Docteur Jacques LOISY - Creahi d'Aquitaine
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AQUITHEMES<br />
ILS SOUFFRENT DE TROUBLES<br />
DU COMPORTEMENT<br />
A propos du rapport de l’IGAS sur les Instituts de rééducation<br />
<strong>Docteur</strong> <strong>Jacques</strong> <strong>LOISY</strong><br />
Neuro-psychiatre<br />
Conseiller Technique<br />
du CREAHI <strong>d'Aquitaine</strong><br />
L<br />
e remarquable rapport de l’IGAS (M. GAGNEUX et<br />
P. SOUTOU) sur les Instituts de Rééducation<br />
(janvier 1999), fait, dans sa première partie, une<br />
analyse très pertinente des ambiguïtés du terme « troubles<br />
du comportement », depuis la non-définition<br />
administrative jusqu’aux variations des classifications<br />
médicales.<br />
Notre propos n’est pas de paraphraser ce rapport, mais de<br />
tenter un prolongement. Dans le bilan fait par l’IGAS<br />
(p 67), il est proposé un certain nombre de mesures<br />
pragmatiques pour améliorer la prise en charge des jeunes<br />
présentant des troubles du comportement. Il tente une<br />
description de cette « population limite » : ni « véritables<br />
déficients mentaux » (ils sont plus inefficients que<br />
déficients), ni « intrinsèquement psychotiques » (la<br />
pathologie psychique ne se réduit quand même pas à la<br />
psychose), ni « simples cas sociaux » (bien que les<br />
problèmes sociaux soient très prégnants dans la<br />
population des Instituts de Rééducation). « Cela est vrai »,<br />
dirait Monsieur JOURDAIN, et confirme la complexité et la<br />
nécessaire plurifocalité de la prise en charge.<br />
Il y a peut-être là une opportunité à proposer un travail<br />
théorique sur la notion de trouble du comportement, ou<br />
une réflexion autour d’une annexe XXIV plus pertinente.<br />
Le contexte administratif<br />
La prise en charge des enfants en difficulté relève de<br />
logiques administratives et financières différentes. Ces<br />
logiques parallèles se complètent, voire se chevauchent<br />
mais parfois entrent en conflit, chaque administration<br />
prétendant à l’homogénéité de sa population pour ne pas<br />
payer les prix de journées pour une autre.<br />
Le Nouveau Mascaret n° 58 – 4 ième Trimestre 99 47
AQUITHEMES<br />
Le Ministère de l’Emploi et de la<br />
Solidarité, celui de la Justice, celui de<br />
l’Education Nationale, président à ces<br />
logiques, dans le secteur de la santé, le<br />
secteur médico-social, le secteur de l’ASE,<br />
celui de la protection judiciaire de la<br />
jeunesse et l’école.<br />
Les « troubles du comportement » relèvent<br />
de la logique médico-sociale, de la tutelle<br />
du Ministère de l’Emploi et de la<br />
Solidarité, du financement par la Sécurité<br />
Sociale.<br />
Le problème des définitions<br />
La difficulté pour appréhender les troubles<br />
du comportement n’est-elle pas, aussi, une<br />
difficulté sémantique, à laquelle n’échappe<br />
pas le rapport de l’IGAS lui-même ? Les<br />
enfants accueillis dans les Instituts de<br />
Rééducation « souffrent de troubles du<br />
comportement », dit-il à plusieurs reprises.<br />
Le langage quotidien utilise le verbe<br />
souffrir dans une acception très large.<br />
Douleur et souffrance sont souvent<br />
confondues. Maladie et conséquence de la<br />
maladie sont confondues. Souffre-t-on<br />
d’une déficience, ou d’une incapacité, d’un<br />
désavantage, comme on souffre de mal de<br />
tête ou des pieds, d’un cancer ou d’une<br />
tuberculose ? Les abus de langage<br />
entretiennent la confusion conceptuelle.<br />
Quel est le sens du mot souffrir :<br />
« Eprouver un mal physique ou moral »<br />
(LAROUSSE). C’est le sens le plus commun,<br />
dont tous les autres dérivent. Il y a une<br />
