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V O X P O P U L I<br />
Contestataires, Réformateurs et Révolutionnaires de l’Imperium<br />
Un supplément pour le jeu de rôle Imperium écrit par Nicolas Sanson (2005)<br />
« Sans le pouvoir, les idéaux ne peuvent être réalisés.<br />
Avec le pouvoir, ils survivent rarement. »<br />
Axiome Axiome Axiome Axiome Mentat Mentat Mentat Mentat<br />
I : Idéologie et Contestation…………………………………………………………………….…..…p 2<br />
II : Doctrine et Figures……………………………………………………………………………………….p 6<br />
III : Mouvements et Organisations…………………………………………..………………….p 12<br />
1
I : Idéologie et Contestation<br />
« A toute époque, les idées de la classe dominante sont les idées dominantes : autrement dit, la classe qui est<br />
la puissance matérielle dominante de la société est en même temps la puissance spirituelle dominante. (…) Les<br />
pensées dominantes ne sont rien d'autre que l'expression en idées des conditions matérielles dominantes, ce<br />
sont ces conditions conçues comme idées, donc l'expression des rapports sociaux qui font justement d'une<br />
seule classe la classe dominante, donc les idées de sa suprématie. »<br />
Extrait de Les Les Les Les Données Données Données Données de de de de la la la la Proto----histoire<br />
Proto Proto Proto histoire histoire histoire :::: Recueil Recueil Recueil Recueil d’’’’Auteurs dd<br />
d Auteurs Auteurs Auteurs de de de de l’’’’Ancienne lll<br />
Ancienne Ancienne Ancienne Terra, Terra Terra Terra de Shapur Eilikiani<br />
Le Contexte Idéologique<br />
On aura facilement constaté que le monde dans<br />
lequel évoluent l’empereur, les Grandes Maisons,<br />
la Guilde, le Bene Gesserit et le Bene Tleilax n’a<br />
pas pour objectif le bien-être de tous, mais bien<br />
le profit de quelques-uns.<br />
On peut également supposer que l’ordre féodal<br />
instauré par les Maisons sur leurs fiefs, aussi<br />
libéral soit-il, n’est pas accepté comme allant de<br />
soi par l’ensemble de l’humanité et peut susciter<br />
des réactions d’opposition, au moins sur un plan<br />
local.<br />
Cette dimension semble quelque peu absente<br />
des textes de Frank Herbert, où les pyons<br />
apparaissent comme des anonymes obéissants.<br />
Or, l’existence d’une opposition clandestine au<br />
système impérial peut recéler un grand intérêt<br />
en termes de jeu, puisqu’elle constitue une<br />
source particulièrement riche de complots, de<br />
mystères et de conflits.<br />
Le but de ce supplément est de proposer une<br />
étude non exhaustive de contestataires et de<br />
mouvements dont la doctrine ou les actions<br />
possèdent suffisamment d’ampleur pour prendre<br />
une dimension interstellaire et pour attirer<br />
l’attention de figures aussi importantes que les<br />
personnages-joueurs – que ce soit en tant<br />
qu’adversaires, alliés ou instruments.<br />
L’univers des classes dirigeantes étant déjà<br />
largement abordé dans d’autres suppléments<br />
d’Imperium (notamment La Voie du Pouvoir),<br />
nous nous intéresserons ici tout particulièrement<br />
à la contestation populaire.<br />
A l’époque de référence d’Imperium, l’unité<br />
humaine, qui trouve son origine dans la lutte<br />
contre les machines pensantes au moment du<br />
Jihad Butlérien, perdure toujours, et les<br />
structures de l’empire montrent de ce point de<br />
vue une remarquable stabilité.<br />
Il découle de tout ceci quatre grands principes :<br />
1) 1) 1) L’idéologie ’idéologie dominante favorise la stagnation.<br />
A l’image de la morale confucéenne, la Bible<br />
catholique orange privilégie donc l’ordre<br />
statique du monde, en justifiant la place de<br />
chacun par le souci de la prospérité et de la paix<br />
sociale, tout cela aux dépens de la notion de<br />
progrès, assimilé désormais à une perversion<br />
(comme le montrent les tabous du Jihad et la<br />
réputation des Ixiens et des ignobles Tleilaxu).<br />
La seule intransigeance que montre encore la<br />
BCO concerne la technologie et ces interdits<br />
