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bulletin 20 - afmd

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FMD<br />

Année Année <strong>20</strong>12 <strong>20</strong>12 <strong>20</strong>12—numéro numéro <strong>20</strong><br />

<strong>20</strong><br />

Date Date de de parution parution : : juin juin <strong>20</strong>12<br />

<strong>20</strong>12<br />

Publication Publication : : M. M. BECHER<br />

BECHER<br />

Dans ce numéro :<br />

Assemblée Annuelle de l’AFMD54 P. 2<br />

Assemblée de la FNDIRP P.5<br />

Conférence sur Marcel SIMON et Albert<br />

VURPILLOT<br />

Les camps d’internement en France<br />

(1938-1946)<br />

L’histoire de l’immigration juive en<br />

Meurthe et Moselle de 1870 à nos jours<br />

4ème journée d’études sur les guerres du<br />

XXème siècle (Collège Croix de Metz-Toul)<br />

Une belle carrière de soldat et de<br />

résistant<br />

P.6<br />

P.8<br />

P.12<br />

P.14<br />

P.16<br />

Pexonne 1944-1945 P.17<br />

Concours de la résistance <strong>20</strong>12 P.21<br />

Les rafles de mars 1943 à NANCY P.24<br />

Récit de l’Abbé ECOLE P.29<br />

Depuis que j’ai vu le journal d’Anne<br />

Franck…...<br />

Les Nouvelles du Comité Local du Pays<br />

Haut<br />

La Malpierre, Le Livre<br />

Envie de lire, Lu pour vous<br />

AFMD54<br />

P.33<br />

P.34<br />

P.41<br />

Hommage à nos disparus P.43<br />

Maison du combattant – 78, place du Colonel Driant – 54000 NANCY<br />

Comité du Pays-Haut<br />

Maison des Associations – 54800 JARNY<br />

Site national : www.<strong>afmd</strong>.asso.fr<br />

Le chemin de Mémoire du Pays-Haut a été inauguré le vendredi 1 juin <strong>20</strong>12.<br />

Commencé en <strong>20</strong>02 ce Chemin est un parcours qui valorise les sites historiques<br />

de la Déporta"on du Bassin de Briey. Sur cet i"néraire sept panneaux d’informa-<br />

"on ont été plantés. Ces supports sont répar"s sur Jarny, Conflans en Jarnisy ,<br />

Labry , Auboué, Homécourt, Joeuf , Briey et à Valleroy.<br />

Ce chemin de Mémoire a pour objec"f de conserver la Mémoire de la Déporta-<br />

"on à laquelle n’a pas échappé la communauté juive du Bassin de Briey, en par"culier<br />

à la suite des rafles de 1942 et 1943. Les panneaux insistent sur le fait que<br />

la Déporta"on de Répression est consécu"ve à des a3tudes et ac"ons de la Résistance<br />

mul"ples et variées.<br />

Le Chemin a fédéré les Communautés de communes du Jarnisy (CCJ), du Pays de<br />

l’Orne (CCPO) et du Pays de Briey (CCPB). Plusieurs associa"ons se sont financièrement<br />

impliquées dans le projet, comme les Amis de la Fonda"on pour la Mémoire<br />

de la Déporta"on (AFMD 54), la Fédéra"on Na"onale André-Maginot et le<br />

Souvenir Français.<br />

Pendant ce parcours guidé, des historiens ont évoqué et commenté devant de<br />

nombreuses personnes, les récits qui ont marqué chaque commune, des drames,<br />

des tragédies qui ont frappé de plein fouet ces régions minières et industrielles<br />

au nord du département. Ces panneaux comportent des textes et témoignages<br />

d’époque, de prisonniers évadés ayant emprunté la filière de la liberté.<br />

Ces panneaux retracent le démantèlement des réseaux à la fin de mars 1942, les<br />

arresta"ons, l’emprisonnement à la prison Charles III à Nancy.<br />

Ces récits locaux sont replacés dans un contexte plus général de la deuxième<br />

guerre mondiale, pour une approche pédagogique sur le système concentra"onnaire<br />

nazi, et la répression féroce des forces d’occupa"on nazies qui s’est aba?ue<br />

brutalement sur la région Lorraine.<br />

325 élèves de CM1 et CM2 des trois communautés de communes concernées ont<br />

travaillé sur le sujet de la Résistance et la Déporta"on. Ce travail s’est achevé le<br />

vendredi 1 er juin par la produc"on de dessins et de textes qui ont été exposés<br />

dans la salle Marie-Romaine de Giraumont où un hommage a été rendu à l’un<br />

des ins"gateurs du projet : Jean-Paul BALTZ, décédé le 21 janvier <strong>20</strong>11.<br />

Lamaï BECHER<br />

EDITORIAL<br />

Bulletin de liaison<br />

des adhérents de<br />

l'association des<br />

Amis de la<br />

Fondation pour la<br />

Mémoire de la<br />

Déportation de<br />

Meurthe-et-Moselle


Page 2<br />

Assemblée Annuelle<br />

des Amis de la fondation pour la Mémoire de la Déportation<br />

Déléga on territoriale de Meurthe-et-Moselle<br />

Le samedi 10 mars <strong>20</strong>12 à Nancy à la Maison du Comba$ant<br />

Le Président ouvre la séance peu après 10 heures, salue<br />

toutes les personnes présentes et demande une minute de silence<br />

en souvenir des disparus de l'année: Jean-Paul Baltz,<br />

notre collègue et ami du Pays-Haut, Bernard Giry et Paul Lobeth,<br />

arrêtés par les nazis à Nancy en 1943.<br />

1 - Rapport moral du Président Lamaï Becher<br />

Il rappelle l'importance d’ approfondir le travail de l’AFMD54<br />

en direction des jeunes mais aussi de l’enrichir par un travail<br />

de recherches et d'imagination. Il s'agit de faire réfléchir les<br />

jeunes en évitant à la fois le voyeurisme, l'émotionnel et le<br />

simple "Passant souviens-toi" anonyme: c'est le pourquoi de la<br />

manifestation du 5 mars <strong>20</strong>12 qui a associé à l'hommage général<br />

aux Raflés de mars 1943 à Nancy , la mémoire des noms et<br />

des lieux concernés par ces arrestations massives.<br />

Il précise que la loi et le devoir de mémoire sont deux éléments<br />

qui permettent de lutter contre le négationnisme et d'éviter de<br />

banaliser le combat des résistants.<br />

Adopté à l'unanimité<br />

2 - Rapport d'activité de la secrétaire Claude Favre<br />

Il est présenté comme d'habitude sur fond de diaporama et il<br />

permet d’évoquer :<br />

A — Les chantiers et projets développés par l'AFMD 54<br />

En direction des scolaires<br />

• Témoignages (avec ou sans projection de petits films, parfois<br />

distribution d'un questionnaire) dans les collèges de Pulnoy,<br />

de Custines, de Pagny-sur-Moselle et Chopin de Nancy<br />

ainsi qu'aux lycée des Récollets de Longwy.<br />

• Animations de 3 séances pour des jeunes relevant de la<br />

protection judiciaire (Tribunal de Nancy) et de Bar-le-Duc. Il<br />

s'agit de les amener à travailler sur la mémoire, sur le respect.<br />

• Financement de voyages de scolaires au Struthof: collèges<br />

de Dombasle et Custines.<br />

• Effort pour les faire participer à des cérémonies :<br />

En avril <strong>20</strong>11 lors de la Journée des Déportés, 10 élèves du<br />

collège Jean Moulin de Tomblaine et leurs parents ont été invités<br />

à la commémoration et ont pu partager un déjeuner avec les<br />

enseignants et membres des associations de déportés.<br />

Le 5 mars dernier pour la cérémonie aux Raflés de Mars<br />

1943, nous avons testé une initiative originale mise sur pied<br />

par Patrice Lafaurie, membre de l'AFMD et de l'Amicale de<br />

Mauthausen. Il s'agit d'un circuit pédestre, circuit de mémoire<br />

de 90 minutes environ, comportant 9 étapes et retraçant l'itinéraire<br />

des jeunes nancéiens raflés ces premiers jours de mars et<br />

s'appuyant sur leurs souvenirs des rescapés. Cent dix participants<br />

relevant de 5 établissements, collégiens, lycéens et étudiants<br />

de BTS ont été reçus pour le petit déjeuner à l'Hôtel de<br />

Ville avant d'entamer le circuit.<br />

Ils ont pu entrer au lycée Poincaré et y mesurer, sur la grande<br />

plaque commémorative, l'ampleur des pertes des 2 guerres<br />

pour le personnel de ce lycée.<br />

Le parcours s'est terminé rue Raugraff pour la cérémonie plus<br />

traditionnelle.<br />

En direction du grand public<br />

• Circuit-mémoire en Moselle le 27 mars <strong>20</strong>11. Patrice Lafaurie<br />

a guidé 15 personnes, embarquées à bord d'un mini-bus<br />

(dont le chauffeur s'est avéré fort intéressé par les explications<br />

données) depuis le monument aux Malgaches de Laxou jusqu'à<br />

Charly-Oradour puis au cimetière militaire américain de Saint-<br />

Avold et enfin au camp de concentration de Neuebremme près<br />

de Sarrebrück.<br />

• 2 Bulletins de Mémoire ont été publiés, en juin et décembre<br />

<strong>20</strong>11. Ils comportent toujours des témoignages, des<br />

notices sur des déportés, des études particulières et les comptes<br />

-rendus des conférences auxquelles nous assistons.<br />

Participation habituelle à toute une série de cérémonies officielles,<br />

présentées sur le diaporama, en souvenir des: 4 mars<br />

<strong>20</strong>11 Cérémonie des rafles de mars 43 à Nancy/ 24 avril Journée<br />

de la Déportation couplée, cette année à la remise des prix<br />

aux lauréats du Concours à l'Hôtel de Ville de Nancy / 8 mai<br />

Capitulation de l'Allemagne nazie / 18 juin Appel du général<br />

de Gaulle / 14 juillet Fête nationale / 17 juillet Journée Nationale<br />

à la mémoire des victimes des crimes racistes / 30 juillet à<br />

la Malpierre à la mémoire des fusillés / 10 septembre 67ème<br />

anniversaire de la Libération de la Ville de Nancy / 11 novembre<br />

Hommage aux combattants de la Grande Guerre<br />

B — Nos participations à des commissions, conférences et<br />

comités<br />

• En avril <strong>20</strong>11: présentation du film sur les fusillés d'Auboué<br />

de la FNDIRP lors de la conférence de Michel Martin de<br />

l'Institut d'Histoire Sociale de la CGT sur Camille Thouvenin.<br />

• En avril également, participation à l'assemblée annuelle de<br />

la FNDIRP.<br />

• Amitiés Tsiganes nous a invités à plusieurs manifestations<br />

au Goethe Institut, en mai: (concert de Gypsy jazz, rencontre<br />

littéraire sur des parcours de vie et table ronde sur la situation<br />

des Roms en Europe.)<br />

• En octobre <strong>20</strong>11, à Verdun, au Centre mondial de la Paix<br />

ont eu lieu les Premières journées d'Etudes Lorraines de la<br />

Résistance et de la Déportation qui ont permis d'aborder, pour<br />

les départements lorrains, les sujets de la Résistance, de l'internement<br />

et de la déportation.<br />

• Toujours en octobre, mais en Alsace, à Sélestat, a eu lieu<br />

le Séminaire du Centre International d'initiation aux droits de<br />

l'homme sur le sujet de la "Conférence de Wannsee". Des<br />

liens ont été tissés avec des participants au travail de mémoire<br />

du Luxembourg et de l'Allemagne.<br />

En novembre <strong>20</strong>11,Conférence au Faubourg des Trois Maisons:<br />

organisée par 2 chercheurs qui ont présenté deux résistants,<br />

anciens habitants du quartier (Marcel Simon et Albert<br />

Vurpillot). L'AFMD était invitée pour parler de l'état des projets<br />

sur la Malpierre. Là aussi des contacts ont été pris.<br />

…/...


…/…<br />

C — L'état de nos projets<br />

• Pays Haut: L'inauguration du Chemin de Mémoire aura<br />

lieu le 1er juin par un circuit en bus pour un public de jeunes<br />

scolaires.<br />

• Travail de recherche: aide apportée aux 3 étudiants auteurs<br />

de mémoire sur le système nazi, ainsi que le travail auprès<br />

du Conseil Général sur la résistance des fonctionnaires<br />

(NAP)<br />

• Groupe Mémoire Charles III: nous participons aux réunions<br />

réunissant membres d'associations patriotiques, représentants<br />

de la municipalité et du Conseil des jeunes. Occasion<br />

pour nous d'avancer nos idées sur la nécessité d'avoir un Centre<br />

de la Mémoire à Nancy.<br />

Concours de la Résistance et de la Déportation <strong>20</strong>12 : Le<br />

thème étant "La Résistance dans les camps de concentration"<br />

nous avons pris contact, par lettre, avec tous les établissements<br />

scolaires du département afin de leur proposer notre aide pour<br />

la préparation du concours. Cela nous a permis d'avoir de nouveaux<br />

contacts dans les établissements et de prévoir de nouvelles<br />

interventions auprès des jeunes.<br />

Nous allons bientôt participer à la correction des copies du<br />

concours (4 avril <strong>20</strong>12) et faisant partie du Comité d'organisation<br />

de celui-ci, nous suivons les préparatifs de la constitution<br />

des lots de prix, de la remise de ceux-ci et du voyage offert aux<br />

lauréats. Cette année, ce sera le Struthof et le Parlement Européen<br />

de Strasbourg.<br />

• Fête du 1er mai: essayer d'attirer des gens de notre stand<br />

place Driant à notre local pour une exposition ou une projection<br />

de film.<br />

• Soutien au projet de film de Jean-Philippe Nicolas<br />

"L'Ecole de la liberté" sur l'histoire de son grand-père, instituteur<br />

résistant.<br />

La brochure sur les fusillés de la Malpierre est cependant<br />

notre plus gros projet: nous en avons discuté à chacune de nos<br />

réunions de bureau : plan définitif adopté en mai <strong>20</strong>11, ajout<br />

d'une 4ème partie sur l'historique du monument et la mémoire<br />

des fusillés en juin, rencontre avec le chef de travaux du lycée<br />

Cyfflé en septembre, pour que les élèves de la section Arts<br />

Graphiques impriment l'ouvrage, devis reçu en octobre pour<br />

1000 exemplaires, format 16x23 en quadrichromie. suivront<br />

ensuite les relectures des trois maquettes réalisées par les<br />

élèves. L'ouvrage est en cours d'impression actuellement.<br />

Deux interventions vont suivre ce rapport:<br />

• Joël Bourquin, de la Protection Judiciaire de la Jeunesse,<br />

va compléter nos informations sur les stages civiques qu'il organise.<br />

Aux difficultés du travail de mémoire avec des jeunes<br />

qui ont été peu scolarisés et dont le bagage historique est assez<br />

mouvant s'ajoute le fait que certains véhiculent les idées de<br />

mouvements autonomistes de droite. Aborder les notions de<br />

citoyenneté, de démocratie, de symboles républicains avec eux<br />

permet de leur apporter d'autres réponses. En dehors de la collaboration<br />

avec l'AFMD, M. Bourquin a déjà organisé la visite<br />

du Musée de la Résistance de Besançon.<br />

Gérard Goulesque de l'Institut d'Histoire Sociale de la CGT<br />

revient sur l'intérêt que représente notre collaboration pour leur<br />

travail d'étude de l'histoire des cheminots et pour notre propre<br />

recherche sur les fusillés de la Malpierre. Leurs contacts avec<br />

la petite-fille de Gabriel Mouilleron et avec le fils d'Henri<br />

Maillet vont nous permettre d'échanger des informations.<br />

Adopté à l'unanimité<br />

3 - Rapport financier présenté par Lamaï Becher en l'absence<br />

du trésorier Jérôme Janczukiewicz<br />

Adopté<br />

4 - Interventions des personnalités présentes<br />

Page 3<br />

M. Mathieu Klein, vice-président du Conseil Général, nous<br />

remercie d'abord pour l'avoir invité et pour le travail que nous<br />

effectuons. Au-delà de sa présence à notre Assemblée générale,<br />

il veut rappeler l'attachement de M. Dinet, président du Conseil<br />

Général, à la mémoire, au monde de la mémoire et au monde<br />

combattant. Ceux qui comme nous travaillons pour que notre<br />

histoire collective soit mieux connue et qu'elle devienne un<br />

élément constitutif de notre identité républicaine. Il rappelle<br />

que souvenir et connaissance relèvent de 2 logiques qui vont de<br />

pair, que le Conseil Général finance des interventions et des<br />

voyages auprès des collèges, en particulier pour les lauréats du<br />

concours de la Résistance et de la Déportation.<br />

Pour lui, nous devons être les garants d'une mémoire républicaine<br />

et continuer à lutter contre les négationnismes.<br />

M. Grandemange, qui est un de ses adjoints , nous adresse<br />

les chaleureuses salutations de M. Rossinot, maire de Nancy.<br />

Il précise d'emblée être d'accord avec les propos tenus par<br />

M. Klein.<br />

Il va ajouter que la mémoire est pour tout le monde, qu'il n'y a<br />

pas d'exclusivité puis il va souligner le problème que rencontrent<br />

toutes les associations: avec la disparition des survivants:<br />

"Comment intéresser ceux qui n'ont pas connu cette période?";<br />

Pour terminer il nous rappellera qu'un important travail historique<br />

est nécessaire pour alimenter la mémoire.<br />

M. Philippon, directeur de l'ONAC 54, s'associe à notre travail<br />

de mémoire et, en évoquant le parcours que nous avons<br />

mis sur pied pour le 5 mars, il annonce que l'ONAC veut s'impliquer<br />

dans la réalisation d'une plaquette qui reprendrait notre<br />

travail ainsi que dans une autre qui concernerait un travail sur<br />

les Tsiganes.<br />

Il va ensuite énumérer les missions de l'ONAC: reconnaissance,<br />

réparation, mémoire et transmission des valeurs de respect,<br />

civisme auprès des jeunes générations. Les thèmes de leur<br />

calendrier commémoratif de cette année sont: les 70 ans de la<br />

bataille de Bir Hakeim et des premières rafles des juifs, enfin<br />

les 50 ans de la fin de la guerre d'Algérie.


Page 4<br />

…/…<br />

5 - Six participants vont demander la parole pour de<br />

courtes interventions.<br />

Michel Martin, de l’Institut d'Histoire Sociale de la CGT<br />

Pour prolonger ce qui a été dit sur la nécessité de renforcer les<br />

connaissances, cette fois-ci vers le mouvement syndical, il nous<br />

explique qu'un cycle de conférence sur les idées d'extrêmedroite<br />

de la Révolution à nos jours est proposé aux syndicats.<br />

Leurs recherches sur Gabriel Mouilleron et Hubert Sensiquet<br />

vont croiser les nôtres et il nous remercie pour les liens tissés.<br />

Stefan Lewandowski, de la FNDIRP/AFMD demande où en<br />

est le relevé des Tsiganes sans domicile fixe arrêtés en 1940.<br />

Mme Meyer d'Amitiés Tsiganes lui répond que le sujet est à<br />

l'étude mais que cela est rendu difficile car peu de familles témoignent.<br />

Il y a 6 témoins en Moselle qui pourraient attester<br />

que, déjà soumis au statut, français, de 1912, ils ont été arrêtés<br />

en vertu d'un décret-loi de 1940 et envoyés en Normandie d'où<br />

ils n'ont été ramenés chez eux que s'ils pouvaient fournir leurs<br />

factures de loyers.<br />

Bruno Cohen intervient ensuite au nom de l'Association Culturelle<br />

Juive-55.<br />

Il se dit toujours ravi de notre soutien mutuel et des échanges<br />

réguliers qui nous permettent de nous retrouver lors des célébrations<br />

(anniversaires de l'ouverture du camp d'Auschwitz, du<br />

soulèvement du ghetto de Varsovie ou des rafles juives de<br />

1942) ou bien lors de la projection de films.<br />

« Ces regards mutuels sont nécessaires entre nous et devraient<br />

permettre de répondre à la question centrale : Comment restituer<br />

le sens des évènements passés et en éclairer les enjeux<br />

dans la république d'aujourd'hui ? »<br />

Il y voit une réponse dans la nécessité d'un surcroît d'éducation<br />

et de réflexion.<br />

Roland Besnier : Comité de la Stèle de Valleroy/AFMD<br />

S'élève contre le choix du 11 novembre comme seule date<br />

commémorative et souhaite que le 19 mars soit une date reconnue<br />

comme spécifique.<br />

Patrice Lafaurie : Amicale de Mauthausen/AFMD<br />

précise que les deux mémoires des rafles juives de 1942-43 et<br />

des rafles de mars 43 à Nancy sont inscrites ensemble sur deux<br />

plaques situées côte à côte sur le mur de la rue Léopold Lallement.<br />

Résumé sur quelques pages, son circuit pédestre-mémoire dans<br />

la ville , expérimenté le 5 mars dernier, est donné à MM. Klein,<br />

Grandemange et Philippon.<br />

Mme Lacour (AFMD)<br />

Explique qu'elle a été très surprise d'avoir lu qu’une séance de<br />

témoignages où des élèves de primaire avaient été emmenés,<br />

semble -t-il sans préparation, devant un ancien résistant. Toute<br />

l'assistance est d'accord pour estimer qu'une préparation est<br />

indispensable avant tout témoignage, surtout si les élèves sont<br />

jeunes.<br />

M Munch, adjoint au maire de Champigneulles, qui la connaît,<br />

estime que l'institutrice concernée avait parfaitement préparé la<br />

séquence.<br />

A 11 heures 45, l'ordre du jour étant épuisé, la séance est levée.<br />

Tous les participants sont cordialement invités à partager le<br />

verre de l'amitié...<br />

Interven"on de Stéfan LEWANDOWSKI au Collège de Cus"nes<br />

La secrétaire : Claude Favre


ASSEMBLEE DE LA FNDIRP<br />

Le dimanche 15 avril <strong>20</strong>12 s'est tenu dans une salle de l’hôtel restaurant l’Eclipse à Heillecourt le 35ème congrès départemental<br />

de la FNDIRP.<br />

Lors de cette assemblée, la FNDIRP a défini ses missions prioritaires dans les différents domaines:<br />

La défense des droits moraux et matériels des déportés, des internés, des patriotes résistants à l'occupation (PRO) et des familles<br />

de nos camarades disparus. Il nous reste à obtenir : Une plus juste indemnisation de nos Amis Patriotes Résistants à l’Occupation,<br />

l’amélioration de la situation des internés et des veuves, la proportionnalité des pensions militaires d’invalidité. Il faut<br />

être vigilant pour une amélioration de la situation des conjoints vivants et une plus juste indemnisation de nos Amis Patriotes<br />

