Mise en page 1 - Théâtre de la Ville

Tendreet
cruel
MARTIN CRIMP
BRIGITTE JAQUES-WAJEMAN
CIE PANDORA CRÉATION
DOSSIER PÉDAGOGIQUE SAISON 2012 I 2013
établi par la CIE PANDORA
DU 5 AU 21 FÉVRIER 2013
{ AU THÉÂTRE DES ABBESSES }
version française
PHILIPPE DJIAN
mise en scène
BRIGITTE JAQUES-WAJEMAN
assistant
PASCAL BEKKAR
dramaturgie
FRANÇOIS REGNAULT
CLÉMENT MERCIER
décor & lumière
YVES COLLET
objets de scène
FRANCK LAGAROJE
costumes
LAURIANNE SCIMEMI
maquillages, coiffures
CATHERINE SAINT-SEVER
musique
MARC OLIVIER DUPIN
images vidéo
CLÉMENT MERCIER
avec
ANNE LE GUERNEC
PIERRE-STÉFAN MONTAGNIER
THIBAULT PERRENOUD
BERTRAND SUAREZ-PAZOS
PASCAL BEKKAR
SOPHIE DAULL
SARAH LE PICARD
AURORE PARIS
JENNY MUTELA
ARNOLD MENSAH

© X. DR
MARTIN CRIMP I BRIGITTE JAQUES-WAJEMAN
CIE PANDORA
Tendre et cruel CRÉATION
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VERSION FRANÇAISE Philippe Djian (ÉDITIONS DE L’ARCHE)
MISE EN SCÈNE Brigitte Jaques-Wajeman
ASSISTANT Pascal Bekkar
DRAMATURGIE François Regnault, Clément Mercier
DÉCOR & LUMIÈRE Yves Collet
COLLABORATION LUMIÈRE Nicolas Faucheux
OBJETS DE SCÈNES Franck Lagaroje
COSTUMES Laurianne Scimemi
MAQUILLAGES, COIFFURES Catherine Saint-Sever
MUSIQUE ORIGINALE Marc Olivier Dupin
ÉDITEUR Frédéric Leibovitz I Cézame Music Agency
SAXOPHONE TÉNOR Davy Basquin I PIANO Maréva Bécu I
PERCUSSIONS Hervé Trovel
IMAGES VIDÉO Clément Mercier
SON Stéphanie Gibert
AVEC
Anne Le Guernec AMELIA
Pierre-Stéfan Montagnier LE GÉNÉRAL, SON MARI
Thibault Perrenoud JAMES, LEUR FILS
Bertrand Suarez-Pazos RICHARD, JOURNALISTE
Pascal Bekkar JONATHAN, MINISTRE
Sophie Daull LA GOUVERNANTE, RACHEL
Sarah Le Picard LA PHYSIOTHÉRAPEUTE, CATHY
Aurore Paris L’ESTHÉTICIENNE, NICOLE
Jenny Mutela LAELA, 18 ANS, JEUNE AFRICAINE
Arnold Mensah EDU, SON FRÈRE
Arnold Mensah IOLAOS, UN AMI DU GÉNÉRAL
COPRODUCTION Théâtre de la Ville-Paris – L’Onde, Vélizy –
Comédie de l’Est, Colmar – Compagnie Pandora
AVEC LE SOUTIEN FINANCIER DE la DRAC Île-de-France.
ADMINISTRATION CIE PANDORA Dorothée Cabrol
créé à L’ONDE – Théâtre et Centre d’art de Vélizy-
Villacoublay le 31 janvier 2013.
SOMMAIRE
photos répétitions
Joanna Levas
La Tragédie portée au présent I B. Jaques-Wajeman …….. p. 4
Présentation I Clément Mercier ……………………………. p. 5
Sophocle à l’aéroport I Martin Crimp …………………………… p. 6
Sophocle I Clément Mercier ………………………….……. p. 7
La légende I Paul Mazon ……………………………………………… p. 8
Les Trachiniennes I François Regnault ……………………………. p. 9
Une tragédie contemporaine ? I Clément Mercier ……...… p.12
Vieilles outres & vin nouveau ………………………………….... p.13
Tendre et cruel… une adaptaion des Trachiniennes ... p.14
Ouverture I Prologue
La Machine I premier cœur
L’Héritage
Le Messager I le Jounaliste
Le Ministre
Laela
Le Centaure I Le militant gauchiste
Le Philtre d’amour
Une nouvelle histoire de chœur
Une robe bien moulante
Un mois plus tard…
Martin Crimp ……………………………………………...………………. p.21
Brigitte Jaques-Wajeman ……………….………………………….. p.22
les comédiens ……………….…………………………………………... p.23
Rencontre I Tournée ……………………………………....…………... p.25
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LA TRAGÉDIE PORTÉE AU PRÉSENT
Les dramaturges grecs furent les maîtres des fables. Un fabuleux trésor
qu’auteurs contemporains, metteurs en scène et acteurs continuent d’explorer.
D’une pièce de Sophocle réécrite par Martin Crimp, Brigitte Jaques-Wajeman tire
des fils où politique et intimité se nouent et s’opposent.
Avec Tendre et cruel, Martin Crimp réécrit avec une
extrême fidélité une très belle tragédie de Sophocle, Les
Trachiniennes, et la porte entièrement au présent. Il
retrouve la longue tradition des auteurs qui s’emparent
au fil des siècles de thèmes et de mythes antiques et les
traitent à la mesure de la plus proche actualité ! Les
dramaturges grecs sont les maîtres des fables. Ils nous
offrent un fabuleux trésor d’histoires où politique et
intimité se nouent et s’opposent de la façon la plus mystérieuse.
Nous n’avons pas fini de les explorer. Crimp le
fait d’une façon magistrale.
La guerre et l’amour sont au cœur de cette pièce éminemment
politique : la guerre entre les sexes et les nouvelles
formes de la guerre contemporaine aux masques
multiples. Tout le génie de cette adaptation tient à la ma -
nière dont le militaire et le civil, le bourreau et la victime,
l’amour et la mort vont se confondre ici si bien qu’aucune
zone n’est finalement tenue à l’écart de l’horreur.
L’éclatement des frontières de la brutalité est en effet ce
qui affleure dans Tendre et cruel, bien qu’aucun acte de
violence n’y soit commis.
La tragédie de Sophocle met en scène l’histoire douloureuse
de Déjanire, exilée à Trachis avec ses enfants, dont
son fils ainé Hyllos. Épouse délaissée d’Héraclès, Déjanire
se plaint au chœur des Trachiniennes : On l’oblige à ac -
cueillir dans son palais une jeune femme qu’elle prend
en pitié d’abord, mais dont elle apprend qu’elle est la
nouvelle épouse du héros. Pour la conquérir, Héraclès a
tué ses parents et massacré une ville entière. Déjanire
envoie alors à son mari une tunique trempée dans le sang
du centaure Nessos. Elle espère retrouver son amour
grâce à ce qu’elle croit être un philtre d’amour. Mais le
philtre s’avère fatal. Héraclès se meurt. La tunique dé -
verse du poison dans ses entrailles. Déjanire se tue et le
dernier acte nous montre Héraclès, hurlant de douleur.
Martin Crimp suit la structure de la tragédie et trouve
une équivalence contemporaine à chacun de ses person -
nages : il se saisit du redoutable guerrier antique, pour
en faire, dans Tendre et cruel, Le Général, au service d’une
puissance occidentale, poursuivi pour crimes contre
l’humanité. Bourreau san guinaire et victime sacrificielle,
il arrive sur la scène à la fin de la pièce dans un
état pi toy able.
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Déjanire devient Amelia, l’épouse du Général ; autrefois
belle et désirée, elle est aujourd’hui une femme seule,
vieillissante. Réfugiée dans un appartement, près d’un
aéroport – saisissante transposition de l’exil de Sophocle
– mis à disposition par le gouvernement, depuis que son
mari est accusé de crimes de guerre, elle ne sait rien ou ne
veut rien savoir des activités brutales du Général. Elle
l’aime. Elle se plaint à un chœur de jeunes femmes
formé d’une gouvernante, d’une physiothérapeute et d’une
esthéticienne. Bienveillantes, mais peu concernées.
La mise en scène s’ordonnera autour de cette femme bles -
sée, de ce qu’elle vit, de son abandon, de son angoisse,
dans une suite d’hôtel sans âme, aménagée pour un
séjour indéfini. Elle se croit à l’abri, mais la violence du
monde la rejoint, inexorable, et la pousse au meurtre et
au suicide. Son mari est le soldat qu’on envoie sur une
opération après l’autre, nous dit-elle avec une étrange
lucidité, « dans le but – le but déclaré – d’éradiquer le terrorisme
: sans comprendre que plus il combat le terrorisme
plus il engendre le terrorisme – et même invite le terrorisme
– qui n’a pas de paupières – dans son propre lit. »
Le lit d’Amelia sera le théâtre dans lequel va se jouer la
tragédie de Martin Crimp.
Brigitte Jaques-Wajeman
* Je remercie Alice Zeniter et Arielle Meyer, très admiratives
de Martin Crimp, qui m’ont inspiré quelques-unes de leurs belles
analyses.
PRÉSENTATION
Écrite par Sophocle autour de 445 av. JC, Les Tra chi -
niennes raconte la mort d’Héraclès, tué involontairement
par sa femme Déjanire. Celle-ci voulant récupérer l’amour
de son mari, dont l’infidélité va jusqu’à abriter chez lui
sa femme et son amante. Elle lui offre un philtre d’amour
qui s’avère être un terrible poison. Cadeau empoisonné
d’un centaure vengeur qui fut au trefois tué par
Héraclès.
Tendre et Cruel est une adaptation contemporaine de
cette histoire. Déjanire s’appelle maintenant Amelia, le
héros mythique Héraclès est devenu un sanguinaire
général d’armée et le philtre du centaure est maintenant
une molécule chimique. À quelques exceptions près, l’auteur
britannique respecte la trame narrative et la structure
de la pièce d’origine. Il y ajoute, comme Racine à
son époque, les rencontres entre personnages que la
dramaturgie grecque omettait : ainsi Amelia parlera à
l’amante de son mari comme Phèdre a pu rencontrer
Hippolyte dans l’adaptation racinienne.
