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E. Cassan-Pisani, Dossier thématique : Du castrum au fortalicium

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TONNAC<br />

TARN<br />

VILLAGE ET CHÂTEAU<br />

L'agglomération est située en rebord de plate<strong>au</strong>, dominant une dépression naturelle à l'est. Elle<br />

s’organise <strong>au</strong>tour d’une église accolée <strong>au</strong>x vestiges d’un ancien châte<strong>au</strong>.<br />

1. LE SITE DANS LES TEXTES : PREMIERES MENTIONS ET TERMINOLOGIE<br />

Un acte de donation daté de 1180 atteste l’existence de l’habitat groupé <strong>au</strong> XII e siècle 1 .<br />

L’agglomération est alors qualifiée de « villa », terme qui exclue toute présence d’une fortification<br />

collective. En 1270, le comte de Toulouse cède ses droits sur le « <strong>castrum</strong> » de Tonnac à Bér<strong>au</strong>d<br />

d'Anduze 2 . A travers ce terme, la source fait référence, de façon explicite, à l'ensemble formé par le<br />

châte<strong>au</strong> et l'agglomération subordonnée, comme en témoigne une seconde mention relevée ailleurs<br />

dans le texte, pour une <strong>au</strong>tre localité : « villa seu <strong>castrum</strong> ». Un châte<strong>au</strong> est donc implanté sur le site<br />

avant la fin du XIII e siècle, peut-être <strong>au</strong> sein d’un habitat déjà en place dont l’origine ne semble pas<br />

directement liée <strong>au</strong> châte<strong>au</strong>.<br />

2. ENCADREMENT RELIGIEUX ET SEIGNEURIAL<br />

L’église Saint-Pierre est le siège d’une paroisse avant la fin du XII e siècle. En effet, l’acte de<br />

1180 que nous avons évoqué plus h<strong>au</strong>t fait mention des dîmes de Tonnac dans un accord entre l'abbé<br />

d'Aurillac et le comte de Toulouse.<br />

L’abbaye d'Aurillac est à la tête de la seigneurie <strong>au</strong> XII e siècle. Elle cède ses droits <strong>au</strong> comte<br />

de Toulouse Raimond V en 1180 3 . Les comtes de Toulouse semblent rester les seigneurs directs<br />

1 DEVIC Dom Cl. et VAISSETE Dom J., Histoire générale de Languedoc, Nouvelle édition annotée et <strong>au</strong>gmentée, Toulouse, Privat, 1872-1889, t. VIII,<br />

col. 344-347.<br />

2 Ibid., t. VIII, col. 1671-1673.<br />

3 Cf. ci-dessus.<br />

<strong>Dossier</strong> <strong>thématique</strong> :<br />

<strong>Du</strong> <strong>castrum</strong> <strong>au</strong> <strong>fortalicium</strong> : évolution du paysage fortifié <strong>au</strong>tour de<br />

Cordes en Albigeois (XI e –XVI e siècle)<br />

Elodie <strong>Cassan</strong>-<strong>Pisani</strong>, 2011<br />

ETUDE Illustrations<br />

1


jusqu’en 1270, date à laquelle Alphonse de Poitiers cède le <strong>castrum</strong> à titre de fief à Bér<strong>au</strong>d d'Anduze 4 .<br />

En 1294, Gér<strong>au</strong>d de Cas<strong>au</strong>bon obtient du roi la seigneurie de Tonnac 5 . Plusieurs familles dont les<br />

Casteln<strong>au</strong> des V<strong>au</strong>x 6 puis de Casilhac lui succèdent jusqu'<strong>au</strong> XVI e siècle.<br />

3. L’IMPLANTATION SEIGNEURIALE : PLACE ET FONCTION DU POLE CASTRAL<br />

La mention du <strong>castrum</strong> en 1270 laisse supposer la présence, <strong>au</strong> milieu du XIII e siècle, d’un<br />

pôle castral associé à l’habitat fortifié 7 . L’acte de donation de 1180 ne faisant référence qu’à la<br />

