d’insatisfaction, voire presque 

de découragement. Il parle déjà d’ « un demi-échec », insinue qu’il est « resté en panne 

avec [s]on essai autobiographique » et avoue que ce qu’il avait écrit jusque là ne le 

satisfait « qu’à moitié » 664 . Pour causes, il donne d’un côté la fatigue physique qui 

l’empêche de travailler systématiquement même dans les périodes d’une liberté relative, 

d’un autre côté le sentiment que « ce n’est pas cela » 665 , trahissant clairement les 

embarras d’un auteur qui ne savait pas comment s’y prendre, où aller et comment 

continuer. 

L’année suivante nous offre une seule remarque à propos de Ma Sœur l’angoisse, 

sans que le titre fût explicitement cité. A nouveau elle est faite au mois d’août, au cours 

des vacances en Italie que la famille Čep passa en compagnie de plusieurs amis 

tchèques dont l’abbé Heidler. D’après la notation, ce dernier avait incité le « projet 

d’une rédaction en commun » 666 des mémoires de Čep. Or, la conception de Heidler, 

présumant l’établissement d’un récit strictement chronologique et doté d’un appareil 

explicatif pour le public étranger, se montra en opposition radicale avec l’intention 

auctoriale. Au point d’aggraver encore l’incertitude de Čep au sujet de ses mémoires : 

Si je suivais Dr. Heidler, il me faudrait réécrire mes textes d’une manière continue dans l’ordre 

chronologique, avec des explications à l’adresse des lecteurs peu cultivés, bref écrire un livre instructif 

et pédagogique. Il faudrait sacrifier les raccourcis qui s’enchaînent dans une logique intérieure, qui 

expriment une expérience directe, bien que souvent fragmentaire. Il me faudra renoncer, accepter 

définitivement mon destin, n’attendre aucune satisfaction personnelle de mon vivant ; il faudra 

continuer à vivre, penser, sentir et travailler pour ceux qui me liront peut-être après ma mort. 667 

663 Ibid., le 7 septembre 1960. 

664 Cf. Journal, le 23 et 27 août 1961. 

665 Ibid., le 23 août 1961. 

666 Ibid., le 17 août 1962. 

667 Ibid. 

271


A part l’accablement apparent de l’auteur malheureux, la citation nous révèle une 

information d’importance, à savoir qu’étant question de la rédaction, il est à peu près sûr 

que le texte devait toucher à sa fin. 

Enfin le 27 août 1963, Čep annonce, sur un ton neutre dans son journal l’achèvement 

de l’autobiographie : « J’ai fini mon essai autobiographique par quelques méditations, 

par une sorte de prière. Je ne vois pas pour le moment ce que je pourrais ajouter de 

plus. » 668 Ceci est confirmé aussi par une rétrospection faite le 6 février 1964 où Čep 

fait remarquer qu’au cours des vacances de l’été précédent il avait fini sa « série 

d’essai[sic] autobiographique[sic], qui a pour titre ‘Ma Sœur l’angoisse’ » et qu’il 

« avai[t] commencée il y a presque quatre ans » 669 . 

Résumons l’essentiel de ces passages parcourus dans le journal personnel de Čep. La 

période réelle pendant laquelle Čep a écrivit Ma Sœur l’angoisse se situe entre août 

1960 et 1963. Ceci dit, nous ne prétendons pas qu’il n’aura plus du tout touché le 

manuscrit. Il est tout à fait probable qu’au cours des années suivantes, il se soit décidé à 

retoucher certains passages, peut-être même à remanier légèrement l’ordre du récit dans 

la dernière section (Ici et là-bas), notamment suite aux recommandations des lecteurs 

auxquels il a soumis l’ensemble du manuscrit. Mais, en aucun cas, il ne s’agit plus de 

remaniements substantiels, de corrections d’envergure comme par exemple l’ajout d’un 

chapitre etc. L’ensemble du texte depuis le début jusqu’à la fin (série de quelques 

méditations achevée par une prière intime) fut déjà donné en 1963 comme le confirment 

non seulement la notation citée plus haut, mais également la publication d’extraits du 

manuscrit dans la revue Arena en 1964, reprenant déjà la totalité du récit, y compris la 

prière conclusive. Les années 1964-1965 indiquées communément comme la période de 

création ne sont plus dorénavant plausibles. 

Une autre constatation porte sur la durée de la genèse de Ma Sœur l’angoisse. Il 

s’agit d’un manuscrit dont la gestation et la création furent les plus douloureuses et les 

plus longues de toute la carrière littéraire de Čep. Sans compter les petites retouches 

probables (1964-66) l’écriture s’est étendue sur 3 ans, période qui dépasse au moins 

d’un an la durée de l’écriture du roman La Frontière de l’ombre (à peu près deux ans). 

L’écriture prolongée, sans doute à cause des conditions pour ainsi dire externes 

668 Ibid., le 27 août 1963. 

669 Ibid., le 6 février 1964. 

272


(manque de loisirs, fatigue) mais aussi par l’absence d’un projet prémédité et clairement 

défini. D’où aussi un caractère fragmentaire dû non seulement aux longues périodes de 

non-écriture (nous avons pu voir que Čep l’écrivait presque exclusivement pendant les 

mois de son congé) mais surtout à l’impossibilité, à la répugnance pour tout projet 

synthétique ou globalisant qui n’était pas dans la nature de l’écrivain Čep qui, même 

dans ses fictions, favorisait la composition fragmentaire. C’est dans cette perspective du 

fragmentaire délibéré et non de l’inachèvement qu’il faut appréhender aussi le sous-titre 

Fragments d’un essai autobiographique. C’est le fruit de l’écriture fondée sur le libre 

jeu de souvenirs et d’associations, sur cette « intention d’avancer au hasard » dont le 

résultat semblait aux lecteurs parfois peu satisfaisant par le manque d’équilibre dans la 

composition et par le décousu volontaire 670 . Il ne faut pas non plus oublier quelle était la 

conception de la mémoire humaine chez Čep. Celle-ci est faillible, regorge de trous, de 

lacunes, ne rend la vie que par fragments, par petites miettes. D’autant plus chez 

quelqu’un pour qui la vie humaine ne représente pas une suite cohérente de jours reliés 

par une logique de cause à effet, mais fait plutôt figure d’ « un rêve sans consistance, un 

conte invraisemblable – un continent à demi submergé ou plutôt transfiguré et monté au 

ciel » 671 . Dans l’autobiographie qui est un genre basé sur la véracité des choses, on ne 

doit pas tricher. L’écrivain ne peut qu’humblement suivre sa mémoire lacunaire sans 

pouvoir recourir à l’affabulation. La meilleure preuve en est d’ailleurs donnée 

directement dans Ma Sœur l’angoisse. En amenant le lecteur à ses premiers souvenirs, 

l’auteur dans un paragraphe transitoire (entre les éclairs de souvenirs les plus lointains 

et la description détaillée de l’univers de son enfance) explicite sa conception de la vie 

humaine en même temps qu’il laisse entrevoir quel sera son projet d’écriture : 

Les souvenirs d’une vie ne peuvent constituer une histoire cohérente, même pas un ensemble 

d’histoires. La plupart du temps, ce ne sont que de courtes lueurs jetées par-ci par-là au gré des routes, 

comme des rayons de soleil dans l’herbe, sous les arbres, des fragments de visions ou de paroles, 

quelques gestes presque effacés, quelques échos de voix lointaines. Il faudrait en découvrir le sens et 

l’homogénéité secrète, les relier entre eux, trouver leur centre de gravité, leur point de convergence. 

Rien n’a été, sans doute, abandonnée[sic] au hasard, mais rien non plus n’a été décidé d’avance… 672 

670 Dans une lettre à Mojmír Trávníček, Bedřich Fučík éreinte sévèrement Ma Sœur l’angoise. Il lisait le 

manuscrit à Paris en 1966 au cours de sa visite chez l’infirme Čep et il avoue avoir du mal à lui cacher sa 

déception. Citons ses impressions, comme il les révèle à son ami Trávníček : « [F]ragment fait à la hâte, 

sans composition préméditée habituelle, fragment s’envolant au début de longue haleine et par rapport 

aux chapitres suivants tout à fait disproportionné et précipitant ensuite pêle-mêle aux diverses et simples 

mentions […] » Listovní příležitosti, Olomouc, Aluze, 2003, p. 187. 

671 Ma Sœur l’angoisse, version originale française dactylographiée consultée aux archives de V. Peška, 

p. 23. 

672 Ma Sœur l’angoisse, op. cit., p.15. 

273


Néanmoins, comme souvent, la réalité diffère ici sensiblement des propos déclarés. 

De toute façon, l’écriture de l’autobiographie ne se fondait pas uniquement sur des 

souvenirs flottants, sur une rêverie innocente, mais s’appuyait également sur le journal, 

c’est-à-dire une mémoire cultivée, fixée par écrit. Nous sommes donc témoins d’un 

procédé, finalement assez courant dans la littérature, qui consiste à reprendre des 

passages du journal personnel pour les insérer, d’une manière décalée, dans un récit 

autobiographique. Ces reprises sont repérables aussi chez Čep. Les passages du journal 

entrent dans le corps de Ma Sœur l’angoisse souvent quasiment à l’identique, ne 

subissant que des transpositions stylistiques cosmétiques. Il est difficile de déterminer si 

et dans quels cas et mesure Čep utilisait son journal personnel en tant qu’ « atelier 

d’écriture » et où il s’appuyait sur son journal pour simplement mieux se remémorer le 

passé. Ces ressemblances vont de la simple phrase jusqu’aux coupes de plusieurs 

alinéas, voire de pages entières. Ainsi dans une notation de mars 1960 Čep, sortant 

d’une crise spirituelle après avoir traversé une période de sécheresse, s’efforce-t-il de 

vivifier et de reconquérir sa foi. Sa réflexion est de temps en temps coupée par une sorte 

de prière éclaire : « Seigneur, donnez-moi le sentiment de Votre présence ! Vous êtes la 

voie, la vérité, et la vie ! » 673 Cette invocation du Seigneur, composée d’une imploration 

de sa présence et d’une citation de l’Evangile, est insérée sous une forme quelque peu 

élargie dans le dernier paragraphe de la prière clôturant Ma Sœur l’angoisse : 

Seigneur Jésus-Christ, qui êtes la voie, la vérité et la vie […] Soyez-moi de plus en plus présent 

pendant cette dernière étape de ma route terrestre, et aidez-moi à être de plus en plus présent à 

Vous. 674 

Ailleurs, ce sont de longues scènes entières qui entrent dans l’autobiographie, après 

avoir déjà été le sujet des rétrospections dans le journal. Il s’agissait, entre autres, du 

récit de l’agonie de son père, de plusieurs souvenirs de l’enfance, du bilan de son amour 

pour Jitka Fučíková, des passages d’introspection censés redresser l’équilibre de sa 

situation intérieure 675 . 

Enfin, il reste à remarquer une particularité planant au-dessus de la dernière période 

de la création de Čep. En préparant les ouvrages d’exil pour l’édition samizdat dans les 

années 1980, Mojmír Trávníček s’aperçut que des passages entiers d’Un Pèlerin sur la 

673 Journal, le 11 mars 1960. 

674 Ma Sœur l’angoisse, op. cit., p. 194. 

675 Une fois, au début du chapitre final « Ici et là-bas », Čep cite explicitement un long extrait du journal, 

dans lequel, inspiré par la lecture d’une des nouvelles de sa jeunesse, il fait une analyse critique de sa 

création. Notation du 22 octobre 1960. 

274


terre (Rome, 1965) sont identiques aux sections finales de Ma Sœur l’angoisse 

consacrées aux années de l’exil. Ainsi observe-t-on une dialectique mystérieuse entre 

trois écrits distinctifs : journal intime, Un Pèlerin sur la terre – recueil de textes intimes 

choisis des méditations diffusées à Radio Free Europe et Ma Sœur l’angoisse – 

autobiographie posthume. Certains passages repris du journal sont « recyclés » dans les 

deux autres ouvrages, d’autres n’entrent que dans l’un ou l’autre. Si la section finale 

d’Un Pèlerin sur la terre est directement constituée de « fragments du journal » 

authentiques et non remaniés, dans Ma Sœur l’angoisse les mêmes notations 

journalières subissent, pour peu que ce soit, le travail de stylisation, le jeu de l’écriture. 

Quoi qu’il en soit, il est clair que le journal personnel servait à Čep de réservoir de 

sujets pour les textes à caractère intime, qu’il était susceptible de les reprendre à 

plusieurs reprises et de les réemployer dans les livres différents. 

VI.1.2 . Les problèmes de l’édition 

Lorsque nous traitons de la genèse, c’est-à-dire du processus de mûrissement du 

texte, il convient de soulever un problème apparenté qui est celui de l’édition. Dans les 

conditions habituelles, c’est l’auteur lui-même qui établit la version définitive, 

canonique, qu’il soumet à l’éditeur, qui pour sa part peut encore suggérer quelques 

retouches ou modifications. Or, nous savons que Ma Sœur l’angoisse ne fut jamais 

publiée dans sa totalité du vivant de Čep. Comme dans toute œuvre posthume il est 

difficile de démêler dans l’ouvrage publié l’intention et la volonté auctoriales des 

interventions de l’éditeur. Le résultat acquis, voué aux lecteurs, serait-il le même si 

l’auteur pouvait encore influer sur la publication du livre ? Nous allons nous borner à 

quelques remarques brèves. 

Au grand étonnement de nombreux lecteurs tchèques Ma Sœur l’angoisse fut écrite en 

français et destinée au public français. A l’instar de Bedřich Fučík, plusieurs se posaient 

la question de savoir quelles étaient les raisons qui avaient conduit Čep à rédiger sa 

confession la plus intime dans une langue autre que sa langue maternelle et à l’offrir à 

275


un public qui montrait envers lui et son œuvre une indifférence exemplaire 676 . Se 

manifestèrent même des voix prétendant que Čep, connaissant l’indifférence glaciale 

des éditeurs français à l’égard des traductions de ses nouvelles, conçut son 

autobiographie pour l’entourage le plus proche, pour sa famille, afin qu’elle prenne 

conscience de ce qu’il était et de ce qu’il représentait 677 . Or notre explication est plus 

prosaïque. A notre avis, Čep poursuivait, en dépit de toutes ses expériences négatives, 

son effort pour se faire connaître dans sa patrie d’adoption. Incité par Pierre Emmanuel, 

encouragé par Gabriel Marcel, il pouvait porter une flamme d’espoir, fût-elle des plus 

faibles, pour une publication éventuelle de ses mémoires. En effet la matière n’aurait 

pas manqué. Les témoignages sont d’ailleurs connus que Ma Sœur l’angoisse avait pour 

but de soutenir et d’augmenter ses chances de pénétrer dans les maisons d’éditions 

françaises 678 . N’ayant pas à disposition des jugements de lecteurs des différentes 

maisons d’éditions auxquelles Ma Sœur l’angoisse fut proposée, nous ne pouvons que 

deviner les raisons de l’évident échec. Une raison tenait sans doute dans le manque de 

notoriété de Čep dans le milieu littéraire français, ceci étant pour le genre 

autobiographique rédhibitoire. Comme le rappellent judicieusement Jacques Lecarme et 

Eliane Lecarme-Tabone, la notoriété de la personne est souhaitée par les éditeurs des 

écrits autobiographiques, puisque le public doit être susceptible de bien identifier une 

référence hors-texte. Elle rend ainsi possible la procédure de « vérification publique », 

car « elle apporte la certitude qu’il s’agit d’une personne réelle dotée d’une existence 

extratextuelle, et par conséquent elle atteste la nature autobiographique de l’écrit » 679 . 

Un autre prétexte put être le français trop « ordinaire » de Čep, l’éloignant d’un style 

littéraire élevé en français. C’est au moins l’impression de Václav Čep après la lecture 

des mémoires de son frère : « Cela me paraissait beau, mais ce serait plus beau en 

tchèque. C’est un français ordinaire, ce n’est pas lui. » 680 

676 Dans la même lettre à M. Trávníček, B. Fučík multiplie les points d’interrogation : « pour qui l’a-t-il 

écrit ? Pour les Français ? Pourquoi pour eux, les indifférents ? Et justement chez eux ces généralités 

devaient tomber à travers puisqu’ils n’y pouvaient pas comprendre les fils qui s’enchaînent et les 

correspondances, qui manquent d’autant plus à nous qui nous doutons des événements beaucoup plus 

importants derrière et que ces précipitations avouent. » 

677 Cf. I. Slavík, « Život se sestrou úzkostí » (La vie avec la sœur l’angoisse), Tváře za zrcadlem (Visages 

derrière le miroir), Praha, Vyšehrad, 1996, p. 233. 

678 Cf. par exemple les souvenirs de Leo Gruber (inédits) ou l’article d’Alexandre Heidler, « Jan Čep 

a francouzská literatura » (Jan Čep et la littérature française), České slovo, 26, n° 1 (janvier), 1980, p. 6. 

679 Cf. J. Lecarme, E. Lecarme-Tabone, L’autobiographie, 2 e éd., Armand Colin, 2004, p. 80. 

680 « Připadalo mi to krásné, ale pěknější by to bylo v češtině. Je to obyčejná francouzština, to není on. », 

T. Pěkný, P. Feldstein, « A jsem mu řekl, aby šel… Rozhovor s Václavem Čepem », Student, n° 31, 

le 31 juillet 1968, p. 6. 

276


Une autre difficulté est soulevée par Maurice Nédoncelle dans une lettre du 10 avril 

1964 adressée à Čep. Le philosophe français y fait part de ses impressions après la 

lecture de l’ « admirable autobiographie » de l’écrivain tchèque. Il apprécie sincèrement 

« ce document humain » auquel il attribue « une valeur religieuse et artistique qui émeut 

profondément ». A part « deux ou trois répétitions apparentes auxquelles il faudrait 

remédier », il y a, selon M. Nédoncelle, un problème beaucoup plus grave qu’il nomme 

la « transparence désarmante » de Čep. Suivons un peu son raisonnement : 

« Précisément parce que vous ne pouvez vivre que dans la confiance et la noblesse, vous 

considérez tout lecteur comme un frère, et vous lui dites tout. » 681 Il poursuit en 

exposant sa propre conception qui est contraire à celle de Čep surtout par le fait de 

mettre une distance entre le sujet écrivant et le public. D’après lui, il faut davantage se 

méfier du public, ne pas s’épancher entièrement : 

A la manière des classiques et des anglais[sic], je pense que la vie privée doit être soustraite aux 

regards profanes, surtout si elle met en cause d’autres personnes vivantes ou récemment disparus. 

C’est une conception contestable, certes, puisque si j’avais été l’ami de Saint Augustin je lui aurais 

conseillé de laisser ses Confessions hors commerce ! En outre, je me rends compte que si vous retirez 

de votre récit certains faits par discrétion, vous l’affadirez et le dénaturerez. 682 

Et il propose à Čep deux variantes de solution. Soit il peut « publier sous forme 

d’articles certains passages et attendre dix ou vingt ans pour publier l’ensemble » soit il 

transpose le récit autobiographique en matière d’un roman : 

La substance serait identique, mais il y aurait un voile. […] Cette transposition vous donnerait des 

libertés, mais ne vous imposerait pas d’immenses remaniements, surtout si vous laissiez parler parfois 

votre héros à la première personne. 683 

Nous savons déjà que Čep opta pour la première résolution en publiant des morceaux 

choisis dans la revue du P.E.N Club internationale Arena. Il reste que cette franchise 

absolue, cette conception trop intimiste vis-à-vis du public, pouvaient être pour quelque 

chose dans le refus du manuscrit par les maisons d’édition françaises. 

Passons de la question du public et de la version originale à l’édition tchèque. Deux 

sortes de questions sont envisageables : l’enjeu de la traduction et l’enjeu de la 

préparation éditoriale. Les deux se réunissent sous un dénominateur commun – la 

681 M. Nédoncelle à J. Čep, le 10 avril 1964. 

682 Ibid. 

683 Ibid. 

277


fidélité au texte original. Le travail des traducteurs (Václav Čep avec l’aide de Bedřich 

Fučík) est en général fort bon, la traduction n’a presque pas dû subir de modifications 

depuis la première édition romaine en 1975 jusqu’aux éditions des années 1990. Quant à 

la fidélité à l’original français, quelques remarques s’imposent. Ça et là, les traducteurs 

omettent des mots qui dans la version tchèque sonneraient faux ou seraient inutiles. Ce 

sont pour la plupart des répétitions maladroites, des pronoms démonstratifs, des détails 

jugés accessoires pour le public tchèque. 

Cependant il y a des passages où la traduction se montre plus discutable. Par 

exemple, l’histoire du mot « hérétiques » 684 attribué dans le texte original aux 

personnalités de Jean Hus et Comenius et supprimé dans la traduction. Le terme était 

jugé par les traducteurs probablement trop fort, voire suranné et même incorrect après la 

révision de l’Eglise catholique (y compris sa relation à l’égard des autres confessions) 

durant le Concile Vatican II. 

Il y a aussi des traductions tout simplement erronées. C’est le cas par exemple du 

segment « il continuait à pratiquer » exprimant l’idée que le frère de l’auteur, Václav, ne 

subissait pas une crise de foi et continuait à pratiquer même à l’université. La traduction 

fit de lui un « praktický katolík » (catholique pratique) au lieu du correct « catholique 

pratiquant ». Plus d’une fois, il est arrivé aux traducteurs de décaler (consciemment ou 

non ?) le sens des énoncés čepiens d’une manière plus grave. A l’endroit où Čep décrit 

l’éveil de ses sens dans la puberté, il fait comprendre qu’il était un « enfant 

naturellement timide, d’une constitution nerveuse extrêmement fragile, presque 

maladive » 685 . Or dans la traduction tchèque – nous ignorons pourquoi – la fragilité des 

nerfs est remplacée par la fragilité corporelle, physique (la « constitution nerveuse » est 

substituée par « tělesná konstrukce » (constitution physique)). Encore un exemple. Dans 

le chapitre « Premiers souvenirs » Čep décrit les visites dominicales qu’il faisait avec sa 

mère, et plus tard seul, chez les grands-parents maternels et avoue le bonheur qu’il y 

ressentait. Après la mort des grands-parents, leur maison a été vendue. Le chapitre se 

clôt par la phrase suivante : « S’il m’arrivait encore de passer par ce pays, je faisais un 

long détour pour ne pas avoir à faire face aux fenêtres éteintes, au paradis dévasté. » 

Pourquoi, dans la traduction tchèque le « paradis dévasté » fut-il remplacé par 


685 Ibid., p. 42. 

278


« ztracený ráj » (paradis perdu) ? Il n’empêche que de tels lapsus sont plus que rares et 

on pourrait les compter sur les doigts d’une main. 

Enfin ajoutons quelques remarques au sujet de la préparation éditoriale, notamment 

des interventions des éditeurs. Elles sont doubles. D’un côté, elles consistent à 

segmenter le texte en y introduisant des points d’articulation. Ce travail vise à rendre le 

texte plus clair, mieux structuré en fonction de sa logique interne. C’est le cas surtout de 

la segmentation du chapitre trop long intitulé dans l’original « Ma foi » et divisé par 

Čep dans deux parties indiquées par les chiffres romains I et II. Dans la version tchèque, 

ce chapitre se voit divisée en trois chapitres distincts ainsi titrés : « Ma foi », « Cité de 

Dieu », « Université ». 

D’un autre côté, la question de la censure et/ou de l’autocensure mérite notre 

attention. Il est connu que l’édition romaine a censuré certains passages du texte 

original. C’est le cas des passages qui parlaient des personnes vivant en 

Tchécoslovaquie et qui étaient susceptibles de leur apporter des ennuis, voire de les 

exposer à un réel danger de la part du régime communiste. Mais ce sont aussi des 

passages qui, en parlant de personnes vivantes, pouvaient incommoder ou sembler 

indiscrets à ces personnes ou à leur famille. Parfois les deux raisons se rejoignent. Ainsi 

presque une dizaine de lignes décrivant la situation de la famille du frère Václav, avant 

tout les difficultés précédant le mariage de ce dernier qui avaient pour cause l’athéisme 

de sa future femme 686 . En outre, certains passages omis l’étaient probablement pour des 

raisons, pourrait-on dire, de bienséances. En effet, à plusieurs reprises où Čep confesse 

ses chutes et peccadilles morales, ses manquements de volonté le plus souvent dans le 

domaine de la chair, ces endroits sont dans l’édition tchèque coupés. Par qui et quand ? 

Nous ne saurons trancher. Il est possible qu’il s’agisse là d’interventions des traducteurs 

et/ou éditeurs qui n’osaient pas dévoiler au public de telles déclarations jugées tabou. 

Tout aussi bien ce put être Čep lui-même qui, pendant des corrections ultérieures, coupa 

les passages en question. Pour en donner l’illustration, prenons l’exemple aux pages 42- 

43 et 130 du texte original français 687 . Lorsque Čep raconte l’éveil des sens et la 

686 Cf. Ma Sœur l’angoisse, op. cit., p. 32. 

687 Nous appelons texte original le tapuscrit français qui a été conservé dans les archives de V. Peška, dont 

nous possédons la copie. Le texte même révèle de nombreuses difficultés puisqu’il comprend une bonne 

quantité de corrections, retouches, biffures, etc. dont il n’est pas toujours facile de deviner l’exécutant. 

Parmi les corrections, à part celles de l’écriture de Čep et de sa femme Primerose, que nous reconnaissons 

279


découverte de la sexualité chez un garçon de 13 ans, deux séquences sont supprimées. 

D’abord l’anticipation de l’expérience qui devait marquer la personnalité de Čep : « Je 

touche ici à l’expérience douloureuse qui m’a marqué longtemps et sur laquelle je 

n’aime pas revenir, même en pensée, car cela a été pour moi un désastre. » 688 A la page 

suivante, il y revient dans un paragraphe entier à nouveau, bien que l’original nous 

montre le passage biffé : 

Ce fut le début des désordres les plus funestes. D’un côté ma timidité, ma chasteté naturelle, le 

sentiment du péché, de l’autre une curiosité et une imagination effrénée, l’avant-goût d’une volupté 

indicible ; commencement des crises morales, des drames intérieurs qui m’ont ravagé jusqu’à mon âge 

mûr… 689 

De même, à la page 130, deux lignes représentant le dernier segment souligné de la 

phrase complexe sont raturées et par la suite non reprises dans les éditions tchèques : 

Seulement bien plus tard […] je devais me rendre compte à quel degré je me trompais ; qu’il y a des 

manquements qui ne se rattrapent jamais ; que même des pensées impures et des lâchetés morales 

laissent une trace qui marquent pour toujours la conscience intérieure. 690 

De tels aveux liés à la découverte de la sexualité et l’accentuation constante de ses 

conséquences sous la forme des ravages moraux et psychiques nous font 

irrésistiblement penser à Julien Green dont l’œuvre entière pose le problème de la 

querelle entre la pureté et la sensualité pécheresse. 

Si les éditions tchèques d’après 1989 corrigent l’édition romaine en insérant la 

plupart des parties manquantes, elles ne la complètent pas pour autant entièrement, 

malgré l’affirmation contraire de Mojmír Trávníček 691 . Trois occurrences, allant d’une 

demi-phrase jusqu’à plusieurs alinéas, font défaut dans les deux éditions tchèques 

récentes. Deux éliminations courtes renvoient à la francophilie de l’auteur, peut-être 

dans le but de le rendre plus familier au public français. C’est d’abord un alinéa où Čep 

souligne, mais d’une manière malheureusement trop abstraite et générale, ses nouvelles 

amitiés françaises qui se sont nouées autour de l’Institut français de Prague dans les 

aisément, il y a des modifications abondantes (et probablement postérieures) faites par une main inconnue 

de nous. Force est de constater qu’aucune étude textuelle (génétique) sérieuse et approfondie ne peut être 

réalisée sans consultation du manuscrit autographe (dont nous ne disposons pas) et peut-être d’autres 

versions dactylographiées de l’ouvrage. 

688 

Ma Sœur l’angoisse, op. cit., p. 42. 

689 

Ibid., p. 43. 

690 

Ibid., p. 130. 

691 

Celui-ci dans la note de l’édition tchèque de 1994 assure : « Nous avons complété tous les endroits que 

l’édition romaine avait éliminés pour des raisons diverses. […] le lecteur a dans ses mains la version 

intégrale de l’essai autobiographique de Čep. » Note d’éditeur, in : Sestra úzkost, Brno, Prohlas, 1993, 

p. 126. 

280


années d’après-guerre (p. 144). Puis, dans un des fragments formant la dernière section 

du livre titrée « Ici et là-bas » où Čep fait l’éloge de son pays, la première partie 

soulignée de la phrase suivante ne se trouve pas dans les traductions tchèques : « Pour 

répondre au défi de Danton, jeté à la face des émigrés français, je porte toujours son sol 

[celui du pays natal] collé à mes semelles. » 692 Il est probable que ces deux passages 

finalement éliminés furent jugés par les éditeurs sans intérêt particulier pour le lecteur 

tchèque. 

Le cas de la troisième suppression est plus compliqué puisque la personne d’un des 

traducteurs, Bedřich Fučík en l’occurrence, y est directement impliquée. Sur l’étendue 

de plusieurs pages Čep raconte son amour pour Jitka, la fiancée et future femme de son 

ami Bedřich. Une conjecture assez naturelle s’impose : Fučík, considérant certains 

épisodes du récit de Čep comme une atteinte indiscrète à sa vie et à celle de sa famille 

les a censurés tout simplement. Du reste les deux extraits, qui ne renvoyaient pas de lui 

une image très flatteuse (ils font allusion à sa nature impulsive, brutale), ont pu 

provoquer un mouvement de jalousie ou d’irritation. Et comme c’est lui qui avait, en 

tant que personne prioritaire (l’un des plus proches amis de l’auteur de l’auteur décédé 

et l’un des traducteurs de l’ouvrage) sinon le dernier mot, du moins une voix 

importante, il lui était certainement facile de faire deux petites excisions au cours de 

l’établissement de la version définitive du texte. Faisons-nous donc l’honneur de publier 

pour la première fois ces deux inédits, le premier décrivant une entrevue de l’auteur 

avec la tante de la fiancée : 

Quelques jours seulement avant le mariage, je suis allé voir la tante, pour ramener les deux fiancés 

chez nous. Elle me dit tout à coup, en présence de sa nièce, à peu près ceci : « Vous savez, elle vous 

aime beaucoup, elle vous préfèrerait peut-être à lui ; mais vous le connaissez, il serait capable de la 

tuer… » Cela fut dit sur un ton mi-sérieux, mi-plaisant, et nous avons fini par en rire tous les trois ; 

mais j’en ai été profondément troublé. Lui, le fiancé, mon ami, arriva à ce moment même. – 

Ce fut peut-être la dernière fois que je vis la tante, avant de sentir le poids mort de son corps, la 

soutenant sous les genoux pour la transporter de son lit à la petite salle. 693 

Le second marque une sorte de refroidissement de ses rapports avec le couple de 

jeunes mariés dans les années suivant le mariage : 

Chaque fois d’ailleurs que je montrai un certain intérêt pour une autre [que Jitka], je sentais chez mon 

amie – et même chez son mari – comme un mouvement de jalousie et d’amertume, marqué par une 

légère moquerie. 694 


693 Ibid., p. 126-127. 

694 Ibid., p. 127-128. 

281


Nous voilà arrivé à la fin de cette partie laborieuse consacrée à la genèse et à 

l’établissement de Ma Sœur l’angoisse, l’essai autobiographique posthume de Jan Čep. 

Une fois faites ces énumérations un peu fastidieuses que nous avons cependant jugées 

nécessaires pour faire mieux comprendre la gestation de l’original, de même que la 

préparation de l’édition tchèque. A présent, enfonçons-nous plus dans les terrains plus 

captivants de l’herméneutique et de l’interprétation. 

VI.2. Analyses et interprétations littéraires 

VI.2.1. Résumé de Ma Sœur l’angoisse 

Jan Čep commença son autobiographie à l’âge de cinquante-sept ans soit sept ans 

après la cinquantaine qui est prise pour « l’âge sacré pour la décision de faire de sa vie 

un livre » 695 . Ma Sœur l’angoisse remplit les conditions habituelles de l’autobiographie 

définies par Philippe Lejeune. Nous y retrouvons l’identité de l’auteur, du narrateur et 

du personnage. Nous ne doutons pas de l’existence réelle de Jan Čep, ni de l’effort de 

celui-ci en termes de véracité des faits racontés et de sincérité de son propos, ce qui 

correspond à une autre partie constituante de l’autobiographie. Présentons tout d’abord 

brièvement le texte du point de vue de son contenu. 

Ma Sœur l’angoisse est constituée par une sorte d’introduction suivie de neuf 

chapitres, dont deux ont été détachés, comme nous l’avons déjà dit, artificiellement par 

les éditeurs 696 . Les chapitres portent les titres suivants : « Premiers souvenirs », 

« Premiers visages », « Ma foi », (« Cité de Dieu »), (« Université »), « Chez Joseph 

Florian », « Prague 1927-1939 », « La guerre et l’après-guerre », « Ici et là-bas ». 

A regarder les titres, on s’aperçoit que le récit ne se soumet pas à l’évolution strictement 

chronologique mais qu’il combine le point de vue chronologique et le point de vue 

thématique. A dire vrai, c’est uniquement le chapitre « Ma foi », qui dans le projet 

auctorial incluait aussi les deux chapitres suivants, qui s’écarte de l’ordre 

695 Selon J. Lecarme, E. Lecarme-Tabone la cinquantaine représente l’âge propice à l’autobiographie : « Il 

est probable que la cinquantaine constitue le pivot de la vie, et qu’elle combine au mieux le rétrospectif et 

le prospectif. » Cf. J. Lecarme, E. Lecarme-Tabone, L’aubobiographie, op. cit., p. 128. 

696 Dans l’énumération des chapitres nous les mettons entre parenthèses. 

282


chronologique, subordonnant celui-ci au plan thématique, dont le sujet sera l’évolution 

de la foi personnelle. Ce n’est que par une intervention postérieure des éditeurs que la 

conception chronologique sera renforcée. 

Essayons de présenter avec la sobriété nécessaire l’ « histoire » ou le contenu de 

Ma Sœur l’angoisse. Dans le chapitre « Premiers souvenirs » Čep se remémore le passé 

le plus éloigné, obscur, sans contours précis, où se mêlent parfois sa mémoire 

personnelle et les propos le concernant transmis par les autres. S’enchaînent 

successivement le souvenir improbable, puisque situé à l’âge d’un peu plus d’un an, 

d’une photo envoyée par le père de Cracovie où ce dernier faisait son service militaire ; 

l’anecdote de la chute dans la mare de purin ; plus significatif, le souvenir de sa 

première rencontre avec la mort – son petit frère Antoine mort né ; encore deux ou trois 

autres expériences de la mort (mort d’un camarade de classe, d’un garçon bossu tenant 

des propos blasphématoires) et dont découlera la prise de conscience du caractère 

mortel de l’homme ; enfin une description poétique de l’univers heureux de l’enfance 

dans la famille. Le chapitre « Premiers visages » poursuit dans la peinture de l’univers 

familial et familier de l’enfance. Aux souvenirs innocents et heureux de cette enfance 

« baignée » dans l’atmosphère de l’amour (« Nous nous aimions, sans doute, et 

probablement plus qu’on ne s’aimait dans d’autres familles autour de nous. » 697 ) se 

mêlent déjà des présages tragiques, ou au moins déconcertants : querelles parentales 

rudes (« Inutile de dire que mon enfance – et peut-être ma vie entière – en a été 

profondément marquée. » 698 ) ; découverte troublante de la différence par rapport aux 

autres qui devient une source durable à la fois d’une « timidité vulnérable » et d’un 

sentiment de supériorité, « d’un certain narcissisme spirituel » ; mobilisation et départ 

du père au front, terreurs de la Grande Guerre adoucies cependant par l’amour acharné 

des études, de la lecture ; éveil des sens et découverte encore plus troublante et lourde 

de conséquences de la sexualité suivie des premiers essais amoureux plus que timides. 

Le chapitre « Ma foi » (qui dans la version originale contenait également les chapitres 

« Cité de Dieu » et « Université ») rend compte de « la piété presque innée » de l’auteur, 

de ses états d’exaltation vécus à proximité de l’autel en tant qu’enfant de chœur ; décrit 

le cours des fêtes de l’année liturgique qui ont joué sur la sensibilité du garçon, mais 

aussi les tourments d’une conscience scrupuleuse à outrance, le sentiment de culpabilité, 

de non pardon, de rémission impossible. Un espace considérable est consacré à la crise 


698 Ibid., p. 33. 

283


religieuse qui s’est manifestée après la libération de 1918 au cours des études au lycée 

libéral et qui s’est prolongée jusqu’aux dernières années universitaires. Dans ce plan 

apparaît aussi l’évocation de ses doutes et de l’incertitude concernant la vocation 

religieuse qui va se répéter jusqu’aux années de l’exil. Čep résume très sommairement 

ses années d’études universitaires (quatre ans sur trois pages seulement), papillonnant 

d’un fait à l’autre sans vraiment en épuiser l’importance et la profondeur, sans s’y 

attarder plus longtemps. Pourtant la période ne manque pas d’informations intéressantes 

comme l’influence de F. X. Šalda (sans même l’identifier explicitement), les rencontres 

avec l’écrivain Jaroslav Durych, ses premières publications signées de son propre nom. 