Si Tendre et Cruel est un brûlot contre le colonialisme
américain et ses missions d’ingérences, il dénonce aussi
les guerres civiles africaines et le monde politique corrompu.
Martin Crimp a pensé le lieu unique de la tragé-
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die pour en faire une pièce d’intérieur aux allures très
britanniques. Mais la puissance de la pièce ne s’arrête
pas au genre, ni à ces adaptations plus ou moins réussies.
La véritable invention que Tendre et Cruel déploie
est le personnage d’Amelia, bien plus complexe que celui
de Déjanire. Femme terriblement seule, elle nous est
montrée comme une princesse naïve d’un autre temps
mais condense en elle-même toutes les problématiques
complexes du féminisme comme celle de la solitude et
de la violence humaine.
Si Tendre et Cruel est une tragédie contemporaine, c’est
bien par la grâce de ce personnage qui, en l’absence de
toute dimension divine, dévoile une véritable identité
tragique. Crimp démontre que le pas qui existe entre la
tragédie et le drame est analogue à celui qui transforme
la métaphysique en psychologie. Son actualisation de la
tragédie fait peut-être passer Tendre et Cruel du côté du
drame psychologique, mais Amelia transcende largement
les limitations du genre et donne à cette pièce sa véritable
vocation tragique, qui renvoie à l’idée d’un malaise
universel et intemporel.
Clément Mercier

©X.DR
SOPHOCLE À L'AÉROPORT SOPHOCLE
Héraclès – ou Hercule – fut l’archétype du héros de guerre,
et le premier destructeur de terreur. Qu’est ce que l’Hydre
– ce serpent à plusieurs têtes qui, pour chaque tête qu’Hé -
raclès tranchait, en avait deux qui repoussaient à la place
– si ce n’est une préfiguration étrange du terrorisme ?
[…] Dans Les Trachiniennes de Sophocle, le héros de
guerre, incapable de s’arrêter de tuer, rase une ville en tière
pour s’emparer de la fille, qui l’obsède, puis l’envoie chez
lui auprès de sa propre épouse, dont l’effort pour regagner
son amour a pour seule issue la mort violente des
protagonistes. C’est là la pièce que j’ai réécrite sous le
titre de Tendre et cruel.
[…] Deux mille cinq cents ans avant l’invention de la
psychologie, Sophocle eut l’idée de génie d’écrire une
pièce dans laquelle ce fossé entre les sexes est explicite :
non seulement les hommes et les femmes vivent dans
des mondes différents, mais le mari et la femme, dans
ce drame particulier, ne se rencontrent même pas. Il ne
nous montre l’homme que dans les toutes dernières
pages du texte, brisé et en colère (le destin de tant de
soldats traumatisés) pourrissant comme le cafard de
Kafka abandonné de tous, alors qu’il consacre la plus
grande partie de la pièce (et en cela il semble tellement
moderne) à une femme qui se bat pour composer avec
l’absence de l’homme, sa violence et son infidélité.
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Le portrait d’Amelia, comme je l’ai rebaptisé, est extraordinaire.
[…] Un acte de violence aveugle de la part de
son mari – ce qu’aujourd’hui on appellerait un crime de
guerre – et voilà qu’elle a été envoyée en « exil », c’està-dire
forcée à établir sa maison temporairement dans
une autre cité-État ou polis. Son fils la traite avec un
mépris adolescent. Les « messagers » qui installent dans
sa maison la petite amie d’Héraclès lui mentent par
gentillesse, ou lui disent la vérité par méchanceté. Mais
à mesure que tombent les unes après les autres ses illusions
sur son mari, loin de s’effondrer, elle fait face à la
nouvelle situation et s’ingénie à trouver des moyens de
regagner son amour. On a un sens aigu de son enfermement
domestique, de son extrême difficulté à agir sur le
monde extérieur, lorsque ce monde, et même ce qu’on
parvient à en savoir, est contrôlé par les hommes. Amelia
résiste au contrôle, refuse l’étiquette de « victime ».
[…] Donc dans Tendre et Cruel, l’« exil » devient le nonlieu
classique du monde développé : le no-man’s land
des abris où l’on prépare la nourriture, des parkings
longue durée et des chaînes d’hôtel qui fleurissent en
grappe autour d’un aéroport international perpétuellement
éclairé. Près de l’aéroport, on est près des sites sacrés
de la vente au détail, aussi bien que des détecteurs à
rayons X qui nous permettent de lire dans les entrailles
de nos bagages des signes de bon ou mauvais augure.
Le « chœur » de femmes peut dégivrer le frigo d’Amelia
ou passer l’aspirateur sur la moquette pleine de miettes
– mais également étant donné que les chœurs originaux
chantaient et dansaient, s’incarner dans la voix délici eu -
sement dépourvue d’inflexion de Billie Holiday chantant:
I can’t give you anything but love.
Martin Crimp
Sophocle est né en 496 av. J.C., il est mort en 406. Une
vie de quatre-vingt-dix ans, contemporaine du V e siècle,
le siècle de l’histoire glorieuse d’Athènes. Il passe pour
avoir eu une vie heureuse, à la différence de ses héros.
Il avait sans doute écrit une centaine de pièces (123 !),
il n’en reste que sept. Il fut couronné 18 fois aux Grandes
Dionysies d’Athènes, soit 72 pièces couronnées, quelques
autres ailleurs (aux Lénéennes). Il fut donc couronné à
peu près deux fois sur trois. (Eschyle seulement 13 fois,
Euripide 5 fois).
Enfance aisée, beau, physiquement doué, il dansait et
jouait de la cithare en public. Son fils légitime Iophon, fut
également un poète tragique, ainsi qu’un petit-fils illégitime,
Sophocle le Jeune. Ami d’Hérodote et de Périclès,
il participe à la vie politique d’Athènes (élu stratège en 441,
et élu commissaire du peuple après le désastre de Sicile,
à 83 ans).
Il appartint à une confrérie religieuse, dont le héros fut
Asclépios (l’Esculape des Latins), et il accueillit la statue
du dieu à Epidaure : il fut surnommé à ce propos
« l’Accueillant ».
Il voulut demeurer « un homme de la rue ». Sa carrière
est difficile à suivre, comme il est difficile de dater ses
pièces. Celles qui restent datent de la dernière partie de
sa carrière (on n’a rien de lui entre ses 25 et ses 55 ans !)
On suppose que Les Trachiniennes est la première de
celles qui restent, suivie par Antigone (442), puis, sans
doute dans l’ordre : Ajax, Œdipe Roi, Electre, Philoctète
(409), Œdipe à Colone (en 401, après sa mort).
Une sentence qui revient chez lui est celle qu’il met
dans la bouche de Déjanire au début des Trachiniennes :
« C’est une vérité admise depuis bien longtemps chez les
hom mes qu’on ne peut savoir, pour aucun mortel, avant
qu’il soit mort, si la vie lui fit ou douce ou cruelle. » (en
grec : ei chrèstos ei kakos : « Ou bon, heureux, ou mauvais,
malheureux »).
C’est sans doute de cette sentence que Martin Crimp a
tiré le titre de sa pièce, Tendre and cruel. (D’après Paul
Mazon dans sa traduction de Sophocle, Les Belles Lettres,
1950) Aristote déclare dans sa Poétique, au chapitre 4 :
« Le premier, Eschyle porta à deux le nombre des acteurs ;
il diminua la partie du chœur et donna le premier rôle au
dialogue. Sophocle utilisa trois acteurs et introduisit les
décors peints. »
François Regnault
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© moulage de la satue de Sophocle du museé du Latran

© www.histoire-fr.com, Hercule, Déjanire et le centaure Nessus, 1699,
château de Versailles, Versailles.
LA LÉGENDE
Deux légendes, l’une étolienne, l’autre thessalienne, fondues
de bonne heure ensemble dans la geste d’Héraclès,
ont fourni à Sophocle le sujet des Trachiniennes.
La version la plus courante de l’histoire à son époque
semble avoir été celle-ci : Déjanire, fille d’Œnée, roi de
Pleuron, est, à son grand effroi, l’objet des sollicitations
d’Achélôos, le grand fleuve d’Étolie. Heureusement
Héraclès, qui vient d’achever ses travaux, se présente
aussi un jour comme prétendant à sa main et dans un dur
combat triomphe de son rival. Mais, alors qu’il emmène
la nouvelle épousée chez lui, il se trouve arrêté par le
cours torrentueux de l’Événos.
Le Centaure Nessos, qui fait là fonction de passeur, s’offre
à charger Déjanire sur sa croupe. Il la transporte donc
sur la rive adverse, mais c’est pour tenter aussitôt de lui
faire violence. La jeune femme pousse un cri de détresse.
Héraclès, resté sur l’autre bord, saisit son arc et d’une
flèche abat le monstre. Nessos mourant déclare alors à
Déjanire qu’il lui indiquera un philtre capable de lui
conserver à jamais l’affection de son mari.
Qu’elle recueille seulement le sperme qu’il vient de laisser
échapper et qu’après l’avoir mélangé à de l’huile et
au sang qui dégoutte encore de la flèche meurtrière elle
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en frotte la tunique d’Héraclès. Déjanire écoute la leçon.
Elle ramasse et rapporte chez elle le sperme et le sang
du Centaure.
Plus tard, alors qu’Héraclès à la suite d’un meurtre a dû
s’exiler de Tyrinthe, transplanter tous les siens en pays
maliaque, à Trachis chez son cousin Céyx, et subir luimême
un an de servage chez Omphale en Lydie, il
s’éprend, en traversant l’Eubée, d’Iole, fille d’Eurytos, le
roi d’Œchalie, et pour la conquérir il détruit sa cité,
massacre sa famille et l’envoie elle-même à Trachis avec
son butin. Déjanire sent alors son foyer menacé et elle
use aussitôt du philtre de Nessos. Elle en enduit une
tunique neuve qu’elle expédie à Héraclès en Eubée, où
il s’occupe justement à célébrer son triomphe par un
sacrifice à Zeus. À peine Héraclès l’a-t-il revêtue, que le
poison se met à dévorer ses chairs au milieu de telles
souffrances qu’il ne souhaite plus qu’une prompte mort.