« villa », ses dépendances et les droits liés à la paroisse, on peut supposer que la construction du<br />

châte<strong>au</strong> est réalisée entre la fin du XII e siècle et le milieu du XIII e siècle, probablement en lien avec la<br />

cession de la seigneurie <strong>au</strong>x comtes de Toulouse. L’habitat groupé est alors déjà implanté <strong>au</strong>tour de<br />

l’église détenue par l’abbaye d’Aurillac.<br />

Il subsiste peu de vestiges du châte<strong>au</strong> qui était situé à proximité de l'église, <strong>au</strong> nord du noy<strong>au</strong><br />

formé par l’édifice religieux, le cimetière et le presbytère. Le cadastre du XIX e siècle mentionne un<br />

« cazal » à son emplacement, traduisant un état de délabrement avancé dès cette époque 8 . La mention,<br />

dans le compoix de 1603, d'une maison qui confronte à la fois le fossé de la ville et le châte<strong>au</strong> « du<br />

seigneur de Tonnac » permet de localiser la demeure seigneuriale en bordure de l’agglomération<br />

fortifiée, intégrée dans le système de défense collectif 9 .<br />

Les vestiges visibles de ce châte<strong>au</strong> correspondent à la datation du XIII e siècle proposée plus<br />

h<strong>au</strong>t. Un pan de mur, conservé <strong>au</strong> nive<strong>au</strong> de la limite sud de la parcelle 20, présente un appareil<br />

soigneusement assisé en moellons de calcaire sommairement équarris (fig. 6). Il est percé d'une porte<br />

en arc brisé non chanfreinée encadrée de plusieurs trous d’encastrement (fig. 7). Intégré dans des<br />

constructions ou reconstructions tardives, il sert notamment d’appui à un corps de bâtiment voûté qui<br />

flanquait l’église et dont la base prismatique des colonnes soutenant les ogives accuse le XV e ou le<br />

XVI e siècle.<br />

4. GENESE ET EVOLUTIONS MORPHOLOGIQUES DE L’AGGLOMERATION<br />

Les tracés d'escarpe et de contrescarpe du fossé du <strong>castrum</strong> sont fossilisés dans le parcellaire<br />

du XIX e siècle. Ils délimitent un espace clos semi-circulaire de près de 80 mètres de large qui se<br />

referme <strong>au</strong> nord sur le châte<strong>au</strong>. Le noy<strong>au</strong> de cet espace fortifié est formé par le pôle ecclésial,<br />

constitué par l’église et le cimetière associé 10 , et le pôle castral, adossé à l’édifice religieux. Ces<br />

différents monuments associés apparaissent en position excentrée par rapport <strong>au</strong>x limites du <strong>castrum</strong>.<br />

En revanche, ils occupent une place centrale si l’on considère les alignements parcellaires qui<br />

déterminent un tracé arrondi <strong>au</strong> nord, dans le prolongement de l’enceinte castrale.<br />

En effet, ce tracé parcellaire matérialisé par la présence d’un chemin s’inscrit dans le<br />

prolongement de plusieurs alignements caractéristiques visibles à l’est, à l’ouest et <strong>au</strong> sud (fig. 4).<br />

L’ensemble de ces tracés permettent de mettre en évidence un enclos probablement fossoyé de forme<br />

circulaire ou ovalaire et mesurant près de 100 mètres de diamètre (fossé compris). A la différence de<br />

l’enceinte castrale, cet enclos apparaît parfaitement centré sur l’église et le cimetière. Autour du pôle<br />

4<br />

Cf. ci-dessus. Les reconnaissances féodales de 1260-1261 à Alphonse de Poitiers ne mentionnent pas la localité ou le <strong>castrum</strong> de Tonnac parmi les fiefs<br />

du nord-Albigeois, ce qui appuie l’hypothèse de son appartenance <strong>au</strong> domaine direct des comtes de Toulouse (cf. CABIE Edmond, Droits et possessions<br />

du Comte de Toulouse dans l'Albigeois <strong>au</strong> milieu du XIII e siècle, t. VI, Coll. Archives historiques de l'Albigeois, Toulouse, Privat, 1900).<br />

5<br />

ROSSIGNOL Elie-Augustin, Monographies communales ou étude statistique, historique et monumentale du département du Tarn. Première partie :<br />

arrondissement de Gaillac, Paris, E. Dentu, 1864-1866, t. II, p. 156.<br />

6<br />

Une sentence arbitrale de 1338 fait référence <strong>au</strong>x droits seigneuri<strong>au</strong>x des Casteln<strong>au</strong> à Tonnac, Alayrac et Vieux (VALADY (de), Les châte<strong>au</strong>x de<br />

l'ancien Rouergue. Deuxième série, la Basse Marche, t. I : cantons de Najac, Rieupeyroux, Saint-Antonin, Rodez, Carrère, 1935, p. 358 ; A.D 81, fonds<br />

