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Document 4<br />
Le <strong>cerveau</strong> a-t-<strong>il</strong> <strong>un</strong> <strong>sexe</strong> ?<br />
L’homme est <strong>le</strong> roi du créneau, la femme, la reine du fourneau. C’est,<br />
paraît-<strong>il</strong>, écrit dans <strong>le</strong>s gènes, scientifiquement prouvé… et tel<strong>le</strong>ment<br />
rassurant pour notre société.<br />
[Partie 1]<br />
Vous êtes <strong>un</strong> homme, <strong>un</strong> vrai. Une bonbonne de testostérone avec<br />
du po<strong>il</strong> au menton. Vous savez faire <strong>un</strong> créneau du premier coup, vous<br />
lisez <strong>le</strong>s cartes routières <strong>le</strong>s yeux fermés, vous êtes rationnel. Un<br />
problème survient ? Vous cherchez la solution en si<strong>le</strong>nce. Vous feriez <strong>un</strong><br />
sacré ingénieur. Atavisme hérité du chasseur préhistorique, vous voyez<br />
très bien de loin, mais, curieusement, vous êtes incapab<strong>le</strong> de trouver <strong>le</strong><br />
beurre dans <strong>le</strong> frigo. Vous ne savez pas faire deux choses à la fois (sauf<br />
boire <strong>un</strong>e bière en regardant <strong>le</strong> foot à la télé) et, avouons-<strong>le</strong>, vous n'êtes<br />
pas très doué pour comm<strong>un</strong>iquer. Quand vous n'envahissez pas <strong>un</strong> pays<br />
pour expliquer votre point de vue, vous par<strong>le</strong>z, certes, mais n'ut<strong>il</strong>isez que<br />
sept m<strong>il</strong><strong>le</strong> mots par jour!<br />
Quant à vous, madame, vous êtes parfumée aux oestrogènes. Vous<br />
êtes multitâche, capab<strong>le</strong> tout à la fois de trava<strong>il</strong><strong>le</strong>r sur <strong>un</strong> dossier, de<br />
surve<strong>il</strong><strong>le</strong>r <strong>le</strong>s devoirs des enfants, de préparer <strong>le</strong> dîner et de lire <strong>Télérama</strong>.<br />
Vous feriez <strong>un</strong>e excel<strong>le</strong>nte secrétaire. Un problème survient ? Vous en<br />
par<strong>le</strong>z en mangeant du chocolat. Atavisme hérité de la femme<br />
préhistorique, qui gardait <strong>le</strong> nid, vous avez <strong>un</strong>e vue panoramique<br />
excel<strong>le</strong>nte et très uti<strong>le</strong> en période de soldes. De plus, contrairement aux<br />
hommes qui tournent la tête lourdement dès qu'<strong>un</strong> jupon passe à<br />
proximité, vous pouvez reluquer <strong>un</strong> joli mâ<strong>le</strong> sans jamais vous faire<br />
repérer. Et si vous êtes nul<strong>le</strong> en matière de cartes routières, de créneaux<br />
ou de mathématiques, pour par<strong>le</strong>r, vous êtes la plus forte: vingt m<strong>il</strong><strong>le</strong><br />
mots par jour, de quoi faire passer votre homme pour <strong>un</strong>e grosse truffe<br />
taciturne. Peu rationnel<strong>le</strong>, chère madame, mais relationnel<strong>le</strong>.<br />
Une pipe<strong>le</strong>tte multifonction et <strong>un</strong> taiseux monotâche.<br />
1<br />
[Partie 2]<br />
Ne cherchez pas à changer, vous n'y pouvez rien. Ces<br />
caractéristiques sont inscrites dans vos patrimoines génétiques, dans<br />
chaque cellu<strong>le</strong> de vos <strong>cerveau</strong>x. C'est irréfutab<strong>le</strong>, scientifique. Prouvé.<br />
Vous n'avez qu'à lire <strong>le</strong>s best-sel<strong>le</strong>rs à la mode 1 , et vous devrez admettre<br />