Il supplie les siens de le porter au sommet de l’Œta et
de l’y brûler vif. Mais il est fils de Zeus, et ce suicide se
transforme en apothéose : dans la vapeur du bûcher,
Héraclès monte jusqu’aux dieux.
Paul Mazon, Notice des Trachiniennes, édition des « Belles-Lettres »
LES TRACHINIENNES
Déjanire, le femme d’Héraclès (l’Hercule des Latins), seule
dans la ville de Trachis (en Thessalie, près du Mont
Œta), se rappelle comment, promise en mariage à un
mons tre (un fleuve), elle a vu arriver Héraclès, fils de Zeus
et d’Alcmène (la femme d’Amphitryon, visitée une nuit
par Zeus sous les traits de son époux), et comment, vainqueur
de son rival, il l’a conquise. Malheureusement, il
est reparti très vite accomplir ses travaux.
Présentement, elle ne sait où il est, et elle craint le pire.
Elle sait seulement que le temps est arrivé où l’oracle a
déclaré ou bien qu’il trouverait la mort, ou qu’il passerait
tranquillement le reste de ses jours. Elle confie son
angoisse à son fils Hyllos, qui décide d’aller à la re -
cherche de son père.
Entrée du Chœur, formé de jeunes filles de Trachis (les
Trachiniennes), qui compatit à ses douleurs.
Déjanire s’inquiète d’autant plus qu’elle a découvert le
testament d’Héraclès, lui apprenant le délai d’un an et
trois mois au terme duquel l’oracle (celui des chênes de
Dodone) s’accomplirait. Ce jour est arrivé. Mais un Mes -
sager vient annoncer le retour d’Héraclès. Il tient la nou -
velle du héraut Lichas. Joie de Déjanire. Le Chœur exulte.
Lichas, accompagné de captives, vient alors donner des
nouvelles d’Héraclès: son honteux séjour comme esclave
aux pieds de la reine Omphale, son départ pour la ville
d’Eurytos, qu’il accuse du sort subi, le meurtre brutal
d’Iphitos, fils d’Eurytos, venu le voir à Tirynthe, et précipité
par lui dans le vide, la ville réduite en esclavage,
ses femmes, que voici, devenues captives, et, parmi elle,
cette jeune Iole, sur qui Déjanire s’apitoie. Lichas sort
avec elles.
Le Messager revient alors et révèle à Déjanire le mensonge
de Lichas : en vérité, Héraclès n’a conquis la ville
que pour ravir la fille d’Iphitos, qui n’est autre que Iole.
Désarroi de Déjanire, qui force ensuite Lichas à avouer
ce qu’il avait caché. Elle convient qu’Amour commande
aux dieux mêmes, et se souvient qu’après tout, Héraclès
a connu bien d’autres femmes. Elle demande seulement
qu’on cesse de lui mentir. Lichas reconnaît les faits. Le
Chœur atteste la puissance terrible de l’Amour.
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Déjanire revient alors : « Nous voici donc deux désormais
sous la même couverture, dit-elle, à attendre qu’un homme
nous prenne dans ses bras ». Elle porte un présent que
Nessos lui avait confié, caché dans un coffret de bronze ;
elle avait, jeune épousée traversé un fleuve sur le dos du
Centaure, qui avait au milieu du fleuve, voulu la violer.
Héraclès, resté sur la rive, avait tué le Centaure d’une
flèche. Le Centaure en mourant lui avait recommandé
de recueillir le sang de sa blessure, en un endroit de son
corps jadis teint en noir par l’Hydre de Lerne (le monstre
à plusieurs têtes), et d’en enduire une tunique destinée
à Héraclès, si elle voulait récupérer un jour l’amour de
son mari [Sophocle a éliminé le sperme du Centaure, attesté
dans la légende]. Le Coryphée l’encourage dans cette voie.
Elle confie donc le coffret à Lichas, et lui recommande
de retour proche d’Héraclès et s’en réjouit.
Héracles tuant le centaure_Loggia dei Lanzi Florence, Italie

Mais Déjanire revient, craignant d’être allée trop loin: un flocon de laine, en effet, avec lequel elle a oint la tunique,
exposé au jour, s’est dissous en poudre. Elle craint le même effet sur Héraclès. Si jamais il en meurt, elle mourra avec
lui. Le Coryphée tente de la rassurer.
Retour d’Hyllos : « Ton mari, tu viens de l’assassiner ! » Et il raconte comment Héraclès s’est revêtu de la tunique
pour sacrifier à Zeus son père, et comment « un prurit spasmodique » s’est soudain emparé de lui. Pris de fureur, il a
précipité Lichas contre un rocher. Puis il a demandé à Hyllos, son fils de l’emmener au plus vite loin de ce lieu. Sans
un mot, Déjanire rentre dans la palais. Le Chœur vérifie le dire de l’oracle, et se lamente sur le sort d’Héraclès.
La servante de Déjanire vient alors annoncer le suicide de sa maîtresse : rentrée chez elle, elle a touché tous les
objets de sa chambre, puis elle s’est poignardée. La servante et son fils Hyllos l’ont découverte ensemble; Hyllos, qui
sera bientôt orphelin ! Le Choeur ne sait plus de quel malheur se lamenter. Il voit arriver Héraclès porté sur une
civière.
Hyllos gémit sur le sort de son père, un Vieillard le prie de se calmer, mais Héraclès s’éveille ; en proie à d’atroces
douleurs, il ne supporte pas qu’on le touche. Il supplie son fils de le tuer. (Il alterne la déclamation et le chant).
Puis il décrit ses souffrances, et, s’en prenant à Déjanire, il demande à son fils de l’amener ici, afin qu’il la punisse.
Et pourtant, il a tué le lion de Némée (il énumère alors ses travaux, ici au nombre de six). Hyllos annonce en tremblant
le suicide de sa mère, et qu’elle avait cru bien faire en envoyant à son époux la tunique de Nessos. Hé raclès
comprend alors qu’il est perdu, et voudrait rassem bler tous ses enfants, et sa mère Alcmène, pour leur dire que l’oracle
des chênes de Dodone lui avait prédit qu’il mourrait, non d’un vivant, mais d’un mort. Or Nessos est mort. Il
ne lui reste plus qu’à supplier son fils de le conduire au sommet de l’Œta, et de le brûler sur un bûcher ; il le prie
en outre de prendre soin d’Iole, et de l’épouser, ce à quoi Hyllos se résout avec la plus grande difficulté.
Hyllos conclut qu’il va devoir accomplir un acte que les dieux verront d’un mauvais œil. On emporte alors Héraclès.
Le Coryphée conclut qu’aucun de tous ces malheurs n’est étranger à Zeus !
La légende d’Héraclès nous conte qu’à peine sur le bûcher, le héros est transporté dans les cieux et devient un dieu,
mais cette donnée reste en dehors de la tragédie, et demeure sans doute étrangère à la vision sophocléenne des
malheurs des héros et des hommes.
Redisons-nous donc, nous, avec Victor Hugo, ces deux vers que Malraux avait mis en épigraphe à ses Chênes qu’on
abat, dialogue entre De Gaulle et lui-même :
« Oh ! quel farouche bruit font dans le crépuscule
Les chênes qu’on abat pour le bûcher d’Héraclès ! »
François Regnault
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UNE TRAGÉDIE CONTEMPORAINE ?
Hérodote nous raconte que, lors de la représentation de
La Prise de Milet, une tragédie historique de Phrynichos,
le théâtre tout entier fondit en larmes. Le poète fut
condamné à une amende très sévère de mille drachmes
« parce qu’il leur avait rappelé la mémoire de leurs malheurs
domestiques ». Aussi, cette pièce fut-elle interdite
à la représentation et la tragédie ne devra plus jamais
s’intéresser à l’histoire réelle. Ce genre théâtral ne doit plus
traiter que des mythes et mettre en scène des interactions
tragiques entre notre monde et les Dieux. Résu mer simplement,
il ne doit être question que de la démesure des
hommes dans la juste mesure des vers.
Le théâtre antique est un lieu populaire et citoyen, les
plus pauvres étant aussi invités et conviés à cette grande
fête dionysiaque. Trois jours de tragédies, conclus, cha -
que fois, par une comédie. La valeur cathartique des
représentations prend alors tout son sens. Le happyending
hollywoodien s’inspire de ce principe : une fin
heureuse vient s’ajouter à une première fin triste et réaliste
pour permettre au spectateur de revenir doucement
à la réalité, sans être déstabiliser par la force de la
fiction.
En adaptant une tragédie, Martin Crimp pose alors des
questions sur le devenir des stimulations imaginaires et
des croyances merveilleuses dans notre société, comme
dans le théâtre et ses spectateurs contemporains.
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Pourquoi? Parce que, justement, il considère et interprète
la place des données métaphysiques dans la tragédie pour
les adapter, aujourd’hui, à notre monde. Il revient aussi
à l’histoire, bravant l’antique interdit. L’auteur anglais
construit une passerelle entre l’antiquité et la contemporanéité
en pensant la tragédie comme une représentation
du monde. Elle emprunte alors un nouveau chemin
en se déroulant à notre époque : celle de la multiplication
des possibilités narratives et surtout, celle du
hasard et du suspense. Un spectateur tragique, sait, avant
même d’entrer au théâtre, que Héraclès va mourir, il
n’est là que pour assister à sa mort et à comprendre l’intervention
des Dieux, tout en les louant. Les personnages
crimpiens n’ont, quant à eux, plus aucune visibilité
vers le futur, ils marchent vers l’inconnu et s’occupent
futilement. La tragédie devient alors un drame bourgeois,
genre très anglo-saxon d’ailleurs, mais si Tendre et Cruel
réussit à le dépasser, c’est sûrement grâce à sa source
tragique. S’il vole à Sophocle les thèmes, les personnages
et l’histoire, Crimp ne se contente pas de donner
à voir une adaptation moderne des Trachiniennes. En
effet, il l’intègre pleinement dans son œuvre d’écrivain
et y développe son propre style et ses problématiques, à
partir du matériel dramaturgique grec.
