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LE JEUNE CINEMA MAROCAIN<br />
Le festival international de cinéma de Marrakech, qui s’est déroulé en<br />
décembre 2011, est une manifestation culturel<strong>le</strong> unique dans <strong>le</strong> Maghreb.<br />
Pendant huit jours, il a présenté une programmation ambitieuse :<br />
- 15 films en sé<strong>le</strong>ction officiel<strong>le</strong>.<br />
- 10 films hors-compétition.<br />
- Des hommages à : Mohammed Bastaoui, Roschdy Zem, Forest<br />
Whitaker, Marco Bellochio et Terry Gillian.<br />
- une sé<strong>le</strong>ction de 20 films mexicains.<br />
- une présentation du jeune cinéma marocain.<br />
C’est celui-ci et plus précisément <strong>le</strong>s quatre films proposés<br />
comme <strong>le</strong>s « coups de cœur » du festival qui nous intéressent maintenant.<br />
Avec Le retour du fils (2011), Ahmed Boulane signe un film à la<br />
thématique très actuel<strong>le</strong>.<br />
Né d’un mariage mixte, Mehdi a grandi en France avec sa mère et<br />
décide, à 18 ans, de redécouvrir <strong>le</strong> Maroc et de vivre avec son père Aziz,<br />
un acteur très sollicité. S’ensuit une série de situations plus ou moins<br />
attendues : difficulté ce vivre une histoire d’amour avec une jeune fil<strong>le</strong><br />
marocaine, confrontation avec l’autorité, expérience de la prison, retour<br />
aux sources dans un paysage grandiose.<br />
Porté par <strong>le</strong> personnage de Mehdi, <strong>le</strong> film se dérou<strong>le</strong> sans grande<br />
surprise et sans déplaisir. Toutefois une certaine gêne s’instal<strong>le</strong> car on ne<br />
sait fina<strong>le</strong>ment pas où il se situe : dénonciation ou satire complaisante.<br />
The End (2010) d’Isham Lasri est un film résolument expérimental,<br />
tourné à Casablanca en noir et blanc. I.Lasri, éga<strong>le</strong>ment dramaturge et<br />
publiciste, enchaîne des séquences d’une parfaite beauté et crée une<br />
atmosphère baroque et surréaliste <strong>pour</strong> traiter une histoire simp<strong>le</strong> : Mikkhi,<br />
dont <strong>le</strong> métier consiste à poser des sabots sur <strong>le</strong>s voitures mal stationnées,<br />
veut arracher la fil<strong>le</strong> qu’il aime, Rita, à ses frères gangsters. D’où une<br />
succession de courses-<strong>pour</strong>suites et de situations étranges, sur fond de<br />
SANGUE DO MEU SANGUE de Joao Canijo<br />
@ Bel<strong>le</strong> histoire de femmes ici. Des rô<strong>le</strong>s marquants et des interprétations<br />
de premier plan <strong>pour</strong> un film remarqué lors du Festival<br />
International du Film de Pau et qui y a reçu <strong>le</strong> Pyrénée du meil<strong>le</strong>ur<br />
film de l’édition 2012. Incroyab<strong>le</strong> qu’il n’ait pas encore trouvé de<br />
distributeur en France, d’ail<strong>le</strong>urs. C’est l’histoire de deux femmes<br />
qui se sacrifient <strong>pour</strong> ceux qu’el<strong>le</strong>s aiment au-de<strong>là</strong> de tout. L’une<br />
est <strong>le</strong> pilier de la tribu. La mère, la sœur, la bel<strong>le</strong>-mère. Et la<br />
garante du bonheur de sa fil<strong>le</strong>, surtout lorsqu’el<strong>le</strong> sent que cel<strong>le</strong>-ci<br />
part au casse – pipe dans une histoire d’amour qui va la ramener plusieurs années en<br />
arrière. L’autre cherche sa place et voit <strong>le</strong> temps passer malgré son charme et l’empathie<br />
dont el<strong>le</strong> est capab<strong>le</strong>, jusqu’au bout du bout, même…Les hommes n’ont pas <strong>le</strong> beau rô<strong>le</strong>.<br />
Disons qu’ils sont inconsistants, lorsqu’ils ne versent pas dans l’horreur absolue. Et que<br />
dire de l’interprétation bou<strong>le</strong>versante de Rita Blanco et d’Anabela Moreira sur fond de<br />
précarité et de vio<strong>le</strong>nce en banlieue de lisbonne ?<br />
J’espère juste que ce festival sera une rampe de lancement idéa<strong>le</strong> <strong>pour</strong> ce film. Et que<br />
d’autres <strong>pour</strong>ront profiter de ce beau moment de cinéma.<br />
Oslo 31 août, de Joachim Trier<br />
@ C’est une sortie un peu particulière <strong>pour</strong> Anders : il rejoint la<br />
vil<strong>le</strong>, <strong>le</strong> temps d’un entretien, après un iso<strong>le</strong>ment rural dans <strong>le</strong><br />
cadre d’un programme de réhabilitation <strong>pour</strong> toxicomanes. La<br />