l'implacab<strong>le</strong> vérité: monsieur est martien, madame, vénusienne. (...)<br />
Mais ces comportements, d'où viennent-<strong>il</strong>s ? Et pourquoi diab<strong>le</strong> <strong>le</strong>s<br />
femmes seraient-el<strong>le</strong>s capab<strong>le</strong>s de faire tant de choses à la fois ? (...)<br />
Parce qu'el<strong>le</strong>s ut<strong>il</strong>isent <strong>le</strong>urs deux hémisphères cérébraux simultanément<br />
alors que <strong>le</strong> mâ<strong>le</strong> bêta n'en ut<strong>il</strong>ise qu'<strong>un</strong> seul. On <strong>le</strong> sait depuis <strong>un</strong>e étude<br />
de 1982 : <strong>le</strong> corps cal<strong>le</strong>ux qui sépare <strong>le</strong>s deux hémisphères cérébraux est<br />
plus épais chez la femme et favorise la comm<strong>un</strong>ication entre <strong>le</strong>s zones du<br />
<strong>cerveau</strong>. Pourquoi bavarde-t-el<strong>le</strong> quand l'homme écoute pousser sa barbe<br />
? Parce que l'hormone féminine, l’oestrogène, favorise l'activité verba<strong>le</strong>,<br />
selon Sally Shaywitz, de l'<strong>un</strong>iversité Ya<strong>le</strong>. Et parce que la femme ut<strong>il</strong>ise<br />
beaucoup plus l'hémisphère gauche, voué au langage, alors que l'homme<br />
préfère s'amuser avec <strong>le</strong> droit (représentation spatia<strong>le</strong>). Explication<br />
(pré)historique pendant que madame de Cro-Magnon papotait dans la<br />
grotte avec ses copines et rangeait <strong>le</strong>s chaussettes sa<strong>le</strong>s en peau de bête,<br />
monsieur chassait fièrement <strong>le</strong> mammouth. II a appris à se taire pour ne<br />
pas se faire repérer. Et à force de partir trucider <strong>le</strong> dîner au fin fond d'<strong>un</strong>e<br />
nature hosti<strong>le</strong>, pendant des m<strong>il</strong>lions d'années, <strong>il</strong> a aussi appris à se repérer<br />
dans l'espace, à savoir que pour rentrer à la maison <strong>il</strong> fallait prendre à<br />
gauche après la grosse pierre, puis à droite, puis passer au-dessus du<br />
néandertalien assommé à l'al<strong>le</strong>r, puis trois fois à gauche...<br />
Les études sur cette question abondent. Selon cel<strong>le</strong> du Dr Ruben<br />
Gur, réalisée en 1980 au Pennsylvannia Medical Center, la femme a <strong>un</strong><br />
<strong>cerveau</strong> toujours en a<strong>le</strong>rte: au repos, <strong>il</strong> mouline à 90 % de ses capacités<br />
contre 70 % pour <strong>le</strong> mâ<strong>le</strong>, qui, lui, se détend vraiment, à la fraîche,<br />
décontracté du neurone. Ce n'est pas fini. Selon l'étude de Doreen<br />
Kimura, psychologue à la Simon Fraser University, monsieur est bien<br />
plus doué pour viser <strong>un</strong>e cib<strong>le</strong>, et madame, pour <strong>le</strong>s travaux manuels de<br />
précision. Chasse et cue<strong>il</strong><strong>le</strong>tte sont <strong>le</strong>s deux mamel<strong>le</strong>s ancestra<strong>le</strong>s de nos<br />
aptitudes d'aujourd'hui, suggère la scientifique...<br />
1 Pourquoi <strong>le</strong>s hommes n'écoutent jamais rien et <strong>le</strong>s femmes ne savent pas lire <strong>le</strong>s cartes routières ?, d'Allan et Barbara<br />
Pease ; Les hommes viennent de Mars, <strong>le</strong>s femmes viennent de Vénus, de John Gray.<br />
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Vo<strong>il</strong>à, en bref ce que dit la science. Ou plutôt ce que <strong>le</strong>s best sel<strong>le</strong>rs<br />