Clément Mercier
VIEILLES OUTRES
& VIN NOUVEAU
Sans avoir étudié forcément la mythologie grecque ni
les légendes anciennes, nous avons tous vaguement ou
précisément en mémoire certains épisodes de la Guerre
de Troie, supposée venger l’enlèvement d’Hélène par
Pâris, l’histoire d’Œdipe, qui tua son père et épousa sa
mère, Médée, qui tua ses enfants pour punir Jason de
l’avoir trompée, ou les Travaux d’Héraclès.
Nous prenons donc un grand plaisir à voir un dramaturge
moderne reprendre une fable antique, nous la raconter
à sa façon, la « moderniser », en tirer de nouvelles signi -
fications ou des leçons inédites. Mettre du vin nouveau
dans de vieilles outres, comme on dit parfois (mais on
lit dans saint Luc, V, 37 que « Le vin nouveau fera éclater
les outres » !). Ce fut un peu la formule utilisée par
plusieurs écrivains français du XX e siècle : Jean Cocteau
reprenant l’histoire d’Œdipe dans sa Machine infernale,
Giraudoux s’amusant à opérer des variations sur des thè -
mes antiques dans son Electre et dans La Guerre de Troie
n’aura pas lieu, Jean Anouilh essayant d’interroger la po -
litique de son époque dans son Antigone. Ou Sartre
retraduisant à sa façon Les Troyennes d’Euripide pour
parler de la Guerre d’Algérie et du colonialisme.
Bien entendu, on n’a pas attendu le XX e siècle pour se
livrer à ce genre de transposition, ou simplement d’adap -
tation : même lorsque Corneille et Racine reprennent
une tragédie ancienne, ou un épisode de l’histoire an cien -
ne, ils se livrent à des transpositions plus ou moins importantes
(Racine refusant de substituer une biche à Iphigénie
dans le sacrifice de la fille d’Agamemnon, et inventant à la
place une captive Eriphile, procède un peu comme Crimp!)
sans parler de Molière tirant son Amphitryon di recte ment
d’une comédie de Plaute, ou son Avare, de façon très trans -
posée, de l’Aululaire (La Marmite) de ce même Plaute.
Dans Tendre et Cruel, Martin Crimp, répondant à une
commande, produit un équivalent moderne des Tra -
chiniennes de Sophocle. Cette tragédie est peu connue,
bien qu’elle raconte le retour d’Héraclès (l’Hercule grec)
de ses campagnes héroïques et la vengeance involontaire
(ou inconsciente) de sa femme Déjanire lui faisant
présent de la tunique du Centaure Nessus, grâce à la -
quelle elle espère regagner l’amour perdu de son mari,
lorsqu’elle apprend qu’il a entrepris une guerre pour
conquérir une jeune étrangère. (On a conservé d’ailleurs
d’autres tragédies sur Héraclès, La Folie d’Héraclès, d’Eu -
ripide, reprise dans son Héraclès furieux par Sénèque,
qui a écrit aussi un Héraclès sur l’Œta, la montagne où,
13
terrassé par les souffrances que lui cause la tunique em -
poisonnée, il se fait brûler sur un bûcher).
L’originalité de Martin Crimp par rapport aux “reprises”
françaises d’œuvres antiques citées plus haut, tient à ce
que sa modernisation est complète. Personne, en principe,
n’est censé, en lisant la pièce ou en y assistant, deviner
qu’il s’agit d’Héraclès, aucun nom antique n’est conser -
vé, sauf lorsque le héros, à la fin, délire et déclare : « J’ai
tué le Lion de Némée ».
Crimp procède plutôt comme Pasolini racontant dans son
film Œdipe d’abord l’histoire moderne d’un couple du XX e
siècle avec un enfant, jaloux du retour de son père militaire,
qu’il enchaîne avec l’histoire supposée d’Œdipe en
costumes antiques et dans des lieux grecs. Crimp transpose
seulement.
Dans Tendre et cruel, Héraclès est devenu un Général parti
en mission militaire en Afrique pour « éradiquer le terrorisme
», entreprise on ne peut plus actuelle, et s’il revient
avec une jeune fille et un petit garçon orphelins de leurs
parents massacrés par lui, on ne devine pas tout de suite
que cette jeune fille est sa maîtresse, ni qu’il aurait écrasé
une ville entière pour la conquérir.
Martin Crimp suit pourtant assez exactement la très belle
tragédie de Sophocle, dont Déjanire, la femme d’Héraclès,
est incontestablement l’héroïne, le personnage principal
constamment présent, tandis qu’Héraclès n’apparaît qu’à
la toute fin, déjà contaminé par la tunique venimeuse,
présent imprudent de son épouse, lorsque celle-ci s’est sui -
cidée en apprenant qu’elle a été à son insu (mais la ques -
tion se pose !) la victime du mensonge de Nessus.
Les messagers antiques sont transposés par Crimp en des
personnages ayant des fonctions, sinon équivalentes, du
moins ayant quelques rapports: un journaliste, un ministre.
Quant au Chœur, il est devenu un ensemble des trois em -
ployées au service d’Amelia, le femme du Général (tout
comme la tragédie française se vante d’avoir réduit la
fonction des Chœurs à celles des confidents).
On a donc affaire à une sorte de pièce symphonique dont
le thème latent peut être reconnu par le connaisseur, mais
dont la fable racontée est résolument contemporaine.
Qu’il reconnaisse ou non la forme du flacon ou son goût,
le spectateur d’aujourd’hui goûtera, lui, le vin nouveau ;
il sera sensible à la figure noble et tragique de cette fem -
me à l’amour contrarié (elle ressemble en cela à l’héroïne
de Sophocle), sur fond de guerre et de massacres.
François Regnault

TENDRE ET CRUEL
UNE ADAPTATION … … DES TRACHINIENNES
En vue de ce petit dossier dramaturgique, il nous est ap -
paru plus rigoureux de penser les réflexions autour des
thèmes et des personnages par rapport à l’ordre chronologique
de la pièce et, surtout, en la comparant sans
cesse à la pièce d’origine. Les divergences et les ressemblances,
les images oubliées, celles utilisées, les ajouts
et les adaptations sont autant de procédés d’écriture qui
ne prennent leurs sens que lorsqu’ils sont contextualisés
dans une comparaison. Celle-ci ne cherche aucunement
ni raison ni valeur au travail de Crimp, mais elle essaie
de comprendre son cheminement et son sens.
Les pages pour Les Trachiniennes (références chiffrées
sans la mention p.) renvoient au Folio-Classique dans
la traduction de Paul Mazon. Celles de Tendre et Cruel
(références chiffrées précédées de la mention p.) renvoient
à l’Arche dans la traduction de Philippe Djian.
L’OUVERTURE I PROLOGUE
Martin Crimp choisit de garder la ligne générale et les
grands traits du monologue de Déjanire ; on a alors : des
considérations de vérité générale sur le sexe, la violence
et les hommes, une biographie amoureuse de la femme qui
parle (son père, son prétendant) et une explication claire
de la situation. Les occurrences vont encore plus loin, jus -
qu’au niveau du champ lexical :
→ « douce et cruelle » inspiration de Crimp pour le titre,
dire explicite chez Sophocle ;
→ « ne me valût que des souffrances » Déjanire, comme
Amelia, se définit d’abord par le fait qu’elles sont femmes
et souffrantes.
Ensuite, cette définition s’approfondit, ces femmes souffrent
d’abord de l’absence d’un mari : « Ainsi le voulait
l’existence qui, sans répit, quand il rentrait chez lui, l’en
éloignait bien vite »
Vient alors une nouvelle problématique commune aux
deux œuvres : l’absence de résidence qui affecte Déjanire
comme Amelia : « nous y habitons (à Trachis) chez un
hôte », transposé à l’aéroport pour Crimp.
Enfin, la question primordiale qui ouvre l’action et qui
termine le prologue : où est Héraclès ? Où est le général
? Pour reprendre Déjanire : « où est-il ? ».
À propos des enfants d’Héraclès: « comme un paysan qui
a pris la charge d’un domaine au loin, ne les a jamais vus
qu’une fois ou l’autre, aux seules époques des semailles ».
14
L’absence de l’homme dans la structure familiale est
confirmée. Crimp reprend avec exactitude cette comparai -
son: son adaptation oscille entre de telles ressemblances,
des discordances flagrantes et des nouvelles propositions
ou approfondissements.
Dans les deux cas, c’est bien l’histoire d’une femme souf -
frante, privée de son mari, abandonnée à elle-même dans
un lieu inconnu et qui, surtout, manque d’information,
ou plutôt croit en manquer. Dans les deux cas, le fils est au
courant de la situation de son père alors qu’elle l’ignore.
La première divergence prononcée dans la dramaturgie
intervient par l’intermédiaire du fils Hyllos/James. En
effet, le fils d’Héraclès part volontairement chercher son
père alors que celui d’Amelia traîne les pieds à cette pro po -
sition. D’un côté, le fils mythique endosse la responsabi -
lité d’une quête absurde, celle de « chercher son père »,
alors que le fils contemporain est plutôt conscient de cette
absurdité. Absurdité qui existe dès lors que l’on démystifie
la situation, ce que Crimp fait de la pièce en excluant
les Dieux. Ainsi, on voit bien qu’envoyer chercher son
père dans une ville africaine en plein milieu d’une zone de
guerre sans aucune information n’a, à proprement parler,
aucun sens, soulignant ainsi l’illusion et l’aveuglement
qui définit le personnage féminin. (pp. 16-41)
« LA MACHINE » I PREMIER CHŒUR
Si Crimp conserve quelque chose des personnages du
chœur, c’est leur sexe: c’est un chœur de femmes. En effet,
les deux servantes (2 et 3) sont explicitement les remplaçantes
du chœur grec si l’on en croit leurs interventions
par rapport à la structure générale de la pièce de
Sophocle. En remplaçant le chœur par deux personnages
qui interviennent directement dans la fiction, Crimp continue
de s’éloigner de la forme de la tragédie antique. Ce
choix s’éclaircit d’autant mieux à la lecture de la première
scène entre les domestiques et Amelia : quand le
chœur antique invoquait Zeus pour ne pas qu’il laisse
souf frir de la sorte une pauvre femme, les domestiques
invoquent des problèmes cosmétiques et sportifs. Dans
un certain sens, chez les Grecs, si Déjanire va mal, c’est
la faute des Dieux ; chez nous, contemporains, si l’on va
mal c’est la faute de la machine de sport que nous n’utilisons
pas. Crimp prend, bien sûr, cette proposition avec
du recul et un second degré qui appartient à son style
et non plus à celui de la tragédie. On peut facilement voir
ici, par le procédé de remplacement du chœur, une critique
des problématiques actuelles et des politiques in -
sensées du bonheur personnel néo-libéral, mais ce n’est
pas si simple. Si l’auteur anglais fait bien changer le chœur
de registre, il garde la pensée principale de la scène :
Déjanire/Amelia souffre. (pp. 16-17 ; 42-43)
Dans ces thématiques divines, que Crimp supprime,
Déjanire, par la voie de l’Oracle, est convaincue d’une
chose : cette mission sera pour Héraclès la dernière. Ou
bien il en mourra, ou bien il reviendra, libre jusqu’à la
fin de ses jours. Cette annonce de Déjanire, Crimp
l’écrase en supprimant radicalement toute religiosité.