relation directe entre la souffrance et la<br />
maladie physique ; le mal moral, la<br />
souffrance psychique, dont on connaît les<br />
manifestations protéiformes et tous les<br />
termes de passage entre la souffrance<br />
morale inhérente à la destinée humaine et<br />
la maladie mentale. Les troubles du<br />
comportement sont-ils donc, en soi, un<br />
mal, une maladie ? En Amérique (USA),<br />
peut-être, où les enfants hyperactifs sont<br />
traités par les amphétamines…<br />
48<br />
Le Nouveau Mascaret n° 58 – 4 ième Trimestre<br />
En 1989, la cure de jouvence administrée<br />
aux annexes XXIV, a essentiellement<br />
retenu la notion de « déficience » pour<br />
définir la population des établissements du<br />
domaine médico-social. Ce concept est<br />
issu de la classification internationale des<br />
handicaps (CIH 1), faite par WOOD à la<br />
demande de l’OMS pour décrire les<br />
« conséquences des maladies ». Il a été<br />
officialisé en France par la<br />
« NOMENCLATURE DES DEFICIENCES,<br />
INCAPACITES, DESAVANTAGES », version<br />
simplifiée et quelque peu remaniée,<br />
publiée le 20 avril 1988 par le Ministère<br />
des Affaires Sociales et de l’Emploi. Mais<br />
si les circulaires correspondantes aux<br />
annexes XXIV ont donné un cadre et un<br />
contenu au travail effectué dans ces<br />
institutions, la question des troubles du<br />
comportement n’en a pas été éclaircie pour<br />
autant. Il semble que le raisonnement<br />
administratif ait buté sur l’annexe XXIV<br />
elle même. Celle-ci met dans le même sac<br />
les déficients intellectuels, destinés à être<br />
pris en charge dans les IMP, IMPRO, IME, et<br />
les « inadaptés », pris en charge dans les<br />
Instituts de Rééducation. Le terme<br />
« d’inadapté » date des premières<br />
annexes XXIV de 1956, il est vite oublié<br />
dans le texte au profit de « trouble du<br />
comportement », sans que l’un et l’autre<br />
termes soient définis réellement. Les<br />
troubles du comportement dans cette<br />
logique (et dans la Nomenclature des<br />
« déficiences, incapacités, désavantages »),<br />
appartiennent au groupe des «déficiences<br />
du psychisme », dont ils ne sont d’ailleurs<br />
qu’un item parmi les autres. Notons que<br />
cet item regroupe « les autres atteintes du<br />
psychisme qui n’ont pu être classées<br />
ailleurs »… ! Ce qui n’est guère<br />
éclairant… !<br />
Les troubles du comportement sont-ils<br />
donc une déficience ? Sur le plan<br />
administratif, il semble bien que cela soit.<br />
Il n’y a pas de difficulté pour les<br />
déficiences d’origine organique, motrices<br />
(annexe XXIV bis), polyhandicaps (annexe<br />
XXIV ter), sensorielles (annexes XXIV<br />
quater et quinquies), dont la maladie
AQUITHEMES<br />
causale répond aux critères de la CIM 10,<br />
incontournable en matière de pathologie<br />
organique.<br />
La question émerge pour la déficience<br />
intellectuelle, qui ne répond pas à un<br />
schéma univoque : la notion de QI est<br />
devenue aléatoire ; l’origine organique<br />
n’est évidente que dans un certain nombre<br />
de cas ; l’origine affective, culturelle peut<br />
être aussi en cause ; cette déficience n’est<br />
plus considérée comme un simple manque<br />
mais comme une structure ; les psychoses<br />
se mêlent d’être déficitaires ; le diagnostic<br />
de déficience intellectuelle n’est un<br />
diagnostic en soi que lorsqu’il n’est pas<br />
une déficience associée à un autre<br />
diagnostic prévalent (CFTMEA).<br />
Quant aux troubles du comportement, c’est<br />
la bouteille à l’encre… ! L’IGAS elle-même<br />
dit : « Cette notion véhicule, derrière des<br />
stéréotypes imprécis et désuets (de type<br />
enfants caractériels), une reconnaissance<br />