Résistants à l'Occupation.<br />

Nous retiendrons, que, pour l’année <strong>20</strong>12, la retraite du combattant sera valorisée de 4 points, ce qui la fera passer à 48 points<br />

au 19 juillet <strong>20</strong>12, ce qui donnera, en année pleine, une retraite annuelle de 665,23 euros.<br />

L'engagement et le développement du travail de Mémoire de la Déportation et de l'Internement doit être encore une fois une<br />

priorité, il faut assurer le succès des cérémonies patriotiques car ce sont des moments forts de la Mémoire.<br />

Notre association départementale s'engage fortement pour le bon fonctionnement des commémorations avec l'aide des sections<br />

locales, relais sur le terrain de nos actions. Toutes les manifestations et cérémonies commémoratives ou de souvenirs se<br />

déroulent avec une participation importante de nos adhérents et amis. Elles sont toujours rehaussées par nos drapeaux toujours<br />

portés avec fidélité et dévouement par nos porte-drapeaux. Nous leur présentons nos très chaleureux remerciements.<br />

Notre souci est de transmettre la Mémoire de la Déportation et de l'Internement, en particulier à la jeunesse et nous devons<br />

maintenir notre engagement pour le concours de la Résistance et de la Déportation organisé conjointement avec les services académiques<br />

et le comité départemental rassemblant les associations patriotiques. A l’occasion de la journée du souvenir le 24 avril<br />

<strong>20</strong>11, nous tenons à souligner les très belles cérémonies à la Malpierre et au Monument de la Résistance : Une gerbe unique portera<br />

les mentions « Aux victimes et aux héros de la déportation FNDIRP-FNDIR- UNADIF- Déportés juifs »<br />

Nous tenons à souligner l'implication de nos intervenants dans les établissements scolaires: Mme CLEMENT, Mrs CLAU-<br />

DEL, CORNET, LEWANDOWSKI, ROSSOLINI qui ont assuré 28 interventions et rencontré 2500 élèves. C'est un bilan remarquable<br />

que notre FNDIRP vous présente aujourd'hui. Le samedi 18 juin <strong>20</strong>11 dans les Grands salons de l’Hôtel de Ville de Nancy<br />

a eu lieu la distribution des prix aux lauréats.<br />

A ces interventions s'ajoutent les accompagnements d'élèves et de professeurs sur les lieux de Mémoire comme Thill, Fort<br />

Queuleu et le Struthof. Mais, s’il est encore facile de témoigner devant les jeunes, de les accompagner lors de voyage vers les<br />

lieux de mémoire et ainsi de semer quelques graines, il est plus difficile de mobiliser, de façon permanente, les bonnes volontés<br />

pour les amener vers nos associations. Pour avancer dans cette voie, il nous semble possible de mobiliser autour de projets culturels<br />

et collectifs.<br />

Le projet initié par nos amis de l'AFMD 54 d'un centre de documentation et d'information sur la Déportation et de l'Internement<br />

nous paraît un bon moyen pour obtenir cette mobilisation.<br />

Ce centre permettra :<br />

1 - Une réflexion d'ensemble sur le système nazi à la fois concentrationnaire et exterminateur.<br />

2 - Une convergence des efforts, une concertation sur les initiatives et les thématiques de la Mémoire<br />

3 - Une mise en commun des ressources humaines et des moyens.<br />

Page 5<br />

Si nous n’avons pas réussi dans notre projet d’Hommage nominatif aux fusillés de la Malpierre proposé par notre association<br />

depuis mars 1998, l’AFMD, coordinatrice du projet avec le total soutien de notre association départementale, a décidé de poursuivre<br />

ce travail de Mémoire. Au moment où ce rapport est rédigé, un livre sur « Les fusillés de la Malpierre » est en cours d’impression.<br />

Cet ouvrage sera l’hommage que nous souhaitions rendre aux fusillés de la Malpierre tous condamnés à mort par le<br />

tribunal militaire de Nancy.<br />

Concernant notre projet « Mémorial de la Déportation et centre de documentation et d’information sur la Déportation et<br />

l’Internement », nous espérions que ce projet pourrait trouver sa place dans le projet d’urbanisme intitulé « Nancy Grand Cœur »<br />

Enfin, nous proposons à notre assemblée générale la réalisation d’un nouveau projet : l’installation sur une des stèles jalonnant<br />

le chemin d’accès au camp de concentration de Thil-Longwy d’une sculpture de pierre qui laissera une trace forte et indestructible<br />

de notre Fédération avec indication du nom de notre association.<br />

Au moment où s’est engagée la dissolution de la FNDIRP, un souvenir de son existence serait d’une grande importance.<br />

Le sculpteur Michel MONCEY présentera une œuvre sculptée qui devra recevoir l’accord du comité départemental sur les<br />

plans artistiques et mémoriels dans une enveloppe compatible avec nos finances.<br />

Une association qui n’a pas de projets, s’affaiblit et disparaît souvent dans l’indifférence. Notre FNDIRP a développé de<br />

nombreux projets, elle reste un partenaire nécessaire à tout travail de Mémoire.<br />

…/...


Page 6<br />

…/...<br />

Si nous voulons éviter l’éclatement du travail d’Histoire et de Mémoire, si nous voulons surmonter sa difficulté de perception à l’extérieur de<br />

notre propre sphère, et quelles que soient les structures que nos prochaines assemblées nationales statutaires décideront de maintenir ou de<br />

dissoudre. Nous avons le devoir de nous retrouver, toutes et tous Déportés, Internés, PRO, et familles et maintenant avec d’autres dans<br />

l’Association des Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation de Meurthe-et-Moselle.<br />

Les actions que nous menons pour la défense de droits, pour la transmission de la mémoire, sont justes et indispensables pour rester fidèles au<br />

serment que <strong>20</strong>000 Déportés, rescapés du camp de Mauthausen proclamérent le 16 mai 1945, face aux cheminées des fours crématoires :<br />

« Nous construirons le plus beau monument qu’il nous sera possible d’ériger aux soldats touchés pour la liberté.<br />

Le monde de l’homme libre,<br />

C’est-à-dire un monde de paix, un monde démocratique, un monde solidaire.<br />

Nous ne renoncerons jamais ».<br />

Notre association adhère et apporte son concours aux associations amies de la Résistance, de la Déportation et du Monde Combattant, à<br />

l’union des sociétés militaires et patriotiques, à l’union départementale des anciens combattants ; aux Amis de la Fondation pour la Mémoire de la<br />

Déportation<br />

Les activités de notre association départementale sont facilitées par l’aide apportée sous des formes diverses par les collectivités territoriales :<br />

Conseil général, municipalités et bien sûr la Maison du Combattant, place du Colonel Driant et son chargé de mission, M. Jean-Pol JURIN.<br />

Nous continuerons nos efforts pour faire connaître et diffuser plus largement le journal de la Fédération " Le Patriote Résistant".<br />

A tous, nous présentons l’assurance de notre profonde gratitude.<br />

Pour conclure nous restons et resterons fidèles à nos amis disparus, aux valeurs qu'ils ont chèrement défendues et aux idéaux de<br />

Solidarité, de Fidélité, de Paix et d'Amitié entre les peuples.<br />

Témoignons encore et toujours de notre volonté de faire vivre la Mémoire, cette Mémoire vivante que nous voulons léguer aux<br />

générations futures.<br />

Rapport présenté au nom du comité départemental par Mme Brigitte GEORGE, secrétaire départementale<br />

CONFERENCE SUR MARCEL SIMON ET ALBERT VURPILLOT<br />

DEUX RESISTANTS ET HABITANTS DU QUARTIER DES TROIS MAISONS<br />

Jean-François CAP présente d'abord rapidement l'histoire du quartier où il a grandi.<br />

De l'ancien village de maraîchers nommé St Dizier, il n'est rien resté que 3 auberges à la suite des destructions au 16ème<br />

siècle...d'où le nom de "Trois Maisons". Le patron des maraîchers étant St Fiacre, il est logique que ce soit le nom de l'église<br />

du quartier.<br />

Dans les années 1870, avec l'arrivée des Alsaciens-Mosellans "optant «pour la France, l'essor démographique et immobilier<br />

a accompagné celui de l'industrie et des voies de communication.<br />

Une population de familles ouvrières modestes, structurées par de nombreuses associations et s'impliquant dans la vie du<br />

quartier, donne à celui-ci un esprit vivant et bien particulier: en témoigne la création de la Commune Libre des Trois Maisons<br />

sur le modèle de celle de Montmartre.<br />

Le faubourg va se développer entre les deux guerres et J-F Cap en évoque quelques aspects qui ont marqué les jeunes qui ont<br />

grandi dans ce quartier: les deux cinémas, la dizaine de brasseries et bistrots et les amicales de quartier. Les souvenirs de la<br />

rivalité entre la "Laïque" (Amicale laïque des trois maisons) et la "Calotte" (la Vaillante St Fiacre) et leurs sections de gymnastique<br />

où les adultes se préparaient au maniement des armes sont encore présents dans la mémoire d'un certain nombre des<br />

personnes de la salle.<br />

Puis il évoque Albert Vurpillot.<br />

Il a en effet recueilli longuement les souvenirs de George Vurpillot, le frère d'Albert, rencontré par le biais de réunions<br />

d'anciens élèves du Faubourg des Trois Maisons. Il a ensuite complété ses recherches aux Archives, à l'état-civil, auprès des<br />

associations et c'est ainsi qu'il nous a contacté. Il nous a fait part du résultat de ses recherches et nous des nôtres.<br />

Né le 18 avril 1923, Albert Vurpillot a fréquenté l'école des Trois Maisons où il a obtenu son certificat d'études en 1937.<br />

Il entre ensuite au Cercle du travail de la rue Drouin pour une formation en électricité automobile.<br />

…/...


…/…<br />

Fin 1939, les 3 frères Vurpillot furent pris en charge par leur<br />

tante Gaby qui prit avec dévouement le relais de la grand-mère<br />

maternelle qui les avait élevés. C'est cette grand-mère, originaire<br />

de Metz qui leur avait transmis la haine de l'occupant, du<br />

"boche.<br />

En 1940, Albert suit son employeur qui souhaitait transférer<br />

son entreprise de réparations électriques dans le sud-ouest. En<br />

route, sur les bords de la Loire, il va rencontrer des soldats<br />

français et va se battre avec eux quelque temps. Il avait obtenu<br />

un fusil de la part du lieutenant en charge du groupe, lieutenant<br />

qu'Albert avait impressionné (il avait 17 ans !) et qui demandera<br />

de ses nouvelles plus tard.<br />

Début septembre 1940, la famille est rentrée au faubourg des<br />

Trois Maisons, rue Jean Lamour et Albert va entrer dans le<br />

réseau de résistance communiste du sud du département. Il ne<br />

partageait pas l'idéologie communiste mais leur combat était le<br />

même que le sien et il brûlait de passer à l'action. La preuve en<br />

est qu'il avait récupéré un revolver, dès l'automne 40, dans le<br />

fossé du chemin de fer du quai Claude Le Lorrain, là où les<br />

gens du quartier s'étaient débarrassés des armes qu'ils ne voulaient<br />

pas remettre en mairie et dont la possession était passible<br />

de la peine de mort.<br />

Son frère se souvient des virées nocturnes d'Albert, dont celui<br />

-ci ne voulait rien dire et des visites, chez eux, de Pacault, Michaud<br />

et Marcel Simon.<br />

Le 22 avril 1942, (il vient d'avoir 19 ans), Albert Vurpillot est<br />

arrêté en flagrant délit, par la Gestapo, dans le garage allemand<br />

où il travaillait. Il avait fabriqué une bombe artisanale, grâce à<br />

ses connaissances et à ses talents de bricoleur et projetait de<br />

faire sauter le garage. Il semblerait que ce soit une initiative<br />

personnelle et que son responsable Giovanni Paci, n'ait pas été<br />

au courant.<br />

Malheureusement, Albert avait été dénoncé à la Gestapo par<br />

un collègue, moyennant une certaine somme d’argent et la promesse<br />

de faire revenir un frère prisonnier de guerre. Surveillé<br />

et arrêté en flagrant délit, il sera durement battu le jour même<br />

puis sera emprisonné à Charles III.<br />

Il va réussir à résister aux interrogatoires 48 heures mais finira<br />

par "parler ".Ce sera le début des arrestations des membres<br />

de la résistance communiste du département à qui étaient attribués<br />

les attentats de février-mars 42 et au sujet desquels l'enquête<br />

piétinait depuis lors.<br />

Voulant faire une démonstration de force, les Allemands organisèrent<br />

un grand procès public de ces résistants, début juillet<br />

42.<br />

Le verdict du procès public et des procès qui avaient précédé<br />

a entraîné les exécutions, à la Malpierre, de 29 militants communistes<br />

(26 en juillet et 3 en août 1942).<br />

La tante d'Albert a pu y assister, et c'est elle qui, après la<br />

guerre fera exhumer le cercueil de son neveu, fera vérifier que<br />

le corps contenu était bien le sien (il y avait eu inversion des<br />

noms) et mènera son enquête personnelle pour retrouver et<br />

faire condamner le dénonciateur d'Albert.<br />

Page 7<br />

M. Lambert nous parle ensuite de l'état de ses recherches<br />

actuelles sur" La répression des activités communistes par<br />

les Allemands et Vichy".<br />

Il nous en présente quelques aspects.<br />

1. Le parti communiste en Meurthe-et-Moselle avant la<br />

guerre.<br />

Il n'a pas d'élus et a recueilli moins de 10% des voix en juin<br />

1936 (et même moins de 5 dans l'arrondissement de Briey), il a<br />

à cette date 1495 militants, soit deux fois moins que la SFIO.<br />

Fin octobre 1937, il est devenu le 1er parti avec 5742 adhérents<br />

qui militent dans les villes comme dans les entreprises.<br />

Marcel Simon est secrétaire de la cellule d'entreprise de la<br />

Mécanique Moderne qui compte <strong>20</strong> adhérents (sur 190 salariés).<br />

Cette montée en puissance du parti communiste s'explique<br />

par son rôle dans le combat antifasciste et la défense des acquis<br />

des Accords Matignon.<br />

2.La période des épreuves<br />

Pendant la Drôle de guerre<br />

La grève générale de novembre 1938 lancée par la CGT est<br />

suivie d'une répression de masse (plus de 1000 peines de prison,<br />

lock-out et perte d'ancienneté et du droit aux congés pour<br />

la réembauche).<br />

Le 29 septembre 1939, c'est l'interdiction du PCF suivie par<br />

la liquidation de tous ses biens (d'où perquisitions, confiscation<br />

de matériel, en particulier les machines à écrire) et les poursuites<br />

contre les militants fichés.<br />

Juin 1940: les Allemands sont là: Leur première affiche interdit<br />

toute activité résistante.<br />

A la tête du département et de la région occupée, Vichy<br />

nomme Jean Schmidt, gendre du ministre de la Justice de Pétain.<br />

Mais le PCF existe toujours: le premier signal qui alerte les<br />

autorités est la reparution de "La Voix de l'Est " avec son n°1<br />

en janvier 1941, le 2ème signal sera la découverte, en février<br />

1941, d'un stock d'armes, ramassées sur la ligne Maginot, chez<br />

Fernand Ceschia de Neuves-Maisons (il avait suivi des consignes<br />

de la direction clandestine du parti transmises en Lorraine<br />

dès l'automne 1940.) Ceschia est le premier communiste<br />

à avoir été fusillé à la Malpierre le 26 mars 1941.<br />

3. L'action directe<br />

Hiver 41-42: des rapports de police signalent des incendies<br />

dans des fermes du Pays Haut qui sont passées aux mains de<br />

l'Ostland. Cette forme d'action sera abandonnée pour passer à<br />

des attentats<br />

En mars 1942, un vol de 425 kg d'explosifs à la carrière de<br />

Ludres va permettre d'alimenter les groupes de voltigeurs de<br />

tout le département.<br />

La destruction des communistes devient l'objectif n°1 des<br />

Allemands. Ils veulent les listes des communistes, pour compléter<br />

les leurs. Ils chargent la gendarmerie, les Renseignements<br />

Généraux, les Commissaires Spéciaux et la 15ème Brigade<br />

de le faire. Vichy y ajoute les enquêtes auprès des maires<br />

(3 entre septembre 40 et juin 41) et une enquête auprès des<br />

employeurs.<br />

…/...


Page 8<br />

…/...<br />

Jean-Claude Magrinelli nous présente ensuite Marcel Simon<br />

1<br />

Il est né le 4 février 1913, il est marié et est ouvrier professionnel.<br />

En 1936, il est secrétaire de la cellule du PCF de son entreprise,<br />

l'Etablissement Mécanique Moderne à Maxéville et milite également<br />

dans d'autres associations du quartier des Trois Maisons,<br />

entre autres au Comité d'aide à l'Espagne Républicaine.<br />

Sa femme Marie, militante également, est née le 7 mai 1913.<br />

Le couple a un fils.<br />

• Le premier document des archives qui parle de lui est pour<br />

signaler qu'il a été licencié après la grève du 30 novembre<br />

1938 dont nous avons parlé plus haut.<br />

• Un rapport de police du 16 avril 1941 le mentionne pour la<br />

deuxième fois lorsqu'il rapporte des propos de Marie Simon:"<br />

On met nos hommes en prison pour 15 jours..."<br />

En effet un arrêté du préfet du début de l'année 41 permet d'arrêter,<br />

pour 2 semaines, les distributeurs de tracts. C'est ainsi<br />

qu'à la suite d'une perquisition à son domicile-qui n'a révélé<br />

aucun tract mais un calepin portant les noms de responsables<br />

communistes- que Marcel Simon est arrêté le 25 avril 1941,<br />

(comme 14 autres militants) incarcéré à Charles III pour menées<br />

communistes le 29 et condamné à 4 mois de prison pour le<br />

même motif. Il sera libéré en août et passera dans la clandestinité.<br />

Les listes de "suspects" établies le même mois, en particulier<br />

celle des chefs d'entreprises le signalent comme un élément<br />

dangereux à tel point qu'en octobre 1941, la Cour Spéciale de<br />

Nancy le condamne une deuxième fois, à 10 ans de travaux<br />

forcés par contumace.<br />

Dans la clandestinité, il est entré dans le groupe de voltigeurs<br />

"TP" (travail particulier) premier nom des FTP et va participer<br />

à 14 actions directes dont 8 sabotages, le plus connu étant celui<br />

du pont-levant de Malzéville le 30 avril 1942.<br />

Après les arrestations de Vurpillot, Paci et des autres, (où la<br />

Section anti-communiste de la 15ème brigade, créée le 2 mai<br />

1942, va se révéler très efficace) il est devenu "le" personnage<br />

dangereux car c'est un des rares qui soit resté en liberté. Il va<br />

réussir à reconstituer des structures à Homécourt, Piennes et<br />

dans la banlieue de Nancy.<br />

L'attentat en gare de Champigneulles dans la nuit du 7 au 8<br />

janvier1943 va être suivi, dès le lendemain de 38 perquisitions<br />

puis de la traque de ceux qui avaient réussi à s'échapper.<br />

Le 11 mai 1943, en forêt de Haye, Marcel Simon est abattu à<br />

18 heures 30 alors que d'autres membres de sa "bande" comme<br />

le disent les rapports de police, sont arrêtés.<br />

Jean-Claude Magrinelli termine son intervention en nous lisant<br />

le rapport de police rédigé le soir même de la mort de Marcel<br />

Simon.<br />

Après les échanges avec l'assistance, nous avons pu exposer les<br />

recherches de l'AFMD sur les fusillés de la Malpierre à la suite<br />

de l'échec de notre projet de plaque nominative.<br />

Conférence tenue le 12 novembre <strong>20</strong>11<br />

Compte-rendu rédigé par Claude Favre, secrétaire de<br />

l'AFMD 54.<br />

1 Il s'agit de l'homonyme du Marcel Simon de Ludres, lui aussi membre<br />

de la résistance communiste du département et qui a été fusillé à la Malpierre<br />

en juillet 1942, en même temps qu'Albert Vurpillot.<br />

Les camps d'internement en France (1938-1946)<br />

Denis PESCHANSKI<br />

Historien spécialiste de l'histoire de la France de Vichy 1<br />

Directeur de recherche au CNRS<br />

Membre du Centre d'Histoire Sociale du XXème siècle.<br />

La mémoire des camps a longtemps été oblitérée. Il n'existe plus aucune trace physique de ces camps, excepté à Rivesaltes,<br />

resté camp militaire. Le camp de Drancy avait été installé dans une Habitation à Bon Marché (HBM) en construction; le programme<br />

de logement a été achevé après la guerre. Le camp d'Aix-les-Milles avait été installé dans une tuilerie qui est redevenue<br />

une tuilerie. Aussi les musées mémoriels sont peu nombreux, récents ou en cours d'ouverture. Dans le nord du pays, en dehors de<br />

Compiègne, Pithiviers est ouvert depuis 2 ans. Dans le sud, sont en cours les musées de Rivesaltes et des Milles.<br />

En effet, l'histoire de ces camps n'a démarré qu'à la fin des années 80 quand la singularité du régime de Vichy a commencé à<br />

être étudiée et qu'il n'a plus été vu uniquement sous l'angle de la collaboration avec les nazis mais aussi comme l'application du<br />

programme de la "Révolution nationale". Des recherches plus précises ont permis ainsi de réaliser que :<br />

l'internement administratif avait concerné 600 000 personnes jugées "potentiellement dangereuses" et que <strong>20</strong>0 camps avaient<br />

été ouverts, par les autorités françaises, de trois régimes successifs, entre 1939 (la première loi datant de 1938) et juin 1946<br />

(fermeture du dernier camp).<br />

Quatre périodes peuvent être dégagées de l'étude, relevant à chaque fois de logiques différentes.<br />

1 Auteur, entre autres de "La France des camps:l'internement, 1938-1946"Gallimard <strong>20</strong>02. Texte remanié de son Doctorat d'Etat.<br />

…/...