disent de ce que dit la science. Car, ô divine surprise, à y regarder de plus<br />
près, cette science-là a tout faux. Neurobiologiste et directrice de<br />
recherche à l'institut Pasteur, Catherine Vidal est en guerre contre <strong>le</strong>s<br />
stéréotypes véhiculés ces dernières années dans <strong>le</strong>s médias et l'édition :<br />
« II faut désintoxiquer <strong>le</strong>s gens de la bêtise ambiante l J'en ai marre<br />
d'entendre toutes ces c… sur <strong>le</strong>s <strong>cerveau</strong>x des hommes et des femmes ! »<br />
Il faut <strong>le</strong> savoir, et la neurobiologiste <strong>le</strong> crie haut et fort: la totalité des<br />
arguments cités plus haut, et repris en bouc<strong>le</strong> dans <strong>le</strong>s médias, sont réfutés<br />
depuis longtemps par... la science. La théorie de l'épaisseur du corps<br />
cal<strong>le</strong>ux de 1982 ? Invalidée en 1997 par <strong>un</strong>e enquête sur deux m<strong>il</strong><strong>le</strong><br />
personnes qui ne voit auc<strong>un</strong>e différence entre hommes et femmes. La<br />
femme plus douée pour par<strong>le</strong>r ? Une gigantesque étude menée en 2004<br />
n'a révélé auc<strong>un</strong>e différence entre <strong>le</strong>s <strong>sexe</strong>s concernant <strong>le</strong>s capacités dans<br />
ce domaine. L'activité cérébra<strong>le</strong> de la femme à 90 % au repos ? L'étude<br />
date de 1980 et n'a jamais été confirmée. La théorie des hémisphères<br />
gauches (langage) et droit (représentation spatia<strong>le</strong>) ? Lancée dans <strong>le</strong>s<br />
années 70, avant l'IRM, en p<strong>le</strong>ine mode du yin et du yang, el<strong>le</strong> est<br />
complètement dépassée : l'imagerie cérébra<strong>le</strong> montre que <strong>le</strong>s deux<br />
hémisphères fonctionnent en permanence en interaction. Chez <strong>le</strong>s deux<br />
<strong>sexe</strong>s. La testostérone rend <strong>le</strong>s hommes agressifs, et l'oestrogène, <strong>le</strong>s<br />
femmes émotives et sociab<strong>le</strong>s ? Les récents progrès des neurosciences<br />
prouvent que l'être humain échappe à la loi des hormones : son cortex<br />
surdéveloppé, siège des fonctions cognitives <strong>le</strong>s plus élaborées (langage,<br />
conscience, imagination...), n'est guère réceptif aux fluctuations<br />
hormona<strong>le</strong>s, contrairement à celui des animaux. La préhistoire et ses<br />
atavismes ? Nous n'avons auc<strong>un</strong>e trace de la répartition des tâches chez<br />
l’homme préhistorique. Le stéréotype de l'homme chasseur et de la<br />
femme au foyer est hérité du XIXe sièc<strong>le</strong>. Claudine Cohen (la Femme des<br />
origines) a bien expliqué comment <strong>le</strong>s imaginatifs scientifiques de<br />
l'époque ont calqué <strong>le</strong>ur vision de la cellu<strong>le</strong> fam<strong>il</strong>ia<strong>le</strong> conservatrice du<br />
XIXe sièc<strong>le</strong> sur la préhistoire, et combien ces représentations persistent<br />
aujourd'hui.<br />
3<br />
[Partie 3]<br />
« Les auteurs des livres qui véhicu<strong>le</strong>nt ces clichés ne font pas<br />
forcément volontairement de la désinformation, dit la neurobiologiste.<br />
Nous baignons dans <strong>un</strong>e culture où <strong>le</strong>s rô<strong>le</strong>s des <strong>un</strong>s et des autres restent<br />
bien différents, marqués. Il y a <strong>le</strong>s métiers d'hommes et de femmes.<br />
