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Michel BAKOUNINE - William Marie

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vi <strong>Michel</strong> Bakounine<br />

1847, rue Saint-Honoré un vaste banquet de quinze cents couverts et y convient<br />

l'adversaire acharné du tsar. Bakounine demande la parole pour y prononcer un<br />

discours fracassant qui se terminait par ces mots:<br />

« La réconciliation de la Russie et de la Pologne est une œuvre immense et bien digne<br />

qu'on s'y dévoue tout entier. C'est l'émancipation de soixante millions d'habitants, c'est la<br />

délivrance de tous les peuples slaves qui gémissent sous un joug étranger, c'est enfin la<br />

chute, la chute définitive du despotisme en Europe. Qu'il vienne donc ce grand jour de<br />

réconciliation, le jour où les Russes, unis à vous par les mêmes sentiments, combattant pour<br />

la même cause et contre un ennemi commun, auront le droit d'entonner avec vous votre air<br />

national polonais, cet hymne de la liberté: Jeszeze Polska nie Zginela ! »<br />

Le discours fut publié le 5 décembre 1847. C'en était trop, la législation de Russie<br />

exige l’expulsion de l'impudent orateur. Elle fut accordée par les ministres du roicitoyen<br />

dont l'un, celui de l'Intérieur, souligna « qu'il ne pouvait, ni ne devait rendre<br />

compte des motifs ». Bakounine, réfugié à Bruxelles, apprend que le bruit court, dans<br />

la capitale française, qu'il est un espion russe au service de l'ambassade, devenu par<br />

trop encombrant. Aussitôt il proteste contre cette infamie et contre les « réticences »<br />

du ministre. Le 7 février 1848 il adresse une rectification à « La Réforme » — dont il<br />

avait été d'ailleurs un collaborateur sous Flocon — dans laquelle il porte un défi<br />

public « que l'on puisse donner de son expulsion une seule raison qui ne fut pas<br />

honorable ». Sa protestation resta sans réponse mais deux semaines après les valets<br />

français du tsar étaient balayés par le peuple de Paris (24 février 1848).<br />

A la vérité il s'agissait d'une information tendancieuse produite par le représentant<br />

russe à Paris, M. Kisseleff — ami de la famille de Jenny von Westphalen, femme de<br />

Karl Marx — qui avait déclaré : « C'est un homme qui ne manque pas de talent, nous<br />

l'avons employé, mais aujourd'hui il est allé trop loin et nous ne pouvons plus<br />

souffrir sa présence à Paris. » Cette calomnie fut perfidement exploitée par un petit<br />

clan de communistes allemands qui ne pouvait souffrir qu'un homme, fût-ce<br />

Bakounine, les gênât dans leurs intrigues. Au dire d'Herzen les jours qui vont suivre<br />

sont les plus beaux jours du révolutionnaire qui s'est empressé de regagner la France<br />

dès la chute de la royauté. « Bakounine ne quitte plus les Montagnards, écrit Hersent,<br />

il passe ses nuits, mange avec eux et ne se lasse pas de leur prêcher le communisme<br />

et l'égalité de salaire, le nivellement au nom de l'égalité, l'émancipation de tous les<br />

Slaves, l'abolition de tous les Etats analogues à l'Autriche, la révolution en<br />

permanence et la lutte implacable jusqu'à l'extermination du dernier ennemi. " Par<br />

contre le préfet de police de Paris le juge dangereux : « Quel homme ! quel homme !<br />

dit-il, le premier jour de la révolution, c'est un trésor; le second jour il est bon à<br />

fusiller. » Quant à Flocon, qui connaît bien son ancien rédacteur, son opinion se<br />

résume à ceci : « Avec trois cents hommes de la trempe de Bakounine la France est<br />

ingouvernable. »<br />

Or la vague révolutionnaire ne se limite pas à la France. A son tour Vienne (13<br />

mars 1848) et Berlin (18 mars 1848) se soulèvent. Bakounine estime que sa place se<br />

trouve parmi les Slaves révoltés. Il part donc en avril, passe à Francfort, Cologne,<br />

Berlin, Leipzig, Breslau, atteint Prague le 2 juin. Ville où se tient le « Congrès<br />

général des Slaves ». Il y assiste et s'y déchaîne. Il faut détruire non seulement<br />

l'empire des tsars, mais celui d'Autriche et de surcroît le royaume de Prusse, telle est<br />

son opinion sans fard.

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