sont de toute façon si bien intégré qu’ils ne<br />
posent problème qu’à des populations très<br />
spécifiques (toujours Ix et Tleilax).<br />
2) 2) TTout<br />
T out est une question de rapport de force forces. force<br />
s.<br />
Une des principales causes de la stabilité de la<br />
société impériale est la puissance écrasante des<br />
nobles sur leurs sujets.<br />
Savoir que les nobles peuvent se déplacer sur<br />
une autre planète, frapper depuis l’espace,<br />
disposent d’armes atomiques et de forces<br />
armées, incite le plus grand nombre des pyons à<br />
la sagesse, c'est-à-dire à la soumission, même<br />
s’il existe des organisations qui, appliquant une<br />
stratégie du faible au fort (guérilla et attentats)<br />
espèrent remporter quelques succès.<br />
2
3) 3) L’existence L’existence d’une d’une forme de contes contestation<br />
contes<br />
ation ation<br />
(même (même virtuelle) virtuelle) est est inévitab inévitable. inévitab le.<br />
Compte tenu de l’étendue des fiefs (qui<br />
implique l’application d’une politique unique –<br />
celle du siridar – à un très grand ensemble plus<br />
ou moins homogène de populations) et du type<br />
de régime autoritaire et hiérarchique défendu<br />
par les Grandes Maisons, il y a fort à parier que<br />
les révoltes locales ne sont pas rares, bien que<br />
les Maisons fassent tout pour les réprimer par la<br />
violence (Harkonnen) ou pour s’attirer l’amour<br />
de leurs sujets (Atréides).<br />
Dans la mesure où l’affrontement entre Maisons<br />
n’est autorisé que dans des cas exceptionnels,<br />
on voit d’ailleurs mal quelle serait l’utilité des<br />
forces armées nobles, si ce n’est pour des<br />
fonctions de maintien de l’ordre (un peu à<br />
l’image des légions urbaines et prétoriennes<br />
dans la Rome antique), d’autant qu’on ne voit<br />
nulle part dans les romans d’Herbert, apparaître<br />
de troupes de police dont ce serait précisément<br />
le rôle… Il est clair que maintien de l’ordre et<br />
sécurité intérieure font partie des raisons d’être<br />
des forces militaires de toute Maison noble.<br />
4) 4) LLa<br />
LL<br />
a a démocratie démocratie est soluble soluble dans l’espace l’espace. l’espace<br />
Un régime dans lequel la consultation régulière<br />
des citoyens serait nécessaire est impossible à<br />
mettre en place au niveau interstellaire, parce<br />
que les déplacement sont très coûteux et parce<br />
que les préoccupations et les gens sont trop<br />
éloignés pour que les populations qui seraient<br />
amenés à se prononcer puissent se sentir<br />
représentées par des élus quelconques.<br />
Au vu des expériences menées depuis deux<br />
siècles sur notre planète Terre, il est même<br />
difficile de croire qu’un gouvernement puisse<br />
bénéficier d’une légitimité auprès d’un ensemble<br />
de populations hétérogènes, même par un<br />
système qui prévoirait une cascade de grands<br />
électeurs.<br />
Tout au plus peut-on penser que les Maisons<br />
nobles les plus « libérales » (au sens<br />
philosophique du terme), ont pu mettre en place<br />
des parlements locaux afin de recevoir les avis<br />
d’une diète, d’une chambre, d’un conseil ou<br />
d’un parlement regroupant des notables ou des<br />
représentants d’ethnies ou de corporations (tout<br />
comme l’empereur consulte le Landsraad et<br />
comme c’était le cas en France sous l’Ancien<br />
Régime).<br />
L’avantage d’un parlement réside d’une part<br />
dans les compétences rassemblées par de telles<br />
structures et qui peuvent manquer à la Maison<br />
pour gérer correctement les ressources de la<br />
planète, et d’autre part dans l’image positive<br />
qu’elle peut acquérir auprès des populations<br />
représentées, et dans la solidarité éprouvée par<br />
les parlementaires vis-à-vis de leurs dirigeants.<br />
Il s’agit cependant d’une arme à double<br />
tranchant, dans la mesure où des manœuvres<br />
partisanes, des ambitions déplacées ou une<br />
mauvaise gestion de cette liberté par le siridar<br />