Inconsciemment, c'est intégré par chac<strong>un</strong>. Il faut faire <strong>un</strong> effort<br />
intel<strong>le</strong>ctuel pour penser autrement. » Les travaux des anthropologues<br />
Françoise Héritier en Afrique et Maurice Godelier en Nouvel<strong>le</strong>-guinée<br />
ont pourtant montré qu'<strong>il</strong> existe <strong>un</strong>e grande diversité dans la répartition<br />
des tâches selon <strong>le</strong>s sociétés. Dans certaines tribus africaines, ce sont <strong>le</strong>s<br />
femmes qui marchent des k<strong>il</strong>omètres tous <strong>le</strong>s jours pour la cue<strong>il</strong><strong>le</strong>tte et<br />
assurent <strong>le</strong>s deux tiers de l'alimentation du groupe. Le mythe de l'homme<br />
des cavernes en prend <strong>un</strong> coup (de gourdin).<br />
Malgré tout, <strong>le</strong>s hommes et <strong>le</strong>s femmes ont bien <strong>un</strong> <strong>cerveau</strong><br />
différent. Le <strong>sexe</strong> génétique de l'embryon (XX pour <strong>le</strong>s femmes et XY<br />
pour <strong>le</strong>s hommes) induit la formation des organes sexuels. Des hormones<br />
sexuel<strong>le</strong>s différentes vont ainsi imprégner <strong>le</strong> <strong>cerveau</strong> et influencer la<br />
formation des neurones. Mais essentiel<strong>le</strong>ment au niveau de la<br />
reproduction. « Pour <strong>le</strong> reste, toutes <strong>le</strong>s différences de comportement<br />
entre <strong>le</strong>s hommes et <strong>le</strong>s femmes sont essentiel<strong>le</strong>ment dues à la société, à<br />
la culture et à l'éducation. Pas aux hormones, ni aux gènes », explique<br />
Catherine Vidal.<br />
4
[Partie 4]<br />
Mais alors, comment expliquer que <strong>le</strong>s chasseurs de gènes, ceux de<br />
l'amour romantique (!), de l'intuition féminine et des préférences<br />
sexuel<strong>le</strong>s parviennent à faire publier <strong>le</strong>urs recherches fumeuses dans <strong>le</strong>s<br />
me<strong>il</strong><strong>le</strong>ures revues scientifiques ? Pour cel<strong>le</strong>s-ci, c'est l'assurance de<br />
retombées médiatiques. En 1999, <strong>un</strong>e étude sur <strong>le</strong> « gène » de la fidélité<br />
conjuga<strong>le</strong> publiée par l'hebdomadaire Nature défraya la chronique. Il y a<br />
aussi <strong>le</strong>s arrière-pensées idéologiques. Nombreux aux Etats-Unis,<br />
présents dans <strong>le</strong>s m<strong>il</strong>ieux néoconservateurs, ces chercheurs déterministes<br />
estiment que tout est joué à l'avance : <strong>le</strong>s capacités, <strong>le</strong>s défauts, <strong>le</strong>s<br />
appétences, la mora<strong>le</strong>. Les méchants naissent méchants. Les hommes,<br />
incapab<strong>le</strong>s de trouver <strong>le</strong> beurre dans <strong>le</strong> frigidaire. Risque majeur du<br />
déterminisme : légitimer l'ordre social par l'ordre naturel.<br />
« Les femmes sont nul<strong>le</strong>s en maths », lançait peu ou prou Lawrence<br />
Summers <strong>le</strong> directeur de Harvard, en 2005. Tollé. Démission. Sa pique<br />
aura provoqué <strong>un</strong>e nouvel<strong>le</strong> étude pour faire <strong>le</strong> point sur la question. Le<br />
rapport en a été publié en septembre 2006. Ses conclusions ? « Les études<br />
sur la structure du <strong>cerveau</strong> [...] ne montrent pas de différences entre <strong>le</strong>s<br />
<strong>sexe</strong>s qui pourraient expliquer la sous-représentation des femmes dans<br />