…/...<br />

La première période: de 1938 à 1940. La<br />

IIIème République finissante suit une logique<br />

poli que.<br />

Il s'agit d'une logique d'exception: la loi du 12/11/1938 est prise<br />

pour réagir à une situation d'exception, qui ne doit donc pas<br />

durer (même s'il y aura quand même des dérapages).<br />

Cette loi vise les indésirables étrangers dans un contexte qui est<br />

d'abord celui de l'après Münich et de la menace de guerre. A<br />

cela se rajoute la xénophobie d'Etat, relayant elle-même une<br />

mentalité très répandue qui mêle anticommunisme, xénophobie,<br />

pacifisme et antisémitisme.<br />

Quatre catégories de personnes vont être concernées:<br />

1. Les opposants allemands: en 1938, cela représente peu de<br />

monde<br />

2. Les Républicains espagnols et les Brigadistes: la Retirada va<br />

voir affluer en France, à partir de février 1939, 500 000 personnes,<br />

pour moitié des civils, pour moitié des militaires, alors<br />

que les autorités françaises en attendaient 10 fois moins.<br />

Ce sont 350 000 d'entre eux qui vont être internés or, rien n'est<br />

prêt pour les accueillir et ce qui va être construit rapidement,<br />

comme le camp de Gurs, le sera pour un usage provisoire car le<br />

gouvernement prévoyait que tout serait réglé à la fin de l'été.<br />

Ce camp a finalement fermé le 31 décembre 1945.<br />

Conçu pour héberger <strong>20</strong> mille personnes, les baraques qui y ont<br />

été édifiées en 7 semaines, par les réfugiés espagnols euxmêmes,<br />

ne comportaient pas de fenêtres mais des panneaux de<br />

bois: ouverts, ceux-ci laissaient entrer la pluie et le froid à la<br />

mauvaise saison et fermés, plongeaient les occupants dans le<br />

noir.<br />

Les réfugiés espagnols s'attendaient à être accueillis à bras<br />

ouverts et pas dans de telles conditions, l'année du 150ème<br />

anniversaire de la "Déclaration des Droits de l'Homme"!<br />

3. Les ressortissants de puissances ennemies, après la déclaration<br />

de guerre de septembre 1939.<br />

A cette date, ils sont environ <strong>20</strong> 000, Allemands ou Autrichiens.<br />

Pour 80%, ils ont fui les persécutions: ils sont juifs ou<br />

opposants politiques. Notons que si certains seront autorisés à<br />

se battre, dans la Légion Etrangère, ce sera en Afrique du Nord<br />

et pas en métropole. M. Pechanski remarque, qu'à l'égard de<br />

cette catégorie d'étrangers, l'attitude des autorités anglaises a<br />

été très différente: elles ont procédé à peu d'emprisonnement de<br />

ressortissants allemands car elles ont commencé par les trier,<br />

au lieu de tous les enfermer par mesure de protection. Il souligne<br />

qu'en France, l'idéologie sous-jacente est que cette guerre<br />

n'a justement rien d'idéologique: elle est vue comme une répétition<br />

de la guerre de 1914-1918 et les ressortissants allemands<br />

sont vus, non pas d'abord comme des réfugiés anti-nazis mais<br />

comme des Allemands. Même ayant fui leur pays, ils ne peuvent<br />

être que du côté de celui-ci.<br />

4. Une deuxième loi, du 18/11/1939 va élargir le champ des<br />

internements aux communistes. Dissous, le Parti Communiste a<br />

alors comme stratégie de renvoyer dos-à-dos les impérialismes.<br />

Les arrestations vont concerner entre 500 et 1000 personnes.<br />

En conclusion, pendant cette période, le fait que la guerre se<br />

fasse à l'intérieur du pays cache qu'elle n'est absolument pas<br />

menée à l'extérieur.<br />

La deuxième période: de 1940 à 1942. Le<br />

régime de Vichy suit une logique d'exclusion.<br />

Page 9<br />

1. La carte des camps de décembre 1940 nous prouve que la<br />

plupart de ces camps (avec 55 000 internés) sont situés dans la<br />

zone non-occupée, la zone occupée ne comptant que 3000 personnes<br />

notamment des tziganes, internés à la demande des Allemands.<br />

Les occupants n'utilisent pas les camps comme un<br />

outil de leur politique de répression.<br />

Pour Vichy, les raisons de la défaite de 1940 sont liées au pourrissement<br />

du pays depuis 1789, à cause du complot de l'Anti-<br />

France (juifs, communistes, étrangers et franc-maçons). Les<br />

camps sont des outils au service de cette logique qui permet<br />

d'exclure les éléments jugés impurs: ils sont un outil de la politique<br />

de régénération nationale.<br />

Pour les Allemands: Vichy permet de faire écran pour assurer<br />

la sécurité des troupes d'occupation et pouvoir ponctionner les<br />

productions du pays le plus riche qu'ils occupent.<br />

Ce sont dans ces camps d'internement du Nord qui restent sous<br />

administration de Vichy jusqu'en 1941 pour Romainville et<br />

Compiègne, jusqu'en 1943 pour Drancy, que les Allemands<br />

prendront des otages en représailles après l'engagement dans la<br />

lutte armée du PCF.<br />

2. La vie dans les camps, sous administration française.<br />

M. Pechanski abordera rapidement trois thèmes:<br />

Les conditions matérielles dramatiques<br />

La résistance dans ces camps (révolte au Vernet en décembre<br />

1940)<br />

Le rôle des nombreuses oeuvres d'assistance qui vont intervenir<br />

auprès des internés, plus au Nord qu'au Sud Cimade, Quakers,<br />

OSE (Oeuvre de Secours aux Enfants) etc...<br />

Vichy les a autorisées à entrer dans les camps à condition de<br />

financer elles-mêmes toute amélioration de l'aide alimentaire<br />

et de ne pas gêner l'internement. Grâce à elles, beaucoup pourront<br />

être libérés et en juillet 1942, il reste environ 9000 internés<br />

seulement dans les deux zones; 70% des Espagnols étant retournés<br />

dans leur pays.<br />

Troisième période: de 1942 à 1944. C'est<br />

celle d'une autre logique, qui voit les camps<br />

d'internement se vider au profit des camps<br />

de concentra on, donc une logique de<br />

"transi on".<br />

La carte des camps d'août 1942 le montre bien: ce sont les Allemands<br />

qui ont la main maintenant et, même si la logique<br />

d'exclusion est toujours à l'oeuvre, les camps du sud se vident,<br />

mais vers le Nord en particulier vers Drancy, pour les juifs.<br />

Les premiers convois qui sont partis du Sud datent d'août 1942,<br />

donc bien avant l'occupation totale de la France (novembre<br />

1942) et concernent 10 000 juifs livrés par Vichy.<br />

Côté allemand, le génocide est devenu un nouvel objectif, qui<br />

s'ajoute à ceux de 1940. Cette logique d'extermination n'est pas<br />

celle de Vichy dont la stratégie est plus difficile à comprendre:<br />

pourquoi avoir accepté de participer à cette déportation ?<br />

…/...


Page 10<br />

…/…<br />

Le rôle de Laval, revenu au pouvoir en avril 1942, est essentiel pour comprendre ce choix:<br />

Pierre Laval joue la carte de la victoire allemande et d'une Europe nazie où il pourra négocier la place de la France.<br />

Pour cela, Laval a 2 atouts, qu'il donne à Hitler: de la main d'oeuvre (ce seront la Relève puis le STO) et les juifs étrangers.<br />

Ajoutons que les rafles des 16 et 17 juillet 1942, à Paris, seront organisées par la Haute administration française, réaffirmant<br />

ainsi la domination de la France sur tout le territoire, y compris en zone Nord.<br />

Sur les 300 à 3<strong>20</strong> mille juifs présents sur le territoire français, 76 000 seront déportés (1/4).<br />

Les oeuvres d'assistance évoquées plus haut vont, parfois, intervenir pour protéger cette population, dans l'aide aux enfants<br />

d'abord, puisque les Français ont demandé leur déportation. Certaines comme la Croix Rouge ou l'association américaine<br />

YMCA, en restant sur le plan légal, d'autres, comme la Cimade, en y ajoutant l'aide sur le plan illégal.<br />

Quatrième période: de la Libéra on à 1946. C'est celle d'une logique d'excep on,<br />

pendant la période du Gouvernement Provisoire.<br />

Le contexte est celui de l'épuration dont le résultat est de remplir à nouveau les prisons et les camps d'internement.<br />

Trois groupes de personnes sont à signaler:<br />

Des personnes suspectées de collaboration et de marché noir.<br />

Les Tsiganes qui vont rester enfermés après la fin de la guerre. 2<br />

Des civils allemands: c'est pour eux que le taux de mortalité est le plus élevé.<br />

Conclusion :<br />

Deux pistes de réflexion sont ouvertes:<br />

• Sur l'utilisation de cet outil (le camp d'internement) dans un régime démocratique.<br />

• Sur la responsabilité de l'Etat français.<br />

Les fonctionnaires français des camps, pour la plupart, n'adhéraient pas à ce qu'ils faisaient, certains même pleuraient au départ<br />

des Juifs, mais ils faisaient le travail demandé.<br />

Pour faire acte de résistance, il fallait être dans l'esprit de résistance or, la résistance en général a été un phénomène assez limité<br />

en France (<strong>20</strong>0 à 300 mille engagés?), il fallait s'opposer à une autorité française; or Vichy a donné au personnel, français, de<br />

ces camps, la légitimité de ne pas s'opposer.<br />

C'est l'un des plus graves crimes de Vichy.<br />

Quelques questions ont ensuite été posées à M. Pechanski.<br />

La plus importante l'a été par Mme Jacubert et concerne la question de la déportation des enfants, un sujet qui la bouleverse<br />

encore, comme d'autres personnes dans l'assistance, l'orateur y compris.<br />

M. Pechanski pense que, pour Laval, déporter les enfants avec les parents, c'était une façon de répondre aux protestations de<br />

ceux qui, face à la déportation des parents, dénonçaient le démembrement des familles. M. Peschanski pense surtout que garder<br />

les enfants de moins de 16 ans était la marque de la trahison, la trace vivante qu'il avait livré leurs parents, juifs étrangers.<br />

Il a donc demandé aux Allemands de pouvoir leur livrer les enfants mais il n'a pas obtenu de réponse immédiate et les enfants,<br />

séparés des parents partis en premier, seront donc déportés, seuls.<br />

M. Pechanski nous lit le témoignage, bouleversant, d'Odette Daltroff-Baticle, assistante sociale ayant assisté à l'arrivée à Drancy<br />

des enfants de 15 mois à 13 ans en provenance de Pithiviers, dans l'état pitoyable que l'on imagine. Ce sera le seul moment de la<br />

conférence où l'orateur, bouleversé, lira le texte reproduit ci-dessous.<br />

Dans un autre volet de sa réponse, le conférencier explique que lors de la rencontre Laval-Oberg, de septembre 1942, il n'a été<br />

question que se mettre d'accord sur une "convention de langage" à savoir que répondre à ceux qui demandent ce que deviennent<br />

les juifs livrés aux allemands.<br />

Le compte rendu officiel de la rencontre est d'ailleurs éloquent à ce sujet puisqu'il commence ainsi:"Il a été convenu que..."<br />

Une dernière précision: la politique d'internement de Vichy mise en oeuvre par Laval (voir la 3ème période) est motivée par sa<br />

vision géopolitique de la France dans une Europe nazie. Le maréchal Pétain n'est pas à l'origine de cette politique, même si son<br />

antisémitisme est bien plus profond que celui de Laval mais il ne mettra aucun obstacle à la politique de ce dernier.<br />

Conférence organisée par l'Association des professeurs d'Histoire Géographie de Lorraine et l'Association lorraine des<br />

anciens lauréats du Concours de la Résistance et de la Déportation,<br />

le 13 mars <strong>20</strong>12 au Conseil Général de Meurthe-et-Moselle.<br />

Compte-rendu de Claude Favre et Patrice Lafaurie. AFMD 54.<br />

…/...<br />

2 D.Peschanski est aussi l'auteur avec 2 autres historiens de "Les Tsiganes en France:1939-1946) Paris CNRS Editions. Réédition <strong>20</strong>10


…/...<br />

Voici mon secret,<br />

Il est simple<br />

On ne voit bien qu’avec le cœur<br />

L’essen el est invisible pour les<br />

Yeux<br />

Le Pe t Prince<br />

Antoine de Saint Exupéry<br />

Le texte lu par Denis Pechanski est extrait de:<br />

Enfants et adolescents juifs dans le système concentrationnaire nazi.<br />

Témoignages d'adolescents déportés à Auschwitz.<br />

C.N.R.D <strong>20</strong>08-<strong>20</strong>09<br />

Page 10: les enfants de Pithiviers: l'arrivée à Drancy.<br />

Extrait d'Odette Daltroff-Baticle, témoignage rédigé en 1943 et confié à Serge Klarsfeld en 1977, publié par Serge Klarsfeld,<br />

dans Calendrier de la persécution des Juifs de France 1940-1944, New-York, 1993, p.404.<br />

Des autobus arrivent. Nous en sortons des petits êtres dans un état inimaginable. Une nuée d'insectes les environnent ainsi qu'une<br />

odeur terrible. Ils ont mis des jours et des nuits pour venir de Pithiviers, wagons plombés; 90 par wagon avec une femme qui a 2,<br />

3, 4 gosses à elle dans le tas. Ils ont de 15 mois à 13 ans, leur état de saleté est indescriptible, les trois-quarts sont remplis de<br />

plaies suppurantes; impétigo. Il y aurait tant à faire pour eux. Mais nous ne disposons de rien... Immédiatement nous organisons<br />

des douches. Pour 1000 enfants, nous disposons de quatre serviettes! Et encore avec difficulté. Une fois nus, ils sont encore plus<br />

effrayants. Ils sont tous d'une maigreur terrible et vraiment presque tous ont des plaies...autre drame ils ont presque tous la dysenterie.<br />

On leur administre du charbon, on les barbouille de mercurochrome. On voudrait les mettre tous à l'infirmerie; c'est impossible:<br />

ils doivent repartir vers une destination inconnue...<br />

http://www.cercleshoah.org/IMG/pdf/Livret enfants adolescents systeme nazi.pdf<br />

Chacun Chacun Chacun est<br />

est<br />

L’ombre<br />

L’ombre<br />

De De tous<br />

tous<br />

Paul Paul Eluard<br />

Eluard<br />

(au (au (au RDV RDV Allemand)<br />

Allemand)<br />

Page 11


Page 12<br />

Dans le cadre des 7èmes rencontres départementales<br />

de lu e contre les discrimina<br />

ons organisées par le Conseil Général<br />

de Meurthe-et-Moselle, une conférence<br />

a été organisée le 11 mai <strong>20</strong>12 ;<br />

Elle portait sur:<br />

"L'histoire de l'immigration<br />

juive en Meurthe-et-Moselle de<br />

1870 à nos jours"<br />

Bruno Cohen, directeur de l'Associa"on<br />

Culturelle Juive nous accueille au 55 rue<br />

des Ponts, dans ce lieu symbolique de<br />

l'immigra"on des juifs d'Europe Centrale,<br />

essen"ellement Polonais, dans les années<br />

<strong>20</strong>. Très vite ils créèrent ce?e associa"on<br />

et recherchèrent un local. La maison<br />

où nous sommes a été un lieu de<br />

leur intégra"on à Nancy puis, après le<br />

passage drama"que de la guerre- la<br />

plaque mémorielle de l'entrée en témoigne-<br />

elle est devenue le cœur de leur<br />

œuvre de témoignage.<br />

Le conférencier, Vincent Ferry,<br />

sociologue à l'Université Lorraine,<br />

commence par un état des<br />

lieux:<br />

L'histoire de l'immigra"on dans le Pays<br />

Haut est bien connue, celle du bassin du<br />

fer l'est assez bien, par contre il reste<br />

beaucoup à faire pour celles de Nancy,<br />

Pompey et Neuves-Maisons et tout est à<br />

entreprendre sur le Lunévillois.<br />

Un pe"t film, tourné avec ses étudiants<br />

et bientôt disponible sur You Tube<br />

montre la force de l'immigra"on dans<br />

notre département: dans tous les<br />

groupes rencontrés, 60 à 80% des gens<br />

ont au moins un de leurs 4 grandsparents<br />

qui en est issu. En remontant 2<br />

généra"ons, il est difficile de trouver des<br />

familles d'autochtones.<br />

Aux origines:<br />

Il rappelle ensuite l'histoire du département<br />

et l'origine de sa forme si é"rée:<br />

l'annexion des régions germanophones<br />

du nord de la Moselle s'est faite avant la<br />

découverte des mines de fer situées,<br />

elles, dans la par"e francophone (le Pays<br />

Haut) et ra?achées à la<br />

Meurthe...devenue "Meurthe-et-<br />

Moselle".<br />

Dans la région d'Hussigny, il y a encore<br />

des restes de mines à ciel ouvert et ce<br />

sont les gros agriculteurs de la région qui<br />

y ont installé les premières pe"tes<br />

forges: (la première date de 1853, à Gorcy<br />

) encouragés par les grosses demandes<br />

pour les chemins de fer. Ce sont<br />

ces gros agriculteurs-là qui deviendront<br />

les "maîtres de forge" de la sidérurgie<br />

lorraine.<br />

La mine de Neuves-Maisons ouvre en<br />

1874 et l'exploita"on commence en<br />

1881 mais ce n'est qu'après l'adop"on<br />

du procédé Thomas pour déphosphorer<br />

ce?e "mine?e lorraine" que les inves"ssements<br />

se développeront dans la sidérurgie<br />

en par"culier de 1880 à 1914.<br />

C'est de Wendel (originaire de la première<br />

vague d'immigra"on!) qui a racheté<br />

le procédé et la première aciérie Thomas<br />

verra le jour à Joeuf.<br />

La Lorraine a d'autres atouts que le fer:<br />

le charbon n'est pas loin, il y a des voies<br />

d'eau et, surtout, il y a de vastes espaces<br />

inhabités, parsemés de quelques bourgades.<br />

C'est ainsi que seront testées<br />

dans la région, les usines intégrées de 2<br />

ou 3 kilomètres de long.<br />

Le revers de la médaille est que la main<br />

d'œuvre paysanne locale n'est pas suffisante<br />

pendant ce?e belle période de<br />

développement et que, réalisant vite que<br />

ces espaces miniers et industriels sont<br />

très dangereux, elle refusera d'aller y<br />

travailler. Ce sera tout à fait différent<br />

dans le tex"le de la par"e vosgienne du<br />

département: les paysans du cru y travailleront<br />

en complément de salaire et<br />

l'immigra"on n'y débutera que très tard,<br />

dans les années 50-60.<br />

L'immigra on en Meurthe-et-<br />

Moselle, c'est d'abord le fer.<br />

Les différentes vagues d'immigra on.<br />

Sont venus successivement<br />

• Des Alsaciens-Mosellans ayant opté<br />

pour la France en 1871.Ceux qui n'ont<br />

pas choisi les Landes (où ils ont introduit<br />

le foie gras) ou la colonisa"on en<br />

Algérie, vont assurer l'essor de Nancy.<br />

Il y a cependant peu d'ouvriers<br />

poten"els parmi eux: pe"ts patrons,<br />

commerçants etc...<br />

• La première immigra"on est transfrontalière:<br />

ce sont des Belges,<br />

Luxembourgeois, Néerlandais<br />

(comme le père d'André Citroën)<br />

mais sont-ils pour autant des immigrés?<br />

Ceux de la fron"ère, sûrement<br />

pas...Par contre, plus la zone d'origine<br />

s'éloigne, plus l'idée qu'on a affaire à<br />

des étrangers augmente.<br />

• Les patrons vont choisir de recruter<br />

des ingénieurs et techniciens en<br />

France et d'aller à l'étranger pour le<br />

reste et en premier lieu en Italie. Les<br />

Italiens ont été choisis car certaines<br />

équipes avaient travaillé dans les<br />

chemins de fer, en par"culier pour<br />

creuser les tunnels des Alpes. De<br />

même ce sont des ouvriers du Frioul<br />

qui ont travaillé comme mozaïciens<br />

pour la cathédrale St Epvre. Les entrées<br />

vont être massives:<br />

En 1872, il y a 40 italiens dans l'arrondissement<br />

de Briey.<br />

En 1914, il y en a 46 000....<br />

Avant la guerre de 1914, il existe également<br />

une immigra"on serbe, croate,<br />

slovène mais ces "Yougoslaves" d'avant<br />

la Yougoslavie ne sont que quelques centaines.<br />

Mode de recrutement<br />

C'est le patronat qui a inventé le mode<br />

de recrutement encore en place actuellement:<br />

associés entre eux, les patrons<br />

représentent une puissance suffisante<br />

pour obtenir des accords diploma"ques<br />

(dès 1890 avec l'Italie) leur perme?ant<br />

d'organiser le recrutement direct des<br />

hommes. Ce sont des recruteurs, payés<br />

par les patrons, qui font signer les contrats<br />

de travail sur place, le transport<br />

étant organisé ensuite. De là vient le fait<br />

que ce sont des gens des mêmes villages<br />

qui se retrouvent dans les mêmes usines:<br />

à Villerupt, les ouvriers sont originaires<br />

de 4 cantons seulement<br />

Mo"va"ons: Pourquoi venaient-ils?<br />

Pourquoi viennent-ils actuellement?<br />

Il faut avoir à l'esprit que, quelle que soit<br />

la période l'immigré pense par rapport à<br />

son pays, par rapport à un différen"el de<br />

salaire: avant 1914, celui-ci était de 1 à<br />

30 ou à 40 pour un ouvrier italien.<br />

Ce que Vincent Ferry appelle la<br />

"xénophobie de proximité" s'est forgée<br />

contre les Italiens à par"r de 1890:<br />

chasse à l'homme, pogroms, une violence<br />

organisée qui va jusqu'au meurtre<br />

(en 1894, à Joeuf, le cahier journalier fait<br />

état de 60 Italiens qui sont entrés à<br />

l'usine le ma"n mais ne sont jamais ressor"s...)<br />

et qui a duré très longtemps<br />

dans notre région. C'est la popula"on qui<br />

a été le plus s"gma"sée.<br />

…/...