quasi officielle d’un handicap de nature<br />
très vague pour une population mal définie,<br />
dont on sait seulement qu’elle est trop<br />
inadaptée à l’institution scolaire pour y<br />
demeurer, et pas assez caractérisée pour<br />
l’élaboration d’un diagnostic exclusivement<br />
médical et univoque ».<br />
Les troubles du comportement<br />
Il semble que l’on pourrait cependant<br />
utiliser la démarche clinique pour définir<br />
ce que sont les troubles du comportement :<br />
ni la démarche ni le terme ne sont abusifs.<br />
L’annexe XXIV et la circulaire<br />
correspondante précisent bien que des<br />
moyens médico-éducatifs sont à mettre en<br />
œuvre dans les Instituts de Rééducation qui<br />
se doivent « d’être un cadre autant<br />
thérapeutique que pédagogique ». Le terme<br />
« thérapeutique » mérite d’être souligné.<br />
Notons qu’on oriente les enfants vers des<br />
établissements ressortissants de l’idée de<br />
handicap pour qu’ils ne deviennent pas<br />
handicapés…<br />
L’évaluation par les CDES doit comporter<br />
un bilan médical et pour le cas présent,<br />
psychiatrique. Même si ce n’est qu’un<br />
élément dans une évaluation qui se doit de<br />
prendre en compte la globalité de la<br />
situation de l’enfant et de son<br />
environnement, le contexte social, familial,<br />
scolaire, c’est un élément majeur dans la<br />
décision. Lorsque les politiques locales<br />
prennent soin de demander l’avis de la<br />
CDES même pour les enfants orientés par<br />
l’ASE ou la Justice, la démarche est la<br />
même.<br />
Qu’est-ce qu’un comportement ?<br />
« Ensemble des réactions d’un individu<br />
observables objectivement » (LAROUSSE).<br />
C’est un objet « d’observation objective »,<br />
et une « réaction ». Tout le monde peut<br />
observer : les parents, les enseignants, le<br />
premier venu. Notons que, en 1997, dans<br />
58 % des cas, la CDES d’Ile de France a été<br />
saisie directement par l’Education<br />
Nationale (IGAS 1999, citant des études du<br />
CREAI Ile de France), de même en<br />
Bretagne : 54 %.<br />
L’idée de réaction implique que le<br />
comportement est une réponse du sujet à<br />
un stimulus, interne ou externe ; qu’il y a<br />
donc un sens à ce comportement.<br />
Les enfants « clients » des Instituts de<br />
Rééducation, se manifestent par leur<br />
comportement, ne pouvant ou ne sachant<br />
pas verbaliser leurs émotions, leur mal-être<br />
physique et/ou psychique, du fait de leur<br />
jeune âge et/ou de la non capacité d’écoute<br />
de leur entourage, ils emploient pour<br />
s’exprimer ce qui est à leur disposition,<br />
c’est-à-dire leur comportement. Celui-ci<br />
prend sens en fonction du contexte, des<br />
composantes physiques et psychiques de<br />
1’individu, de l’environnement dans lequel<br />
il vit. Ce comportement devient inquiétant<br />
lorsqu’il est hors normes sociales, et<br />
devient « insupportable », a fortiori<br />
lorsqu’il agresse l’autre, adulte ou enfant,<br />
que ce mal-être ainsi exprimé soit<br />
réactionnel ou structurel.<br />
Mais où sont les normes, et les limites ?<br />
Le Nouveau Mascaret n° 58 – 4 ième Trimestre 99 49
AQUITHEMES<br />
La perception des troubles du<br />
comportement est très subjective, dans<br />
l’interaction avec l’environnement<br />
socioculturel, ainsi que du seuil de<br />
tolérance individuel de l’adulte.<br />
Prenons l’exemple classique : faire des<br />
bruits avec sa bouche, roter, à la fin d’un<br />
repas est des plus malséant chez nous ;<br />
c’est un signe de satisfaction et de<br />
remerciement apprécié dans d’autres<br />
cultures. Le devin attaché à TRIMALCION,<br />
dans le SATYRICON de FELLINI, interprète<br />
