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LES LÉGENDES DE L'INCREVABLE<br />
-<br />
Rémi et Julia
Les Légendes de l'Increvab<strong>le</strong> - Rémi et Julia Fan-fiction du jeu Leelh<br />
Julia glissa si<strong>le</strong>ncieusement hors de la maison où vivait sa famil<strong>le</strong>. La nuit était claire. Les<br />
bottes où flottaient ses pieds, patchwork de cuir et de toi<strong>le</strong> cirée, firent crisser <strong>le</strong>s graviers sous ses<br />
pas. Julia grimaça à ce bruit. Quel<strong>le</strong> discrétion, vraiment ! El<strong>le</strong> s'immobilisa, attentive à chaque son.<br />
Il ne fallait surtout pas réveil<strong>le</strong>r son père...<br />
Car son père s'était vite douté de quelque chose. Des sorties nocturnes ? El<strong>le</strong>, qui avait<br />
toujours été sage, mesurée et raisonnab<strong>le</strong> ? Forcément, <strong>le</strong>s questions s'étaient multipliées... Et el<strong>le</strong><br />
avait fini par avouer à demi-mot l'existence de son amoureux. Son tendre Rémi... Et ses yeux vert<br />
de gris.<br />
Un Emnu ! Était-el<strong>le</strong> donc devenue fol<strong>le</strong> ? Avait-el<strong>le</strong> donc si vite oublié <strong>le</strong>s enseignements<br />
de ses aînés ? Et que faisait-el<strong>le</strong> de la prudence !<br />
Après avoir tenu un discours engagé à ce sujet devant toute <strong>le</strong>ur petite communauté,<br />
l'accablant publiquement de honte, son père n'avait plus rien voulu entendre. Il la surveillait nuit<br />
et jour. Mais même lui n'était pas infaillib<strong>le</strong>... Julia sourit, tout en s'éloignant à grands pas dans la<br />
nuit. Quelques décoctions à base de plantes ajoutées dans sa tisane du soir, et bien vite s'était<br />
évanouie sa vigilance...<br />
Comment aurait-il pu comprendre ? Il avait vécu l'horreur, et il y avait survécu. Julia<br />
nourrissait un grand respect pour son père. Il était un héros. Sa force de caractère lui avait permis<br />
de survivre et de protéger <strong>le</strong>s siens. De la protéger, el<strong>le</strong>, alors qu'el<strong>le</strong> était enfant. Mais... La<br />
nouvel<strong>le</strong> génération, sa génération à el<strong>le</strong>, voyait s'ouvrir des perspectives inédites. Des<br />
perspectives de paix, d'entente, de fraternité... Sa génération, oui, triompherait des préjugés<br />
ethniques. Sa génération apporterait enfin l'espoir d'un avenir meil<strong>le</strong>ur...<br />
Et el<strong>le</strong> allait <strong>le</strong> prouver, avec l'aide de son tendre Rémi. Oui, prouver à quel point <strong>le</strong>s<br />
craintes de sa famil<strong>le</strong> étaient d'un autre temps. A quel point on ne pouvait juger l'individu selon la<br />
masse et selon l'histoire...<br />
Rémi et Julia, <strong>le</strong> coup<strong>le</strong> qui allait symboliser <strong>le</strong> renouveau.<br />
Julia avait rencontré Rémi une quinzaine de jours auparavant, alors que <strong>le</strong>s rayons dorés du<br />
so<strong>le</strong>il déclinaient. El<strong>le</strong> cueillait <strong>le</strong>s présents de la Mère, comme à son habitude. Et, comme<br />
d'habitude, la Mère était généreuse avec el<strong>le</strong>. Sa tante lui avait transmis ses secrets d'herboriste<br />
et, du haut de ses quatorze ans, el<strong>le</strong> pouvait déjà se vanter de savoir traiter tous <strong>le</strong>s maux courants<br />
à l'aide des plantes de la région.<br />
Mais ce soir-là, sa cueil<strong>le</strong>tte révéla une trouvail<strong>le</strong> bien peu ordinaire. Un jeune homme,<br />
