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Chroniques d'une prophétie auto-réalisatrice - Touff-e-Book

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<strong>Chroniques</strong><br />

d’une <strong>prophétie</strong><br />

<strong>auto</strong>-<strong>réalisatrice</strong><br />

Episode 17<br />

Par Amanalat<br />

<strong>Touff</strong>-e-<strong>Book</strong> – Tous droits numériques réservés<br />

Illustration de couverture : Fanny Roger<br />

ISBN : 979-10-92069-00-6<br />

<strong>Touff</strong>-e-<strong>Book</strong> SAS<br />

13 bis impasse chevreul – 69100 Villeurbanne<br />

contact@touff-e-book.fr<br />

http://www.touff-e-book.fr


17 décembre 2012<br />

X<br />

Je me rappelle la première fois que j’ai vu Jérémie Sétal. Prétentieux, personnage officiel de<br />

la strate politique, il était d’une suffisance incroyable. A travers cette bulle d’orgueil, j’ai très<br />

facilement pu cerner ses faiblesses. Je distingue facilement les faiblesses des gens. Cette<br />

attitude sous-entendait un grand manque de confiance en soi ; son besoin désespéré de<br />

croire. Durant plusieurs mois, je lui ai donné des informations de plus en plus importantes<br />

sur la nature du mouvement. Juste assez pour l’appâter. Puis, ayant libéré mon instinct, je lui<br />

ai montré ma <strong>prophétie</strong>. Décroché de sa rationalité comme d’une croyance obsolète, il a<br />

enfin pu goûter aux joies de l’abandon mystique. S’abandonner pour une cause plus grande<br />

que sa personne. Je l’ai révélé à lui-même.<br />

Jérémie Sétal ne parlera pas. Il m’adore et me craint. Il ne dira rien d’autant plus qu’il sait<br />

qu’un nouveau plan est en marche et il a dû transmettre cette information au Président.<br />

Parfait. Je veux qu’Eric Cortaud s’inquiète. Qu’il sache que tout n’est pas fini, que sa victoire<br />

n’est pas totale. Concernant ce plan, il reste une chose à accomplir. C’est Tamec qui chargera<br />

de la régler ce soir même.<br />

Stéphanie continue de divulguer des rumeurs sur Internet. Nous ne sommes pas morts, nous<br />

sommes simplement repliés. Nous serons à nouveau présents avant le vingt-et-un. Presque<br />

personne n’y croit. Nous recevons de nombreux messages d’insultes ou de personnes se<br />

sentant trahies. Nous continuerons. L’illusion doit tenir.<br />

Car il s’agit bien d’une illusion. Car mon dernier plan ne sera rien d’autre qu’un immense<br />

bluff. Reste à savoir qui va y croire. Car la clé, l’important, n’est pas que les choses soient<br />

vraies, mais que les gens y croient. Notamment Cortaud. Tout se jouera à ce moment-là.<br />

J’avance dans l’élaboration de mon plan. Il y a un endroit que je dois à tout prix atteindre<br />

mais ce n’est pas encore possible. Pour l’instant, je me trouve ailleurs et dois prendre mon<br />

mal en patience. Ce n’est qu’une question de jours. Bientôt, tout se passera de la manière<br />

dont je le souhaite. Je pourrai enfin atteindre mon objectif. Pour cela, il me faut convaincre<br />

une dernière personne pour accéder à ce fameux lieu. Cela viendra. Tout ce que je fais, pour<br />

l’instant, doit rester secret. Je ne le divulguerai qu’une fois ayant la certitude de<br />

l’accomplissement de mon plan. Cela ne saurait tarder. Mes gestes vont être surveillés, tout<br />

sera plus difficile, mais au final je réussirai. Je le sais.<br />

Le mouvement Millénariste va bientôt être intégralement détruit. Le Président de la<br />

République va s’acharner à éliminer méticuleusement le moindre de ses vestiges. Tant<br />

mieux. Le passé ne m’intéresse pas. Une fois libéré de ces entraves, le véritable<br />

affrontement pourra avoir lieu.<br />

Je devrai alors survivre par moi-même. Même Stéphanie se fera très certainement arrêter<br />

dans ce processus de destruction. Elle le sait, elle est d’accord. Comme d’habitude, nous<br />

sommes en communion.<br />

J’appelle Stéphanie.<br />

« J’ai la liste des personnes qui nous sont encore fidèles. Tu penses qu’Eric Cortaud est au<br />

courant pour ces personnes ?