Rous de Féneyrols).<br />

7<br />

L’analyse des reconnaissances à Alphonse de Poitiers qui sont de peu antérieures permet d’affirmer que le terme <strong>castrum</strong> est utilisé par l’administration<br />

comtale pour désigner une agglomération fortifiée associée à un châte<strong>au</strong>, qu’elle soit née de ce châte<strong>au</strong> ou plus ancienne (cf. CABIE Edmond, Op. cit.).<br />

8 e<br />

Etat des sections du XIX siècle, A.D. 82, 3P 2263.<br />

9<br />

Compoix de Tonnac, A.D. 81, 300 EDT CC 1, fol. 17 v.<br />

10<br />

Le cimetière a disparu mais le compoix de 1603 le mentionne attenant à l’église (Compoix de Tonnac, A.D. 81, 300 EDT CC 1, fol. 7 v.).<br />

2


ecclésial, la disposition des maisons en couronne révèle également l’existence d’un espace central<br />

distinct de l’habitat castral et dont la majeure partie était occupée par le cimetière et le presbytère : cet<br />

espace de 50 mètres de large pourrait correspondre à l’emprise d’un enclos ecclésial « primitif » défini<br />

<strong>au</strong>tour du pôle ecclésial dans le contexte de la Paix de Dieu, selon des modalités et des schémas bien<br />

mis en évidence par Jean-P<strong>au</strong>l Cazes et Dominique B<strong>au</strong>dreu en Languedoc 11 . Située <strong>au</strong> centre de ce<br />

noy<strong>au</strong>, l’église a probablement constitué un pôle de fixation pour l’implantation d’un habitat<br />

aggloméré de plus grande ampleur attesté, dès la fin du XII e siècle, à travers la mention d’une « villa<br />

Totnaco ». Les tracés parcellaires identifiés pourraient ainsi correspondre <strong>au</strong>x limites de l’enclos<br />

ecclésial implanté dans la perspective de développer le noy<strong>au</strong> d’habitat.<br />

A la fin du XII e siècle ou <strong>au</strong> début du XIII e siècle, la construction d'un châte<strong>au</strong> en périphérie de<br />

l’enclos ecclésial primitif engendre de nouvelles dynamiques d’évolution. En effet, la couronne de<br />

maisons visible sur le plan du XIX e siècle pourrait résulter d’une phase de restructuration de<br />

l’agglomération <strong>au</strong>tour du nouve<strong>au</strong> pôle castral et à l’intérieur d’une enceinte en partie formée par les<br />

maisons elles-mêmes (fig. 4). Les limites du <strong>castrum</strong> mentionné dans le deuxième tiers du XIII e siècle<br />

semblent partiellement calquées sur le tracé de l’enclos ecclésial. Cependant, l’emprise de ce dernier<br />

est probablement réduit <strong>au</strong> nord, comme en témoigne la morphologie parcellaire du XIX e siècle qui<br />

révèle la présence d’un front fortifié rectiligne aligné sur le flanc nord du châte<strong>au</strong>, en deçà de tracés<br />

arrondis identifiés comme l’enclos ecclésial. Le compoix de 1603, qui mentionne une maison jouxtant<br />

à la fois le « châte<strong>au</strong> du seigneur » et le « fossé de la ville » 12 , appuie cette hypothèse et permet de<br />

restituer une enceinte collective venant se raccorder à la fortification seigneuriale. Ainsi, les sources et<br />

la morphologie traduisent bien le rôle majeur du pôle castral dans la restructuration partielle de<br />

l’habitat : le châte<strong>au</strong> sert d’appui à la définition de l’enceinte <strong>au</strong> sein d’un enclos initial plus vaste dont<br />

la partie nord n’a peut-être jamais été occupée. De même, les observations de terrain pourraient laisser<br />

supposer que les maisons ont été également reconstruites <strong>au</strong> sud, en léger retrait par rapport <strong>au</strong> tracé<br />

initial de l’enclos ecclésial. Cette restructuration s’explique peut-être par la volonté de resserrer la<br />

trame bâtie à l’intérieur d’une enceinte collective et par la nécessité de rebâtir les maisons formant<br />

l’enceinte. Cependant, on ne peut pas totalement exclure l’hypothèse d’une rétraction de l’habitat liée<br />