vil<strong>le</strong>. Lieu de toutes <strong>le</strong>s tentations, symbo<strong>le</strong> d’un passé qu’il fuit et<br />
qui l’attire en même temps. Anders revient sur ses lieux de crime,<br />
en quelque sorte. Renoue avec ses fantômes. Veut savoir s’il est<br />
possib<strong>le</strong>, souhaitab<strong>le</strong> ou carrément inenvisageab<strong>le</strong> de repartir à<br />
l’assaut de ses illusions. Quelques scènes sont mémorab<strong>le</strong>s. Les<br />
retrouvail<strong>le</strong>s avec un ancien ami. L’entretien d’embauche dans un journal. Ce qu’il dit de<br />
ses parents aussi. Ce portrait d’un jeune brillant qui disposait de tous <strong>le</strong>s atouts et qui, à<br />
moment donné, a basculé est proprement fascinant. Pas étonnant qu’Anders Danielsen<br />
Lie ait reçu <strong>le</strong> prix d’interprétation du Festival International du Film de Pau.<br />
troub<strong>le</strong>s politiques, de misère et de vio<strong>le</strong>nce. On peut reprocher au film un<br />
certain maniérisme mais <strong>le</strong> projet en lui-même est si audacieux qu’il mérite<br />
d’être salué.<br />
Andalusia my love (2011) de Mohammed Nadif est lui une comédie<br />
populaire qui raconte <strong>le</strong> quotidien d’un petit village de la côte, face à<br />
l’Espagne...ses rêves aussi : désir de faire la traversée et de trouver<br />
l’Eldorado. Sauf que quelques grigous se sont entendus <strong>pour</strong> organiser<br />
<strong>le</strong>s traversées, <strong>le</strong>s naufrages et l’accostage dans une Espagne où une petite<br />
colonie de « migrants » se fait exploiter sans vergogne dans <strong>le</strong> traitement<br />
du cannabis. Le film multiplie <strong>le</strong>s situations d’une cocasserie tota<strong>le</strong>ment<br />
irrévérencieuse et campe des personnages attachants. Quant-à Mohammed<br />
Nadif, il joue <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> d’un instituteur trucu<strong>le</strong>nt et tout-à-fait hors-norme !<br />
Sur la planche (2011) de Leïla Ketani est de loin <strong>le</strong> film <strong>le</strong> plus<br />
percutant. L’histoire se dérou<strong>le</strong> à Tanger dans <strong>le</strong> monde de l’exploitation<br />
des femmes. Badia et Imane décortiquent des crevettes dans une<br />
conserverie, tâche jugée humiliante comparée aux emplois dans <strong>le</strong> texti<strong>le</strong>.<br />
El<strong>le</strong>s rêvent d’autre chose et avec deux ouvrières, travaillant el<strong>le</strong>s dans la<br />
zone des texti<strong>le</strong>s, el<strong>le</strong>s se lancent dans la délinquance nocturne. Badia, <strong>le</strong><br />
personnage principal, fait parfois penser à la Rosetta des frères Dardenne<br />
mais son âpreté, sa sensibilité et son intelligence la placent bien au-dessus.<br />
Sa révolte est sans fail<strong>le</strong>, tout comme sa lucidité...quant-à la fin... il ne faut<br />
tout simp<strong>le</strong>ment pas manquer ce film.<br />
On souhaite à LeÏla Ketani de ne jamais renoncer à ce cinéma-<strong>là</strong>.<br />
On souhaite plus généra<strong>le</strong>ment au jeune cinéma marocain de continuer<br />
à investir <strong>le</strong>s genres cinématographiques avec la même fougue et la<br />
même créativité que cel<strong>le</strong>s dont témoignent ces films ! Catherine V.<br />
LES CHAUSSONS ROUGES<br />
Michael Powell et<br />
Emeric Pressburger<br />
Avec Anton walbrook, Marius<br />
Goring, Moira Shearer, Leonide<br />
Massine, Robert Helpmann,<br />
Ludmilla Tcherina…<br />
1948 – 135mn – Cou<strong>le</strong>urs<br />
version restaurée Carlotta Films<br />
@ Attention, chef d’œuvre. Adulé par Coppola,<br />
Sorcese et d’autres monstres du cinéma, ce mélo<br />
génial (qui a notamment inspiré Darren Aronofsky et<br />
son Black Swam) aborde <strong>le</strong> di<strong>le</strong>mme de la création et<br />
<strong>le</strong>s sacrifices auxquels il faut (toujours ?) sacrifier <strong>pour</strong><br />
parvenir à la quintessence de son art. Les amateurs<br />
de bal<strong>le</strong>t…et <strong>le</strong>s autres se retrouveront fascinés par<br />
la force des personnages, littéra<strong>le</strong>ment portés par<br />
<strong>le</strong>ur passion et <strong>le</strong>urs ambitions que certains peuvent<br />
juger inhumaines. Le fait d’avoir quasiment créé une<br />
troupe de danseurs <strong>pour</strong> ce film donne une cohérence<br />
à cette<br />
œuvre faite de<br />
chair et de sang.<br />
Quant aux bonus,<br />
ils sont eux<br />
aussi passionnants<br />
!<br />
