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Pour un Auditorat social et économique - ASM

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POUR UN AUDITORAT SOCIAL ET ECONOMIQUE<br />

De longue date, les juridictions commerciales sont demanderesses d’<strong>un</strong>e<br />

collaboration plus étroite avec <strong>un</strong> ministère public performant en matière <strong>économique</strong>.<br />

Jusqu’ici, il a toujours été admis que c<strong>et</strong>te attente ne serait satisfaite que par la<br />

création d’<strong>un</strong>e structure judiciaire entièrement nouvelle, l’auditorat <strong>économique</strong> ; mais<br />

aujourd’hui, il faut bien le dire, la référence à c<strong>et</strong>te structure à créer n’est plus qu’<strong>un</strong>e sorte<br />

d’incantation rituelle pour colloque « grand-messe », tant dans la réalité sa concrétisation paraît<br />

éloignée.<br />

Le suj<strong>et</strong> n’est pourtant plus tout neuf puisqu’il est apparu au cours des années 70<br />

dans la foulée du débat plus général sur la magistrature <strong>économique</strong> qui en doctrine<br />

spécialisée fut l’<strong>un</strong> des thèmes phares de c<strong>et</strong>te période ; l’on se souviendra notamment des<br />

travaux du professeur Del Marmol qui préconisait la création d’<strong>un</strong>e structure <strong>économique</strong><br />

complète : trib<strong>un</strong>al, cour d’appel <strong>économique</strong> <strong>et</strong> auditorat propre.<br />

En 1978 pour sa part, le professeur Van Compernolle développait dans la revue des<br />

sociétés 1 sa conception de l’auditorat <strong>économique</strong> : « Il s’agirait, écrivait-il, de doter le<br />

juridiction <strong>économique</strong> d’<strong>un</strong> véritable auditorat... Les missions dévolues à c<strong>et</strong> auditorat seraient<br />

diversifiées : elles comporteraient notamment le droit de requérir des divers services publics les<br />

renseignements nécessaires ainsi que le concours des fonctionnaires ; elles comprendraient<br />

aussi le pouvoir d’user de modes <strong>et</strong> de prérogatives d’investigation pour obtenir les<br />

informations qui manquent au juge.<br />

Outre les attributions d’avis <strong>et</strong> d’actions qui lui seraient par ailleurs conférées, <strong>un</strong> office d’agent<br />

d’instruction <strong>et</strong> de mise en état des affaires lui reviendrait de la sorte... »<br />

On le voit, <strong>un</strong>e approche classique de l’auditorat <strong>économique</strong>, calquée sur le<br />

fonctionnement de l’auditorat du travail, <strong>et</strong> exclusivement civile, la nouvelle structure ayant<br />

vocation à intervenir devant le trib<strong>un</strong>al de commerce mais non devant les juridictions pénales,<br />

conception qu’il faudra réenvisager.<br />

Aujourd’hui il ne se publie plus rien en doctrine sur le suj<strong>et</strong>, sans doute<br />

essentiellement parce que les auteurs ont intégré le problème de la d<strong>et</strong>te publique <strong>et</strong> ne croient<br />

plus possible la création d’<strong>un</strong>e structure judiciaire nouvelle, donc forcément coûteuse.<br />

Malgré tout, depuis le début des années 90, le thème de l’auditorat <strong>économique</strong> est<br />

revenu au premier plan en raison du foisonnement des lois <strong>et</strong> proj<strong>et</strong>s de loi qui étendent<br />

largement le champ d’intervention du ministère public dans sa compétence d’avis <strong>et</strong> d’action<br />

devant le trib<strong>un</strong>al de commerce, aboutissant ainsi à confier au parqu<strong>et</strong> financier le rôle prévu<br />

pour <strong>un</strong> auditorat <strong>économique</strong>, sans par ailleurs lui en donner les moyens.<br />

1 R.P.S. 1978, pages 28-29.


On se limitera à mentionner, s’agissant de la plus manifeste extension de<br />

compétence des sections financières, l’adoption prochaine des lois nouvelles sur la faillite <strong>et</strong> le<br />

concordat judiciaire qui bouleversent le rôle du parqu<strong>et</strong> en matière <strong>économique</strong>, notamment<br />

parce que supprimant la faillite d’office, elles opèrent <strong>un</strong> véritable transfert des pouvoirs de<br />

police <strong>économique</strong> du siège vers le ministère public à qui il reviendra dorénavant d’assigner en<br />

faillite, les chambres d’enquête restant organiquement dépendantes du trib<strong>un</strong>al de commerce<br />

mais fonctionnant essentiellement au profit du parqu<strong>et</strong>.<br />

De nombreux praticiens, à l’intérieur <strong>et</strong> à l’extérieur des parqu<strong>et</strong>s, sont convaincus<br />

que les sections financières ne seront pas en mesure, quelle que soient les bonnes volontés <strong>et</strong><br />