- A mon avis, il ne se passera pas longtemps avant qu’il ne le soit. Je ne leur donne pas<br />

longtemps.<br />

- Ce sera un problème ?<br />

- Au contraire. C’est toi qui me l’as rappelé, je n’ai besoin de personne pour accomplir ma<br />

<strong>prophétie</strong>. Ces gens, comme le mouvement, n’existent plus. Je vais de l’avant. »<br />

- C’est la priorité. Autrement, j’ai la personne spécialisée dans le milieu nucléaire. Il s’appelle<br />

George Menis. Il a travaillé avec Josef Kalvinski et a d’ailleurs rencontré le Président de la<br />

République la semaine dernière.<br />

- C’est parfait. C’est exactement ce qu’il nous faut. Trouve-moi le plus de détails possibles et<br />

communique-les moi. Ce soir, Tamec doit se rendre à l’hôpital.<br />

- Tu penses que ça ira ?<br />

- Bien sûr que cela ira, il s’agit de Tamec. »<br />

Je m’arrête un instant, pris d’un doute.<br />

« A moins que ce ne soit pas cela qui t’inquiète. Peut-être as-tu peur que ta sœur y laisse des<br />

plumes…»<br />

Le ton de Stéphanie se durcit.<br />

« Bien sûr que non voyons. Depuis longtemps, je ne m’inquiète plus pour cela.<br />

- Très bien. Aie confiance.<br />

- Je n’ai pas confiance, j’ai la foi. »<br />

Président<br />

L’appartement de Jérémie Sétal a été fouillé à la première heure le lendemain. Il n’y a même<br />

pas besoin d’attendre les résultats de l’ADN. Outre ses aveux d’hier, les preuves sont<br />

accablantes. Un deuxième téléphone portable, caché, avec des appels en direction d’un<br />

numéro intraçable. Son ordinateur comporte de nombreux détails sur les Millénaristes,<br />

malheureusement inutiles. J’imagine qu’il prenait régulièrement soin d’effacer les<br />

informations compromettantes.<br />

Mon seul atout pour ce nouveau plan se trouve devant moi, dans un lit d’hôpital. Alexia<br />

Calasse a repris quelques couleurs aujourd’hui. Elle est toujours aussi jeune mais semble un<br />

peu moins fragile.<br />

« Nous avons trois choses à faire. Découvrir le nouveau plan des Millénaristes, détruire<br />

entièrement ce mouvement, arrêter ce prophète au rabais. Trois étapes. Pouvez-vous<br />

m’aider en cela ?<br />

- Je pense.<br />

- Ça ne me suffit pas.<br />

- Je n’ai que cela. »<br />

Il n’est pas normal qu’une personne aussi jeune et inexpérimentée ait été engagée pour<br />

infiltrer les Millénaristes. Quelque chose ne va pas. De manière plus large, je me méfie d’elle,<br />

sans savoir pourquoi. Un détail sur lequel je n’arrive pas à mettre de mots. Tant que cela ne<br />

sera pas résolu, j’aurai un problème.


« Dîtes-moi ce qui vous semble pertinent.<br />

- J’ai pu me connecter d’ici, grâce au Wi-Fi de l’hôpital. J’ai encore accès à de nombreux sites<br />

pirates du mouvement puisqu’il n’y a aucun code pour entrer, il suffit de connaître la bonne<br />

URL.<br />

- Que vous disent ces sites ?<br />

- Je vais vous montrer. » Elle pianote une première adresse.<br />

« ‘’Le mouvement n’est pas mort’’. ‘’Ce que vous croyez avoir vu à la télévision n’est qu’un<br />

mensonge.’’ ‘’Nous détenons les armes.’’. Sérieusement, ils pensent que les gens vont gober<br />

cela ? »<br />

Je soupire.<br />

« A votre avis, les gens vont il y croire.<br />

- Pas certain du tout. Ce qui s’est passé lors de la dernière manifestation a réellement porté<br />

un coup fatal au mouvement. Regardez, il n’y a que très peu de commentaires. Soit le<br />

modérateur du site bloque tous les messages critiques – et il doit y en avoir beaucoup –, soit<br />

les gens n’osent plus laisser une trace de leur passage sur ces sites. Dans les deux cas, c’est<br />