peuvent entraîner des blocages, des<br />
réclamations, des crises et, au final, l’amorce<br />
d’une révolution. Les compétences des mentats<br />
amoindrissant par ailleurs le rôle d’expertise<br />
d’une « chambre des représentants », très rares<br />
sont les Maisons qui ont mis en place ce genre<br />
de structures, excepté parfois à des niveaux très<br />
locaux, dont la responsabilité peut être<br />
fastidieuse pour le siridar.<br />
En termes de jeu, un parlement peut donc<br />
conduire à une élévation de la Prospérité,<br />
comme à son contraire, suivant la politique<br />
menée par le siridar.<br />
Bref, au-delà des raisons historiques qui ont<br />
conduit à l’empire, l’avantage du régime féodoimpérial<br />
réside essentiellement dans sa simplicité<br />
tant symbolique que réelle - et nécessaire à la<br />
gouvernance de telles étendues.<br />
Véhicules de la Contestation<br />
Pour qu’une idée ait du succès, il faut qu’elle<br />
circule. Là réside, pour part, la clé de la<br />
domination des nobles sur le peuple : pour<br />
l’essentiel, les pyons ne peuvent pas quitter leurs<br />
planètes d’origine, parce que les voyages sont<br />
trop chers et qu’on peut penser que les Grandes<br />
Maisons ont à cœur de contrôler strictement les<br />
entrées et les sorties de leur territoire, sachant<br />
qu’il est presque toujours impossible de<br />
retrouver quelqu’un une fois que celui-ci a<br />
atterri et qu’il dispose d’un monde pour s’enfuir.<br />
Seuls quelques roturiers ont donc accès à ce<br />
privilège, et c’est par une très petite minorité<br />
que sont véhiculées les idées anti-impériales.<br />
Bien entendu, le contrôle exercé par la Guilde et<br />
les Maisons implique une clandestinité totale<br />
des individus en question.<br />
3
Parmi ces roturiers susceptibles de voyager d’un<br />
monde à l’autre, on peut citer :<br />
- les entrepreneurs planétaires<br />
- les artistes renommés<br />
- les militaires (soldats et mercenaires)<br />
- les personnels conditionnés (Suk, Mentats)<br />
- les maîtres d’armes et les maîtres de guerre<br />
- les maîtres assassins et leurs agents<br />
- le petit personnel servant à bord des Courriers<br />
- l’élite des administrateurs de l’empire<br />
- les serviteurs des nobles voyageant souvent<br />
- l’élite des scientifiques<br />
- les historiens et les propagandistes<br />
- l’élite des serviteurs du Bene Gesserit<br />
- les personnels qualifiés devant accompagner<br />
des marchandises (dresseurs pour les animaux,<br />
éleveurs pour le bétail devant rester vivant,<br />
convoyeurs de bois-brouillard, etc).<br />
Les Courants d’Opposition<br />
Dans ce contexte, quelques rares penseurs se<br />
sont tout de même permis d’émettre des<br />
réserves sur le bien-fondé de la domination<br />
aristocratique. La plupart ne sont plus là pour<br />
en témoigner, mais leurs écrits et leurs idées<br />
continuent d’influencer un grand nombre de<br />
mouvements de contestation.<br />
Une fois écartées les positions les plus<br />
excentriques, on distingue environ quatre<br />
courants politiques dans l’empire :<br />
- le courant populaire<br />
- le courant des entrepreneurs<br />
- le courant aristocratique<br />
- le courant hégémonique<br />
Examinons à présent chacun de ces quatre<br />
courants d’opposition.<br />
Le Courant Populaire<br />
Ce courant d’opposition tend surtout à la<br />
dénonciation des abus de certains siridars et,<br />
plus amplement, d’un système qui met les<br />
populations à la merci d’un héritier de Maison<br />
noble, fût-il fou ou incompétent.<br />
En l’occurrence, ce dernier reproche est<br />
largement amoindri par la professionnalisation<br />
des conseillers (Mentats, Suk, maître d’armes,<br />
Bene Gesserit) des Grandes Maisons qui, sauf<br />
chez les plus pervertis (Harkonnen), peuvent<br />
tempérer les excès d’un déséquilibré ou d’un<br />
imbécile.<br />
Certains mouvements de cette obédience sont<br />
parfois même aidés en sous-main par le Bene<br />
Gesserit, qui peut parfois percevoir une<br />