les améliorations parcellaires, d’exercer valablement <strong>et</strong> pleinement leurs nouvelles<br />

compétences. Elles appartiennent en eff<strong>et</strong> à <strong>un</strong> corps qui fait face à <strong>un</strong>e multiplication des<br />

tâches avec des moyens insuffisants <strong>et</strong> qui logiquement est amené à privilégier ses<br />

compétences traditionnelles au détriment de son intervention dans le domaine <strong>économique</strong><br />

dont l’urgence est perçue comme moins immédiate.<br />

Il n’est pas nécessaire d’aller plus avant dans l’analyse du problème, celui-ci étant<br />

en général bien perçu ; en guise de conclusion à c<strong>et</strong> égard, l’on se contentera de citer les<br />

propos du premier substitut Verhelst lors du colloque du Sénat sur le ministère public : « c<strong>et</strong>te<br />

nouvelle mission (de police <strong>économique</strong>) ne peut être sérieusement prise en considération tant<br />

que des mesures d’encadrement légales <strong>et</strong> matérielles adaptées n’auront pas été prises ». 2<br />

C’est bien là exprimer <strong>un</strong> sentiment général.<br />

A ce stade, la réflexion pourrait paraître close ou en tous cas stérile : les besoins<br />

sont patents, identifiés, mais il s’avère impossible de pourvoir aux moyens à m<strong>et</strong>tre en œuvre<br />

pour y faire face.<br />

D’où l’idée de tenter <strong>un</strong>e synthèse entre ces deux exigences, fonctionnelle <strong>et</strong> budgétaire,<br />

apparemment inconciliables <strong>et</strong> de promouvoir <strong>un</strong>e solution médiane à la création d’<strong>un</strong> auditorat<br />

<strong>économique</strong>.<br />

Il s’agirait donc de transformer l’actuel auditorat du travail en <strong>un</strong> « grand auditorat »<br />

cumulant les compétences <strong>social</strong>es <strong>et</strong> <strong>économique</strong>s dévolues au ministère public, en y<br />

incluant, car il s’agit d’<strong>un</strong>e matière <strong>social</strong>e <strong>et</strong> <strong>économique</strong> au sens large, la protection de<br />

l’environnement..<br />

Au plan fonctionnel, l’intérêt essentiel de l’opération réside dans la synergie<br />

évidente que l’on créerait en rapprochant le traitement de deux matières, <strong>social</strong>es <strong>et</strong><br />

<strong>économique</strong>s, qui sont en grande partie les deux faces d’<strong>un</strong>e même réalité, la réalité du monde<br />

de l’entreprise.<br />

En eff<strong>et</strong> dans les compétences de l’auditorat du travail, le droit du travail <strong>et</strong> le droit de la<br />

sécurité <strong>social</strong>e découlent très clairement des relations qui se nouent au sein de l’entreprise ;<br />

seul le droit de l’aide <strong>social</strong>e paraît échapper à ce rattachement. Quant au droit <strong>économique</strong>, il<br />

n’est pas nécessaire d’insister sur sa filiation directe avec l’entreprise. Il y aurait donc <strong>un</strong><br />

avantage nécessaire à traiter sous <strong>un</strong>e structure comm<strong>un</strong>e les compétences du ministère<br />

2<br />

In B. VERHELST, « La mission du ministère public en matière <strong>économique</strong> », Actes du colloque des 7<br />

<strong>et</strong> 8 octobre 1994, « Un ministère public pour son temps », pages 86-87.


public en ces matières <strong>et</strong> à créer de la sorte <strong>un</strong> interface entre les juridictions commerciales <strong>et</strong><br />

du travail.<br />

Imaginons par exemple ce qu’<strong>un</strong>e audience ONSS devant le trib<strong>un</strong>al du travail, où l’auditorat<br />

intervient aujourd’hui de façon quasi administrative, pourrait représenter comme source de<br />

renseignements sur les commerçants en difficulté, dans le cadre d’<strong>un</strong> auditorat <strong>social</strong> <strong>et</strong><br />

<strong>économique</strong> ; demandons nous si <strong>un</strong> auditorat intégré n’aurait pas permis de détecter plus tôt<br />

le phénomène des négriers de la construction, l’appréhendant par ses deux aspects, <strong>social</strong> <strong>et</strong><br />