Le chapitre « Chez Joseph Florian » nous amène au carrefour décisif de la vie de 

l’auteur. Čep y aborde le court séjour chez Florian à Stará Říše qui a revêtu pour lui une 

importance capitale puisque c’est là où sa foi est reconquise. Cependant la remise 

d’aplomb sur le plan spirituel est contrebalancée par l’histoire de sa séduction 

anecdotique par la sœur de Florian, deux fois plus âgée que lui, et qui met un terme à sa 

vie d’ermite. Suit le chapitre « Prague 1927-1930 » relatant, en reprenant les mots de 

Čep lui-même, « l’époque centrale de ma vie » pendant laquelle il est devenu un 

écrivain réputé (« J’ai écrit pendant ces douze années la plupart de mes livres, ma 

réputation s’est établie, je suis entré dans les manuels littéraires »). Malgré cette 

constatation, le lecteur apprend très peu, et encore une fois d’une manière très 

sommaire, de sa vie d’écrivain, de son travail, de sa création, de l’écriture, de la vie 

littéraire de l’époque. Au contraire, c’est la crise sentimentale sous la forme de l’amour 

platonique pour la femme de son ami qui se voit développée. Sur un espace assez large, 

l’auteur revient aussi sur son amitié avec Bernanos, évoquant leurs rencontres 

successives depuis la première à Paris en 1928 jusqu’au dernier séjour commun à Palma 

de Majorque en 1935. L’avant-dernier chapitre « La Guerre et l’après-guerre » écarte 

très rapidement la période de la Seconde Guerre mondiale pour se tourner vers les trois 

ans de semi-liberté 1945-1948. L’auteur porte une attention prioritaire sur ses voyages à 

l’étranger en Italie où il assista au Congrès Pax Romana, puis à Paris au Comité 

catholique de l’Unesco. Čep n’oublie pas d’évoquer les jours passés en compagnie de 

Pierre Emmanuel et de Graham Greene à Prague juste avant le putsch communiste. Six 

dernières pages sont vouées au récit de l’évasion illégale à travers les frontières où 

s’entremêlent le comique spontané et le ton sérieux d’une décision irréversible. Le 

dernier chapitre intitulé « Ici et là-bas », formé de onze fragments numérotés, diffère 

sensiblement du reste du livre. Le récit se perd de plus en plus au profit de l’élément 

284


méditatif pour aboutir à la fin à des réflexions intimes, jusqu’à la prière conclusive. 

C’est là, comme nous l’avons déjà remarqué, que des passages entiers sont identiques 

aux textes du livre Un Pèlerin sur la terre publié à Rome en 1965. 

Au niveau des proportions, de la relation entre le temps du récit et le temps de 

l’histoire, on réalise vite qu’il n’y a pas d’équilibre entre les différentes tranches de vie 

de l’auteur. Si la totalité du livre comprend un peu moins de deux cents pages dans 

l’original dactylographié (ce qui fait à peu près cent quinze pages dans le volume VI des 

Œuvres, Un Pèlerin sur la terre), plus de la moitié est consacrée à la période de 

l’enfance et de l’adolescence. Pour Čep, comme pour tant d’autres, c’est une étape 

décisive de la formation de la personnalité. C’est de cette enfance rayonnant d’ « une 

atmosphère qui enveloppait toute la vie quotidienne, dans laquelle tout baignait » qu’est 

sortie « comme d’un germe » sa vision adulte du monde. Aussi la méthode de la 

narration change-t-elle en fonction de différents âges racontés. Lorsque l’auteur rend 

compte de sa vie d’enfant, il a souvent tendance de se mettre dans la peau d’un petit 

garçon, il voit avec ses yeux, éprouve ses joies et ses douleurs, bref il tend à supprimer 

la distance qui sépare le moi racontant du moi raconté. Il y a des moments où l’auteur se 

met à écrire à la 3 e personne (c’est-à-dire à parler de soi comme d’un autre), qu’il fait 

comme s’il écrivait un roman. Les petites aventures enfantines sont revécues en petit 

garçon dans l’imagination de l’auteur, puis sont encore souvent évaluées au niveau des 

conséquences par le narrateur adulte. Cette « revisitation » de l’enfance donne au récit 

son ampleur mais aussi sa succulence, qui fait défaut au récit des années adultes. En 

dehors de l’histoire de l’évasion qui est fort développée, les périodes de l’âge mûr sont 

rendues sommairement, presque en énumérations sobres, sans entrer dans les détails qui 

forcément auraient tout attrait pour le lecteur, même français. Ainsi, par exemple, toute 

la Seconde Guerre mondiale est résumée en un peu plus de trois pages. Comme si les 

années de la maturité n’intéressaient plus l’auteur, comme si tout était déjà dit dans les 

pages consacrées à l’enfance. C’est pourquoi les expériences d’enfance, même 

apparemment les plus anodines, sont dotées de beaucoup plus d’espace que les périodes 

entières de la vie ultérieure. Il n’est donc pas tellement surprenant, ni abusif à notre avis, 

que dans la revue Esprit, reproduisant après la mort de l’écrivain tchèque deux 

paragraphes de Ma Sœur l’angoisse « en témoignage de cette amitié exigeante qu’était 

285


la sienne », on ne désigna pas l’ouvrage par l’étiquette d’autobiographie mais comme 

« un récit d’enfance » 699 . 

Maintenant, puisque l’on peut mieux à même d’imaginer à quoi ressemblaient les 

mémoires de Čep, nous serons apte à porter notre attention sur quelques particularités 

suggérées. Tout d’abord, concentrons-nous sur l’introduction qui contient en germes 

déjà les lignes de forces de Ma Sœur l’angoisse. 

VI.2.2. « Introduction » 

Nous appelons « Introduction » les neuf pages du texte original (six pages de 

l’édition de 1998) qui constituent une sorte d’entrée ou en matière de préambule avant 

même d’en venir au texte autobiographique proprement dit dans le chapitre « Premiers 

souvenirs ». L’auteur lui-même ne signale cette partie par aucune désignation 

paratextuelle ou autre, c’est pourquoi nous mettons le titre entre guillemets. En général, 

l’autobiographie exemplaire s’ouvre par un récit des origines, soit par la naissance de 

l’auteur, par celle des parents, voire la généalogie de la famille. Rien de tel ne figure 

dans les premières pages de Ma Sœur l’angoisse. Au lieu des origines, l’auteur porte son 

attention sur la fin. Point de naissance dans cette « introduction » mais la mort joue les 

premiers rôles. Le récit des racines, l’arbre généalogique, sont pour l’instant délaissés 

au profit des enjeux sur lesquels l’auteur veux attirer l’attention du lecteur et dans le 

prolongement desquels il souhaite la lecture du livre. Plongeons-nous dans l’entrée, qui 

d’ailleurs ressemble plus à une ouverture romanesque qu’à une autobiographie, sans 

tarder davantage. Pour mieux analyser les enjeux particuliers de l’ « introduction », 

nous pourrions la segmenter en dix parties distinctes : 

1. Ouverture – séparation d’avec un ami 

2. Retour dans l’appartement vide – expérience d’un arrachement mystique 

3. Récit d’un rêve ancien 

699 Cf. la rubrique « Avis », Esprit, 42, n° 4, 1974, p. 768. 

286


4. Rapprochement avec le père mort ; synthèse des points 2 et 3 

5. Mort des autres × révélation de sa propre mort 

6. Conversations théologiques au sujet de l’immortalité de l’âme 

7. Répétition et graduation du point 5 

8. Répétition et graduation du point 4 

9. Récit de l’agonie du père 

10. Interrogation finale sur la nature de la mort du père 

Rien, dans le premier paragraphe apparemment anodin, ne laisse prévoir le choc de la 

suite immédiate. En effet Ma Sœur l’angoisse s’ouvre sur une séparation d’avec un ami 

de passage à Paris « une après-midi du mois de janvier ». La tonalité de ces premières 

lignes semble être caractérisée par une lenteur, sinon une langueur endormante. Le 

héros-narrateur rentre « lentement à la maison », les planches de la passerelle de l’Ile 

Saint-Louis « sonnaient creux » sous ses pas, « le soleil descendait déjà la pente de son 

court trajet hivernal ». Le retour dans « l’appartement désert » signifie une rupture, une 

transition importante de récit et de tonalité. Car cet « appartement vide » devient 

brusquement la scène d’un vertige existentiel, ou, si l’on veut, d’une expérience quasi 

mystique. Le héros est brusquement arraché à lui-même, mais aussi au temps et à 

l’espace. Il ne reconnaît pas les meubles familiers, il a le sentiment d’être exposé à leur 

interrogation muette : 

[J’]ai eu soudain l’impression que j’étais là en étranger ; comme si je ne connaissais pas ces murs, ces 

meubles, ces rayonnages de livres ; comme si toutes ces choses me regardaient avec étonnement. 

J’étais devenu transparent sous ces regards muets et attentifs, je n’étais nulle part, ni dans le temps, ni 

dans l’espace. 700 

Une question s’ensuit qui pour la première fois pose l’enjeu central de Ma Sœur 

l’angoisse : « Qui étais-je ? Comment étais-je venu ici ? » Bien évidemment la 

question est d’une portée générale et ne renvoie pas seulement au temps de 

l’énonciation d’une après-midi de janvier 1960. Et l’auteur se répond lui-même et 

arrive encore pour un moment à étouffer la montée d’angoisse suscitée à la fois par 

cette prise de conscience de soi et cette mise en doute brutale de soi, de sa vie, de son 


287


parcours passé. Du reste, la réponse assume une fonction indispensable au genre 

autobiographique : elle identifie l’auteur (« oui, c’est toi »), le pourvoit d’un nom et 

d’un âge (« tu t’appelles Jan ; tu viens d’avoir cinquante-sept ans »), précise sa 

situation familiale (« tu as une femme et deux enfants ») et même géographique (« Tu 

es en France depuis douze ans, avec un intervalle de trois ans à Munich. »). Or, 

l’apaisement, le retour à la terre n’est que partiel, puisque le sentiment d’étrangeté 

persiste. L’auteur se savait « soi-même » mais 

en même temps un autre, un autre transparent, qui pouvait être traversé par les rayons du soleil, qui 

aurait même pu traverser les murs ; qui est là, ici et maintenant, mais vient d’ailleurs. Comme un 

voyageur de passage, un pèlerin. 701 

Nous nous souvenons de l’importance du symbole du « passant », du « pèlerin », 

nous l’avons traité précédemment en analysant les récits d’exil, de même que la 

philosophie ressortant des méditations de Čep. 

La description d’une expérience peu commune, de cette prise de conscience 

existentielle, annonce de quoi il s’agira au fil du livre entier : d’une quête de soi, d’une 

appréciation du parcours de sa vie. Le souvenir d’un rêve ancien dont l’auteur fait croire 

qu’il lui est venu par hasard (« Je ne sais pas pourquoi m’est revenu le souvenir de ce 

rêve… » 702 ), mais qui se situe en réalité dans la même logique d’interrogation 

existentielle, révèle d’une manière dissimulée la même chose. Le rêve raconte le chemin 

banal du narrateur à la messe matinale. D’emblée les contours familiers bien réalistes du 

trajet mille fois répété se voient tordus par l’apparition fantomatique de son père décédé. 

Ce dernier, doté dans le rêve de traits étranges (« Il avait l’air égaré, comme un petit 

garçon qui se serait perdu. » 703 ), avant de disparaître demande au narrateur « d’un ton 

angoissé » son nom qu’il prétend avoir oublié. S’interroger sur son nom, qu’est-ce autre 

que s’interroger sur sa propre identité, sur la quintessence même de sa personne ? 

Venons-en au quatrième point qui fait en quelque sorte une synthèse des deux points 

précédents. 

L’évocation de l’âge du père au moment de sa mort est mise en rapport avec son 

propre âge, qui dépassait celui du père déjà de trois ans. C’est cette fois le tour du fils à 

s’interroger comme le faisait jadis dans le rêve son père égaré. Puisqu’au moment 


702 Ibid. 

703 Ibid., p. 2. 

288


présent c’est le héros-narrateur, lui-même, « égaré comme lui » et désorienté, éprouvant 

le sentiment exacerbé de l’étrangeté « au milieu de cette pièce », « non pas sur un petit 

chemin herbeux de mon pays natal, mais au milieu d’une ville immense, pleine de bruits 

brutaux », « cherchant mon nom, mon ici, mon maintenant » 704 . Le projet 

autobiographique est confirmé. Il va pivoter autour des questions : Qui suis-je en 

réalité ? Comment puis-je voir ma vie passée de l’endroit où je me trouve au moment 

actuel ? Qu’est-ce qui me reste à faire ou à en faire ? 

Survient une autre transition dans le récit (point 5), déjà préparée par une remarque 

sur la mort du père. C’est la mise en avant de la prise de conscience de la condition 

mortelle de l’homme, de tout homme, qui était propre à l’auteur, depuis son plus jeune 

âge. Cependant ce qui compte, c’est la prise de conscience de sa propre mort. Et l’auteur 

partage avec nous l’instant précis du choc d’une entrevue avec sa mort. C’est sa mort et 

non plus celle des autres qui hante le narrateur (et ce qui peut être pris pour un stimulus 

direct de l’angoisse et par delà de l’écriture), c’est l’irruption de sa propre mort : 

Je l’ai su une nuit d’insomnie où j’ai vu, tout à coup, ma propre mort devant moi, tout près, comme un 

trou noir. […] maintenant c’était moi et ma mort tout près, là, devant moi. J’ai été pris de panique, j’ai 

senti la sueur sur mon front. 705 

C’est l’effort d’évoquer le moment du choc, avec toute sa brutalité, de le décrire 

comme si cela venait d’arriver. L’importance de la révélation fut telle que Čep y revient 

deux pages plus loin où il redit la même chose par d’autres mots, d’une manière plus 

rationnelle, comme si le calme lui était revenu : 

Je viens de dire que j’ai toujours su que je mourrais, que la mort a été l’une des préoccupations 

majeurs de ma vie et de mes pensées. Ce qui était nouveau, c’était sa réalité imminente : je ne mourrai 

pas dans quarante ou cinquante ans, mais dans dix ou quinze ou plus tard – peut-être dans un an ou 

deux. 706 

Or ce qui est encerclé par ces deux affirmations sur la mortalité en général et la prise 

de conscience de sa propre mort qui s’approche inéluctablement est d’une portée 

capitale. La matière de ce sixième point que nous avons nommé « conversation 

théologique sur l’immortalité de l’âme » rend compte d’un entretien de l’auteur avec un 

prêtre « très cultivé, très savant, très sincère » qui lui confiera qu’après la mort la 

conscience et la mémoire individuelles s’éteindront pour ne se réveiller qu’au moment 


705 Ibid., p. 3. 

706 Ibid., p. 5. 

289


du Jugement dernier, aveu qui ne fait qu’approfondir les troubles et le désarroi du 

narrateur : 

De tout temps, l’angoisse me prenait au moment de m’endormir, à l’idée que j’allais perdre 

connaissance pendant plusieurs heures. Quelle ne sera pas l’angoisse de mon agonie quand je saurai 

que je sombre dans l’inconscience pour plusieurs milliers ou millions de siècles ! 707 

Si la première révélation de la mort physique fut située surtout sur le plan de la vie 

terrestre, la seconde subvertit même la perspective de l’au-delà. Elle est encore plus 

choquante que la première puisqu’elle met en question non seulement la vie temporelle 

mais menace également l’éternité ! Elle arrache à l’auteur l’invocation de l’angoisse, sa 

sœur, qui constitue le titre de l’ouvrage : « L’angoisse, ma sœur, que je la reconnaissais 

bien ! » Certes d’autres conversations avec d’autres prêtres vont atténuer le choc initial, 

mais la griffe de l’inquiétude ne s’évaporera plus et fera peser encore plus l’angoisse 

innée de l’auteur. 

Les trois derniers points sont consacrés apparemment au père. Nous disons 

« apparemment » parce que encore une fois, d’une manière probante, le fils est 

rapproché du père au point de se fondre avec lui ( : « […] il m’arrive de plus en plus 

souvent de me sentir dans sa peau [du père]. En marchant, en faisant certains gestes, en 

observant les traits de mon visage dans le miroir, je reconnais les gestes et les traits de 

mon père dans les dernières années de sa vie. » 708 ). S’ensuit le récit coloré de l’agonie 

du père que l’auteur avoue s’approprier à plusieurs reprises dans ses écrits, « appliquée 

à différents personnages ». La fin de l’introduction est vouée exclusivement à la nature 

de l’agonie, plus précisément à l’état mental du père vivant son agonie. Et comme nous 

avons vu l’auteur s’identifier au père, pour ainsi dire prendre son relais, l’interrogation 

au sujet de son père induit à penser qu’il s’interroge sur son propre compte, surtout 

lorsqu’il pose la question finale, qui achève l’introduction : « A-t-il eu la force de se 

remettre entre les mains de Dieu en un mouvement de volonté, sincère, conscient et 

entier ? » 709 

Il convient de souligner que tous les points, si hétéroclites apparaissent-ils, sont 

organiquement liés d’une part par des lignes thématiques récurrentes, d’autre part par 


708 Ibid., p. 5. 

709 Ibid., p. 9. 

290


une composition sagement préméditée. Les thèmes de la mort, de l’angoisse, vont de 

paire avec l’interrogation sur l’identité profonde du narrateur, sur ses racines (surtout 

sur son rapport au père). C’est le regard scrutateur posé sur l’ensemble de sa vie face à 

la mort approchant. L’architecture renforce aussi l’unité sémantique. Laissant de côté le 

premier paragraphe de la séparation, nous pouvons abstraire le schéma suivant de 

l’introduction qui crève les yeux par sa construction symétrique avec pour centre le 

thème de l’immortalité de l’âme : 

I1 – P1 – M1 – I2 – M2 – P2 – I3. 

Les trois lignes I, P, M signifient les trois sujets majeurs qui s’entrelacent dans 

l’introduction de Ma Sœur l’angoisse : interrogation existentielle, père et mort. Comme 

nous l’avons déjà fait remarquer l’endroit central est occupé par l’interrogation (I2) sur 

l’immortalité de l’âme, autrement dit sur la continuation de la vie après la mort avec les 

variantes de l’éternité ou du néant. Le premier cercle concentrique (M1, M2) est voué 

au thème de la mort. Le deuxième cercle consacré à la personne du père de l’auteur, 

surtout à sa mort d’ailleurs, exprime la volonté d’enracinement dans l’histoire de la 

famille, l’allégation aux ancêtres. Les contours liminaires sont formés par deux 

interrogations existentielles (I1, I3) avec cette différence que l’interrogation initiale 

porte sur la vie et l’interrogation finale sur la mort. 

On voit bien que tout est déjà englobé dans cette introduction qui est à la fois 

l’annonce du projet, la définition dissimulée de l’ouvrage, le mode d’emploi pour le 

lecteur avec les indications pour le lire et ce qu’il faut y chercher. 

VI.2.3. Autobiographie ou confession ? 

De nos propos précédents, on peut déjà juger que Ma Sœur l’angoisse ne se classe 

pas parmi les mémoires littéraires habituels et les plus courants. On distingue parfois à 

l’intérieur du genre autobiographique deux variantes : confession et apologie 710 . Les 

ouvrages de référence pour ces deux variantes portent un titre identique bien qu’ils aient 

été écrits par deux auteurs différents : Les Confessions de Saint Augustin (confession) 

d’un côté et de l’autre celles de Jean-Jacques Rousseau (apologie). Pour 

710 Cf. article « Autobiographie », in : D. Mocná, J. Peterka et alii, Encyklopedie literárních žánrů 

(Encyclopédie des genres littéraires), Praha – Litomyšl, Paseka, 2004, p. 29. 

291


l’autobiographie čepienne, il n’y a point de quant au côté vers lequel elles tendent. 

Evidemment, Ma Sœur l’angoisse s’inscrit dans la parenté directe des Confessions de 

Saint Augustin. Expliquons-nous : Čep n’écrit pas les mémoires littéraires de l’écrivain 

mais les mémoires spirituels, mémoires de la foi personnelle. Il n’écrit pas toute sa vie, 

mais en choisit seulement ce qui fait partie de son itinéraire spirituel. A l’instar du père 

de l’Eglise du IV e siècle, il décrit son cheminement spirituel et sa « conversion », rend 

compte de ses luttes internes entre la foi et le doute, entre l’idéal austère érigé par les 

préceptes religieux et la réalité corrompue de l’homme pécheur. Pour chaque étape de sa 

vie, l’auteur se pose une seule et même question dans des variantes différentes bien sûr : 

« […] où en était ma foi pendant cette période, dans quelle mesure avait-elle vraiment 

pénétré ma vie, mon expérience quotidienne ? » 711 . A cet égard Ma Sœur l’angoisse se 

prête à l’analyse du point de vue littéraire aussi bien que religieux 712 . Par ailleurs, les 

commentaires critiques s’aperçoivent vite de cet aspect de l’œuvre posthume de Čep et 

ne le laissent jamais sous silence. Les désignations que l’on y repère sont parlantes : 

« confession philosophique », « confession générale », « histoire de l’âme » 713 . Du reste, 

il faut entendre le terme de « confession » dans son double sens, comme un acte 

strictement religieux comprenant l’examen de conscience, la déclaration des péchés, 

l’acte de contrition et dans son acceptation littéraire comme le récit personnel étalant 

l’aveu de la vie, surtout des fautes commises. Pavel Švanda a bien saisi l’objectif de 

l’ouvrage posthume de Čep lorsqu’il suggère qu’il est question du « rapprochement de 

l’homme Jan avec sa propre existence » et que le choix des événements racontés est 

« davantage l’affaire de conscience que de mémoire » 714 . 

La pertinence de l’observation de P. Švanda est confirmée par la thématisation de 

l’examen de conscience. Il est hors de doute que Čep souffrait de ce qu’on appelle dans 

la morale une conscience scrupuleuse. Nous avons déjà effleuré le phénomène lorsque 

nous avons fait remarquer le rapport presque violent vis-à-vis de ses œuvres, son auto- 

critique exacerbée. Aussi, dans Ma Sœur l’angoisse, comme un refrain, reviennent les 

autoaccusations de toutes sortes ; le sentiment de culpabilité est à tel point présent qu’il 


712 Rappelons le jugement de Maurice Nédoncelle qui impute à l’autobiographie de Čep « une valeur 

religieuse et artistique qui émeut profondément », M. Nédoncelle à J. Čep, le 10 avril 1964. C’est nous 

qui soulignons. 

713 Le premier terme est utilisé dans le compte rendu publié dans Svědectví, XIII, n° 52, 1976, p. 746, 

le second dans celui publié dans Hlas domova, le 28. juin 1976, p. 8, et le troisième est une désignation de 

Mojmír Trávníček in : Sestra úzkost, Brno, Proglas, 1993, p. 124. 

714 Cf. P. Švanda, « Kšaft Jana Čepa », Literární noviny, n° 7, le 17 février 1994, p. 5. 

292


semble révéler quelque chose de pathologique (masochisme moral). Tels les flagellants 

du Moyen-Age, Čep semble trouver une part de joie dans le dévoilement de ses fautes et 

faiblesses, réelles ou prétendues. Ainsi, il lui arrive de mettre en question son rapport 

avec ses parents dans la petite enfance, se demandant s’il les a aimés suffisamment. Il 

ressent une culpabilité indéfinissable à ne pas bien servir la messe, à « ne pas y arriver 

toujours au même degré » et cherche la faute en lui, même là où il n’y en avait pas : 

[J]e cherchais souvent le reflet de mes sentiments sur le visage et dans la voix de ceux à qui j’avais à 

faire. Si le prêtre dont je servais la messe avait l’air plus distant, plus fermé que d’habitude, j’en 

cherchais les causes en moi-même, je me croyais coupable, sans pouvoir dire pourquoi. 715 

Plusieurs fois, il expose ses transgressions des lois morales, qui sont pour lui 

identiques aux normes de l’Eglise, dans le domaine de la sexualité, en racontant son 

avilissement, sa « mise en contradiction avec soi-même », avec le noyau pur et 

authentique de son être. En effet, ce sont pour la plupart des transgressions des lois 

implicites de la morale (sexualité) et de la religion (doute, manque de foi) qui sont la 

source de nombreuses manifestations du sentiment de culpabilité. A l’intérieur de 

l’homme, la lutte déferle entre l’idéal et la réalité, entre ce qu’il appelle « mon vrai 

moi », sa « partie authentique » (qui voudrait être obéissante aux lois) et le moi de 

« surface », la vie « en marge ou même en dehors de moi-même » 716 (qui transgresse ces 

lois par un assentiment à la nature). 

Si l’affinité avec les Confessions de Saint Augustin est probante, il est tout aussi 

apparent que la fonction apologétique propre aux Confessions de Jean-Jacques est 

totalement antinomique à l’intention de Čep. Le projet de Jean-Jacques fut en quelque 

sorte un projet d’autodéfense (et de camouflage) pour justifier son passé, sa conduite, sa 

vie antérieure. Il cherchait à construire « l’image-de-soi-pour-l’autre », c’est-à-dire telle 

qu’il voulait que le lecteur la perçoive. Or Čep cherche à se dévoiler, à se mettre à nu 

entièrement pour saisir non l’image embellie et apologétique, et de ce fait fausse et 

mensongère, mais la vérité profonde de soi, l’authenticité de son être. Il ne dissimule 

rien, ne fait pas semblant d’être sincère, il l’est réellement. Il construit l’ « image-de- 

soi-pour-soi-devant-Dieu ». Comme nous l’avons vu, la sincérité maximale, sa 

« transparence désarmante », à reprendre les termes de Maurice Nédoncelle, ne fut pas 


716 Ibid., p. 163. 

293


sans écueils pour la vie de l’ouvrage. On pourrait même aller jusqu’à suggérer qu’il 

s’agit là d’un livre constitué d’une succession d’échecs. Il y en a qui se situent sur le 

plan des amours (les filles « se moquent » de sa « gaucherie », l’amour impossible pour 

la femme de son ami), d’autres se trouvent sur le plan des relations avec les autres 

(« moqueries » et « chicanes » à l’école, caractère soumis envers les autres), d’autres 

encore, et plus lourds de conséquences, dans le domaine de la morale et de la religion 

(contradiction entre la religion et la sensualité, impureté). Sans parler davantage de deux 

débâcles vitales, devenues tragédies personnelles de l’auteur, mais qui furent au début 

paradoxalement conçues par Čep pour sortir de la misère et renouer avec une vie 

meilleure. Il s’agit bien sûr de deux fuites situées aux carrefours importants de sa vie : la 

fuite peu glorieuse de Stará Ríše (il se dit revenu à Prague « comme un naufragé ») et 

huit ans après, la fugue encore plus piteuse de Palma de chez Bernanos (il se souvient d’ 

« une séparation encore plus déchirante que la première, un sentiment d’échec, 

d’abandon, de solitude »). 

En revanche, Čep passe quasiment sous silence les succès de sa vie et les honneurs 

dont il fut objet en tant qu’écrivain. Et s’il en parle tout de même, il le fait presque 

contre son gré, les considérant presque comme quelque chose dont il devrait avoir 

honte. On est là vraiment à l’antipode de l’apologie. Cependant il y a une chose qui 

sauve l’auteur de la débâcle, de l’échec total de sa vie. C’est la dimension de la foi 

chrétienne. En effet, selon la formule de Saint Paul « C’est dans la faiblesse que la force 

se manifeste tout entière » (2 Cor., XII, 9), elle sait transformer la faiblesse en force. 

Les déconvenues ne sont pas définitives, les chutes ne sont pas irréparables, puisque 

l’auteur les soumet à la logique de la foi, à la perspective d’une rédemption. Ces deux 

niveaux s’entrelacent au fil du récit et font son équilibre. Si le niveau de la vie concrète 

est composé majoritairement des pertes et des échecs, le niveau de la foi, qui lui est 

hiérarchiquement supérieur, contrebalance le ton défaitiste du texte, remet cette vie- 

échec en valeur, lui adjuge un prix et une dignité. Ma Sœur l’angoisse est une 

préparation à la dernière bataille de l’auteur, qui sera celle avec la mort ; c’est un effort 

presque surhumain pour transformer tous les échecs en victoire finale. Comme l’auteur 

s’en rend compte vers la fin de sa vie et de son livre, le résultat reste ouvert : 

Maintenant, je me trouve face à face avec moi-même tel que je suis, tel que j’ai laissé au temps de me 

faire, avec toutes mes lacunes, tous mes vides, tout ce qui défigure ma figure. Le temps des ‘à plus 

tard’, des ‘pas encore’ est définitivement passé. Il me reste un seul espoir, ma dernière chance : 

d’essayer de faire quelque chose, au dernier moment, avec mes manquements mêmes, mes 

294


déficiences, mes trahisons ; de me servir de mon passé troué et inconsistant comme d’une matière 

qu’on essaie encore de ranimer en arrière comme en avant. Est-ce possible ? 717 

VI.2.4. Angoisse, ma sœur ! 

Il est intéressant de voir que ce sont pour la plupart des penseurs chrétiens (avec les 

existentialistes encore) qui s’efforcèrent de saisir la notion d’angoisse. Songeons à 

Søren Kierkegaard, Hans Urs von Balthasar, Gabriel Marcel, Paul Tillich et autres 718 . 

Comme si les Chrétiens étaient plus sensibles à ce phénomène mystérieux que les 

autres, comme si entre la foi et l’angoisse existait un lien plus étroit qu’avec tout autre 

entité. L’autobiographie de Jan Čep n’est certes pas un traité théorique ou philosophique 

sur la notion de l’angoisse, mais l’angoisse y est omniprésente, elle en est le mot de 

titre, le mot clé. C’est aussi à cause d’elle que Vladimír Papoušek peut désigner Ma 

Sœur l’angoisse comme « un des plus importants textes existentialistes » de la littérature 

tchèque. Nous faisons nôtre son raisonnement : 

Le héros de la prose Ma Sœur l’angoisse traverse chaque moment de la réalité comme s’il marchait 

dans un espace inconnu et incertain, qui peut receler un abîme ou peut exploser. L’angoisse dans son 

ordinaire quotidienneté est sa fidèle accompagnatrice. Ni la foi, ni l’espérance ne l’épargnent devant 

l’écoulement lent du temps. 719 

L’angoisse dans le titre ne doit pas renvoyer seulement à la formule notoire de Saint 

François d’Assise qui désigna comme sa sœur même la réalité de la mort. L’indication 

Ma Sœur l’angoisse, soulignée par un « A » majuscule dans le titre autographe, signifie 

la relation particulière que Čep entretenait avec l’angoisse : elle est sa sœur, elle lui est 

plus que proche, elle lui est familière à tel point qu’elle le comble constamment, qu’elle 

l’habite. On en trouve mille et une preuves dans son œuvre aussi bien que dans sa vie. 

Citons en quelques-unes extérieures à l’ouvrage dont ce chapitre traite. Dans le 

questionnaire proustien, publié en 1961 dans une revue d’exil, on interroge Čep sur son 


718 S. Kierkegaard, Le Concept d’angoisse, Begrebet Angest 1844 (in : Œuvres complètes, t. VII, Paris, 

1973) ; H. Urs von Balthasar, Le Chrétien et l’angoisse, Desclée de Brouwer, 1954 ; G. Marcel, 

« L’inquiétude humaine », in : L’Homme problématique, Présence de Gabriel Marcel, 1998 Paris, p. 77- 

187 ; P. Tillich, The Courage to Be, Yale University Press, 1952. 

719 « Hrdina prózy Sestra úzkost prochází každým okamžikem skutečnosti jak by našlapoval do nějakého 

neznámého, nejistého prostoru, který může skrývat propast nebo může explodovat. Úzkost je jeho věrnou 

průvodkyní veškerou každodenní všedností. Ani víra, ani naděje ho nezachraňují před oním pomalým 

plynutím času. », V. Papoušek, Existencialisté. Existenciální fenomény v české próze dvacátého století, 

Praha, Torst, 2004, p. 339. 

295


« état psychique actuel ». La réponse : « l’équilibre difficile, Sœur l’angoisse ». Une 

autre fois, dans une autre lettre adressée à ses amis Gruber, il se plaint de l’état 

lamentable de sa santé, notamment des ennuis que lui cause le cœur. Le bilan de santé 

s’achève sur une phrase significative : « mais ce n’est peut-être que l’angoisse, ma 

vieille ‘sœur l’Angoisse’ que j’ai tant de fois – et en vain – essayé d’étouffer par les 

éclats de rire et les gobelets de vin. » 720 Enfin les notations de son journal intime ne 

laissent aucune doute ; il y parle de l’angoisse comme de son « état nature », d’un 

« élément constant de [s]a vie » et de « [s]on expérience » 721 . Il suffit de relire la 

citation que nous avons mise en exergue du présent chapitre. Bref, comme le dit très 

justement Mojmír Trávníček, le titre, réemployé d’ailleurs pour la deuxième fois dans 

l’ensemble de son œuvre, exprime, au même titre que l’intuition du « double chez soi » 

l’ « état d’âme inné du poète » 722 . 

VI.2.4.1. Origine de l’angoisse – mysterium mortis 

A la différence de la peur, l’angoisse n’a pas d’objet bien spécifié. Elle envahit 

l’homme sans que celui-ci se rende nettement compte quelle en est la cause, sa raison 

d’être. L’angoisse čepienne ne peut pas être réduite à une névrose, comme le font 

souvent les psychanalystes, mais elle doit être visée une la perspective ontologique. 

L’angoisse, le « douloureux privilège de l’homme » 723 , est le fruit de l’impossibilité de 

répondre aux questions fondamentales qui traversent l’humanité dès l’aube : d’où viens- 

je ? qui suis-je ? où vais-je ? Nous avons vu que l’irruption brutale de cette 

interrogation, située en janvier 1961, constitue le début de Ma Sœur l’angoisse, en est la 

cause primaire en quelque sorte. Or si nous voulons saisir l’origine de cette angoisse 

čepienne, il nous faut remonter en amont des années jusqu’aux années de la prime 

enfance. Nous croyons la percevoir dans le traumatisme de sa première rencontre avec 

le mystère de la mort et la voir se développer par certaines expériences postérieures qui 

s’y greffaient. 

720 « Ale to je možná „jenom“ úzkost, stará „sestra Úzkost“, kterou jsem se tolikrát – a marně – pokoušel 

udusit výbuchy smíchu a pohárky vína. », J. Čep aux Gruber, Pentecôte 1957. 

721 Cf. Journal, le 25 mars et le 31 décembre 1960. 

722 Cf. « Postface », in : Sestra úzkost, Brno, Proglas, 1993, p. 120. 

723 Cf. article « Angoisse », in : Dictionnaire de la Philosophie, 2 e édition augmentée, Encyclopædia 

universalis/Albin Michel, 2006, p. 127. 

296


Il est significatif que Čep raconte ce premier contact avec la mort – ou si l’on veut 

avec le mort – à deux endroits différents de son autobiographie. D’abord il en fait le 

récit dans le chapitre « Premiers souvenirs », puis y revient plus sobrement dans le 

chapitre « Ma foi ». Voici la première relation : 

Quant au troisième souvenir, je n’ai pas le moindre doute. Je devais avoir près de trois ans. Un 

dimanche [...] après-midi, j’étais couché après le déjeuner, dans notre grande chambre. En me 

réveillant, je vois mon père debout à côté de mon lit. 

- Viens voir, tu as un petit frère ! 

Je me lève, je vois, sous les fenêtres, de l’autre côté de la chambre, un banc, ou peut-être une planche 

posée sur deux chaises, et là-dessus, un tout petit bébé habillé de blanc, et qui dormait. 

- Voilà notre petit Antoine. 

Le bébé dort toujours ; je tends la main, j’essaie de soulever une de ses paupières. Mais mon père 

arrête mon geste : « Il ne faut pas ! » 

A ce moment, j’ai eu l’intuition que ce sommeil-là n’était pas n’importe quel sommeil. Cela a été mon 

premier pressentiment de la mort. 724 

Faisons un petit commentaire du passage. Le premier constat est que l’expérience 

s’imposa dans la mémoire de l’auteur comme particulièrement grave puisque c’est le 

premier souvenir dont il est tout à fait sûr (« je n’ai pas le moindre doute »). Le 

deuxième constat est que la révélation de la mort est choquante puisqu’elle est d’une 

nouveauté dérangeante. L’enfant fait la sieste habituelle du dimanche, ne s’attend pas à 

ce qui suivra. A peine réveillé, peut-être encore à demi ensommeillé, son père lui 

annonce qu’il vient d’avoir un petit frère. Le spectacle paraît au petit garçon inédit, 

voire extraordinaire : un bébé vêtu de blanc dort sur un lit provisoirement préparé (on ne 

sais pas si c’est un « banc » ou « peut-être une planche posée sur deux chaises »). Enfin, 

constatation capitale : à la suite d’une interdiction paternelle, l’enfant reconnaît que le 

bébé est mort. Il n’a pas d’emblée la connaissance de ce qu’est la mort, il a une 

« intuition », un « pressentiment ». Il comprend au moins que la mort (et les morts) est 

expulsée dans le domaine du défendu, qu’elle est taboue, qu’on ne peut pas l’approcher, 

ni même la toucher, qu’elle est radicalement différente de toutes les choses connues. 