…/...<br />

En même temps, les villageois autochtones<br />

ont été les premiers confrontés à<br />

l'arrivée de con"ngents massifs de ces<br />

immigrés : à Joeuf par exemple, la popula"on<br />

est passée de <strong>20</strong>0 hab. en 1880 à<br />

10 000 en 1914!!! Car, aux 300 à 400<br />

ouvriers-dont certains sont Italiens- qui<br />

sont venus préparer l'exploita"on pendant<br />

3 ou 4 ans vont succéder, par<br />

vagues annuelles, 300 à 400 immigrés<br />

lorsque l'exploita"on va commencer.<br />

Le cadre de vie villageois, calme, est devenu<br />

industriel et pollué et ce qui<br />

marque la transforma"on, ce sont ces<br />

groupes d’Italiens. Ils ont été recrutés<br />

pour leur robustesse, ils sont donc plutôt<br />

jeunes, costauds et célibataires. (.70%<br />

d'entre eux ont entre <strong>20</strong> et 30 ans).<br />

Leurs condi"ons de logement sont difficiles,<br />

ce qui pose des problèmes sanitaires.<br />

Ils vivent plus dehors, ils ont des<br />

accordéons et des banjos et dansent<br />

entre hommes!!!Ce sont des "sauvages"<br />

pour les gens du cru.<br />

Les répercussions sur la vie du village<br />

sont évidentes et la réac"on de rejet par<br />

rapport à un groupe qui vient "casser" le<br />

système se comprend.<br />

Loin des idées reçues sur le sujet, le facteur<br />

religieux n'a pas été un élément<br />

d'intégra"on. En effet, l'Eglise était plus<br />

sectaire à l'époque et les différences de<br />

pra"que religieuse ont été ignorées ou<br />

niées, comme ce?e habitude d'a?endre<br />

le curé chez soi, le jour de Pâques, pour<br />

qu'il bénisse les œufs avant que les gens<br />

puissent aller communier. Sans compter<br />

le fait que les nouveaux venus s'installaient<br />

dans l'église sur les bancs aux<br />

places a?ribuées depuis longtemps à<br />

telle ou telle famille! Dans ces cas-là, ils<br />

se faisaient expulser des lieux.<br />

Le problème de la langue est essen"el: la<br />

communica"on permet l'intégra"on<br />

(cela est valable pour toutes les immigra-<br />

"ons)<br />

En général, les hommes qui arrivaient<br />

étaient analphabètes et parlaient des<br />

langues dialectales. Lorsque l'Eglise a<br />

envoyé des prêtres dans le Pays Haut, à<br />

par"r de 1912, ceux-ci ont réalisé<br />

qu'ayant appris l'italien au séminaire, ils<br />

ne pouvaient pas se faire comprendre<br />

des Italiens rencontrés. Certaines personnes<br />

âgées parlent encore actuellement<br />

leur dialecte: elles ont toujours été<br />

entourées de gens parlant le même!<br />

La communauté sert de refuge linguis-<br />

"que, surtout en terre étrangère et entendre<br />

parler sa langue est indispensable<br />

pour l’équilibre personnel.<br />

Tous le disent, le produit qui manquait le<br />

plus aux Italiens était la tomate, absente<br />

des jardins à la fin du19ème siècle. Or,<br />

parmi les arrivants, 1 à 2% étaient commerçants<br />

avant de venir travailler dans<br />

la sidérurgie: dès qu'ils le pourront, ils<br />

vont redevenir commerçants pour les<br />

besoins de leur communauté.<br />

Ce?e dernière sert également d'autoreconnaissance<br />

sociale, elle va organiser<br />

des manifesta"ons etc...Tout ceci s'est<br />

fait très lentement mais Vincent Ferry<br />

fait une sorte de bilan des apports durables:<br />

la danse par couple, l'accordéon,<br />

les pâtes et la tomate.<br />

Pour lui, les principes et les mécanismes<br />

sont iden"ques pour toutes les immigra-<br />

"ons.<br />

• Période de la guerre de 1914: l'Italie<br />

n'étant pas une alliée, ses ressor"ssants<br />

ont été expulsés. En 3 jours,<br />

4<strong>20</strong>00 des 46000 Italiens de Briey<br />

l'ont été (quelle efficacité!). Les<br />

mines ont cessé toute ac"vité. Pendant<br />

la guerre, le gouvernement<br />

français va rappeler des con"ngents<br />

italiens mais vers St E"enne, loin de<br />

la ligne de front. En 1916, le gouvernement<br />

italien, désormais allié de la<br />

France, négocie le retour de ses ressor"ssants<br />

avec des garan"es, de<br />

logement en par"culier.<br />

• Entre les deux guerres, les besoins<br />

en main d'œuvre sont énormes et<br />

les immigra"ons vont se mul"plier:<br />

les Italiens bien sûr mais des nouveaux<br />

(<strong>20</strong>% de retour des anciens<br />

seulement)<br />

L'Est de l'Europe se recomposant, arrivent<br />

des migrants d'origine poli"que,<br />

venus de Pologne (ils sont catholiques ou<br />

juifs) puis des Arméniens, Tchèques,<br />

Ukrainiens (400 000 et sans doute plus)<br />

et Russes, ceci juste après la guerre. Très<br />

peu d'études ont été réalisées en Lorraine<br />

sur ce sujet mais ces arrivées ont<br />

été importantes.<br />

Les réfugiés poli"ques ne sont pas tous<br />

des ouvriers sauf les Polonais qui sont<br />

davantage des prolétaires.<br />

La différence entre migra"on économique<br />

et migra"on an"fasciste est difficile<br />

à faire pour les Polonais juifs et les<br />

Italiens car la mémoire familiale réifie<br />

l'histoire.<br />

Page 13<br />

La deuxième immigra"on numérique en<br />

Meurthe-et-Moselle, après les Italiens,<br />

sera celle des Polonais et concernera<br />

plusieurs centaines de milliers de personnes.<br />

Là encore, les patrons con"nuent à négocier<br />

directement avec les gouvernements:<br />

il y a deux ambassadeurs de<br />

France à Rome dont un au nom des<br />

maîtres de forge!<br />

L'intérêt de la Pologne est sa proximité<br />

géographique: l'aller-retour y est facilité<br />

alors que, jusque-là, l'émigra"on polonaise<br />

se dirigeait vers les Etats-Unis. Tradi"onnellement<br />

mineurs dans le charbon,<br />

les Polonais vont peu à peu arriver<br />

dans les mines de fer. A Tucquegnieux,<br />

dans le bassin de Briey, ils seront 30 à<br />

40%.<br />

Entre les deux guerres, la communauté<br />

polonaise connaîtra le même phénomène<br />

de rejet que les Italiens, y compris<br />

sur le plan religieux. Ils ont dû construire<br />

leurs propres églises et Tucquegnieux<br />

avec ses quar"ers polonais, italien et<br />

français a connu des batailles de rue<br />

entre ces trois groupes.<br />

A Nancy, le phénomène sera différent.<br />

Dans la années <strong>20</strong>, il y a pas mal d'étudiants<br />

et d'intellectuels parmi les immigrants<br />

poli"ques et les autres, dès qu'ils<br />

le peuvent, viennent s'installer à Nancy.<br />

Ils vont inves"r l'école, pour eux puis<br />

pour leurs enfants. Au recensement de<br />

1936, Nancy compte 36% de popula"on<br />

ouvrière mais elle n'est pas uniquement<br />

une ville ouvrière. Les familles qui ont un<br />

niveau socio-culturel plus élevé au départ<br />

vont très vite devenir cadres, enseignants<br />

et prendre plus vite la na"onalité<br />

française. Ils seront plus respectés et<br />

connaîtront moins la xénophobie de<br />

proximité évoquée plus haut.<br />

Importance pour les poli"ques à aller<br />

vers les immigrés.<br />

Le premier par" poli"que qui ait reconnu<br />

l'immigra"on et qui en a bénéficié et en<br />

bénéficie toujours localement, est le<br />

Par" communiste français. Il a cons"tué<br />

des groupes de langue en 19<strong>20</strong>-1922,<br />

par volonté d'intégrer les étrangers an"fascistes.<br />

…/...


Page 14<br />

…/...<br />

• Après la deuxième guerre:<br />

Les arrivées d'Europe de l'Est cessent<br />

après 1948 (rideau de fer), celles d'Italie<br />

se tarissent dans les années 50 (essor<br />

économique italien). Il ne reste que les<br />

militaires originaires des colonies qui<br />

puissent être gardés en France. Les patrons<br />

s'inquiètent. Et vont reprendre la<br />

technique des négocia"ons directes avec<br />

les Etats: ce sera avec l'Espagne à par"r<br />

des années 50 puis avec le Portugal- qui<br />

sera le quasi-monopole de la France.<br />

Un peu plus tard, les accords de décolo-<br />

nisa"on avec le Maroc et la Tunisie de<br />

1956, comporteront en 1er point la librecircula"on<br />

des travailleurs. Il y aura la<br />

même condi"on dans ceux de 1962 avec<br />

l'Algérie. Le patronat peut y recruter<br />

comme il veut.<br />

• Aujourd'hui, il n'existe plus de<br />

recrutement massif et l'immigra-<br />

"on se déroule dans un monde<br />

plus ouvert.<br />

L'origine des arrivants est plus large et<br />

vient d'Asie ou d'Afrique sub-saharienne.<br />

Un exemple: en 1965, un accord est signé<br />

entre la France et le Gabon. En<br />

4 e Journée d’études sur les guerres au XXe siècle<br />

Collège Croix de Metz de Toul (54)<br />

Lundi 19 mars <strong>20</strong>12<br />

échange de l'exploita"on de leur pétrole<br />

par Total, un con"ngent d'ouvriers et<br />

d'étudiants est accueilli en France. Les<br />

Gabonais que l'on peut rencontrer à<br />

Nancy sont venus uniquement pour les<br />

études.<br />

Vincent Ferry conclut en soulignant que<br />

l'immigra on est une richesse dont<br />

nous bénéficions tous sans nous en<br />

rendre compte.<br />

Claude FAVRE<br />

Pour la quatrième année consécutive, tous les élèves de 3 e , soit 105 adolescents, accompagnés d’élèves de l’ULIS (1<br />

adolescent) et de 3 e SEGPA (30 adolescents) ont participé à une journée d’études consacrée aux guerres au XX e siècle. La<br />

journée s’est déroulée en deux temps. Le matin, les élèves ont assisté à quatre ateliers d’une heure, animés par des spécialistes<br />

des questions abordées. L’après midi, deux conférences simultanées ont permis aux élèves d’être au contact direct de la<br />

fabrique de l’Histoire.<br />

Les quatre ateliers matinaux ont abordé les thématiques suivantes :<br />

Les procès de Nuremberg et de Tokyo (animé par Mlle Schöpfel – Université de Lorraine – CRULH)<br />

Toul et la guerre (animé par M. Masson – Inventaire de Lorraine)<br />

La guerre aujourd’hui : l’armée française et ses missions (animé par M. le Lieutenant-colonel Thépenier – Armée de terre<br />

- Paris)<br />

La guerre entre la France et l’Allemagne : l’exemple de l’équipement militaire (animé par M. Oster – Société<br />

philomathique vosgienne)<br />

Les conférences de l’après-midi ont marqué et passionné les élèves lors des interventions suivantes :<br />

Le témoignage d’une résistance déportée par Mme Clément (AFMD 54)<br />

La Shoah par balles par M. Preux (historien, Yahad-in-Unum chargé du lien entre l’université de la Sorbonne (Paris IV) et<br />

l’association Yahad-in-Unum)<br />

Pour accompagner cette journée plusieurs projets ont été mis en place. Grâce à l’AFMD 54, une exposition a été présentée<br />

au CDI de l’établissement durant plusieurs semaines en mars et avril. Certains panneaux ont en outre illustrés les ateliers et<br />

les conférences. Puis, les 105 élèves de 3 e du collège ont visité à la fin du mois de mai le camp du Struthof-Natzweiler. Entre<br />

temps, 19 élèves ont eu la chance de visiter l’Holocauste Mémorial de Washington lors de leur séjour scolaire aux Etats-Unis.<br />

Il ressort de ces journées plusieurs constats. D’abord, la presse s’est désintéressée, pour la première fois en quatre ans, du<br />

projet, ce qui est regrettable. Ensuite, si certains peuvent encore s’interroger de l’utilité d’une telle manifestation, il suffit de<br />

rapporter d’une part que quelques élèves ont tenu des propos antisémites et négationnistes, et d’autre part que beaucoup<br />

d’adultes méconnaissent l’histoire des guerres du XX e siècle et des crimes qui en découlent. Face à cette situation, le devoir<br />

des enseignants d’histoire-géographie est d’œuvrer à la transmission de savoirs précis, de faire connaître les faits et l’histoire<br />

des hommes et des femmes qui vécurent ces tragiques événements, de montrer à quel point la Liberté et la démocratie restent<br />

des biens fragiles. La lutte contre la xénophobie, la haine de l’étranger et contre l’inhumanité reste un combat permanent qu’il<br />

faut prendre sérieusement à bras le corps. De nouvelles pédagogies de ces questions deviennent indispensables pour faire<br />

comprendre aux élèves, comme aux adultes, ces événements mais aussi pour répondre à leurs questions.<br />

Finalement, l’espoir vient des élèves et de ces adultes car ils veulent comprendre et agir à leur tour. A plusieurs reprises<br />

depuis la tenue de cette journée, les enseignants ont pu constater à quel point la portée de ces programmes pousse à la<br />

réflexion celles et ceux qui en ont bénéficié. Sans nul doute, les 5 e journées auront lieu en <strong>20</strong>13.<br />

E enne Logie<br />

Professeur d’histoire-géographie au collège Croix de Metz - 54<strong>20</strong>0 Toul<br />

…/...


7h30 – 8h00 : Accueil des intervenants<br />

D’une guerre à l’autre<br />

4e Journée d’études historiques des élèves de 3e sur la guerre au XXe s.<br />

Programme de la journée :<br />

8h - 12h : Ateliers d’études (40 – 45 minutes par atelier) :<br />

Lundi 19 mars <strong>20</strong>12<br />

• Les procès de Nuremberg et Tokyo (Mlle Schöpfel – Chercheur Université de Lorraine)<br />

Toul et la guerre (M. Masson – Chercheur au C.R.U.L.H. Université Lyon 2)<br />

• La guerre aujourd’hui : l’armée française et ses missions (M. le Lieutenant-colonel<br />

Thépenier – Armée de Terre)<br />

• La guerre entre la France et l’Allemagne : l’exemple de l’équipement militaire (M. Oster<br />

– Société philomatique vosgienne)<br />

A partir de 13h45 : Conférence (réfectoire)<br />

Le témoignage d’une résistante déportée<br />

Par Mme Clément<br />

Ancienne agent de liaison et déportée-résistante au camp de Ravensbruck<br />

13h45 – 15h40 : Conférence (Foyer)<br />

La Shoah par balles<br />

Par M. Pierre-Philippe PREUX<br />

Historien – Professeur d’Histoire<br />

Chargé du lien entre l’université de la Sorbonne (Paris IV) et l’association Yahad-In-Unum<br />

Page 15


Page 16<br />

UNE BELLE CARRIÈRE DE SOLDAT ET DE RÉSISTANT<br />

Le lieutenant-colonel Udalric VIET (1894-1961)<br />

Deuxième partie : le résistant 1941-1944<br />

Après l’armis"ce du 11 novembre 1918, le lieutenant Viet part pour les<br />

Balkans et l’Orient avec son régiment. En Hongrie, il par"cipe à la lu?e<br />

contre les communistes de Bela Kun puis il est affecté à Constan"nople<br />

où il est hospitalisé en raison des séquelles de ses intoxica"ons par les<br />

gaz (24 septembre-11 novembre 1919). Il est décoré dans ce?e ville de la<br />

croix de chevalier de la Légion d’Honneur, puis après 18 mois passés à<br />

l’Etat-Major de la Division Territoriale de Turquie, il regagne la France en<br />

juin 1921. Il est affecté au 26 ème B.C.P. à Thionville puis il sert comme capitaine<br />

au 26 ème R.I. de Nancy. Il y élabore les mesures de protec"on de<br />

la ville contre les a?aques aériennes et procède à l’instruc"on des officiers<br />

et sous-officiers de réserve dans plusieurs centres de Meurthe-et-<br />

Moselle. Lors de la Seconde Guerre Mondiale, il est chef de bataillon au<br />

223 ème R.I., qui, durant l’hiver 1939-1940, patrouille près de la fron"ère<br />

allemande. En mai-juin 1940, son unité est repliée derrière la ligne Maginot<br />

puis bat en retraite vers les Vosges. Le 21 juin 1940, le capitaine<br />

Udalric Viet est capturé à Bru dans les Vosges au milieu de ses hommes<br />

dont pra"quement aucun n’aura fait défec"on.<br />

Il est ensuite interné le 25 août 1940, sous le matricule n° 1.112 à l’Oflag XIII A situé près de Nuremberg. En<br />

France, sa femme écrit une le?re au président de la Croix Rouge Interna"onale à Genève pour obtenir sa libéra-<br />

"on, en raison des nombreuses blessures reçues en 1914-1918 (le?re de Nancy, 16 janvier 1941). Dans l’Oflag, le<br />

capitaine feint des malaises afin d’obtenir plus vite son rapatriement mais celui-ci tarde et Udalric Viet décide de<br />

s’évader avec l’aide d’un lieutenant originaire d’Alsace parlant parfaitement l’allemand : « tous deux, habillés en<br />

civil plume au chapeau, franchissent aisément l’entrée du camp en prenant, à l’aide de mètres, de prétendues<br />

mesures ». Ils prennent le train dans une gare proche mais un contrôle d’iden"té inopiné met fin à la tenta"ve<br />

d’évasion. Puni de 10 jours de cellule, qu’il ne fera pas en raison de l’encombrement de la prison, le capitaine<br />

Viet est finalement rapatrié en France pour raison sanitaire le 29 septembre 1941 et hospitalisé à Roanne jusqu’au<br />

27 octobre 1941. Placé en congé d’armis"ce, le capitaine Viet con"nua pourtant sa carrière dans diverses<br />

administra"ons dépendantes du Secrétariat d’Etat à la Guerre à Bourg-en Bresse (Ain), comme adjoint du général<br />

Delestraint puis en tant qu’adjoint principal de seconde classe de la Chancellerie ( février 1942 - janvier 1943).<br />

Lors de ce?e période, il entra dans la résistance ac"ve. De novembre 1942 à la Libéra"on, il est chef d’une<br />

équipe de transmission qui dépend du réseau Gallia et fait passer les messages venus de Londres ou d’Alger à la<br />

sa"sfac"on de tous. Il doit aussi surveiller les voitures de repérage radio des Allemands et en septembre 1943,<br />

au bois de Seillan, il réussit à détruire une de ces voitures, profitant de l’ina?en"on de ses occupants, afin de<br />

poursuivre plus tranquillement ses transmissions. Il est aussi recruteur de premier ordre des FFI dans l’Ain et<br />

monte, avec l’aide d’agents de la SNCF et de la Douane, un réseau d’évasion pour les prisonniers de guerre et les<br />

réfractaires du STO désireux de passer dans la zone sud (la ligne de démarca"on n’est supprimée qu’en mai<br />

1943) : il leur donne des papiers, un accueil, et les guide pour leurs voyages.<br />

A la Libéra"on, en tant qu’officier des FFI, il est chargé de la sécurité du département de l’Ain comme chef de<br />

bataillon, puis, il réintègre l’armée régulière avec le grade de commandant. Ses services dans la Résistance lui<br />

valurent 2 cita"ons (une à l’ordre de la brigade, une à l’ordre de l’armée) avec la croix de guerre 1939-1945.<br />

Udalric Viet, devenu lieutenant-colonel en avril 1948, est alors affecté à diverses administra"ons militaires et, le<br />

13 septembre 1950, alors qu’il sert à l’Etat - Major de la subdivision de Marseille, il demande sa mise à la retraite.<br />

…/...


…/...<br />

Re"ré à Bourg, dans l’Ain, Udalric Viet reste officier de réserve jusqu’en avril 1959, date à laquelle il est rayé<br />

des cadres. Il meurt à Bourg-en-Bresse le 8 novembre 1961.<br />

Page 17<br />

Blessé neuf fois durant la Première Guerre, comba?ant de 1939-1940 puis résistant ac"f durant la Seconde<br />

Guerre Mondiale, le lieutenant-colonel Viet fut décoré de nombreuses fois pour ses services : on peut noter la<br />

croix de guerre 1914-1918 avec 4 cita"ons, la croix de guerre des TOE, la croix de guerre 1939-1945 avec 2 cita-<br />

"ons, la médaille militaire (en 1917), la dignité de commandeur de la Légion d’Honneur obtenue en 1950, la médaille<br />

anglaise «Dis nguished Conduct Medal» accordée pour de grands faits d’armes uniquement (en 1918), la<br />

médaille franco-britannique, plus d’autres décora"ons commémora"ves. Ce?e belle carrière mérite bien que l’on<br />

lui rende hommage.<br />

Jérôme JANCZUKIEWICZ<br />

Pexonne 1944-1945<br />

Le destin tragique des déportés au camp de concentration de Mauthausen<br />

Compte-rendu de la conférence du 30 mars <strong>20</strong>12<br />

Fils d’un déporté à Mauthausen, j’ai eu l’honneur d’être invité par le conseil municipal pour faire une conférence le vendredi 30<br />

mars sur le destin tragique des hommes de Pexonne déportés à Mauthausen.<br />

Vous trouverez ci-dessous un résumé de l’intervention effectuée au nom de l’Association des Amis de la Fondation Mémoire de la<br />

Déportation (Meurthe-et-Moselle) et l’Amicale des déportés et familles de Mauthausen.<br />

Un dossier de neuf pages, non reproduit ici, a été distribué aux participants à la soirée et peut vous être remis sur demande.<br />

Précisions<br />

La conférence a porté sur les 79 hommes déportés immatriculés le 31 août 1944 au camp de concentration du Struthof-Natzweiler,<br />

après avoir été raflés le 27 août à Pexonne et qui ont tous été transférés au camp de concentration de Dachau en Bavière. Elle a<br />

concerné plus particulièrement les 70 déportés qui ont été ensuite transférés de Dachau au camp de concentration de Mauthausen<br />

en Autriche le 14 septembre 1944. La conférence s’appuie sur le site internet de l’Amicale Mauthausen et porte sur une population<br />

un peu plus large que celle des hommes déportés de Pexonne. Par exemple Raymond Burst dont une plaque rappelle le martyr à<br />

Mauthausen sur le monument aux morts de Montigny et dont le nom ne figure pas sur la plaque du calvaire des déportés de<br />

Pexonne, est compté ici parmi « les 79 de Pexonne » ou « les 70 de Pexonne à Mauthausen ».<br />

La liste des « 79 » établie par la Fondation Mémoire de la Déportation, ainsi que le tableau récapitulatif des « 70 » ont été distribués<br />

aux participants à la soirée.<br />

Photo : Le mémorial français au camp de Mauthausen<br />

…/….