mauvais signe pour le mouvement. »<br />

Je demande.<br />

« Pourquoi ces annonces, à votre avis ? »<br />

Elle réfléchit un instant.<br />

« Pour moi, il s’agit d’un coup de bluff. Après leur défaite, ils n’ont rien d’autre à se mettre<br />

sous la dent alors ils se maintiennent à cette affirmation. »<br />

Je secoue la tête.<br />

« Non. J’ai vu le regard de Jérémie Sétal. Je sais que quelque chose se prépare. Quelque<br />

chose d’envergure.<br />

- Je ne pense pas.<br />

- Je ne vous fais pas confiance. »<br />

Elle me regarde en silence.<br />

« Vous faîtes plus confiance au regard de l’homme qui vous a trahi qu’à moi ?<br />

- Je fais avant tout confiance à moi-même et je sais qu’il ne s’agit pas d’un coup de bluff. Que<br />

va faire le mouvement pour acquérir plus de crédibilité ?<br />

- Dans tous les cas, ils resteront sur leur théorie d’apocalypse nucléaire, changer cela les<br />

achèverait définitivement. Il leur faudrait donc un nouveau nom dans le monde de la<br />

recherche nucléaire.<br />

- George Menis. Il ne coopérera jamais avec eux. Je l’ai rencontré la semaine dernière, il<br />

exècre les Millénaristes. »<br />

Elle réfléchit un moment puis répond.<br />

« Sûrement. Mais l’important n’est pas qu’il accepte de coopérer, mais que l’on ait<br />

l’impression qu’il accepte. Il s’agit de maintenir le bluff à tout prix.<br />

- Ce n’est pas un bluff.


- Vous dîtes cela uniquement car j’ai affirmé le contraire. Vous souhaitez être en<br />

contradiction avec moi.<br />

- Je vous l’ai dit, je ne vous fait pas confiance. Deuxième étape, démasquer les membres.<br />

Qu’avez-vous à m’apprendre à ce sujet là ?<br />

- Vous me faîtes confiance là-dessus ?<br />

- Ne prenez pas les choses pour vous, je ne fais confiance à personne. Répondez à ma<br />

question.<br />

- Tout au long des trois dernières années, j’ai transmis à Jérémie Sétal les membres que j’ai<br />

pu identifier comme appartenant aux Millénaristes. J’imagine qu’il ne vous a rien dit ?<br />

- Non. Vous vous rappelez de qui il s’agit ?<br />

- Je vous ai fait une liste.»<br />

Le Président du Sénat, deux sénateurs, un ministre, un conseiller. Je savais pour le<br />

Président, et un des sénateurs, pas pour les autres. Il faudra que je vérifie.<br />

« Parfait. Sur ce point là, je peux facilement vérifier si vous me dîtes la vérité ou non.<br />

Maintenant la dernière étape. Faire tomber ce faux prophète.<br />

- Pour cela il faut que je vous raconte un peu comment à vingt-deux ans, je me suis<br />

retrouvée dans ce mouvement pour le gouvernement. J’ai commencé à m’y intéresser<br />

lorsque j’avais vingt ans. La raison est très simple. Ma… »<br />

Elle s’arrête un instant.<br />

« Ma sœur a intégré dans ce mouvement. Je n’ai jamais admis cela. Alors je m’en suis<br />

approchée. Au début, le mouvement était très faible, rien qu’une dizaine de personnes.<br />

C’était donc très facile. En même temps, je suivais mes études de Sciences-Politiques et<br />

j’effectuais un stage au sein du ministère de la Justice. C’est en parlant de ce sujet-là que<br />

Jérémie Sétal m’a accosté. Il voulait que quelqu’un suive ce mouvement de l’intérieur. J’étais<br />

jeune, mais comme le mouvement n’était qu’une ébauche à l’époque, cela aurait été<br />

supportable.<br />

- Donc dès le début, Jérémie Sétal savait que vous étiez une espionne.<br />

- Oui. Quand j’ai appris – de manière radicale – qu’il travaillait pour le compte du<br />

Mouvement, je me suis demandé pourquoi il avait voulu me laisser infiltrer le mouvement.<br />