A cette première entrevue, l’auteur ajoute plusieurs expériences postérieures qui 

affinent son appréhension de la mort. C’est entre autres la phrase lâchée presque au 

hasard par son père au cours d’une marche commune à l’église paroissiale qui révèle au 

petit garçon que la mort est pour tous, que même les personnes les plus proches et qu’on 

aime mourront un jour. La réaction du petit Jan est la suivante: « J’ai été impressionné, 

724 Ma Sœur l’angoisse, op. cit., p. 11-12. 

297


j’ai senti une certaine tristesse, mais je n’ai pas compris. » 725 Ce qui veut dire que 

l’enfant, malgré la prise de conscience de l’universalité du phénomène de la mort, n’est 

pas encore capable de rapporter cette réalité mystérieuse à soi-même, ni même à ses 

proches. L’auteur dit exactement ne pas s’être senti « menacé dans un avenir très 

proche » ni avoir « eu peur pour [s]es parents » 726 . 

Enfin, ajoutons encore un dernier souvenir qui atteste que l’enfant fut 

particulièrement attiré par la réalité de la mort. Čep raconte comment lui et sa sœur 

Anne sont allés rendre visite à une famille dans laquelle un garçon de leur âge venait de 

mourir à la suite d’une pneumonie. Ils y arrivent munis de saintes images pour les 

déposer dans le cercueil et pour réciter des prières comme la mère le leur recommanda. 

Mais la présence d’un corps inanimé « en costume du dimanche, les yeux fermés, les 

traits figés, la peau très blanche, la bouche entrouverte » s’avère particulièrement 

troublante pour les enfants qui n’arrivent pas à se concentrer sur la prière : 

[N]otre prière était très distraite ; nos regards étaient invinciblement attirés par cette petite figure bien 

connue et étrangère en même temps, dont l’immobilité était autre que celle du sommeil. 727 

Voilà bien saisi l’effet de la mort : elle transforme, elle change la figure de l’homme. 

Certes, Jan et Anne reconnaissent leur camarade de classe, mais en même temps ils sont 

sensibles au fait qu’il est autre. Et le sanglot de la mère du garçon décédé suggérant le 

départ de son fils (« Le voilà parti, notre petit André ») perturbe encore plus le petit 

Jan : « Il était là, devant nous, et parti en même temps. Comment, où ? » 728 

L’irruption de la mort dans la vie du petit garçon fonctionne comme un déclencheur 

de l’angoisse. Elle se présente comme une réalité mystérieuse, inconnue et radicalement 

différente de tout ce qui forme l’univers de l’enfance. Elle est inaccessible et 

inabordable, elle fait partie des tabous. Elle ouvre donc de nouveaux horizons, renvoie à 

un ailleurs qui est source d’interrogation et d’angoisse. Son danger consiste en ce 

qu’elle aliène (transforme) et sépare les êtres vivants. Enfin, elle est liée aussi à la 

religion à l’intérieur de laquelle seulement elle peut être « vaincue », ou mieux, où les 


726 Ibid. 

727 Ibid., p. 14. 

728 Ibid. 

298


pertes causées par elle peuvent être en quelque sorte récupérées (« Il faut prier pour que 

nous nous retrouvions tous dans le Ciel, chez le Bon Dieu » 729 , lui dit le père.). 

VI.2.4.2. Angoisse et étonnement – mysterium mundi 

Une autre source de l’angoisse čepienne peut reposer dans l’énigme de l’univers et 

dans la place de l’homme au sein de cet univers. Ici Čep est un semblable de Pascal 

effrayé devant la grandeur des mystères du monde. Čep s’aperçut très tôt de sa 

différence avec les autres qui consistait surtout en ce qu’il voyait et sentait plus que ses 

camarades. Du reste cette différence, plus précisément la prise de conscience de cette 

différence par rapport aux autres, pouvait être elle-même d’une nature angoissante. Car 

cette découverte (de la différence) inflige au garçon une contradiction fondamentale : 

celle d’être et de paraître. Le garçon se sait différent, « privilégié » dit-il, il se rend 

compte qu’il recèle en lui « un monde incommunicable » mais en même temps, il cache 

tout cela devant les autres et préfère accepter jouer un rôle, prétendre être comme eux. 

Déjà l’enfant porte donc ses secrets douloureux, son univers regorge de questions à 

tel point qu’il cherche à personnifier son sentiment d’angoisse. L’écrivain qu’il devient 

invente des métaphores et des synesthésies pour concrétiser l’angoisse qu’il éprouve 

face aux mystères de l’univers. C’est la couleur bleue et la voix nostalgique du coucou 

qui sont, à travers toute son œuvre, des symboles de cette angoisse. En racontant les 

escapades « au bois » avec d’autres gamins, Čep ne peux pas ne pas y revenir dans son 

essai autobiographique : 

[L]a voix d’un coucou qui porte si loin dans le crépuscule, sous les arbres touchait la sensibilité 

naissante du garçon que j’étais par sa couleur nostalgique, son appel de je ne sais quels lointains 

perdus. Il aurait juré que cette voix avait une couleur, et que cette couleur était du bleu, un bleu foncé, 

l’angoisse de l’infini, la profondeur du mystère insondable. 730 

L’angoisse devant le monde peut être bien illustrée par l’anecdote du « trou noir » 

caché dans un coin obscur du jardin familial. Elle est la suivante : 

C’était là le coin le plus sauvage, le plus ombragé, où foisonnaient de hautes orties, des bardanes aux 

feuilles larges, un fourré de framboises et de roses à cent pétales. Mais le mystère de ce lieu respirait 

par un trou noir, s’enfonçant sous la terre – les restes d’une cave comblée, disaient les parents. 

Quelques pierres de voûte, couvertes de mousse et d’herbes courtes, enflaient un peu le sol comme le 


730 Ibid., p. 22. 

299


dos d’une tombe. Les enfants étaient attirés vers ce trou au fond duquel on pouvait apercevoir, en 

s’agenouillent longtemps, des lueurs terribles. « Quelques tessons de verre, » disaient encore les 

grandes personnes avec un haussement d’épaules dédaigneux. Nous, nous y voyions, nous y sentions 

une grosse bête accroupie, les yeux comme deux charbons ardents, mi-cochon, mi-chat, la forme 

même du mal et de l’horreur. Nous imaginions la bête aux aguets, et qui sortait la nuit, ou quand il n’y 

avait personne. Pourquoi les poules, qui venaient picorer ici des vers, des chenilles ou des brins 

d’herbe, fuyaient-elles soudain, en faisant claquer leurs ailes et en poussant des gloussements 

horrifiés ? 731 

L’histoire du trou noir illustre la nature de l’angoisse enfantine qui est en opposition 

complète avec la logique rationnelle des adultes. Tandis que l’énigme de l’espace 

souterrain attire et horrifie à la fois les enfants, elle engendre chez eux un jeu 

d’imagination, elle est niée par les personnes adultes qui n’en sont plus capables. Il est 

d’ailleurs assez éloquent qu’on mette en philosophie côte à côte les notions d’angoisse 

et celle d’étonnement. Si le mystère de l’univers attire par sa part d’inconnu, il fait aussi 

peur précisément parce qu’il est inconnu. Cette mise en valeur du caractère mystérieux 

du monde et de l’homme en lui, qui n’est pas réductible à la capacité de cognition 

(ratio), ne se limite pas à l’enfance de Čep. Alternant entre la forme de l’angoisse et 

celle de l’émerveillement (étonnement), elle persiste au cours de toute sa vie. C’est cette 

partie de l’enfance, nécessaire à tout poète comme nous l’avons fait remarquer ailleurs, 

qui est la source de sa création littéraire et de sa vision singulière. L’anecdote du « trou 

noir » est suivie dans le récit par d’autres manifestations de l’émerveillement et de 

l’angoisse pour aboutir à sa consécration finale dans la dernière partie du livre : 

Il me revient, avec l’âge, l’une de mes premières intuitions et qui se fait de plus en plus insistante : 

que rien ne va de soi ; que ce qui est, pourrait aussi bien ne pas être. Le ciel, les montagnes, les routes, 

les rivières, et mêmes les murs et les toits des maisons, ont l’air d’émerger à l’existence au moment 

même, sous mes yeux, d’émerger à tout moment de nouveau. Les lois physiques, l’histoire 

géologique, cosmologique, n’expliquent pas cette existence, ne la rendent pas nécessaire. Le mystère 

reste, inépuisable. 732 

VI.2.5. Histoire d’une âme – itinéraire spirituel de Jan Čep 

Nous avons déjà fait observer la parenté du texte čepien avec les Confessions de 

Saint Augustin. Que pour tous deux, il s’agit plus que toute autre chose de retracer 

l’itinéraire spirituel de leur vie, de tirer au clair les axes intérieurs qui formaient leur vie. 

Comme c’est une ligne de force, il faut y consacrer un espace particulier. 

731 Ma Sœur l’angoisse, op. cit., p. 16-17. 

732 Ibid., p. 186. 

300


Il est hors de doute qu’au cours de la vie entière de Čep, la religion, non pas en tant 

que rapport institutionnalisé, l’appartenance à une Eglise, mais comme un rapport 

personnel à la transcendance, comme une attitude existentielle, jouera un rôle capital. 

C’est elle qui dominera sa vie, qui sera le ressort, non pas unique certes mais majeur, de 

tous ses actes et décisions, de son comportement. Il est significatif que dans le projet 

primitif de l’auteur, c’est-à-dire sans intervention des éditeurs, le chapitre « Ma foi » est 

de beaucoup le plus long de tous. Dans notre original dactylographié, il comprend 

cinquante-huit pages (p. 47-105) tandis que les autres chapitres n’excèdent pas en 

général vingt-cinq pages. En outre, le thème de la foi, ou plus généralement le sujet 

religieux, ne se laisse pas cerner dans un chapitres spécial et empiète dans tous les 

autres, censés raconter originellement d’autres événements et expériences de la vie de 

l’auteur. De manière générale on pourrait dire que cette histoire d’une âme oscille entre 

deux pôles : d’un côté il y a la foi sincère, la confiance, l’espérance ; de l’autre se situe 

le doute, l’angoisse, la tentation. C’est toute une dialectique entre la foi et le doute, 

l’angoisse et la confiance qui fait l’axe principal de Ma Sœur l’angoisse comme 

l’exprime déjà cette question posée par l’auteur dans l’ « Introduction » et laissée sans 

réponse : « Peut-on en même temps croire et douter, espérer et avoir peur ? » 733 Toute la 

suite du livre tente de trouver une réponse à cette question. De cette tension entre deux 

pôles (sont-ils vraiment opposés ?), nous allons à présent apporter les manifestations 

principales. 

VI.2.5.1. Foi d’enfance – centrum securitatis, paradis terrestre 

A la page 68 du chapitre « Ma foi » Čep résume l’essentiel de la religion de son 

enfance : 

C’était plutôt une atmosphère qu’autre chose – mais une atmosphère qui enveloppait toute la vie 

quotidienne, dans laquelle tout baignait. C’était aussi un horizon – horizon du pays natal, du monde 

entier – et horizon du monde intérieur en même temps. Je crois que ma vision actuelle des choses est 

sortie de là comme d’un germe, qu’elle s’est seulement élargie, approfondie que ses perspectives se 

sont prolongées et sont devenues plus complexes. 734 

Voici bien saisie l’importance de la foi d’enfance de Čep. Elle se confond avec le 

pays natal, mais aussi fait la base du monde intérieur de l’enfant duquel éclora l’univers 


734 Ibid., p. 68. 

301


adulte. Le fond de cette enfance est formé par la religion, l’expérience de la foi s’avère 

la plus édifiante et la plus déterminante. Ainsi pourrait-on considérer l’enfance comme 

la synecdoque de la vie et la foi (plus exactement le sentiment religieux) comme la 

synecdoque de l’enfance. La vie, c’est l’enfance, l’enfance c’est la vie dans et de la foi. 

Piété native 

Čep ouvre le chapitre consacré à l’évolution de sa foi par une déclaration 

confessionnelle : « Je suis né et j’ai grandi dans l’atmosphère de la foi catholique. » 735 

Plusieurs autres déclarations ou signes qui parsèment le texte soulignent cette 

appartenance et confirment sa pertinence en laissant comprendre qu’il ne pouvait pas en 

être autrement. L’effet voulu est que le lecteur acquière nettement l’impression que Čep 

est un homo religiosus natus. Lui-même se dit prédisposé à la foi, arborant sa « piété 

presque native, [s]on émotivité naturelle » 736 . Certes, les racines de cette attitude 

religieuse tenaient pour une part dans le contexte familiale et plus largement historique. 

Les deux familles parentales furent de fervents catholiques, de même que la quasi- 

totalité des paroissiens de l’époque 737 . En plus, la région natale de Čep ne fut, jusqu’à la 

libération en 1918, jamais atteinte par une crise ou révolte anticatholique, même pas au 

temps des exploits hussites ou protestants. C’est la religion qui structurait la vie de la 

famille : les jours commençaient et se terminaient par une prière commune, les gestes de 

vénérations devant les symbole de la foi devant l’église ou à l’Angélus ; participation 

régulière aux cérémonies liturgiques. La prière est une chose tellement naturelle à Čep 

qu’il déclare l’avoir apprise en même temps qu’il acquérait l’usage de la parole (« Je ne 

saurais dire à quel âge j’ai appris mes premières prières ; j’inclinerais à penser que ce 

fut presque en même temps que j’appris à parler » 738 ). La vie religieuse, la vie de la foi 

fut partie intégrante de la vie tout court. Ainsi peut-il avouer : 

Pour moi, cela allait de soi, je trouvais cela naturel. Ne pas dire ses prières, ne pas aller à la messe au 

moins tous les dimanches et jours de fête, aurait été une conduite contre nature. 739 

Les instants de prière furent vécus par le garçon comme des moments exclusifs, 

sacrés ; il avoue avoir éprouvé un « sentiment de vénération, de crainte pieuse » et il se 

735 


736 

Ibid., p. 52. 

737 

Cf. Ma Sœur l’angoisse, op. cit., p. 48. 

738 Ibid., p. 49. 

739 Ibid., p. 48. 

302


serait senti coupable si l’idée de se dérober à « ces obligations » lui était venue à 

l’esprit. Cette foi d’enfance est pour Čep liée, ou mieux, se confond, avec le sentiment, 

le rêve, l’imagination. Les épisodes différents de l’Histoire sainte émeuvent vivement le 

petit garçon. De la beauté de la liturgie, des gestes du prêtre, de l’espace sacré émanent 

le secret qui suscite les jeux d’imagination. Sa foi ne relève pas de la raison et n’est pas 

non plus un acte de la volonté, elle est plutôt tissée de sentiments, elle se joue sur le plan 

de l’émotivité, ce qui sera aussi, comme nous le verrons plus tard, sa faiblesse. De 

nouveau, lorsqu’il se souvient de la formation scolaire, il dit avoir été « gêné » par les 

« preuves de l’existence de Dieu », « ne pas en avoir besoin ». Les raisons que le 

professeur de religion fournissait aux étudiants pour soutenir leur foi dérangeaient le 

petit Čep, lui « semblaient de trop, prises en elles-mêmes » ne lui paraissant « même pas 

tellement convaincantes » 740 . 

Service de l’autel 

La pierre angulaire de la foi du petit garçon fut apportée par un événement qui advint 

vers sa huitième année sur l’intervention de son grand-père paternel. L’auteur qualifie 

cet événement qui perdurera jusqu’aux dernières années du lycée, d’ « expérience […] 

de première importance dans toute [s]a vie » 741 . C’est ce désir de l’inconnu, dont nous 

avons parlé, le mystère qui rayonne de l’action liturgique, auquel il était « sensible 

confusément, mais intensément » 742 , qui attire tellement le petit Jan au point d’envier 

« ceux de [s]es camarades qui y étaient admis » 743 . Mais ce n’est pas seulement l’attrait 

du mystère, c’est aussi l’alimentation de son narcissisme, de son amour-propre. Le fait 

d’être le seul enfant de chœur choisi d’un autre village que du village paroissial lui 

assurait une position à part, une exclusivité qui l’élevait au-dessus des autres. Voici 

comment l’auteur décrit le service de l’autel : 

Etre enfant de chœur, c’était se trouver plus près de l’autel et du tabernacle que tous les autres, et 

sentir dans son dos les regards des autres ; c’était se mouvoir dans un éblouissement qui vous faisait 

chanceler comme si vous marchiez sur une corde raide. 744 


741 Ibid., p. 52-53. 

742 Ibid., p. 53. 

743 Ibid. 

744 Ibid., p. 55. 

303


Etre exposé et caché à la fois. Savoir qu’on le regarde, qu’on l’observe avec 

admiration et en même temps être protégé des regards (peut-être blessants), puisqu’il 

leur tourne le dos, convenait à merveille à un petit Jan introverti et vulnérable au contact 

des autres. C’était la position idéale qui confirmait en lui sans doute son sentiment de 

supériorité, d’être privilégié. 

Le presbytère, c’est en fait un milieu qui est propice au déploiement, à 

l’épanouissement de la personnalité de l’enfant Jan, qui convient à son univers de rêve, 

et fait contrepartie au monde des autres enfants, réel, dur, et parfois trop cruel. Il faut 

bien soulever l’endroit où Čep relève pour la première fois la différence d’avec les 

autres enfants pour mieux comprendre son attachement au service de l’autel. Les autres 

représentaient surtout le danger : 

Souvent, ils étaient plus forts et plus courageux que moi, ils étaient aussi plus durs et plus cruels ; ils 

étaient capables de se moquer de vous, de vous taquiner méchamment, de provoquer des querelles 

exprès. Ils aimaient se battre – ce que je n’ai jamais compris. Je ne crois pas avoir été lâche, mais je 

détestais les bagarres ; elles me semblaient vaines et ridicules. Attaqué, je me défendais mal, je ne me 

décidais pas à rendre gifle pour gifle. 745 

Tandis qu’en dehors de l’église il est souvent bafoué, ici, près de l’autel, à proximité 

du mystère sacré, il est protégé des autres, et de surcroît ici c’est lui qui joue le premier 

rôle au regard des autres. C’est sa « revanche » en quelque sorte. 

Tout compte fait, l’expérience du service de l’autel familiarisait ou intériorisait la 

formation religieuse du petit Jan. La religion restait sans doute mystère et 

transcendance, mais à force de servir le prêtre à la messe, elle devenait plus concrète, 

plus palpable. D’où aussi cette métaphore corporelle permettant d’affirmer qu’il avait 

« le rythme de la messe dans [s]es nerfs et dans [s]on sang » 746 . De tous les bénéfices 

que lui apportait le service de l’autel, le plus saisissant fut sans doute l’expérience de 

sécurité, de protection qui va jusqu’à se confondre avec le sentiment d’être aimé. 

L’expérience fait partie de cette atmosphère heureuse qui enveloppait l’enfance de Čep 

et contrebalançait les mauvais coups et les traumatismes aussi nombreux que virulents. 

Apparaît le sentiment incertain de recevoir quelque chose en don, sentiment qui n’est 

autre que l’amour : 

Dans l’ensemble, j’aurais avoué être heureux, si quelqu’un m’avait posé cette question ; mais je 

n’aurais pas prononcé ce mot de moi-même – par pudeur, et aussi parce que j’imaginais assez mal ce 

qu’il voulait dire au juste. […] Si j’en avais été capable, j’aurais plutôt parlé d’une certaine douceur, 


746 Ibid., p. 55. 

304


de la joie d’être là, du sentiment d’être enveloppé de rayons invisibles, de l’atmosphère qui était 

comme de la musique. J’avais surtout le sentiment de recevoir quelque chose que je ne savais pas 

nommer. J’étais rempli d’une reconnaissance qui était en même temps ma récompense. Si j’avais osé, 

je lui aurais donné le nom d’amour. 747 

Pèlerinage à Saint Hostýn 

Pour contribuer à la complexité de la foi enfantine de Čep ajoutons encore un petit 

caillou à la mosaïque. C’est le pèlerinage que l’auteur, âgé alors de douze ans, a effectué 

en 1915 en compagnie de son père, convalescent de guerre, à Saint Hostýn, sanctuaire 

marial situé dans les montagnes de la Moravie de l’Est. Il s’agit d’un événement qui 

dans des conditions normales aurait passé probablement inaperçu, mais qui, entouré par 

les circonstances tragiques de la Grande guerre, s’incrusta indéfectiblement dans la 

mémoire de Čep. Nous en voulons pour preuve qu’il le peignit à plusieurs reprises dans 

son œuvre littéraire 748 . Et encore dans l’autobiographie il raconte l’expérience sur deux 

pages dans le chapitre « Premiers visages ». Certes, il n’est pas rare que Čep accorde de 

la place à la description des cérémonies religieuses ; on y trouve entre autres la peinture 

poétique d’une année liturgique complète, comment la vivait l’enfant dans sa paroisse 

natale. Néanmoins, le pèlerinage à Hostýn avait une importance toute particulière au 

moins pour trois raisons. D’abord c’est le contexte tragique de l’époque déjà évoqué. 

Ensuite il y avait une raison pour ainsi dire d’honneur, par le fait d’être élevé par le père 

comme son accompagnateur, le père qui est sans doute la figure la plus marquante de 

l’enfant Čep, dans le sens positif aussi bien que négatif, personne idolâtrée dans 

l’enfance de l’auteur, mais avec laquelle par la suite il entretenait un rapport des plus 

ambigus, où l’admiration absolue alternait presque avec la haine. La possibilité de 

participer au pèlerinage au côté du père, cet acte de confiance fut pour le petit Jan « une 

joie et une exaltation » 749 . La troisième raison pour laquelle le pèlerinage à Saint Hostýn 

surplombait les autres événements religieux fut celle de la révélation de l’universalité de 

l’Eglise catholique et surtout de la solidarité dans la souffrance. Jusqu’à ce moment, 

l’expérience du petit garçon se limitait aux contours du village paroissial. Cette fois-ci, 

étant témoin des « processions de pèlerins convergeant de toutes parts sous leurs 

étendards bénis, aux sons des chants qui se gonflaient, s’entrecroisaient, se 


748 Notamment le récit Pouť (Pèlerinage) inclus dans Œuvres I, p. 311-318) revient à l’événement. 


305


recouvraient » 750 , il fait la découverte de l’universalité chrétienne. Sans doute était-ce un 

pas important dans l’évolution de la foi personnelle de Čep. Plus important encore fut la 

prise de conscience de la solidarité entre les croyants et du sens de la souffrance dont on 

peut se décharger avec confiance dans la prière. L’auteur exprime une nouvelle 

expérience de la sorte : 

[C]e fut la première fois que je vis, en ce temps d’angoisse et de malheur, des hommes et des femmes 

escalader à genoux les marches de l’escalier principal, les yeux levés, les chapelets tenus à bout de 

bras, que j’entendis les sanglots étouffées au pied du maître-autel, sur lequel trônait la statue au 

sourire mystérieux. […] C’est là que je me suis senti entouré de toutes parts par l’angoisse, la douleur, 

l’amour fervent des hommes et des femmes inconnus, qui suppliaient, espéraient, découvraient devant 

le regard tendre, devant le sourire mystérieux, leurs blessures secrètes, ou essayaient de s’élever audessus 

de leurs propres misères, au-dessus des misères de cette terre d’exil, de cette vallée de 

larmes. 751 

La foi d’enfance impliquait donc pour Čep, qui fut en quelque sorte prédisposé à la 

vie spirituelle, deux aspects fondamentaux : elle était la source d’émotions fortes, 

suscitant des impressions esthétiques ; elle était un lieu de refuge devant les malheurs et 

les terreurs du monde extérieur. Qu’elle le sauvât devant les traumatismes de la mort 

(petit frère ou autres) ou des violentes querelles parentales (« allant souvent jusqu’au 

corps à corps »), ou devant les moqueries de ses camarades, elle était toujours un centre 

de sécurité protectrice, qui va s’évanouir avec la perte de l’innocence enfantine. 

VI.2.5.2. Crise 

Bien que les différents symptômes de ce que Čep appelle sa crise religieuse soient 

éparpillés dans la partie finale du chapitre « Ma foi », (p. 81-98), on en trouve une 

première allusion dès la page 43 du chapitre « Premiers visages ». On y trouve une 

anticipation « à la terrible crise qui [l]’attendait ». Puis à la page 69 du chapitre « Ma 

foi », l’auteur anticipe déjà de manière tout à fait claire « la crise qu’[il a] traversée à la 

sortie de l’enfance et pendant les premières années de [s]on adolescence où tout 

semblait sens dessus dessous. » 

Il est visible que même avec une distance de cinquante ans l’auteur a de la difficulté 

pour s’orienter dans la période en question et n’arrive pas à tirer entièrement au clair les 

causes et les conséquences de la « crise » : 


751 Ibid., p. 40. 

306


Qu’est-ce qui se passait en moi ces années-là ? Tout est un peu brouillé dans mon souvenir. Il est 

certain que je me détachais peu à peu de la foi de mon enfance et que je n’arrivais pas à la transformer 

organiquement en une foi d’adulte. 752 

Čep situe le début de cette crise spirituelle au moment de la transition de l’enfance à 

l’adolescence, c’est-à-dire quelque part dans sa treizième, quatorzième année. Il n’est 

pas surprenant que Čep confonde la crise avec la perte du paradis d’enfance, l’identifie 

même à lui. Nous avons vu comment cet univers enfantin fut pour lui indissolublement 

lié à la foi, à la vie religieuse de la famille dans le sens étroit du terme (parents, grands- 

parents, frères, sœurs) et plus large (famille paroissiale). La foi d’enfance est sans 

fissures parce qu’elle est naïve et prend les réalités de la religion comme telles, sans les 

mettre en doute. Sa justesse et sa véracité sont confirmées et garanties par l’exemple et 

l’autorité de la famille, toujours dans les deux sens. Mais dès que d’autres opinions et 

d’autres modes de vie percutent cette vie enfantine sans souci et ébranle la foi 

d’enfance, tout univers jusque là stable et fiable chavire, à reprendre le mot de Čep, tout 

semble « sens dessus-dessous ». Dans ce sens l’entrée au « lycée réal » de Litovel, 

réputé libéral, sera fatale au jeune Čep. 

C’est donc là, au moment de la transition entre l’enfance et l’adolescence, que Čep 

situe « les premiers doutes, vagues et informes » qu’il impute d’un côté à l’ « éveil 

sexuel » et ses conséquences sur le plan de la morale et d’un autre côté à l’influence des 

tendances libérales dans l’enseignement secondaire. Plus que ces deux facteurs plus ou 

moins clairs et compréhensibles, nous serons amenés à éclaircir un ressort tout intérieur. 

En effet, il nous semble qu’il y avait autre chose à l’origine ou au fond de la crise 

religieuse de Čep, si le mot « crise » est adapté à la situation, car à notre avis il ne l’est 

pas. Quelque chose prédisposait Čep à douter et à mettre en doute tout ce qu’il vivait, 

quelque chose qui avait beaucoup à voir avec l’angoisse native de l’auteur dont nous 

avons déjà parlé, qui était en fait une de ses formes latentes. Nous l’appellerons 

l’indécision foncière ou l’indécision vitale. 

Indécision foncière 

L’indécision, on peut dire aussi indétermination, instabilité, hésitation, perplexité, 

irrésolution, dédoublement et ainsi de suite, non pas dans le sens de la croyance mais en 


307


général, est la qualité qui définit probablement le mieux le caractère de Čep. C’est cette 

impossibilité à se décider, à agir au moment venu, qui est à l’origine de tant de drames, 

de tant d’échecs. La vie de Čep est comme structurée par elle, ou mieux, à défaut d’une 

détermination claire et d’action volontaire, sa vie est délaissée au hasard, se laisse 

entraîner par le flux d’événements extérieurs, se laisse former par les circonstances. Il 

en dira, lui-même en faisant le bilan dans le dernier chapitre entre autres ceci : 

[J]e n’ai pas été capable d’organiser ma vie. Je prenais trop les choses telles qu’elles m’arrivaient – et 

il ne dépendait pas de moi que tout se soit arrangé relativement bien jusqu’à un certain point. Je 

n’avais pas de « plan » pour une vie personnelle. 753 

L’indécision et l’incertitude foncières ne structurent pas seulement la vie de l’auteur 

mais également le texte de Ma Sœur l’angoisse. L’expression de cette incertitude, la 

déclaration des hésitations, ce sont des moyens repérables au fil du récit, s’agissant des 

procédés susceptibles de renforcer sa véracité, sa sincérité. Combien de paragraphes ne 

commencent-ils pas par : « Je n’arrive pas à me rappeler… », « Je ne saurais pas 

dire… », « Je ne me souviens pas… », et ainsi de suite. C’est cette indécision foncière, 

cette incapacité à se jeter activement dans la vie (et dans la foi) qui fut sinon à l’origine 

de la « crise » de l’adolescent Čep, au moins à son explosion. Nous allons illustrer notre 

analyse par deux extraits exemplaires – le récit de la première communion et celui de la 

vocation manquée. 

Ambiguïté de la première communion 

La première communion est bien sûr antérieure à la période où les doutes se 

manifestèrent chez Čep adolescent. Or, c’est en racontant cet événement très important 

du point de vue du mûrissement de la foi que Čep confie l’ « étrange dédoublement » 

qui lui a non seulement gâché l’impression de la cérémonie mais l’a accompagné selon 

ses propres mots « dans toutes les situations intérieures de [s]a vie » 754 . C’est ainsi qu’il 

décrit ce dédoublement, cette dissension intérieure qu’il semble saisir, probablement 

après coup avec une certaine distance, pour la première fois à la première communion : 

J’ai toujours été enclin à me dire que je ne sentais pas assez, pas autant que je voudrais et je devrais 

sentir. D’autre part, je mettais facilement en doute ce que je croyais sentir, et ce que je sentais peutêtre 

pour de bon. 755 


754 Ibid., p. 53. 

755 Ibid. 

308


La fréquence du verbe « sentir » est significative, puisque la vie pour Čep se déroule 

surtout et davantage sur le plan du ressenti que sur celui de l’action. Dans le bilan 

définitif il avoue lui-même la « tendance à [s]e tirer d’affaire par des rêves, à sous- 

estimer l’acte dans son sens extérieur » 756 . En outre, les deux domaines du sentiment et 

de l’action sont dirigés par les préceptes et modèles de la religion qui dresse trop 

souvent un idéal inaccessible. L’utilisation des deux verbes modaux « vouloir » et 

« devoir » est significative : ils renvoient à cet idéal (il ne sent/vit pas autant qu’il 

voudrait) et aux normes (ni autant qu’il devrait). Résultat : sentiment de culpabilité, 

manque de confiance en soi. C’est exactement ce qui se passe à la première communion 

du petit Jan qui, au lieu de jouir du moment de fête, se tracasse pour savoir s’il est 

vraiment heureux, s’il éprouve le bonheur comme il faut, s’il aime assez les autres et le 

Bon Dieu, s’il s’est bien confessé, etc. Il conclut le récit de la première communion en 

suggérant que celle-ci, si importante fusse-t-elle pour sa foi, fut au moins autant le 

souvenir culpabilisant qui met en relief le désaccord de la réalité (sentir, vivre) d’un 

côté et de l’idéalité et de la normativité de l’autre (vouloir, devoir). La culpabilité de ne 

pas sentir assez, autant qu’il le faudrait, est doublée par celle de ne pas être tel qu’il 

apparaît aux autres (innocent, meilleur que les autres enfants), de ne pas être 

suffisamment digne : 

Bref, je n’étais pas sûr du tout, à ma première communion, d’éprouver la béatitude de ces saintes 

petites filles et de ces saints petits garçons dont nos pieuses lectures nous proposaient l’exemple 

édifiant. J’étais un peu gêné par la petite couronne de romarin attachée à la manche de mon veston ; 

j’aurais préféré passer inaperçu ; et les paroles, les regards de ceux qui faisaient allusion à mon 

« innocence » ou même voulaient insinuer que j’étais meilleur que les autres, étaient autant de 

blessures pour ma pudeur, pour le sentiment que j’avais de ma propre indignité. 757 

Les mêmes doutes sur l’authenticité de la foi se manifestent dans un degré encore 

plus élevé au sujet de la confession. Le garçon met en question l’absolution reçue 

puisqu’il n’est pas sûr de la suffisance de sa repentance, de la probité et de l’intégralité 

de sa déclaration des péchés malgré le recours au « Miroir de confession ». La manière 

méticuleuse de se préparer au sacrement du pardon révèle bien la conscience 

scrupuleuse, ce que l’auteur désigne successivement par « hésitations », « incertitude », 

« inquiétude de la conscience » et « pénibles perplexités ». Le fait que ces dernières 

aient perduré sans faiblir jusqu’à l’âge adulte nous confirme la pensée que l’indécision, 


757 Ibid., p. 54-55. 

309


l’hésitation, l’oscillation permanente, furent vraiment une des parties constituantes de la 

figure de Čep, et pas seulement du Čep enfant. 

La vocation manquée 

Avec un peu d’exagération, Ma Sœur l’angoisse pourrait être désignée comme un 

livre de la vocation manquée. L’incertitude concernant la vocation à la vie consacrée, le 

trouble quant à la justesse du choix du chemin de vie, traversent tout le récit. 

Répétitivement déclarée dès la première anticipation à la page 28 (« On verra plus loin 

que ce choix avait été précédé par une autre vocation, vraie ou fausse, je ne le saurai 

probablement jamais. »), jusqu’au dernier chapitre (« face à ma femme et aux yeux de 

mes deux enfants, la question si j’ai fait bien ou mal, si j’ai répondu ou non à ma vraie 

vocation, a perdu tout sens. » ou « Je suis devenu mari et père très tard, et sans être 

jamais sûr que j’ai répondu à ma vraie vocation. » 758 ), cette incertitude devient pour Čep 

une véritable obsession. 

Au début, ce sont les parents qui amènent encore le petit garçon à réfléchir sur la 

voie de la vie sacerdotale. Ils s’aperçoivent de ce qu’ils considèrent comme des 

prédispositions pour la vie religieuse chez leur aîné. Leur raisonnement est à peu près 

ceci : il aime prier, se sent bien à l’église en servant le prêtre, a des facilités pour 

apprendre et aime les livres, et il est de surcroît d’une nature qui ne convient pas à la vie 

pratique. Il ne s’agit pas certes d’un ordre mais plutôt d’un « espoir informulé ». Tant 

que l’univers de la foi d’enfance n’est pas atteint, le garçon lui-même semble 

acquiescer 759 . Avec les années de crise entamées au lycée, la question de la vocation est 

mise à l’arrière plan. Les parents ne protestent pas. Elle resurgit, dans un contexte 

différent, après la mort du père avec la lecture de son carnet de guerre où Čep, déjà 

homme mûr, découvre son vœu testamentaire. Celui-ci exprimait le désir profond du 

père, formulé à la guerre dans le danger de mort immédiat et adressé à son fils aîné : 

« … s’il croit avoir la vocation… si cela lui est possible… qu’il sache que je 

souhaiterais de tout mon cœur qu’il devienne prêtre… » 760 La question de la vocation 

est instaurée de nouveau encore plus douloureusement puisque sous le sceau de la mort 

et reflétant une sorte de testament du père. Le fait de ne pas répondre à la vocation 

758 Ma Sœur l’angoisse, op. cit., respectivement p. 165 et 180. 

759 Cf. Ma Sœur l’angoisse, op. cit., p. 70-71. 

760 Ibid., p. 73. 

310


religieuse est désormais vécu avec un sentiment aigu de culpabilité, comme une 

trahison, comme un détournement du testament paternel. Toutes les indécisions, tous les 

doutes futurs trouveront écho dans le non accomplissement de ce vœu. L’incertitude sur 

ce point persistera d’ailleurs au-delà du mariage de Čep qui, normalement, devrait 

mettre un terme à la scission intérieure mais qui n’arrive pas pour autant à interrompre 

le remord. Lorsque Čep remplit, au début des années 1960, le questionnaire proustien, à 

la question « Qui auriez-vous aimé devenir ? » il répond par les mots qui laissent 

deviner le regret : « Ce que mes parents auraient voulu avoir de moi. » 761 

Pour conclure cette étape du parcours spirituel de Čep, permettons-nous quelques 

mots sur la nature de sa « crise ». A première vue, la crise ne revêtira pas de formes 

révolutionnaires où de rébellions anticatholiques, mais se développera insidieusement, 

discrètement, de manière latente. Elle perdurera jusqu’aux années universitaires et ne se 

manifestera autrement que par l’éloignement progressif de la pratique religieuse. Il 

serait d’ailleurs plus adapté de parler d’une interruption de la pratique religieuse que 

d’une crise de la foi. Il est à remarquer que pendant les études universitaires, c’est-à-dire 

en pleine « crise », les critiques littéraires et les amis de l’auteur débutant reconnaissent 

dans ses écrits l’inspiration catholique. Enfin, Čep lui-même dans cette confession 

générale qu’est Ma Sœur l’angoisse semble arriver à la conclusion remettant en cause la 

notion de la crise de la foi, dans le sens d’une rupture radicale, d’une discontinuité 

apparente de son attitude intérieure : 

Où était, dans ces horizons chancelants, l’idée d’un Dieu ! Je pense maintenant qu’elle y était 

toujours ; qu’elle m’attendait, qu’Il m’attendait Lui-même miséricordieusement, jusqu’au moment où 

je pourrais le reconnaître de nouveau dans des espaces infiniment élargis. Mais à cette époque-là, je 

pensais m’éloigner de Lui. En réalité, j’essayais de faire tout chavirer, je remettais tout en question 

pour provoquer la voix qui me foudroierait. Quelle folle présomption ! 762 

VI.2.5.3. Conversion 

Dans la vie entière de Čep, il n’y eut probablement pas de rencontre plus importante 

que celle avec Josef Florian. Il le confiera lui-même dans la nécrologie publiée après la 



311


mort de Florian sous un titre significatif « Na rozcestí » (Au carrefour) 763 . Le séjour 

relativement court (de septembre 1926 à juin 1927) à Stará Říše chez Florian est 

considéré comme un carrefour capital de sa vie. A ces neuf mois Čep consacre presque 

autant d’espace dans son autobiographie qu’à douze ans de sa vie à Prague ou qu’à huit 

ans de la période de la guerre et d’après-guerre. Là-bas, sous l’influence de Florian, Čep 

vit une sorte de conversion qui met terme à la période de tâtonnement et de 

chancellement instaurée par la crise d’adolescence. Il l’affirme plusieurs fois dans les 

pages de Ma Sœur l’angoisse en mettant en valeur ce séjour qui a « changé le cours de 

[s]on existence », d’où il a « rapporté un noyau de certitude inentamée, une réserve 

spirituelle qui ne s’est jamais épuisée », et qui fait que depuis, il n’a pas « chancelé dans 

[s]a foi » et n’a pas « abandonné la pratique religieuse » 764 . 