Page 18<br />

…/...<br />

1- Introduction : trois chiffres-clés de la déportation<br />

de Pexonne<br />

79<br />

79 hommes de Pexonne ont été déportés fin août 1944.<br />

En Meurthe-et-Moselle de 1940 à 1944, 1616 personnes,<br />

hommes, femmes, enfants ont été déportés vers l’Allemagne<br />

nazie. Les déportés de Pexonne, c’est un<br />

Meurthe-et-Mosellan sur vingt!<br />

32<br />

La plupart des déportés de Pexonne à Mauthausen ont<br />

été au camp annexe de Melk, où ils sont décédés en un<br />

nombre plus grand que ce qu’indique la plaque du calvaire<br />

des déportés. Selon le site de l’Amicale de Mauthausen,<br />

32 déportés de Pexonne sont décédés à Melk.<br />

Sur les 578 Français décédés à Melk, 32 viennent de<br />

Pexonne, un Français sur vingt !<br />

90%<br />

Avec 7 survivants sur les 70, la mortalité des déportés de<br />

Pexonne à Mauthausen est de 90%: elle est bien plus<br />

élevée que la mortalité de 50% des 82 000 déportés dits<br />

de répression (dont font partie les raflés de Pexonne) et<br />

se rapproche plus de la mortalité de 97% des 75 000<br />

Juifs et Tziganes, déportés de persécution<br />

2 - Les déportations de Français ou depuis la France<br />

vers Mauthausen<br />

Les parcours des déportés vers Mauthausen sont très<br />

différents. Nous n’en citerons que quelques-uns parmi<br />

les plus remarquables.<br />

Comme ceux de Pexonne, ils peuvent venir d’autres<br />

camps de concentration comme le Struthof ou Dachau,<br />

ou, comme Mme Adloff, résistante et passeuse de Badonviller,<br />

du camp de concentration de Ravensbrück.<br />

Comme les raflés de Nancy de mars 1943, comme des<br />

résistants, ils peuvent venir de prisons ou du camp de<br />

transit de Compiègne au Nord de Paris d’où partent la<br />

moitié des 10000 Français déportés à Mauthausen.<br />

Enfin, fait peu connu, 7000 Républicains espagnols, sont<br />

déportés vers Mauthausen. Ces combattants de la liberté<br />

vaincus en 1939 par Franco, Hitler et Mussolini, réfugiés<br />

en France se sont engagés par milliers dans l’armée<br />

française en 1939-1940 ; certains ont combattu jusqu’à<br />

fin juin 1940 dans les forêts du Donon. Faits prisonniers,<br />

emmenés dans des camps de prisonniers en Allemagne,<br />

recherchés systématiquement par les nazis, séparés de<br />

leurs camarades français, ils sont tous déportés à Mauthausen.<br />

C’est ainsi que fin décembre 1940, les Républicains<br />

espagnols faits prisonniers autour de Saint-Dié<br />

constituent plus de15% des détenus de Mauthausen.<br />

3 - Les six temps du parcours des 70 déportés de<br />

Pexonne<br />

Une chronologie a été distribuée aux participants à la<br />

soirée.<br />

Temps 1 : du 27 août au14 septembre 1944 : de<br />

Pexonne à Baccarat, puis aux camps du Struthof, Dachau<br />

et Mauthausen<br />

En deux semaines, les 70 connaissent trois camps de<br />

concentration. Cette succession rapide est résumée dans<br />

la chronologie distribuée aux participants. Le fait d’être<br />

à Mauthausen ou pas est décisif pour la survie : sur les<br />

10 qui ne restent pas ou ne vont pas à Mauthausen, 6<br />

survivent ; ils ne sont que 7 survivants sur les 69 qui<br />

restent dans le complexe de Mauthausen,<br />

Temps 2 : du <strong>20</strong> au 23 septembre 1944 : l’affectation à<br />

un camp annexe<br />

L’affectation à un camp annexe est immédiate, moins<br />

d’une semaine après l’arrivée au camp de Mauthausen et<br />

pour la plupart elle se fait sur quatre jours, quatre jours<br />

décisifs pour la fin de leur parcours à Mauthausen car<br />

très peu changeront ensuite de camps. Deux destinations<br />

principales pour 63 d’entre eux : le 21 septembre 1944,<br />

43 en début de liste alphabétique partent pour Melk et le<br />

23 septembre, <strong>20</strong> en fin de liste alphabétique pour Ebensee.<br />

Là encore, il faut insister sur le caractère extrêmement<br />

rapide des changements : en moins de quatre semaines,<br />

les « 70 » ont connu quatre camps : le Struthof,<br />

puis Dachau, ensuite Mauthausen, et enfin Melk ou<br />

Ebensee.<br />

Temps 3 : d’octobre 1944 à début avril 1945 : le transfert<br />

vers un autre camp<br />

Aloïse TRAXEL et Louis ZANON envoyés avec 1000<br />

prisonniers d’Ebensee pour quinze jours entre le 26 mars<br />

et le 13 avril déblayer la gare bombardée à Wels où ils<br />

meurent tous les deux, restent dépendants du camp<br />

d’Ebensee.<br />

Au final seulement trois sont transférés, c’est très peu :<br />

Georges THÉBAULT ET JEAN GIANELLI transférés<br />

vers Ebensee, en raison des besoins de main-d’œuvre<br />

concentrationnaire, et Georges BELIN de Gusen vers le<br />

camp central où il meurt au bout d’un mois, transféré en<br />

mars 1945 vraisemblablement dans le cadre d’un envoi<br />

de déportés considérés inaptes au travail, et destinés à<br />

être éliminés au camp des malades.<br />

Temps 4 : d’avril 1945 au 6 mai 1945 : le dernier mois,<br />

de l’évacuation de Melk à la libération d’Ebensee<br />

Dans la phase finale, de l’effondrement du système de<br />

Mauthausen, seuls 10 changent de camp annexe. A<br />

l’évacuation de Melk, le 11 avril 1945, il y a neuf survivants.<br />

Maurice GEORGE, vraisemblablement le seul<br />

valide, est évacué sur Ebensee. Les huit autres, vraisemblablement<br />

parce que considérés comme inaptes au travail,<br />

sont évacués sur le camp central. …./...


…/…<br />

Enfin, Fernand SCHRAEN est le seul autre survivant à<br />

changer de camp en étant transféré du camp annexe voisin<br />

de Gusen vers le camp central de Mauthausen à la fin<br />

avril. Ce transfert s’effectue dans des conditions très différentes<br />

du même transfert de Gusen à Mauthausen de<br />

Georges BELIN le mois précédent. En effet, des centaines<br />

de Français de Gusen montent à pied à Mauthausen<br />

(6 km) à la fin avril dans l’attente d’une libération<br />

anticipée pour les Français qui doivent partir dans un<br />

nouveau convoi de la Croix-Rouge Internationale ; mais<br />

finalement les camions attendus ne pourront pas venir<br />

avant la libération du camp central le 5 mai 1945.<br />

Temps 5 : Mai 1945 : Le retour en France<br />

Huit seulement reviennent en France: quatre de Mauthausen,<br />

quatre d’Ebensee.<br />

Le premier à revenir, Pierre KARL, ancien de Melk, est<br />

le seul à avoir pu partir le 28 avril 1945 du camp central<br />

de Mauthausen dans un convoi d’évacuation de la Croix-<br />

Rouge Internationale ; il arrive par Genève, au bout<br />

d’une semaine, le 5 mai 1945, jour de la libération du<br />

camp central. Sur les cinq camarades de Melk encore<br />

survivants à son départ du camp central de Mauthausen,<br />

trois sont morts à Mauthausen pendant cette semaine.<br />

Les sept autres reviennent, bien après la libération de<br />

Mauthausen et d’Ebensee, dans la deuxième quinzaine de<br />

mai. Quatre reviennent par Paris, vraisemblablement par<br />

l’aéroport du Bourget ; Elio SIGNORI, dernier survivant<br />

des quatre frères SIGNORI, revient tardivement le 29<br />

mai, vraisemblablement en raison de son état de santé ; il<br />

ne reverra pas Pexonne car il meurt le 4 juillet 1945 à<br />

l’hôpital parisien de La Pitié-Salpêtrière.<br />

Temps 6 : de novembre 1944 à juillet 1945 : le temps<br />

des morts :<br />

L’étude de la courbe des survivants mois par mois est<br />

éloquente. Au 1 er mars 1945, il n’y a plus que 35<br />

survivants sur les 69 déportés de Pexonne restés à<br />

Mauthausen : la moitié est décédée. Des 27 survivants<br />

du 1 er avril, il n’en reste pus que 13 le 1 er<br />

mai : la moitié a disparu en un mois. Et en mai, il<br />

meurt une personne presque chaque jour. Le 6<br />

mai, à la libération enfin d’Ebensee, il n’y a plus<br />

que 8 survivants en Autriche. Si l’hécatombe en<br />

Autriche se poursuit après la libération pour des<br />

centaines de Français, pour ceux de Pexonne, elle<br />

s’arrête avec la libération. Mais avec le décès à<br />

Paris d’ Elio<br />

SIGNORI le 4 juillet 1945, il n’y a plus que 7<br />

survivants, 62 sont morts soit un taux de mortalité<br />

de 90%.<br />

Le premier des 62 de Pexonne morts à Mauthausen,<br />

Rodolphe LEFORT meurt après 5 semaines,<br />

le 12 novembre 1944 à Melk; il est, le premier des 32 de<br />

Pexonne morts à Melk. Pierre MALMANCHE est le dernier<br />

des 32 de Pexonne morts à Melk : il meurt le 8 avril<br />

Page 19<br />

1945 au moment de l’évacuation du camp. Après l’évacuation<br />

de Melk, cinq des huit déportés évacués sur le<br />

camp central meurent en deux semaines :<br />

le premier, Michel PETITJEAN le <strong>20</strong> avril 1945 et le<br />

dernier, Michel REBMANN, le 3 mai 1945.<br />

A Ebensee, les décès ont lieu plus tard qu’à Melk : au 31<br />

décembre 1944, Jean GIANELLI transféré de Melk et<br />

décédé le 18 novembre 1944 est le seul décédé à Ebensee<br />

alors qu’il y en a déjà 13 à Melk. Début février 1945,<br />

il y a 2 décès à Ebensee et 22 à Melk. Mais la mortalité<br />

est terrible à Ebensee à partir de début février. Jean<br />

VOUAUX, dernier des 17 déportés de Pexonne morts à<br />

Ebensee, meurt le 6 mai 1945, jour de la libération.<br />

Une chronologie des décès a été distribuée aux participants<br />

à la soirée.<br />

4- Le camp de concentration nazi de Mauthausen:<br />

histoire et organisation<br />

Une présentation des principaux camps annexes a été<br />

distribuée aux participants à la soirée<br />

Cette partie pourra être développée à l’occasion de la<br />

présentation de l’exposition de photos réalisée par le<br />

Ministère autrichien de l’Intérieur et l’Amicale de Mauthausen,<br />

dont la venue est prévue en Meurthe-et-Moselle<br />

pour <strong>20</strong>13.<br />

5- Le souvenir de la déportation vers Mauthausen<br />

aujourd'hui<br />

En Allemagne, le gouvernement participe à la mémoire<br />

de Mauthausen en remboursant les frais de transport<br />

chaque année pour un voyage en Autriche destinés aux<br />

survivants, et aux familles des disparus, leurs conjoints<br />

et leurs descendants. Renseignements à demander à<br />

l’Amicale de Mauthausen.<br />

…/...


Page <strong>20</strong><br />

…/…<br />

En Autriche, c’est le ministère de l’Intérieur qui<br />

s’occupe de la mémoire de Mauthausen: c’est lui qui<br />

dispose des archives les plus abondantes et à qui il faut<br />

s’adresser pour avoir des renseignements ; il gère aussi le<br />

site du camp central de Mauthausen et le mémorial de<br />

certains camps annexes comme Melk, Gusen, Ebensee.<br />

La situation aujourd’hui est très différente selon les<br />

camps. Le camp central construit pour l’essentiel avec le<br />

granit de la sinistre carrière a peu changé. A Gusen, à<br />

quelques kilomètres du camp de Mauthausen, le<br />

mémorial international érigé par les associations de<br />

déportés autour du four-crématoire, un des plus<br />

imposants mémoriaux en Europe de la déportation … se<br />

trouve au milieu d’un lotissement construit sur la totalité<br />

du camp.<br />

A Ebensee, un musée a été aménagé dans un des tunnels<br />

situé à proximité du camp, mais comme à Gusen, un<br />

lotissement a été construit sur la totalité du camp.<br />

A Melk, l’armée autrichienne étant aujourd’hui à<br />

nouveau installée dans la caserne où se trouvait le camp,<br />

seul est accessible, sur rendez-vous, le mémorial, c’est-àdire<br />

le bâtiment du crématoire construit en dehors de<br />

l’enceinte de la caserne.<br />

L’Amicale de Mauthausen a des liens privilégiés avec le<br />

ministère autrichien de l’Intérieur et avec les associations<br />

autrichiennes de mémoire présentes sur les sites des<br />

camps annexes.<br />

En France, la mémoire de Mauthausen est prise en<br />

charge principalement par l’Amicale de Mauthausen.<br />

Fondée en 1945 par les survivants à leur retour du camp,<br />

dans un but d’entraide et de solidarité, elle est devenue<br />

aussi une association du souvenir et de la mémoire.<br />

C’est ainsi que dès juin 1945, des déportés sont repartis<br />

de France pour l’Autriche afin de récupérer des<br />

documents dans le but de renseigner les familles sur le<br />

devenir des disparus et aussi de témoigner sur les crimes<br />

commis à Mauthausen, comme cela a été le cas lors du<br />

procès de Nuremberg. En 1949, l’Amicale a construit le<br />

premier mémorial national à Mauthausen: au sommet du<br />

mémorial français se trouvent dans un cœur en bronze les<br />

noms des 62 de Pexonne parmi ceux des 5000 Français<br />

morts à Mauthausen.<br />

En <strong>20</strong>08, l’Amicale a créé un site internet « Troisième<br />

monument », mémorial virtuel en hommage aux 10 000<br />

français déportés à Mauthausen avec les fiches présentant<br />

leurs parcours.<br />

La conférence a été construite à partir des données de ce<br />

site.<br />

Les fiches des 70 de Pexonne à Mauthausen ont été<br />

distribuées aux participants à la conférence.<br />

Depuis 1947, au moins deux fois par an, en mai et en<br />

octobre, l’Amicale de Mauthausen organise sur les sites<br />

des camps des voyages qui rassemblent des personnes<br />

très différentes : déportés survivants, veuves et orphelins,<br />

petits-enfants et arrière petits-enfants, mais aussi des<br />

professeurs, des jeunes collégiens ou lycéens lauréats du<br />

Concours de la Résistance et de la Déportation, des<br />

personnes intéressées par l’histoire et la mémoire. Des<br />

déportés reviennent pour la première fois, des orphelins<br />

reviennent 50 ans après leur premier pèlerinage, des<br />

personnes reviennent tous les ans. Ces dernières années,<br />

la moitié des participants viennent pour la première fois.<br />

Depuis une dizaine d’années, l’intérêt croissant pour<br />

Mauthausen se traduit par une augmentation du nombre<br />

des participants aux voyages d’étude et du souvenir<br />

organisés en octobre par l’Amicale.<br />

Enfin, l’Amicale de Mauthausen a conçu avec le<br />

ministère autrichien de l’Intérieur une exposition<br />

exceptionnelle de photos de la période du camp. Ces<br />

photos réalisées par les gardiens SS ont été « volées »<br />

puis gardées en lieu sûr, au péril de leur vie, par des<br />

détenus Républicains espagnols et parmi eux, Mariano<br />

CONSTANTE, déporté à Mauthausen le 7 avril 1941,<br />

soldat de l’armée française, fait prisonnier à l’âge de <strong>20</strong><br />

ans, le 21 juin 1940, à Baccarat.<br />

Pour l’envoi des documents distribués à la soirée et un<br />

document de présentation de l’Amicale de Mauthausen,<br />

pour des renseignements,<br />

Contactez :<br />

Patrice et Chantal LAFAURIE<br />

lafaurie3@wanadoo.fr<br />

Légende du dessin:<br />

"Travaux d’avancement"<br />

Daniel Piquée-Audrain, déporté à Mauthausen et<br />

Melk a dessiné en 1945-1947 le quotidien des<br />

détenus au camp de Melk. Cette série de dessins à<br />

la plume est reproduite dans le livre « Plus jamais<br />

ça ! » distribué par l’Amicale Mauthausen.


CONCOURS DE LA RESISTANCE <strong>20</strong>12<br />

La cérémonie de la remise des prix du concours de la Résistance et de la Déportation s'est déroulée dans les Grands<br />

Salons de l’Hôtel de Ville de Nancy le dimanche 29 avril <strong>20</strong>12 sous la présidence de Monsieur Michel DINET Président<br />

du Conseil Général de Meurthe-et-Moselle en présence de Monsieur André ROSSINOT, Maire de Nancy, Ancien<br />

Ministre et Président de la Communauté Urbaine du Grand Nancy.<br />

A la suite des allocutions de Monsieur André CLAUDEL et de Monsieur Michel DINET, les lauréats du concours<br />

ont reçu leurs prix devant une assistance nombreuse.<br />

Les lauréats du Concours ont été récompensés le mercredi 6 juin <strong>20</strong>12, par un voyage au<br />

CAMP CAMP DU DU STRUTHOF STRUTHOF ET ET AU AU PARLEMENT PARLEMENT EUROPÉEN EUROPÉEN DE DE STRASBOURG.<br />

STRASBOURG.<br />

Ces deux visites ont permis aux lauréats du concours d’enrichir leurs connaissances pour approfondir et comprendre<br />

le système concentrationnaire nazi et une approche concrète sur le fonctionnement et l’organisation des institutions<br />

européennes.<br />

Le comité départemental félicite les 748 élèves des classes de Troisième, Seconde, Première et Terminales qui ont concouru et<br />

comité d’organisation remercie le Conseil Général de Meurthe-et-Moselle pour le financement du voyage.<br />

1 ère Catégorie - Devoirs individuels Lycées<br />

1—Ida GORDON - Lycée Henri Poincaré Nancy<br />

2—Valentin BILLANT - Lycée Henri Poincaré Nancy<br />

3—Elodie COURTOIS Lycée Saint-Pierre Fourier Lunéville<br />

3 ème Catégorie – Travaux audiovisuels collectifs<br />

de tous Lycées et Lycées Professionnels<br />

1—Lycée Professionnel Morette—Landres<br />

2—Lycée louis Majorelle -Toul<br />

4 ème Catégorie – Devoirs individuels Collège<br />

1—Brice CORRIGEUX— Collège Joliot Curie-Dieulouard<br />

2—Valentin EYMAN—Collège Marquette -Pont-à-Mousson<br />

3— Léopold GUYOT—Collège Amiral de Rigny-Toul<br />

PALMARES<br />

…/...<br />

2 ème Catégorie – Mémoires collectifs Lycées<br />

1— Lycée Arthur Varoquaux—Tomblaine<br />

2—Lycée Stanislas—Villers-lès-Nancy<br />

3—Lycée Privé des Récollets—Longwy<br />

Page 21


Page 22<br />

…/...<br />

5 ème Catégorie – Mémoires collectifs Collèges<br />

1—Collège Jean Moulin -Tomblaine<br />

2— Collège de la Plante Gribée - Pagny-sur-Moselle<br />

3— Collège Albert Lebrun - Longwy<br />

6 ème Catégorie – Travaux audiovisuels collectifs<br />

1 er Collège de la Craffe - Nancy<br />

Le Challenge de la Résistance et de la Déportation offert par les cristalleries de Baccarat a été attribué<br />

au Collège Collège Albert Albert LEBRUN LEBRUN de de Longwy Longwy qui a obtenu le plus grand nombre de lauréats en classe de<br />

3ème devoirs individuels.<br />

Le thème du concours national de la résistance et de la déportation pour l'année <strong>20</strong>13<br />

" Communiquer pour résister 1940-1945 "<br />

CEREMONIE DU<br />

SOUVENIR DE<br />

LA DEPOR-<br />

TATION A LA MALPIERRE


A LAXOU<br />

CEREMONIE DU<br />

SOUVENIR DE<br />

LA DEPOR-<br />

TATION<br />

Lecture du message des déportés<br />

Page 23


Page 24<br />

LES RAFLES DE MARS 1943 A NANCY<br />

1. Contexte général<br />

L'Allemagne nazie, anticipant une guerre longue et totale depuis les coups d'arrêt militaires subis en 1942, est dans l'obligation<br />

de mettre au maximum les territoires occupés à contribution, en particulier en ce qui concerne la main d'oeuvre. La Relève-<br />

un prisonnier de guerre est libéré pour deux travailleurs volontaires qui partent pour l'Allemagne -n'a pas donné les résultats<br />

escomptés, aussi Fritz Sauckel, plénipotentiaire pour l'emploi de la main d'oeuvre met en place 2 plans de réquisition.<br />

La France devra fournir 350 000 hommes à partir de la fin août 1942 puis 250 000 autres "exigibles"entre janvier et fin mars<br />

1943. Pour le premier plan, 8700 travailleurs quitteront la Lorraine à l'automne, dont 4146 pour la seule Meurthe-et-Moselle.<br />

Pour satisfaire à ces réquisitions, le gouvernement français va adopter une 1ère loi sur le travail obligatoire, dès septembre<br />

1942. Cela nécessite d'abord, une opération de recensement or la mise en place de celle-ci est fort lente puisque les décrets<br />

l'organisant sont datés du début février 1943! Entre temps, Sauckel a fait connaître sa deuxième vague d'exigence, équivalente<br />

à la première pour notre département. Face à la lenteur française et pour obtenir satisfaction, les Autorités allemandes<br />

d'occupation vont faire adopter, par le gouvernement français, la loi instituant le Service du Travail Obligatoire, le 15 février<br />

1943.<br />

En attendant que la nouvelle structure soit opérationnelle, les A.A vont assurer les prélèvements de main d'oeuvre en courtcircuitant<br />

l'administration française, dès le début du mois de janvier. Elles n'hésiteront pas devant des mesures répressives<br />

comme les rafles signalées dans plusieurs régions à la même période: Orléans en janvier, Tours, Blois, Le Mans en février,<br />

Melun, Lannion, Villeurbanne, Ligny en Barrois et enfin Nancy, en mars 1943.<br />

Ces rafles s'inscrivent donc dans une perspective différente de celle des arrestations collectives pour motif racial que<br />

Nancy a connues surtout à partir de juillet 1942.<br />

2. Chronologie des faits à Nancy<br />

2 mars 1943<br />

• 8h30 Les jeunes des classes 19<strong>20</strong>- 1921- 1922 de l'arrondissement de Nancy sont convoqués, par la Préfecture, à la mairie<br />

de Nancy pour une visite médicale en vue d'un départ pour le STO. Il y a affluence donc certains vont avoir quartier libre<br />

avec consigne de revenir plus tard dans la journée.<br />

• Entre 10 et 11 heures, les Allemands arrêtent une trentaine de jeunes gens au Point Central.<br />

Vers 17 heures 30: deuxième vague d'arrestations dans les brasseries de la ville. Au total, 80 à 110 jeunes seront arrêtés.<br />

3 mars<br />

Alors que 900 jeunes sont convoqués à la gare de Nancy, au titre du plan Sauckel, pour un premier convoi à destination de<br />

l'Allemagne, les autorités allemandes constatent que seuls 1/4 d'entre eux se sont présentés. Les représailles ne vont pas tarder:<br />

5 mars 1943<br />

Dans la matinée et jusqu'en début d'après-midi, une partie du quartier du marché, au centre-ville, est cerné par les soldats allemands,<br />

mitraillette au poing et grenades au ceinturon. Dans ce secteur, ils procéderont à l'arrestation systématique de tous les<br />

hommes se trouvant dehors et perquisitionneront même certains appartements comme rue de la Hache ou de l'Equitation. Au<br />

total, 250 hommes seront appréhendés et leur activité professionnelle contrôlée. Ceux qui ne peuvent justifier d'un métier<br />

qualifié comme les manoeuvres, les apprentis, les forains du marché... sont emprisonnés à Charles III alors que les autres sont<br />

relâchés.<br />

6 mars<br />

Les hommes arrêtés la veille sont tous transférés vers le Centre d'internement administratif d'Ecrouves près de Toul.<br />

8 et 9 mars<br />

Les jeunes arrêtés le 2 mars sont transférés, en deux convois, de la prison Charles III de Nancy vers Ecrouves.<br />

9 mars<br />

Le préfet Schmidt fait rechercher les jeunes qui ne se sont pas présentés au train pour l'Allemagne (contrôles dans les gares et<br />

même à domicile). Sur les 280 arrêtés, <strong>20</strong>0 seront libérés et 60 envoyés directement en Allemagne ou à Cherbourg (chantier<br />

de l'Organisation Todt qui travaille sur le Mur de l'Atlantique).<br />

…/...