à la remise en défense dans le contexte de la guerre de Cent Ans. Malgré tout, la morphologie traduit<br />

une articulation parfaite entre le pôle castral et l’enceinte collective qui laisse supposer un<br />

aménagement homogène.<br />

5. MODALITES DE LA MISE EN DEFENSE DE L’AGGLOMERATION A LA FIN DU<br />

MOYEN AGE<br />

En 1411, un acte de vente décrit une maison située « infra <strong>fortalicium</strong> » 13 . Ce terme, très<br />

fréquemment utilisé pour qualifier les habitats fortifiés à la fin du Moyen Age, traduit la réactivation<br />

et l’entretien des fortifications de Tonnac dans le contexte de la guerre de Cent Ans. Cependant, en<br />

1505, une <strong>au</strong>tre maison est localisée « infra <strong>castrum</strong> de Tonnaco » 14 , jouxtant le cimetière et le mur de<br />

la ville. La seule confrontation des sources médiévales ne permet pas de déterminer si les termes<br />

<strong>castrum</strong> et <strong>fortalicium</strong> renvoient à une même réalité ou s’ils font référence à deux éléments de<br />

fortification différents. Le compoix de 1603 confirme en revanche les hypothèses soulevées par<br />

l’analyse du parcellaire et du bâti.<br />

En effet, ce registre fiscal d’époque moderne donne une image de l’agglomération peu<br />

éloignée de la situation que l’on peut restituer pour la fin du Moyen Age grâce <strong>au</strong>x sources textuelles<br />

médiévales et à l’analyse du bâti (fig. 5). La localisation des biens allivrés permet d’établir une<br />

distinction entre les immeubles situés « dans Tonnac », jouxtant le « fossé », le « mur de la ville » ou<br />

11 BAUDREU Dominique et CAZES Jean-P<strong>au</strong>l, «Le rôle de l'église dans la formation des villages médiév<strong>au</strong>x. L'exemple des pays <strong>au</strong>dois», dans Société<br />

médiévale occitane, Historiens et archéologues, Actes de la troisième session d'histoire médiévale de Carcassonne, tenue du 28 août <strong>au</strong> 1e septembre<br />

1990, organisée par le C.N.E.C./Centre René Nelli et le C.A.M.L, Heresis, t. 2, Berne, Editions scientifiques européennes, 1992, p. 139-158.<br />

12 Ibid., fol. 17 v.<br />

13 PORTAL Charles, « Extraits de registres de notaires, documents des XIV e -XVI e siècles concernant principalement le pays albigeois », dans Revue du<br />

Tarn, 1901, t. XVIII, p. 260.<br />

14 Ibid.<br />

3


la « porte de la ville » 15 , et ceux localisés « dans le fort de Tonnac », confrontant, pour la plupart, avec<br />

le mur ou « petit mur » du « fort » 16 . La terminologie relevée, appuyée par une restitution spatiale du<br />

parcellaire grâce à la mention des confronts de chaque bien, révèle ainsi l'existence de deux noy<strong>au</strong>x<br />

fortifiés imbriqués : le « <strong>castrum</strong> » et le « <strong>fortalicium</strong> ».<br />

L’enceinte la plus vaste correspond globalement à l’emprise du <strong>castrum</strong> du XIII e siècle. Elle<br />

englobe la majeure partie de l’agglomération, à l’exception d’un f<strong>au</strong>bourg ouvert structuré <strong>au</strong>tour d’un<br />

ancien chemin qui s’est implanté à l’ouest de la place située <strong>au</strong> devant de la porte du noy<strong>au</strong> castral 17 .<br />

L’acte de 1505 évoqué ci-dessus et le compoix confirment que les anciennes fortifications castrales<br />

sont entretenues jusqu’à la période moderne. Le registre fiscal du début du 17 e siècle précise que les<br />

maisons forment elles-mêmes la muraille 18 .<br />

Au centre de l’ancien <strong>castrum</strong>, un ensemble de parcelles visibles sur le plan parcellaire du<br />