Grâce au séjour chez Florian, Čep parvient enfin à transformer organiquement la foi 

de son enfance en une foi mûre et adulte. On a à faire avec la notion générale de 

conversion dans le sens religieux qui est « d’une part, retour à l’origine, à un état idéal 

et parfait (epistrophê), d’autre part, arrachement à un état de perversion et de péché, 

pénitence et contrition, bouleversement total de l’être dans la foi en la parole de Dieu 

(metanoïa) » 765 . L’idée du retour se combine avec l’idée de renaissance. 

La conversion de Čep est graduelle, elle s’articule en deux phases. La première 

intuitive et spontanée, on dirait le fruit de la grâce pure, est le retour à la pratique par le 

geste de la prière ; la seconde, c’est l’acquisition de la sûreté de la foi sous la houlette 

du « maître » Florian. Le récit de cette conversion constitue le noyau du chapitre intitulé 

« Chez Joseph Florian ». Tous les attributs majeurs d’un tel récit sont réunis : action de 

grâce divine, personnage du sage maître à penser, retraite hors du monde, rupture avec 

le passé, étape de préparation et d’initiation, vie en communauté, retour à la foi. Mais 

l’équilibre acquis est rapidement rompu par l’expulsion de l’oasis en raison d’une 

perturbation des lois de la communauté édicté par le maître (aventure amoureuse avec la 

sœur de Florian). 

763 Le texte est inclus in : Œuvres IV, p. 143-145. On peut y lire entre autres : « J’ai rencontré Josef 

Florian au carrefour fatal ; je ne sais même imaginer ce que je deviendrais, s’il n’y eut pas de cette 

rencontre. Personne des vivants n’avait sur moi […] une telle influence, en bonne ou en mauvaise part. », 

p. 45. 

764 Ma Sœur l’angoisse, op. cit., p. 121 et 162. 

765 Dictionnaire de la Philosophie, op. cit., p. 402. 

312


Retour à la prière comme fruit de l’action de Grâce 

Le mûrissement spirituel dont Čep sera le sujet pendant le séjour à Stará Říše est 

précédé par le retour, au moins partiel, à la pratique religieuse. Déjà avant l’arrivée chez 

Florian il avoue prier et assister à la messe « plus au moins régulièrement ». Ce sur quoi 

Čep veut surtout mettre l’accent, c’est le moment précis, mais inexplicable, qui fut le 

déclencheur premier dans le processus du retour à la foi. Il veut exposer au lecteur « ce 

premier geste » en le représentant comme un acte de la Grâce. Il est tout à fait 

significatif que ce premier pas de la conversion s’accomplisse « dans la petite mansarde 

de [s]a maison natale » 766 . Il ne pouvait pas en être autrement, car il faut le milieu le 

plus familier pour qu’il y ait ce retour à l’origine, aux racines. Il est tout aussi 

significatif que Čep ne sache pas s’expliquer comment il est parvenu à ce premier geste 

de la prière ; lui-même semble ou fait semblant de ne pas comprendre ce qui s’est passé 

au juste, ce qui le faisait retourner à la foi « après plusieurs années d’incertitudes, de 

confusion, de doutes » 767 . Le geste paraît spontanné, sans cause rationnelle : « Ç’avait 

été, raconte Čep, un glissement dont la logique m’échappait à moi-même. » 768 Le récit 

tend à faire comprendre au lecteur qu’il s’agit purement d’une action de grâce divine, 

que dans le processus de retour à la foi, la personne du converti n’y est pour rien, ne doit 

s’octroyer aucun mérite. L’auteur insiste sur le fait que récupérer la foi ne fût pas « la 

suite d’un effort de pensée » 769 , que la prière n’était pas revenue comme 

« l’aboutissement d’une nouvelle connaissance philosophique ou théologique » 770 . Le 

récit de la conversion doit faire voir que c’est une instance supérieure, Dieu, qui agit, 

qui cherche le pécheur égaré et le fait revenir vers lui. Ainsi, ce premier geste de la 

prière est le fruit de la grâce, ce n’est pas tant l’homme Čep qui prononce « ce nouveau 

‘Pater’ de vive voix de tout [s]on être » 771 , c’est plutôt le Saint Esprit qui l’habite et le 

fait prier dans ce moment d’inspiration. Lors de ce premier pas s’entremêlent déjà les 

deux aspects de la conversion : retour à l’origine, à la foi d’enfance mais en même 

temps ouverture, élargissement des perspectives, renaissance et épanouissement. C’est 

la conversion dans le plein sens du mot, qui transforme profondément et à jamais le 

sujet converti. Čep lui-même en dit : 


767 Ibid., p. 107. 

768 Ibid. 

769 Ibid. 

770 Ibid. 

771 Ibid. 

313


Ce n’était pourtant pas non plus un pur et simple retour à la foi de mon enfance, bien que ce geste 

n’eût pas été possible sans cette foi. Il créait en moi une réalité nouvelle ; après lui, je n’étais plus le 

même qu’avant ; je me suis senti embarqué irrévocablement. Ce geste a été pour moi la découverte 

d’un monde nouveau – où le monde de mon enfance était comme absorbé, compris, épanoui. Je me 

retrouvais moi-même, mais j’étais déjà engagé sur les chemins qui devaient me mener au-delà des 

horizons connus jusqu’alors. 772 

Sous le signe de Josef Florian 

Par ce premier pas, la conversion de Čep fut certes entamée mais point complète. Il a 

fallu justement la rencontre avec le maître afin que Čep qui dit ne pas voir « clair ni en 

[lui] ni en dehors de [lui] » puisse retrouver la voie juste, la nouvelle direction de sa vie. 

Nous relèverons deux ou trois aspects qu’on peut tirer du récit sur cet accomplissement 

de la conversion sous l’influence de Florian. 

Pèlerinage d’initiation et appel du disciple 

Avant d’arriver pour un séjour plus long, il est nécessaire d’entreprendre une sorte de 

pèlerinage à Stará Říše, lieu déjà réputé dans les cercles catholiques, couvert par une 

ombre mystérieuse planant autour de la personne étrange de J. Florian. Ce voyage 

qu’entreprend Čep en compagnie de deux amis, collègues de l’Université, porte certains 

traits du voyage initiatique. Le voyage qui en apparence avait l’air d’un tour de 

compagnons, effréné et libre, rempli de soleil, de chants et de vins, se dirige tout de 

même vers un but précis, comme vers un sanctuaire. A mesure qu’ils approchent de ce 

but, la « dernière étape de […] voyage », l’atmosphère détendue se transforme en une 

atmosphère d’attente fébrile, voire de crainte. C’est comme jadis quand les gens allaient 

voir le sage ermite retiré du monde pour demander conseil, que les trois voyageurs 

s’approchent de Stará Říše, dont le caractère majeur est aussi l’éloignement du 

« monde » et dont le spiritus agens est comparable au sage. Čep tente de reconstituer ce 

qui leur vient à l’esprit en s’approchant de « ce pays perdu » et anticipe déjà le rôle 

capital que Florian occupera dans sa vie : 

Encore un coup de vin dans une auberge, et ce fut le pays de Joseph Florian. Nous nous taisions de 

plus en plus. […] Qu’est-ce que nous attendions de cette rencontre ? Etait-il possible que dans ce pays 

perdu, loin des remous intellectuels et des tendances d’idées de notre époque, vécût quelqu’un qui 


314


voyait plus clair que les autres, plus que les meneurs de jeux littéraires ; quelqu’un qui puisse nous 

dire une parole révélatrice, nous mettre ou nous remettre sur notre chemin ? 773 

La rencontre est en effet frappante, semblable à une révélation. Le contraste radical 

est nettement posé entre le monde (Prague) et hors du monde (Stará Říše), entre 

l’actualité propre au monde et le permanent. C’est presque l’opposition entre lieu saint 

et lieu profane dont la conséquence est une découverte de la fausseté de la vie dans le 

monde par rapport à la vie hors du monde qui, elle, est authentique. Ce « recul soudain à 

l’égard des ‘actualités’ de toutes sortes » donne aux voyageurs « le vertige » : 

Nous nous rendions compte combien toutes les paroles auxquelles nous étions accoutumées, 

trahissaient ici leur peu de poids, leur sens faussé, et combien peu d’importance avaient ici les choses 

auxquelles on en attachait tant, dans le monde. 774 

Les jeunes visiteurs éprouvent un sentiment d’infériorité, puisqu’il ne sont pas 

initiés, ne font pas partie de la communauté du lieu. Čep le confie en recourant au 

vocabulaire clairement religieux soulignant cette indignité, cette absence de préparation 

à la vie spirituelle des gens du lieu, lorsqu’il rappelle leur sentiment « d’être là comme 

des catéchumènes » de se « trouver vis-à-vis des autres comme dans une sorte de 

parvis » 775 . 

La visite, qui devait certes marquer les trois pèlerins, n’aura pas pour eux le même 

impact. Tandis que les deux amis de Čep repartent plus au moins inchangés, Čep en est 

profondément bouleversé. Il est littéralement appelé à suivre le maître. Comme les 

textes des Evangiles nous montre comment le Christ appelle ses apôtres, Čep termine la 

visite d’initiation par le récit d’appel, élément important du récit de la conversion que 

Čep veut construire. Les coulisses sont aussi celles de l’Evangile : l’appel arrive au 

cours d’une promenade champêtre, dans la nature paysanne, dans la solitude, au cours 

d’une face à face entre le maître et son futur disciple. L’appel lui-même est structuré en 

trois points, trois énonciations de Florian, trois phrases brèves, deux questions et un 

avertissement, qui sonnent comme des coups de marteau sur la tête d’un clou. Les trois 

propos de Florian sont de même longueur et d’un même rythme, se composant de deux 

segments autonomes. Deux questions se présentent sous forme de chiasme : une 

constatation et une interrogation. 


774 Ibid., p. 110. 

775 Ibid., p. 111. 

315


En premier point, c’est d’abord la reconnaissance de la différence du jeune visiteur 

par rapport aux deux autres, suivie d’une question sur son avenir (« Il me semble que 

vous êtes différent de vos camarades ; que pensez-vous faire dans le monde ? » 776 ). Ceci 

doit avant tout montrer la clairvoyance de Florian qui devine, qui pénètre les secrets des 

autres. Après la réponse vague et perplexe de Čep s’ensuit la proposition de le rejoindre, 

qui est un appel proprement dit (« Vous ne voudriez pas rester ici ? Vous m’aideriez un 

peu, et vous seriez libre en même temps » 777 ). On pourrait traduire la phrase comme une 

élection du disciple. Le troisième propos réagit à l’indécision de Čep, rappelle 

l’exclusivité du lieu, jouant toujours sur l’opposition du monde, dangereux et déchu, et 

ce lieu en dehors du monde, protecteur et comblant (« Méfiez-vous, a-t-il dit encore ; 

une fois parti d’ici, vous serez facilement égaré de nouveau… ! »). Sans répondre plus, 

Čep « savait que [s]a résolution était prise » 778 . 

Figure du sage et sa communauté 

On comprend bien que dans le récit de la conversion de Čep un statut particulier est 

tenu par Josef Florian. Celui-ci occupe le rôle du « maître » spirituel, du vieux sage 

censé guider le jeune adepte dans son cheminement spirituel. Pour lui attribuer cette 

importance, Čep utilise dans sa description tout un ensemble de détails, de traits, 

d’allusions qui rapprochent Florian tour à tour des prophètes de l’Ancien Testament ou 

des pères du désert, ces sages ermites de la première ère chrétienne. 

Il y a d’abord une remarque qui précède la rencontre personnelle pendant la visite 

d’été à Stará Říše. C’est à la fin du chapitre « L’université » (dans le projet auctorial, fin 

de « Ma foi ») où Florian est brièvement présenté au lecteur français. L’auteur souligne 

surtout deux caractéristiques : sa singularité (« homme étrange ») et sa filiation à Léon 

Bloy (« disciple direct de Léon Bloy »). Déjà la mise en rapport avec l’écrivain français, 

sa mise sous le patronnage de ce prophète apocalyptique fut parlante. Cette affinité est 

surtout dans la radicalité des attitudes des deux hommes ; à l’instar de son maître 

français, Florian « croyait la société moderne irrévocablement perdue et 

condamnée » 779 . D’où le sentiment de la vocation (divine) de rétablir ce monde perdu, 

de convertir les pécheurs. Ce qu’il fait au moyen de l’édition et de la divulgation des 


777 Ibid. 

778 Ibid. 

779 Ibid., p. 105. 

316


« textes sacrés », ceux de son maître français, de même que d’autres écrivains 

catholiques peu connus alors en Tchécoslovaquie. 

Le trait que Čep veut souligner le plus, c’est la capacité première des prophètes, à 

posséder la clairvoyance déjà mentionnée. A cette perspicacité s’ajoute la capacité de 

proférer « une parole révélatrice », de remettre sur le bon chemin, de montrer la bonne 

direction. Nous avons déjà vu que Florian a deviné la différence de Čep, cette altérité 

que Čep arbore depuis le début du livre. Mais la clairvoyance du maître est exprimée de 

manière tout à fait claire et probante lorsqu’au cours de la première rencontre, les trois 

visiteurs eurent « bientôt le sentiment que cet homme solitaire savait tout sur [eux], ou 

au moins l’essentiel » 780 . 

Néanmoins Florian se distingue des figures d’ermites ou mêmes des prophètes, ceux- 

ci vivant généralement dans la solitude absolue. Lui, il est entouré de sa nombreuse 

famille et de plusieurs collaborateurs. C’est donc toute une communauté où la vie est 

dirigée par des lois propres et que tout nouvel arrivant est censé adopter. La vie de la 

communauté paraît austère. Elle vivait dans une pauvreté presque absolue. Retirés du 

monde, ses membres se vouaient « à l’étude et à la contemplation ». La communauté 

instaure aussi ses rites spéciaux, devançant en modernité la liturgie de l’époque 

(« C’était déjà une sorte de messe ‘dialoguée’ dont l’usage n’était pas encore très 

répandu. » 781 ). Les membres travaillaient à l’œuvre commune, sans se faire payer, 

mangeaient à la table commune, vivaient « au jour le jour ». Une telle description donne 

l’impression d’une vie vraiment communautaire, voire monacale. 

Entrer dans une telle communauté religieuse est une résolution d’une gravité capitale 

pour celui qui s’y décide. En général, l’entrée est précédée par certaines démarches 

convenues comme la rupture avec ce qui liaient l’adepte avec le passé (perverti) et le 

renoncement au monde (perverti). Tout ceci est aussi présent dans le récit de Čep. Avant 

de se rendre à Stará Říše en septembre 1926, il trace un trait sur son passé, déchire 

lettres, manuscrits, premières publications, évite la compagnie des camarades 

d’autrefois 782 . Il part secrètement en dissimulant l’objectif de son voyage pour ne pas 

780 


781 

Ibid., p. 111. 

782 

Cf. Ma Sœur l’angoisse, op. cit., p. 112. 

317


faire de chagrin à ses parents du fait de « renoncer à toute carrière mondaine » 783 . Il part 

pour commencer une vie nouvelle. 

En demeurant dans la communauté de Stará Říše, la conversion de Čep se parachève. 

Il y est reçu « avec la sollicitude paternelle » de Florian qui prend ainsi la figure non 

seulement du maître mais semble remplacer également le père familial avec lequel Čep 

n’avait pas une relation simple. Le séjour se déroule de phase en phase toujours sous 

l’œil du maître, depuis une « période d’observation et d’expérimentation » (souvenons- 

nous des mots déjà cités de « catéchumène », « parvis ») jusqu’au plein accueil actualisé 

par la confession générale et l’admission à la communion quotidienne. 

Ainsi le court séjour à Stará Říše fut-il vécu comme le retour au moi profond 

(« J’avais l’impression de m’être retrouvé. » 784 ) et comme la renaissance, parties 

intégrantes d’une vraie conversion. Le retour à la foi est vécu comme un élément de la 

plus grande importance puisque la foi, pour Čep, c’est la vie en vérité. Donnons-lui la 

parole pour mettre en valeur les fruits qu’apportait cette expérience vécue dans la 

communauté à Stará Říše, auprès du maître Florian : 

Mon sentiment, au début de cette aventure, était celui de soulagement, de libération. Si je m’étais, 

dans un sens retiré du monde […] je ne me suis pas trouvé en dehors de la vie, au contraire : 

j’éprouvais beaucoup plus intensément son contexte, sa réalité profonde que dans le chaos de Prague. 

[…] Mon retour à la pratique religieuse m’apportait une continuité spirituelle à laquelle j’aspirais 

quasi organiquement. En prenant du recul par rapport aux dispersions de « l’actualité » quotidienne et 

superficielle, je me sentais plus près du vrai, du permanent, de l’éternel. 785 

VI.2.5.4. Entre angoisse et confiance 

Bien que la conversion signifie pour Čep le retour à la foi dans le plein sens du mot, 

c’est-à-dire comme engagement total, il reste que cette foi ne fut pas pérenne, ne resta 

pas figée dans le stade d’épanouissement post-conversionnel. Si, dans le chapitre de 

bilan, il affirme que depuis Stará Říše, il n’a plus « chancelé dans [la] foi », il 

s’interroge en même temps sur l’authenticité, la vivacité de sa foi. En effet, il y a chez 

Čep une lutte incessante entre la foi et le doute, entre l’angoisse et la confiance, cette 


784 Ibid., p. 115. 

785 Ibid., p. 116. 

318


« oscillation entre le présent, souillé de péché, et la promesse » pour reprendre les mots 

du grand théologien allemand Hans Urs von Balthasar 786 . 

Les périodes de la plénitude varient avec celles, plus fréquentes et plus longues sans 

doute, de la sécheresse. Le dédoublement initialement connu à la première communion 

ne se laisse pas oublier, le manque de confiance en soi, le sentiment de « ne pas être à la 

hauteur », les « rechutes » toujours renouvelées et les « dégringolades » sur le plan 

moral sans cesse répétées, assaillent la stabilité et ne permettent pas une foi d’une sûreté 

infaillible. C’est pourquoi il y a cette prédilection chez Čep pour les personnages 

bibliques défaillants en quelque sorte, comme Nicodème ou le bon larron, qu’il invoque 

comme ses « frères » précisément à cause de leurs efforts à « refaire la vie manquée, 

rattraper le temps perdu, se retrouver eux-mêmes, se retrouver tout entier dans Celui qui 

est la source de la Vie, de toute vie » 787 . C’est pourquoi il n’aime pas les souverains 

dans tous les sens du terme, y compris dans la foi ; l’attitude pleine d’assurance d’un 

Claudel lui est étrangère. 

Il est à se demander s’il n’y a pas quelque chose d’étrange dans une telle lutte 

intérieure entre l’angoisse et l’espérance, entre le doute et le jaillissement de la foi. Si 

les deux pôles sont réconciliables ou bien s’il s’agit plutôt d’un signe d’une foi trop 

faible, malade. C’est, semble-t-il, le parti pris de Hans Urs von Balthasar déjà cité, qui 

considère l’angoisse comme un manque de foi et comme telle, elle est défendue au 

chrétien croyant 788 . Le théologien argumente de la sorte : 

La mauvaise conscience de nombreux chrétiens, et l’angoisse engendrée par celle-ci, ne viennent pas 

de ce qu’ils pèchent et recommencent à pécher, mais de ce qu’ils ont cessé de croire à la vérité et à 

l’efficacité de leur foi ; ils mesurent la force de la foi à leur propre impuissance, ils projettent le 

monde de Dieu dans leur propre psychologie, au lieu de se laisser mesurer par Dieu. Ils font ce qui, en 

tant que chrétiens, leur est défendu : ils considèrent la foi de l’extérieur, ils doutent de la force de 

l’espérance, ils s’installent dans le gouffre qui sépare l’exigence chrétienne de leur impuissance, dans 

un gouffre qui, chrétiennement, n’est pas un lieu. Rien d’étonnant alors que l’angoisse les saisisse ! 789 

En revanche, Tomáš Halík, théologien tchèque contemporain, perçoit le doute, et 

l’angoisse qui en est la source ou la conséquence, comme partie intégrante de la foi 790 . 

786 H. Urs von Balthasar, Le Chrétien et l’angoisse, Desclée de Brouwer, 1954, p. 87. 


788 Cf. Le Chrétien et l’angoisse notamment le chapitre du même titre. Précisons cependant que Balthasar 

distingue deux types d’angoisse, « angoisse du péché », stérile et interdite et « angoisse de la croix », 

caractérisée entre autres comme une « véritable participation […] à la nuit du Crucifié », admissible et 

même « salvatrice ». 

789 H. Urs von Balthasar, Le Chrétien et l’angoisse, op. cit., p. 90. 

790 Cf. son livre Co je bez chvění není pevné. Labyrintem světa s vírou a pochybností (Ce qui ne tremble 

pas n’est pas solide. À travers le labyrinthe du monde avec la foi et le doute), Praha, Lidové noviny, 2002. 

319


Le doute est pour T. Halík complémentaire de la foi ; il est la garantie de la non- 

stagnation, de la vigilance, il est le signe de la foi vivante, évolutive et non pas formelle 

et morte. Que la foi soit en mouvance, qu’elle doive résister à la stagnation et à la 

sclérose, est d’ailleurs reconnu également par le théologien allemand lorsqu’il profère 

cette belle sentence : « La foi, quand elle est vivante, quand elle est agissante, est une 

marche, un passage. » 791 

Au terme de cette étude, nous sommes enclins à considérer les états d’angoisse et de 

doutes chez Čep comme un signe, une preuve de la vivacité de sa foi. Il est conscient de 

ce que tant qu’il revêt une « condition charnelle », il aura à lutter contre « cette angoisse 

suprême, ce reste d’incertitude » qu’est la participation de l’humanité à l’angoisse « du 

Jardin des Olivier, de l’agonie sur la Croix, avant de participer à [la] Résurrection et [l’] 

Ascension, à l’Ascension du temps dans l’éternité » 792 . Le fait qu’il termine son 

autobiographie par une prière est d’une éloquence probante. 

791 H. Urs von Balthasar, Chrétien et l’angoisse, op. cit., p. 89. 


320


VII. L’ECRIVAIN EXILE ET SA LANGUE 

La langue de mes souvenirs, 

Personne ne la comprend ici. 

La langue que je parle, 

N’a rien à se souvenir 793 . 

Le quatrain du poète tchèque que nous avons mis en exergue de ce chapitre nous 

place d’emblée au cœur de la problématique de l’exil. Les vers résument la situation 

linguistique de tout exilé, et notamment la tension des deux langues entre lesquelles il se 

trouve. En effet, le destin de l’exil met tout homme, et l’écrivain en particulier, à la 

frontière des langues : l’écrivain exilé est comme crucifié sur la croix de la langue 

maternelle (langue du passé, de l’enfance, des souvenirs) et de la langue du pays 

d’adoption (langue du présent et de la survie, pour certains peut-être du désir). C’est 

précisément sur cette expérience « linguistique » de l’écrivain en exil que nous 

porterons notre attention dans ce chapitre. En prenant l’exemple de Jan Čep, l’un des 

meilleurs écrivains tchèques de l’Entre-deux-guerres, nous tâcherons de montrer de 

quelle manière le déracinement causé par l’exil affecte l’existence de l’exilé en tant 

qu’homme et écrivain. 

Nous analyserons deux aspects liés à la langue de l’écrivain. D’abord, nous 

envisagerons les conséquences de l’exil sur l’écriture de Jan Čep, sur son métier 

d’écrivain. Nous évaluerons les compétences linguistiques de Čep avant même son 

émigration pour mieux cerner les dégâts causés par l’ « entre-deux-langues » de l’exil. 

Nous nous attarderons aussi sur les textes où Čep, rongé par son échec littéraire en 

France, réfléchit au rapport entre l’écrivain et la langue de son expression. Ensuite nous 

porterons notre attention sur les rares écrits et traductions en français de Čep. Nous 

recenserons les jugements portés sur son français littéraire et nous soulèverons les 

difficultés de la traduction de son oeuvre dans une langue étrangère. 

793 « Řeči, v níž vzpomínám,/ tu nikdo nerozumí./V řeči, jíž hovořím,/ není nač vzpomínat. », A. Brousek, 

Zimní spánek (L’hibernation), Praha, Mladá Fronta, 1991, p. 110. Traduction des vers en français J. Z. 

321


VII.1. Déracinement linguistique de Jan Čep 

VII.1.1. Situation linguistique de Jan Čep avant l’émigration 

Avant d’aborder la problématique de la langue spécifiquement liée à l’exil, il nous 

semble utile de présenter Jan Čep en tant que philologue – dans le sens étymologique du 

mot – c’est-à-dire celui qui aime les langues, l’« amoureux des lettres ». Rappelons 

d’abord que Čep fit des études philologiques (anglais, français, tchèque – sans toutefois 

les avoir terminées), et qu’au cours de sa vie active il resta toujours dans des domaines 

proches de la langue ou des langues (écrivain, traducteur, lecteur dans des maisons 

d’édition). Dans son œuvre d’écrivain et de traducteur, la critique a toujours hautement 

apprécié la pureté de sa langue qui lui assura dès ses débuts le titre de « gardien de la 

langue tchèque ». Pour rendre compte des capacités linguistiques de Čep, nous prenons 

comme exemple un passage de son autobiographie où il parle justement de sa « passion 

philologique » et où il dévoile quelque peu son intelligence profonde pour les langues : 

Jusqu’à ma quarantième année, j’ai étudié la grammaire d’au moins dix langues étrangères. Il allait de 

soi que je sache l’allemand, le français, l’anglais ; je lisais assez couramment l’italien et l’espagnol et 

même le russe. Mais, il me faut dire en même temps, que je parlais toutes ces langues assez mal, 

même celles que je connaissais le mieux. Cela tenait sans doute, pour une grand part, à mon métier de 

traducteur : je sentais très bien les valeurs mélodiques des langues étrangères, les nuances des mots et 

des expressions, et je réussissais très bien à leur trouver des équivalents dans ma langue natale ; mais 

quand il s’agissait de changer de direction, de transposer, dans une langue étrangère, les valeurs de ma 

propre langue, les mots tardaient à venir d’autant plus qu’il me répugnait toujours de dire n’importe 

quoi et n’importe comment. 794 

Cette facilité à aborder des langues étrangères chez Jan Čep nous est attestée 

également par ses amis. Relevons par exemple le témoignage de Bedřich Fučík, 

directeur de la prestigieuse maison d’édition Melantrich, qui se souvient comment, à la 

fin des années 1920, il embaucha Čep en tant que « collaborateur externe pour la 

littérature étrangère, française, espagnole, italienne, et même pour le slovène : il s’était 

mis à cette dernière langue après avoir acheté par le plus grand des hasards un manuel, 

et dans les trois mois le maîtrisait à tel point qu’il pouvait le lire couramment. » 795 

Selon les passages cités, nous aurions envie de classer Čep dans la catégorie des 

polyglottes, quoi que des polyglottes dont la maîtrise des langues étrangères se limite 

794 J. Čep, Œuvres VI, p. 217. 

795 B. Fučík, Čtrnáctero zastavení (Quatorze stations), Praha, Melantrich-Arkýř, 1992, p. 210. 

322


plus ou moins à l’usage passif. Toutefois, il existe une certaine hiérarchie dans les 

langues de Jan Čep. Il y a d’abord des « langues de lecture » qui lui permettent de lire la 

littérature dans la version originale, et de ce fait, de la traduire en tchèque. Ensuite, il y a 

des « langues étudiées » dans sa formation universitaire (l’anglais et le français) ce qui 

suppose la connaissance approfondie du système linguistique. Enfin, un rôle privilégié 

et tout à fait primordial parmi les langues étrangères appartient au français qui est la 

seule « langue vécue », dans laquelle il parvient à sentir et à vivre, à l’intérieur de 

laquelle il lui arrive de penser et de s’exprimer esthétiquement. À notre connaissance, le 

français est également le seul code langagier, en dehors du tchèque, dans lequel Čep 

entreprend une vaste correspondance, de même que c’est la seule langue étrangère dans 

laquelle lui-même traduisait certaines de ses nouvelles. Il reste toutefois vrai que Čep ne 

fut pas entièrement bilingue, et que lui-même ne s’est jamais considéré comme tel. 

Même si certains de ses amis français s’inclinaient parfois devant le niveau de son 

français (même littéraire), lui-même restait beaucoup plus modeste comme nous le 

voyons par exemple dans cette réponse à la lettre de Madeleine Monzer : « J’ai honte de 

vous entendre louer mon français, il m’arrive d’écrire, de-çà de-là, une phrase qui sonne 

assez bien, mais un moment après, je commets une maladresse tout simplement 

ridicule. » 796 

L’explication plus générale de ce rapport tout à fait particulier et affectif de Čep à la 

langue française (à la différence de l’anglais par exemple) tient notamment à son 

admiration profonde envers le potentiel littéraire et en général culturel et spirituel de la 

France au cours de son histoire. 

VII.1.2. L’effet de l’exil sur la compétence linguistique de Čep 

L’écrivain décidant de se réfugier dans l’insécurité de l’exil subit un triple 

isolement : l’isolement de son public d’origine, celui du public du pays d’accueil et 

celui de sa langue maternelle. Presque tous les écrivains émigrés sont d’accord pour dire 

que la plus douloureuse est la coupure avec la langue maternelle accompagnée de 

l’impossibilité de posséder une autre langue à la perfection 797 . L’écrivain exilé se trouve 

796 J. Čep à M. Monzer, le 2 septembre 1946. 

797 La possession d’une autre langue que la langue natale n’est certes pas une chose impossible, toutefois 

sa maîtrise parfaite, c’est-à-dire le fait de devenir entièrement bilingue, reste plutôt rare : « ‘Entrer’ dans 

323


dans une situation en quelque sorte schizophrénique : il vit entre deux langues, mais 

aussi entre deux espaces (ici/là-bas) et entre deux temps (passé/présent). Cette situation 

à la frontière des langues, des espaces et du temps entraîne nécessairement des 

conséquences profondes et peut mener jusqu’à une sorte de « dédoublement ». Ici, nous 

approchons les questions vraiment délicates de l’identité de l’être humain, la langue 

étant considérée comme une des principales « porteuses d’identité » 798 . 

Dans la correspondance de Čep, ainsi que dans son journal, nous trouvons de menus 

témoignages du déracinement et du sentiment de la scission linguistique. À son ami 

Henri Pourrat, il confie qu’il se sent « divisé entre le français et le tchèque », qu’il a 

peur d’écrire bientôt « très mal dans les deux langues » 799 . Il éprouve le « sentiment 

d’être devenu inarticulé ; de ne savoir plus ni le tchèque ni le français » 800 . 

Cependant, il développe un effort considérable pour perfectionner son français afin 

de pouvoir l’utiliser comme une langue de création. Toutefois, lui-même semble être 

très incertain quant aux résultats et s’avère plutôt sceptique quant à la possibilité de 

devenir un écrivain bilingue : 

Je lis beaucoup, je tâche de me familiariser avec la langue française ; mais je crains qu’il ne soit déjà 

trop tard pour qu’elle puisse devenir pour moi un moyen d’expression tout à fait spontané ; il sera 

encore plus difficile, sinon tout à fait impossible, de m’en rendre maître au point d’en sentir toutes les 

valeurs et toutes les finesses. 801 

Cette impression d’impuissance face à la langue adoptée est repérable tout au long de 

l’exil de Čep. Dans son cas, on ne peut guère parler d’une assimilation progressive avec 

la culture et la langue du pays d’accueil, qui s’achèverait par le fait de devenir un 

écrivain français et un citoyen français. On ne peut non plus employer ici le terme de 

« transculturation » forgé par Tzvetan Todorov pour désigner l’évolution heureuse d’un 

une langue suppose un long travail d’initiation aux multiples subtilités de signification, aux expressions, 

tournures, métaphores, images, aux figures de langage, aux jeux de mots, aux doubles sens et, plus 

difficile encore, aux manifestations verbales de l’humour qui diffèrent largement d’une langue et d’une 

culture à une autre. », L. Tourn, Chemin de l’exil. Vers une identité ouverte, Paris, Campagne première, 

2003, p. 106. 

798 Cf. « L’abandon de la langue d’origine et son remplacement par une autre opère une modification dans 

la structure intime de la pensée et entraîne des conséquences notables. », L. Tourn, op. cit., p. 107. 

Cf. aussi l’expérience de l’écrivain français d’origine américaine Julien Green. Lorsque ce dernier se 

réfugia pendant la Seconde Guerre mondiale en Amérique, il s’y sentait comme en exil. Il y écrivit un 

livre autobiographique Souvenirs des jours heureux (1942) qu’il entama en français mais qu’il a 

finalement écrit en anglais : « En anglais, j’étais devenu quelqu’un d’autre. », cité par M. Dollé, 

L’imaginaire des langues, Paris, L’Harmattan, 2001, p. 35. 

799 J. Čep à H. Pourrat, le 10 octobre 1952. 

800 Ibid., le 9. octobre 1950. 

801 Ibid., Vendredi Saint 1949. 

324


émigré 802 . Les racines qui attachent Čep à sa patrie et à sa région natale, à son passé et à 

sa langue, sont tellement fortes qu’elles ne se laissent pas arracher une fois pour toutes. 

Aussi faut-il le souligner : Čep manque de conditions favorables à la transculturation, à 

cette assimilation réussie et totale : il reste à la fois père et mari français (c’est-à-dire 

d’une famille française) et homme dont la vie est toujours assurée par l’usage du 

tchèque – ses émissions pour la Radio Free Europe sont écrites dans sa langue 

maternelle. Ainsi, nous ne devons pas nous étonner que le déracinement linguistique 

subsiste sur toute la durée de son exil et qu’il semble parfois plutôt augmenter au lieu 

que diminuer. Deux notations tirées de son journal intime l’illustrent bien : Čep avoue 

un désespoir aussi grand dix ans après que dans les premières années : 

Cette belle langue française que je me suis appliqué à dominer et que j’ai plus que jamais l’impression de 

ne pas savoir. – [J]e me sens terriblement désemparé par la langue, il me semble que je m’exprime en 

français de plus en plus mal [...]) 803 

Il n’est pas rare de lire parmi ces notations journalières des passages qui émeuvent 

profondément et laissent entrevoir le côté tragique de l’exil de Čep. En voici une : 

Décidément les Français ne veulent pas de moi ; l’amour qui n’est pas rendu. Je suis tout seul. A qui 

m’adresser encore ? Pourquoi m’obstiné-je à écrire ce cahier en français ? Tout autant je pourrais 

l’écrire en kabyle, si je le savais. La réponse est facile : il n’y a qu’à écrire en tchèque, ma langue 

natale, la seule langue au monde. 804 

Si l’écrivain en exil veut continuer son œuvre, il doit faire un choix dramatique. Va- 

t-il poursuivre son œuvre dans sa langue natale ou vaut-il mieux la reprendre dans celle 

du pays d’adoption ? La solution n’est pas simple. S’il continue à écrire dans sa langue, 

il risque de n’avoir qu’un public virtuel. Pour ceux qui décident de changer de langue 

surgissent également des difficultés majeures. Sauront-ils satisfaire aux exigences de la 

langue littéraire et seront-ils en mesure d’exprimer leur vision poétique dans une langue 

qui n’est pas leur langue maternelle ? Et puis sauront-ils satisfaire au goût du public 

étranger, devineront-ils son « horizon d’attente » ? Sauront-ils offrir quelque chose 

d’attrayant pour ces lecteurs nouveaux, lecteurs qui ne partagent pas le sort des 

écrivains exilés, qui ont alors des problèmes forcément différents des leurs ? Certaines 

d’entre elles obsèdent Čep avec une telle insistance qu’il se livre à les traiter dans ses 

essais. 