<strong>le</strong>s professions. scientifiques [...] : cette situation est <strong>le</strong> résultat de<br />
facteurs individuels, sociaux et culturels. » Ouf!<br />
L'ancêtre des déterministes se nomme Franz Joseph Gall. Au XIXe<br />
sièc<strong>le</strong>, ce médecin al<strong>le</strong>mand invente la fameuse phrénologie, dont <strong>il</strong> ne<br />
nous reste justement que... la bosse des maths. En palpant vingt-sept<br />
zones du crâne, Gall estime déjà pouvoir connaître la personnalité d'<strong>un</strong><br />
homme. Ses théories deviennent vite <strong>un</strong> out<strong>il</strong> pour classer <strong>le</strong>s humains<br />
selon <strong>le</strong>ur race, <strong>le</strong>ur <strong>sexe</strong> ou <strong>le</strong>ur classe socia<strong>le</strong>. Dans <strong>le</strong>s années 1850, <strong>le</strong><br />
médecin français Paul Broca reprend <strong>le</strong>s travaux de Gall. Il découvre <strong>le</strong><br />
centre de la paro<strong>le</strong> dans <strong>le</strong> <strong>cerveau</strong>. Et, fort de ce succès, croit pouvoir<br />
prouver la moindre intelligence des femmes en mesurant <strong>le</strong>s écarts de<br />
poids du <strong>cerveau</strong> entre <strong>le</strong>s deux <strong>sexe</strong>s : <strong>le</strong> <strong>cerveau</strong> d'<strong>un</strong> homme est plus<br />
lourd de 181 grammes en général. « Il ne faut pas perdre de vue que la<br />
femme est en moyenne <strong>un</strong> peu moins intelligente que l'homme! »<br />
explique <strong>le</strong> chercheur. Depuis, on sait que <strong>le</strong> poids du <strong>cerveau</strong> n'a auc<strong>un</strong><br />
rapport avec l'intelligence : <strong>le</strong> <strong>cerveau</strong> d'Anato<strong>le</strong> France pesait 1 k<strong>il</strong>o,<br />
celui de Tourgueniev <strong>le</strong> doub<strong>le</strong>, et celui d'Einstein était plus léger que la<br />
moyenne (1,250 k<strong>il</strong>o). Mais <strong>le</strong>s idées reçues ont la vie longue: en 1992,<br />
l'armée américaine a lancé <strong>un</strong>e étrange enquête à partir de la ta<strong>il</strong><strong>le</strong> des<br />
casques de six m<strong>il</strong><strong>le</strong> soldats et a conclu que la capacité crânienne était<br />
proportionnel<strong>le</strong> au QI. Inepties!<br />
5<br />
[Partie 5]<br />
Alors, hommes, femmes, tous pare<strong>il</strong>s ? Non, tous différents.<br />
« Grâce aux nouvel<strong>le</strong>s techniques d'imagerie cérébra<strong>le</strong>, on sait que la<br />
variab<strong>il</strong>ité individuel<strong>le</strong> l'emporte sur la variab<strong>il</strong>ité entre <strong>le</strong>s <strong>sexe</strong>s »,<br />
explique Catherine Vidal. C'est la grande découverte de ces dernières<br />
années : la plasticité du <strong>cerveau</strong>. Avec sa centaine de m<strong>il</strong>liards de<br />
neurones plongés dans <strong>un</strong> bou<strong>il</strong>lonnement é<strong>le</strong>ctrique permanent, son<br />
m<strong>il</strong>lion de m<strong>il</strong>liards de synapses, <strong>il</strong> conserve nombre de ses secrets et<br />
continue d'alimenter <strong>le</strong>s fantasmes. Mais on est sûr d'<strong>un</strong>e chose: <strong>il</strong> évolue<br />
du berceau jusqu'au cercue<strong>il</strong>. Le bébé naît avec tous ses neurones, mais<br />
90 % de ses connexions se feront dans <strong>le</strong>s vingt années après sa<br />