XIX e siècle définissent un îlot séparé de l’église et de la parcelle du châte<strong>au</strong> par une rue étroite. Cet<br />

ensemble pourrait correspondre à un réduit fortifié aménagé à proximité de l’église et du châte<strong>au</strong> mais<br />

qui semble rester distinct des pôles ecclésial et castral. L’alignement des limites parcellaires et la<br />

présence de murs de soutènement délimitant l’îlot sur le terrain permettent d’établir un rapprochement<br />

avec le <strong>fortalicium</strong> mentionné dès 1404. La confrontation des différents biens situés « dans le fort de<br />

Tonnac » par le compoix de 1603 confirme l’identification et la localisation de ce réduit qui s’inscrit,<br />

avec le châte<strong>au</strong>, l’église et le cimetière (exclus des fortifications), dans le noy<strong>au</strong> de l’agglomération<br />

anciennement fortifiée. Le fort commun<strong>au</strong>taire renforce ainsi les anciennes fortifications castrales dès<br />

la fin du XIV e siècle, en constituant probablement un refuge temporaire pour les habitants qui ne<br />

bénéficient pas de la protection de l’enceinte collective d’ensemble.<br />

6. LE FORT DE TONNAC : ORGANISATION SPATIALE, ASPECTS MONUMENTAUX<br />

ET FONCTIONNEMENT<br />

De plan quadrangulaire, le fort s’étend sur une surface réduite d’environ 10 mètres de large sur<br />

30 mètres de long. Il englobe plusieurs bâtiments mais exclue le châte<strong>au</strong>, l’église avec son cimetière<br />

ainsi que le presbytère 19 . Il s’élève toutefois à proximité immédiate de ces pôles initi<strong>au</strong>x de fixation de<br />

l’habitat, jouxtant directement le cimetière et à l’emplacement d’un probable enclos ecclésial<br />

« primitif ». L’enceinte est formée par les façades alignées des bâtiments qui sont fréquemment décrits<br />

dans le compoix comme « faisant mur » ou « faisant muraille » 20 . Elle semble délimiter un îlot bâti<br />

assez dense, traversé par des passages étroits et entouré par la rue périphérique située à l’extérieur des<br />

murs (fig. 8).<br />

Seuls subsistent du réduit fortifié des alignements parcellaires et un bâtiment conservant des<br />

vestiges d’ouvertures médiévales 21 (parcelle 21 – fig. 9, 10). Une maison a été construite <strong>au</strong> cours du<br />

XIX e siècle à l’emplacement de la partie sud du fort qui apparaît sous la forme d’une vaste parcelle<br />

rectangulaire sur le plan cadastral napoléonien. Des murs de soutènement semblent reprendre le tracé<br />

d’origine de l’enceinte qui était probablement doublée d’un fossé, comme en témoigne la présence, <strong>au</strong><br />

cœur du village, d’une large rue qui contourne le réduit et le pôle ecclésial.<br />

D’après le compoix de 1603, une dizaine de bâtiments constituent le réduit <strong>au</strong> début du 17 e<br />

siècle. Cependant, plus de la moitié est déjà en ruine à cette date. Le registre mentionne « dans le fort<br />

de Tonnac » deux maisons, dont une appartenant à la famille seigneuriale locale, deux bâtiments<br />

divisés en celliers 22 et chambres qui sont partagés entre plusieurs propriétaires, et six bâtiments en<br />

ruine qualifiés de « boigue » ou « cazal ». Quelques parcelles non bâties, servant probablement de<br />

jardins associés <strong>au</strong>x maisons, ainsi qu’un patus commun sont également recensés, mais il est difficile<br />

15<br />

A.D. 81, 300 EDT CC 1, fol. 30, 36 v., 65 v., 74 v., 86, etc.<br />

16<br />

Ibid., fol. 5, 7 v., 19 v., 43 v., 74 v., 83 v., 173 v., 290 v., et 287.<br />

17<br />

Barry mentionné dans le compoix de 1603, Ibid., fol. 107, 149 v.<br />

18<br />

Ibid., fol. 29 v., 62 v., 65 v., 91, etc.<br />

19<br />

Un bien située dans le fort confronte avec la « caminade » par dehors (A.D. 81, 300 EDT CC 1, fol. 74 v.).<br />