La tragédie emprunte alors un nouveau chemin: celui de
la multiplication des possibilités narratives et surtout,
celui du hasard et du suspense. Un spectateur tragique,
sait, avant même d’entrer au théâtre, qu’Héraclès va mou -
rir, il n’est là que pour assister à sa mort et comprendre
l’intervention des Dieux, tout en les louant. Les personnages
crimpiens n’ont, quant à eux, aucune projection
vers le futur, ils marchent vers l’inconnu, errent et s’occupent
futilement.
L’HÉRITAGE
Comme chez Sophocle, Crimp, par l’intermédiaire d’Ame -
lia, évoque la question d’une sorte de testament de son
mari qui délègue à son seul fils « la gérance et l’usage de ses
15
biens », comme si « elle n’existait pas » (p. 21), ce qui la bou -
leverse. Déjanire, elle, dans la pièce de Sophocle, est seu -
lement troublée de découvrir un testament d’Héraclès,
et donc qu’il avait pu envisager sa mort possible.
LE MESSAGER I LE JOURNALISTE
En poursuivant son adaptation des codes religieux inhé -
rents à la tragédie, Crimp ajuste habilement les transpo -
sitions: après le chœur transformé en domestiques conso m -
matrices, le messager (aggelos, en grec, qui est notre
mot “ange”) devient un journaliste. La constatation que
pose cette mutation est claire, sans pour autant porter
de jugement : à la place du messager antique, toujours
un peu venu d’ailleurs, s’impose aujourd’hui le journaliste,
inévitable. En adaptant de cette manière la tragédie
mythique, Crimp pose des questions sur le devenir
des croyances anciennes dans notre société comme dans
le théâtre contemporain.
Si Amelia et Déjanire partagent ensuite un sentiment et
un questionnement communs, ils s’expriment simplement
: où est le mari ? Pourquoi n’est-il pas là ? Cette
inquiétude paraît plus réelle chez Déjanire, qui est vraiment
heureuse de la nouvelle puisqu’elle en félicite les
Dieux. Amelia, elle, ne lance qu’un très forcé « Je suis
très très heureuse » (pp. 23-44). Amelia s’empresse en suite
de se jeter dans les bras de Richard pour danser, manifestement
par désespoir. En tant que femme, elle a besoin
de se sentir désirée, accompagnée. Son désarroi subit le
ren voie aux questionnements fondamentaux de son exis -
tence, du même coup se révèle aussi pour nous la portée
tragique de son personnage.
Pour conclure cette séquence, Crimp propose une nouvelle
adaptation du chœur, plus fidèle à l’esprit antique.
L’im portance qu’il donne à la musique, et précisément
là aux chansons de Billie Holliday, est fondamentale.
Ainsi, par ce geste, nous montre-t-il la puissance de la
mu sique et du chant, qui viennent décrire l’état d’esprit
d’Amelia. Comme dans le chœur antique des femmes de
Trachis, certaines considérations générales sont sublimées
par la voix et les pensées intérieures de l’héroïne.
Dans un certain sens, il pense la musique comme une

véritable relation au monde extérieur qui pourrait se
substituer à la relation que les Grecs entretiennent avec
les Dieux. En tout cas, la musique est un moment privilégié
qui élèverait l’âme.
LE MINISTRE (P. 32…)
Le discours de Jonathan est très semblable à celui de
Lichas à quelques petites exceptions près : Lichas était
un ami proche d’Héraclès quand Jonathan devient un
ministre manipulateur, qui récite un discours pré-fabriqué
dans la longue tradition des langues de bois.
Dans la série ce que les Dieux deviennent, on peut aussi
noter que le général est absent parce qu’il lui faut en -
core « sécuriser la ville » tandis que le ministre doit don -
ner à son sujet une « conférence de presse »: alors qu’Hé -
raclès « reviendra, aussitôt achevé le pieux sacrifice qu’il
doit pour sa conquête à son père Zeus » (48), le rite religieux
se voit en somme substituer la toute puissance du
journaliste moderne.
Si on a l’impression que Lichas ment beaucoup moins
que Jonathan, il ne faut pas se méprendre. En effet, dans
le discours de Jonathan, celui-ci ment à propos de l’origine
des enfants alors que Lichas annonce tout de suite
qu’elles sont des prisonnières de guerre. Cette divergence
ne peut être analysée de la même manière que
toutes les autres puisqu’il était courant, dans la Grèce
antique, de prendre des captifs et des captives pour les
amener chez soi après une guerre. Ce qui paraîtrait to ta -
lement invraisemblable dans une guerre moderne. Cette
divergence forcée permet, par contre, d’ajouter un mensonge
au discours de Jonathan. Et à Crimp d’attaquer
ainsi le comportement d’Amelia, et du monde occidental,
par la même occasion. Pour justifier cette captivité,
Jonathan veut invoquer notre bonne conscience chrétienne.
Ainsi, ce sont des « rescapés » dont il faut s’occuper
et Amelia s’en donne à cœur joie. Il faut leur donner
« des jouets ». Il existe en elle une beauté et une naï -
veté primaire qui flirte avec une fausse mondanité et des
comportements de princesse. Son côté Marie-Antoinette
l’empêche souvent de voir la réalité en face : à propos du
discours de Jonathan, elle pense que ce n’est pas vraisemblable.
La manière dont il décrit, de manière très
réaliste, la guerre, n’est pour Amelia qu’une exagération.
Le dialogue Jonathan/Amelia tente de souligner cette
fausse bonne conscience occidentalo-écologique qui ne
sert qu’à cacher les horreurs de l’impérialisme. Quand
on parle de « l’inimitable manière du général » (p.28), il
faut entendre crime contre l’humanité.
16
C’est de cette manière-là que Crimp utilise la place des
« captives » qui ne peuvent être chez Sophocle à l’origine
d’un tel discours puisque la situation de guerre à l’époque
n’était pas la même qu’aujourd’hui. En transformant Li -
chas en Jonathan, Crimp utilise ce rôle pour tenir un dis -
cours politique. Le rôle des prisonniers varie énormément
entre les deux pièces puisque, dans cette même scène,
Amelia va vouloir s’en occuper, pour qu’ils soient mieux
traités que chez eux et qu’ils oublient leurs malheurs.
Chez Sophocle, Lichas reconnaît que les captives vont
« échanger leur opulence contre un sort moins enviable ».
Cette transposition souligne bien que la barbarie des
guerres, si elle était explicite dans la pièce grecque, est
aujourd’hui dissimulée par une entreprise téléologique
de justification.
Aujourd’hui, on nous fait croire à des croisades du bien.
Amelia est dans la complaisance et l’illusion quand elle
approuve ce geste alors que Déjanire s’opposait à l’idée
d’enfermer ces captives : « une étrange pitié me pénètre »
(48). Adapter une tragédie aujourd’hui, c’est aussi se
rendre compte que rien n’a changé, et qu’on veut juste
nous en faire accroire.
Autour de la même problématique, une des questions
que pose l’adaptation des Trachiniennes est celle des mo -
tivations de la guerre. Est-ce que cela est concevable, de
nos jours, de faire une guerre pour une femme ? Crimp
a eu l’audace de conserver cette idée dramaturgique
propre aux récits grecs (se souvenir de la guerre de
Troie pour Hélène). C’est une intrigue invraisemblable
mais cela soulève la question de l’invraisemblance qu’il
peut y avoir à écrire une tragédie aujourd’hui. Les ob -
jectifs de l’écriture sont bien différents : si l’on considère
les objectifs généraux de la tragédie grecque, il y a, de ma -
nière prioritaire, le culte de Dionysos et la catharsis du
public. Le public venait voir les conséquences du combat
contre les Dieux, le pouvoir des oracles, l’idéal héroïque
et l’absolu résultat mortuaire de la démesure de l’homme,
le tout dans la juste mesure des vers. Dans un certain
sens, la tragédie était une leçon de vie. En s’adressant
aux contemporains, Crimp sait bien que le public n’a plus
du tout les mêmes attentes et que le théâtre n’a plus du
tout la même vocation.
Aussi, Crimp s’intéresse-t-il aujourd’hui aux mensonges
politiques, au terrorisme, à l’impérialisme, bref à un
théâtre de la dénonciation qui n’a aucune vocation
cathartique. Mais grâce à la trame tragique habilement
adaptée (notons que les proportions, les images, les
scènes, les ruptures et les intrigues sont conservées) et
surtout grâce au personnage d’Amelia, l’auteur donne
une tout autre dimension à sa pièce et ne tombe pas
dans l’archétype d’un théâtre politique.
Schématiquement, le général a combattu le « terrorisme »
quand Héraclès s’est vengé d’une humiliation qu’il a
subie en devenant esclave d’Omphale, les deux enfants
sont des rescapés de guerre quand les Trachiniennes
sont des captives. Amelia ne peut croire au geste de son
mari quand Déjanire accepte la vérité tout de suite. Dans
les deux cas, Jonathan et Lichas ne veulent pas « bouleverser
» l’épouse, mais la protéger. De même, Amelia
et Déjanire ne vont pas reprocher au mari sa tromperie
mais son mensonge.
