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« J’écris en présence de toutes les langues du monde.
Elles résonnent des échos et des obscurités et des silences les
unes des autres. » Édouard Glissant 2
En temps de crise, la révolte fait irruption comme une
radicalité opposée à l’inacceptable. En appelant à la
« résistance » comme modalité d’action face à une
situation jugée intolérable, l’ancien Résistant Stéphane
Hessel, dans son bref essai de
2010, Indignez-vous! a ouvert,
de manière symptomatique, une
perspective qui, par l’action
individuelle et collective, veut
ramener le commun au cœur des
priorités. Cette résistance d’aujourd’hui,
la sienne, se réfère
historiquement et politiquement
à la Résistance française durant
la Seconde Guerre mondiale
puis au sortir de la guerre. Elle
affirme que quelque chose
d’autre a déjà été possible, que
quelque chose d’autre est donc
possible, et elle ouvre la possibilité
d’une pluralité de récits
possibles pour résister à l’inégalité,
à la perte de dignité et de
sens, à la servitude contemporaine. Telle est l’une des
actualités de la notion de résistance.
La résistance est une notion plastique. Pascal la cerne
en inventant la métaphore du roseau pensant pour
situer l’homme dans l’univers. La résistance consiste à
ne pas se briser, à ne pas se laisser détruire sous une
poussée contraire, adverse. La résistance suppose
2 : Édouard Glissant, Philosophie de la relation, Gallimard, Paris, 2009, p.80.
“
Ghislaine Glasson Deschaumes
est chercheuse à
l’Institut des sciences sociales
du politique (CNRS/Université
Paris Ouest Nanterre la Défense),
codirectrice du groupement
d’intérêt scientifique
« Institutions patrimoniales et
pratiques interculturelles ». Elle
est par ailleurs directrice et fondatrice
(1993) de la revue
Transeuropéennes, responsable
du programme « Traduire
en Méditerranée ».
”
souplesse, mouvement, ajustement de l’action à la
pression subie. Elle peut rejoindre l’esprit de ruse,
quand la loi de l’action physique n’est pas pertinente ou
suffisante. Ulysse exaspère la raison cyclopéenne par
ce jeu avec le nom et avec la langue qui continue de
nous faire parler : « Mon nom est personne. » La ruse
d’Ulysse est une résistance du langage à l’enfermement
dans la nomination – une nomination qui identifierait
Ulysse tout en le dénonçant.
La résistance d’Ulysse à son
nom, à sa filiation, parle à
toutes celles et tous ceux qui ne
se reconnaissent pas dans l’assignation
à l’origine, dans l’enfermement
identitaire. Elle est
une résistance dans la langue, et
qui interroge la langue.
Quelle est la raison cyclopéenne
à quoi nous serions confrontés
aujourd’hui et par quoi la langue
devrait être sollicitée ? Qu’estce
donc que résister en ces
temps de globalisation, qui
exposerait à la perte d’identité ?
À supposer qu’il faille résister,
les réponses à cette question
sont plurielles, voire hétérogènes.
Elles tiennent aux représentations du monde, de
l’identité et de la chose politique où elles s’inscrivent.
Puisqu’il s’agit ici de répondre à l’invitation lancée par
le musée des Confluences de réfléchir sous l’angle de la
langue à la résistance, la question pourrait ainsi être
resserrée : en ces temps de déliaison, en ces temps où
le commun est en crise, à quoi résister qui engage la
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L E S C A H I E R S D U M U S É E D E S C O N F L U E N C E S - R E S I S T A N C E S