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déficitaire s’opèrent à différentes échelles. Dès qu’un déficit hydrique apparaît, la plante ajuste, rapidement et de
façon réversible, les flux d’eau qui la traversent par la fermeture de ses stomates (petits orifices des feuilles qui règlent
les échanges gazeux entre plante et atmosphère). Des déficits hydriques plus longs induisent des changements plus
irréversibles, notamment de morphologie (réduction des surfaces d’évaporation) » 2 . Ainsi, « la survie aux sécheresses
sévères est assurée par une combinaison de mécanismes » (id.).
La connaissance de ces mécanismes de résistance met en jeu l’interaction entre l’homme et la nature dans la mesure
où l’homme agit afin de maîtriser ces régulations naturelles. Prenons l’exemple des mutations du carpocapse, un insecte
dont la chenille parasite les fruits. « Pour les producteurs, les résistances restent une énigme. Pour leur expliquer les
mécanismes de résistance, les techniciens se tournent vers les scientifiques. (…) Pour comprendre comment les
insectes évoluent, les connaissances de physiologie et de biologie ne suffisent plus, les scientifiques sont obligés de
passer à un autre niveau de connaissance : la génétique » 3 . Selon la même logique que les bactéries4 , les mutations
« de plus en plus fréquentes » de ces insectes ont pour conséquence « la constitution de deux sous-populations de carpocapse
: les résistants et les sensibles ». « Donc le fait de traiter, quel que soit le produit, a sélectionné des résistants
» 5 . « Les humains n’ont » dès lors « d’autres choix que de s’adapter à leur tour » en mettant au point de nouvelles
familles de produits ou « de nouvelles ruses » pour combattre les résistants. Ainsi, la reconnaissance de cette interaction
entre l’homme et la nature qui se manifeste à travers le phénomène de la résistance amène à remettre en cause
l’idée d’une nature à sauvegarder comme entité séparée de l’homme. « Même les insectes, qui a priori, peuvent sembler
des êtres de nature à part entière, sont des êtres hybrides. Pire, ils sont des êtres mutants au gré des
pratiques humaines » 6 . Si l’évolution de la nature est liée à celle des hommes, le maintien d’un équilibre implique
paradoxalement de maîtriser au mieux les modalités du changement.
Résistance et résilience
L’homme peut également subir des agressions venant de l’extérieur, liées à l’histoire, à autrui. La résistance met là
aussi en question l’interaction « entre ce qu’on est et ce qui est » 7 , l’intérieur et l’extérieur. Mais « l’adaptation, nécessaire
dans un système biologique, n’a plus la même pertinence dans un système historique où l’être humain se soumet
aux représentations qu’il invente » 8 ; elle « ne désigne plus la conduite réflexe d’un organisme qui lutte pour sa survie ».
Nous ne ferons qu’évoquer ici deux manières différentes d’envisager l’évolution possible de l’homme. Pour Freud, la
résistance des patients qu’il rencontre désigne la difficulté à parler des moments de leur histoire qui vont s’avérer être
à l’origine de leurs troubles. La résistance, un des concepts fondateurs de la théorie psychanalytique, est « une force
qui empêche » les souvenirs oubliés « de devenir conscients » 9 . Elle constitue donc un frein, un obstacle, relève des
2 : « La résistance des plantes à la sécheresse », INRA, centre de Montpellier, article consultable sur le site de l’INRA, www.inra.fr.
3 : « Les mécanismes de résistance selon les scientifiques » in thèse de Réjane Paratte Produire avec la nature / Ou comment la production intégrée recompose les
agents biologiques, chimiques et humains dans une arboriculture marchande, dir. Philippe Descola, EHESS, soutenue en mai 2012.
4 : Cf. l’article dans ce numéro de Gabriel Gachelin.
5 : R. Paratte, p. 192.
6 : Id, p. 266.
7 : Boris Cyrulnik in Psychanalyse et résilience, O. Jacob, 2006, p. 23.
8 : Id., p. 16.
9 : Freud, Cinq leçons sur la psychanalyse, éd. Payot, 2002, p. 31.
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L E S C A H I E R S D U M U S É E D E S C O N F L U E N C E S - R E S I S T A N C E S