mortalité trop élevée de la population comme<br />
un péril à son programme génétique.<br />
Le Courant des Entrepreneurs<br />
Egalement qualifié de « libéral », ce courant est<br />
représenté par les membres de Maisons mineures<br />
qui fustigent le contrôle exercé par les Grandes<br />
sur leurs affaires.<br />
Nombreux sont en effet les entrepreneurs qui se<br />
sont vu dépossédés de la source de leurs<br />
revenus, quand ceux-ci devinrent considérables.<br />
Il faut compter également avec le strict contrôle<br />
des grandes richesses que la CHOM (donc les<br />
nobles) exercent sur les échanges de<br />
marchandises.<br />
Enfin, il y a également une dimension<br />
symbolique à cette résistance, dans la mesure où<br />
les nobles ont toujours eu beau jeu de snober<br />
les membres des Maisons mineures, à travers un<br />
ensemble de vexations tenant à l’habillement, à<br />
l’étiquette, à l’exercice de privilèges scandaleux.<br />
Les plus virulents des entrepreneurs aspirent<br />
donc à l’ouverture de la CHOM et du Landsraad<br />
à une « noblesse » censitaire (c'est-à-dire<br />
disposant d’un revenu minimum suffisant), voire<br />
à une disparition des Grandes Maisons au profit<br />
d’une aristocratie étendue à tous ceux qui<br />
peuvent prétendre à une clientèle et une fortune<br />
nombreuses. Or si les plus éminents<br />
représentants de cette tendance reçoivent le<br />
soutien d’une grosse partie des bourgeoisies<br />
planétaires, aucune des factions de l’empire ne<br />
4
trouvent d’intérêt à soutenir leurs aspirations,<br />
tenant essentiellement à la libéralisation du<br />
commerce et à l’abolition des privilèges.<br />
A noter enfin que ce courant n’a pas de<br />
fondements philosophiques, qui tiendrait<br />
comme pour l’Europe des Lumières, à<br />
l’affirmation de l’égalité des hommes ; il y a en<br />
effet longtemps que l’Epice, les Navigateurs, le<br />
Bene Tleilax et les prodiges du Bene Gesserit ont<br />
apporté la preuve que les humains sont inégaux,<br />
et que tout, en dernière analyse, n’est qu’une<br />
question de pouvoir et d’intérêt.<br />
Le Courant Aristocratique<br />
Ce courant est représenté par les nobles qui<br />
dénoncent la puissance de l’empereur et<br />
voudraient le voir cantonner à un rôle d’arbitre<br />
intervenant uniquement sur les questions<br />
interstellaires.<br />
La possibilité qu’a l’empereur de disposer des<br />
fiefs comme bon lui semble est la principale<br />
source des critiques, et nombreux sont les<br />
nobles qui souhaitent que le rôle du Landsraad<br />
soit considérablement augmenté (notamment en<br />
ce qui concerne la promulgation des lois et les<br />
arbitrages des conflits), sans voir que les<br />
antagonismes propres aux Grandes Maisons<br />
entraveraient considérablement l’action de cette<br />
instance, au point peut-être de réduire la notion<br />
d’imperium à une coquille vide.<br />
Le Courant Hégémonique<br />
Depuis que le trône est revenu aux Corrino, on<br />
voit apparaître essentiellement parmi les<br />
courtisans, l’idée que l’empereur devrait<br />
uniquement s’appuyer sur son administration et<br />
ses élites afin de gouverner, et renvoyer les<br />
nobles à leurs petites affaires, en ayant réduit le<br />
rôle du Landsraad à celui d’une chambre<br />
d’enregistrement des décisions de l’empereur (et<br />
qui servirait également de cadre aux<br />
manifestations honorifiques destinées à<br />
renouveler le lien entre le trône et les nobles).<br />
Inutile de dire à quel point cette tendance est<br />
honnie par les Grandes Maisons, qui reprochent<br />
à ses défenseurs, d’être des « ennemis de la<br />
noblesse » et des « chiens courants du trône ».<br />
A noter également qu’aucune des autres<br />
factions (Guilde, Bene Gesserit, Bene Tleilax,<br />
etc.) n’est de toutes façons favorables à un<br />
renforcement des pouvoirs de l’empire, ce qui<br />
risque de maintenir cette tendance au stade<br />
d’un doux rêve, tout au moins jusqu’à<br />