802 Cf. T. Todorov, L’Homme dépaysé, Seuil (L’Histoire immédiate), 1996, p. 22-25. 

803 Journal, respectivement le 27 juin 1950 et le 23 août 1960. 

804 Ibid., le 9 décembre 1950. 

325


VI.1.3. Réflexion de l’émigré Čep sur la langue d’expression 

La situation d’« écrivain raté » en France amena Čep à se pencher sur le rapport de 

l’écrivain (et tout particulièrement de l’écrivain en exil) avec sa langue, son outil de 

travail. 

Déjà dans son discours sur le sens de l’exil en général et sur la condition des 

écrivains exilés tchèques en particulier, prononcé en français à Paris le 8 juillet 1956 au 

Congrès du Conseil culturel tchécoslovaque devant un public franco-tchèque, Čep se 

demande « dans quelle mesure la valeur artistique d’une œuvre littéraire est […] liée 

aux qualités mélodiques et affectives de la langue dans laquelle elle a été conçue » 805 . 

Dans son discours, Čep soulève entre autres la question de l’âge de l’écrivain exilé. Les 

écrivains jeunes, prétend Čep, jouissent d’un avantage apparent sur ceux d’un certain 

âge. Les « vieux », portant le poids de leur œuvre antérieure, « ne pouvaient pas changer 

d’orientation, de moyens d’expression, d’un jour à l’autre […]. [I]ls ne pouvaient pas 

reprendre leur plume et continuer à la page où ils s’étaient arrêtés la veille de leur 

départ » 806 . En revanche, les « jeunes » n’ont qu’à ouvrir « tout simplement les yeux sur 

la réalité de leur existence actuelle, sans aucune nostalgie, sans se sentir liés moralement 

par leur propre passé » 807 . Mais surtout : les jeunes peuvent choisir leur langue 

d’expression, ce qui, dans le cas d’un écrivain d’un certain âge, paraît beaucoup plus 

pénible. 

Čep reprit et développa les questions effleurées dans son discours de 1956 un an plus 

tard dans l’article « Un écrivain doit-il s’exprimer nécessairement dans sa langue 

maternelle ? » publié dans le second numéro du Bulletin du Comité. Même s’il parle 

relativement peu de lui-même – seulement trois paragraphes qui clôturent son traité 

doivent illustrer son propre cas – la réflexion entière est motivée par l’expérience 

strictement personnelle. L’article nous paraît d’une telle importance pour le sujet traité 

qu’il est indispensable d’en résumer au moins les lignes de force. 

Ce qui intéresse Čep dans le présent article, c’est ce « lien mystérieux, 

psychologiquement à peine analysable, entre [...] la pensée d’un écrivain et le verbe par 

805 J. Čep, « Quelques réflexions d’un écrivain tchèque en exil », Bulletin du Comité d’études culturelles 

franco-tchécoslovaques, n° 1, 1956, p. 9. 

806 Ibid. 

807 Ibid. 

326


lequel il s’exprime » 808 . La parole que l’on reçoit « presque dans le sein de [la] mère » 

se distingue par l’unicité et l’intraduisibilité ; c’est « une parole unique, intraduisible, 

chargée de valeurs mélodiques, affectives, métaphysiques » 809 . Selon une telle 

conception de la parole, il est évident que l’œuvre conçue dans une langue unique est, 

elle aussi, intraduisible. Chaque tentative de transposition dans une autre langue court le 

risque de mutilation, d’affaiblissement de sa valeur artistique. Ainsi semble-il à Čep 

qu’un poème ou même un roman écrit dans la langue maternelle « risque de s’affaiblir, 

de perdre de sa force d’incantation et de vérité, ou même de changer de sens, si l’on 

essaie de les traduire dans une langue différente » 810 . 

Les questions majeures que Čep se pose, sans prétendre y trouver des réponses, sont 

les suivantes : 

Quelles sont les raisons pour qu’un poète ou un créateur littéraire ait le sentiment de ne pas pouvoir 

exprimer, traduire, incarner son univers intérieur, sa vision du monde dans une autre langue que dans 

sa langue maternelle ? De quel caractère sont les liens secrets qui rattachent la parole aux choses, aux 

sentiments ; pourquoi la parole, prise et sentie dans une certaine langue, crée ou recrée-t-elle presque 

essentiellement autre chose que si elle était puisée dans une autre langue 811 ? D’où viennent ce 

pouvoir de suggestion, ces prolongements affectifs et mélodiques, qui font comme une âme et comme 

une matière vivante de la parole ? 812 

Vers la fin, Čep se concentre sur son propre cas, ce faisant « strictement à titre 

documentaire ». Nous nous permettons d’insérer cet extrait d’une ampleur un peu plus 

longue qui éclaircit la problématique de la langue chez Čep. Cette citation nous servira 

de transition vers le chapitre suivant dans lequel nous consacrerons notre effort à Čep 

808 J. Čep, « Un écrivain doit-il s’exprimer nécessairement dans sa langue maternelle? », Bulletin du 

Comité d’études culturelles franco-tchécoslovaques, n° 2, 1957, p. 56. 

809 Ibid. Cf. aussi l’idée de Pierre Brunel pour qui la langue est à l’écrivain une entité mystérieuse 

semblable à l’inspiration : « L’idée à l’inconscient lointain de l’enfance, aux associations intimes les plus 

arbitraires, une langue quelconque, pour celui qui la parle et l’écrit, joue le même rôle que l’inspiration 

pour le poète : elle demeure radicalement incommunicable. », P. Brunel, C. Pichois, A.-M. Rousseau, 

Qu’est-ce que la littérature comparée ?, Paris, Armand Colin, 1996, p. 145. 


Comité d’études culturelles franco-tchécoslovaques, op. cit., p. 57. 

811 Le poète tchèque Jan Vladislav suit Čep non seulement en choisissant l’exil parisien en 1981 mais en 

prolongeant également cette réflexion de Čep dans l’article « O psaní v cizích jazycích » (Ecrire dans les 

langues étrangères) où il confirme que « chaque langue introduit dans la littérature une vision du monde 

différente». Et Vladislav illustre son propos par une citation de J. Green : « Parfois, les mots peuvent 

changer la direction même du livre, si l’auteur possède seulement un peu de sens pour la musique de la 

langue. Il existe tout un registre d’idées, que seul le français peut suggérer, tout comme existe un registre 

d’idées que seulement l’anglais peut engendrer et pleinement exprimer. » [Někdy mohou slova změnit 

dokonce samo zaměření knihy, má-li autor jen trochu smyslu pro hudbu jazyka. Je celý rejstřík myšlenek, 

jež může vnuknout jedině francouzština, právě tak jako existuje rejstřík myšlenek, které dovede vyvolat a 

plně vyjádřit jen angličtina], J. Vladislav, Pařížský zápisník (Le carnet parisien), I., 81/89, Praha, Orbis, 

1991, p. 295. 


Comité d’études culturelles franco-tchécoslovaques, op. cit., p. 56-57. 

327


« écrivant en français d’un côté et à la possibilité/impossibilité de traduire les œuvres de 

Čep en langue étrangère de l’autre. Voici la citation précédemment évoquée où Čep 

réfléchit sur son propre cas en nous permettant de mieux comprendre ce lien intime qui 

unit l’écrivain à sa langue : 

Je suis probablement de ces écrivains chez lesquels la qualité et la mélodie verbale sont difficilement 

dissociables de ce qu’on appelle le sujet ou le contenu. 

Une seule fois dans ma vie, après avoir quitté mon pays en 1948, je me suis risqué à écrire 

directement en français un récit d’une douzaine de pages. Avant que ce récit ait paru dans une revue, 

on m’en a demandé une traduction pour une publication tchèque. 

Je suis un traducteur expérimenté ; j’ai traduit – surtout du français et de l’anglais – une vingtaine de 

livres. Jamais une traduction ne m’a donné autant de peine que celle où j’avais à me traduire moimême 

du français en tchèque. J’ai dû m’y remettre au moins trois fois. Et pourtant, je n’oserais jamais 

dire que je sais le français. Mais je dois le savoir au moins en ce sens, qu’en m’exprimant en français 

– pas pour écrire un article ou une étude d’information – mais pour écrire vraiment, pour m’exprimer 

en tant que poète – il puisse m’arriver de dire les choses autrement, ou même de dire autre chose, que 

si j’écrivais dans ma langue maternelle. 813 

VII. 2. Le français littéraire de Jan Čep : entre monotonie et 

platitude et « langue des anges » 

Dans cette partie, nous voulons viser les deux seuls ouvrages que Čep a écrit en 

français et jeter un coup d’œil sur leur évaluation de la part des Français. Cela nous 

aidera à formuler nos propres hypothèses sur les possibilités de l’écrivain tchèque de 

déployer son œuvre dans le contexte de la littérature française. Rappelons que ce 

faisant, c’est sur la question linguistique que nous portons notre attention. 

Nous devons nous en tenir à seulement deux textes que Čep a écrit directement en 

français (le récit Les Tziganes et son essai autobiographique Ma Sœur l’angoisse) et aux 

jugements portés sur ces ouvrages par des personnes que nous considérons compétentes, 

aptes à en parler avec justesse. 

Il n’est pas anodin que Les Tziganes et Ma Sœur l’angoisse soient les seules œuvres 

de Čep écrites en français. Elles représentent les deux essais de Čep pour entrer dans le 

champ de la littérature française. Les Tziganes sont le produit des illusions premières de 


Comité d’études culturelles franco-tchécoslovaques, op. cit., p. 59-60. Souligné par Jan Čep. 

328


Čep en exil, Ma Sœur l’angoisse est le rebondissement d’un ultime espoir après son 

retour de Munich à Paris, à la suite de son mariage avec Primerose du Bos. 

Si le récit a la chance de paraître dans une revue – mais seulement trois ans après 

qu’il a été écrit, l’autobiographie de Čep ne rencontre cependant pas la faveur des 

éditeurs français. Néanmoins, les deux essais français – ou la nouvelle publiée ou le 

manuscrit de Ma Sœur l’angoisse – subissent l’évaluation d’un certain nombre de 

Français, dans les mains desquels ils tombèrent. Répétons encore une fois que c’est 

l’estimation du français littéraire de Čep, sa qualité, sa perfectibilité aux yeux des 

Français natifs, qui nous intéresse ici. 

Pour ce qui est des Tziganes, publiés dans Terre humaine en avril 1952, nous avons 

trouvé à leur propos plusieurs jugements favorables. En premier lieu, c’est le rédacteur 

en chef de la revue, Etienne Borne, qui accompagne la publication par une sorte 

d’introduction présentant Čep à ses lecteurs. Il précise notamment que 

Jean Cep y [dans le récit] prouve son intelligence profonde d’une langue qui n’est pas sa langue 

maternelle, mais qu’il a si amoureusement pratiquée que cette longue habitude a l’aisance et la 

814 815 

spontanéité d’une première nature. 

Henri Pourrat, ami de Čep depuis longtemps, abonde dans le même sens : 

Ce que je sens bien, en vous lisant, c’est que vous êtes plus maître encore de votre expression en notre 

langue. Vous parlez un français parfait, avec tant de sûreté, et davantage : une belle aisance. Vous 

devez bien sentir cela. 816 

Ce récit a également « frappé » un ami proche de la famille Du Bos, le philosophe 

Gabriel Marcel. En réponse à la lettre dans laquelle lui aussi encouragea Čep à 

poursuivre son écriture en français, nous avons trouvé celle de Primerose Čep, où elle 

exprime également la conviction certaine que son mari « pourrait écrire d’autres choses 

en français » 817 . 

À propos de Ma Sœur l’angoisse, nous ne pouvons nous référer qu’à un seul 

document qui rend compte, entre autres, de la langue littéraire de Čep. C’est une lettre 

814 Terre humaine, n° avril 1952, p. 82. 

815 Rappelons que déjà en 1939 Jean Pasquier dit à propos de Čep que « son talent saute aux yeux, même 

quand il écrit directement en français ». J. Pasquier à H. Pourrat, Lundi de Pâques 1939. 

816 H. Pourrat à J. Čep, le 26 octobre, 1952. 

817 P. Čep-Du Bos à G. Marcel, le 23 décembre 1960. 

329


du philosophe français Maurice Nédoncelle que nous avons déjà cité dans le chapitre 

précédent. Dans la lettre, Nédoncelle fait une critique positive de l’œuvre 

autobiographique de Čep. Quant aux qualités de la langue čepienne, il utilise le terme 

significatif de « langue des anges ». L’origine de cette langue, de même que de sa vision 

et de sensibilité poétique, il la cherche dans l’expérience primordiale de Čep de la 

dualité, de son « double chez soi ». Il affirme : 

Votre patrie n’est pas d’ici-bas et c’est grâce à elle que vous transmuez votre angoisse native ; c’est 

grâce à elle aussi que vous pouvez vous exprimer en différentes langues avec tant de bonheur et y 

faire descendre d’instinct une même beauté. 818 

Dans cet extrait de Nédoncelle il y a un élément qui prête à réflexion. L’expéditeur 

de la lettre a l’impression que la qualité du style et de la langue littéraire chez Čep n’est 

pas uniquement liée à ses capacités linguistiques et stylistiques. Comme si cette valeur 

esthétique qui « émeut profondément » jaillissait de sa vision innée, de l’expérience la 

plus profonde de Čep et rendait possible en même temps cette « langue des anges » et 

cette sensibilité dans lesquelles il y a « quelque chose d’infiniment poétique » 819 . 

Nous ne pouvons qu’espérer que l’on trouvera un jour le jugement de Pierre 

Emmanuel auquel l’auteur envoya une copie de son essai autobiographique. D’autant 

plus que c’est justement P. Emmanuel qui l’avait incité à entreprendre le projet. 

Après ces quatre opinions positives nous devons faire le bilan de celles qui ont refusé 

le français de Čep en tant que langue littéraire et se sont montrées méfiantes à l’égard 

des capacités de Čep à créer en français. Nous renvoyons le lecteur à certains jugements 

énoncés par des lecteurs des maisons d’édition parisiennes recensés dans le chapitre 

consacré à la réception de Čep en France. Une des objections récurrentes à la 

publication – mais cette fois-ci il s’agit des traductions de Čep – fut la monotonie, voire 

la platitude de ses récits. Nous n’en avons repéré qu’une seule parmi les documents que 

nous avons eu la chance d’étudier. Dans son journal, Čep nota l’avis de Brice Parain, 

lecteur chez Gallimard pour la littérature russe, qui « semble sceptique quant à la 

possibilité de m’exprimer un jour en français d’une manière équivalente [à l’expression 

littéraire en tchèque] » 820 . 

818 

M. Nédoncelle à J. Čep, le 10 avril 1964. 

819 

Ibid. 

820 

Journal, le 16 février 1949. 

330


Quelle conclusion tirer de tout cela ? À notre avis, le français littéraire de Čep fut 

d’un niveau suffisant pour concevoir une œuvre littéraire. Si celui-ci n’était pas toujours 

impeccable, cette idée nous paraît cependant tout à fait défendable. N’oublions pas que 

pour certains écrivains, la manière imparfaite d’écrire dans une langue étrangère, le fait 

de « violer la langue », de perturber ses règles et ses normes, était justement considéré 

comme un avantage, comme quelque chose de singulier et de rafraîchissant, qui 

distinguait leur œuvre de celles écrites par des écrivains originaires du pays et de la 

langue. Le nom de Joseph Conrad s’impose en l’occurrence, car ses romans conçus en 

anglais attirèrent l’attention du public et de la critique précisément pour son anglais 

étrange, pour ne pas dire violé. 

Il faut cependant nuancer un peu. Le jugement favorable est valable notamment pour 

les formes courtes comme Les Tziganes, où, comme nous l’avons vu, les Français 

s’accordent sur l’aisance de la langue de l’écriture. Le français des Tziganes est correct, 

coule spontanément et se lit sans hésitation. Il est vrai toutefois que par rapport aux 

récits écrits dans la langue maternelle, les écrits en français perdent certaines de leurs 

qualités stylistiques. Quand nous avons fait lire quelques récits de Čep à des Français 

(parmi lesquels aussi un écrivain parisien d’un certain âge, auteur d’un roman et de 

nombreux scénari et pièces de théâtre), plusieurs d’entre eux firent à peu près le 

commentaire suivant : « C’est intéressant, c’est bien, mais il n’était pas trop styliste, 

votre Čep. » A la réponse contestataire que justement, Čep était un grand styliste et 

magicien de la parole, ils montrèrent une marque de surprise, sinon de méfiance. Et ils 

n’avaient pas tort, car par une transposition de la langue des récits, l’écriture se voit 

dépourvue de son style et de sa mélodie. Nous reverrons les problèmes liés au style 

lorsque nous aborderons la question de la traduction des proses de Čep. 

La réponse est différente pour les œuvres plus volumineuses comme c’est le cas de 

l’autobiographie Ma Sœur l’angoisse. Là les insuffisances linguistiques et stylistiques 

sont probantes. Les répétitions maladroites, les constructions syntaxiques trop 

« tchèques », l’effort d’un langage ordinaire et transparent qui donne parfois en français 

les résultats insatisfaisants d’un style plat et lourd, d’une banalité ennuyeuse. Tout cela 

devait sans doute peser sur la décision des maisons d’édition auxquelles Čep envoya le 

manuscrit de Ma Sœur l’angoisse. C’est ce que Václav Čep après la lecture de 

331


l’autobiographie résuma dans une phrase laconique : « C’est du français ordinaire, ce 

n’est pas lui. » 821 

VII.3. L’enjeu de la traduction (française) de l’œuvre de Jan Čep 

Dans la théorie de la traduction on rencontre deux grandes tendances opposées : la 

première considère toute traduction possible sans diminuer sensiblement la valeur de 

l’original ; la seconde dit au contraire qu’aucune traduction n’équivaut à l’original et 

que toute traduction entraîne nécessairement une perte de qualité. Mais on serait plus ou 

moins d’accord que pour les textes littéraires, voire poétiques, c’est-à-dire les œuvres 

dont la forme joue un rôle au moins aussi important que le sens, la seconde tendance 

serait plus adaptée. Il en est qui vont jusqu’à dire que l’œuvre poétique est radicalement 

intraduisible. L’un des champions de cette idée, Maurice Blanchot, déclare que 

« l’œuvre poétique a une signification dont la structure est originale et irréductible […] 

Le premier caractère de la signification poétique, c’est qu’elle est liée, sans changement 

possible, au langage qui la manifeste » 822 . 

On a pu entendre à plusieurs reprises l’opinion selon laquelle l’œuvre de Jan Čep 

serait intraduisible ; qu’elle est destinée au plus haut point aux lecteurs tchèques ; que 

par le fait de la traduction, elle perd beaucoup de sa qualité esthétique. Le temps est 

venu de vérifier à quel point ces affirmations sont véridiques. Tout d’abord, nous allons 

recenser les arguments soutenant les thèses exprimées ci-dessus et nous les soumettrons 

à l’analyse critique. Ensuite, nous proposerons une expérience directe en analysant en 

détails quelques extraits de la traduction française de la Frontière de l’ombre. 

Jan Čep lui-même était conscient de la difficulté à traduire ses textes littéraires. 

Depuis la moitié des années 1930, où certaines de ses nouvelles furent publiées en 

version française dans des revues françaises à Prague, il se rendait bien compte de la 

particularité de son écriture et de la précarité de la traduction en langue étrangère ; 

821 

T. Pěkný, P. Feldstein, « A jsem mu řekl, aby šel… Rozhovor s Václavem Čepem », Student, n° 31, 

le 31 juillet 1968, p. 6. 

822 

Cité par G. Genette, Palimpsestes. La littérature au second degré, Paris, Seuil, 1982, p. 294. 

332


d’autant plus qu’il essaya, à cette même époque, l’ « autotraduction » (surveillé et aidé 

par Henri Pourrat) 823 . Lorsque Michel-Léon Hirsch traduisit son récit Cesta na jitřni 

(sous le titre La Nuit de Noël) pour La Revue française de Prague, Čep avisa Pourrat 

des difficultés de l’entreprise et déplora le résultat de la traduction qui « a été bien 

difficile et est parfois loin de rendre toutes les nuances de l’original » 824 . Et pourtant, 

Michel-Léon Hirsch était considéré comme un très bon traducteur du tchèque. 

Dans cette citation, Čep ne nous laisse pas encore entrevoir en quoi consistait cette 

difficulté de la traduction et pourquoi la version française n’était pas en mesure de 

« rendre toutes les nuances de l’original ». Ce ne fut qu’en exil qu’il en a donné une 

explication personnelle, dont nous avons cité précédemment des extraits importants. 

Néanmoins, dès avant son émigration il effleura le problème dans sa correspondance 

avec son amie Madeleine Monzer. Dans une lettre de septembre 1946 Čep explique à sa 

correspondante le caractère spécifique de son œuvre qui [l’] « empêchera probablement 

d’être traduit avec succès en langues étrangères » : 

Je me rends très bien compte de ce qui fait le défaut de mes proses : c’est le manque d’élément 

proprement épique, de mouvement extérieur. A vrai dire, il ne s’y passe presque rien. Je ne saurais 

dire moi-même si je ne tiens pas à raconter des « histoires » dans le sens habituel du mot, ou si je n’en 

suis pas capable. (Du moins, je crois que je ne l’ai pas essayé, jusqu’ici.) Ce défaut (pour le justifier, 

pourtant, je pourrais me réclamer des auteurs comme Catherine Mansfield, Marcel Arland ou même 

Tchekhov, sans oser toutefois me comparer à eux) – ce défaut m’empêchera probablement d’être 

traduit avec succès en langues étrangères. La qualité de ma prose (s’il y a une qualité) est beaucoup 

trop liée au caractère et aux qualités de ma langue natale. 825 

D’autres jugements, qu’il s’agisse de ceux de critiques, d’écrivains ou de simples 

lecteurs, qu’il s’agisse de ceux de Tchèques ou de Français, mettent en relief la richesse 

et la variété de la langue čepienne. C’est, selon la plupart des avis, cette « extraordinaire 

beauté de la langue » qui se dresse en obstacle presque insurmontable à la traduction. Le 

collaborateur à Radio Free Europe et ami de Čep, Alexandre Heidler, écrivit dans un 

article où il s’intéressa au rapport de Jan Čep avec la littérature française, les mots 

suivants : 

Ce tchèque coloré, musical, succulent, vigoureux, savoureux, parfumé et toujours fin est, certes, la 

grande croix des traducteurs de Čep ; et osons le dire : jusqu’à maintenant l’obstacle involontaire au 

retentissement international véritable de son œuvre. 826 

823 Voir le sous chapitre II.1. « La réception ‘française’ avant 1948 ». 


825 J. Čep à M. Monzer, le 19 septembre 1946. 

826 « Tato barevná, hudebná, šťavnatá, jadrná, chutná, voňavá a vždy jemná čeština je ovšem velká kříž 

Čepových překladatelů; a můžeme snad říci: až dosud bezděčná překážka opravdového mezinárodního 

333


Cette même richesse de la langue čepienne, sorte de barrière qui tiendrait en échec la 

plupart des traducteurs, est attestée par des amis tchèques et français de Čep. Sa femme 

en rend compte en décrivant à Gabriel Marcel la situation de son mari. Elle lui explique 

pourquoi il lui est si difficile de continuer son œuvre. Elle lui parle du manque de 

conditions favorables (loisirs, tranquillité), mais surtout du double déracinement : de 

son pays en tant qu’inspiration et de sa langue en tant que matière de création : « Il a été 

coupé de sa vraie source d’inspiration qui était son pays. Et aussi de sa langue. » 827 

Arrive l’argument qui nous intéresse le plus ici : sa langue paraît intraduisible : « Tous 

les Tchèques et les Français qui savent le tchèque disent que sa langue est admirable et 

intraduisible parce que très poétique et très riche. » 

Ajoutons enfin les deux jugements les plus pertinents et aussi les plus compétents à 

notre avis, parce que prononcés par des gens de lettres, critique et écrivain en 

l’occurrence, qui connaissent très bien l’ensemble de l’œuvre čepienne, aussi bien que 

les traîtrises de l’activité traductrice. Il s’agit d’Egon Hostovský et de Bedřich Fučík. 

C’est d’abord Hostovský, qui souligne plus encore que la richesse du vocabulaire, la 

valeur et le sens symbolique des récits čepiens : 

Cep is one of the writers, known to any nation, who lose more in translation than do poets. The 

difficulty lies less in Cep’s enormous vocabulary than in his themes, so innocuous on first sight. The 

words are doubly symbolic, even as are the themes, inseparable from action and setting as the soul is 

from the body. Cep’s translators, to do him justice would have to be poets and philosophers to 

boot. 828 

L’extrait de Hostovský nous permet également de voir comment l’écriture de Čep fut 

perçue par deux écrivains étrangers – G. Marcel et G. Greene : 

Interestingly, two noted foreigners who know Cep personally – Gabriel Marcel, the French 

philosopher, and Graham Greene, the British novelist and playwright – have expressed quite identical 

views of Cep, as if they had agreed upon them mutually. From the scanty material available to them in 

translation, they both had the impression that the poem was being sung at a great distance, divined 

rather than heard. Thus, to understand Cep, to be carried away by him, he should be read in Czech. 829 

Fučík, de son côté, souligne que la traduction de Čep tue nécessairement la substance 

poétique de l’œuvre qui réside dans la parole, dans sa « langue enchanteresse » : 

ohlasu jeho díla. », A. Heidler, « Jan Čep a francouzská literatura » (Jan Čep et la littérature française), 

České slovo, 26, n° 1, 1980, p. 6. 

827 P. Čep-Du Bos à G. Marcel, le 23 décembre 1960. 

828 E. Hostovský, « Hommage to Jan Cep on his sixth birthday », Special cultural program à Radio Free 

Europe, le 30 décembre 1962, p. 7. 

829 Ibid. 

334


De la parole čepienne, galvanisée de l’atmosphère tchèque jusqu’aux racines des phonèmes s’est 

perdu, en traduisant ses histoires pour les almanach, tout ce qui fait leur substance poétique et 

esthétique. 830 

Ainsi l’œuvre čepienne partage selon B. Fučík le sort infortuné d’un Mai de K. H. 

Mácha, chef-d’œuvre du romantisme tchèque, qui n’a cependant pas trouvé d’écho à 

l’étranger. L’action fragmentaire des œuvres de deux auteurs tchèques ne se montre pas 

assez porteuse et l’ « idée de la fugacité, exprimée par la langue enchanteresse doit, 

même dans la meilleure traduction, ressortir vague et confuse. » 831 

VII.3.1. Exemple de la traduction de La Frontière de l’ombre 

Comme nous le savons déjà, la Frontière de l’ombre fut l’unique roman de Jan Čep. 

C’est à la fois un roman de la quête de soi et un chant du pays natal dans son sens 

spirituel. Le roman est assez compliqué, le sort de plusieurs héros, dont celui de 

Procope Randa, personnage principal du livre, s’entrecroisent de manière complexe. 

P. Randa retourne après bien des années d’errance à travers le monde dans son village 

natal afin d’y retrouver sa véritable figure, de renouer avec son enfance. Sa voie est 

clarifiée par la rencontre avec son grand-père nonagénaire, comme s’il l’attendait pour 

mettre ses affaires en ordre, pour se réconcilier avec lui-même et aussi, à travers 

Procope, avec sa fille morte à qui il avait fait du tort. Même en retraçant l’action du 

roman aussi schématiquement, on perçoit que sa teneur relève essentiellement du 

domaine spirituel et que les drames se jouent avant tout aux cœurs des personnages. 

Peu après sa parution, la Frontière de l’ombre fut traduite en allemand, en 

néerlandais, en croate. Dans le chapitre « Réception de Jan Čep en France » nous avons 

pu suivre le parcours de la traduction du roman de Čep à travers les différentes maisons 

d’édition parisiennes. L’une des raisons principales du refus de l’ouvrage tenait dans 

l’insuffisance stylistique : les lecteurs reprochaient au texte sa monotonie. A présent, 

nous allons comparer des extraits de l’original avec sa traduction en français (inédite) 832 

830 « Z Čepova slova, galvanizovaného českou atmosférou až do kořenů hlásek, se při překladu jeho 

‚kalendářových‘ dějů […] vytratilo všechno, co tvoří jejich estetickou a básnickou podstatu. », B. Fučík, 

Čtrnáctero zastavení, op. cit., p. 230. 

831 « […] idea pomíjivosti vyjádřená čarovným jazykem musí i při nejlepším přetlumočení vyjít matně, 

neurčitě. », B. Fučík, Čtrnáctero zastavení, op. cit., p. 230. 

832 Nous avons consulté la traduction dactylographiée de La Frontière de l’ombre dans les archives 

personnelles de Vladimír Peška. 

335


ce qui nous permettra de constater si, et en quoi, le processus de la traduction diminue la 

valeur esthétique de l’original. Nous observerons le texte de deux points de vue : 

comme macrostructure, c’est-à-dire que nous vérifierons s’il y a des modifications 

(ajouts, excisions, éliminations, déformations, etc.) dans l’ensemble du texte ; comme 

microstructure, où nous ferons une comparaison minutieuse du chapitre 11 du roman. 

Encore une précision. La traduction de la Frontière de l’ombre ne fut pas une « auto- 

traduction » comme le prétend dans sa communication Xavier Galmiche 833 . A partir de 

la correspondance de l’auteur, nous savons que c’est l’amie de Čep, Madeleine Monzer, 

qui s’est chargée de la traduction du roman ainsi que de certaines nouvelles. Nul doute 

cependant que la part de Čep fut significative dans la version finale de la traduction, 

comme en témoignent des corrections manuscrites dans le texte dactylographié et 

surtout des passages effacés (raturés ou collés). En l’occurrence, nous proposerions le 

terme de « traduction assistée par l’auteur ». 

VII.3.1.1. Regard sur l’ensemble du texte : amputations anodines 

et déformantes 

La traduction de La Frontière de l’ombre, effectuée donc par Madeleine Monzer et 

assistée de Čep lui-même, semble à première vue une copie assez fidèle de l’original 

tchèque. La répartition en 13 chapitres correspond à l’original, on ne remarque pas 

d’effort visant à la « domestication » de l’œuvre par exemple par une modification des 

noms de famille des personnages ou des lieux. Ceux-ci gardent leurs formes tchèques 

tout en perdant les connotations qu’ils suggéraient au lecteur tchèque. Si nous n’avons 

rencontré aucun rajout, aucune amplification textuelle ni déformation sensible (dans le 

sens de réécriture) dans la version française, il en est tout autrement pour les coupures. 

Sur l’ensemble de la traduction nous avons recensé – sans compter les coupures 

inférieures à la phrase – plus de cinquante-cinq amputations allant d’une phrase jusqu’à 

des passages de plusieurs paragraphes. Les amputations de longueurs diverses sont aussi 

de différentes natures et fonctions, remplissant sans doute la volonté de Čep à mieux 

833 « Qu’attendre des archives de l’émigration ? Le cas de Jan Cep (1902-1974) », proféré le 23 mai 2003 

au cours d’une journée d’études « Littérature de l’exil, épreuve de la fiction » à l’INALCO, organisé par 

le Centre d’étude de l’Europe médiane de l’INALCO en collaboration avec le CIRE (Paris IV). Nous 

avons consulté l’exposé audio sur http://www.vox-poetica.org le 20 janvier 2004. 

336


adapter son œuvre au contexte étranger. Ce qui nous intéresse, c’est la nature des 

passages amputés et la raison vraisemblable de leur excision. 

En dehors des éléments purement descriptifs et presque formels tels les phrases 

introductives au discours direct (« dit le vieillard », « répondit Procope », etc.) et des 

segments qui ne font que développer un membre, une partie de la phrase par des 

subordonnées adjectives ou autres, ce sont les passages exprimant les états d’âme, le 

psychisme des personnages, leurs sensations et sentiments ou les descriptions lyriques 

de la nature, de la vie paysanne qui sont souvent amputés dans la traduction. Donnons- 

en quelques illustrations. Le premier exemple met en scène Procope, devenu instituteur 

à Jeleni et se trouvant pour la première fois en classe devant ses élèves. Dans la 

traduction française Čep raccourcit la scène de certaines phrases. Ainsi on lit dans 

l’original tchèque : 

…Řídící mu podal ruku a odešel ukláněje se, on pak zůstal sám před řadami vážných očí, které čekaly 

na jeho první otevření úst. 

Pronikla ho najednou radost, radost z těch dvacíti živých bytostí, vydaných jeho vlivu; bude je moci 

hníst a ohýbat, sklánět se na prvními pupeny dospívajícího tajemství… 834 

tandis que dans la version française la seconde phrase est coupée. Nous la traduisons 

nous-mêmes entre crochets : 

… Le directeur lui tendit la main et s’en alla après s’être incliné, et il demeura seul devant ces rangées 

d’yeux graves qui attendaient qu’il ouvrit la bouche pour la première fois. [Soudain la joie le pénétra, 

une joie dont la source tenait dans ces vingt êtres vivants, livrés à son influence ; il pourra les pétrir et 

plier, se courber au-dessus des premiers bourgeons du mystère adolescent…] 835 

L’autre exemple de ce type est choisi à la fin du chapitre 6 qui raconte la première 

rencontre de Procope avec son aïeul. Les trois derniers paragraphes de l’original sont 

réduits à un seul. Les deux suivants, décrivant les états d’âme de Procope, sont 

entièrement coupés. Comparons l’original avec la traduction tout en signalant les 

éléments amputés par des crochets dans le texte tchèque, et tout en essayant de les 

reconstruire pour la version française : 

Jakmile byli venku, začal farář Stoklas mluvit o věcech lhostejných, jako by uhadoval vnitřní zmatek 

svého společníka. [Habřiny byla obec velmi pokročilá:] každých deset kroků hořela svítilna [a oba 

chodci si všimli s jistým překvapením, že se] v jejich světle jemně čeří mlhovitá prška. [Hlína se jim 

lepila na podešve, když stoupali ke kostelu.] 

834 Œuvres II, p. 28. 

835 La Frontière de l’ombre, traduction française dactylographiée, archives de Vladimír Peška, p. 38. 

337


[Prokop cítil přese všecko jistou úlevu. Velké kapky ho příjemně bodaly do horečného čela. Ani si 

neuvědomoval, že klouže na svahovité cestě. Málem by byl nabídl svému společníkovi, aby šli na hlt 

do hospody – tak se cítil unášen podivným nadšením, jehož podstatu dobře nerozeznával. 

Co ho nejvíce ohromilo, to byl nevýslovný dotek jistoty, že člověk zůstává přes převraty a pohromy, 

které mohou být jenom pomíjivé.] 836 

Dès qu’ils furent sortis, le curé Stoklas se mit à parler de choses indifférentes, comme s’il devinait le 

trouble intérieur de son compagnon. [Habriny était une commune très avancée :] Tous les dix pas un 

réverbère était allumé : [et les deux promeneurs s’aperçurent avec quelque surprise que] la brume 

palpitait doucement dans la lumière. [La glaise collait à leurs semelles tandis qu’ils montaient vers 

l’église.] 

[Procope se sentait allégé, malgré tout. De grandes gouttes piquaient agréablement son front fiévreux. 

Il ne se rendait même pas compte qu’il glissait sur le sentier en pente. Il faillit offrir à son compagnon 

d’aller boire un coup dans une auberge – tellement il se sentait porté par un élan étrange dont il ne 

discernait pas bien le fond. 

Ce qui l’avait bouleversé, c’était le frôlement indicible de cette certitude que l’homme subsiste à 

travers les vicissitudes et échecs qui ne peuvent être qu’éphémères.] 837 

Bien souvent Čep ampute les états d’âmes de ses héros exprimés sous une forme 

spécifique : discours indirect libre ou monologue intérieur. C’est surtout le cas des 

pensées cachées des personnages, de leurs réflexions ou interrogations muettes, des 

propos qui ne furent pas prononcés à haute voix. Les exemples d’excisions de ce type 

sont très fréquents, citons en deux. 