inconscient, allongé à même <strong>le</strong> sol. Julia, accroupie derrière un buisson, <strong>le</strong> détailla pendant un bon<br />
moment, stupéfaite, sans oser bouger.<br />
Ses longs dreadlocks sombres, rabattus vers l'arrière par une bande de tissu... Les traits fins<br />
de son visage... Sa peau pâ<strong>le</strong>, légèrement cuivrée par <strong>le</strong> so<strong>le</strong>il... Son torse et ses bras, nus, laissant<br />
apparaître une musculature fine... Et la b<strong>le</strong>ssure qui l'entaillait, de la poitrine jusqu'à la hanche.<br />
Sans doute causée par une lame... Ses pieds nus, et <strong>le</strong> tissu de son pantalon, gorgé de sang, du<br />
côté gauche. Et tout ce sang qui avait ruisselé dans l'herbe a<strong>le</strong>ntours... Mais, bien que faib<strong>le</strong>ment,<br />
il respirait encore.<br />
Guidée par la compassion, et peut-être par une part d'attirance moins "nob<strong>le</strong>", Julia <strong>le</strong><br />
soigna, à l'aide de cataplasmes de plantes favorisant la cicatrisation et de breuvages sucrés.<br />
Publié sur sylkansael.com 2 Suzie Quinten ("<strong>Sylk</strong> <strong>An'Saël</strong>")
Les Légendes de l'Increvab<strong>le</strong> - Rémi et Julia Fan-fiction du jeu Leelh<br />
Lorsqu'il ouvrit enfin <strong>le</strong>s yeux, <strong>le</strong>urs regards se croisèrent, et ils restèrent ainsi de longs instants.<br />
Captivés, hypnotisés.<br />
Depuis, Julia voyait <strong>le</strong> vert tendre de ses pupil<strong>le</strong>s partout.<br />
Les jours passèrent. Rémi regagna ses forces progressivement. Grâce aux soins attentionnés<br />
de Julia, il retrouva éga<strong>le</strong>ment l'usage de sa jambe meurtrie. El<strong>le</strong> adorait s'occuper de lui, malgré<br />
l'interdit que représentait <strong>le</strong>ur relation. Peut-être cela avait-il, au fond, quelque chose de grisant.<br />
Et il était si fin, si subtil ! Bien plus intéressant que <strong>le</strong>s garçons de sa communauté, tous dénués de<br />
tact et d'esprit. Et la nécessité des soins encourageait l'exploration des contacts physiques...<br />
Un soir, <strong>le</strong> calme de la forêt et la pénombre aidant, <strong>le</strong>s deux jeunes finirent dévêtus, enlacés<br />
sur une couverture apportée par Julia. Malgré <strong>le</strong> tourbillon entêtant des baisers et des caresses,<br />
Rémi, constatant que Julia n'avait encore jamais connu d'homme, lui proposa avec une douceur<br />
infinie d'attendre quand el<strong>le</strong> déciderait <strong>le</strong> moment venu.<br />
Julia, aux anges, s'était endormie contre son amoureux, nichée au creux de ses bras...<br />
El<strong>le</strong> sourit, se remémorant ces agréab<strong>le</strong>s souvenirs.<br />
Toute rêveuse qu'el<strong>le</strong> était, el<strong>le</strong> s'était à peine rendue compte qu'el<strong>le</strong> était déjà arrivée à<br />
l'abri naturel où vivait Rémi. Mais à peine eut-el<strong>le</strong> <strong>le</strong> temps de s'étonner de <strong>le</strong> trouver vide... Que<br />
quelque chose la heurta vio<strong>le</strong>mment à l'arrière du crâne. Les étoi<strong>le</strong>s brillèrent intensément devant<br />
ses yeux. El<strong>le</strong> perçut une vague sensation de chute... Puis, plus rien.<br />
***<br />
— Hey ! Y a quelqu'un ? Montrez-vous, ou z'êtes morts.<br />
Loïc, qui aimait à se présenter comme marchand itinérant, attendit une réponse. Prêt à<br />
réagir au moindre signe de danger. Il était sûr d'avoir entendu des pas légers. Vivre en nomade<br />
affinait l'ouïe. Être presque "riche" renforçait la vigilance... ainsi que l'insomnie. Il saisit sa lourde<br />