le phénomène dans un sens favorable…<br />
Tel enfant considéré comme<br />
« insupportable » dans une classe, sera<br />
bien accepté dans telle autre.<br />
Tout ceci est bien connu et n’a rien<br />
d’original.<br />
Le rapport de l’IGAS relève que « l’enfant,<br />
objet de la mesure (de placement) devient<br />
insaisissable et prend des formes<br />
changeantes avec la nature même de<br />
l’observateur : il est tour à tour perturbé et<br />
perturbant, malade, mauvais élève ou<br />
méchant, victime souvent et parfois<br />
délinquant », ce qui explique en partie les<br />
filières d’orientation.<br />
Il nous paraît évident de considérer<br />
d’abord et avant tout le comportement, et<br />
ses troubles, comme un message émis par<br />
l’enfant : comprenne qui pourra,<br />
comprenne qui voudra…, dans un contexte<br />
qui module la manifestation et le sens.<br />
« Les actes antisociaux ne sont que l’écho<br />
d’un cri de révolte intérieur de celui dont la<br />
demande n’est pas entendue » (C. Linard –<br />
Vidaud – Ance juin 1994).<br />
En un mot, de considérer les troubles du<br />
comportement comme un symptôme, à<br />
comprendre dans une démarche clinique.<br />
Ce qui n’est pas synonyme de<br />
médicalisation ou de pathologisation, mais<br />
méthodologie d’observation et prise en<br />
compte de l’enfant et de son entourage<br />
dans une démarche de compréhension<br />
globale. Le trouble du comportement n’est<br />
pas, a priori, pathologique, mais il peut être<br />
le signe d’une éventuelle pathologie.<br />
Il s’agit d’observer des signes, le plus<br />
objectivement possible : le comportement<br />
50<br />
Le Nouveau Mascaret n° 58 – 4 ième Trimestre<br />
est le premier (à côté des signes<br />
physiques, de laboratoire, de radiologie,<br />
etc., si nécessaire). Ces signes,<br />
symptômes, s’associent en syndromes, qui<br />
évoquent un dysfonctionnement, un mal<br />
physique ou psychique.<br />
A titre analogique, le déficit moteur d’un<br />
membre est d’abord un symptôme, d’une<br />
lésion, musculaire, osseuse, neurologique,<br />
ou d’une manifestation hystérique, avant<br />
d’être envisagé comme une déficience.<br />
Dans le domaine physique, et plus encore<br />
dans le domaine psychique, l’histoire,<br />
l’anamnèse est fondamentale. Ainsi que les<br />
relations avec l’environnement familial,<br />
social. La conceptualisation, la<br />
« clarification » de WOOD insiste à juste<br />
titre sur les interactions réciproques entre<br />
le sujet et son environnement. La<br />
CLASSIFICATION FRANCAISE DES<br />
TROUBLES MENTAUX DE L’ENFANT ET DE<br />
L’ ADOLESCENT (CFTMEA), dans son axe 2,<br />
donne sa juste place à l’histoire du sujet,<br />
tant organique qu’évènementielle, et à son<br />
environnement, sans que ces éléments<br />
soient considérés forcément comme la<br />
cause des troubles. Toute cette démarche<br />
pour poser un diagnostic en terme de<br />
structure, diagnostic révisable à tout<br />
moment en fonction de l’évolution.<br />
Les classifications médicales<br />
Le rapport de l’IGAS, s’intéressant aux<br />
classifications médicales ne retient que la<br />
CIM 10 et la CFTMEA , comme reconnues<br />
par l’administration, la CFTMEA donnant la<br />
possibilité de transcription dans la CIM 10.<br />
La CIM 10 a les faveurs de certaines<br />
administrations, ce qui est souvent fonction<br />
des régions et des responsables. Est-ce le<br />
prestige du sigle « international » ?<br />
Les praticiens français utilisent<br />
majoritairement la CFTMEA, considérant<br />
que la CIM 10 est mal adaptée à la<br />
pathologie des enfants et adolescents<br />
(P. BAILLY - SALIN et S. LADRET,<br />
Information Psychiatrique 9/1987). La<br />
CIM 10 est très infiltrée de
AQUITHEMES<br />
