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Présentation du texte de Montesquieu Le texte de Montesquieu ...

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justice, c'est-à-dire faire nos efforts pour ressembler à cet être dont nous avons une si belle idée".<br />

Quelle est cette "idée" ? Celle d'un être doué d'intelligence et libéré <strong>de</strong> l'emprise <strong>de</strong>s passions.<br />

"Aimer la justice", on le sent, c'est d'abord travailler à se libérer <strong>du</strong> "tumulte <strong>de</strong>s passions", pour se<br />

préparer à accueillir la "voix <strong>de</strong> la justice" lorsqu'elle parle en nous. C'est aussi, sans doute, cultiver<br />

son intelligence pour être en mesure <strong>de</strong> mieux la discerner ; mais l'insistance <strong>de</strong> <strong>Montesquieu</strong> sur les<br />

"raisons d'intérêt" et le "tumulte <strong>de</strong>s passions" mettent l'accent sur cet effort <strong>de</strong> pacification<br />

intérieure qui est le vrai amour <strong>de</strong> la justice. Au fond, la vie religieuse, conçue comme "imitation <strong>de</strong><br />

Dieu", est une forme possible <strong>de</strong> l'amour <strong>de</strong> la justice, et se justifierait peut-être par là. L'idée<br />

fondamentale est semble-t-il que la justice a en elle-même une puissance d'entraînement <strong>du</strong> coeur<br />

humain, et qu'il ne s'agit, pour l'homme, que <strong>de</strong> s'efforcer <strong>de</strong> lever les obstacles à cette "voix <strong>de</strong> la<br />

justice". Ne sommes-nous pas bien près <strong>de</strong> la "religion naturelle" <strong>de</strong> Rousseau, <strong>de</strong> cette "voix <strong>de</strong> la<br />

conscience" qui est en même temps la "voix <strong>de</strong> la nature", et qui est la vérité <strong>de</strong> toute religion<br />

instituée ?<br />

Mais revenons au <strong>texte</strong>. En quel sens tout cela mène-t-il à l'idée que la justice est "éternelle" ?<br />

Cela peut vouloir dire qu'elle ne fluctue pas avec les opinions et les goûts, puisqu'elle est<br />

"objective". C'est ce que semble indiquer la conjonction "et" qui signifie souvent "c'est-à-dire" :<br />

éternelle, parce qu'elle "ne dépend point <strong>de</strong>s conventions humaines". On en revient donc à la portée<br />

<strong>de</strong> la définition initiale. Et pourtant <strong>Montesquieu</strong> semble laisser planer un doute : "quand elle en<br />

dépendrait, ce serait une vérité terrible, qu'il faudrait se dérober à soi-même".<br />

Au terme <strong>de</strong> cette lecture, il nous semble que les difficultés <strong>de</strong> ce <strong>texte</strong> se ramènent à <strong>de</strong>ux<br />

questions fondamentales : pouvons-nous penser la justice comme un rapport objectif <strong>de</strong><br />

convenance, et quel sens donner à cette idée <strong>de</strong> convenance ? Deuxième question : l'idée que la<br />

justice dépend <strong>de</strong>s "conventions humaines" est-elle une idée si "terrible" ? N'est-ce pas l'idée<br />

qu'expose Pascal dans les Pensées ? Et au fond, ne pourrions-nous comprendre ce rapport <strong>de</strong><br />

convenance, à l'échelle <strong>de</strong> l'homme, sous les traits <strong>de</strong> l'intérêt général ou <strong>de</strong> l'intérêt réel, ce qui<br />

permettrait <strong>de</strong> réconcilier l'idée d'une objectivité <strong>de</strong> la justice et la nécessité <strong>de</strong> son caractère<br />

conventionnel ?<br />

Sur la définition <strong>de</strong> la justice.<br />

L'idée d'une justice "objective", comprise comme "rapport <strong>de</strong> convenance existant réellement<br />

entre <strong>de</strong>ux choses" est-elle au fond si paradoxale ? Il faut d'abord comprendre <strong>de</strong> quoi il s'agit : il ne<br />

s'agit pas <strong>de</strong> la justice comme institution (ensemble <strong>de</strong> règles <strong>de</strong> con<strong>du</strong>ites, droit positif, etc. ;<br />

encore moins <strong>de</strong> l'institution judiciaire) ; il ne s'agit pas même <strong>de</strong> la justice comme vertu (laquelle<br />

sera d'une certaine manière abordée à la fin, comme "amour <strong>de</strong> la justice" et effort d'imiter Dieu. Il<br />

s'agit ici <strong>de</strong> la justice comme état <strong>de</strong>s choses, comme quand on se <strong>de</strong>man<strong>de</strong> si le mon<strong>de</strong> est juste.<br />

Maintenant, la définition même est-elle paradoxale ? En tous cas, elle n'est pas neuve. C'est, par<br />

exemple, l'idée <strong>de</strong> la justice selon Platon, telle qu'il la développe dans le Gorgias (le<br />

parallélogramme) et dans la République (la justice "vertu <strong>de</strong> sauvegar<strong>de</strong>"). L'image <strong>du</strong> Gorgias<br />

(parallèle entre le arts <strong>du</strong> corps et les arts <strong>de</strong> l'âme ou "politiques") est claire. Un corps vivant a une<br />

nature. La conservation <strong>de</strong> cette nature (la survie, la santé) exige que les éléments <strong>du</strong> corps<br />

entretiennent entre eux un rapport <strong>de</strong> convenance, c'est-à-dire conspirent à la santé <strong>du</strong> corps. Mais<br />

cet ordre naturel ne correspond pas à ce que nous nommons justice, et qui relève d'une décision<br />

concernant le corps, concernant la façon <strong>de</strong> le traiter. La nature <strong>du</strong> corps permet ainsi <strong>de</strong> déterminer<br />

le régime convenable à un corps, (c'est l'objet <strong>de</strong> la "gymnastique") comme la mé<strong>de</strong>cine permet<br />

d'i<strong>de</strong>ntifier, par la connaissance <strong>de</strong> la nature <strong>du</strong> corps et l'analyse <strong>de</strong> son trouble passager, le remè<strong>de</strong><br />

convenable - ces rapports <strong>de</strong> "convenance" définissant le "régime juste" et le "remè<strong>de</strong> juste". Ce qui<br />

est juste, c'est ce qui convient objectivement au corps, et qui relève <strong>de</strong> ma décision.<br />

Il en va <strong>de</strong> même, selon Platon, pour l'âme et pour le "corps social". La difficuté, rappelons-le, est

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