LAELA (PP. 48-49)
La grande possibilité qu’offre une adaptation tragique
aujourd’hui réside dans l’écriture de nouvelles scènes
dont les conventions du théâtre grec ôtaient les possibilités,
même si ce manque était aussi ce qui faisait la force
de ces tragédies. Ainsi, Amelia rencontre Laela tandis
que Déjanire ne s’adresse jamais à la captive.
Claudel, à propos des Choéphores d’Eschyle, disait :
« On y retrouve deux situations dont nos grands poètes […]
auraient tiré le meilleur parti : la rencontre du frère et de
la sœur […] on voit d’avance tout ce qu'(ils) auraient su filer
sur ces thèmes. Eschyle, au contraire, expédie tout ce qui est
drame […] c’est sur l’incantation centrale que le drame
entier trouve son équilibre. »
Ainsi Crimp vient-il ajouter du drame à la pièce d’origine,
ce drame est créé par les rencontres entre la femme
et l’amante. Il pense alors la réécriture tragique comme
une possibilité créative d’imaginer la psychologie drama -
tique de certaines situations occultées chez Sophocle. Il
n’y avait aucun réalisme psychologique chez Sophocle :
penser une tragédie aujourd’hui consisterait alors à in -
venter et créer des rencontres qui n’existaient pas. En
écrivant la rencontre entre Hippolyte et Phèdre, entre
Hermione et Andromaque, Racine l’a bien compris :
notre modernité rêve de ces rencontres. Combler le désir
d’un public contemporain en réécrivant une tragédie se
manifeste aussi dans la transformation, par le biais de la
psychologie, du tragique en dramatique, de la tragédie
en drame.
Cette déviation psychologique rejoint évidemment la di -
minution de la portée métaphysique. De la tragédie au
drame : c’est le pas qu’il y a de la métaphysique à la psychologie.
Encore une fois, très explicitement dans la
structure de Tendre et Cruel, les chœurs aux propos mé -
taphysiques se transforment symboliquement en un quotidien
critique : les témoignages pornographiques d’un
quelconque magazine féminin remplacent les nouveaux
élans lyriques du culte dionysiaque.
17
LE CENTAURE I LE MILITANT GAUCHISTE
Avec l’histoire de Robert, Amelia confirme d’abord son
statut de bourgeoise tiersmondiste pleine de bons sentiments,
son jugement des causes soixante-huitardes
amène un ton plutôt méprisant quand elle décrit le mi -
litantisme de Robert qui marche « pour la paix » (p. 51).
L’adaptation du mythe du centaure et de son philtre
d’amour n’a d’équivalence, pour Crimp, que la science
moderne. Faire d’un produit magique et mystérieux le
résultat purement scientifique d’une formule chimique
correspond au dessein de substituer aux éléments my -
thiques de l’Antiquité nos démons modernes. Écrire une
tragédie avec les croyances d’aujourd’hui, c’est comprendre
pourquoi l’homme avait tant besoin des Dieux et ce
par quoi on les remplace aujourd’hui. S’il est probable
que la disparition du vol Rio-Paris aurait été sûrement
perçue par les Grecs comme un châtiment divin, il n’apparaît
aujourd’hui, par l’accumulation du système judiciaire,
que comme une conséquence matérielle d’un défaut
de fabrication. Un quelconque fabricant de tournevis de
Roubaix qui aurait mal fait son travail à un endroit clé de
la chaîne de production peut nous permettre de canaliser
nos émotions en dénonçant un fautif. Si la tragédie
n’est plus possible aujourd’hui, c’est que les Dieux se rem -
placent si facilement dans un quotidien dépourvu d’ima -
gination. Si l’homme scientifique est devenu le Dieu
unique, il ne nous reste que le drame psychologique.
L’adaptation crimpienne est alors fondamentalement
nécessaire. Penser la tragédie aujourd’hui, c’est comprendre
ce que l’organisation du monde des hommes et
de la pensée est devenue. Et ce que le théâtre, aussi, est
devenu. « Nous avons beau trouver admirables les statues
des dieux grecs, nous ne plions plus les genoux », disait
déjà Hegel.

Dans le écit qu’elle fait de sa rencontre avec Robert,
Amelia souligne le rapport de soumission du corps de
la femme qu’elle projette dans sa vision sexuelle. « Ces
choses » que Robert attendait, elle les a faites. Comme si
c’était naturel… Notons qu’elle a déjà évoqué une sexualité
avec Jonathan et que son histoire avec Richard est
aussi ambiguë. Ce rapport qu’Amelia a avec la sexualité
est annoncé dès la tirade d’ouverture et son refus de
l’appellation de « victime ». Aussi perçoit-elle sa sexualité
affirmée non pas comme une soumission mais pa -
radoxalement comme une acceptation de sa nature. Les
femmes refusant cette position de soumission deviendraient
alors des « victimes ».
Ensuite, ce que nous apprend et confirme ce passage
est simple : Amelia n’est pas une femme fidèle. Juste -
ment parce que ce n’est pas une victime. Nous savons
déjà qu’elle place la « vérité » au-dessus de tout. Chez
Sophocle, c’est l’infidélité des hommes qui était soulignée.
Si Amelia se rapprochait de Marie-Antoinette, elle
tient aussi de Déjanire quelques relents d’Anne Sinclair.
L’héroïne tragique parlant ainsi de l’infidélité de son
mari : « si souvent repris de ce mal ». Crimp ajoute donc
l’infidélité de la femme à la trame dramaturgique de sa
pièce : ce qui recentre la question de la sexualité et de
l’amour autour du personnage d’Amelia pour lui faire
gagner en richesse et en ambiguïté. Dans tous les cas,
pour ces femmes, l’infidélité ne compte pas. C’est la victimisation
et le mensonge qui les perturbent.
LE PHILTRE D’AMOUR
Dans Les Trachiniennes, Déjanire parle d’abord au chœur
de ce philtre d’amour. De la même manière, par transpo -
sition, c’est aux domestiques qu’Amelia l’évoque d’abord.
La différence fondamentale dans l’évocation du mystérieux
remède est résumée dans cette phrase de Déjanire:
« J’espère pour ma part que ce projet n’est pas déraison -
nable ». D’un côté, nous avons une Déjanire doutant de
la nature même de ce qu’elle a entre les mains alors que
le chœur lui propose d’essayer, la convainquant grossièrement
que c’est un véritable philtre. De l’autre côté,
Amelia ne se pose aucun doute, elle est persuadée de la
nature du contenu de la fiole alors que les gouvernantes
n’y croient pas : « ce n’est probablement que de l’eau ». La
question qui demeure évidemment, et que l’échange
des doutes souligne, tourne autour de la connaissance
d’Amelia à propos de ce poison. Croit-elle vraiment au
philtre d’amour ? Ou, peut-être, est-ce une vengeance
inconsciente ?
L’échange des rôles qu’opère Crimp dans Tendre et Cruel
par rapport aux Trachiniennes ne s’arrête pas à ce doute
concernant le philtre, il s’étend sur toute la pièce pour
recentrer les enjeux contemporains mis en valeur. Ainsi,
18
Robert, le militant gauchiste propose à Amelia un philtre
qui ôte « à un soldat l’envie de se battre en faisant languir
ce soldat après un endroit sûr […] un besoin d’amour
et de réconfort » (p. 52). Ce mensonge sert Robert dans
sa mission politique puisque, sachant qu’elle va l’utiliser
pour son mari, l’activiste tuera le colon impérialiste.
Si le centaure propose à Déjanire une potion qui fera
qu’Héraclès ne « pourra (lui) préférer aucune autre
femme » (59), c’est pour une vengeance personnelle :
Héraclès l’a tué, il le tue à son tour. Chez Crimp, la vengeance
personnelle et mythique (les oracles l’avaient pré -
dite) de la tragédie se transforme en acte politique. On
retrouve cette adaptation de la vengeance personnelle
vers le politique dans le précédent discours de Lichas/
Jonathan : Héraclès attaque la cité pour se venger personnellement
d’une humiliation subie (voir l’histoire
d’Héraclès travesti en femme et gardé aux pieds d’Om -
phale). Le général, quant à lui, n’attaque pas la cité pour
une inclination de vengeance personnelle, mais dans le
but, officiellement bien sûr, d’éradiquer le terrorisme, geste
a priori de nature politique. Les complots et les intri gues
que noue une tragédie antique autour d’une vengeance
personnelle seraient alors, transposés dans notre monde,
le véritable visage de la machine politique.
UNE NOUVELLE HISTOIRE DE CHŒUR
La dernière utilisation de Billie Holyday par Crimp, en
rem placement du chœur, nous invite à une dernière
constatation. Chez Sophocle, le chœur alterne entre naïveté
(du type « vive le philtre d’amour ! ») avec des mo -
ments de grande lucidité. Si Crimp transpose quelques
idées cohérentes du chœur dans la bouche des trois
domes tiques, il transfère le kitsch, la grandiloquence et
la naïveté des interventions chantées à Billie Holyday,
dont les chansons d’amour sont déjà écrites et veulent
décrire un état amoureux et sa puissance langoureuse.
En utilisant la musique, Crimp tente de penser la place
du chœur, ou de ce qu’il représentait, aujourd’hui. On
retrouve à travers la chanson et la mélodie quelque
chose du quotidien : comme ces tubes qu’on chantonne,
qu’on connaît par cœur, naïfs, et qui nous donnent de
l’es pérance. Écrire une tragédie aujourd’hui nous permet
de comprendre l’idée du chœur et ce qu’il est censé
vé hiculer dans le quotidien des hommes, et dans la
représentation qu’on en fait au théâtre. Le chœur transforme
la vie humaine en chants pour l’aiguiller, comme
les chansons nous accompagnent aussi pour orienter
nos vies.
UNE ROBE BIEN MOULANTE
Dans Les Trachiniennes comme dans Tendre et Cruel,
Amelia/Déjanire a des doutes sur la nature du cadeau
avant même d’en savoir les conséquences sur son mari.
