Automne - Assemblée nationale du Québec
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Le Canada vivra-t-il jusqu’à 100 ans ?<br />
de consolider aussitôt chacune de ces « occupations ».<br />
Trop souvent il est notoire — en particulier pour les<br />
lois sociales — que ça s’est pro<strong>du</strong>it grâce à l’incurie<br />
des provinces elles-mêmes et à l’irresponsabilité que<br />
d’aucuns se faisaient un devoir patriotique d’y<br />
maintenir. On dit couramment que, depuis le départ des<br />
Britanniques et des Français, le Moyen-Orient est un<br />
« vacuum » où l’irruption des influences russe et américaine<br />
était inévitable : cet appel irrésistible <strong>du</strong> vide n’est<br />
pas un monopole <strong>du</strong> monde arabe… même si c’est<br />
moins gênant d’aller s’en procurer là-bas !<br />
Le résultat est là de toute façon, et c’est lui qui<br />
importe. Ce résultat, c’est que le fédéral est devenu<br />
un pouvoir quasi-démesuré et que la tendance la<br />
plus visible n’y est pas <strong>du</strong> tout au renoncement ni au<br />
recul. À preuve, ce ministère national des Forêts que<br />
M. Diefenbaker vient d’ériger sur la base plutôt artificielle,<br />
d’une très hypothétique coordination de diverses<br />
activités exclusivement provinciales. Le profane ne peut<br />
s’empêcher de croire qu’en réalité on visait surtout à<br />
faire un nouvel « honorable », avec tout son entourage<br />
de hauts et petits fonctionnaires, et le poids additionnel<br />
qu’y gagne forcément une administration qui est déjà, et<br />
de loin, le plus gigantesque employeur <strong>du</strong> pays.<br />
Et puis il y a cette véritable « vache sacrée » que<br />
représente, en période de guerre aussi froide que<br />
chaude, ce qu’on s’obstine à dénommer la Défense<br />
Nationale. Nous vivions dans un monde où la vraie<br />
défense militaire n’est plus qu’un mythe, et dans un<br />
pays surtout, coincé entre les deux géants, pour qui tout<br />
conflit serait instantanément total et illimité.<br />
Mais dans ce pays on continue avec entrain, à<br />
fabriquer des avions de chasse comme pour la dernière<br />
— quitte à les abandonner aux trois quarts <strong>du</strong> chemin,<br />
comme les malheureux « Arrow » ! On s’y ruine également<br />
pour s’équiper de fusées « Bomarc » tout en<br />
suppliant Washington de bâillonner ses généraux indiscrets<br />
qui proclament à cor et à cri la parfaite désuétude<br />
de ce type d’engins ! On garde sous les couleurs (pour<br />
ne pas dire : sous les drapeaux…) plusieurs milliers de<br />
nos plus vigoureux concitoyens qui, dans la seule guerre<br />
où le Canada puisse être directement impliqué, seraient,<br />
à peu près aussi efficaces que des bébés naissants ou<br />
des vieillards paralytiques ! Sans compter la marine où<br />
l’on trouve un peu de tout, sauf l’unique vaisseau auquel<br />
les états-majors concèdent encore une problématique<br />
utilité : le sous-marin…<br />
Et ce gaspillage phénoménale, qui va dévorer comme<br />
d’habitude son milliard et demi en 60-61, dans les<br />
circonstances actuelles il n’appartient même pas à Ottawa<br />
de le ré<strong>du</strong>ire de façon décisive. Il est accroché à l’évolution<br />
d’ensemble de la situation mondiale, à nos engagements<br />
dans le cadre <strong>du</strong> Pacte Atlantique, et plus encore aux<br />
divers facteurs extrêmement complexes et admirablement<br />
emberlificotés de nos relations avec les États-Unis !<br />
Donc, ces quelque 30% <strong>du</strong> budget consacrés à l’entretient<br />
cocasse d’une illusion échappent à toutes fins<br />
pratiques au contrôle <strong>du</strong> fédéral. Mais c’est ce dernier<br />
qui les encaisse et les dépense, alors que provinces et<br />
municipalités tirent une langue de plus en plus douloureusement<br />
pendante !<br />
De tout cela, et <strong>du</strong> reste qu’on n’a pas le loisir<br />
d’évoquer ici, est issue en un demi-siècle, sur les<br />
bords de l’Outaouais, une mentalité pas mal unitaire.<br />
Naturellement on chante sur tout les tons, en un savant<br />
mélange de trémolo et de vibrato, que l’unité ne doit<br />
aller qu’avec la diversité. Mais quel que soit le parti<br />
au pouvoir l’homo federalis le plus authentique est un<br />
gaillard qui s’est voué résolument à la promotion et à<br />
l’expansion sans limite de sa propre importance.<br />
Centripète, oui…mais centrifuge aussi<br />
Bien sûr, le Canada n’est pas le seul pays où l’on<br />
constate cette hypertrophie sans cesse plus alarmante<br />
<strong>du</strong> pouvoir central. À cause des crises et des guerres, on<br />
peut même y voir la maladie la plus courante des États<br />
contemporains.<br />
Seulement ces États, pour la plupart, sont plus<br />
solides que le Canada et mieux équipés pour passer au<br />
travers. Les vrais pays unitaires comme la France et la<br />
Grande-Bretagne ont eu des siècles de centralisation<br />
non seulement administrative mais <strong>nationale</strong> au sens<br />
plein <strong>du</strong> mot. Paris même pour les Bretons à tête de<br />
BULLETIN DE L’AMICALE DES ANCIENS PARLEMENTAIRES DU QUÉBEC — QUÉBEC, AUToMNE 2011<br />
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