l’avènement de Leto II.<br />
5
II : Figures et Doctrines<br />
« Mieux vaut avoir vécu vingt-cinq jours comme un tigre qu’un millénaire comme un mouton. »<br />
Elfer Jack-San-Bom<br />
Ancien Ancien Ancien Ancien PPPProverbe roverbe roverbe roverbe BBachiri<br />
BB<br />
achiri achiriiiii achiri<br />
La Doctrine Elferiste : Célébration de la Misère<br />
Elfer est né sur la planète Blekblem du système<br />
Hyu-San. D’une origine aisée (son père, Kresten,<br />
servit à la cour du duc Bajeg Pretorius, Elfer<br />
commença sa vie dans les traces de son père.<br />
Après avoir suivi l’Ecole des cadres (collège<br />
institué par la Maison Pretorius, où est formée<br />
et recrutée l’élite de l’administration ducale), il<br />
commence une carrière remarquable dans le<br />
corps des Questeurs, un corps de<br />
l’administration consacré au recrutement des<br />
impôts et, plus généralement, au contrôle des<br />
transactions sur les marchés du fief. Puis il<br />
rejoint à trente-sept ans le Conseil du duc<br />
Saramir, où il est en charge de la construction,<br />
de l’entretien et de la restauration des bâtiments<br />
sur Blekblem - la planète connaît en effet des<br />
« vents de cristaux » qui, tous les cinq ou dix<br />
ans, ravagent des régions entières.<br />
Mais une bagarre ayant tourné à l’émeute,<br />
survenue pendant les Lupercales (fête de la<br />
fécondité présidée par le siridar et sa famille, qui<br />
se livrent à l’occasion à des sacrifices, à des<br />
orgies et à des représentations sacrées des<br />
drames où la Maison Pretorius prend ses racines)<br />
prive Elfer de l’usage de ses deux jambes – on<br />
dit qu’il fut écrasé par un chargement de<br />
Lullabies-Kirio, des éponges émulsifiantes du<br />
système Candie.<br />
Après une longue période de claustration dans<br />
le domaine familial, Elfer inaugure à quarantehuit<br />
ans une vie de pérégrinations sur<br />
suspenseurs qui va le mener sur les dix-huit<br />
continents de Blekblem, à la rencontre des<br />
marginaux et des déshérités.<br />
Il en tire de puissants enseignements, qu’il<br />
mettra cependant une vie à mettre en forme,<br />
dans des sonnets ou des vers sans rime, où<br />
transparaît la vision d’une société sans chef,<br />
sans richesse, sans hiérarchie, et accompagnée<br />
par de puissants aspects lyriques et pessimistes<br />
(on parle à son propos d’une poésie de la<br />
misère).<br />
Après avoir semé ses poèmes sur toute la<br />
planète et suscité des exemples de ferveur sans<br />
précédent, Elfer meurt dans l’arrière-cour d’une<br />
taverne de Fregur (continent Appius), tabassé à<br />
mort par plusieurs inconnus.<br />
Longtemps restée dans l’ombre, sa doctrine se<br />
répand tout d’abord parmi les poètes. Puis,<br />
publiées sous formes de billets, semées dans<br />
tout l’empire dans les œufs porte-bonheur de<br />
Lisao (petits globes vivants, décorés et creux, où<br />
les orfèvres de Blekblem glisse des maximes de<br />
sagesse ou de poésie, censés avoir un pouvoir<br />
divinatoire), ses compositions brèves et<br />
saisissantes rencontrent un intérêt vigoureux<br />
chez le petit peuple.<br />
Dès lors, une mythologie s’installe, où certaines<br />
mauvaises langues voient l’influence de la<br />
Missionaria Protectiva : on ne tarde pas à voir<br />
en lui la figure d’un ermite et d’un saint, et l’on<br />
prête bientôt un ensemble de textes apocryphes<br />
et un sens contestataire à ses poèmes, que ses<br />
exégèses trouvent cependant difficile de<br />
confirmer sur la seule base des poésies qui lui<br />
sont formellement reconnues…<br />
6
La Doctrine Oussoumane : le Lamento d’une Esclave<br />
Alice-Tau Bint Oussouman<br />
Femme de peine chez les Alokianis (baronnie<br />
ayant son fief sur Ullills), Alice-Tau doit sa<br />
fortune à l’emprise que cette jeune fille bien en<br />
chair, à l’esprit tranchant et au verbe fleuri des<br />
esclaves, est parvenue à établir sur le jeune nabaron<br />
Iliustenverin dans son adolescence.<br />
Tout d’abord servante aux bains, Alice-Tau sera<br />