naissance. Si <strong>le</strong>s zones qui commandent la main gauche d'<strong>un</strong> violoniste<br />
professionnel ou cel<strong>le</strong>s de l'orientation dans l'espace d'<strong>un</strong> chauffeur de<br />
taxi sont surdéveloppées, diffici<strong>le</strong> de l'imputer à <strong>un</strong> gène. L'expérience<br />
forge ce qui bourdonne sous nos fronts. Un je<strong>un</strong>e garçon sera mis très tôt<br />
sur <strong>un</strong> terrain de foot. Il développera son sens de l'orientation spatial. Une<br />
petite f<strong>il</strong><strong>le</strong> habituée à rester à la maison dans <strong>un</strong>e sphère consacrée à<br />
l'échange par<strong>le</strong>ra plus vite. Dès sa prime enfance, l'être humain est<br />
inconsciemment imprégné d'<strong>un</strong> schéma identitaire auquel <strong>il</strong> doit se<br />
conformer pour être accepté par <strong>le</strong> groupe. On ne dit pas à <strong>un</strong>e petite<br />
f<strong>il</strong><strong>le</strong>: « Que tu es costaude! » ou à <strong>un</strong> petit garçon : « Que tu es joli ! »<br />
En définitive, on peut se demander pourquoi des Homo sapiens<br />
sapiens aussi évolués que nous peuvent bien se ruer sur ces best-sel<strong>le</strong>rs<br />
qui expliquent nos comportements par <strong>un</strong>e biologie de bazar: « Le succès<br />
de ces théories tient au fait qu'el<strong>le</strong>s sont rassurantes, répond la<br />
neurobiologiste. El<strong>le</strong>s nous donnent l'<strong>il</strong>lusion de comprendre et de nous<br />
sentir moins responsab<strong>le</strong>s de nos actes. » Monsieur, vous n'aurez plus<br />
d'excuses pour <strong>le</strong> beurre dans <strong>le</strong> frigo; madame, pour ces satanés<br />
créneaux. Le <strong>cerveau</strong> évolue. Entraînez-<strong>le</strong>.<br />
NICOLAS DELESALLE<br />
Artic<strong>le</strong> publié dans <strong>Télérama</strong> n° 2978, 7 février 2007.<br />
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Questions :<br />
1) Partie 1 : Comment appel<strong>le</strong>-t-on <strong>le</strong>s idées véhiculées<br />
par <strong>le</strong>s deux premiers paragraphes ?<br />
2) Partie 2 : Qui est Catherine Vidal et quel est son<br />
combat ?<br />
3) Partie 3 + document 5 : Qu’ont mis en évidence <strong>le</strong>s<br />
anthropologues tels que Maurice Godelier, Françoise<br />
Héritier et Margaret Mead ?<br />
4) Partie 3 : Comment expliquer <strong>le</strong>s différences de<br />
comportements entre <strong>le</strong>s hommes et <strong>le</strong>s femmes ?<br />
5) Partie 4 : Cherchez <strong>le</strong> sens du mot « déterminisme »<br />
puis expliquez la phrase soulignée : « Risque majeur<br />
du déterminisme : légitimer l'ordre social par l'ordre<br />
naturel. »<br />
6) Partie 5 : Expliquez la phrase soulignée : « Dès sa<br />
prime enfance, l'être humain est inconsciemment<br />
imprégné d'<strong>un</strong> schéma identitaire auquel <strong>il</strong> doit se<br />
conformer pour être accepté par <strong>le</strong> groupe. »<br />
Comment appel<strong>le</strong>-t-on ce phénomène ?<br />
7) Partie 5 : quel<strong>le</strong> conclusion peut-on tirer de tout cela ?<br />
8) En <strong>un</strong> paragraphe de 10 lignes maximum, résumez ce<br />
texte, en ne gardant que <strong>le</strong>s idées essentiel<strong>le</strong>s. Vous<br />
ut<strong>il</strong>iserez <strong>un</strong> vocabulaire très simp<strong>le</strong>.<br />
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