barre de métal agrémentée de fil barbelé, se dressa sur ses pieds, et observa <strong>le</strong>s ombres qui<br />
s'étiraient autour de son feu de camp.<br />
— C'moi, répondit une voix qui résonna comme connue.<br />
— Moi ? Qui ça, moi ?<br />
— Rémi... 'Fin, Steam.<br />
Loïc, d'abord surpris, puis visib<strong>le</strong>ment soulagé, abaissa son arme. Le jeune homme s'avança<br />
tranquil<strong>le</strong>ment dans la lumière.<br />
— Rémi, hein ? C'quoi encore c'te nouveauté ? maugréa Loïc.<br />
— Tu connais ma passion des col<strong>le</strong>ctions, nan ? Eh ben, j'col<strong>le</strong>ctionne aussi <strong>le</strong>s noms.<br />
— J'te croyais surtout mort et bouffé par <strong>le</strong>s charognards..."<br />
Steam laissa échapper un rire clair. Vivant, il l'était, pour sûr.<br />
— Aaron va être foutrement déçu, s'pas ?<br />
Steam sourit de toutes ses dents – il était l'un des rares survivants à en prendre grand soin.<br />
Loïc gratta sa tignasse noire. La nonchalance de Steam l'avait toujours laissé perp<strong>le</strong>xe. A défaut de<br />
trouver quelque chose à rétorquer, il marmonna : « C'pas bon d'faire chier Aaron... Mais t'fais<br />
c'qu'tu veux... » Il haussa <strong>le</strong>s épau<strong>le</strong>s, et cracha par terre.<br />
Publié sur sylkansael.com 3 Suzie Quinten ("<strong>Sylk</strong> <strong>An'Saël</strong>")
Les Légendes de l'Increvab<strong>le</strong> - Rémi et Julia Fan-fiction du jeu Leelh<br />
Steam portait une fil<strong>le</strong> inanimée sur son épau<strong>le</strong>. Pieds et poings liés, bâillonnée. Il la déposa<br />
par terre. Blonde, plutôt menue, une quinzaine d'année, propre... Et même jolie, dans sa robe en<br />
coton toute simp<strong>le</strong>. Loïc lui sou<strong>le</strong>va une paupière : Turne. Il cligna plusieurs fois des yeux – gris eux<br />
aussi, puis se tourna vers Steam, qui annonça :<br />
— J'te présente... Comment el<strong>le</strong> s'appel<strong>le</strong>, déjà ? Ah oui, Julia. J'suis venu pour te<br />
l'échanger. J'sais que tu as toujours des stocks intéressants avec toi... Tu pourras la r'vendre cher, je<br />
pense. Mignonne, doci<strong>le</strong>. Et vierge. Garanti.<br />
Steam se permit de fouil<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s divers trucs entassés dans la charrette de Loïc, pendant que<br />
ce dernier vérifiait lui-même la dernière qualité énoncée. Jamais trop prudent, avec un menteur<br />
comme Steam. Mais il disait vrai. Le marchand passa ses doigts dans sa barbe broussail<strong>le</strong>use.<br />
— T'veux quoi contre la fil<strong>le</strong> ?<br />
— J'dirais pas non à une bonne arme. J'me suis tout fait chourer quand ils ont encore<br />
échoué à m'tuer, énonça calmement Steam, tout en poursuivant ses fouil<strong>le</strong>s dans <strong>le</strong>s stocks de<br />
Loïc.<br />
— J'fil'rai aucune arme à un enn'mi juré d'Aaron, 'spèce d'attardé...<br />
— J'savais qu'tu dirais ça, soupira Steam. Tu es toujours aussi morne, mon pauv'. El<strong>le</strong> a du<br />
goût, ta vie ?<br />
— J'aime pas l'goût d'mon propre sang, moi. J't'en propose... Trois bouteil<strong>le</strong>s, et deux<br />
paquets d'clopes.<br />
— T'es pas sérieux ? Alors toi aussi, tu veux ma mort ? s'offusqua théâtra<strong>le</strong>ment Steam.<br />
Ajoute ce sac, ces fringues, ainsi que... Là, ces huit boîtes de médocs. Et aussi...<br />
Le marchandage dura un bon moment. Steam n'avait pas manqué de noter une présence<br />
tapie dans l'ombre, mais feignit de n'avoir rien vu. Chaque chose en son temps...<br />