Le premier exemple rend compte de l’amour passionné entre les parents de Procope, 

Eustache et Françoise, avant leur mariage du point de vue d’Eustache. La version 

française se voit raccourcie de trois dernières phrases : 

Ale už ji zase tiskl k sobě, už zase ji líbal a krev v něm vřela. – „To je pravda, jsi čerstvá jako jablko, 

voníš jako rozemnutý lístek rozmarýny… Ještě jsem takovou neměl…“ Oh, bylo kus básníka v našem 

Eustachovi, uměl vzplanout jako vích slámy, měl záchvaty junácké šlechetnosti. Ale nevydržel, běda, 

nevydržel! – „No bude-li nejhůř, pošleme ji k mamince,“ utěšoval se v duchu, ale v tom ho už na 

zádech lehce zamrazilo. [Což, nebude-li chtít!] Přimkne-li se k němu jako zatracenec! [Věru, zdá se, 

že tahleta to bere doopravdy. Tahleta se neotřepe jako slípka. To může být mela…] 838 

Puis il avait recommencé à la serrer contre lui, à l’embrasser, et son désir s’était réveillé. « Oui, tu es 

fraîche comme une pomme, tu embaumes comme un brin de romarin froissé… Je n’en ai jamais eu 

une pareille… » Ah ! c’est que notre Eustache était poète ; il savait s’enflammer comme un brandon et 

avait des accès de générosité fanfaronne. Mais ça ne durait pas, hélas, ça ne durait pas ! « Bah, si ça va 

trop mal, nous la renverrons chez sa maman », se disait-il en manière de consolation, mais en même 

temps il se sentait légèrement inquiet. [Si elle ne voulait pas !] Si elle allait s’attacher à lui comme une 

désemparée ! [Ma foi, il semble que celle-ci le prenne au sérieux. Celle-ci ne se secouera comme une 

poule. Ça peut être une pagaille…] 839 


837 La Frontière de l’ombre, op. cit., p. 92. 


839 La Frontière de l’ombre, op. cit., p. 17-18. 

338


Ailleurs, lorsque le narrateur omniscient, qui domine le fil du récit, rend compte de la 

relation entre Jan Simon et Georgette Vankova, la fin du paragraphe est amputée. C’est 

justement la partie au discours indirect libre exprimant le trouble de Jan : 

Jan Šimon byl zasažen hloub, než se domníval, ale všecky jeho pokusy, získat ji něžnou pozorností, 

odbývala Jiřina výsměchem. […] [Jan Šimon nerozuměl ničemu: je to hloupá venkovská koketa, která 

si dělá blázny z mužských jenom proto, že si uvědomuje svou moc nad nimi, nebo ji k tomu má něco 

jiného?] 840 

Jan Simon avait été atteint à une profondeur qu’il soupçonnait à peine ; mais la jeune fille repoussait 

en riant toutes les attentions qu’il avait essayé de lui prodiguer. […] [Jan Simon ne comprenait rien : 

est-elle une coquette paysanne qui se paye la tête des hommes seulement parce qu’elle est consciente 

de son pouvoir sur eux, ou bien y a-til autre chose ? ] 841 

Les amputations de cette sorte ne rendent pas service au texte, puisqu’au lieu de le 

diversifier, elles l’uniformisent. Elles simplifient également le réseau des relations entre 

les différents personnages. 

Curieusement, parmi ces passages au discours indirect libre se trouvent aussi des 

propos qui expriment sans aucun doute la conviction la plus intime de Čep lui-même, 

son humanisme et son éthos chrétiens. Ce n’est pas le narrateur omniscient qui aurait la 

mission de rependre la philosophie de l’auteur, c’est plutôt grâce aux réflexions au style 

indirect libre, aux monologues intérieurs ou parfois même dans les dialogues qui sont 

distribués entre notamment trois personnages : les deux héros masculins (Procope et 

Jan) et le curé Stoklas. Dans l’exemple qui suit, il est question de la tentation de 

Procope pour la littérature. Une seule phrase est éliminée, et elle est pourtant d’une 

portée capitale puisqu’elle résume dans un raccourci lapidaire toute la conception de la 

littérature de Čep : 

Začalo ho pokoušet slovo, zatoužil stavět architektury ze slov, tak jako se stavívaly z kamení chrámy. 

[Lidský osud ve věčnosti – kéž by to mohl vyjádřit tak, jak se to ještě nikomu nepodařilo.] 842 

Le mot commençait à le tenter, il rêvait de construire des architectures de mots comme on avait 

construit des cathédrales de pierre. [La destinée humaine dans l’éternité – s’il pouvait l’exprimer 

comme personne avant lui n’avait encore réussi à le faire.] 843 

Ou bien, Čep ne laisse pas entrer dans la traduction française le passage sur la charité 

chrétienne, peut-être de peur d’être pris pour un moralisateur : 





339


Prokop jde najednou s větší láskou po kraji úvozové cesty, jejíž drn se už omlazuje, a hlasy dětí, které 

běží kousek vpředu, se pro něho mísí se zajíkavým zpěvem skřivánčím. [Chápe víc než kdy jindy, že 

největším ze všech přikázání je láska; láska, která se vrhá na váhu celá, nepočítajíc svých obětí, a 

která bere osud milované bytosti za svůj. 

Jedno slovo znělo v jeho srdci, jméno všech jmen, které dává smysl všemu, co jest a co umírá.] 844 

Procope se remet à marcher avec plus d’amour sur le bord du chemin creux, sur le gazon qui rajeunit, 

et les voix des enfants qui courent devant lui se mêlent au chant de l’alouette. [Il comprend plus que 

jamais que le plus grand commandement de tous, c’est l’amour ; l’amour qui se jette entier sur la 

balance, qui ne compte pas ses sacrifices et qui prend le sort de l’être aimé pour sien. 

Un mot retentissait dans son cœur, nom de tous les noms, qui donne le sens à tout ce qui est et ce qui 

meurt.] 845 

Nous ne voulons plus encombrer le lecteur de nombreux exemples d’amputations 

exécutées dans la version française de la Frontière de l’ombre. Signalons cependant un 

dernier cas assez spécifique. Comme nous l’avons déjà fait observer, le roman de Čep 

repose sur l’idée du pays natal et de la famille dans le sens spirituel. Tout le roman doit 

illustrer en quelque sorte l’idée catholique de la « communio sanctorum », cette 

existence d’une communauté qui rattache par des liens mystérieux les vivants et les 

morts. Čep avoue d’ailleurs que cet élément est pour lui l’une des principales sources 

d’inspiration. Nous étions donc un peu surpris en réalisant que précisément cette ligne 

de l’œuvre avait été considérablement affaiblie par maintes amputations. A titre 

indicatif, donnons-en trois exemples. 

Le premier extrait est situé juste après le retour de Procope dans son village natal. 

L’interrogation muette qui se produit dans l’esprit du héros, et qui est supprimée dans la 

version française, devait anticiper déjà le thème central du livre : la recherche de 

l’identité, la quête de soi et la reconquête du sens de sa vie. 

Ať dělá co dělá, nemůže si zapřít, že to není krajina jako jiné, že od ní cosi čeká. [Přišel sem jako 

člověk, který ztratil směr své cesty a teď chce vkročit do svých dětských šlépějí, aby ho vyvedly?] 846 

Mais il a beau faire, il ne peut se dissimuler que ce n’est pas pour lui une région comme une autre et 

qu’il en attend quelque chose. [Est-il arrivé ici comme un homme qui a perdu son chemin, et qui veut 

maintenant marcher dans les traces de son enfance afin de la faire sortir ?] 847 

Le second exemple provient du chapitre 6 où a lieu la première rencontre entre 

Procope et son grand-père. Au début du chapitre nous voyons Procope, accompagné du 

curé Stoklas, marcher sur le chemin qui doit l’amener dans la maison du vieillard. Si la 





340


traduction française enregistre avec une fidélité parfaite le cadre de l’action (temps, 

lieux traversés, rares dialogues de deux passants), ce qui se passe à l’intérieur des 

personnages est en revanche considérablement réduit, voire tout à fait éliminé. Ainsi, 

dans la version française, le narrateur confie au lecteur, de manière tout à fait explicite 

et descriptive, que les deux compagnons sont tourmentés par un trouble profond. Or les 

deux monologues intérieurs, qui laissent deviner davantage les ressorts des troubles des 

personnages respectifs, sont presque intégralement coupés. Le texte devient donc encore 

plus statique, explicite, monotone. Mettons côte-à-côte les deux paragraphes du texte 

tchèque avec un seul comprimé dans la traduction française : 

Farář Martin Stoklas kráčel vedle něho, také trochu zamyšlený, a zabodával silně okovaný hrot své 

hole do nízkého svahu, který se drobil. Obul si boty s holínkami, ale zimník měl rozepjatý a každou 

chvíli sundával klobouk a přejížděl si rukou po čele. [Jaká příhoda! ] Proč se nechává vléci tímto 

ztřeštěncem, když si nedovede vůbec představit, jakou má mít účast v tom shledání [děda a vnuka, 

kteří se neznají? Zmocnila se ho pochybnost – nebo spíše strach, že jejich slova už nebudou moci 

proniknout obal mlčení a samoty, který už léta odděluje starce od ostatních lidí. A i když pochopí, co 

mu budou moci říci? Co z toho může pojít pro tohoto mladého muže, který snad od toho čeká 

důležitou změnu v svém životě?] 

Jeho společník byl zmítán touž nejistotou. [Celá věc se mu najednou zdála směšná a malicherná. Je 

tady cizincem, a nikdo to nemůže změnit. Stařec, kterého za chvíli uvidí, je pro něho cizincem a jeho 

paměť je zatarasena vzpomínkami, v kterých on nemá účasti.] 848 

Le curé Martin Stoklas marchait à ses côtés un peu rêveur, lui aussi, et enfonçant fortement la pointe 

de son bâton dans le talus qui s’effritait. Il avait mis ses bottes mais il avait déboutonné son pardessus 

d’hiver et à tous moments se passait la main sur le front. Pourquoi s’était-il laissé entraîner par cet 

étourdi puisqu’il n’arrive pas encore à imaginer le rôle qu’il va jouer dans cette rencontre ? Son 

compagnon s’agitait, en proie à la même incertitude. 849 

Le texte complété et reconstruit selon l’original serait à peu près le suivant : 

Le curé Martin Stoklas marchait à ses côtés un peu rêveur, lui aussi, et enfonçant fortement la pointe 

de son bâton dans le talus qui s’effritait. Il avait mis ses bottes mais il avait déboutonné son pardessus 

d’hiver et à tous moments se passait la main sur le front. [Quelle histoire !] Pourquoi s’était-il laissé 

entraîner par cet étourdi puisqu’il n’arrive pas encore à imaginer le rôle qu’il va jouer dans cette 

rencontre [du grand-père et du petit-fils qui ne se connaissent plus ? Le doute l’a saisi – ou plutôt la 

crainte que leurs paroles n’arrivent plus à percer l’enveloppe de silence et de solitude, qui depuis des 

années séparait le vieillard du reste du monde. Et même s’il les comprenait, qu’est-ce qu’ils pourront 

bien lui dire ? Que puisse en venir pour ce jeune homme qui s’en promet peut-être un changement 

important de sa vie ?] 

Son compagnon s’agitait, en proie à la même incertitude. [Tout cela lui paraît, tout d’un coup ridicule 

et niais. Il est étranger ici et personne n’y peut rien. Le vieillard qu’il va voir tout à l’heure ne le 

connaît pas et sa mémoire est encombrée par des souvenirs où il n’a point de part.] 



341


Enfin, dans le chapitre 9 tout un passage exprimant la prise de conscience de Procope 

du rôle qu’il doit accomplir auprès de son grand-père est supprimé. Il s’agit bien 

évidemment du rôle de réconciliateur entre son grand-père et sa mère morte : 

[Prokopovi se náhle svírá srdce: jako by si byl teprve teď doopravdy uvědomil zlomenou linii jejího 

života a jeho zamlčenou bolest. A najednou mu bylo jasno, proč krouží okolo toho osamělého starce 

tam dole… Čeká od něho ještě jakési slovo k smutnému příběhu matčinu. A zároveň byl přesvědčen, 

že stařec potřebuje jeho ještě víc. Nebyl by mohl umřít, kdyby k němu byl Prokop nepřišel a nepřijal 

to slovo z jeho úst. [...] Lidské cesty jsou neviditelně vepsány do mapy tohoto kraje. A moje se 

připojuje k tamhleté přetržené a dokonává její pouť.] 850 

Et la traduction possible du passage coupé : 

[Soudain le cœur de Procope se serre : comme si à ce moment seulement il s’est véritablement rendu 

compte de la ligne rompue de sa vie [de sa mère] et de sa souffrance silencieuse. Et tout à coup il 

savait clairement pourquoi il tournait autour de ce vieillard solitaire là, en bas… Il attendait de lui 

encore un mot sur la triste histoire de sa mère. En même temps, il fut persuadé que le vieillard avait 

encore plus besoin de lui. Il n’aurait pas pu mourir si Procope n’était pas venu auprès de lui et n’avait 

pas accepté ce mot de sa bouche. [...] Les chemins humains sont invisiblement inscrits sur la carte de 

ce pays. Et le mien rejoint celui interrompu et parachève son pélerinage.] 851 

En résumé de ce que nous venons d’illustrer de maints exemples, il faut constater que 

dans la traduction française de la Frontière de l’ombre, Čep ampute les passages 

suivants : 

1. Les phrases introductives dans les dialogues, les subordonnées développant des 

termes de la phrase, les éléments surabondants, abstraits ou redondants, ceux qui sont 

difficilement compréhensibles ou ne font que répéter une chose déjà exprimée. 

2. Les états d’âme des héros, leurs réflexions et pensées intimes exprimées 

souvent au style indirect libre ou par des monologues intérieurs, le lyrisme des 

sentiments et de la nature. 

3. Les convictions intime de l’auteur, ses conceptions philosophiques, éthiques, 

artistiques, là où elles pourraient avoir l’air artificiel. 

4. La ligne spirituelle du « communio sanctorum » (pays natal, ancêtres). 

5. Les souvenirs et réminiscences, le jeu des relations intratextuelles entre le 

passé de l’action révolue et le présent de l’énonciation (« il revoit encore aujourd’hui », 

« il se souvenait… », etc.). 



342


6. Rarement : la critique de la société paysanne de l’époque, son déclin sous les 

coups de la modernité et de la technicité (personnages des paysans « avertis » ironisés). 

Si dans certains cas nous considérons les interventions de Čep comme justifiées et 

bénéfiques – tendance à dynamiser le texte par sa nature trop statique, à l’aérer de 

certains passages trop descriptifs ou explicatifs, abstraits ou explicites, ailleurs il nous 

paraît que les amputations furent produites au détriment du roman et pouvaient ainsi à 

peine contribuer à son accueil favorable. C’est le cas notamment des excisions qui 

affaiblissent la ligne spirituelle du livre d’un côté et sa tonalité lyrique et poétique de 

l’autre. Le fait de retirer les passages en question réduit ce qui fait précisément la 

particularité du roman, son lyrisme et son spiritualisme, le neutralise et l’aplatit, et, en 

fin de compte, brouille l’intention auctoriale. 

VII.3.1.2. Analyse du chapitre 11 

Dans le Dictionnaire du littéraire, nous lisons à propos de la traduction : 

« La traduction implique […] de rendre les caractéristiques d’un texte […] qui ne 

concordent pas exactement d’une langue à une autre. » 852 Qu’en est-il pour la traduction 

française de la Frontière de l’ombre ? Est-elle en mesure de rendre toutes les 

caractéristiques intrinsèques de l’original tchèque ? Ou bien confirme-t-elle l’adage 

fameux de traduttore traditore ? Regroupons en quelques pages les observations que 

nous avons pu faire au cours de la lecture parallèle du chapitre 11, que nous avons 

choisi tout à fait par hasard. 

Evidemment, il y a des modifications entre les deux versions du chapitre. Il y a celles 

purement formelles qui ne changent pas essentiellement la valeur du roman (certaines 

excisions courtes, des modifications nécessaires liées à la nature différentes des deux 

langues). Il y en a d’autres qui dérangent en apportant un changement qualitatif par 

rapport à l’original. Ce sont ces dernières qui nous intéresseront avant tout. 

Commençons par les modifications quantitatives qui consistent à réduire ou au contraire 

à augmenter le volume du texte original. En premier lieu, il s’agit bien sûr des 

852 Sous la dir. de P. Aron, D. Saint-Jacques, A. Viala, 2. éd. revue et augmentée, Quadrige/PUF, 2006, 

p. 623. 

343


réductions, des amputations auxquelles nous avons consacré beaucoup d’espace plus 

haut. Nous n’allons y revenir que par une sobre remarque. En dehors des amputations 

citées précédemment (phrases introductives, compléments redondants, discours 

indirects libres, etc.), nous signalerons les excisions très brèves dont la fonction dans la 

narration pourrait être qualifiée d’anticipatoire. Ce sont le plus souvent des anticipations 

qui semblent annoncer des événements tragiques, des catastrophes prochaines. Ainsi, 

quand nous sommes témoins de l’une des dernières entrevues de Procope avec 

Georgette Vankova, la version française ne laisse rien deviner de la fin tragique qui 

attend la jeune fille tandis que dans la version originale la présence de l’ « abîme d’un 

élément obscur » peut être comprise comme une anticipation de sa mort tragique. Dans 

le texte français le lecteur ne ressent aucune menace, on lui place sous les yeux une 

scène presque idyllique : « Ils se taisaient tous deux, caressés par la suavité de la 

lumière, du ciel et de la verdure. » 853 Dans l’original, la scène est rendue beaucoup plus 

ambiguë par la suite de la phrase qui serait ainsi : « … de la verdure, et de l’autre côté 

s’ouvrait l’abîme d’un élément obscur » (… zeleně a z druhé strany se otvírala propast 

temného živlu 854 .) Pareillement, il y a des excisions qui affaiblissent cette tonalité du 

tragique, de l’angoisse. Ainsi la phrase de la traduction « Il regarda son ami et eut la 

certitude que Jan avait déjà commencé son voyage mystérieux. » 855 n’exprime en rien 

que la prise de conscience de l’intention de Jan est accompagnée chez Procope d’un 

sentiment de trouble angoissant. Or dans l’original nous lisons : Sevřelo se mu srdce 

úzkostí a když zase pohlédl na přítele… 856 ([« L’angoisse lui a serré le cœur] et quand il 

regarda son ami… »). Différence tout de même sensible. 

Un autre cas particulier d’amputation que nous avons observé dans le chapitre 

analysé fut l’affaiblissement de la poéticité, plus précisément l’excision occasionnelle 

de certaines figures poétiques, notamment des comparaisons. Les amputations de ce 

type entraînent nécessairement des conséquences stylistiques souvent nuisibles au texte. 

Lorsque Procope se rend compte de sa passion croissante pour Georgette, la version 

française nous donne à lire : « … le charme de cette fille étrange l’avait touché… » 857 

alors que l’original nous précise que le charme de la fille l’a « entouré comme un 


854 Œuvres II, p. 104. 


856 Œuvres II, p. 106. 


344


parfum capiteux » (… půvab té podivné dívky ho obklopil jako těžká vůně 858 .) De 

même quelques pages plus tard, au moment de l’extase amoureuse, une autre sensation 

olfactive se voit dépourvue de sa comparaison dans la version française. La sensation de 

l’odeur de la fille mêlée à celle de la paille mûre est constatée mais sans cette 

comparaison que l’auteur utilise dans l’original tchèque : « … l’odeur […] l’a pénétré 

comme la vague violente de l’ivresse ». A vrai dire, dans la version française toute cette 

phrase est considérablement réduite. Avec l’omission de la comparaison s’affaiblit 

également la synesthésie mêlant dans l’original les sensations olfactives (odeur du corps 

de la fille, paille mûre), thermiques (« chaleur suave de son corps ») qui produisent un 

état d’ivresse (non exprimé dans le texte français). De même, l’expression métonymique 

est affaiblie lorsque la traduction française dit « La jeune fille était déjà dans ses bras », 

tandis que le texte original utilise une synecdoque pars pro toto pour désigner la fille 

(Její prsa už byla ne jeho prsou a její vůně…). Par là, nous ne voulons pas dire qu’il 

fallait traduire le texte mot à mot, ce qui donnerait un résultat absurde, mais démontrer 

comment le texte de Čep pose problème à la traduction, comment il est pénible de 

trouver une solution qui à la fois sonnerait français et garderait la poéticité de la langue 

originale. 

Outre les modifications quantitatives (qui ne sont pour autant jamais seulement 

quantitatives comme nous venons de le voir) rajoutant au texte des éléments nouveaux 

(rarissimes ici) et ceux qui le privent de certains passages (fréquentes), nous rencontrons 

des modifications qualitatives. Elles peuvent être tout à fait naturelles et sans effet nocif 

pour le roman de Čep. C’est le cas des transpositions morphologiques (verbe pour nom 

et inversement, mode actif pour passif ou l’inverse, etc.) ou syntaxiques (redistribution 

de l’ordre des mots) que l’on rencontre dans toutes les traductions, puisqu’elles sont 

exigées par les différences de nature de la langue de départ et de la langue d’arrivée. 

Plus intéressantes pour nous sont celles qui portent atteinte à la valeur du texte original. 

Nous allons aborder trois catégories de telles modifications qualitatives : lexicales, 

syntaxiques (et rythmiques) et sémantiques. 

Les modifications lexicales consistent à substituer les termes d’un registre spécifique 

par d’autres qui ne rendent pas la spécificité de l’original. C’est le cas notamment des 

régionalismes, des archaïsmes, des mots familiers qui sont soit traduits par des termes 

858 Œuvres II, p. 105. 

345


plus ou moins neutres, soit sont complètement omis (sedlačení > agriculture, almara > 

armoire, dostanu hosti > avoir des invités, papuláčci > 0, etc.). Ce nivellement des 

divers registres de langue contribue à l’appauvrissement et à la monotonie du texte 

français. 

Dans le domaine syntaxique, il faut signaler deux types de modifications. Le premier 

concerne la segmentation des phrases longues et complexes, le second l’affaiblissement, 

voire l’annulation de la mélodie verbale des phrases. Les deux sont étroitement liées et 

ne forment pour ainsi dire que deux côtés d’une même monnaie. Le procédé de la 

segmentation des phrases complexes, soutenu par l’amputation de certaines 

subordonnées, introductives ou autres, fait partie des efforts visant la dynamisation du 

texte. Voyons cet exemple de deux phrases complexes de l’originale qui vont se 

décomposer en trois phrases simples, courtes, dynamiques en version française : 

Prokop se lehce otřásl, jako by mu byl přeběhl po zádech mráz. Šimon se nehýbal, jeho hlava byla 

zvrácena dozadu a odrážela se na pozadí večera sinavým obrysem. 859 

Procope tressaillit. Simon ne bougea pas. Sa tête renversée dessinait sur le crépuscule ses contours 

livides. 860 

D’autre part le texte tchèque abonde en phrases complexes, longues, portées par un 

rythme, une mélodie interne propre au style de Čep. L’euphonie des phrases čepiennes, 

acquise par un jeu suave d’allitérations et de combinaisons de certains phonèmes, une 

distribution raffinée des quantités et des diphtongues, est naturellement perdue lorsque 

le texte est traduit dans une langue étrangère. L’exemple suivant démontre un peu une 

telle difficulté : 

Prokop cítil její lahodné kouzlo, které se rozlévalo v soumraku, a její smích vzbudil v jeho prstech 

pocit čehosi vlnivě sametového. 861 

Il la senti comme une matière velouteuse. 862 

Toute personne maîtrisant au moins un peu les deux langues concernées doit 

constater comment la traduction réduit brutalement l’original tchèque. La fréquence 

parfaitement symétrique des voyelles longues avec les diphtongues « ou » (í-í-é-ou-é-é- 

ou-í-í-é) combinée avec la consonne intense « l », capable dans la langue tchèque de 

former les syllabes de la même manière que les voyelles (surtout : -zl-, -vl-) et soutenue 



861 Œuvres II, p. 108. 

862 La Frontière de l’ombre, op. cit., p. 173-174 . 

346


par un jeu de sonorités (z, s) est à l’origine d’une mélodie douce et flottante qui fait 

absolument défaut à la traduction française. Ces qualités auditives, la musicalité de ses 

phrases rapprochent l’œuvre de Čep encore plus de la poésie. B. Fučík l’observe bien 

lorsqu’il dit : « La mélodie cachée, sans laquelle on ne peut lire Tchékhov, s’entremêle 

aussi chez Čep avec le matériel verbal, de telle sorte que souvent ce sont des 

composantes interchangeables : la mélodie devient la voix principale, tandis que le texte 

a fonction de récitatif. » 863 

Il nous reste à observer les modifications qualitatives sémantiques. Il s’agit des 

glissement du sens de plusieurs types : glissement sur l’axe concrétisation/généralisation 

(abstraction), sur l’axe gradation/atténuation et appauvrissement (rétrécissement) du 

sens (effacement de l’ambiguïté, neutralisation des sens secondaires – connotations). 

La substitution des noms propres locaux, qui ne diraient rien au public français, par 

des désignations plus générales (généralisation) paraît tout naturelle (vršky okolo 

Konice a Jevíčka [les collines autour de Konice et Jevíčko] > les collines aux alentours 

des petites villes voisines). Le procédé inverse, c’est-à-dire la concrétisation, est 

repérable dans l’exemple suivant où le mot commun tchèque « hrst » [poignée] est 

substitué dans la version française par une expression plus précise, explicite « parcelle 

de vie » : 

Měl dojem, že se starcova ruka už už pootvírá a pouští poslední hrst po jarním větru. 864 

Il lui sembla que la main de son grand-père était sur le point de s’ouvrir et de laisser emporter au vent 

de printemps sa dernière parcelle de vie. 865 

Ailleurs, nous sommes témoins de la gradation ou de l’atténuation sémantique. Dans 

les deux extraits suivants l’expression utilisée en traduction française est plus forte, plus 

intense qu’elle ne l’est en tchèque (gradation) : 

… to není k smíchu [ce n’est pas amusant, ce n’est pas pour rire] (99) > … c’est terrible (158) 

… jeho popelavá tvář byla ztrhána strachem a bolestí [… de peur et de douleur] (100) > … son visage 

gris de cendre se tordait de souffrance et d’horreur (160) 

863 « Melodický podtext, bez něhož nelze číst Čechova, se prolíná i u Čepa se slovním materiálem 

dokonce takovým způsobem, že mnohdy jsou to komponenty záměnné: melodie se stává hlavní řečí, 

zatímco text má funkci recitativu. », B. Fučík, « Básník dvojího domova » (Poète du double chez-soi), in : 

Píseň o zemi, Praha, Melantrich, 1994, p. 114. 



347


En revanche dans le cas suivant nous voyons une atténuation du sens global de la 

phrase en raison de la suppression d’un trait caractérisant le héros : 

… cítil se hluboce zahanben, malý a sám [il se sentait profondément humilié, seul et infime] (107) > 

... il se sentait seul et infime. (172) 

Les cas d’appauvrissement sémantique sont bien variés. Il y a des cas de 

neutralisation qu’il faudrait lier avec ce qui a été dit à propos des figures. Autrement dit, 

si dans le texte tchèque il y a une expression métaphorique, celle-ci est traduite de façon 

neutre comme ici : 

… brada jde k nosu na besedu… (94) > … son menton allait au devant de son nez (150) 

Le terme français « aller au devant » ne correspond pas pleinement à l’expression 

tchèque « jít na besedu [allez faire la causette] » employée au sens figuré. 

Ou bien, dans d’autres cas, la traduction française neutralise le terme riche de 

connotations dans l’original : 

... když se motal lesní cestou (109) > … quand il se retrouva sur le chemin (174) 

Le mot « motat se » [tituber] suggère l’idée non seulement de l’affaiblissement 

physique, de la perte des forces de Procope (après la nuit passée avec Georgette) mais 

surtout sa désorientation psychique et morale, ce que le mot français très vague de 

« retrouver » ne peut pas exprimer. 

L’autre cas présente tout simplement un grave glissement de sens réalisé dans la 

traduction française, laquelle dit autre chose que l’original : 

… vzpomínky na vlastní dětství ho mátly nevýslovnou tesknotou. [les souvenirs de son enfance le 

déconcertaient d’une nostalgie inexprimable] (105) > … les souvenirs de son enfance l’oppressaient. 

(168) 

Enfin, la traduction efface parfois l’ambiguïté qui est intrinsèque au texte tchèque. Il 

y a en effet des phrases ou passages qui restent énigmatiques et se prêtent à 

interprétations multiples. Or la traduction ignore dans la plupart des cas l’ambivalence 

de l’original et opte pour une interprétation sans équivoque. Analysons deux exemples. 

Dans le troisième paragraphe du chapitre, le narrateur expose le vieillard agenouillé 

devant le tabernacle après l’office du Samedi Saint. Procope, qui était déjà sorti de 

l’église, est inquiet de l’absence prolongée de son grand-père et retourne le chercher. 

348


L’apercevant, il craint tout à coup « qu’il ne fût mort, ébloui de lumière et assourdi par 

le carillon ». Arrachant le vieillard à sa contemplation, celui-ci dit comme pour 

s’excuser : « Je me suis oublié [je ne sais comment]. » [Nějak jsem se zapomněl]. La 

réplique apparemment anodine est dans son contexte investie de diverses connotations. 

Elle fait penser au recueillement du vieillard devant le tabernacle et fait deviner d’ores 

et déjà ce qui se passe à l’intérieur de lui (métamorphose spirituelle) et ce qui se 

révèlera un peu plus tard dans son dialogue avec Procope. La réplique peut être 

interprétée également dans le sens plus prosaïque comme le signe de la déchéance 

progressive du vieillard, de sa perplexité et de sa confusion mentale. La plupart de ces 

interprétations sont rendues impossibles par la traduction française de la réplique réduite 

à son aspect temporel par une formule plate : « J’ai oublié l’heure. » 

Un autre exemple, tiré d’un dialogue entre le vieillard et son petit-fils, est situé 

quelques pages plus loin. Le grand-père annonce à Procope qu’après sa mort il lui 

lèguera tout ce qui lui reste – « cette bicoque et ce bout de champ derrière le jardin ». 

Quelques lignes après, le récit continue ainsi dans la version française : « Procope sourit 

lui aussi et le vieillard reprit, redevenu soudain sérieux : ‘Autrement tu n’auras pour ton 

héritage que ces quelques morts, derrière l’église.’ » 866 . Or dans l’original, une phrase 

énigmatique prolonge la réplique du grand-père : « Et à toute église appartient la 

morgue. » Que veut-il dire par là ? Faut il rapprocher la morgue de la maison du 

vieillard qui ne fut plus qu’une « cadavre ambulante » ? Le fait que la traduction 

française coupe une telle phrase diminue le mystère et l’ambiguïté qui est pour chaque 

livre un ingrédient précieux. 

Arrêtons là notre analyse. Il est impossible de recenser toutes les différences et 

complications entre l’original et la traduction. Il serait d’ailleurs utile et méritoire de 

consacrer une étude particulière à l’analyse minutieuse des rares traductions françaises 

de Čep. Aussi bien qu’il serait louable d’effectuer l’étude stylistique approfondie de la 

langue čepienne, cette fois-ci bien sûr maternelle, qui fait jusqu’à présent défaut aux 

recherches čepiennes. Dans ce chapitre nous voulions simplement démontrer à l’aide de 

quelques exemples concrets les difficultés qu’encoure le traducteur potentiel de l’œuvre 

de Čep. 


349


CONCLUSION 

Dans ses méditations Jan Čep réfléchit souvent sur le phénomène du temps et de la 

mémoire humaine, qu’elle soit individuelle ou collective. Il est conscient de ce qu’elle 

ne peut jamais contenir tous les éléments de la vie d’un homme, encore moins de 

l’Histoire. En effet, il y a toujours des lieux vides, des trous dans la mémoire qui est 

nécessairement lacunaire et fragmentaire. Dans notre thèse nous nous sommes 

concentrés sur une lacune de cette sorte, cette fois-ci dans la mémoire de la littérature ; 

nous avons essayé de combler celle représentée par l’exil de Jan Čep. 

Dans la première partie nous nous sommes préoccupés de l’aspect biographique de 

l’exil de Čep tout en mettant l’accent sur tout ce qui faisait partie de la vie littéraire de 

l’écrivain exilé. Nous avons d’abord élucidé les raisons qui poussèrent Čep à quitter la 

Tchécoslovaquie et à s’installer pour le reste de sa vie en France. Les dangers externes 

auxquels Čep fut exposé après le Coup de Prague de 1948 se combinaient avec la 

nécessité interne de la liberté, avec l’idée et la mission de l’écrivain et last but not least 

avec l’attrait et la sympathie profonde pour la France. 

Bien que la France fut le pays de prédilection de Čep, les transformations d’Après- 

guerre lui montrèrent un pays tout à fait différent de celui qu’il connaissait, et de ce à 

quoi il rêvait. La France vers laquelle il se dirigea depuis son pays opprimé comme vers 

une île de liberté et d’ouverture et où il comptait déployer ses forces d’intellectuel et 

d’écrivain, ne lui accorda pas la considération espérée. En dépit de son mariage français 

avec Primerose Du Bos, l’écrivain Čep resta jusqu’au bout inconnu du grand public en 

marge de l’intelligentsia française. La réception de son œuvre en France depuis les 

années 1930 jusqu’à sa vie en exil est limitée à un réseau d’amitiés plus ou moins 

personnelles. Ses tentatives pour être publié en français après 1948 n’aboutirent pas en 

raison de causes multiples allant du climat politique et idéologique défavorable à une 

certaine maladresse dans son comportement vis-à-vis des éditeurs, en passant par la trop 

grande « simplicité » de son style se conjuguant avec une trop grande « difficulté » à 

traduire de ses textes. Ainsi, exilé en France, sa « seconde patrie », il restera toujours un 

écrivain profondément tchèque. 

350


Malgré sa déception sur le plan littéraire, Čep fut loin de sombrer dans la 

résignation ; le bilan de ses activités au cours de son émigration est considérablement 

long. Force est de constater que dans tout ce qu’il entreprenait – que ce soit au sein des 

structures de l’émigration tchèque ou par des actions vouées à la population française – 

il s’efforçait de plaider pour sa patrie, de témoigner en faveur de son pays. Par ses 

articles et commentaires publiés dans la presse française, il cherchait à transmettre aux 

Français un témoignage de vérité à propos de son pays, de même qu’il déployait, avec 

son Comité d’études culturelles franco-tchécoslovaques, des tentatives pour renouer et 

affirmer des relations amicales entre les deux pays. Si ses articles peuvent être 

considérés aujourd’hui comme des documents de l’époque, les idées et les visées 

préconisées par l’Amitié franco-tchécoslovaque (qui d’ailleurs existe toujours) ou par le 

Comité d’études culturelles franco-tchécoslovaques sont en revanche toujours 

inspiratrices, d’autant plus que la collaboration entre les peuples se joue aujourd’hui 

presque exclusivement sur le plan économique. Čep ne resta pas non plus éloigné de la 

vie culturelle et littéraire déployée par les différentes structures de l’exil tchèque. Il 

fournissait la tutelle de son autorité et parrainait ainsi de nombreuses entreprises de 

l’émigration tchèque, depuis les organismes à portée politique, à travers de nombreuses 

revues, jusqu’aux institutions culturelles et littéraires. Le plus clair de son exil est 

inséparablement lié avec le travail pour Radio Free Europe, dont le plus précieux fut 

sans doute le support moral qu’il procurait aux auditeurs tchécoslovaques par ses 

paroles fortifiantes et vivifiantes. Tout ceci nous donne raison pour dire que les années 

de Čep en exil ne furent pas infructueuses ou perdues mais dotèrent son exil d’un sens et 

d’une utilité profonds. 

Dans la seconde partie de la thèse nous nous sommes penchés sur tout ce que Čep 

écrivit au cours de l’exil. Trois grands noyaux apparaissent : fictions, littérature d’idées, 

autobiographie. Dans les trois nouvelles que nous avons rassemblées dans le cycle de 

l’Occupation et de la Libération (Les Tziganes, Le Secret de Klára Bendová, Les 

Journées de mai) nous avons observé plusieurs aspects de la création de Čep. D’abord 

nous nous sommes centrés sur la représentation de la guerre chez Čep. Celle-ci, plutôt 

que d’être peinte de manière descriptive et réaliste (mimétique), sert de toile de fond de 

la vie quotidienne, étant comme diffuse à travers tout le récit à force de différentes 

figures poétiques (images et métaphores insolites, comparaisons, périphrases), ou elle 

est suggérée par l’évocation de l’atmosphère suffocante de l’Occupation soutenue par le 

351


choix des champs lexicaux appropriés (froid, raideur, angoisse, peur). Le moment de la 

Libération de mai et la forme de la liberté qui s’ensuit est rendu ambiguë, gâché par la 

brutalité et l’arbitraire des soldats russes (Claire) aussi bien que par de nombreux 

éléments tchèques voulant tirer de ces moments de désarroi le profit personnel le plus 

vil, souvent grâce à des dénonciations fallacieuses, au détriment de la justice et de la 

liberté véritables. Čep enrichit ainsi la littérature tchèque de guerre d’une représentation 

originale de la guerre et par une démythification de la Libération de 1945. 

Ensuite, nous avons démontré que les motifs de l’étrangeté représentent une des 

constantes de l’œuvre de Čep. L’étrangeté en tant que trait constituant de son univers est 

le résultat du système axiologique fondé sur le « double chez soi », conception et vision 

de la coexistence de deux mondes entre lesquels se joue l’existence de l’homme. 