LES OMBRES DE LA MÉMOIRE<br />
Dominique Gautier et Jean Ortiz<br />
Creav Atlantique<br />
@ 3 facettes de la guerre d’Espagne sont ici abordées, et<br />
pas <strong>le</strong>s plus connues : <strong>le</strong> travail esclave des prisonniers<br />
politiques, <strong>le</strong>s milliers d’enfants volés par <strong>le</strong>s franquistes<br />
à <strong>le</strong>urs mères républicaines et la résistance dans <strong>le</strong>s prisons<br />
franquistes. Pourquoi ce retour vers un passé douloureux<br />
? Pour faire la lumière sur un pan de l’histoire<br />
méconnu et éclairer ce qui se passe en ce moment. Car<br />
<strong>le</strong>s entreprises capitalistes d’aujourd’hui qui précarisent<br />
<strong>le</strong>s salariés sont cel<strong>le</strong>s qui ont créé <strong>le</strong>ur richesse durant<br />
<strong>le</strong>s années franquistes en pratiquant l’esclavagisme dénoncé<br />
dans <strong>le</strong> film et qui a touché 10% de la population<br />
active entre 1938 et 1945. Au nom de la réconciliation<br />
nationa<strong>le</strong> et de la transition démocratique il y a eu un<br />
renoncement à la justice, notamment à travers la loi<br />
d’amnestie de 1977. Très instructif.<br />
Et laissons <strong>le</strong> mot de la fin à Jean Ortiz.<br />
« La commission d’experts sur <strong>le</strong> «Val<strong>le</strong> de los Caidos»,<br />
nommée par <strong>le</strong> ministre socialiste de la présidence, Ramon<br />
Jauregui, vient d’accoucher ce 29 novembre, d’une<br />
dernière zapatérade, après de longs mois d’un insupportab<strong>le</strong><br />
suspens; el<strong>le</strong> propose de retirer <strong>le</strong>s restes de<br />
Franco du mémorial et parc thématique fascistes, «Val<strong>le</strong><br />
de los Caidos», <strong>pour</strong> <strong>le</strong>s remettre à la famil<strong>le</strong>...Par contre,<br />
el<strong>le</strong> ne propose aucune solution <strong>pour</strong> en finir avec <strong>le</strong>s<br />
restes du franquisme.<br />
Les restes du dictateur, qui «reposent» au fond d’une<br />
monumenta<strong>le</strong> basilique ,creusée dans la roche par des<br />
milliers de prisonniers politiques esclaves, devront, avant<br />
de quitter <strong>le</strong>s lieux, obtenir l’autorisation de l’Eglise.<br />
C’est comme si <strong>le</strong>s patrons demandaient l’autorisation<br />
d’exploiter...C’est dans <strong>le</strong>ur nature. On ne peut demander<br />
à l’Eglise espagno<strong>le</strong> de renier <strong>le</strong> bon vieux temps où<br />
<strong>le</strong>s évêques faisaient <strong>le</strong> salut fasciste aux côtés du «caudillo<br />
par la grâce de Dieu».<br />
De plus, <strong>pour</strong> que cela soit possib<strong>le</strong>, il faudra l’accord du<br />
parti populaire de Aznar et Rajoy. Faut pas pousser! Tu<br />
peux pas inciter un fils à tuer son père!<br />
La commission d’experts propose de laisser dans la basilique<br />
l’autre fasciste, Primo de Rivera, au nom de considérations<br />
oiseuses.<br />
Bonne fil<strong>le</strong>, el<strong>le</strong> va plus loin dans la «réconciliation». El<strong>le</strong><br />
propose que sur l’esplanade, devant la basilique, soit<br />
érigé un «mémorial» artistique qui rappel<strong>le</strong> <strong>le</strong>s noms de<br />
TOUTES <strong>le</strong>s victimes de la guerre, renvoyant dos-à-dos<br />
franquistes et républicains. Il faut savoir que <strong>le</strong>s cryptes<br />
de la basilique ont été remplies de corps de «martyrs de<br />
la croisade», et surtout de milliers de républicains, dont<br />
<strong>le</strong>s cadavres ont été exhumés des fosses communes, sans<br />
en informer <strong>le</strong>s famil<strong>le</strong>s, par <strong>le</strong>s autorités franquistes. Au<br />
total, 33 847 corps (impossib<strong>le</strong>s à identifier disent <strong>le</strong>s<br />
experts), font du «Val<strong>le</strong> de los Caidos» la plus grande<br />
fosse commune d’Espagne. Et comme <strong>le</strong>s «crimes contre<br />
l’humanité» sont imprescriptib<strong>le</strong>s, il y a du boulot <strong>pour</strong><br />
BHL.<br />
Ainsi va l’Espagne. La<br />
décision fina<strong>le</strong> appartiendra<br />
au prochain<br />
gouvernement espagnol,<br />
qui utilisera,<br />
nul n’en doute, étant<br />
donné la gravité de la<br />
crise, <strong>le</strong> rapport de la<br />
commission d’experts<br />
comme papier Lotus,<br />
non déodorant. »<br />
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