Chez Sophocle, un bout de laine brûle au contact du
poison, chez Crimp, un des enfants cesse de respirer au
contact du tiroir le contenant. En tout cas, la sincérité
du cadeau est remise en question, Robert utilise Amelia
pour sa cause politique et considère le Général, à son tour,
comme un singe de laboratoire. De la même manière, le
Centaure se venge.
La description que fait Sophocle de la tunique empoison -
née (64) trouve un étrange écho dans Tendre et Cruel.
En effet, dans le texte grec il est question de « la tunique
alors qui colle à ses flancs et s’ajuste ». Par un déplacement,
au sens presque freudien du terme, Crimp s’attarde beaucoup
sur la description de la robe très « moulante »
d’Amelia (p. 64). Par la symbolique de cette robe se trans -
fère, grâce à notre imaginaire, tout un pan de la matérialisation
du supplice du général : d’où l’importance de
ce costume.
Comme chez Sophocle, c’est par l’intermédiaire de James
que nous apprenons que le cadeau était bien empoisonné.
Dans un style et une scène purement crimpiens,
James accuse sa mère (p. 66). Mais si Déjanire pleure tout
de suite le sort de son mari, Amelia reste un temps dans
le déni. Déni que Crimp souligne par les interruptions
répétées d’Amelia et de vagues sujets de discussions
touristiques. L’auteur anglais redistribue aussi les rôles
et divise le grand discours de la nourrice chez Sophocle
19
entre les domestiques, Laela et Amelia elle-même.
Encore une fois, il ajoute à Sophocle ces rencontres que
la tragédie omettait volontairement. Il termine même la
vie d’Amelia sur un dialogue avec Laela. Sa tirade sur
l’aéroport, la pointe et les rayons X intègre et déplace
métaphoriquement, comme souvent dans l’adaptation,
des images des Trachiniennes. Par exemple, la nourrice
avait révélé chez Sophocle, dans la narration du suicide
de Déjanire : ce « flanc transpercé » par une pointe, et
que les Dieux voient. Nos rayons X modernes nous permettent,
à l’image des Dieux ou du chœur, de savoir ce
qu’il y a vraiment dans le cœur des gens… C’est-à-dire
une pointe pour Amelia…
Dans son cœur trône la volonté de ne jamais être une vic -
time. Elle mentirait aux douaniers en ce sens : oui, elle a
« volontairement » dissimulé cette pointe. Amelia a natu -
rellement en elle cette alliance entre violence et amour, ce
poignard près du cœur. En faisant son cadeau d’amour,
elle offre la violence. La tirade sur l’aéroport fait d’elle
une terroriste de l’amour, c’est un soldat : plein d’amour
destructeur malgré elle. Est-elle prête à accepter le rôle
de meurtrière de son mari pour ne pas être considérée
comme la victime de Robert ? Peut-être irait-elle jusqu’à
avouer avoir consciemment tué son mari, si cela lui évite
l’appellation de victime. Se suicide-t-elle par tristesse ?
Ou, justement, parce qu’elle a été, malgré elle, victime de
cette machination qui a tué le général ?

UN MOIS PLUS TARD…
Quand la gouvernante résume en une liste les objets
tâchés de sang par Amelia, le récit n’a rien d’empathique
contrairement à la tirade de la nourrice chez Sophocle.
Dans la pièce de Crimp, globalement, les personnages
sont beaucoup moins touchés par les événements. Dans
Tendre et Cruel, il y a bien un recul et un détachement,
pour ne pas dire un second degré.
La venue du Général est, chez Sophocle, annoncée par le
chœur. Dans une parfaite cohérence analogique Crimp
donne au Général une première réplique qui reprend un
texte de Billie Hollyday. La grande modernité qu’apporte
Tendre et Cruel à la souffrance du Général est à propos de
sa santé mentale. Si la souffrance d’Héraclès était physique,
celle du Général est clairement, et principalement,
psychique. Chez Sophocle, Héraclès demande où est
Déjanire, alors qu’elle est morte. Mais il n’est pas au
courant de son suicide alors que, chez Crimp, la dernière
partie se passe un mois plus tard. Ainsi, par cette transposition
temporelle, le Général ne peut qu’être fou en
demandant Amelia alors qu’il a assisté à son enterrement.
Pour souligner cette torture mentale que subit le Général,
Crimp y ajoute un versant politique. Le Général est
condamné pour ses actes quand personne ne remet les
massacres d’Héraclès en question. C’est l’époque qui
veut ça.
Si l’opinion publique dénonce clairement les exactions du
général, celui-ci, comme Héraclès, ne regrette absolument
pas ses actes. Déjà, chez Sophocle, le guerrier se vante
d’avoir « purgé les mers et les forêts » (72). On retrouve
cette caractéristique de purge chez le général qui a « éra -
diqué le terrorisme ». La question qu’on peut alors se poser
tourne autour de la position d’Héraclès : était-il un personnage
aussi négatif pour les Grecs? Était-ce cette brute
sanguinaire que représente le général ? Et quelle idée
Crimp a-t-il de ce héros mythique pour le transformer
en ce sens ? Peut-être veut-il nous montrer que les idoles
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et les héros ne sont que des meurtriers… En tout cas, les
héros mythiques sont bel et bien remplacés par des
militaires sanguinaires. On peut aussi penser à l’affirmation
de Brecht dans La Vie de Galilée : « Malheureux
le pays qui a besoin de héros ». La nouvelle question que
pose alors cette adaptation est la suivante : qui sont
vraiment nos héros ?
En disant avoir « vaincu le lion de Némée », le général
(et Crimp) reprend un des travaux d’Héraclès. Cette citation
pure ne se contente pas d’offrir un lyrisme aux propos
du général, elle souligne encore plus sa folie, folie du
guerrier moderne qui se prend pour un héros grec. La
grande tirade d’Héraclès à propos de sa douleur physique
ne contient, quant à elle, aucune allusion à un quelconque
dé lire. Le héros pardonne même à Déjanire, il la comprend,
ce qui n’existe pas du tout chez Crimp. De même,
James ne défend pas vraiment sa mère à la différence
d’Hyllos. Écrire une tragédie moderne nécessite, comme
le remarque Racine dans sa préface de Phèdre, des personnages
ni tout à fait coupables, ni tout à fait innocents.
La tragédie moderne peut apporter une nuance
importante à la radicalité de la tragédie antique. De la
même manière que Crimp évacue les Dieux de l’histoire
des Trachiniennes, il sort les personnages du temps du
destin. Pour reprendre Lacan, à notre époque, « nous
sommes chargés d’un malheur plus grand encore de ce que
ce destin ne soit plus rien ». Seule règne la contingence.
Héraclès demande à son fils de le sacrifier sur le mont
Œta, « sacrifice » qui résonne dans les derniers mots du
général. Mais, pour lui, ce sera devant le tribunal qu’il
oservira de « victime ». Contrairement à Sophocle, James
refuse de faire mourir son père, il refuse sa dernière vo -
lonté au nom d’un concept, qu’il croit plus universel, de
la justice. De la même manière, James refuse de prendre
Laela comme femme alors qu’Hyllos, malgré certaines
réticences, accepte d’épouser la captive. En effet, la peur
de la vengeance des Dieux est trop forte pour que le fils
ne cède pas aux dernières volontés de son père. Jusquelà,
la prophétie avait raison : Héraclès cède bien à une
mort vivante offerte de la main d’un mort. Si les oracles
et les Dieux changeaient le cours des choses, sans ces der -
niers, James peut refuser et agir selon ses inclinations et ses
valeurs. Tendre et Cruel est une tragédie sans les Dieux,
c’est-à-dire une tragédie où les hommes et les fem mes
sont livrés à eux-mêmes. Peut-on voir alors, dans l’exercice
de l’adaptation et de la réécriture, une ten tative de
dévoiler au grand jour la vérité, ce qui s’est réel lement
passé ? Sauf si la liberté prise par rapport au destin n’est
qu’une nouvelle illusion qui ronge les personnages…
par François Regnault et Clément Mercier
MARTIN CRIMP
Martin Crimp est né en 1956 dans le Kent. Il commence à
s’intéresser au théâtre pendant ses études à Cambridge et
écrit Clang, une pièce sur la manière dont les désordres psychologiques
influent sur le langage.
Pendant les premières an nées qui suivent l’obtention de
son diplôme, il se consacre à une carrière d’écrivain peu
couronnée de succès (il écrit deux romans qui ne trouvent
pas d’éditeur) et pour réussir à vivre accumule les petits
boulots que l’on retrouvera ensuite au fil de ses pièces
(sondages marketing dans la rue, travailleur en usine…).
Il est également musicien professionnel (piano, clavecin) ce
qui influence considérablement sa vision du texte comme
d’une partition où les pauses et les rythmes doivent être scru -
puleusement respectés.
Ses premières pièces sont produites et montées par l’Orange
Tree Theatre à Richmond, dans la banlieue londonienne
où il habite, et comportent : Living Remains (1982), Four
Attempted Acts (1984), Definitely the Bahamas (1987),
Dealing With Clair (1998), Play With Repeats (1989). Bien
que se présentant sous des formes différentes, très influencées
par Beckett pour les premières puis davantage par Pinter
ou Carol Churchill, ses pièces traitent des thèmes récurrents
parmi lesquels les rapports conjugaux, l’ambivalence du
statut de bourreau ou de victime, et l’exploitation de l’être
humain par ses pairs ou par son époque dominée par la
technique, occupent une large place.
21
Pourtant Crimp n’est pas, comme ont pu le croire au départ
les critiques, un adepte du réalisme trash britannique (Kitchen
sink drama), ni de l’ultra violence poético-politique de l’In-
Yer-Face Theatre. Il constitue un auteur à part sur la scène
anglaise, au sens où ses intérêts et ses références sont ce que
ses compatriotes appelleraient « continentaux » ou « européens
». Il avoue une passion pour Marguerite Duras, traduit
Koltès, Molière, Genet. Depuis Cambridge, il lit le latin
et le grec, ce qui veut dire qu’il dévore les tragédies an -
tiques. De ces lectures, naîtra Tendre et Cruel, sa réécriture
des Trachiniennes de Sophocle.
Dans les années 90, ses pièces commencent à être connues
au-delà des frontières britanniques.