L’aggravation du sentiment de l’étrangeté et sa doublure avec la persécution ou 

l’expulsion des héros dans les nouvelles d’exil semble correspondre à la situation du 

désarroi dans les années d’après-guerre. L’interprétation symbolique proposée déjà par 

Vladimír Peška nous paraît tout à fait légitime. Les personnages de Čep peuvent 

réellement être caractérisés comme des « gens modernes, inquiétes et désagrégés, qui 

cherchent aussi la sécurité d’un golf paisible » 867 . Les Tziganes, de même que l’exilé, 

sont le symbole de l’humanité telle qu’elle est issue de la Seconde Guerre mondiale, de 

l’homme moderne habitant dans un monde désorienté et déchiré. 

Enfin, nous avons rendu compte de la dimension religieuse des nouvelles de Čep, 

dimension fortement présente dans l’œuvre qui pour autant n’a rien à voir avec le 

caractère tendancieux ou l’ « idéologisation » de la littérature. L’aspect religieux, 

organiquement incorporé dans les récits, relève d’un ensemble d’éléments de diverses 

natures et fonctions (motifs, encadrement spatio-temporel, personnage sacerdotal, 

allusions et citations) qui permettent de créer un réseau de significations se superposant 

au sens premier des récits et qui infléchissent leur interprétation. 

Dans les deux récits d’exil (Devant la Porte fermée, L’Ile de Ré) imbibés de 

nombreuses traces autobiographiques, Čep rend compte de la réalité multiple et 

stratifiée de l’exil. Il en présente différentes facettes : privation matérielle, « complexe 

de papiers », déracinement et scission linguistique, bouleversement identitaire, 

sentiments d’étrangeté, de solitude, d’errance, dialectique entre le pays d’adoption et le 

867 « […] neklidnými a rozvráceními moderními lidmi, hledají také bezpečnost pokojného zálivu […] », 

V. Peška, « Jan Čep : Cikáni », Livre de la semaine, [janvier 1954], p. 4. 

352


pays natal. En dépit de tout cela, l’exil n’est pas pour Čep uniquement l’entité ennemie, 

tragique, négative. Grâce aux sources spirituelles (communion et prière) le héros (et Čep 

lui-même) parvient à résister à la brutalité de l’exil. Grâce aussi à l’interconnexion du 

passé et du présent, l’interpénétration du pays d’enfance et du pays d’exil, il parvient à 

maintenir son identité et à accepter le sort de l’exilé. 

Le récit Les Trois Passants achève la création prosaïque de Jan Čep. Ecrit en 1956 

sur l’instigation d’Antonín Kratochvil, la nouvelle implique quelques traits nouveaux, 

inconnus dans l’œuvre antérieure de Čep. Cette nouveauté tient à son arrière-fond 

humoristique aussi bien qu’au fonctionnement du narrateur et à ses stratégies 

développées dans le récit. En dépit de la prédominance de l’aspect ludique et 

humoristique, le récit ne manque pas non plus de méditer sur la condition humaine 

déclinée – et cela ne surprend pas – en rapport avec le « double chez soi » čepien. 

Si l’exil a sensiblement réduit l’inspiration romanesque de Čep, il a laissé éclore le 

penseur et l’essayiste. Contre l’insécurité du moment de leur production, les essais- 

méditations, que Jan Čep a fournis de longues années durant à Radio Free Europe, 

dévoilent un univers stable et solide, car reposant sur des assises solides. Ce sont les 

fondements de la civilisation occidentale, rassemblant les meilleures traditions gréco- 

latines et judéo-chrétiennes. Sa vision du monde et de l’homme est entièrement 

imprégnée de la perception chrétienne, tout en trahissant certaines particularités et 

accents singuliers (sinon la réflexion de tous les penseurs issus du christianisme ou 

influencés par celui-ci serait identique). Par le goût de la liberté et la conception de 

l’existence comme un don, par sa perception du phénomène de temps, Čep se range 

dans la ligne des existentialistes chrétiens tels que Gabriel Marcel. Par son sens de la 

responsabilité et son éthique de l’altérité, il est proche des personnalistes comme 

Maurice Nédoncelle. On n’aura pas tort d’attribuer à Čep – vu les valeurs qui dominent 

l’univers de ses essais – une place d’honneur parmi les grands humanistes chrétiens du 

siècle dernier. 

Dans ses méditations, fruit du recueillement et de la réflexion personnelle aussi bien 

que nourries de lectures d’une portée extraordinaire, Čep part de sa propre situation 

pour englober et toiser la situation du monde entier dans les années agitées d’Après- 

guerre. Il s’acquitte avec le régime totalitaire qui a submergé sa patrie et dont il dévoile 

les mensonges implacablement. Il substitue à la caricature de l’homme forgé par des 

« ingénieurs des âmes » un personnalisme chrétien sauvant la dignité de l’homme et 

353


plaidant pour sa liberté et sa responsabilité. A juste titre, Vladimír Peška présente 

l’essayiste Čep comme un « défenseur irréductible des valeurs sacrées de l’homme 

chrétien occidental, européen » : « Jan Čep reste ce phénomène rare, la grande 

conscience qui vit et réfléchit le drame, la tragédie d’une nation, de l’homme 

contemporain, de l’époque que nous vivons […] » 868 

A côté des méditations philosophiques, nous avons consacré un vaste espace aux 

comptes rendus par lesquels Čep perturbait l’hégémonie idéologique dans le domaine 

littéraire dans la Tchécoslovaquie communiste. Contentons-nous de souligner à nouveau 

que ses « livres de la semaine » apportaient un rafraîchissement opportun dans l’aridité 

de la culture communiste. Ils maintenaient les auditeurs en contact avec la production 

libre et les mettaient au fait des principaux noms de la littérature mondiale tels que 

A. Camus, B. Pasternak, J. Gracq, F. Durrenmatt, M. Duras, N. Sarraute, M. Yourcenar 

et beaucoup d’autres. Pour les chercheurs en littérature, le programme du Livre de la 

semaine reflète fidèlement la lecture de Čep, cette activité, qui depuis l’esthétique de la 

réception professée par l’Ecole de Constance, ne cesse d’être revalorisée. Le corpus des 

« comptes rendus parlés » de Čep renseigne non seulement sur ses auteurs préférés et 

son goût littéraire, mais il révèle aussi sa confrontation avec les tendances nouvelles 

dans la littérature d’Après-guerre et permet de rendre sa perception de la littérature en 

question. 

La somme et la synthèse de l’œuvre de Jan Čep, c’est l’autobiographie posthume 

Ma Sœur l’angoisse. Cette confession qui renoue par bon nombre d’aspects avec 

Les Confessions de Saint Augustin représente la synthèse de la pensée čepienne. C’est 

un récit d’une grande pureté artistique et d’une sincérité humaine profonde. Par son 

caractère angoissant, il ne reflète pas seulement le moment de sa création, la situation 

tragique de l’auteur en exil, mais son accord fondamental qui est cependant tamisé par 

une foi chrétienne ardente. Le chemin de Ma Sœur l’angoisse vers les lecteurs n’a pas 

été facile. Il reste à lui souhaiter qu’elle puisse atteindre un jour le public pour lequel 

elle a été originairement conçue. 

L’exil littéraire est considéré soit comme l’essor, le renouvellement, 

l’accomplissement de la création de l’écrivain, soit comme un facteur qui mène à la 

rupture, à l’échec, au silence du créateur. Dans le cas de l’écrivain Čep nous sommes 



354


évidemment plus près du deuxième pôle, comme s’il confirmait, sans le vouloir, cette 

sentence de Julia Kristeva : « Entre deux langues, votre élément est-il le silence. » 869 

La part non insignifiante dans le silence de l’écrivain tchèque en France consistait en 

ce que la particularité de la création de Čep, résidant dans son travail du langage, dans la 

richesse du vocabulaire, dans l’intensité poétique de son expression, ne se prête que très 

difficilement à la traduction dans des langues étrangères. Ses récits, peu épiques, 

perdent par la traduction la majorité de leur qualité verbale, de leur beauté poétique, de 

leur mélodie secrète et apparaissent d’emblée statiques, descriptifs et monotones. C’est 

la raison principale pour laquelle l’œuvre de Čep, mais aussi celle de V. Vančura par 

exemple, ne suscitent que très rarement l’intérêt des traducteurs étrangers. 

D’autre part, pour concevoir son œuvre directement en français, non seulement il a 

manqué de conditions externes favorables, mais encore il aurait dû changer 

fondamentalement la façon d’écrire qui était la sienne. Il en était lui-même conscient 

lorsqu’il a noté à propos d’un roman d’action rocambolesque d’un émigré roumain qui 

eut beacoup de lecteurs dans la France de l’époque : 

Pour avoir du succès ici, pour trouver un éditeur, il faudrait écrire quelque chose à la manière de la 

Vingt-cinquième heure du Roumain Gheorgiu – genre pour lequel je ne vaux rien. 870 

Il reste à espérer qu’il y aura un jour quelqu’un parmi les Français tchécophones qui 

trouvera, d’une manière ou d’une autre, un chemin vers l’art discret du poète morave et 

se laissera ensorceler à tel point qu’il aura l’audace de relever le défi et s’investira dans 

la tâche de Sisyphe qu’est la traduction de Čep. 

* 

Ainsi, nous avons épuisé la matière de notre étude qui était celle de l’exil de Jan Čep. 

Ce qu’il reste à faire – et dans la thèse présente nous avons entrepris quelques premiers 

pas dans ce sens – c’est surtout un travail comparatif approfondi. Il est indéniable que 

Čep fut dans son œuvre influencé par certains auteurs français ou mieux que sa vision et 

sa façon d’écrire trahissent des analogies frappantes avec certains d’entre eux. Nous 

avons fait remarquer plusieurs parallèles de la sorte : le personnage du prêtre et le sacré 

869 Etranger à nous-mêmes, cité par L. Tourn, op. cit., p. 110. 


355


chez Čep et G. Bernanos, les éléments de la pensée existentielle chez Čep et G. Marcel. 

On pourrait suggérer d’autres points communs avec F. Mauriac 871 , Alain-Fournier, les 

écrivains régionalistes… C’est ce que nous déléguons aux futurs chercheurs et amateurs 

de l’œuvre de Jan Čep. 

871 Une étude a déjà été consacrée à la comparaison de Čep et Mauriac. Cf. P. Doležalová, « François 

Mauriac et Jan Čep – lectures parallèles », in : Nouveaux Cahiers François Mauriac, n° 9, 2001, Paris, 

Grasset, p. 241-248. 

356


ANNEXES 

TABLE DES ANNEXES 

I. Récits de Jan Čep publiés en exil ………………………………………......…… 358 

I.1. Les Tziganes …………………………………………………………………….. 359 

I.2. L’homme qui avait tout perdu (préface de Didier Castagnou) ………………..… 374 

I.3. Ma sœur l’angoisse …………………………..……..…….…………………...… 392 

II. Choix d’articles français de Jan Čep publiés en exil ……………………….… 407 

II.1. Réflexions d’un émigré ……………………………………………………….... 408 

II.2. Le nouveau crépuscule de la Tchécoslovaquie ………………………………… 411 

II.3. La littérature tchèque moderne d’inspiration catholique ……………………..... 414 

II.4. Un écrivain doit-il s’exprimer nécessairement dans sa langue maternelle ? …... 420 

III. Nécrologies consacrées à Jan Čep dans la presse française ………………… 424 

III.1. Le Monde ……………………………………………………………………… 425 

III.2. La Croix ……………………………………………………………………..… 426 

III.3. Esprit ………………………………………………………………………...… 427 

357


I. RECITS DE JAN ČEP PUBLIES EN EXIL 

____________________________________________________________ 

358


I.1. Les Tziganes (Terre humaine, dir. Etienne Borne, avril 1952, p. 81-96) 

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I.2. L’homme qui avait tout perdu (traduit de l’original tchèque Oldřich Babor par 

Madeleine Monzer, préface par Didier Castagnou, Le Flambeau (Bruxelles), 47, n° 1, 

janvier-février 1964, p. 3-35) 

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I.3. Ma sœur l’angoisse (Arena (Londres), mai 1964, p. 1-29) 

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II. CHOIX D’ARTICLES FRANÇAIS DE JAN ČEP 

PUBLIES EN EXIL 

_____________________________________________________________________ 

407


II.1. Réflexions d’un émigré 

Souffrir comme les autres ? (Le Monde, le 28 octobre 1948, p. 3) 

408


A la recherche de l’unité perdu (Le Monde, le 29 octobre 1948, p. 3) 

409


Christianisme et communisme (Le Monde, le 31 octobre-le 1 er novembre 1948, p. 3) 

410


II.2. Le nouveau crépuscule de la Tchécoslovaquie (Etudes, décembre 1948, p. 386- 

390) 

411


412


413


II.3. La littérature tchèque moderne d’inspiration catholique (La Vie intellectuelle, 

août 1954, p. 70-81) 

414


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416


417


418


419


II.4. Un écrivain doit-il s’exprimer nécessairement dans sa langue maternelle ? 

(Bulletin du Comité d'études culturelles franco-tchécoslovaques, n° 2, 1957, p. 55–60) 

420


421


422


423


III. NECROLOGIES CONSACREES A JAN ČEP 

DANS LA PRESSE FRANÇAISE 

___________________________________________________________________ 

424


III.1. Le Monde (le 27-28 janvier 1974) 

425


III.2. La Croix (le 16-17 février 1974) 

426


III.3. Esprit (42, n° 4, avril 1974, p. 768) 

427


I. JAN ČEP 

I.1. Œuvres de Jan Čep 

BIBLIOGRAPHIE 

• Œuvres complètes de Jan Čep. (Sebrané spisy Jana Čepa). Praha-Brno : Vyšehrad- 

Proglas, 1991-1999 : 

Dvojí domov. Tome I, Praha : Vyšehrad, 1991. 

Rozptýlené paprsky. Tome IV, Praha : Vyšehrad, 1993. 

Hranice stínu. Tome II, Brno : Proglas, 1996. 

Samomluvy a rozhovory. Tome V, Praha : Vyšehrad-Proglas, 1997. 

Poutník na zemi. Tome VI, Brno : Proglas-Vyšehrad, 1998. 

Polní tráva. Tome III, Praha : Vyšehrad-Proglas, 1999. 

Autres œuvres citées ou consultées : 

• Cesta do Emauz. Svitavy : Trinitas et Řím : Křesťanská akademie (Edice Vigilie), 

2004. 

• Cesta na jitřní. Svitavy : Trinitas et Řím : Křesťanská akademie (Edice Vigilie), 

2002. 

• Cikáni. Mnichov : Sdružení československých politických uprchlíků v Německu, 

1953. 

• Dojmy z Anglie. Šternberg : Sternberg, 2007. 

• « Francouzská kronika ». In : Svědectví, 1, n° 3-4, été-automne 1957, p. 247-248. 

• Květnové dni. Řím : Křesťanská akademie, (Edice Vigilie), 1954. 

• Malé řeči sváteční. Řím : Křesťanská akademie, (Edice Vigilie),1959. 

• O lidský svět. Rozhlasové úvahy. Řím : Křesťanská akademie, 1953. 

428


• « Podmínky rozhovoru ». In : Rok. Kulturní sborník. L. Matějka, éd., New-York : 

Moravian Librery, 1957, 7-10. 

• « Rencotre avec Paul Claudel ». In : Hommage de la Bohême à Paul Claudel, Paris : 

Rencontre, n° 1, 1965, p.31-35. 

• Sestra úzkost. Zlomky autobiografického eseje. 1 ère édition, Řím : Křesťanská 

akademie, 1975. 

• Sestra úzkost. Zlomky autobiografického eseje. Traduit du français par Václav Čep et 

Bedřich Fučík, 2 e édition augmentée, Brno : Proglas, 1993. 

• Události a lidé. Praha : Práce, 1991. 

• Umění a milost. Brno : Vetus via, 2001. 

• « Úvahy emigranta ». In : Aluze, n° 3, 2006, p. 192-198. (Introduction de Jan 

Zatloukal). 

• Zápisky Jiljího Klena. L’édition préparée par des amis, Mnichov, 1963. 

• Zmrzlá srdce. Z juvenilií 1921-1925. Praha : Národní knihovna ČR, 2002. 

Correspondances publiées : 

• Před námi tma a mráz. Dopisy z let 1942-1945 (Devant nous la nuit et le gèle. 

Lettres des années 1942-1945). Praha : Torst, 2004. 

• PAVERA, Libor. « Váš J. Č. (Korespondence Jana Čepa a Josefem Vašicou) ». In : 

Sborník prací filozofické fakulty ostravské univerzity Literarní věda Litterarum 

studia, Ostrava : Acta facultatis philosophicae universitatis ostraviensis, n° 4, 

193/2000, p. 83-101. 

• PODIVÍNSKÝ, Martin. « Vzájemná korespondence F. X. Šaldy a Jana Čepa ». In : 

Česká literatura, n° 6, 1996, p. 607-620. 

• TRÁVNÍČEK, Mojmír (éd.). Jan Čep – Jan Zahradníček. Korespondence. 2 tomes, 

Praha : Aula, 1995, 2000. 

• TRÁVNÍČEK, Mojmír (éd.). « Rozptýlené paprsky korespondence Jana Čepa ». In : 

Bítov, vol. 5/6, 1993. 

• TRÁVNÍČEK, Mojmír (éd.). « Z dopisů Jana Čepa Josefu Florianovi ». In : Prostor, 

novembre-décembre 1996, p. 24-27. 

429


Manuscrits, correspondance inédite, documents d’archives 

Œuvres 

• Ma sœur l’angoisse. Fragment d’un essai autobiographique. Copie dactylographiée 

de l’original français, archives de Vladimír Peška, Paris : Institut des Etudes slaves. 

• La Frontière de l’ombre. Copie dactylographiée de la traduction française, archives 

de Vladimír Peška, Paris : Institut des Etudes slaves. 

Correspondances et journaux 

• Correspondance Jan Čep – Henri Pourrat. Clermont-Ferrand : Bibliothèque 

municipale et interuniversitaire de Clermont-Ferrand, Centre Henri Pourrat. 

• Correspondance Jan Čep – Vladimír Peška. Manuscrits et copies dactylographiées, 

archives de Vladimír Peška, Paris : Institut des Etudes slaves. 

• 2 concepts de lettres de Jan Čep à Isabelle Rivière. Prague : PNP. 

• Lettres de Jan Čep à Georges Bernanos. Paris : BNF. 

• Lettres de Jan Čep à Paul Claudel. Besançon : Université Franche-Comté, Centre 

Jacques Petit. 

• Lettres de Jan Čep à Josef Florian, tapuscrit, archives de Mojmír Travníček. 

• Lettres de Jan Čep à Leo et Gerta Gruber. Archives personneles de Mojmír 

Trávníček. 

• Lettres de Jan Čep à Gabriel Marcel. Paris : BNF. 

• Lettres de Jan Čep à Emmanuel Mounier. Praha : PNP. 

• Lettres d’Emmanuel Mounier à Jan Čep. Paris : IMEC. 

• Lettres de Jan Čep à Madeleine Monzer. Archives personnelles de l’auteur. 

• Lettres de Jan Čep à Henri Queffélec. Paris : IMEC. 

• Lettres de Jan Čep à Georges Rouzet. Archives personnelles de Mojmír Trávníček. 

• Journal de Jan Čep. Copie dactylographiée de l’original français, archives de 

Vladimír Peška, Paris : Institut des Etudes slaves. 

• Journaux de Vladimír Peška. Manuscrits, archives de Vladimír Peška, Paris : Institut 

des Etudes slaves. 

430


Emisssions pour Radio Free Europe: 

• Réflexions temporelles et intemporelles. Archives de Vladimír Peška, Paris : Institut 


• Livre de la semaine. Archives de Vladimír Peška, Paris : Institut des Etudes slaves. 

• PEŠKA, Vladimír. Livre de la semaine. Archives de Vladimír Peška, Paris : Institut 


Œuvres littéraires publiées en français (classement chronologique) 

• « La nuit de Noël ». Traduit de l’original tchèque Cesta na jitřní par Michel Léon 

Hirsch. In : La Revue Française de Prague, n° 60, le 15 juin 1933, p. 90-95. 

• « La Visite (chapitre d’un roman en préparation) ». In : La Revue Française de 

Prague, 13, n° 66, le 15 décembre 1934, p. 244-249. (Réédition In : Synthèse (Paris), 

IV, n° 12, décembre 1936). 

• « Dimanche après-midi ». Traduit de l’original tchèque Nedělní odpoledne par 

Joseph Gagnaire. In : L’Europe centrale, le 25 juin 1938, p. 413-414. 

• « Le gardeur d’oies ». Traduit de l’original tchèque Husopas par Jan Čep et Henri 

Pourrat. In : Etudes, volume 228, juillet 1936, p. 215-224. 

• « La lettre d’un catholique tchèque à Paul Claudel ». In : La Revue Française de 

Prague, 17, le 15 décembre 1938, p. 82-87. (Réédition In : Claudel diplomate. Paris : 

Gallimard, Cahier Paul Claudel, n° 4, 1962, p. 166-171.). 

• « Le village submergé ». Traduit de l’original tchèque Zatopená ves par Jan Čep. In : 

Etudes, 80, volume 254, juillet-août 1947, p. 21-42. 

• « Les Tziganes ». In : Terre humaine, avril 1952, p. 81-96. 

• « L’homme qui avait tout perdu ». Traduit de l’original tchèque Oldřich Babor par 

Madeleine Monzer, préface de Didier Castagnou. In : Le Flambeau (Bruxelles), 47, 

n° 1, janvier-février 1964, p. 3-35. 

• « Ma sœur l’angoisse ». In : Arena (Londres), mai 1964, p. 1-29. 

Articles publiés dans la presse française ou d’expression française au cours de 

l’exil (classement chronologique) 

• « Réflexions d’un émigré » (signé Jan CEP) : 

431


« Souffrir comme les autres? ». In : Le Monde, le 28 octobre 1948, p. 3. 

« A la recherche de l’unité perdue ». In : Le Monde, le 29 octobre 1948, p. 3. 

« Christianisme et communisme ». In : Le Monde, le 31 octobre – le 1 e novembre 

1948, p. 3. 

• « Le nouveau crépuscule de la Tchécoslovaquie ». In : Etudes, volume 259, 

décembre 1948, p. 386–390. (Signé Jean ČEP). 

• « L’horreur grise ». In : Tchécoslovaquie libre, [n° 1-2, février-mars 1949], Annexe, 

p. 1–3. (Signé Jean Cep). 

• « La philosophie du Vatican-Agresseur ». In : Tchécoslovaquie libre, n° 4, [mai 

1949], p. 5. (Signé J. C.). 

• « La lutte religieuse en Tchécoslovaquie ». In : Esprit, n° 11, 1949, p. 661–683. 

(Signé JEAN CEP). 

• « Les évêques tchécoslovaques s’opposent aux nouvelles lois religieuses ». In : 

Témoignage chrétien, le 9 décembre 1949, p. 1, 8. (Signé Jean Cep). 

• « Procès des religieux tchèques ». In : Etudes, volume 265, 1950, p. 396–398. (Signé 

Jan ČEP). 

• « Second procès de religieux à Prague ». In : Esprit, n° 3, 1951, p. 458–464. (Signé 

J.Cp.). 

• « La tragédie de l’Eglise catholique en Tchécoslovaquie ». In : Témoignage chrétien, 

le 11 mai 1951, p. 4. (Signé Yan CEP). 

• « La condition présente du clergé catholique en Tchécoslovaquie ». In : Etudes, 84, 

volume 268, 1951, p. 107–111. (Sans nom d’auteur). 

• « La Condition humaine (Jean Rolin: Drogues de police) ». In : Esprit, n° 10, 1951, 

p. 585–587. (Signé Jean Cep). 

• « La Littérature tchèque moderne d’inspiration catholique ». In : La Vie 

intellectuelle, août 1954, p. 70–81. (Signé Jan Čep). 

• « Quelques réflexions d’un écrivain tchèque en exil (Extraits d’un discours prononcé 

à Paris, le 8 juillet 1956 au Congrès du Conseil culturel tchécoslovaque) ». In : 

Bulletin du Comité d’études culturelles franco-thcécoslovaques, n° 1, 1956, p. 6–13. 

(Sans nom d‘auteur). 

• « Un écrivain doit-il s’exprimer nécessairement dans sa langue maternelle? ». In : 

Bulletin du Comité d'études culturelles franco-tchécoslovaques, n° 2, 1957, p. 55–60. 

(Signé JAN CEP). 

432


I.2. Etudes et articles sur Jan Čep 

• Janu Čepovi k pětaosmdesátinám. Recueil préparé par L. Šebela, Plumlov : samizdat, 

s. d. [1987 ?]. 

• AUCOUTURIER, Gustave. « Un jeune écrivain tchèque : Jan Čep ». In : L’Europe 

centrale, le 25 août 1934, p. 549-551. 

• BALAJKA, Bohuš. « Esejista Čep ». In : Tvar, n° 43/44, 1993, p. 21. 

• BAUER, Michal. « Jan Čep jako básník paměti ». In : Osobnost Mojmíra Trávníčka 

v české literatuře. J. Chrobák, éd., Vsetín : Nakladatelství Dalibor Malina, 2007, p. 

11-15. 

• BEDNÁŘOVÁ, Jitka. « Jan Čep o katolicismu v českých zemích ». Česká literatura, 

n° 2, 2001, p. 215-218. 

• BENEŠ, Jan. « PodČepobití ». In : Telegram (supplément Parabola), 3, n° 5, le 15 

janvier 1973, p. 5. 

• BUNŽA, Bohumír. « Sedmdesátiny Jana Čepa ». In : Nový život, n° 2, 1973, p. 36. 

• BURDA, Milan. « Jan Čep ». In : Encyclopedia universalis. 4 e édition électronique, 

1999. 

• CASTAGNOU, Didier. « Un écrivain tchèque : Jan Cep ». In : Le Flambeau, 47, n° 

1, janvier-février 1964, p. 1-3. 

• ČERNÝ, Jaroslav. « Jan Čep ». In : Lidové noviny, le 19 mars 1944, p. 5. 

• ČERNÝ, Rudolf. « Tradice postav Jana Čepa ». In : Listy pro umění a kulturu, 3, 

1935, p. 513-517. 

• DEMETZ, Petr. « Umění Jana Čepa ». In : Svědectví, 5, n° 20, 1963, p. 349-354. 

• DEMETZ, Peter. « The art of Jan Čep ». In : The Czechoslovak Contribution to 

World Culture. Sous la direction de M. Rechcigl, jr., The Hague-London-Paris : 

Mouton & Co, 1964, p. 76-82. 

• DEN, Petr. « Jan Čep, Poutník na zemi ». In : Proměny, n° 2, 1967, p. 72. 

• DOLEŽALOVÁ, Pavla. « François Mauriac et Jan Čep – lectures parallèles ». In : 

Nouveaux Cahiers François Mauriac, n° 9, Paris : Bernard Grasset, 2001, p. 241- 

248. 

• DRESLER, Jaroslav. « Čepovy politické epizody ». In : Národní politika, n° 9, 1977, 

p. 3. 

• DRESLER, Jaroslav. « Jan Čep ». In : Studie. Řím : Křesťanská akademie, 1984, p. 

190-191. 

433


• DRESLER, Jaroslav. « Jan Čep ve Svobodné Evropě ». In : Konference o díle Jana 

Čepa. Actes du colloque, F. Valouch et J. Fiala, éd., Olomouc : Danal, 1999, p. 111- 

113. 

• DRESLER, Jaroslav. « Překladatel a redaktor Jan Čep ». In : Národní politika 

(supplément Zvon), 15, n° 1, janvier 1983, s.p. 

• DRESLER, Jaroslav. « Tragedie Jana Čepa ». In : Akord, n° 3, novembre 1994, p. 

116-119. 

• FELDSTEIN, P., PĚKNÝ, T. (éd.). « A já jsem mu řekl, aby šel… Rozhovor 

s Václavem Čepem ». In : Student, n° 31, le 31 juillet 1968, p. 6. 

• FOŘT, Karel, DOLEŽAL, Miloš. « Spatřil jsem génia zla… Rozhovor 

s Mons. Karlem Fořtem, osobností českého exilu ». In : Katolický týdeník 

(supplément Perspektivy), décembre 2003, p.3. 

• FRAENKL, Pavel. « Duše a kraj (k románu Jana Čepa : Hranice stínu) ». In : 

Rozhledy, 4, n° 17, 1935, p. 134. 

• FRANZ, Jan. « O Janu Čepovi ». In : Listy pro umění a kulturu, 1, 1933, p. 84-90. 

• FUČÍK, Bedřich, « Básník dvojího domova ». In : Píseň o zemi. Praha : Melantrich, 

1994, p. 108-115. 

• FUČÍK, Bedřich. « Česká próza ». In : Rodná krajina básníkova. Praha : Triáda, 

2003, p. 108-130. 

• FUČÍK, Bedřich. « Ideologie a skutečnost v umění ». In : Rodná krajina básníkova. 

Praha : Triáda, 2003, p. 95-107. 

• FUČÍK, Bedřich. « Jan Čep ». In : Rodná krajina básníkova. Praha : Triáda, 2003, p. 

304-313. 

• FUČÍK, Bedřich. « Jan Čep : Dvojí domov ». In : Kritické příležitosti I. Praha : 

Melantrich, 1998, p. 220-221. 

• FUČÍK, Bedřich. « Jan Čep : Vigilie ». In : Kritické příležitosti I. Praha : Melantrich, 

1998, p. 234-235. 

• FUČÍK, Bedřich. « Jan Čep : Zeměžluč ». In : Kritické příležitosti I. Praha : 

Melantrich, 1998, p. 312-313. 

• FUČÍK, Bedřich. « Kořeny české literatury XX. století ». In : Rodná krajina 

básníkova. Praha : Triáda, 2003, p. 235-269. 

• FUČÍK, Bedřich. « Modrá a zlatá ». In : Kritické příležitosti II. Praha : Triáda, 2002, 

p. 140-142. 

• FUČÍK, Bedřich. « Návraty ». In : Píseň o zemi. Praha : Melantrich, 1994, p. 97-107. 

• FUČÍK, Bedřich. « Poutník na zemi ». In : Čtrnáctero zastavení. Praha : Melantrich- 

Arkýř, 1992 p. 203-231. 

434


• FUČÍK, Bedřich. « Svět Jana Čepa ». In : Píseň o zemi. Praha : Melantrich, 1994 p. 

40-55. 

• FUČÍK, Bedřich. « Umění povídky ». In : Kritické příležitosti II. Praha : Triáda, 

2002, p. 75-78. 

• GAGNAIRE, Joseph. « Jan Čep, Jaroslav Durych, Joseph Hora, Mme Zuzka 

Zguriška, H. Jelínek ». In : La Revue Française de Prague, 17, 1938, p. 51-53. 

• GALMICHE, Xavier. « Qu’attendre des archives de l’émigration ? Le cas de Jan Čep 

(1902-1974) ». Communication proférée le 23 mai 2003 au cours d’une journée 

d’études « Littérature de l’exil, épreuve de la fiction » à l’Inalco, organisé par le 

Centre d’études de l’Europe médiane de l’Inalco en collaboration avec le CIRCE 

(Paris IV). Communication audio consultée sur http://www.voxpoetica.org/t/ex/galmiche.ram 

le 20 janvier 2004. 

• GÖTZ, František. « Cesta Jana Čepa za vnitřní vlastí ». In : Literární noviny, 10, n° 

10, 1937-1938, p. 2. 

• GRUBER, Leo. Vpomínky na Jana Čepa. Dactylographie, archives personnelles de 

l’auteur. 

• GRUBEROVÁ-GOEPFERTOVÁ, Gertruda. « Exil a oběť. Vzpomínka na Leo 

Grubera ». In : Katolický týdeník (supplément Perspektivy), août 2001, p. 4. 

• GRUBEROVÁ-GOEPFERTOVÁ, Gertruda. « Krátká vzpomínka na Jana Čepa ». 

In : Katolický týdeník (supplément Perspektivy), n° 12, 2002, p. 5. 

• HABÁŇ, Metoděj. « Jan Čep : Děravý plášť ». In : Na hlubinu, 10, n° 3, 1935, p. 

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• HAVEL, Rudolf. « Na okraj Čepova díla ». In : Litovelský kraj, n° 48, 1940, p. 2. 

• HEIDLER, Alexandr. « Jan Čep, O lidský svět ». In : Nový život, n° 3, 1954, p. 49- 

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• HEJDUK, Josef. « Jan Čep – Zeměžluč ». In : Rozpravy Aventina, 6, n° 38, 1930- 

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• HOSTOVSKÝ, Egon. « Cep’s birthday ». Spetial cultural program pour Radio Free 

Europe, le 30 decembre 1962. Copie dactylographiée, archives de Vladimír Peška, 

Paris : Institut des Etudes slaves. 

• KOMÁREK, Karel. « Katolíci, fašismus a druhá republika ». In : Proglas, n° 8, 

1993, p. 55-59. 

• KOMÁREK, Karel. « Souvislosti Čepovy epiky a esejistiky ». In : Konference o díle 

Jana Čepa. Actes du colloque, F. Valouch et J. Fiala, éd., Olomouc : Danal, 1999, p. 

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• KOMENDA, Petr. « Přítomnost a dějinnost v pozdních prózách Jana Čepa ». In : 

Studia Moravica V (Symposiana). E. Gilk, L. Foldyna, éd., Olomouc : AUPO, 2007, 

p. 85-91. 

435


• KOMENDA, Petr. « Rukopis prózy ‘Zápisky Jiljího Klena’ a jeho úloha v genezi 

textu ». In : Osobnost Mojmíra Trávníčka v české literatuře. J. Chrobák éd., Vsetín : 

Nakladatelství Dalibor Malina, 2007, p. 57-60. 

• KOMENDA, Petr. « Z deníku Jana Čepa ». In : Česká literatura, 51, n° 2, 2003, p. 

172-185. 

• KRÁLÍK, Oldřich. « Próza Jana Čepa ». In : Osvobozená slova. Praha : Torst, 1995, 

p. 414-418. 

• KRATOCHVIL, Antonín. « Deset let bez Jana Čepa ». In : České slovo, 30, n° 2, 

1984, p. 7. 

• KRATOCHVIL, Antonín. « Sestra úzkost. Na okraj posmrtného autobiografického 

eseje Jana Čepa ». In : Národní politika, n° 7, 1976, p. 4. 

• KRATOCHVIL, Antonín. « Vzpomínky na Jana Čepa ». In : Konference o díle Jana 


110. 

• KRATOCHVIL, Antonín. « … za ostnatými dráty a minovými poli … Vývojové 

tendence v české exilové literatuře v l. 1948–68. Mnichov – Brno, 1993. 

• KŘELINA, František. « Jana Čepa, Modrá a zlatá ». In : Venkov, 33, n° 55, le 6 mars 

1938, p. 12. 

• LAUFEROVÁ, Anděla. « Vzpomínky ». In : Tvar, n° 15, 16, 1998, p. 24. 

• MAREK, Pavel. « Dvojí cesta. Úvaha o nesrovnatelně srovnatelných autorech (J. 

Čepovi a M. Kunderovi) ». In : Bítov, vol. 5/6, 1993. 

• MED, Jaroslav. « Básník české prózy ». In : Katolický týdeník (supplément 

Perspektivy), n° 2, 1992, p. 7. 

• MED, Jaroslav. « Jan Čep – ‘básník jitřního zraku’ ». In : Spisovatelé ve stínu. Praha 

: Zvon, 1995, p. 133-137. 

• MED, Jaroslav. « Procesy a poetika nenávisti ». In : Tvar, n° 1, 2003, p. 7. 

• MED, Jaroslav. « Svět esejů Jana Čepa ». In : Konference o díle Jana Čepa. Actes du 

colloque, F. Valouch et J. Fiala, éd., Olomouc : Danal, 1999, p. 31-33. 

• MĚŠŤAN, Antonín. « Postavení Jana Čepa ve vývoji české literatury ». In : Česká 

literatura mezi Němci a Slovany. Praha : Academia, 2002, p. 206-214. 

• NOVÁK, Arne. « Básník prostých osudů ». In : Lidové noviny, 39, n° 344, le 12 

juillet 1931, p. 9. 

• NOVÝ, Karel. « Na neshledanou, bývalý český spisovateli ». In : Práce, le 3 octobre 

1948. 

• OPASEK, Anastáz. « Několik málo slov. Vzpomínka k 70. narozeninám Jana 

Čepa ». In : Nový život, n° 3, 1973, p. 61. 

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• PAVLOK, Bohumil. « Tři setkání s Janem Čepem ». In : Konference o díle Jana 


115. 

• PEŠKA, Vladimír. « Deux types d’écrivain en exil : Jan Čep et Egon Hostovský ». 

In : Emigration dans les cultures tchèque et polonaise. Actes du colloque, H. 

Jechová et H. Wlodarczyk, éd., Paris : PUPS, 1987, p. 217-229. 

• PEŠKA, Vladimír. « Jan Cep ». In : Bulletin de la Société Paul Claudel, n° 55, 3 e 

trimestre 1974, p. 12-14. 

