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Les contradictions culturelles du capitalisme

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Agrégation de sciences économiques et sociales / Préparations ENS 2007-2008 2<br />

La sphère gouvernementale est celle <strong>du</strong> pouvoir et de la justice sociale. Le régime détient l’emploi légitime de la<br />

force et règle les conflits afin de parvenir à des conceptions de justice incarnées dans les traditions d’une société ou<br />

dans sa constitution. Le principe fondamental <strong>du</strong> gouvernement est la légitimité. L’égalité est une condition implicite.<br />

La structure fondamentale consiste dans la représentation et la participation. Le changement suit ici un principe défini<br />

par Durkheim : l’élargissement de la sphère sociale provoque une plus grande action réciproque, et celle-ci con<strong>du</strong>it à<br />

la spécialisation, à des relations complémentaires et à une différenciation structurale.<br />

De ces trois descriptions, on peut dé<strong>du</strong>ire les sources structurelles de tension de la société : la structure sociale est<br />

techno économique, bureaucratique et hiérarchique, alors que le régime politique croît, formellement, à l’égalité et à<br />

la participation. De même, la structure sociale est organisée en termes de rôles et de spécialisation, alors que la<br />

culture est fascinée par l’épanouissement <strong>du</strong> moi. Ces relations adverses montrent la disjonction des sphères.<br />

I. Première Partie : La double servitude <strong>du</strong> modernisme<br />

A. <strong>Les</strong> <strong>contradictions</strong> <strong>culturelles</strong> <strong>du</strong> <strong>capitalisme</strong> et les disjonctions <strong>du</strong> discours<br />

culturels (chapitres 1 et 2).<br />

La culture a acquis une suprématie comme partie la plus dynamique de notre civilisation, dépassant sur ce point la<br />

technologie (là, les transformations dépendent des ressources et des possibilités financières et en politique,<br />

l’innovation est limitée par les structures institutionnelles). Ce mouvement culturel est en outre légitimé : la société<br />

accepte aujourd’hui ce rôle de l’imagination, la société a institutionnalisé l’avant-garde.<br />

1. <strong>Les</strong> <strong>contradictions</strong> <strong>culturelles</strong> <strong>du</strong> <strong>capitalisme</strong><br />

La culture se définit comme un moyen continuel de maintenir son identité grâce à un point de vue esthétique logique,<br />

à une conception orale de soi même et à un style de vie qui témoigne de ces idées. Historiquement, la plupart des<br />

cultures et des structures sociales forment une unité : par exemple, la culture et la structure sociale bourgeoise<br />

forment une unité spécifique autour <strong>du</strong> thème ordre et travail. Mais aujourd’hui, on observe une rupture radicale entre<br />

la structure sociale et la culture. La culture a rejeté les vertus bourgeoises paradoxalement à cause <strong>du</strong> fonctionnement<br />

<strong>du</strong> système économique capitaliste. Alors que le principe économique de la structure sociale se définit en termes<br />

d’efficacité et de rationalité fonctionnelle, la culture est confuse, prodigue, et dominée par des tendances antirationnelles,<br />

anti-intellectuelles, sans autre critère que le moi.<br />

<strong>Les</strong> comportements sociaux sont aujourd’hui discrétionnaires, et la culture s’autonomise. <strong>Les</strong> dispositions<br />

personnelles de chacun deviennent plus importantes que les attributs sociaux conventionnels dans le style de vie, <strong>du</strong><br />

fait de l’extension de l’é<strong>du</strong>cation, de la disparition des structures de classe traditionnelles, et de l’expansion d’une<br />

atmosphère sociale permissive. En outre, l’artiste créé le public : l’artiste d’avant-garde forme le goût <strong>du</strong> public et<br />

organise le marché. Le milieu bourgeois et l’acheteur fortunés n’exercent plus de contrôle sur l’art. C’est une victoire<br />

de la culture, séparée et autonome, même si elle reste d’opposition. La majorité, n’ayant pas de culture propre, ne<br />

peut faire contrepoids à la culture opposée. On peut dire que la culture bourgeoise a disparu.<br />

<strong>Les</strong> semi intellectuels apparaissent dans les années 1950: être dans le vent consiste alors à aimer ce qu’aiment les<br />

masses vulgaires, au lieu de ce qu’affectionnent les « prétentieuses classes bourgeoises ». Cela correspond au<br />

modernisme, qui est, selon Irving Howe, « une rage obstinée contre l’ordre officiel ». Le modernisme insiste sur le<br />

vide, sur le non-sens des apparences. Il naît en réaction contre deux changements sociaux : le premier tient à la<br />

perception de l’environnement social (les notions d’espace et de temps sont désorientées avec les révolutions en<br />

transport et communication), le second, à la conscience de soi, <strong>du</strong> fait de la perte de certitude religieuse. Dans<br />

l’opinion classique prémoderne, l’art était essentiellement contemplatif, mais le modernisme veut submerger le<br />

spectateur afin que le pro<strong>du</strong>it de l’art s’impose à lui. Une place despotique est accordée au présent, si bien que<br />

l’artiste et le spectateur doivent se recréer sans cesse. Le modernisme se caractérise par un culte <strong>du</strong> « moi » et par « le<br />

triomphe de la volonté » : le modernisme a mis fin à la prééminence <strong>du</strong> jugement rationnel. En fait, « le modernisme<br />

part d’une furieuse révolte contre l’ordre social pour aboutir à une croyance en l’apocalypse. » Il substitue l’instinct à<br />

la justification esthétique de la vie, il arrache toutes les bornes, dans le sens où il veut tout explorer, sans distinction.<br />

C’est un hégélianisme négatif : comme l’écrit Foucault, l’homme n’est plus qu’une espèce de trace sur le sable. Il est<br />

enfin le fer de lance d’une offensive lancée contre les valeurs et les formes de comportement ordinaire, au nom de la<br />

libération, de l’érotisme, de la liberté et de l’instinct. Cette lutte intro<strong>du</strong>it une crise des valeurs bourgeoises. Dans<br />

cette culture anti-bourgeoise, il n’y a plus d’avant-garde : personne n’est <strong>du</strong> côté de l’ordre et de la tradition.<br />

Il y a une rupture entre la structure sociale et la culture, ce qui ouvre la voie à une révolution sociale. Cette révolution<br />

a commencé de deux manières fondamentales : autonomie de la culture entrée dans la vie courante (tout ce qui est<br />

permis dans l’art l’est aussi dans la vie), et en plus de nombreuses personnes copient le mode de vie autrefois réservé<br />

à un petit cénacle, qui répand son mode de vie dans les mass media.<br />

On est alors passé « de la morale protestante au bazar psychédélique. » <strong>Les</strong> changements qui interviennent dans le<br />

culturel sont ren<strong>du</strong>s possibles par des changements de sensibilité et des changements dans la structure sociale. La

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