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Passion selon St Matthieu - In illo tempore

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Devenu évêque, Mgr. Hilarion a continué à se faire apprécier comme auteur d’œuvres théologiques,<br />

puis il a été appelé à représenter son Eglise dans les échanges œcuméniques. C’est une<br />

carrière qui n’avait jusqu’à présent rien d’extraordinaire, l’exemple d’autres moines-évêques<br />

en témoigne. Mais voilà, de façon inattendue pour tous, Mgr. Hilarion s’est manifesté comme<br />

compositeur d’une œuvre musicale, unique en son genre. Comment situer ce phénomène ?<br />

« La <strong>Passion</strong> <strong>selon</strong> saint <strong>Matthieu</strong> » est apparue à un moment crucial de l’histoire russe. Sorties<br />

de plus de 70 ans de dictature communiste, la Russie et avec elle son cœur vital, l’Eglise<br />

Orthodoxe, se sont vues confrontées à d’énormes problèmes : L’Etat avec l’effondrement de ses<br />

institutions, de son économie, voire même avec la mise en question de sa place dans le monde,<br />

l’Eglise avec la réduction de son tissu institutionnel (évêchés, clergé, monastères etc.) au strict<br />

minimum, avec une position plus que marginale dans un pays qu’elle avait cependant jadis<br />

aidé à construire. Mais plus grave que tout, société et Eglise ont dû faire face à l’effondrement<br />

de toute valeur éthique.<br />

L’Etat pouvait se servir des immenses ressources de ce grand pays pour non seulement transformer<br />

la société mais littéralement reconstruire le pays, dans le but de lui rendre aussi sa<br />

place dans le concert des peuples. L’Eglise, par contre, privée de tous ses moyens, n’avait pas<br />

seulement à reconstruire des édifices, mais surtout à guérir les âmes blessées, et non seulement<br />

celles des croyants, mais aussi celles des incroyants qui avaient mis toutes leurs espérances<br />

dans le projet tragique de la construction d’une société sans Dieu.<br />

Pour rejoindre les croyants, qui étaient toujours restés bien plus nombreux qu’un observateur<br />

superficiel n’aurait cru, l’Eglise disposait de ses moyens traditionnels dont elle n’avait jamais<br />

perdu l’usage : la liturgie, la catéchèse, même si elle avait été réduite à l’espace intérieur des<br />

églises, la vie monastique, tolérée ou vécue clandestinement, etc. Ce qui a sauvé la foi pendant<br />

la longue période soviétique était sans doute la liturgie que l’Eglise a toujours célébrée avec le<br />

plus grand soin. Le pouvoir athée n’a sans doute jamais compris qu’à moitié pourquoi l’Eglise<br />

y tenait tellement. Ce n’étaient pas tellement les beaux bâtiments et les objets du culte qu’elle<br />

défendait. A ce niveau, même les plus cultivés parmi les non-croyants avaient vite compris qu’il<br />

s’agissait ici aussi d’un patrimoine national qu’il fallait sauver, et on l’a sauvé en très grande<br />

partie. L’Eglise seule savait aussi qu’un homme qui prie ne perd jamais la foi et qu’il doit réapprendre<br />

à prier si il veut retrouver la foi.<br />

L’Eglise a donc en un premier temps reconstruit autant d’églises que possibles, rouvert autant<br />

de monastères que l’on voulait bien lui restituer, pour multiplier ainsi les foyers de la prière<br />

publique et des centres de vie spirituelle. Cette œuvre grandiose, liée au nom de l’actuel<br />

Patriarche S.S. Alexis II, n’a souvent pas été comprise en Occident, surtout quant il s’agissait<br />

d’églises aussi grandes que le Saint Sauveur à Moscou. Mais le but était et reste de donner aux<br />

fidèles toujours plus nombreux un toit sous lequel ils pouvaient se réunir pour la prière et pour<br />

être instruits dans la foi.<br />

Mais comment rejoindre les non-croyants ? Beaucoup d’entre eux n’étaient d’ailleurs pas à<br />

proprement parler des incroyants, parce qu’ils avaient souvent été baptisés par des membres<br />

croyants de leur famille, bien qu’ils n’aient jamais eu l’occasion d’être initiés dans la foi et la<br />

pratique de la vie chrétienne. C’est ici que nous voyons le Sitz im Leben de l’œuvre musicale<br />

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