• PETRŮ, Eduard. « Literárněvědná relevance Čepových esejů ». In : Konference o 

díle Jana Čepa. Actes du colloque, F. Valouch et J. Fiala, éd., Olomouc : Danal, 

1999, p. 9-12. 

• PFAF, Ivan. « Český Claudel ». In : Tvar, n° 21, 2002, p. 14-15. 

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• BERNANOS, Georges. La France contre les robots. Paris : Plon, 1970. 

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• ČERNÝ, Václav. Paměti. 1945-1972. 2 e édition augmentée, Brno : Atlantis, 1992. 

• CLAUDEL, Paul. Le soulier de satin. Paris : Gallimard, 1953. 

• CLAUDEL, Paul. Svaté obrázky české. Images saintes de Bohême. Traduction et 

Introduction par Jan Čep. Řím : Křesťanská akademie (Edice Vigilie), 1958. 

• DEML, Jakub. Mé svědectví o Otokaru Březinovi. Praha : Rudolf Škeřík (Plejada), 

1931. 

• GRACQ, Julien. La littérature à l’estomac. Utrecht : Jean Jacques Pauvers (Liberté), 

1964. 

• HOSTOVSKÝ, Egon. Listy z vyhnanství. Úkryt. Spisy Egona Hostovského, tome 4, 

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• HOSTOVSKÝ, Egon. Literární dobrodružství českého sposovatele v cizině (aneb o 

ctihodném povolání kouzla zbaveném) + Poseldní rozhovor (A. J. Liehm). Spisy 

Egona Hostovského, tome 12, 2 e édition, Praha : ERM, 1995. 

• KUNDERA. Milan. L’ignorance. Paris : Gallimard, 2003. 

• MAURIAC, François. Mémoires intérieures. Paris : Flammarion, 1959. 

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• OPASEK, Anastáz. Dvanáct zastavení. Vzpomínka opata Břevnovského kláštera. 

Praha : Torst, 1992. 

• PALIVEC, Josef. Prózy, listy z vězení, pozdravy přátel. Jiří Rambousek, éd., Praha : 

Torst, 1996. 

• POURRAT, Henri. La Porte du verger. Paris : Sang de la terre, 1986. 

• REYNEK, Daniel, REYNEK, Jiří, PELÁN, Aleš. Kdo chodí tmami. Praha : Torst, 

2004. 

• SLAVÍK, Ivan. Hory roků. Praha : Triáda (Edice Delfín), 1999. 

• TRÁVNÍČEK, Mojmír. Skryté letokruhy. Vsetín : Nakladatelství Dalibor Malina, 

2001. 

• VLADISLAV, Jan. Pařížský zápisník. Tome I., 81/89, Praha : Orbis, 1991. 

III. OUVRAGES DE REFERENCE 

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Belson, X. Galmiche, B. Meunier, Paris : Bohemica (Cahiers Slaves), 2002. 

• Dictionnaire de la Philosophie. 2 e édition augmentée, préface d’André Compte- 

Sponville, Paris : Encyclopaedia Universalis/Albin Michel, 2006. 

• ARON, Paul, SAINT-JACQUES, Denis, VIALA, Alain (dir.). Le dictionnaire du 

littéraire. Paris : Quadrige/Puf, 2002. 

• BELLANGER, Claude et al. Histoire générale de la presse française. Tomes 3-5, 

Paris : PUF, 1972, 1975, 1976. 

• BLAY, Michel (dir.). Grand dictionnaire de la philosophie. Paris : Larousse/VUEF, 

2003. 

• CHARTIER, Roger, JEAN-MARTIN, Henri (dir.). Histoire de l’édition française. 

Le livre concurrencé 1900-1950. Paris : Fayard (Cercle de la librairie), 1991. 

• CORDELLIER, Serge (dir.). Le Dictionnaire historique et géopolitique du 20e 

siècle. 2 e édition augmentée, Paris : La Découverte, 2002. 

• DOKOUPIL, Bohuslav, ZELINSKÝ, Miroslav. Slovník české prózy 1945-1994. 

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• FRYČER, Jaroslav (dir.). Slovník francouzsky píšících spisovatelů. Praha : Libri, 

2002. 

• HANUŠ, Jiří. Malý slovník osobností českého katolicismu 20. století s antologií 

textů. Brno : CDK (Edice Dějiny a kultura), 2005. 

• JANOUŠEK, Pavel. Slovník českých spisovatelů od roku 1945. Tome 1, A-L, Praha : 

Brána, 1995. 

• LAFFONT-BOMPIANI. Le Nouveau dictionnaire des auteurs de tout les temps et de 

tout les pays. 3 tomes, Paris : Laffont, 1994. 

• LAFFONT-BOMPIANI. Le Nouveau dictionnaire des œuvres de tout les temps et de 

tout les pays. 6 tomes, Paris : Laffont, 1994. 

• LEHÁR, Jan, STICH, Alexandr et al. Česká literatura od počátků k dnešku. Praha : 

Nakladatelství Lidové noviny, 1998. 

• MACHÁČEK, Vítězslav. 50 českých autorů posledních padesáti let. Praha : 

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• MENCLOVÁ, Věra et al. Slovník českých spisovatelů. Praha : Libri, 2000. 

• MOCNÁ, Dagmar, PETERKA, Josef et al. Encyklopedie literárních žánrů. Praha – 

Litomyšl : Paseka, 2004. 

• MOUGIN, Pascal, HADDAD-WOTLING, Karen (dir.). Dictionnaire mondial des 

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• MOURRE, Michel. Dictionnaire encyclopédique d’histoire. Nouvelle édition, Paris : 

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• PAVELKA, Jiří, POSPÍŠIL, Ivo. Slovník epoch, směrů, skupin a manifestů. Brno : 

Georgetown, 1993. 

• POUPARD, Paul (dir.). Dictionnaire des religions. 3 e édition, 2 tomes, Paris : PUF, 

1993. 

• PŘIBÁŇ, Michal (éd.). Z dějin českého myšlení o literatuře 2. 1948-1958. 

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• ŠRÁMEK, Jiří. Dějiny francouzské literatury v kostce. Olomouc : Votobia, 1997. 

• TIEGHEM, Philippe van (dir.). Dictionnaire des littératures. 4 tomes, Paris : 

Quadrige/PUF, 1968. 

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• BURDA, Milan. La littérature de l’émigration tchèque de 1948 à 1968. Contribution 

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de Monsieur le Professeur Guy Verret à l'Université Michel de Montaigne – 

Bordeaux III, 1992. 

• BURDA Milan. « La vie littéraire des exilés tchèques de 1948-1968 ». In : 

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• DELAPERRIERE, Maria (éd.). Littérature et émigration dans les pays de l’Europe 

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• VOISINE-JECHOVA, Hana (éd.). Images de la Bohême dans les lettres françaises. 

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• VOISINE-JECHOVA, Hana. « Les Tchèques et les Polonais devant Paris. 

Rencontres et confrontations littéraires dans les premières décennies de notre 

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et Antoine Marès, Paris : Imprimerie nationale, 1989, p. 329-349. 

IV. PERIODIQUES DEPOUILLES 

• Bulletin de L’Amitié franco-tchécoslovaque (1950-1975), BNF (cote : 4-JO-7700). 

• Bulletin du Comité d’Etudes culturelles franco-tchécoslovaques (n° 1 en 1956, n° 2 

en 1957), BNF (cote : 4-JO-13710). 

• Bulletin périodique de l’Association des Ecrivains catholiques français (1953-1973), 

BNF (cote : 8-JO-10697). 

• Esprit (1948-1955). 

• Etudes (1935-1954). 

• Hlas Československa (1951-1955). 

• La Revue française de Prague. Organe de la Fédération des Sections de l’Alliance 

Française en Tchécoslovaquie, 1922-1938. 

• Le Figaro littéraire (janvier-février 1952). 

• L’Europe centrale. Revue de la semaine, 1926-1936. 

• Nový život (1953-1965). 

• Perspektivy (1961-1964). 

• Proměny (1964-1975). 

• Sklizeň (1953-1960). 

451


• Skutečnost (geneve) (mars 1949-1953). 

• Svědectví (1956-1976). 

• Svobodná země (1951-1953). 

• Svobodný zítřek (Le Lendemain libre, Paris) (1948-1950). 

• Tchécoslovaquie libre (1949). 

• Témoignage chrétien (1949-1951). 

• Terre humaine (1951-1952). 

• Tribuna (1949). 

• Zápisník (New York) (1958-1961). 

452


A 

AKHMATOVA Anna, 81 

ALAIN-FOURNIER, 39, 47, 121, 200, 238, 239, 

356 

AMARIU Constantin, 232, 241, 245 

ANDERSON Sherwood, 258 

AQUIN Thomas (d’) (Saint), 97 

ARAGON Louis, 41, 80 

ARENDT Hanah, 234, 247 

ARLAND Marcel, 61, 62, 229, 232, 235, 238, 

239, 251, 258, 333 

ARNOUX Alexandre, 239 

ARON Raymond, 41, 88, 230, 247, 343 

AUBAREDE Gabriel (d’), 233, 241 

AUCOUTURIER Gustave, 53, 54 

AUGUSTIN (Saint), 225, 277, 291, 292, 293, 

300, 354 

AUREVILLY Barbey (d’), 232, 239 

AUSTIN John, 187 

B 

BALCHIN Nigel, 239, 241 

BALÍK Stanislav, 79 

BALTHASAR Hans Urs (von), 295, 319, 320 

BALZAC Honoré (de), 15, 63, 167, 238 

BARADUC Pierre, 50 

BARDIN Angélina, 232, 241 

BARING Maurice, 15 

BARJON Louis, 237 

BASTAIRE Jean, 239 

BAUDELAIRE Charles, 37, 180, 237, 238 

BAUER Michal, 213 

BAXTER Walter, 230 

BAZIN Hervé, 229, 231, 235, 238, 240, 259 

BECKETT Samuel, 55 

BEDNÁŘOVÁ Jitka, 9, 48, 76 

BEGUIN Albert, 59, 62, 109 

BELLOC Hilaire, 239, 256 

BENDLOVÁ Peluška, 205 

BENEŠ Jan, 66 

BENSON Robert Hugh, 258 

BERAN Josef, 78, 98, 155 

BERENSON Bernard, 230 

BERGSON Henri, 215 

INDEX DES NOMS 

BERNANOS Georges, 10, 11, 13, 15, 39, 42, 46, 

48, 56, 57, 63, 83, 100, 133, 137, 138, 140, 

146, 200, 201, 226, 230, 232, 238, 240, 255, 

256, 257, 260, 268, 284, 294, 356 

BESUS Roger, 228, 229, 232, 239, 240, 259 

BETTI Ugo, 231 

BEUVE-MERY Hubert, 50, 52, 72 

BLANCPAIN Marc, 88, 89 

BLANZAT Jean, 239 

BLATNÝ Ivan, 37 

BLOY Léon, 13, 39, 47, 48, 57, 316 

BLUM Léon, 86 

BODARD Lucien, 236, 247 

BOISLAMBERT Hettier (de), 26 

BORDONOVE Georges, 238 

BORNE Etienne, 56, 62, 77, 88, 133, 135, 143, 

329 

BOSCO Henri, 231, 236, 237, 240, 251 

BOSQUET Alain, 260 

BOULIER Jean, 77, 80 

BOURBON-BUSSET Jacques (de), 232, 233, 

241 

BOURDET Claude, 30 

BOURIN André, 235 

BOWEN Elizabeth, 230 

BREJCHOVÁ Jiřina, 65 

BRISSON Pierre, 80 

BROUSEK Antonín, 321 

BROŽÍK František, 102 

BRUCKNER Pascal, 30 

BRUNEL Pierre, 121, 164, 327 

BŘEZINA Otokar, 51 

BUBER Martin, 209 

BURDA Milan, 9, 14, 18, 20, 22, 27, 30, 55, 56, 

69, 70, 81, 88, 90, 96, 105, 116, 117, 128, 179 

BUTOR Michel, 232, 240, 259, 262, 263, 264, 

265 

CADOU Guy, 239 

C 

CAMUS Albert, 194, 206, 226, 231, 232, 235, 

237, 256, 259, 260, 354 

CANETTI Claudine, 237, 247 

CANU Jean, 239 

CARCOPINO Jérôme, 236, 238, 252 

CASTAGNOU Didier, 56, 57, 58 

CASTILLO Michel (del), 233, 246 

453


CATTAUI Georges, 238 

CAYROL Jean, 228, 231, 234, 240, 248, 259 

CESBRON Gilbert, 233, 234, 235, 239, 240, 251, 

259 

CLAUDEL Paul, 11, 39, 41, 46, 49, 51, 52, 57, 

63, 83, 86, 92, 100, 102, 103, 223, 226, 230, 

235, 238, 255, 256, 258, 259, 319 

CLEBERT Jean-Paul, 231, 245 

COCCIOLI Carlo, 258 

CONCHON Georges, 235, 246 

CONRAD Joseph, 119, 331 

CYRIL ET METHODE (Saints), 98 

ČAPEK Karel, 53 

ČEP Anna, 298 

ČEP Antonín, 283 

Č 

ČEP Jan, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 

16, 18, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 

31, 32, 33, 34, 36, 38, 39, 40, 42, 43, 44, 45, 

46, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 

58, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 66, 67, 68, 69, 

70, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 77, 78, 79, 80, 81, 

82, 83, 84, 85, 86, 87, 88, 89, 90, 91, 92, 93, 

94, 95, 96, 97, 98, 99, 100, 101, 102, 103, 104, 

106, 107, 108, 109, 110, 111, 112, 113, 114, 

116, 117, 118, 119, 120, 121, 123, 125, 128, 

129, 131, 132, 133, 134, 135, 137, 138, 140, 

144, 145, 146, 147, 148, 149, 150, 154, 157, 

160, 162, 163, 164, 165, 166, 167, 175, 177, 

178, 179, 180, 181, 182, 183, 184, 185, 186, 

187, 189, 190, 192, 193, 195, 196, 198, 199, 

200, 201, 202, 204, 205, 206, 207, 208, 209, 

210, 213, 214, 215, 217, 218, 223, 224, 225, 

226, 227, 228, 240, 241, 242, 243, 244, 245, 

246, 247, 248, 249, 250, 251, 252, 253, 254, 

255, 256, 257, 258, 259, 260, 261, 262, 263, 

264, 265, 266, 267, 268, 269, 270, 271, 272, 

274, 275, 276, 277, 279, 280, 281, 282, 284, 

286, 288, 292, 293, 295, 296, 300, 301, 302, 

304, 305, 306, 307, 308, 310, 311, 312, 314, 

315, 316, 317, 318, 321, 322, 323, 324, 325, 

326, 327, 328, 329, 330, 331, 332, 333, 334, 

335, 336, 339, 340, 343, 345, 346, 347, 349, 

350, 351, 352, 353, 354, 355, 356 

ČEP Primerose, 329 

ČEP Václav, 23, 36, 266, 267, 269, 276, 278, 331 

ČERNÝ Václav, 23, 25, 67, 80, 91, 93, 94, 95 

D 

DANIEL-ROPS Henri, 62, 229, 230, 231, 233, 

240, 252 

DANTE Alighieri, 232, 240, 253 

DAVY Mary-Magdaleine, 111 

DELAPERRIERE Maria, 18, 71 

DELBART Anne-Rosine, 145 

DEMETZ Petr, 106, 120, 128, 227, 270 

DESONAY Fernand, 238 

DHOTEL André, 230, 236, 238, 239 

DIDIER Béatrice, 47 

DOLEŽALOVÁ Pavla, 356 

DOLLFUSS Engelbert, 94 

DOMENACH Jean-Marie, 41, 42 

DORGELES Roland, 238, 239 

DOSTOIEVSKI Fedor Michaïlovitch, 53, 238, 

260 

DRDA Jan, 57 

DRESLER Jaroslav, 183, 224, 253 

DU BOS (famille), 329 

DU BOS Charles, 46, 47, 230, 235, 236, 266, 

329, 334 

DU BOS Primerose, 15, 107, 350 

DUHAMEL Georges, 86, 88, 228, 231, 233, 234, 

239, 250, 260 

DUMESNIL René, 235, 236 

DUMITRIU Petru, 236, 241 

DURAS Marguerite, 233, 259, 262, 263, 264, 354 

DURRENMATT Friedrich, 234, 235, 251, 354 

DURYCH Jaroslav, 47, 52, 284 

DUTOURD Jean, 260 

DVOŘÁK Miloš, 147 

DYK Viktor, 51 

ELUARD Paul, 80 

E 

EMMANUEL Pierre, 86, 270, 276, 284, 330 

ESMENARD Robert, 59 

ESTANG Luc, 229, 232, 234, 236, 239, 240, 247, 

259 

EYDOUX Henri-Paul, 237, 252 

FABRE Jean, 231 

F 

FABREGUES Jean (de), 238 

FANE Julian, 233 

FAUCHER Louis-Eugène, 50, 86 

FAUCHER Václav, 87 

FIRT Julius, 106 

FISSON Pierre, 239 

FLAUBERT Gustave, 15, 236, 238 

FLEISCHMANN Ivo, 243 

FLORIAN Josef, 8, 9, 13, 14, 48, 103, 113, 165, 

282, 284, 311, 312, 313, 314, 315, 316, 317, 

318 

FORESTIER Marie, 231, 233, 241, 246 

FORMANOVÁ Lucie, 95, 97 

FOŘT Karel, 106 

FRANCO Francisco, 83, 85, 94 

FRANÇOIS D'ASSISE (Saint), 295 

FUČÍK Bedřich, 7, 14, 16, 25, 68, 166, 167, 190, 

196, 213, 266, 267, 269, 273, 275, 276, 278, 

281, 322, 334, 335, 347 

454


FUČÍKOVÁ Jitka, 274 

G 

GAGNAIRE Joseph, 50, 52, 53 

GACHON Lucien, 49 

GALMICHE Xavier, 9, 14, 336 

GARY Romain, 225, 232, 235, 240, 259 

GASCAR Pierre, 238 

GAUCHER Guy, 230 

GAULLE Charles (de), 94, 241, 246 

GENETTE Gérard, 176, 332 

GENEVOIX Maurice, 236, 237, 251 

GIDE André, 86, 164, 170, 259, 260 

GLAD John, 29 

GOES Albrecht, 229, 232, 241, 245 

GOGOL Nikolaï, 53 

GOTTWALD Klement, 65 

GRACQ Julien, 60, 61, 228, 233, 242, 246, 354 

GRANJARD Henri, 233 

GRAVES Robert, 230 

GREEN Julien, 229, 231, 233, 238, 240, 249, 

280, 324, 327 

GREENE Graham, 114, 230, 231, 240, 258, 284, 

334 

GROJNOWSKI Daniel, 251 

GROUSSET René, 229, 252 

GRUBER (les), 296 

GRUBER Leo, 106, 276 

GRUNTORÁD Jiří, 95, 97 

GRYGAR Mojmír, 28, 29 

GUARDINI Romano, 13, 198 

GUEHENNO Jean, 236, 251 

GUILLEMIN Anne-Marie, 228 

GUILLEMIN Henri, 230, 238, 252 

GUIMARD Paul, 232 

GUIREC Jean, 232 

GUISSARD Lucien, 237 

GUITTON Jean, 198, 232, 236, 238, 251, 252, 

254 

GURR Andrew, 145 

H 

HADDAD-WOTLING Karen, 47 

HALAS František, 3, 25, 51, 79, 80, 81 

HALEVY Daniel, 225, 235 

HALÍK Tomáš, 319, 320 

HARDY René, 231 

HARTLEY Leslie Poles, 230, 231 

HAVEL Rudolf, 65 

HAVEL Václav, 191 

HEIDEGGER Martin, 202 

HEIDLER Alexandr, 106, 271, 276, 333, 334 

HELLO Ernest, 13 

HENRIOT Emile, 235 

HERBEN Ivan, 106 

HIMMER (Mgr), 59 

HIRSCH Michel-Léon, 50, 51, 52, 80, 86, 333 

HOCHMAN Jiří, 65 

HORA Josef, 52 

HORACE, 235, 240 

HORIA Vintila, 235, 237, 240, 241 

HOSTOVSKÝ Egon, 9, 19, 21, 27, 51, 65, 66, 

82, 95, 106, 148, 150, 155, 178, 184, 225, 228, 

232, 241, 334, 354 

HOURDIN Georges, 236 

HRABAL Jiří, 25 

HRUBÍN František, 65, 67 

HUS Alain, 235 

HUS Jean, 64, 97, 252, 278 

HUSSERL Edmund, 111 

HUXLEY Aldous, 231 

Ch 

CHAIGNE Louis, 230 

CHAKHOVSKAIA Zinaïda, 233 

CHAMSON André, 229, 231, 233, 234, 239, 240 

CHATEAUBRIAND François-René (de), 47 

CHENIER André, 231 

CHUDOBA Bohdan, 92, 94 

J 

JACQUEMARD Simone, 237 

JECHOVÁ Hana Voir VOISINE-JECHOVÁ 

Hana 

JELÍNEK Hanuš, 51, 52, 53 

JENS Walter, 230, 245 

JUDT Tony, 41, 42 

K 

KAFKA Franz, 58, 64, 145 

KANT Immanuel, 196 

KAPLAN Karel, 79 

KASBARIAN-BRICOUT Béatrice, 26, 29, 36 

KAZANTZAKIS Nikos, 230, 250 

KENNEDY Margaret, 229 

KESSEL Joseph, 233 

KHROUCHTCHEV Nikita, 65, 84 

KIERKEGAARD Søren, 295 

KLIČKA Benjamin, 51 

KNOPP František, 95 

KODÍČEK Josef, 106 

KOLÁR Jan Maria, 234, 241 

KOMÁREK Karel, 178, 190 

KOMENDA Petr, 213 

455


KOPECKÝ Václav, 22, 66 

KOPTA Josef, 51 

KOSTOHRYZ Josef, 84 

KOVÁRNA František, 96 

KOVTUN Jiří, 106 

KRÁL Petr, 47 

KRATOCHVIL Antonín, 101, 120, 163, 164, 

268, 353 

KRATOCHVIL Jan, 18 

KRISTEVA Julia, 355 

KŘELINA František, 84 

KUNDERA Milan, 55 

L 

LA VARENDE Jean (de), 236 

LAFFONT-BOMPIANI, 46 

LAGERLÖF Selma, 258 

LAMPEDUSA Tomasi Guiseppe (di), 235, 237 

LARBAUD Valéry, 225, 231, 259 

LAVELLE Louis, 198 

LE BRIS-ČEP Claire, 9 

LE FORT Gertrude (von), 231 

LE GALL Joël, 238, 252 

LECARME Jacques, 276, 282 

LECARME-TABONE Eliane, 276, 282 

LEDERER Zdeněk, 227 

LEHMANN Rosamond, 229 

LEHOTA Jozef, 106 

LEJEUNE Philippe, 282 

LEKAVÝ Petr, 26 

LENINE Vladimir Ilitch, 97 

LESORT Pierre-André, 229, 259 

LETTY Junia, 53 

LEVINAS Emmanuel, 209 

LIEHM Antonín Jiří, 19, 20, 21, 29 

M 

MACKENZIE Compton, 239 

MADAULE Jacques, 232, 253 

MÁCHA Karel Hynek, 47, 119, 131, 148, 213, 

233, 335 

MACHÁČEK Vítězslav, 68 

MALLET-JORIS Françoise, 232 

MALRAUX André, 111, 194, 246 

MANDOUZE André, 80 

MANN Thomas, 229, 239 

MANSFIELD Katherine, 251, 333 

MARCEL Gabriel, 10, 62, 88, 120, 198, 205, 

209, 225, 226, 276, 295, 329, 334, 353, 356 

MARECHAL Arnault, 47 

MARES Antoine, 18, 19, 31, 40 

MARITAIN Jacques, 13, 97, 198 

MARKALOUS Bohumil, 53 

MAROT Georges, 52 

MARROU Henri-Irénée, 224, 230, 252 

MARSHALL Bruce, 229, 239, 240, 256, 257 

MARX Karl, 18, 20, 93, 97 

MASARYK Jan, 97 

MASARYK Tomáš Garrigue, 93, 97 

MATHESIUS Vilém, 13 

MAULNIER Thierry, 111 

MAURIAC Claude, 229, 235, 240, 261, 262, 263, 

265 

MAURIAC François, 41, 83, 86, 200, 229, 233, 

234, 237, 239, 240, 255, 256, 259, 260, 268, 

356 

MAUROIS André, 234, 236, 239, 251, 252 

MEAUTIS Georges, 233 

MED Jaroslav, 8, 198 

MERLE Robert, 237 

MICKIEWICZ Adam, 42 

MICHELET Edmond, 230, 241, 246 

MILOVICKÝ Jan, 13 

MILZA Pierre, 18 

MINAŘÍK Pavel, 107 

MOHRT Michel, 236 

MONDOR Henri, 233, 235, 255 

MONTAIGNE Michel (de), 9, 181, 238 

MONTFOREZ Georges, 236 

MONZER (les), 24, 26, 66 

MONZER Ferdinand, 31, 58 

MONZER Madeleine, 25, 26, 27, 56, 57, 58, 59, 

182, 185, 192, 251, 323, 333, 336 

MORGAN Charles, 232 

MOUGIN Pascal, 47 

MOUNIER Emmanuel, 41, 42, 62, 63, 75, 76, 77, 

80, 197, 237 

MOUTON Jean, 230 

MÚDRY Michal, 106 

MUSSOLINI Benito, 94 

N 

NABOKOV Vladimir, 55 

NEDONCELLE Maurice, 62, 197, 198, 199, 277, 

292, 293, 330, 353 

NELHÝBL Václav, 106 

NĚMCOVÁ Božena, 47 

NĚMEČEK Zdeněk, 106, 112 

NEWMAN John Henry, 226 

NIDERST Alain, 28 

NOEL Maurice, 81 

NOVOTNÝ Antonín, 66 

NOVÝ Karel, 64 

456


O 

OLBRACHT Ivan, 53 

OPELÍK Jiří, 65 

OREN Mordekhai, 225 

ORMESSON Wladimir (d’), 237 

OSUSKÝ Štefan, 102 

OVIDE, 235, 240 

P 

PALEČEK Pavel, 18, 20 

PALIVEC Josef, 19, 25, 67 

PAPINI Giovanni, 39 

PAPOUŠEK Vladimír, 8, 198, 295 

PARAIN Brice, 60, 330 

PASCAL Blaise, 30, 46, 196, 198, 299 

PASQUIER Jean, 42, 43, 50, 51, 58, 329 

PASQUIER Jean-Pierre, 50 

PASTERNAK Boris, 233, 354 

PATOČKA Jan, 188, 191 

PAUL (Saint), 150, 294 

PAUVERT Jean-Jacques, 61 

PAYSAN Catherine, 236, 248 

PEGUY Charles, 13, 39, 47, 83, 113, 225 

PECHÁČEK Jaroslav, 106 

PECHÁČEK, Jaroslav, 22 

PEJSKAR Josef, 106 

PEROUTKA Ferdinand, 93, 101, 105, 106, 110, 

112 

PERRET Jacques, 235, 252 

PERRY Jacques, 260 

PEŠKA Vladimír, 9, 10, 14, 21, 25, 26, 46, 47, 

49, 81, 82, 84, 87, 92, 95, 101, 106, 110, 111, 

112, 113, 117, 120, 121, 145, 146, 149, 150, 

154, 178, 183, 184, 227, 242, 250, 259, 260, 

273, 279, 335, 337, 352, 354 

PETRŮ Eduard, 213 

PHILOMENKO Alexis, 28, 44 

PICON Gaëtan, 236, 252 

PICHOIS Claude, 327 

PISTORIUS Jiří, 89, 97 

PITTER Přemysl, 106 

PLATON, 218 

PODIVÍNSKÝ Miroslav, 121 

POIROT-DELPECH Bertrand, 234 

POUCHKINE Alexandre Sergueïevitch, 53 

POURRAT Henri, 8, 9, 10, 11, 15, 18, 23, 25, 26, 

27, 29, 30, 31, 32, 33, 35, 36, 40, 42, 43, 44, 

45, 46, 49, 54, 58, 59, 60, 63, 69, 72, 73, 78, 

80, 85, 104, 107, 108, 110, 120, 170, 324, 329, 

333, 355 

PROCHÁZKA Theodor, 97 

PROCHÁZKOVÁ Věra, 8 

PROUST Marcel, 37, 113, 146, 214, 217, 229, 

238 

PŘIBÁŇ Michal, 93, 95, 97 

Q 

QUEFFELEC Henri, 10, 42, 59, 62, 63, 82, 104, 

108, 109, 231, 232, 233, 235, 237, 238, 240, 

251 

QUENEAU Raymond, 225 

R 

RAMUZ Charles-Ferdinand, 47 

RAVEL Maurice, 264 

REGNIER Paule, 232 

RENČ Václav, 84 

RILKE Rainer Maria, 145 

RINSER Luise, 234 

RIPELLINO Angelo Maria, 80 

RIPKA Hubert, 92, 94 

RITZEN Quintin, 238 

ROBLES Emmanuel, 228, 229, 231, 234, 236, 

250, 259 

ROLEK Jan, 68 

ROLIN Jean, 77 

ROTREKL Zdeněk, 101 

ROURE Rémy, 86, 88 

ROUSSEAU André-Michel, 327 

ROUSSEAU Jean-Jacques, 242, 260, 291 

ROUSSEAUX André, 243 

ROUZET Georges, 11, 48, 60 

ROY Claude, 243 

RUSSEL Bertrand, 111 

S 

SAGAN Françoise, 234, 264, 265 

SAINT-EXUPERY Antoine (de), 229, 230, 240, 

245 

SAINT-PIERRE Michel (de), 235 

SALAZAR António de Oliveira, 94 

SANDRE Yves, 237 

SARRAUTE Nathalie, 235, 354 

SARTRE Jean-Paul, 41, 198, 199, 260 

SEIFERT Jaroslav, 51, 65 

SENDER Ramon, 231 

SENTAURENS Andrée, 238, 247 

SCHAPER Edzard, 258 

SCHLUMBERGER Jean, 231, 251 

SCHUMANN Maurice, 86, 237 

SCHUSCHNIGG Kurt, 94 

SCHWARZ-BART André, 235, 246 

SILONE Ignazio, 232, 235 

SIMON Claude, 234 

SIMON Pierre-Henri, 229, 231, 237, 239, 240, 

259 

SIRINELLI Jean-François, 40, 41, 72 

457


SKÁCEL Jindřich, 119 

SLAVÍK Ivan, 134, 276 

SMRČEK František, 106 

SOCRATE, 170 

SOKOLOVÁ Meda, 100, 101 

SOPHOCLE, 233 

SOVA Antonín, 51 

STALINE Joseph, 65, 80, 84, 173 

STEINER George, 238 

STEINMANN Jean, 238 

STELIBSKÝ Josef, 106 

STRAKA Georges, 88 

STRÁNSKÝ Luděk, 98 

STUART Francis, 233, 240 

SUCHÝ Čestmír, 65 

SULIVAN Jean, 237, 241 

SUPERVIELLE Jules, 258 

Š 

ŠALDA František Xaver, 8, 13, 51, 54, 140, 166, 

177, 178, 201, 284 

ŠEBELA Ladislav, 22 

ŠIDÁK Pavel, 8, 133, 144 

ŠTOLL Ladislav, 81 

ŠTRYCHOVÁ Iva, 8 

ŠVANDA Pavel, 292 

T 

TAPIE Victor-Lucien, 50, 52 

THIBON Gustave, 234 

THIEGEM Philippe (van), 46 

TCHEKHOV Anton, 333 

TIGRID Pavel, 9, 18, 20, 67, 93, 99, 100, 106, 

109, 110 

TILLICH Paul, 295 

TODOROV Tzvetan, 33, 324, 325 

TOESCA Maurice, 237 

TOLSTOI Léon, 53, 238 

TOURN Lya, 27, 33, 34, 36, 324, 355 

TRAKL Georg, 57 

TRÁVNÍČEK Jiří, 128, 129, 166, 167 

TRÁVNÍČEK Mojmír, 7, 8, 9, 16, 22, 25, 68, 79, 

117, 120, 137, 162, 185, 196, 213, 225, 269, 

273, 274, 276, 280, 292, 296 

TRIOLET Elsa, 232 

TRNKA Jaroslav, 102 

TROYAT Henri, 234, 237, 238 

V 

VAILLAND Roger, 232, 242, 243, 244 

VALERY Paul, 67, 233, 239, 255 

VALOUCH František, 213 

VANČURA Vladislav, 355 

VANOVIČ Julius, 213 

VAŠICA Josef, 8, 22, 23 

VAŠKO Václav, 79 

VENTURINI Joseph, 38 

VIALAR Paul, 236 

VILLEFOSSE Louis (de), 237 

VIRGILE, 215, 218, 228, 240 

VITTORINI Elio, 111 

VIVRAN, 236 

VLADISLAV Jan, 29, 327 

VOISINE-JECHOVÁ Hana, 9, 18, 30 

VOLTAIRE, 260 

VRIGNY Roger, 238 

W 

WALDER Francis, 233 

WAUGH Evelyn, 229, 230, 240 

WEIL Simone, 111 

WEINER Richard, 53 

WEISS Jan, 51 

WEYERGANS Franz, 234 

WIECHERT Ernst, 229 

WIENDL Jan, 133 

WLODARCZYK Hélène, 9, 18 

Y 

YESENIN Sergei, 81 

YOURCENAR Marguerite, 234, 354 

Z 

ZAHRADNÍČEK Jan, 3, 8, 22, 39, 51, 79, 84 

ZACH Aleš, 95 

ZAKKA Najib, 38 

ZÁMEČNÍK Jan, 8 

ZÁVADA Vilém, 51, 66 

ZENKL Petr, 92 

ZERAFFA Michel, 260 

ZERMATTEN Maurice, 234 

ZEYER Julius, 47 

ZGURIŠKA Zuzka, 52 

ZÜNDEL Maurice, 216 

458


L’écrivain tchèque Jan Čep (1902-1974), qui compta au nombre des médiateurs 

importants des rapports culturels franco-tchèques dans l’entre-deux-guerres, fut, à la 

suite du Coup de Prague en 1948, contraint à quitter son pays. Ami et traducteur de 

Pourrat et de Bernanos, il choisit naturellement la France comme patrie d’adoption. 

L’exil parisien s’avère pour Čep une rude épreuve existentielle. Conditions 

matérielles dures, déracinement linguistique, manque d’écho favorable pour son œuvre, 

tout cela fait que Čep vit en marge de la vie littéraire française. Il s’engage d’autant plus 

dans diverses structures de l’émigration tchèque, notamment dans la rédaction 

tchécoslovaque de Radio Free Europe où il déploie son art de l’essai dans des 

méditations imprégnées d’humanisme chrétien. L’essai autobiographique Ma sœur 

l’angoisse que Čep écrivit directement en français dans les années 1960, représente la 

somme de sa vie et de sa pensée. 

Mots-clés : Jan Čep, écrivain catholique, littérature tchèque, exil littéraire. 

The Czech writer Jan Čep (1902-1974), one of important mediators of French-Czech 

cultural relations between the two World Wars, was forced to emigrate after the 

Communist coup in 1948. As Čep was the friend and translator of Pourrat and 

Bernanos, he naturally chose France as his adoptive homeland. 

Nevertheless, exile in Paris turned into a harsh existential ordeal for Čep. Difficult 

material conditions, linguistic disunity, and the fact that his writing was not accepted by 

a new audience made Čep an outsider in a French literary life. This status led to his 

increased involvement in the Czech émigré community, especially work on the 

Czechoslovak editorial staff of Radio Free Europe, where he developed his essay style 

in meditations infused with Christian humanism. The autobiographical essay My Sister 

Anxiety, written in French in the 1960s, repesents a summary of Čep’s life and ideas. 

Key words: Jan Čep, Catholic writer, Czech letters, literary exile. 

Český spisovatel Jan Čep (1902-1974), jeden z významných prostředníků 

meziválečných česko-francouzských kulturních vztahů, byl po komunistickém puči 

v roce 1948 přinucen k emigraci. Jako přítel a překladatel Pourratův a Bernanosův si za 

svou adoptivní vlast zcela přirozeně zvolil Francii. 

Pařížský exil se však Čepovi stal drsnou existenciální zkouškou. Tvrdé materiální 

podmínky, jazyková rozpolcenost, nepřijetí jeho díla novým publikem, to vše je 

příčinou, že Čepův exil se odehrál na okraji francouzského literárního života. O to více 

se Čep zapojoval do různých struktur české emigrace. Zcela mimořádný byl jeho přínos 

v československé redakci Rádia Svobodná Evropa, kde rozvinul své umění eseje 

v meditacích skrz naskrz proniklých křesťanským humanismem. Sumu svého života a 

myšlení podal Čep v autobiografickém eseji Sestra úzkost, kterou napsal v šedesátých 

letech přímo francouzsky. 

Klíčová slova: Jan Čep, katolický spisovatel, česká literatura, literární exil. 

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[tel-00462108, v1] L'exil de Jan ?ep : contribution à l ... - HAL-Inria

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