Je pense que la raison est toute simple : ils savaient qui était l’espionne. Ils pouvaient donc<br />

me donner les informations qu’ils souhaitaient. Jérémie Sétal m’a aussi choisi car j’étais<br />

jeune et, disons-le, naïve. Il était persuadé que je ne me douterai pas de sa duplicité. Il a eu<br />

raison. Pendant ce temps, le gouvernement pensait contrôler les Millénaristes de l’intérieur<br />

alors que c’était le contraire. »<br />

Je réfléchis un instant.<br />

« Oui, je le pense aussi.<br />

- J’ai passé trois ans à être – gentiment – écartée du pouvoir central même si j’étais l’une des<br />

plus anciennes. Bien sûr, je n’ai jamais vu le visage du prophète.<br />

- Pour résumer vous n’avez aucune information sur lui.<br />

- Rien. Mais je connais le meilleur moyen de l’atteindre.<br />

- Lequel est-ce ?


- Jérémie Sétal vous a dit hier qu’il connaissait le visage du prophète, il n’a aucune raison de<br />

mentir. Deux autres personnes sont susceptibles de connaître son visage. Le premier est une<br />

espèce de monstre appelé Tamec qui est le bras armé du mouvement. Mais surtout, il y a<br />

Stéphanie. Elle et le prophète ne se quittent jamais. Elle était là lorsque le mouvement a été<br />

initié. Si on l’atteint elle, on les atteint tous les deux.<br />

- Qu’est-ce qui vous fait croire qu’elle sera plus facile à atteindre ?<br />

- Tamec est un électron libre. Personne ne sait où il vit, personne ne sait quelle relation il<br />

entretient avec le prophète ni comment ils se sont connus. Mais quand il le faut, il vient, il<br />

agit. Stéphanie, par contre, est beaucoup plus proche du prophète.<br />

- Comment le savez-vous ?<br />

- Elle est son référent direct. C’est l’<strong>auto</strong>rité visuelle du mouvement, même si l’on sait qu’elle<br />

n’est pas la personne la plus haut placé.<br />

- Vous avez une photo de son visage?<br />

- C’est inutile, vous l’avez juste devant vous.»<br />

Je recule d’un pas.<br />

« Qu’est-ce que …?<br />

- Calmez-vous voyons. Ce n’est pas moi. Je vous ai dit que ma sœur est dans le mouvement.<br />

Il s’agit de ma sœur jumelle.»<br />

Elle baisse les yeux.<br />

« Il s’agit de Stéphanie Calasse.»<br />

Soudain je comprends tout. Je comprends ce qui me gênait chez l’espionne, ce qui<br />

instinctivement m’inquiétait. Je connaissais ce visage. Je l’avais déjà vu. Il ne me manque<br />

qu’une confirmation.<br />

« Elle vous ressemble mais elle a les cheveux noirs et une cicatrice sur le côté gauche de son<br />

visage, n’est-ce pas ?<br />

- Oui, comment… ?<br />

- Cela n’a pas importance.»<br />

Tout s’explique. Je viens de résoudre le détail qui me gênait depuis le début. Désormais, je<br />

suis persuadé d’avancer dans la bonne direction.<br />

« Vous seriez prête à trahir votre propre sœur jumelle pour moi ?<br />

- Cela fait trois ans que j’ai décidé de la trahir pour vous.<br />

- Je vais faire en sorte d’utiliser les informations que vous m’avez données aujourd’hui. Dès<br />

demain, nous trouvons un moyen de tendre un piège à votre sœur pour qu’elle nous mène<br />

droit à ce prophète de pacotille. On va détruire ses protections une par une, histoire de<br />

l’exposer entièrement. Cela fera plaisir à certains de mes homologues.<br />

- Que voulez-vous dire ?<br />

- Juste certains idiots trop branchés sur les rumeurs d’Internet, persuadés que notre pays<br />

tombait sous le joug des Millénaristes. »<br />

Je me lève et vais pour sortir. Puis soudain je réalise quelque chose.