comportementalisme nord-américain ; la<br />
CFTMEA répond mieux à la tradition<br />
humaniste française, raisonnant en terme<br />
de structure de personnalité, et non en<br />
terme de comportement. Pourquoi ne pas<br />
utiliser systématiquement « l’exception<br />
française » dans les analyses de population<br />
des institutions ? La CFTMEA est d’ailleurs<br />
la référence pour les statistiques annuelles<br />
des services d’hygiène mentale, destinées<br />
au ministère.<br />
On a souvent décrit les enfants reçus dans<br />
les Instituts de Rééducation, sans que cela<br />
permette de lever les ambiguïtés relevées<br />
par l’IGAS. C’est à partir de la CFTMEA que<br />
l’on peut, avec le plus de pertinence,<br />
mettre en œuvre une démarche de<br />
compréhension, qui n’est pas forcément<br />
une explication, des troubles du<br />
comportement.<br />
Toutes les études de population faites par<br />
ce moyen montrent que l’immense<br />
majorité de ces jeunes présentent des<br />
troubles de personnalité, le plus souvent<br />
repérés comme dysharmonies évolutives,<br />
pathologies narcissiques, anaclitiques, plus<br />
rarement des organisations de type<br />
caractériel ou psychopathique, sans<br />
omettre les troubles réactionnels, non<br />
pathologiques, qui alimentent quand même<br />
une bonne partie des consultations en<br />
HYGIENE MENTALE. Le comportement<br />
n’étant que la manifestation extérieure de<br />
ces troubles.<br />
Dans le contexte de ces diagnostics de<br />
structure de personnalité, on relève un<br />
nombre impressionnant de circonstances<br />
évènementielles et contextuelles, repérées<br />
sur l’axe 2 de la CFTMEA : 5 ou 6 items ne<br />
sont pas rares.<br />
Ces enfants présentent aussi de très<br />
nombreux troubles du langage parlé et<br />
écrit, des troubles psychomoteurs, relevant<br />
de rééducations spécifiques et/ou pris dans<br />
la dynamique de leur pathologie de<br />
personnalité.<br />
« Le rapport de l’IGAS cite le Pr MISES :<br />
Aujourd’hui, en pathologie mentale, on a<br />
appris à reconnaître que la plupart des<br />
perturbations s’organisent dans des<br />
processus complexes et multifactoriels, ou<br />
les composantes organiques, familiales,<br />
sociales entrent dans des interactions<br />
dialectiques qui s’expriment d’une façon<br />
différente d’un cas à l’autre. A partir de là,<br />
l’évolution clinique des « troubles dits du<br />
comportement » impose une approche<br />
élargie, ou les données essentielles pour la<br />
délimitation de la nature de la pathologie<br />
s’appuient sur des essais de compréhension<br />
de l’histoire et sur l’étude de l’organisation<br />
interne du sujet, ressaisi dans ses rapports<br />
actuels avec son environnement ». Cette<br />
position explicite bien la démarche<br />
clinique de compréhension, qui est autre<br />
chose que la constatation d’une déficience.<br />
La note statistique n° 280 de la DREES<br />
(02/1997) (IGAS, page 7), sur les<br />
Etablissements pour enfants et adolescents<br />
handicapés, à propos des causes<br />
d’orientation en Institut de Rééducation,<br />
signale, au sein de la rubrique : « autres<br />
déficiences » (90,4 %) : déficiences du<br />
comportement en rapport avec des troubles<br />
psychiatriques graves 7,4 %, et troubles du<br />
caractère et du comportement 82,4 %. Ce<br />
qui classe bien les TCC dans les<br />
déficiences.<br />
Des typologies qui mettent sur le même<br />
plan les déficiences intellectuelles, les<br />
psychoses, et les troubles du<br />
comportement, pour stigmatiser la<br />
population des Instituts de Rééducation ne<br />
disent pas grand chose sur celle-ci, mais<br />
alimentent la confusion, par confusion des<br />