…/…<br />

10 mars<br />

Un convoi de 293 personnes encadré par des sentinelles allemandes quitte le Centre d'Ecrouves pour la gare de Toul vers 17<br />

heures 30. Destination: Compiègne, camp de détention de police allemand (Frontstalag 122)<br />

15 mars<br />

La chasse aux travailleurs est suspendue, les Autorités allemandes ayant obtenu le quota fixé en haut-lieu pour la Meurthe-et-<br />

Moselle, à savoir 4581 personnes au titre du Plan Sauckel et 1630 pour l'Organisation Todt. Les classes 19<strong>20</strong> à 1922 ont fourni<br />

2318 jeunes.<br />

Plus de la moitié des départs ont eu lieu avant la mise en oeuvre du STO . Le refus de celui-ci va devenir, dans les mois suivants,<br />

un élément important dans la résistance à l'occupation.<br />

16 mars et 22 avril<br />

Ecrouves enregistre, sur ordre des Autorités allemandes, d'autres entrées nombreuses.<br />

16 et <strong>20</strong> avril<br />

Départs de Compiègne de deux transports pour le camp de concentration de Mauthausen. Cent seize des raflés de mars sont à<br />

bord.<br />

28 avril<br />

Départ de Compiègne d'un troisième transport, cette fois-ci pour Sachsenhausen avec une douzaine des raflés à Nancy.<br />

Par ces trois convois, ce sont près de 3000 personnes qui auront été déportées vers l'Allemagne.<br />

11 mai<br />

Un 2ème convoi, important, partira d'Ecrouves pour Compiègne (83 personnes). Il comporte, en particulier, quelques autres des<br />

raflés des 2 et 5 mars ainsi que les jeunes arrêtés à Briey les 8 et 11 mars. Ils seront également déportés dans les semaines suivantes.<br />

3. Tableau récapitulatif des raflés à Nancy et de leur sort<br />

Tous leurs noms n'ont pas été retrouvés: il s'agit ici de ceux qui ont fait partie du convoi des 293 personnes parties d'Ecrouves<br />

pour Compiègne le 10 mars 1943. Cent-quatre-vingt-neuf d'entre elles étaient de Nancy.<br />

Rafle collective du 2 mars 63 noms 58 déportés 41 rentrés soit 70%<br />

Rafle collective du 5 mars 101 65 33 rentrés soit 50%<br />

Autres arrestations 25 21 14 rentrés soit 66%<br />

Sort inconnu après Compiègne [45]<br />

Totaux 189 144 déportés 88 rentrés soit 61%<br />

Page 25<br />

…/...


Page 26<br />

…/….<br />

4. Parcours général des raflés<br />

Il présente quelques particularités:<br />

Tout d'abord la rapidité: entre les arrestations, l'internement à Nancy puis le séjour à Ecrouves, il ne s'est écoulé que 1 à 7 jours<br />

maximum. Le passage à Compiègne a également été rapide, six semaines ou moins pour la majorité des personnes arrêtées.<br />

Ensuite-et c'est cela qui reste dans toutes les mémoires- ils ont bien été utilisés comme main d'oeuvre...mais ils l'ont été dans les<br />

Konzentration Laeger, que commande Himmler. Celui-ci est à la tête d'un véritable empire économique qu'il a mis peu à peu au<br />

service de l'industrie de guerre allemande. Dans le cadre de l'Opération "Meerschaum", il a exigé d'interner au moins 35 000<br />

prisonniers, aptes au travail, avant la fin janvier 1943.<br />

Il semble donc que les arrestations massives évoquées jusqu'ici aient donc servi sa demande.<br />

Dernière particularité: il reste des zones d'ombre sur le sort d'un certain nombre de Nancéiens.<br />

En effet, la seule liste de noms dont nous disposions est celle du convoi parti d'Ecrouves pour Compiègne le 10 mars: sur les 293<br />

personnes qu'elle comporte,seules 189 sont originaires de l'arrondissement de Nancy ou bien ont été arrêtées à Nancy, les autres<br />

étant soit des habitants du Pays Haut, soit des Vosgiens. Or, le parcours de 39 de ces 189 personnes n'a pas encore pu être reconstitué,<br />

après leur arrivée à Compiègne. Parmi elles figuraient beaucoup de forains du marché St Sébastien, nés en Afrique du<br />

Nord ou Tsiganes.<br />

5. Un parcours de mémoire dans la ville<br />

Tous les ans, depuis mars <strong>20</strong>01, une cérémonie a lieu rue Raugraff à la mémoire de ces jeunes nancéiens.<br />

En <strong>20</strong>12, pour la première fois dans le cadre du 69ème anniversaire des rafles et avec le soutien de la ville de Nancy, un parcours<br />

de mémoire, ponctué de témoignages de survivants, a été mis en place par l'Amicale de Mauthausen et l'Association des Amis<br />

pour la Mémoire de la Déportation.<br />

Une centaine de jeunes ont été impliqués dans cette manifestation qui visait à renforcer le lien intergénérationnel et à transmettre<br />

la mémoire de cet épisode tragique de l'histoire de la ville.<br />

Ponctué par des témoignages de survivants et des explications complémentaires, il comporte 7 étapes.<br />

Place Stanislas: Hôtel de Ville:<br />

Lieu de convocation, le 2 mars 1943, pour une visite médicale, avant le STO, des jeunes conscrits des classes 40,41,42 de Nancy<br />

et de son canton.<br />

Comme ils ne peuvent pas tous passer ensemble, certains ont quartier libre pour la matinée.<br />

Témoignages e Mangin et Geindre<br />

Place Carnot<br />

Vers 17h30 la police allemande procède à des rafles<br />

dans différentes brasseries et arrête environ 1<strong>20</strong><br />

jeunes gens qui sont conduits à la prison Charles III<br />

Témoignage Giry<br />

Place Dombasle:<br />

Lycée Poincaré: le censeur des études a consigné les<br />

élèves au lycée toute la journée et ils ne pourront<br />

sortir qu'à 17 heures. Le proviseur les dispense de<br />

cours pour le lendemain.<br />

Rue St Jean:<br />

Arrestations de l'après-midi dans trois bars de la rue<br />

St Jean:"La Lorraine", "le Palais de la Bière" et "le<br />

Bar Américain".<br />

Témoignages de Mangin, Pernot,Geindre et Thouvenin.<br />

Rue Léopold Lallement<br />

Deux plaques commémoratives reflètent un épisode de l'histoire de ce quartier populaire, au bâti vétuste habité de gens à faibles<br />

revenus et à emplois temporaires: manoeuvres, apprentis et forains du marché.<br />

La première des plaques évoque le sort de la population juive frappée parla répression pour motif racial, la deuxième émane de<br />

déportés survivants du quartier et réunit les noms de 19 raflés du 5 mars et ceux d'une vingtaine de membres de la communauté<br />

juive, y compris celui du Grand Rabbin Haguenauer.<br />

.La prison Charles III<br />

Plaque commémorative des déportés sur le mur de la prison et Place des Justes<br />

Place du Marché: la rafle du 5 mars 1943—Témoignage de René Viard.<br />

Le circuit s'achève devant la plaque de la rue Raugraff, inaugurée en mars <strong>20</strong>01, où se déroule, chaque année, un hommage aux<br />

jeunes Nancéiens raflés et déportés.<br />

…/...


…/...<br />

6. Quelques destins personnels<br />

Page 27<br />

Fiches de Giry Mangin Pernot Thouvenin Viard<br />

Si vous souhaitez aller plus loin, voici deux sites qui vous le permettront:<br />

Site de l'Amicale de Mauthausen: http://monument-mauthausen.org/spip.php?page=search<br />

Vous y trouverez le parcours de 9371 déportés de France dans ce camp. Taper "Nancy" pour chercher ceux qui venaient de cette<br />

ville.<br />

Site de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation: www.fmd.asso.fr/<br />

Accéder au Livre-Mémorial pour retrouver la trace des 89390 déportés partis de France et arrêtés par mesure de répression:résistants,<br />

politiques, raflés, otages (donc,encore une fois, pas pour motif racial).


Page 28<br />

Tableau comparatif des deux rafles<br />

caractères 2 mars 5 mars<br />

quand ? où ? 2 vagues d’arresta"on :<br />

-1 rue Saint-Jean :10h-11h<br />

-2 place Carnot : 17h30<br />

dans les bars<br />

dans la rue<br />

comment Gestapo :<br />

voiture<br />

combien après libéra"on, 80 à 1<strong>20</strong><br />

Claude : 60 noms<br />

âge des raflés Fourche$e restreinte :<br />

tous nés entre 19<strong>20</strong> et 1925, sauf un (né en 1913)<br />

Jeunes de moins de <strong>20</strong> ans : 13<br />

Ce qui domine :<br />

23 ans ou moins( né après le 2 mars 1921) : 82%<br />

Les deux plus jeunes, élèves au lycée Poincaré, ont<br />

à peine 17 ans<br />

lieu de résidence Nancy : 41 %<br />

le reste : communes de l’agglo: Tomblaine,Villers<br />

Chaligny, Laxou, Malzéville, Vandoeuvre, Banlieue<br />

Nord : Frouard,Pompey Saizerais,.<br />

D'autres sont venus de plus loin, sans doute pour<br />

fêter la journée:<br />

- a?esté pour les jeunes de Pulligny<br />

- peut-être pour ceux de Champey.<br />

statut Ce qui domine à 62% :<br />

trois types de mé"ers :<br />

1/ étudiants ou élèves (13),<br />

4 lycéens et 9 étudiants,( dont 4 en Pharmacie, fêtant<br />

la fin de leurs examens)<br />

2/ agriculteurs ou ouvriers agricoles (12)<br />

3/ ouvriers, avec surtout des « spécialistes »<br />

comme on disait à l'époque (11).<br />

Retour des déportés<br />

En moins grande propor"on :<br />

- employés (6),<br />

- ar"sans( 6 )<br />

- commerçants( 4)<br />

Parcours Place Carnot<br />

Poincaré<br />

rue Saint-Jean<br />

prison<br />

500mx300m : par"e du quar"er du marché<br />

- dans la rue<br />

- dans les maisons<br />

dès le pe"t ma"n<br />

Wehrmacht<br />

mitraille?e au poing et grenades au ceinturon<br />

250, après relâchement 140<br />

Fourche$e large :<br />

jusqu'à 58 ans ( 7 ont plus de 50 ans, soit 11 % ).<br />

Jeunes de moins de <strong>20</strong> ans :12 mais 30% du total<br />

Ce qui domine :<br />

<strong>20</strong> à 50 ans : 66%<br />

les plus aptes à travailler profil des raflés de<br />

début 1943.<br />

Nancy : 100%<br />

quar"er du marché<br />

41 sur 58 : 70% 33 sur 65 : 50%<br />

Ce qui domine à 66% :<br />

trois types de mé"ers : Autres<br />

1/ manœuvres ou appren"s (29, soit 31%)<br />

ce qui correspond bien à ce que recherchaient<br />

les Allemands,<br />

2/ employés (16 soit 17%)<br />

3/ commerçants (17, soit 18% ). de deux sortes:<br />

- commerces de proximité<br />

- marchands forains (travaillent pour la plupart<br />

sur le marché de Nancy, tout proche de leur domicile).<br />

En moins grande propor"on :<br />

- 11 ouvriers (dont 4 imprimeurs),<br />

- ar"sans du bâ"ment,<br />

- chauffeurs-livreurs<br />

- 5 étudiants seulement.<br />

rue Saint-Jean<br />

rue Lallement<br />

prison<br />

place du marché


Mme Michèle JEANPETIT, adhérente à l’AFMD54 nous fait part de quelques réflexions et nous a envoyé le<br />

témoinage de l’Abbé ECOLE dont vous trouverez ci-dessous le récit.<br />

« J’ai lu avec intérêt le <strong>bulletin</strong> « Travail de Mémoire » n° 19 de décembre <strong>20</strong>11, dont plusieurs articles se<br />

croisent avec des renseignements que je possède.<br />

Voici donc quelques détails pour compléter les études faites par Messieurs LEFEVRE, LAFAURIE et DE-<br />

CARLI.<br />

Rappelons que mon père, Hubert JEANPETIT, a été arrêté le 8 juin 1944 à Briey ensuite incarcéré à Nancy à<br />

la prison Charles III d’où il est parti le 19/08/1944 pour Natzwiller, au camp du Struthof, le 3/09/1944 pour Dachau,<br />

et le 15/09/1944 pour Mauthausen et Melk où il est mort le 28/11/1944.<br />

Une vague d’arrestations s’est déclenchée sur les quatre départements lorrains, visant le réseau de résistance le<br />

N-A-P c’est-à-dire le Noyautage des Administrations Publiques et ses différents contacts.<br />

Les déportés en Meuse faisant partie de ce réseau :<br />

• A Vaucouleurs, Messieurs COLIN René mort à Melk et FORSAN de GABRIAC, mort à Dachau, d’autre<br />

part Monsieur PINCK Alfred, arrêté et torturé, a tenté de se suicider à la prison Charles III et a témoigné en<br />

1945 avant de mourir de ses blessures.<br />

• A Bar le Duc, Monsieur Robert ROUSSELLE, mort à Ebensee, était désigné pour les fonctions de Préfet de<br />

la Meuse à la libération.<br />

François PREVOT : Commandant de gendarmerie et Christian NALBE chargé de Préfecture<br />

En ce qui concerne les arrestations de Bouligny, citées par Monsieur DE CARLI, on peut évoquer Monsieur<br />

John BOREL, déporté à Melk, rentré, c’est lui qui nous a informé de la mort de mon père.<br />

Pour le convoi des déportés de Nancy du 19/08/1944, des déportés de Pexonne ont fait partie du convoi pour<br />

Natzwiller le 03/09/1944 vers Dachau et ensuite vers Mauthausen et Melk le 15/09/1944.<br />

L’Abbé Jean ECOLE est arrivé en avril 1944 à Melk, c’est ce convoi qui a construit le camp. Ensuite, il était<br />

dans l’infirmerie du camp jusqu’au 10 novembre 1944 date à laquelle il a été dirigé vers Dachau quand les prêtres<br />

y ont été regroupés.<br />

Sur ma demande, il vient de me donner l’autorisation de transmettre son mémoire qui relate cette période. Son<br />

témoignage sur la construction du camp de Melk et la vie à l’infirmerie est à mon sens assez rare.<br />

J’ai connu l’Abbé ECOLE en 1949, lors des tout premiers pèlerinages organisés pour les familles de Mauthausen<br />

avec Monsieur VALLET, et depuis nous sommes restés amis. Voilà une petite contribution au travail de Mémoire<br />

sur la Déportation dans notre région de l’Est et, en complément, des recherches effectuées.<br />

Les renseignements sont vérifiables à partir des listes nominatives publiées dans le répertoire de la déportation<br />

par points de départ des convois. »<br />

Abbé Jean ECOLE, Professeur honoraire de l’Université<br />

catholique de l’ouest (Angers), né le 2 mars 19<strong>20</strong> à Craon<br />

(Mayenne), ordonné prêtre le 19 septembre 1942 par Monseigneur<br />

Paul RICHAUD évêque de Laval.<br />

Dans les grands séminaires de l’époque, nous vivions confinés<br />

sans ouverture sur l’extérieur, si bien que je n’ai pas pu<br />

prendre part à la résistance pendant le temps que j’ai passé à<br />

celui de Laval, ni non plus durant ma première année de sacerdoce,<br />

au cours de laquelle mon emploi du temps surchargé, du<br />

fait de l’absence des confrères prisonniers de guerre, ne me<br />

laissa pas une minute de répit.<br />

C’est au début du mois de juillet 1943 qu’un de mes amis,<br />

Guy FORTIN, me demanda d’entrer à Libé-Nord. J’y ai joué à<br />

Laval et dans les environs, plus particulièrement à Craon, un<br />

rôle fort modeste consistant à procurer de faux-papiers d’identité<br />

aux prisonniers de guerre évadés, ainsi qu’aux aviateurs<br />

alliés, en fait des américains, tombés sur notre sol, à les héberger<br />

et à les faire gagner la zone libre.<br />

Le 17 janvier 1944, j’ai été arrêté avec d’autres camarades<br />

Récit de l’Abbé ECOLE<br />

Page 29<br />

par la Feldgendarmerie de Laval, qui quinze jours plus tard me<br />

transféra de la prison de cette ville à celle de la Gestapo au<br />

Mans où, je suis resté un mois durant lequel ont continué les<br />

interrogatoires accompagnés de coups et de sévices divers.<br />

De là, j’ai été envoyé au camp de Compiègne, où, après le<br />

séjour pénible en prison, la vie pouvait paraître relativement<br />

douce. C’est que la Wehrmacht en assurait la direction et la<br />

garde. A part le temps de l’appel, matin et soir, nous pouvions<br />

organiser nos journées comme nous l’entendions. Une baraque<br />

servait de chapelle, la messe y était célébrée chaque matin en<br />

présence d’une assistance nombreuse, des conférences spirituelles<br />

y étaient données. Je me rappelle celles du Père<br />

JACQUES, carme déchaussé, qui était un homme de dieu dans<br />

toute la force du terme, en même temps qu’un résistant courageux<br />

et qu’un jour les Allemands vinrent arracher à son auditoire,<br />

parce qu’ils avaient eu vent que ses propos portaient la<br />

marque de son patriotisme ardent autant que de sa foi brûlante.<br />

…/...


Page 30<br />

…/…<br />

J’ai aussi le souvenir de la visite que fit aux seuls prêtres le<br />

chanoine RHODAIN, alors aumônier des prisonniers de<br />

guerre, et qui, à la demande pressante que je lui adressais de<br />

faire parvenir des renseignements importants pour empêcher<br />

l’arrestation de camarades en liberté, m’opposa un refus absolu,<br />

sous le prétexte qu’il avait promis aux Allemands de ne<br />

transmettre aucun message.<br />

A Compiègne, les prêtres purent exercer un ministère fécond,<br />

celui de l’écoute, de la consolidation, du pardon des<br />

péchés. Aidés par le choc et la déchirure de l’arrestation, nombreux<br />

y furent de retours à Dieu, avant notre déportation dont<br />

nous ignorons tout : destination et conditions.<br />

Je dois cependant dire qu’un de mes amis, assez haut placé<br />

dans la hiérarchie du parti communiste, Maurice HAVEZ, possédait<br />

une petite brochure où était décrite en détail la vie concentrationnaire.<br />

Il me la prêta pour que je la lise, mais je pris<br />

ces descriptions pour de la propagande mensongère, tant elles<br />

paraissaient invraisemblables. Hélas ! une fois à Mauthausen,<br />

je ne pus que lui demander pardon de ne pas l’avoir cru.<br />

Le 5 avril 1944, -c’était le mercredi saint- ce fut mon tour<br />

de faire partie d’un convoi de 1500 détenus vers l’Allemagne,<br />

et de quitter la vie encore civilisée de Compiègne. On nous<br />

entassa à 125 par wagons, des wagons à bestiaux, prévus dans<br />

l’armée pour 40 hommes, verrouillés et dont une seule lucarne<br />

sur les 4 n’était pas obstruée. Mais ce n’était là qu’un début qui<br />

ne laissait pas encore augurer de la suite.<br />

Entre Pagny sur Moselle et Pompey, il y eut une tentative<br />

d’évasion à partir de trous percés dans le plancher d’un wagon.<br />

Les gardes qui nous convoyaient firent stopper le train, nous<br />

jetèrent sur le quai à coups de schlague, en nous ordonnant de<br />

nous dévêtir complétement, puis nous firent remonter dans les<br />

wagons. Et c’est ainsi que nous avons poursuivi et achevé<br />

notre odyssée dantesque.<br />

Nous devions normalement être conduits à Buchenwald,<br />

comme la plupart des déportés français de cette époque.<br />

Mais, à Mannheim, notre train fut détourné vers le sud,<br />

c’est-à-dire vers l’Autriche, et aboutit à Mauthausen près de<br />

Linz. Le samedi saint au soir, après que nous avons passé 4<br />

jours et 3 nuits debout, serrés les uns contre les autres, pouvant<br />

à peine bouger, sans avoir reçu la moindre nourriture, la<br />

moindre goutte d’eau. Il y eut des cas de folie et des morts, et<br />

nous étions épuisés.<br />

La grande question que nous nous posions était : Comment<br />

allions-nous récupérer nos vêtements ? La réponse y fut apportée<br />

peu avant Mauthausen. Dans une petite gare dont j’ai oublié<br />

le nom, on nous lança pêle-mêle et n’importe lesquels :<br />

caleçons, chemises, pantalons, vestes, souliers, etc…La mêlée<br />

fut effroyable pour attraper ce qu’il fallait à chacun de nous qui<br />

ne récupéra, le plus souvent, que des habits et des chaussures<br />

ou trop petits ou trop grands.<br />

Arrivés à la gare de Mauthausen, les gardes SS nous attendaient<br />

sur les quais, ils nous firent ranger en colonne par cinq,<br />

et nous dirigèrent vers le camp situé au sommet d’une colline à<br />

5 kilomètres. Nous y fûmes reçus par les Blockältesters et les<br />

Kapos – tous des droits communs : voleurs et criminels dans ce<br />

camp- qui nous firent aligner sur la droite entre les premiers<br />

Blocks et le mur d’enceinte. Et là nous attendîmes debout une<br />

bonne partie de la nuit, avant d’être conduits aux douches où<br />

l’on nous rasa entièrement. Ensuite on nous donna une chemise,<br />

un caleçon, des claquettes à semelles de bois, et on nous<br />

fit accéder aux blocks de quarantaine, par lesquels devaient<br />

d’abord passer tous les nouveaux arrivants.<br />

Il n’était pas question de pouvoir s’y étendre et s’y restaurer.<br />

Nous eûmes seulement le droit de nous asseoir par terre,<br />

après avoir rempli les formalités de l’inscription. Vers midi, le<br />

lendemain dimanche de Pâques, on nous fit sortir dans la cour<br />

de notre Block pour y distribuer une soupe nauséabonde et<br />

écœurante faite de légumes à moitié pourris dans une eau sale<br />

à peine tiède, et sans cuillère. L’après-midi se passa dans cette<br />

cour où nous étions parqués comme des bêtes et au milieu de<br />

laquelle un trou servait de WC. Ce n’est que le soir, après un<br />

appel interminable au garde à vous pendant lequel nous reçûmes<br />

des coups de schlague, suivi d’une nouvelle distribution<br />

de nourriture composée d’un morceau de pain de 250 grammes<br />

environ, agrémenté d’une légère tranche de saucisson synthétique<br />

et d’un quart d’eau tiède baptisée jus, que nous pûmes<br />

enfin nous étendre, mais à quatre par paillasse, c’est-à-dire<br />

agglomérés les uns contre les autres, les pieds de l’un face au<br />

visage de l’autre, sans pouvoir faire le moindre mouvement, ni<br />

nous reposer vraiment.<br />

A l’aube, le lendemain, lundi de Pâques, on nous réveilla à<br />

coups de schlague et on nous jeta dehors.<br />

A la porte du Block coulait une douche glacée et nous<br />

n’avions pour nous sécher et nous réchauffer que la chemise<br />

et le caleçon dont on nous avait dotés la veille. La journée<br />

commença par un interminable appel, ensuite un breuvage<br />

nous a été fourni, et nous passâmes la matinée et l’aprèsmidi<br />

à l’extérieur des baraquements. Nous étions épuisés, et<br />

nous nous interrogions avec inquiétude sur la suite des événements,<br />

car les nouvelles qui nous parvenaient par bribes<br />

n’avaient rien de rassurant.<br />

Nous avons passé 15 jours ainsi, sans vêtement, sans serviette,<br />

sans savon, sans papier et ne disposant pas d’autre eau<br />

que celle de la douche du matin.<br />

A la fin de ces 15 jours, on nous affubla du fameux treillis<br />

zébré à rayures blanches et bleues et le lendemain, on nous<br />

envoya dans un premier convoi de 700 détenus vers Melk,<br />

pour construire, en face de la belle abbaye bénédictine, de<br />

l’autre côté du Danube, le nouveau camp dépendant de Mauthausen,<br />

à proximité de la caserne des pompiers.<br />

J’ai participé à son installation : implantation des poteaux<br />

pour les barbelés, pose de ceux-ci, construction des miradors,<br />

etc… Pendant ce temps, nous fûmes fort maltraités par<br />

les Kapos qui dirigeaient le travail : ils administraient force<br />

coups de schlague ou de bâton, la nourriture était toujours<br />

insuffisante, la durée du travail trop longue, celle du repos et<br />

sommeil trop courte et toujours 4 par paillasse, alignés<br />

comme des sardines.<br />

C’était à ce point que le commandant François SAUVAGE<br />

DE BRANTES (père de Mme GISCARD D’ESTAING) est<br />

devenu mon ami, me pria de l’accompagner chez le commandant<br />

SS du camp, jeune lieutenant, pour lui faire valoir<br />

que nous ne méritions pas ces sévices. Bien que je fusse persuadé<br />

que cela ne servirait à rien, car depuis les événements<br />

du voyage j’avais perdu toute illusion sur le comportement<br />

sadique de nos bourreaux, je l’accompagnais. Il n’eut même<br />

pas le temps d’achever sa première phrase que le SS balança<br />

sur la tête la chaise de son bureau, lâcha son chien sur moi et<br />

nous chassa avec sa schlague. J’entends encore le commandant<br />

DE BRANTES me dire, au bas de la rampe par laquelle<br />

on accédait au bureau provisoire du chef de camp au-dessus<br />

des garages de la caserne : « Vous aviez raison ; je n’avais<br />

rien compris jusqu’alors ».<br />

…/...