« Vous vous êtes connectée d’ici, sur votre ordinateur portable régulier ?<br />

- Oui.<br />

- Les Millénaristes n’ont aucun moyen de vous tracer numériquement, sachant que vous êtes<br />

pour eux une fugitive ?<br />

- … Je ne pense pas. »<br />

Je soupire.<br />

« Il faut vraiment cesser de supposer et que vous soyez sûre de temps en temps. »<br />

Marc<br />

Mon père a passé la journée avec moi. Il a téléphoné à Christine pour lui donner de mes<br />

nouvelles. Il a voulu me la passer mais j’ai refusé. Pas tout de suite. Après la nuit, Marc est<br />

revenu en moi et Tamec s’est éloigné. Je sais que cela ne durera pas, mais je voulais profiter<br />

de ces derniers instants avec mon père en étant celui que j’étais avant. Avec un soupçon de<br />

nostalgie, celui que l’on a pour les choses qui n’existent plus. Nous avons petit-déjeuner,<br />

déjeuné, papoté ensemble. Ma diction est facilement revenue. Je ne l’aurai pas cru.<br />

Il est parti vers la fin de l’après-midi. En me quittant, il a jeté un dernier regard inquiet vers le<br />

pistolet toujours posé sur la table.<br />

« Ne t’inquiète pas. C’est toi qui l’as dit. Si j’avais voulu faire une connerie, je l’aurais déjà<br />

fait avant. »<br />

Il hésite. Il veut me dire autre chose.<br />

« Tu ne m’as toujours pas dit si tu avais déjà utilisé ce pistolet…<br />

- Tu ne souhaites pas me poser cette question. »<br />

Cette simple phrase lui sert de réponse. Il n’a pas le courage d’aller plus loin et se contente<br />

de cette hypothèse. Il n’est pas encore prêt pour la vérité brute.<br />

La porte se referme sur mon père et sur Marc. Marc ne supporterait pas le poids de la<br />

solitude dans cette maison. Tamec si. Tamec est hermétique aux sentiments. Il ne souffre<br />

aucune faiblesse, et d’ailleurs ne souffre pas.<br />

J’ai une mission à accomplir. Hôpital Saint-Martin, chambre 321. Une fois à l’intérieur, je<br />

saurai quoi faire. Connaissant Tamec, cela me semble évident. Je prends mon pistolet. Je<br />

vérifie le chargeur, il reste trois balles. C’est peu. Pour un professionnel comme Tamec, ce<br />

n’est pas un problème.<br />

Les horaires de visite sont entre 18 heures et 20 heures. Il faut que je sois à l’hôpital à ce<br />

moment-là. Je me cacherai à un endroit, puis j’attendrai le bon moment pour agir.<br />

Je suis entré à l’intérieur en m’efforçant d’avoir l’air indifférent. Durant un instant, j’ai eu<br />

peur qu’ils découvrent mon arme puis j’ai réalisé qu’on ne fouillait personne à l’entrée des<br />

hôpitaux.<br />

Troisième étage. Les policiers sont visibles de l’ascenseur. Ils ont un bref regard dans ma<br />

direction, mais j’indiffère. Je ne suis pas effrayant comme Tamec, ils ne voient que la<br />

carapace extérieure. C’est ma chance. Je traverse le couloir et ne jette aucun regard de côté<br />

en passant devant la chambre 321. Je ne peux pas repasser souvent, cela éveillerait<br />

l’attention. Par contre je vois dans l’entrebâillement de la porte que la chambre suivante est


vide. J’y entre d’un air naturel, ferme la porte derrière moi. Je reste immobile un moment<br />

pour voir si mon action a déclenché une réaction de la part des policiers… Non. Je reste<br />

immobile. J’entends des gens parler. Une voix d’homme et une voix de femme. Vu<br />

l’épaisseur du mur, je parviens mieux à comprendre la voix masculine. Elle me rappelle<br />

quelque chose.<br />

Je parviens à identifier quelques mots. « Josef. ». Je frémis. Puis « Sœur jumelle. ». Bon sang,<br />

d’où est-ce que je connais cette voix ? Au bout de quelques minutes, des pas se dirigent<br />

vers la sortie. Je me rapproche de la porte que j’entre-ouvre. Soudain je réalise qui se trouve<br />

ici : Eric Cortaud. Qu’est-ce que le Président de la République fait là ? Qui est cette femme<br />

avec qui il a parlé ?<br />

Il lui adresse une dernière phrase avant de partir : « Il faut vraiment cesser de supposer et<br />

que vous soyez sûre de temps en temps. ». Puis il ferme la porte et s’approche des policiers.<br />

« Cette idiote s’est sûrement faite tracer par internet. Cela fait vingt-quatre heures qu’elle<br />

pianote sur son ordinateur portable et les Millénaristes doivent déjà savoir où elle se trouve.<br />

