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Rothschild

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V I N U M février 2007<br />

Éric de <strong>Rothschild</strong> :<br />

«Le marché est plus fort que la morale»<br />

Il se qualifie de locataire à vie du Château Lafite <strong>Rothschild</strong> et règne sur<br />

un empire viticole prestigieux en France, au Portugal et au Chili.<br />

Interview : Barbara Schroeder<br />

Photos : Rolf Bichsel<br />

Éric de <strong>Rothschild</strong>, vous nous recevez<br />

dans ce très agréable salon de Château<br />

Lafite. Lafite serait-il une maison de vacances<br />

pour vous ?<br />

Pour moi, il s’agit du seul endroit où je<br />

peux dormir 25 jours d’affilée dans un<br />

même lit. Le reste de l’année, je suis tellement<br />

en vadrouille. Je n’ai apprécié Lafite<br />

que tardivement. Nous ne sommes venus<br />

en visite qu’une seule fois sur le domaine<br />

familial – je n’avais que sept ou huit ans.<br />

Sinon, je vivais aux États-Unis. Un jour,<br />

bien plus tard, j’ai eu l’idée d’inviter une<br />

jolie fille en week-end à Lafite. Ça a été le<br />

déclencheur. Ensuite, les visites avec les<br />

amis sont devenues plus régulières. Je me<br />

suis de plus en plus attaché à cet endroit.<br />

La plage n’était pas loin, nous nous amusions<br />

comme des fous.<br />

Mais après l’amusement, le sérieux est<br />

vite revenu.<br />

Mon oncle Élie dirigeait Lafite depuis 1945.<br />

C’était la règle qu’un <strong>Rothschild</strong> en occupe<br />

le poste de direction. En 1974, il m’a laissé<br />

les rênes. À l’une des époques les plus difficiles<br />

que Bordeaux ait jamais connue !<br />

Pendant trois ans, nous n’avons pas vendu<br />

une seule bouteille. Les dix années suivantes,<br />

nous avons investi toute notre énergie<br />

dans le vignoble légué dans un triste état.<br />

D’où vient l’idée de faire construire vos<br />

chais par Ricardo Bofill, une révolution<br />

dans le Bordelais ?<br />

Le projet est parti d’une nécessité technique<br />

plutôt que de l’architecte. Pour la première<br />

fois, j’ai pu mettre à profit mes compétences<br />

d’ingénieur : analyser ce qui se passe<br />

dans un bâtiment avant d’élaborer le projet<br />

de construction. Rapidement, un chai<br />

circulaire s’est imposé pour des raisons<br />

pratiques. Mais le plafond voûté repose sur<br />

des piliers qui exigeaient les connaissances<br />

d’un architecte. Le choix s’est porté sur le<br />

spécialiste catalan Ricardo Bofill.<br />

En même temps, vous avez continué à<br />

mener vos affaires à Paris.<br />

À cette époque, je dirigeais l’entreprise<br />

familiale SAGA, une affaire de transport<br />

et de trading qui réalisait toute la manutention<br />

dans les grands ports et les ports<br />

français d’Afrique. C’était passionnant et<br />

très difficile, ce qui m’amenait à passer<br />

trois à quatre mois par an en Afrique. Je<br />

dînais toujours la moitié du temps avec<br />

les chefs d’État et l’autre moitié avec des<br />

camionneurs ou des dockers. En 1982,<br />

hormis Lafite et une petite holding, toutes<br />

nos entreprises ont été nationalisées.<br />

Mais nous sommes comme la mauvaise<br />

herbe, on repousse toujours. À cinq,<br />

nous avons fondé notre nouvelle banque.<br />

Aujourd’hui, elle emploie 700 personnes<br />

et figure parmi les banques d’affaires les<br />

plus importantes en France.<br />

Château Lafite <strong>Rothschild</strong> est-il une affaire<br />

rentable ?<br />

Lorsqu’une bouteille arrive sur le marché<br />

à plus de 200 euros, on encaisse forcément<br />

quelques bénéfices.<br />

Des prix au-delà de toute morale ! Les amateurs<br />

de vins vous suivent à ces prix-là ?<br />

Le marché est plus fort que la morale.<br />

On a beau dire le contraire, on ne change<br />

rien à la réalité.<br />

Les affaires du secteur vitivinicole vous<br />

réussissent si bien que vous avez acheté<br />

d’autres domaines à Bordeaux : Rieussec<br />

à Sauternes, L’Évangile à Pomerol.<br />

Qu’est-ce qui vous a motivé ?<br />

J’ai sauté sur l’occasion. Quiconque<br />

connaît le Sauternais comprend que l’on<br />

ne peut pas laisser passer une occasion<br />

telle que Rieussec. J’ai souhaité amener<br />

ce domaine à la pointe de la qualité. Tout<br />

comme L’Évangile. Il s’agissait d’une véritable<br />

«sleeping beauty» que nous nous<br />

sommes partagés pendant dix ans avec<br />

Madame Ducasse, auparavant l’unique<br />

propriétaire, une vieille dame de caractère.<br />

Depuis 1998, nous en sommes désormais<br />

propriétaires à part entière.<br />

Avec vos investissements au Chili et en<br />

Argentine, vous avez bâti un véritable<br />

empire du vin.<br />

Après la nationalisation de notre banque,<br />

nous devions fonder une nouvelle entreprise.<br />

La branche vitivinicole nous était<br />

proche. Nous nous sommes décidés à investir<br />

dans des domaines. Derrière cette<br />

décision se cache la logique d’une banque<br />

qui place son capital dans des biens<br />

fonciers de renommée. À la fin des années<br />

80, lorsque les châteaux sont devenus<br />

inabordables à Bordeaux, nous nous<br />

sommes tournés vers le Chili, une sorte<br />

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