20<br />

A.D. 81, 300 EDT CC 1, fol. 74 v., 162 v., 173 v., 287, 290 v.<br />

21<br />

Porte en arc brisé ouvrant sur une ruelle étroite.<br />

22<br />

Ou sol de maison, <strong>au</strong> rez-de-ch<strong>au</strong>ssée.<br />

4


de déterminer s’ils existaient à la fin du Moyen Age ou s’ils résultent d’une évolution de l’espace à la<br />

période moderne. Parmi les neuf tenanciers du forts en 1603, cinq possèdent une habitation principale<br />

à l’extérieur du village 23 et une habitante réside dans le barry situé près de la place 24 . Cette organisation<br />

de la propriété <strong>au</strong> début du XVII e siècle semble être héritée d’un phénomène de double propriété qui<br />

caractérise les réduits fortifiés médiév<strong>au</strong>x : elle pourrait traduire le fonctionnement du fort comme un<br />

refuge temporaire pour les habitants du f<strong>au</strong>bourg ou du terroir, aménagé <strong>au</strong> cœur de l’habitat<br />

permanent fortifié. Le compoix de 1603 atteste la permanence des fortifications et la pérennisation de<br />

certaines habitations après les phases de troubles qui marquent la fin du Moyen Age et le début de la<br />

période moderne. Cependant, le registre donne l’image d’un fort délabré, en partie déserté par les<br />

habitants du village mais où subsiste deux ou trois maisons habitées.<br />

Le cas de Tonnac met en exergue les processus multiples et successifs qui régissent même les<br />

plus petites agglomérations, démontrant ainsi les limites de la démarche de classement typologique 25 .<br />

L’église apparaît ici comme le pôle de fixation premier de l’habitat, mais c’est ensuite l’implantation<br />

du châte<strong>au</strong> qui donne une impulsion <strong>au</strong>x dynamiques d’évolution du bourg et sert d’appui à la<br />

fortification du village <strong>au</strong> XIII e siècle. Enfin, le noy<strong>au</strong> du <strong>castrum</strong> est restructuré à la fin du Moyen<br />

Age avec l’aménagement d’un réduit fortifié près du châte<strong>au</strong> et de l’église, tandis que l’ancienne<br />

enceinte castrale est réactivée et entretenue.<br />

23 Mas du terroir ou villages voisins.<br />

24 A.D. 81, 300 EDT CC 1, fol. 149 v.<br />

25 Etudiant l’occupation du sol dans le canton de Cordes, K. Tranier a mis en évidence la difficulté de définir le village de Tonnac, hésitant entre une<br />

origine castrale et ecclésial du site (TRANIER Karine, Les bourgs castr<strong>au</strong>x des cantons de Cordes, Monestiés, Vaour du XI e <strong>au</strong> XIII e siècle, Mémoire de<br />

maîtrise sous la direction de M<strong>au</strong>rice Berthe, Université de Toulouse-le-Mirail, 1990, p. 178 ; Idem, L'église et le village dans le nord-Albigeois <strong>au</strong><br />

Moyen Age, Mémoire de D.E.A. sous la direction de M<strong>au</strong>rice Berthe, Université de Toulouse-le-Mirail, 1991).<br />

5


Etude ILLUSTRATIONS<br />

Fig. 1 : Carte IGN (© GEOPORTAIL).<br />

Fig. 2 : Cadastre de Tonnac<br />

actualisé en 1982 (Section C1).<br />

Fig. 3 : Cadastre de<br />

Tonnac, 1810 (A.D. 81,<br />

3P 2436-5)<br />

6


Fig. 4 (fond de plan : cadastre de 1810)<br />

Fig. 5 (fond de plan : cadastre de 1810)<br />

7


Fig. 6 : Vestiges du châte<strong>au</strong> (maçonnerie sud), vue depuis<br />

le sud-est.<br />

.<br />

Fig. 7 : Vestiges du châte<strong>au</strong>, détail de la porte percée dans<br />

le mur sud conservé.<br />

Fig. 8 : Emplacement probable du réduit<br />

fortifié, vue depuis le nord-ouest.<br />

.<br />

8


Fig. 9 : Bâtiment ancien à l’emplacement du fort (vue<br />

depuis l’ouest)<br />

Fig. 10 : Bâtiment dans le réduit fortifié, vestiges d’une<br />

porte en arc brisé.<br />

9

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