En 1991, il effectue une résidence à New York durant la -
quelle il écrit Le Traitement, qui est clairement un hommage
à l’esthétique du cinéma américain en même temps qu’une
violente critique de la manière dont celui-ci utilise les gens
et falsifie leurs histoires personnelles.
Il devient par la suite artiste associé au Royal Court, à
Londres, et écrit notamment Personne ne voit la vidéo,
(1990), Getting Attention (1991), Atteintes à sa vie (1997), La
campagne (2000), Face au mur (mars 2002), Tendre et Cruel
(2004). Malgré la régularité des productions de celles-ci, il
continue à être un quasi-inconnu en Angleterre. En
revanche, le reste de l’Europe s’intéresse beaucoup à ses
pièces. Elles retiennent notamment l’attention à Milan, où
elles sont inscrites au répertoire du Piccolo Teatro, à
Lisbonne, à Bruxelles, à Berlin et à Paris sous la direction
de Luc Bondy, Stanislas Nordey ou Joël Jouanneau.

BRIGITTE JAQUES-WAJEMAN LES COMÉDIENS
Brigitte Jaques-Wajeman
crée L’Éveil du printemps
de Wedekind au Festival
d’Au tomne 1974.
Elle fonde
avec François Regnault
la Compagnie Pandora
et dirige avec lui
le Théâtre de la
Commune/Pandora
à Aubervilliers
de 1991 à 1997.
C’est au début des années 80 que Brigitte Jaques-Wajeman a inauguré son cycle cornélien, notamment grâce à Jacqueline
Lichtenstein, professeur de Philosophie à la Sorbonne.
Cycle de « Corneille colonial » : 1983 La Mort de Pompée (1983, puis en 1993-4). Sopho nisbe (1988). Suréna (1994-5)
Sertorius (1996-7). Nicomède (2008-9). Nicomède et Suréna au Théâtre des Abbesses ( 2011).
Outre ce cycle « Corneille colonial », elle aura aussi mis en scène, de Corneille : Horace (Chaillot, 1989), La Place royale
(Théâtre de la Commune/Pandora 1992, reprise en 1993), L’Illusion comique (Comédie de Genève, Théâtre de Gen -
nevilliers, 2004), Le Cid (Comédie-Française, 2005, reprise 2006). Au Théâtre de la Commune Pandora d’Aubervillers,
qu’elle dirigeait, elle avait mis en scène en 1992 (repris en 1995) des Entretiens avec Pierre Cor neille, composés par elle
et Jacqueline Lichtenstein à partir des Discours, avertissements et Préfaces de Corneille, et interprétés par François Regnault
(Corneille) et Emmanuel Demarcy-Mota (un jeune visiteur).
Tournée mondiale d’Elvire Jouvet 40 (Leçons de Jouvet sur l’Elvire du Dom Juan, 1986). L’Imposture, d’après Bernanos
(Théâtre de la Ville, 1989), Partage de midi de Claudel (1990).
À LA COMÉDIE-FRANÇAISE, ELLE A MONTÉ : La Nuit de l’iguane de Tennessee Williams, Ruy Blas de Victor Hugo,
Britannicus de Racine, Le Cid de Corneille (2005-6).
ET AILLEURS : Mme Klein de Nicholas Wright, Angels in America de Tony Kushner. Dom Juan (1998), Tartuffe (2009) de
Molière.
OPÉRAS : Don Giovanni de Mozart (Toulouse).
OPÉRAS CONTEMPORAINS (Ligeti, Georges Aperghis, M.-O. Dupin).
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Pascal BEKKAR
Formé auprès de Jacques Fontaine, Pierre Debauche, il travaille
sous la direction de JL Thamin dans Les Nègres et les
Bonnes de J. Genet, de V. Colin dans une adaptation de Can -
dide de Voltaire et des Mariés de la Tour Eiffel de J. Cocteau.
Il rencontre Brigitte Jaques-Wajeman sur la création du Don
Juan de Molière et depuis participe et collabore à de nombreuses
créations de la Cie Pandora: La Marmite et Pseudolus
de Plaute, L’Illusion Comique, Le Cid, Nicomède, Suréna, de
Corneille.
Sophie DAULL,
Elle a travaillé entre autres avec Hubert Colas, Stéphane
Braun schweig, Alain Ollivier, Jacques Lassalle, Odile Duboc,
Jean Gaudin…. Elle collabore à toutes les créations de l’auteure-
metteuse en scène Carole Thibaut, et enregistre régulièrement
pour France-Culture. Tendre et Cruel est sa 5 e col -
laboration avec Brigitte Jaques-Wajeman
Anne LE GUERNEC
Élève de Madeleine Marion, elle commence sa carrière de
comédienne au théâtre avec Jean-Claude Buchard, Stéphanie
Loïk, Jeanne Moreau, Margarita Mladenova et Ivan Dob -
tchev, A-L Liégeois… Elle joue plusieurs spectacles mis en
scène par Guy Pierre Couleau. Au cinéma, elle tourne avec
S. Gainsbourg, Peter Werner, Jean Becker. Récemment, elle
interprète Eléna dans Oncle Vania mis en scène par le letton,
Edmunds Freibergs. Elle retrouve aujourd’hui Brigitte
Jaques-Wajeman après Tartuffe de Molière en 2009.
Sarah LE PICARD
Formée au conservatoire du V e arrondissement de Paris, elle
travaille ensuite au théâtre avec Matthieu Roy (Histoire
d’amour de JL Lagarce, L’amour conjugal de A. Moravia) et
Brigitte Jaques-Wajeman dans Tartuffe. Elle participe à la
création du collectif « la vie brève », menée par Jeanne Candel
et à son premier spectacle Robert Plankett. Elle joue aussi
au cinéma ou à la télévision notamment dans Gentille de
Sophie Fillières, dans Le Hérisson de Mona Achache ou plus
récemment dans Alyah d’Elie Wajeman.
Arnold MENSAH,
Sa formation de comédien commence réellement à l’âge de
15 ans au conservatoire de Plaisir. Il fait alors une apparition
dans le film Carré Blanc de Jean-Baptiste Leonetti en
2010. Il passe sa première audition en mai 2012 pour le
double rôle d’Edu et de Iolaos dans le projet de Brigitte
Jaques-Wajeman. Aujourd’hui il suit des cours au
Conservatoire du XVI e arrondissement avec Nathalie
Bécue, et achève une licence de Lettres Modernes Parcours
Études Théâtrales.
23
Pierre-Stéfan MONTAGNIER,
Il rencontre Brigitte Jaques-Wajeman lors de sa formation
à l’ENSATT. Tendre et Cruel marque leur septième collaboration
artistique dominée par Corneille, Plaute et Molière. Au
théâtre, il a notamment croisé les univers d’I. Starkier, G.
Bourdet, GP Couleau, C. Rauck, C. Yersin, S. Purcarete, C.
Colin, B. Kudlack, S. Tcheumlekdjian… Il est lecteur de longue
date de la compagnie « La Liseuse » dirigée par Caroline
Girard : un spectacle commun à partir d’une œuvre littéraire
est actuellement en préparation
Jenny MUTELA
Après une formation de danseuse classique au Conser va -
toire national de région de Rueil-Malmaison, elle intègre
différentes compagnies de danse contemporaine avant de
s’inscrire aux cours Florent pour suivre une formation thé -
âtrale. Elle intègre ensuite le conservatoire d’art dramatique
de Paris. Depuis sa sortie, elle a travaillé avec J-P. Wenzel,
I. Menjinski, P. Piard et C. Perton. En parallèle, elle joue
dans des fictions pour la télé et le cinéma.
Aurore PARIS
Sortie du conservatoire national en 2008, elle travaille au
théâtre sous la direction d’E. Lacascade, L.Pogrebnitchko,
B.Sobel, P.Bureau, M.Kerzanet et enfin B. Jaques-Wajeman.
Elle tourne dans des téléfilms, notamment L’amour dans le
sang, dans lequel elle interprète le rôle de Charlotte Valandrey.
Parallèlement, Aurore écrit roman, poésie, pièces de thé âtre,
scénarii et réalise son premier court-métrage en 2012 : Ad
Nauseam.
Thibault PERRENOUD
Diplômé du conservatoire national supérieur d’Art Dra -
matique de Paris (2004- 2007), il a travaillé notamment
avec D. Mesguich, B.Sobel, J.Lassalle, B.Moreau, S.Llorca,
M.Boisliveau… Avec eux, il explore des auteurs classiques
et contemporains comme Corneille, Molière, Kleist, Gabily,
Schimmelpfennig, Lescot… Parallèlement à son parcours
d’acteur, il crée la Compagnie Kobal’t.
Tendre et Cruel est sa 4 e collaboration avec Brigitte Jaques-
Wajeman
Bertrand SUAREZ-PAZOS
Il a travaillé avec Coline Serreau, Nino d’Introna, Jean La cor -
nerie, Richard Brunel, Stéphanie Loïk, Elisabeth Chailloux,
Jean-Pierre Berthomier, Michel Belletante… Voix familière
des dramatiques de France Culture et France Inter. Il a écrit
et mis en scène Derrière les murs.
Prix Arthur Rimbaud pour Vers des espoirs publié à La
Maison de Poésie en 1999. Il travaille depuis de nombreuses
années avec Brigitte Jaques-Wajeman.

TOURNÉE 2013
31 JANVIER & 1 ER FÉVRIER
L'Onde
de Vélizy-Villacoublay
26 & 27 MARS
Comédie de l’Est à Colmar
24 MAI
L’Apostrophe –
Théâtre des Louvrais –
Scène nationale Cergy-Pontoise et val d’Oise
RENCONTRES
DIMANCHE 10 FÉVRIER 17H
AU THÉÂTRE DES ABBESSES
en présence
de Brigitte JAQUES-WAJEMAN
& des comédiens
SAMEDI 16 FEVRIER À 15 H
À LA BIBLIOTHEQUE OSCAR WILDE
12 rue du Télégraphe, Paris 20
AUTOUR DE Tendre et cruel
avec Brigitte JAQUES-WAJEMAN
ENTRÉE LIBRE
MAIS RÉSERVATION SUR INTERNET
www.theatredelaville-paris.com //
rubrique rencontre //
calendrier et inscriptions