…/...<br />

L’installation du camp terminée, des Kommandos extérieurs<br />

furent créés, dont l’un était situé à quelques kilomètres<br />

en un endroit dénommé Scharbau, où devait être<br />

creusée et aménagée une usine souterraine destinée à la fabrication<br />

de roulements à bille.<br />

Sur ce chantier, j’ai porté et posé des rails, poussé des wagonnets,<br />

manié la pelle, la pioche et le marteau piqueur. Emmenés<br />

du camp tôt le matin, y rentrant tard le soir, toujours<br />

aussi peu nourris et manquant de sommeil et de repos, toujours<br />

sans mouchoir, sans serviette, sans papier, sans savon,<br />

sans eau, car à Melk aucune douche ne coulait à la sortie des<br />

Blocks le matin, nous étions exténués et notre manque d’aptitude<br />

à fournir un travail convenable attirait de plus sur nous<br />

les coups des Kapos qui nous surveillaient, sans parler des<br />

séances de gymnastique que nous infligeait parfois le nouveau<br />

commandant SS du camp, en pleine nuit, tout particulièrement<br />

lorsqu’il pleuvait.<br />

Aussi, au bout de quelques semaines, on ramena chaque<br />

soir des morts, sans compter les éclopés qui n’en pouvaient<br />

plus de fatigue ou souffraient de plaies aux pieds dues au fait<br />

que beaucoup d’entre nous leurs claquettes cassées, devaient<br />

marcher pieds nus. Les phénomènes de carence se manifestèrent<br />

très vite, la plupart sous forme d’œdèmes des membres<br />

inférieurs et même aussi de tout le corps.<br />

Par chance, au début de l’été, je réussis à quitter ce Kommandos<br />

lorsque j’y étais affecté au marteau piqueur, et à m’agréger<br />

à celui de l’entretien du camp. C’est alors que le matin du 6<br />

juillet, les Américains, prenant celui-ci pour le chantier de<br />

Scharbau, le bombardèrent. Le résultat fut une véritable hécatombe<br />

parmi les détenus qui y étaient nombreux du fait que les<br />

Kommandos de nuit s’y reposaient durant la journée.<br />

Voici ce qui m’est alors arrivé. Les WC étaient le seul endroit<br />

où nous pouvions faire la pause quelques instants et les<br />

membres des équipes y allaient à tour de rôle. Juste avant le<br />

bombardement, le camarade de la mienne qui y était parti, et<br />

qu’on appelait Martigues parce qu’il était de cet endroit -je n’ai<br />

jamais su son vrai nom- revint et me dit : « C’est ton tour, vasy<br />

».<br />

A peine y étais-je parvenu que les bombes s’abattirent sur le<br />

camp. Autour de moi ce n’était plus que sang qui coulait et<br />

râles douloureux ; pour ma part, je n’avais même pas une égratignure.<br />

Je rejoignis aussitôt mon équipe ; les quatre camarades<br />

qui la composaient, dont Martigues, gisaient à terre, tués.En<br />

raison des nombreux blessés du bombardement et de la multiplication<br />

des malades et éclopés, l’infirmerie fut agrandie.<br />

Plutôt qu’un lieu de guérison, elle était l’antichambre de la<br />

mort. On en sortait le plus souvent étendus les pieds en avant<br />

que debout. Et c’est pourquoi le secrétaire général du camp,<br />

André PICHON, de son vrai nom ULMANN, communiste<br />

convaincu, voulut qu’un prêtre y soit affecté comme infirmier,<br />

afin que nos camarades, en majorité d’origine catholique,<br />

soient assistés spirituellement dans leurs derniers moments.<br />

Son choix se porta sur moi. Grâce à lui, j’ai pu à ce poste exercer,<br />

en cachette, parce qu’il était sévèrement interdit, mais<br />

pleinement, mon ministère, d’autant qu’un de de mes confrères,<br />

l’Abbé DESWARTES, qui travaillait dans un Kommando<br />

extérieur au camp, réussit, par l’intermédiaire d’un contremaître<br />

civil autrichien, à obtenir du curé de celle-ci des hosties<br />

consacrées et l’huile pour l’extrême onction. Les hosties<br />

étaient contenues dans une petite boîte verte de pommade au<br />

zinc (Zinkalf), et le tampon d’ouate imbibé d’huile dans un<br />

tube de cachets sous ceux-ci. J’ai malheureusement perdu ce<br />

tube, mais je possède toujours la boîte que j’ai placée sur mon<br />

Page 31<br />

bureau.<br />

A propos de ces hosties et de cette huile, je dois rapporter<br />

l’incroyable et pourtant authentique fait suivant, pour donner<br />

une idée du climat de folie dans lequel nous vivions. Un jour,<br />

au cours de l’après-midi, PICHON-ULMANN accourut à<br />

l’infirmerie et me dit tout essoufflé : « ECOLE, s’il est vrai<br />

que tu as des hosties et l’huile des mourants, fais disparaître<br />

cela en vitesse, le Kapo de l’infirmerie t’a dénoncé au Lagetester<br />

». Or ce Kapo était un diacre polonais….mais il trafiquait<br />

avec les bandits qui composaient l’aristocratie du camp. Aussitôt<br />

je glissais boîte et tube sous le plancher d’une des salles de<br />

l’infirmerie dont une lame pouvait être soulevée sans trop de<br />

mal et sans que celle-ci soit décelable. A peine terminé, le Lagerältester<br />

et une clique de Kapos arrivèrent et entreprirent une<br />

fouille serrée qui s’avéra bredouille. Dépités, ils gratifièrent les<br />

médecins et les infirmiers de quelques coups de schlague, auxquels<br />

le diacre-Kapo n’osa quand même pas s’associer. Mais,<br />

sans l’intervention courageuse de PICHON-ULMANN, les<br />

choses auraient certainement mal tourné pour l’équipe soignante<br />

et en particulier pour moi.<br />

Dans cette infirmerie, j’ai assisté et j’ai dû participer à des<br />

scènes terribles. Le SS qui la commandait fut pendant quelque<br />

temps un colosse ancien garçon boucher, auquel il prenait parfois<br />

fantaisie de pratiquer une opération.<br />

Il choisissait alors à cette fin non pas un des malades à toute<br />

extrémité d’une de nos salles, mais un détenu en parfait état<br />

qu’il avait rencontré sur son chemin. Et, à l’aide d’un grand<br />

couteau de cuisine et d’une scie à métaux, sans ligaturer les<br />

veines et les artères, il tentait de couper un bras ou une jambe,<br />

sans bien sûr avoir anesthésié sa victime qui, souffrait le martyr,<br />

hurlait et se débattait jusqu’à ce que mort s’ensuive au<br />

bout de quelques minutes. Nous étions réquisitionnés 5 ou 6<br />

pour le maintenir sur la table d’opération.<br />

Au début, il n’y avait pas crématoire à Melk. On entassait les<br />

cadavres sous l’infirmerie dans l’attente qu’un camion de<br />

Mauthausen vienne les chercher. Avec les œdèmes et les<br />

plaies purulentes, les chairs, au bout de quelques jours d’été,<br />

devenaient une véritable pourriture qui nous restait par lambeaux<br />

sur les mains quand nous les arrachions du tas qu’ils<br />

formaient pour les porter dans ce camion. Quand je dis<br />

« porter », c’est un euphémisme, car le Kapo venu de Mauthausen<br />

nous forçait à les balancer sur celui-ci.<br />

Quant à la vie quotidienne de l’infirmerie, c’est-à-dire quant<br />

aux soins qu’on y donnait, ils étaient réduits au minimum,<br />

faute de médicaments.<br />

Nous avions à notre disposition, quand ils étaient livrés,<br />

quelques cachets et deux sortes de pommades, l’une rouge,<br />

l’autre noire que nous appliquions sur les plaies ; mais les<br />

pansements étaient en papier, et c’est dire qu’ils ne tenaient<br />

pas longtemps, surtout, et c’était souvent le cas, quand ces<br />

plaies s’étendaient sur toute la jambe et la cuisse et parfois<br />

jusqu’au bas du dos. Le meilleur remède était alors constitué<br />

par les vers qui rongeaient les chairs pourries, et que le médecin<br />

principal, un Grec, nous avait recommandé de ne surtout<br />

pas l’enlever.<br />

Ce médecin, excellent chirurgien, a sauvé nombre de mains<br />

et de pieds, en opérant avec des bistouris de fortune, sans pouvoir<br />

la plupart du temps insensibiliser ses patients, faute de<br />

produits à cet effet et d’aiguilles. Pour les faire tenir tranquilles,<br />

il leur donnait d’énormes claques. Quand il avait à sa<br />

disposition aiguilles et produits, c’est à peine s’il pouvait s’en<br />

servir, tant ces aiguilles en mauvais métal pliaient, et les<br />

veines des corps décharnés roulaient sous ses doigts.<br />

…/...


Page 32<br />

…/…<br />

Pour être admis à l’infirmerie, il fallait avoir au moins 39° de<br />

fièvre. Et même à ceux qui étaient malades à ce point, le SS<br />

de l’infirmerie dont j’ai déjà parlé donnait davantage de coups<br />

de schlague que de médicaments. Dès que la fièvre baissait<br />

d’un degré, il les chassait.<br />

Vers la fin de l’été, il fut remplacé par un SS d’un certain âge<br />

qui, lorsqu’il apprit que j’étais professeur, me chargea de décider<br />

moi-même de ceux qui devaient reprendre le travail<br />

parmi les camarades admis dans les salles dont j’étais responsable.<br />

C’était là une charge redoutable qui, si elle me permit<br />

de les garder plus longtemps qu’il l’aurait fait, m’exposait à<br />

l’incompréhension possible de ceux qui auraient voulu y demeurer<br />

plus longtemps. Mais on ne pouvait faire entrer plus<br />

de nouveaux malades qu’il n’en sortait d’anciens, et la plupart<br />

de ceux-ci comprirent la difficulté de ma tâche.<br />

Le même SS, à la différence des autres, n’a pas souvent frappé<br />

brutalement les malades et ne les a jamais torturés ; il ne<br />

m’a pas battu non plus le soir où le thermomètre me glissa des<br />

doigts et se brisa à terre, alors que c’était devenu un article<br />

rare , difficile à remplacer.<br />

Lorsque tous les Geistlicher, c’est-à-dire tous les ministres<br />

des cultes durent être rassemblés à Dachau, il vint me trouver<br />

et me menaçant de sa schlague haut levée m’interpella ainsi<br />

: « Tu es prêtre ECOLE et tu ne me l’avais pas dit ». Puis il<br />

abaissa sa schlague sans me frapper et ajouta : « Allez vat’en<br />

». Ce fut son adieu. Son comportement vis-à-vis des malades<br />

et à mon égard, si rare, sinon unique, de la part d’un SS,<br />

m’a amené à témoigner à décharge lors de son procès. J’aimerais<br />

savoir ce qu’il est devenu et l’interroger sur sa conduite<br />

d’alors.J’aimerai retrouver aussi le médecin militaire de la<br />

Luftwaffe qui, vers la fin de l’été, eut la charge de superviser<br />

l’infirmerie qu’il visita régulièrement. Toujours très poli avec<br />

le personnel et les malades, son attitude tranchait singulièrement<br />

avec celle des SS. Que pensait-il d’eux et de notre situation<br />

? Jamais il n’a prononcé un mot permettant de nous le<br />

faire deviner.<br />

Mais inutile de rêver. Le 10 novembre 1944, je fus rappelé à<br />

Mauthausen avec les autres Geistlicher, afin d’être dirigé sur<br />

Dachau. On ne sait pas exactement ce qui a décidé les SS à<br />

effectuer ce regroupement. Parmi les hypothèses avancées,<br />

l’une des plus probables est sans doute la suivante. Comme<br />

l’entourage d’HITLER cherchait à obtenir que le Vatican serve<br />

d’intermédiaire avec les alliés pour négocier des conditions de<br />

paix pas trop dures, PIE XII aurait exigé que le culte soit célébré<br />

dans les camps de concentration comme il l’était dans les<br />

camps de prisonniers de guerre, et les instances gouvernementales<br />

nazies n’auraient concédé que le rassemblement à Dachau<br />

de tous les Geistlicher détenus dans les premiers, pour la plupart<br />

des prêtres catholiques, afin qu’ils puissent y pratiquer leur<br />

culte. Lors du départ du camion qui nous emmenait à la gare le<br />

29 novembre, un des SS nous cria : « Vous allez à Dachau ;<br />

c’est un sanatorium ». Façon de parler, mais il est vrai que le<br />

régime y était beaucoup moins dur qu’à Mauthausen, du fait<br />

que les détenus politiques avaient pris le dessus sur les criminels<br />

et les voleurs, et qu’à l’approche de la fin de la guerre, ils<br />

avaient obtenu des SS la cessation des traitements les plus<br />

cruels. Deux baraques étaient entièrement réservées pour les<br />

Geistlicher. Dans l’une d’elles, une des deux chambrées servait<br />

de chapelle où chaque matin la messe était célébrée – j’ai eu la<br />

chance de le faire une fois- et où des conférences spirituelles<br />

étaient données. Mais l’esprit œcuménique ne soufflait pas très<br />

fort et je garde le souvenir que le prêtre sacristain, un Allemand,<br />

faisait sortir ses confrères catholiques, lorsque c’était le<br />

tour d’un prêtre orthodoxe de célébrer la messe selon son rite.<br />

Les détenus des autres baraques, ceux qui n’étaient pas prêtres,<br />

n’avaient pas le droit d’assister à ces messes. Parce que nous<br />

n’étions pas mélangés à eux, comme à Melk, il nous fut difficile<br />

d’assurer notre ministère près d’eux. En particulier, il<br />

n’était pas facile de pénétrer dans l’infirmerie pour visiter les<br />

malades. A Dachau, les Geistlicher n’étaient pas astreints au<br />

travail. C’est à coup sûr ce qui a permis à beaucoup d’entre<br />

nous de survivre plus facilement. Car, en fait de sanatorium, à<br />

cause de l’insuffisance de nourriture et de l’épidémie de typhus<br />

qui s’y déclara, on y dénombrait chaque jour des dizaines de<br />

morts, qu’on entassa peu à peu devant le crématoire lorsque,<br />

durant les dernières semaines, il n’y eut plus de charbon pour<br />

les brûler. Le jour de la libération, ce tas en comptait je ne sais<br />

combien de centaines. Vision et odeur inoubliables. C’est le<br />

dimanche 29 avril 1945 à 17h15 que les Américains pénétrèrent<br />

dans le camp. Minute inoubliable. De tous les coins, nous<br />

accourûmes sur la place d’appel, formant une véritable marée<br />

humaine pressée contre la porte d’entrée, si bien que nos libérateurs<br />

ne pouvaient la franchir. Depuis des semaines, les camarades<br />

travaillant dans les magasins du camp avaient fabriqué<br />

les drapeaux de chacune des nations qui y comptaient des ressortissants.<br />

Ce fut le nôtre, le drapeau français, qui fut hissé le<br />

premier sur la tour dominant cette porte, pendant que retentissait<br />

une vibrante Marseillaise.<br />

Je n’ai jamais su qui nous a valu cette joie et cet honneur ;<br />

mais, s’il vit encore, qu’il sache que certainement aucun des<br />

français présents n’a oublié.<br />

Peu de jours après l’arrivée des Américains, au pied d’une<br />

immense croix surplombant une estrade sur laquelle avait été<br />

dressé un autel, une messe d’actions de grâce pour notre libération<br />

et d’intercession pour nos morts et leurs familles fut célébrée.<br />

Comme nos libérateurs avaient mis le camp en quarantaine<br />

à cause du typhus, je m’en suis échappé avec d’autres<br />

camarades en déjouant l’attention des gardes américains qui<br />

avaient remplacé les SS autour du camp, dans un camion militaire<br />

français venu livrer des vivres et du vin. Son conducteur<br />

nous conduisit à Stuttgart qui faisait alors, partie de notre zone<br />

de conquête. De là, le Commandant TASLE, le frère d’un de<br />

mes amis, me ramena avec celui-ci à Laval, où nous arrivâmes<br />

le 24 mai.<br />

Qu’il me soit permis d’ajouter un mot. Depuis plusieurs années<br />

déjà, lorsqu’il est question des camps de concentration<br />

dans la presse écrite, à la radio et à la télévision, on ne parle<br />

plus jamais, ou si rarement, des résistants qui ont été arrêtés et<br />

déportés, parce que, épris de liberté mus par le sens de l’honneur,<br />

ils ont lutté courageusement contre l’occupant. Si, après<br />

quatre années d’opprobres et de souffrances, notre patrie a pu<br />

relever fièrement la tête, c’est en partie grâce à eux. Il serait<br />

profondément injuste de l’oublier ; en même temps que leur<br />

mémoire, ce serait trahir l’Histoire.