présupposés théoriques.<br />
Le rapport de l’IGAS constate, qu’en fait,<br />
les Instituts de Rééducation reçoivent des<br />
jeunes par des filières différentes, en vue<br />
d’une prise en charge thérapeutique autant<br />
que rééducative, éducative et pédagogique,<br />
ce qui est la vocation définie par les<br />
circulaires « en vue d’éviter que l’enfant<br />
ou l’adolescent ne s’enferme dans la filière<br />
inéluctable du handicap ». Il s’agit donc<br />
bien de lieux de soin, pour des pathologies<br />
psychiques qui ne relèvent pas de lieux<br />
explicitement psychiatriques, dans une<br />
Le Nouveau Mascaret n° 58 – 4 ième Trimestre 99 51
AQUITHEMES<br />
prise en charge globale de l’enfant, pris<br />
dans le réseau relationnel familial et<br />
environnemental. Avant que d’être des<br />
lieux de rééducation de déficience. Que<br />
valent alors les termes d’Institut de<br />
Rééducation, et de troubles du<br />
comportement ?<br />
Prospective<br />
Les enfants reçus dans ces institutions<br />
souffrent-ils de troubles du comportement<br />
? ou ont-ils des troubles du<br />
comportement parce qu’ils souffrent, et par<br />
là, font souffrir les autres ?<br />
Troubles du comportement comme<br />
symptôme, troubles du comportement<br />
comme déficience ? Les troubles du<br />
comportement ont-ils un sens ou ne sontils<br />
que déficiences à rééduquer ?<br />
Instituts de Rééducation, troubles du<br />
comportement sont des héritages<br />
langagiers d’un passé pas très lointain,<br />
mais révolu. Les termes « caractériels »,<br />
« troubles du comportement », « inadaptés<br />
» ne répondent plus aux évolutions<br />
de la théorie et de la pratique.<br />
Les choses seraient peut-être plus simples<br />
si on dépassait ces confusions de langage,<br />
si l’usage par les praticiens français, non<br />
administrativement mis en œuvre<br />
régulièrement, de la CFTMEA et de la<br />
Nomenclature était reconnu formellement.<br />
Troubles du comportement comme<br />
symptôme, ce qui correspond à une<br />
démarche opératoire, plus que comme<br />
déficience, fourre-tout sans réelle<br />
52<br />
<br />
Le Nouveau Mascaret n° 58 – 4 ième Trimestre<br />
définition. CFTMEA et NOMENCLATURE ne<br />
sont cependant pas contradictoires, si l’on<br />
délimite bien les champs.<br />
L’IGAS parle d’une approche<br />
« administrative » de la question, qui<br />
n’apporte aucun élément positif, et de<br />
l’approche « empirique » des praticiens, de<br />
toutes formations, des Instituts de<br />
Rééducation. Celle-ci correspond au travail<br />
clinique auprès de ces enfants. Avant toute<br />
chose ne serait-il pas nécessaire de mettre<br />
en accord les textes avec la réalité du<br />
terrain, sans réduire les problèmes des<br />
enfants à une pathologie unique, ou à une<br />
déficience indéfinissable ?<br />
A notre avis, l’analyse extrêmement<br />
pertinente par l’IGAS de la question des<br />
Instituts de Rééducation devrait déboucher,<br />
aussi, sur une remise en cause de<br />
l’annexe XXIV, et des définitions des<br />
troubles du comportement.<br />
Ces considérations ne sont que l’amorce<br />
d’une réflexion dans cette perspective.<br />
Elles sont issues d’une lecture attentive du<br />
rapport de l’IGAS. Et d’un travail<br />
passionnant et passionné, de plus de 25 ans<br />
au CREAHI, dans un hôpital de jour, et<br />
auprès d’enfants en souffrance, aux<br />
comportements difficiles, sous-tendus par<br />
des troubles de personnalité à des degrés<br />
divers, d’intelligence potentielle normale,<br />
mais le plus souvent inefficiente dans le<br />
domaine scolaire, porteurs d’histoires<br />
personnelles et familiales lourdes, dans un<br />
établissement appelé INSTITUT DE<br />
REEDUCATION.