Au fur et à mesure des discussions, il parvint, l'air de rien, à introduire dans <strong>le</strong> paiement un<br />
petit objet arrondi et rouillé, repéré parmi <strong>le</strong> fatras transporté par Loïc. Le turne n'y avait sans<br />
doute vu qu'un bout de métal même pas brillant, mais Steam avait <strong>le</strong> coup d'œil du chasseur de<br />
reliques. Bien que très rouillée, c'était une montre gousset mécanique. Potentiel<strong>le</strong>ment possib<strong>le</strong> à<br />
réparer. Un véritab<strong>le</strong> trésor, du genre inestimab<strong>le</strong>.<br />
Après d'interminab<strong>le</strong>s palabres, <strong>le</strong>s deux hommes se serrèrent la main. Loïc se pencha sur<br />
Julia, toujours inconsciente. Il lui détacha <strong>le</strong>s poignets, pour <strong>le</strong>s lier plus solidement dans son dos. Il<br />
<strong>le</strong>va <strong>le</strong>s yeux vers Steam qui, souriant, enfilait ses nouveaux habits, et rangeait ses possessions<br />
dans son sac.<br />
— Tu veux qu'j'te dise, Steam ? T'es vraiment un putain d'chanceux.<br />
— Chanceux ? sourit Steam. Héhé... P't-être bien. Mais n'sous-estime pas mes deux plus<br />
grandes qualités. Charisme... et opportunisme...<br />
Steam souffla sur ses ong<strong>le</strong>s d'un air satisfait, dédia un grand sourire au marchand, balança<br />
son sac sur l'épau<strong>le</strong>, et s'éloigna en chantonnant, nonchalant. Sa démarche fluide était amplifiée<br />
par l'oscillation des dreadlocks qui glissaient contre son dos. Sa main droite s'é<strong>le</strong>va en un si<strong>le</strong>ncieux<br />
salut...<br />
Ses bottes, patchwork de cuir et de toi<strong>le</strong> cirée, crissaient sur <strong>le</strong>s graviers.<br />
« The world is my playground and I'll do what I like... »<br />
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Les Légendes de l'Increvab<strong>le</strong> - Rémi et Julia Fan-fiction du jeu Leelh<br />
Un peu plus loin, Steam s'autorisa une pause pour se rou<strong>le</strong>r une clope. Son briquet cliqueta<br />
plusieurs fois avant de libérer une flamme tremblotante. Il souffla sa première gorgée de fumée<br />
vers <strong>le</strong> ciel, pensivement.<br />
— Bon, <strong>le</strong> pote embusqué du marchand n'devrait plus tarder à v'nir me dépouil<strong>le</strong>r.<br />
Les joies des transactions commercia<strong>le</strong>s !<br />
Il décompta menta<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s secondes. Trois, deux, un... Et, étonnante de ponctualité, une<br />
voix féminine s'é<strong>le</strong>va, agressive.<br />
— Toi, là. Loïc et moi, on a décidé qu'tu devais m'fi<strong>le</strong>r l'paiement qu'tu viens d'recevoir.<br />
Magne-toi, ou j'te plante.<br />
Steam <strong>le</strong>va <strong>le</strong>s mains bien en évidence, clope coincée entre deux doigts. Il se tourna<br />
<strong>le</strong>ntement pour faire face son agresseur. La fil<strong>le</strong> se révéla armée d'un arc de qualité, sans doute<br />
confectionné par Loïc, et avait un charmant petit look de sauvageonne. El<strong>le</strong> parut surprise de <strong>le</strong><br />
voir si calme, si souriant, si détendu.<br />
L'œil expert de Steam nota tous <strong>le</strong>s détails uti<strong>le</strong>s en une fraction de seconde.<br />
Pas insensib<strong>le</strong> aux hommes, la petite, pensa-t-il. Bien... Voyons voir comment Steam<br />
l'Increvab<strong>le</strong> va encore réussir à s'en tirer.<br />
Car, oui, Steam avait toujours été <strong>le</strong> premier surpris par sa propre tendance à survivre...<br />
Publié sur sylkansael.com 5 Suzie Quinten ("<strong>Sylk</strong> <strong>An'Saël</strong>")