« Psychologie n°319 juin <strong>20</strong>12<br />

« Depuis que j’ai vu Le Journal d’Anne Franck » en dessin animé, je ne dors plus »<br />

« Elise, 7 ans »<br />

Page 33<br />

Tu me dis, Elise, que tu as 7 ans, que tu es en CE1, qu’en novembre dernier ta tante « t’a fait regarder »- ce sont tes<br />

mots- Le Journal d’Anne Franck et que, depuis , tu as peur de dormir seule. Tu imagines que l’on vient te chercher<br />

et chercher tes parents. Ce qui n’est pas anodin car c’est précisément ce qu’Anne Franck et ses parents redoutaient<br />

et qui leur est arrivé. Tout semble donc se passer comme si tu étais entrée dans le dessin animé que tu as vu.<br />

Comme si tu étais devenue ce?e Anne que tu voyais . Comme si sa peur était entrée en toi et y était restée pour te<br />

hanter, aujourd’hui encore. Pourquoi ? Je pense que le problème vient des condi ons dans lesquelles tu as vu ce<br />

film. Les enfants, en effet, voient souvent ce film en classe. Ils sont donc, avant de le voir, préparés par leur enseignant,<br />

qui leur explique la guerre, la persécu"on des Juifs par les nazis, l’histoire de la famille Franck. Et ils peuvent<br />

poser des ques"ons, dire leurs craintes, etc… Et ensuite, quand ils voient le dessin animé, ils sont ensemble. Ce qui<br />

est important parce que, dans un groupe, on se sent plus fort. Et l’enseignant est là pour expliquer, répondre aux<br />

ques"ons des élèves, et faire discuter ensemble. Toi, Elise, tu as vu ce film avec ta tante. Pourquoi voulait-elle que<br />

tu le vois ? tes parents étaient-ils prévenus, d’accord ? t’avait-elle expliqué les choses avant ? tu dis qu’elle « t’a<br />

fait regarder » ce film. Comme si tu avais été passive, obligée. C’est étrange et je crois qu’il faut que tu reparles de<br />

tout cela avec tes parents. Tu n’es pas Anne, Elise, tu es Elise, et la guerre est finie depuis longtemps.<br />

Personne ne viendra te chercher. Dors tranquille, je pense à toi.<br />

Vous n’avez réclamé ni la gloire ni les larmes<br />

Ni l’orgue ni la prière aux agonisants<br />

Onze ans déjà que cela passe vite onze ans<br />

Vous vous é"ez servi simplement de vos armes<br />

La mort n’éblouit pas les yeux des Par"sans<br />

Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes<br />

Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants<br />

L’affiche qui semblait une tache de sang<br />

Parce qu’à prononcer vos noms sont difficiles<br />

Y cherchait un effet de peur sur les passants<br />

Claude Halmos (psychanalyste)<br />

Nul ne semblait vous voir Français de préférence<br />

Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant<br />

Mais à l’heure du couvre-feu des doigts errants<br />

Avaient écrit sous vos photos MORT POUR LA France<br />

Et les mornes ma"ns en étaient différents<br />

Tout avait la couleur uniforme du givre<br />

A la fin février pour vos derniers moments<br />

Et c’est alors que l’un de vous dit calmement<br />

Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre<br />

Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand<br />

Claude LACOUR<br />

Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses<br />

Adieu la vie Adieu la lumière et le vent<br />

Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent<br />

Toi qui va demeurer dans la beauté des choses<br />

Quant tous sera fini plus tard en Erivan 1<br />

Un grand soleil d’hiver éclaire la colline<br />

Que la nature est belle et que la cour me fend<br />

La jus ce viendra sur nos pas triomphants<br />

Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline<br />

E je te dis de vivre et d’avoir un enfant<br />

Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent<br />

Vingt et trois qui donnaient leur cœur avant leur temps<br />

Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant<br />

Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir<br />

Vingt et trois qui criaient la France en s’aba ant<br />

Louis Aragon<br />

« Strophes pour se souvenir »<br />

1 Erivant (ou Erivan) : capitale de l’Arménie


Page 34<br />

Les Nouvelles …………………..<br />

du Comité Local du Pays Haut<br />

Marie Laure KELLENER nommée Présidente du Comité Local du Pays Haut<br />

Je suis Marie-Laure KELLENER, préparatrice en pharmacie, j’ai été élue<br />

pendant 25 ans à la mairie d’Homécourt, en tant qu’adjointe au Maire Monsieur<br />

Jean-Pierre MINELLA. J’ai arrêté mes activités d’élue aux dernières municipales de<br />

<strong>20</strong>07. Je suis membre du comité de la Stèle de Valleroy depuis 30 ans,et présidente<br />

du comité depuis le décès de Camille SORAGNA, il y a 15 ans. Monsieur SO-<br />

RAGNA avait souhaité que je le remplace. Je suis membre du comité de rédaction<br />

chargé d’élaborer les panneaux du Chemin de la Mémoire, en particulier celui de la<br />

Stèle de Valleroy, ce projet m’a enthousiasmée dès le début, c’est-à-dire depuis<br />

<strong>20</strong>02, il nous a été proposé à Homécourt par Jean-Paul BALTZ.<br />

J'espère que je serai utile et à la hauteur à cette mémoire du Pays-Haut, pour assumer<br />

et partager le lien entre le sud et le nord du département, je souhaite apporter toute mon énergie pour contribuer<br />

à la réussite et au succès de notre délégation, pour faire vivre la Mémoire de la Déportation dans notre département,<br />

un territoire qui a souffert de l’oppression nazie et a vu le sacrifice de ses enfants, morts sur le champ<br />

d’honneur, pour que vive la liberté. Je m’attacherai à transmettre cette Mémoire encore vive auprès des jeunes<br />

générations, je travaillerai avec les jeunes en m’appuyant sur les valeurs citoyennes, du respect de l’autre, la tolérance,<br />

et le refus de la discrimination.<br />

Je prends le relais de Jean-Paul décédé en janvier <strong>20</strong>11, je ne suis sans doute pas aussi passionnée que lui,<br />

je n'exerce pas le même métier, mais suis assoiffée de connaissances et d'histoire et en particulier de cette triste et<br />

tragique période.....<br />

En acceptant "cette responsabilité", de Lamaï BECHER président de l’AFMD 54, je sais que je vais enrichir<br />

mes connaissances et agrandir mon cercle d'amis...<br />

Au niveau familial, je suis mariée à Alain KELLNER et j’ai 3 filles Christine, Pauline et Clémence et 3 petits fils<br />

Alexandre, Léo et Sam.<br />

Amicalement<br />

Marie-Laure


Samedi 4 février <strong>20</strong>12<br />

70ème Anniversaire du Sabotage du transformateur et de<br />

l’arrestation des otages d’Auboué en Février 1942<br />

Page 35


Page 36<br />

en Hommage<br />

aux soldats<br />

soviétiques<br />

morts en<br />

Lorraine<br />

Dimanche<br />

13 mai <strong>20</strong>12<br />

Cérémonie à la<br />

Nécropole de<br />

VALLEROY


INAUGURATION DU CHEMIN DE MÉMOIRE<br />

L’inaugura"on du chemin de Mémoire du Pays-Haut tant a?endu, s’est concré"sée le vendredi 1 juin <strong>20</strong>12.<br />

Ce?e ini"a"ve, a été menée par Jean-Paul BALTZ, président du comité local, a réussi à fédérer les associa"ons<br />

d’Histoire, les trois communautés de communes du Pays de l’Orne, de Briey et du Jarnisy. Ce?e entreprise a<br />

réussi un formidable pari en impliquant directement sept communes, qui se sont lancées dans un long travail de<br />

recherches, d’iden"fica"on des différents sites, de mise en lumière des faits drama"ques qui ont marqué ces<br />

territoires, une tragédie qui a laissé des traces indélébiles sur les murs des maisons de ces communes, et sur les<br />

ves"ges miniers, haut lieu de la Résistance Lorraine. Les cicatrices sont encore fraîches, les familles des Résis-<br />

tants fusillés, sont fières des exploits de leurs enfants, du refus d’obéir à l’occupant nazi, de leurs sacrifices<br />

pour que vive la liberté. Ce chemin de la Mémoire évoque le parcours de ces jeunes, après les arresta"ons, les<br />

déporta"ons vers les sinistres camps nazis et pour d’autres, leur exécu"on à la Malpierre où rien n’explique le<br />

des"n tragique de ces patriotes….<br />

Ce?e inaugura"on a été précédée d’un travail approfondi dans le Bassin de Briey auprès des écoles primaires,<br />

un travail de poésies, de textes, de dessins pour traduire et expliquer la Résistance dans les différentes communes.<br />

Ce travail s’est achevé par la projec"on du film de Louis MALLE « Allons enfants » pour susciter auprès<br />

des élèves, une réflexion filmographique sur la persécu"on.<br />

Page 37


Page 38<br />

A UBOUE<br />

UBOUE<br />

C ONFLANS<br />

ONFLANS<br />

EN<br />

EN<br />

JARNISY<br />

B RIEY RIEY


J ARNY<br />

ARNY<br />

H OMECOURT<br />

OMECOURT OMECOURT<br />

J OEUF<br />

OEUF<br />

Page 39


Page 40<br />

V<br />

ALLEROY<br />

ALLEROY ALLEROY<br />

Commentaire du panneau de BRIEY d’après un texte de Monsieur François HELLER<br />

Je tiens à remercier tout de suite Madame Nicollet d’avoir bien voulu me représenter aujourd’hui. Son dévouement<br />

à la cause des « Chemins de mémoire » mérite d’être souligné. C’est fait aujourd’hui.<br />

Nous avons travaillé main dans la main. Lorsque Madame Nicollet m’a sollicité pour réaliser avec elle, ce<br />

panneau, des souvenirs sont remontés à ma mémoire. Je les ai rarement évoqués.<br />

Rue de Franchepré – en face de la Gendarmerie – c’est la Citroën noire de la Gestapo, d’où jaillissaient des<br />

hommes chapeautés de feutre noir, vêtus d’un long manteau de cuir gris vert. Ils faisaient claquer les portes de la<br />

voiture.<br />

C’est l’arrestation de ma mère par la Gestapo et internée quelques jours dans cette maison d’arrêt. Les nazis<br />

qui obéissaient sans doute à une dénonciation, n’ont rien prouvé. Ma mère a été libérée à la suite de l’intervention<br />

du Sous-préfet… mais j’arrête là, la liste de mes souvenirs.<br />

On a compris que c’est, sans aucune restriction, que j’ai accepté la proposition de Madame Nicollet. Et<br />

quand il s’est agi de choisir un emplacement pour implanter le panneau du souvenir, la maison d’arrêt de l’avenue<br />

du Roi de Rome s’est révélée, l’emplacement indiscutable.<br />

Cette maison d’arrêt de l’avenue du Roi de Rome est en quelque sorte le témoin muet du Patriotisme et de la<br />

Résistance des populations du Bassin de Briey.<br />

Ella a été, pour la plupart des hommes et des femmes appréhendés par la Gestapo, les portes de l’enfer. Ils<br />

étaient interrogés par les nazis dans une villa de la ville haute, rue Foch, entre le collège de l’Assomption et la<br />

caisse d’épargne. Puis ils étaient enfermés dans la prison de l’avenue du Roi de Rome en attendant d’être internés<br />

momentanément à Nancy, dans la prison de Charles III, ou dans le sinistre camp de Drancy.<br />

Combien de drames a connu, pendant quatre ans, la villa de la rue Foch ? Il est impossible de répondre à<br />

cette question. On peut tenir pour certain que la Gestapo n’a pas manqué de torturer ses victimes. A notre connaissance,<br />

il n’en existe aucune preuve directe. Mais le suicide de Monsieur Lucien Michel négociant en vin, à<br />

Beuvillers, le 29 mars 1944, permet de l’affirmer. Monsieur Lucien Michel qui était un ami du Docteur Hubert<br />

Martin, s’est donné la mort pour ne pas succomber à la torture et livrer à l’ennemi les renseignements qu’il recherchait.


La Malpierre, des héros anonymes<br />

Page 41<br />

De 1941 à 1944, le champ de tir de la Malpierre (commune de Champigneulles) a été le lieu choisi<br />

par les Autorités d'Occupation pour exécuter les condamnés à mort par le Tribunal Militaire Allemand<br />

de Nancy.<br />

Sur ce lieu a été inauguré, en 1963, un monument anonyme dédié à toutes les victimes. N'ayant<br />

pu obtenir l'autorisation d'y adjoindre une plaque nominative, nous avons entrepris d'étoffer nos<br />

recherches et de rédiger cet ouvrage.<br />

Il comporte d'abord 64 fiches individuelles concernant les cas pour lesquels il n'y a plus de<br />

doute puis il expose la démarche suivie, démarche qui a amené à écarter un certain nombre<br />

d'autres noms et à soulever quelques incertitudes.<br />

Huit fusillés sur dix l'ont été pour faits de résistance et une autre partie de notre travail essaie<br />

de retracer l'historique de ces faits.<br />

Quelques éléments d'analyse suivent: par année, motifs des condamnations, âges, professions et localisation dans le département.<br />

Pour terminer, nous avons étudié comment la mémoire de ces hommes se perpétue aujourd'hui, à travers un recensement des<br />

lieux et moments de commémoration ainsi que par l'histoire du monument et de l'échec des initiatives visant à le rendre plus<br />

"lisible" pour le grand public.<br />

Un glossaire et des index facilitent la lecture et le maniement de ce petit ouvrage.<br />

AFMD 54. Juin <strong>20</strong>12<br />

ENVIE DE LIRE<br />

Deux dans Berlin .................................................................... R. BIRKEFELD et G. HACHMEISTER<br />

Année : <strong>20</strong>12- Edi"on du Masque<br />

Histoire des Justes en France ................................................ Patrick CABANEL<br />

Année : <strong>20</strong>12-Edi"on Armand COLIN<br />

Le Réseau CORNEILLE ............................................................ Ken FOLLET<br />

Année : <strong>20</strong>11-Edi"on Robert LAFFONT<br />

Auschwitz, enquête sur un complot nazi .............................. Florent BRAYARD<br />

Année : <strong>20</strong>12-Edi"on du Seuil<br />

Triangle Rose ......................................................................... Régis SCHLAGDENHAUFFEN<br />

La persécu"on nazie des homosexuels et sa mémoire Année : <strong>20</strong>11- Edi"on Autrement


Page 42<br />

Lu pour vous<br />

Histoire des justes en France<br />

« JUSTE PARMI LES NATIONS » : plus de 3500 Français ont reçu ce?e dis"nc"on<br />

décernée par l’ins"tut israélien Yad Vashem qui récompense les non juifs ayant<br />

sauvé au moins un juif au cours de la Shoah.<br />

Qui sont ces hommes et ces femmes ? La France, longtemps après les résistants en<br />

armes, a découvert les Justes, dont la résistance a été civile, pacifique et idéaliste.<br />

Ils "ennent dans notre mémoire collec"ve une place qui ne doit pas occulter la tra-<br />

gédie de la Shoah, mais rappelle qu’une autre France a existé face à celle de Vichy.<br />

Ce livre dresse le portrait de ces Héros anonymes : Membres du clergé catholique<br />

ou protestant, ins"tuteurs, militants, sans oublier quelques figures remarquables.<br />

Héros solitaires mais souvent portés par des réseaux de solidarités religieuses ou<br />

humanitaires, des lieux à forte iden"té ou encore des familles disséminées dans<br />

le "ssu rural.<br />

Patrick CABANEL, professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Toulouse-Le Mirail, est l’auteur de<br />

nombreux livres dont : Juifs et protestants en France, les affinités élec"ves XVI e –XXI siècle, Cévennes,<br />

Deux dans Berlin<br />

Les auteurs BIRKEFELD et HACHMEISTER ont réussi bien plus qu’un ro-<br />

man policier passionnant. Ils sont parvenus à faire ce dont rêvent<br />

nombre d’historiens : se me?re dans la peau et dans la tête des Alle-<br />

mands ordinaires sous le IIIe Reich. Ce sont deux historiens, spécialistes<br />

de l’histoire culturelle et sociale du XXe siècle.<br />

Hiver 1944. Dans un hôpital militaire, KALTERER, membre des services<br />

de renseignements de la SS, se remet d’une blessure par balle et s’inter-<br />

roge sur son avenir. Il sait que la guerre est perdue et qu’il doit se rache-<br />

ter une conscience. Il rejoint la police criminelle de Berlin où il est char-<br />

gé d’enquêter sur le meurtre d’un haut dignitaire nazi. Dans le même<br />

temps, Haas parvient à s’évader de Buchenwald et regagne la capitale<br />

pour se venger de ceux qui l’ont dénoncé.<br />

Tandis que Berlin, exsangue, agonise sous les décombres et les cendres<br />

au rythme des bombardements alliés et de l’avancée inéluctable des<br />

troupes sovié"ques, une chasse à l’homme sans merci s’engage. Car de ces deux hommes au milieu du chaos,<br />

un seul doit survivre.


Dany TETOT<br />

HOMMAGE A NOS AMIS DISPARUS<br />

Monsieur Dany TETOT est décédé des suites d’une longue maladie. Originaire de Haute-<br />

Marne dont il fut longtemps un élu. Il est arrivé en Touraine en <strong>20</strong>08, son expérience de<br />

militant à la tête de la fédéra"on du PRG de Haute-Marne en a fait un président naturel du<br />

Par" Radical de Gauche d’Indre-et-Loire.<br />

Président Na"onal de l’AFMD depuis de longues années, il était très impliqué dans les poli-<br />

"ques d’inser"on de la jeunesse et s’était engagé en Touraine dans une fonc"on de commissaire-enquêteur.<br />

Monsieur Dany TETOT était fils de déporté.<br />

Les Amis de la Fonda"on pour la Mémoire de la Déporta"on de Meurthe-et-Moselle lui rendent un hommage vibrant pour<br />

toute l’œuvre accomplie au sein de l’Associa"on, pour ses ac"ons et sa détermina"on à amplifier le travail de Mémoire<br />

Maurice VOUTEY<br />

Maurice VOUTEY a participé à la Résistance dans les rangs du Front National (F.P.J puis F.U.J.P). Arrêté, il a été déporté à Da-<br />

chau puis dans les camps du Neckar. A son retour, il a enseigné l’Histoire et la Géographie et a publié différentes études histo-<br />

riques et biographiques (la Presse Clandestine sous l’occupation, Evolution et rôle du système concentrationnaire nazi, Jean<br />

MOULIN, mon ami)<br />

Il a en outre publié en roman Baptiste ou la Terre Promise, et un volume de souvenir sur sa déportation, Prisonnier de<br />

l’invraisemblance et le livre référence « les les camps camps camps nazis nazis : : des des camps camps sauvages sauvages au au au système système concentrationnaire concentrationnaire concentrationnaire 1933 1933-1945 1933 1945 »<br />

Maurice VOUTEZ est membre de la Présidence de la Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes.<br />

Il avait cosigné l’appel du 8 mars <strong>20</strong>04 intitulé «Créer c’est résister. Résister c’est créer» avec d’anciens grands résistants<br />

comme Lise London, Raymond Aubrac, Stéphane Hessel, Daniel Cordier, Germaine Tillion ou Maurice Kriegel-Valrimont.<br />

Dans ce document, les signataires appelaient «les jeunes générations à faire vivre et transmettre l’héritage» du Conseil<br />

national de la Résistance (CNR) et «ses idéaux toujours actuels de démocratie économique, sociale et culturelle».<br />

Maurice Voutey, qui répétait que «résister est un verbe qui peut se conjuguer à tous les temps», était commandeur de la<br />

Légion d’honneur, titulaire de la Médaille militaire et de la Croix de Guerre, et officier des Palmes académiques.<br />

Monsieur Maurice VOUTEZ est décédé le 2 mai <strong>20</strong>12 à Dijon.<br />

Page 43<br />

…/...


Page 44<br />

Micheline LEVY<br />

J’avais 14 ans quand la France a été envahie par les forces nazies en 1940.<br />

C’est la fin des combats, mais aussi l’époque de toutes les humilia"ons.<br />

Je suis née à Etain dans la Meuse. Ma famille est française. Mon père est<br />

prisonnier de guerre. J’ai vécu des moments terribles, où l’an"sémi"sme et la<br />

propagande se sont amplifiés sur l’ensemble de la zone libre. Nous avons été<br />

obligés de nous présenter au commissariat pour faire apposer un « J » rouge<br />

sur notre carte d’iden"té. Nous avons toujours essayé d’écouter Radio-<br />

Londres qui lançait des appels à la Résistance. Les arresta"ons de 3 sœurs de<br />

papa à la ligne de démarca"on m’ont poussée vers une sourde révolte, j’essayai<br />

de m’informer par n’importe quels moyens de l’évolu"on du pays.<br />

Enfin, un jour d’hiver 1943, je fis connaissance d’un jeune ouvrier d’origine<br />

polonaise, qui faisait par"e d’un syndicat de main-d’œuvre immigrée et faisait<br />

par"e d’un réseau de résistance.<br />

Mes premières ac"ons portaient sur la distribu"on de tracts dans les boîtes aux le?res, sur la transmission<br />

de courriers et de renseignements aux différents réseaux.<br />

En mars 1944, j’ai qui?é le domicile familial à Roanne, pour accompagner un contact à Lyon.<br />

A Lyon, je retrouve un autre contact, Liliane.<br />

La jeune femme m’a fourni de nouvelles pièces d’iden"té, une somme d’argent et m’expliqua en quelques<br />

mots les nouvelles missions.<br />

Ces missions d’agent de liaison concernaient les villes d’Aix-Les-Bains, Chambéry, Macon , Grenoble, et c’est<br />

pour cela que j’ai appris par cœur les horaires des trains et tous les coins et recoins des gares pour pouvoir<br />

échapper à une éventuelle filature.<br />

Le 24 juillet 1944, je suis arrêté. Je suis dans le tram qui me ramène du centre vers Villeurbanne, 3 hommes,<br />

des Français en civil, m’encadrent et me disent « Police allemande », ils me demandent mes papiers, et « ils<br />

sont, vous êtes juive ». On descend du tram, je me retrouve coincée à l’arrière d’un véhicule.<br />

On arrive place Belcour, je suis enfermée dans un local au sous-sol avec d’autres personnes. Rapidement,<br />

rapidement j’avale le stencil ( il y avait différentes informa"ons sur les mouvements des troupes nazies).<br />

Par la suite, je vais subir plusieurs interrogatoires. Quelques jours plus tard, les nazis nous ont entassés dans<br />

des wagons à bes"aux, direc"on l’EST. Les condi"ons de transport sont effroyables. Nous arrivâmes à l’intérieur<br />

d’un immense camp : Auschwitz-Birkenau. La sélec"on fut féroce.<br />

Les condi"ons dans ce camp furent terribles (la faim, la soif, l’insalubrité, les maladies…)<br />

Aujourd’hui avec du recul, je me suis rendue compte que les nazis voulaient nous avilir, nous détruire, nous<br />

faire perdre notre dignité, rompre nos liens familiaux, nous rendre voleurs, égoïstes, et insensibles à la<br />

souffrance des autres.<br />

Quand je vois aujourd’hui les néo-nazis, ces racistes, ce sont des gens qui ont peur des difficultés de la vie,<br />

qui se sentent mal dans leur peau, qui, pour se sen"r exister, ont besoin de se croire supérieurs aux autres et<br />

pour ce faire, ils les rabaissent, les humilient. Ils ont peur des autres et ne l’avoueront jamais. Le racisme, c’est<br />

la peur de l’autre.<br />

Ces faux savants, ces faux historiens, manient les foules et une foule n’est plus humaine. C’est une meute.<br />

Les hommes qui la composent ont perdu, dans leur haine et le désir de suivre le mouvement, ce qui faisait<br />

d’eux des êtres humains.<br />

Ce ne sont que des instruments et même, des armes aux mains de ceux qui les dominent et les u"lisent.<br />

J’ai terriblement peur de cela et plus encore quand on mêle Dieu à tout cela.<br />

Madame Micheline LEVY est décédée en mars <strong>20</strong>12


AGENDA DES MANIFESTATIONS<br />

Samedi 14 juillet <strong>20</strong>12 ................................... Fête Nationale<br />

Mercredi 18 juillet <strong>20</strong>12 ............................... Journée Nationale à la Mémoire des victimes des crimes racistes<br />

et antisémites de l'Etat français et d'hommage aux Justes de France<br />

Samedi 28 juillet <strong>20</strong>12 .................................. Cérémonie à la Malpierre<br />

Vendredi 14 septembre <strong>20</strong>12 .......................... 68 ème Anniversaire de la Libération de la Ville de Nancy<br />

Participation des écoles de quartiers<br />

Samedi 15 septembre <strong>20</strong>12…………………..Cérémonie officielle de la libération de Nancy avec les associations patriotiques<br />

Mercredi 26 septembre <strong>20</strong>12 .......................... Réunion du bureau de l'AFMD à 14h<br />

Place du Colonel Driant 54000 Nancy<br />

Samedi 11 novembre <strong>20</strong>12 ............................. 94 ème Anniversaire de la signature de l'Armistice de 1918<br />

Hommage des scolaires aux Combattants de la Grande Guerre<br />

Organisé par le Souvenir Français<br />

L'AFMD54 remercie ses adhérents et ses amis pour leur par"cipa"on ac"ve à l'éla-<br />

bora"on du bulle"n de liaison (courriers, témoignages, documents).<br />

Con"nuez à nous adresser vos témoignages et récits.<br />

Si vous voulez préparer des conférences, des exposi"ons avec l'interven"on de té-<br />

moins de la déporta"on, de la résistance, vous pouvez contacter :<br />

AFMD54<br />

M. BECHER Lamaï<br />

78, Place du Colonel Driant<br />

54000 NANCY<br />

Tél. : 03.83.32.32.30<br />

E-mail : lamai.becher@wanadoo.fr<br />

L'AFMD54 vous souhaite de bonnes<br />

vacances


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