Redoublez de vigilance.<br />

- Oui Monsieur. »<br />

Bruits de pas s’éloignant vers l’ascenseur. Les Millénaristes. C’est la raison de tous ces<br />

coups de fil : ils vont tenter un dernier coup. La personne à l’intérieur de cette chambre est<br />

certainement un témoin clé. C’est pour cela que Tamec devait intervenir.<br />

Il faut que je parvienne à savoir de qui il s’agit. Je réfléchis. M’inquiète. Marc reprend le<br />

dessus. Bon sang, je ne sais plus où j’en suis. Est-ce que j’obéis ? Est-ce que je décide<br />

quelque chose d’autre ? Marc ou Tamec ?<br />

Je ne sais plus. Je me secoue la tête mais je ne sais plus. C’est pour cela que je n’entends pas<br />

les bruits de pas et la porte s’ouvrir.<br />

« Qu’est-ce que vous faites là, vous ? »<br />

Une infirmière. Elle a parlé fort. Voix angoissée. Les policiers vont venir. Je n’ai pas le choix.<br />

Je sors en la poussant. Je cours dans la direction opposée des policiers. « Police,<br />

arrêtez-vous ! ». L’un des policiers me poursuit. Je cours. Je ne suis pas dans la bonne<br />

direction. L’ascenseur est de l’autre côté. Tant pis. Je ne peux pas me retourner et<br />

l’affronter. Je ne suis pas Tamec. Je cours. Porte de secours à n’ouvrir qu’en cas d’urgence.<br />

Je fonce dessus, épaule en avant. L’alarme retentit fort. Couvre les cris du policier qui<br />

m’intime l’ordre de m’arrêter. Je descends les escaliers en béton. Il n’osera pas tirer. Pas<br />

dans un hôpital. Par sur moi. J’ai peur. Je ne serai jamais aussi insensible que Tamec, c’est<br />

horrible.<br />

Rez-de-chaussée. Je fonce sur la porte, elle ne s’ouvre pas. Le policier se rapproche. Je fonce<br />

encore. Elle cède. Je suis sur la sortie des ambulances. Il y a des gens qui me regardent et qui<br />

voient mon visage. Bon sang, j’ai tout raté. Marc est incroyablement mauvais. J’accélère.<br />

J’arrive dans la rue. Il fait nuit. Je tourne à droite, à gauche, à droite, je ne m’arrête pas, je<br />

cours, je cours, je suis à bout de souffle. Je ne sais pas combien de temps je cours. Puis mon<br />

corps n’en peut plus et je m’arrête, les genoux sciés, le souffle coupé. Je me retourne,<br />

haletant de la buée et réalise que personne ne me suit. A quel moment est-ce que le policier<br />

a lâché prise ? Je ne sais pas. Je ne sais rien.<br />

Je suis faible. Passer la journée avec mon père m’a rendu faible. Etre faible me fait souffrir.<br />

Et je ne veux plus souffrir. Je dois résoudre ce problème.


La solution arrive deux heures plus tard de retour chez moi. Le téléphone portable sonne à<br />

nouveau.<br />

« Je sais qu’il y a eu un souci dans ta mission Tamec. C’est une erreur impardonnable. Tu es<br />

d’accord ? »<br />

Je claque deux fois de la langue.<br />

« Ce n’est pas grave. Tu es certainement parvenu à suffisamment inquiéter le président et<br />

cela est essentiel. Il sait désormais que quelque chose se trame et que nous sommes<br />

toujours présents. Il va s’inquiéter et va tomber dans mon piège pour faire tout ce que je<br />

souhaite.»<br />

J’écoute en silence. Le silence me va bien.<br />

« Je te donne une autre mission et cette fois aucun manquement ne sera toléré. Il faudra<br />

que tu t’en acquitte dans les 24 heures. C’est compris ? »<br />

Double claquement.<br />

« George Menis, 45 rue de Maraîcher. Célibataire. Heure de présence chez lui : de 19<br />

heures à 6 : 30 du matin. Je veux que tu le kidnappe. Une fois que c’est fait, tu m’appelles.<br />

C’est compris ?»<br />

Double claquement.<br />

« Très bien. Ne me déçois pas. Le Tamec que je connais ne m’a jamais déçu. »<br />

Fin de la conversation. Je ne décevrai pas. Je serais ce Tamec.<br />

L’épisode 18 à retrouver sur www.touff-e-book.fr demain !<br />

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En attendant vous pouvez lire d’autres textes d’Amanalat sur son blog en cliquant ici

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