<strong>économique</strong>.<br />

De façon plus générale, que l’on pense aux sources d’informations multipliées dont<br />

bénéficierait <strong>un</strong> grand auditorat, en connexion à la fois avec les administrations, les chambres<br />

d’enquête commerciales, les greffes de commerce, <strong>et</strong> bénéficiant en outre des moyens<br />

d’investigation traditionnels en matière d’enquêtes judiciaires.<br />

Le rapprochement des deux matières paraît d’autant plus s’inscrire dans la logique des choses<br />

que dans la pratique, des contacts réguliers sont organisés entre certains auditorats <strong>et</strong> sections<br />

financières pour harmoniser les actions <strong>et</strong> échanger des informations ; en d’autres termes,<br />

pourquoi appréhender de façon cloisonnée deux matières que la réalité conduit à traiter de<br />

façon concertée, l’interpénétration du <strong>social</strong> <strong>et</strong> de l’<strong>économique</strong> étant dans nos sociétés de plus<br />

en plus évidente.<br />

Plus prosaïquement, le second avantage que l’on aperçoit à la création d’<strong>un</strong> grand auditorat<br />

réside dans le caractère peu dispendieux des solutions qu’elle apporterait aux insuffisances du<br />

ministère public en matière <strong>économique</strong>.<br />

Il n’est pas possible, <strong>et</strong> tel n’est pas le but, d’évaluer ici l’impact budgétaire de l’adaptation<br />

envisagée ; c<strong>et</strong> impact ne sera pas totalement neutre mais restera de toute façon limité<br />

puisqu’en tout cas, auc<strong>un</strong>e structure nouvelle n’est à créer.<br />

Adaptation de locaux, déplacement de matériel, révision de la gestion, peut être <strong>un</strong><br />

renforcement ponctuel du cadre, tout cela ne devrait pas se révéler ruineux <strong>et</strong> constituer <strong>un</strong><br />

obstacle insurmontable aux yeux des responsables politiques.<br />

Il est enfin <strong>un</strong> avantage indirect auquel les événements récents pourraient donner toute sa<br />

valeur ; aujourd’hui les parqu<strong>et</strong>s importants apparaissent à tort ou à raison comme des grands<br />

« machins » difficiles à diriger, difficiles à gérer, difficiles à motiver.<br />

Leur réduction en taille <strong>et</strong> le rééquilibrage avec l’auditorat ne devraient-ils pas être regardés<br />

aussi comme <strong>un</strong>e conséquence positive, susceptible de favoriser la gestion humaine <strong>et</strong><br />

matérielle de ces corps.<br />

Voilà pour les avantages ; des inconvénients, il en existe peut être de type matériel<br />

mais l’on n’en discerne pas de type conceptuel, même si la discussion reste ouverte à c<strong>et</strong><br />

égard.<br />

Je voudrais terminer c<strong>et</strong>te introduction à la problématique du « grand » auditorat en insistant<br />

sur <strong>un</strong> point qui jusqu’ici n’a été qu’effleuré. L’on sait que l’auditorat du travail assume la<br />

fonction du ministère public auprès des juridictions pénales pour y exercer le droit d’action au<br />

répressif contre les infractions aux lois <strong>et</strong> règlements régissant le droit <strong>social</strong>.<br />

De la même manière, <strong>un</strong> auditorat <strong>social</strong> <strong>et</strong> <strong>économique</strong> devrait-il assumer la même tâche à<br />

l’égard des infractions de caractère <strong>économique</strong> ?


L’on ne mésestime pas les difficultés auxquelles pourrait être confronté <strong>un</strong> auditeur<br />

en raison du double rôle, civil <strong>et</strong> pénal, qui serait le sien (l’auditeur qui citerait en faillite devant<br />

le trib<strong>un</strong>al de commerce, n’ignorant par ailleurs pas les éléments non contradictoires contenus<br />

dans <strong>un</strong>e information répressive), mais il apparaît indispensable pour que ce corps puisse<br />

disposer d’<strong>un</strong>e vue globale sur la réalité <strong>social</strong>e <strong>et</strong> <strong>économique</strong> d’<strong>un</strong> arrondissement, que sa<br />

compétence ne soit pas cloisonnée au seul aspect civil de c<strong>et</strong>te réalité.<br />

C’est ce que le professeur De Leval exprimait en d’autres mots sous le titre « le lien<br />

indissociable entre le pénal <strong>et</strong> le civil » 3 :<br />

« On ne peut que rappeler <strong>un</strong>e évidence, celle de l’<strong>un</strong>icité du droit imposant <strong>un</strong>e culture<br />

juridique perm<strong>et</strong>tant toujours d’articuler les différentes spécialités.<br />

La maîtrise des processus juridiques exige c<strong>et</strong> état d’esprit spécialement à <strong>un</strong>e époque<br />

où le pénal <strong>et</strong> le civil conjuguent de plus en plus leurs efforts afin que l’ordre public soit<br />

respecté <strong>et</strong> que la loi soit correctement <strong>et</strong> efficacement appliquée ».<br />

Tel est le but poursuivi à travers la promotion d’<strong>un</strong> auditorat <strong>social</strong> <strong>et</strong> <strong>économique</strong> :<br />

<strong>un</strong>e application correcte <strong>et</strong> efficace de la loi dans les deux domaines concernés par <strong>un</strong>e<br />

valorisation, <strong>un</strong>e utilisation plus adéquate des moyens immédiatement disponibles.<br />

3 Actes du Colloque des 7 <strong>et</strong> 8 octobre 1994.<br />

Jean-Philippe LEBEAU<br />

14 décembre 1996

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