épousée par le tout jeune homme (de sept ans<br />
son cadet) à la mort du baron son père, victime<br />
d’une apoplexie dans un bain de vapeur.<br />
Moqué par l’ensemble du Landsraad, condamné<br />
unanimement par la famille du baron, ce<br />
mariage ne durera pas. Après quelques années<br />
d’un amour passionné, le siridar Iliustenverin<br />
répudie son épouse, au cours d’une sombre nuit<br />
dont les témoins n’ont, pour la plupart, pas<br />
survécu. Confinée dès lors dans une tour du<br />
Fort-Bel, Alice-Tau ne s’avoue pas vaincue, et<br />
propage parmi les esclaves du baron, des chants<br />
qui dénoncent la bêtise et la méchanceté des<br />
puissants, l’inhumanité avec laquelle la baronnie<br />
gère ses cheptels d’esclaves, la brutalité des<br />
Clores (surveillants des étables) et l’injustice<br />
générale qui règne dans l’empire.<br />
Or c’est un moment de faiblesse pour les<br />
Alokianis. Engagés dans une guerre d’assassins<br />
contre les Borda, menacés sur plusieurs fiefs<br />
secondaires, ils peinent à réprimer une immense<br />
révolte d’esclaves qui enflamment les domaines<br />
et les champs aquatiques d’Ullills. Débordés par<br />
la situation, après avoir hésité à faire usage de<br />
leurs atomiques, les Alokianis paient la Guilde<br />
afin que leurs satellites météorologiques<br />
accablent les régions révoltées des terribles<br />
ouragans qu’ils étaient jusque-là censés<br />
combattre. En quelques jours, les principales<br />
plaines du fief sont inondées et, coupés des<br />
endroits où ils pouvaient se ravitailler, les<br />
esclaves commencent à périr.<br />
La catastrophe se transforme bientôt en désastre<br />
planétaire quand les épidémies font leur<br />
apparition et quand les lokorsques du large<br />
(reptiles sous-marins redoutables) viennent,<br />
grâce à la montée des eaux, fendre les eaux<br />
répandues sur les terres et faire entendre leurs<br />
sinistres feulements de prédateur électrique aux<br />
pauvres esclaves réfugiées sur les bancs de sable,<br />
en haut des arbres et des bâtiments.<br />
Réfugiée dans sa tour, sauve mais cernée par les<br />
eaux, les cadavres et les charognards, Alice-Tau<br />
contacte alors la Guilde et parvient, en échange<br />
de l’enfant qu’elle porte du siridar (que la Guilde<br />
revend elle-même au Bene Gesserit), à acheter<br />
son passage sur un vaisseau à destination de<br />
Quijan, où elle commence une autre vie sous<br />
une nouvelle identité. On perd alors sa trace.<br />
Ruinés par le saccage de leur fief, les Aliokanis<br />
ne se remettront jamais de la révolte. Ils sont<br />
bientôt exterminés par les Borda, et la planète<br />
devient un immense sépulcre, que les satellites<br />
de la Guilde s’exercent à réchauffer, afin de<br />
dégager les plaines des marais qui les ont<br />
envahies. Le fief ne sera attribué que soixantehuit<br />
ans plus tard par l’empereur et les<br />
nouveaux maîtres découvrent en arrivant des<br />
horizons parsemés de squelettes blanchis et de<br />
ruines. Le nombre des victimes s’élève<br />
officiellement à 13 millions.<br />
Alice-Tau reste longtemps dans l’ombre, mais ce<br />
sont les recherches du musicologue Jared Obrin<br />
qui, trois siècles plus tard (grâce à une cession<br />
d’enregistrement inattendue ayant eu lieu sur le<br />
vaisseau de la Guilde), font connaître ses chants<br />
et répandent peu à peu sa parole dans le petit<br />
peuple de l’empire, par le biais des chanteurs et<br />
des musiciens.<br />
On raconte qu’à la fin de sa vie, Alice-Tau reçut<br />
la visite de l’ancien na-baron Iliustenverin, que<br />
les malheurs avaient miraculeusement épargné.<br />
Nul ne sait ce qui se passa lors de l’entrevue.<br />
Tout au plus sait-on que, quatre jours plus tard,<br />
on retrouva le vieux couple baignant nu,<br />
égorgé, dans des flaques de sang séché.<br />
L’autopsie pratiquée par un expert Suk ne<br />
permit pas de savoir qui, des deux, avait tout<br />
d’abord tué l’autre avant de se donner la mort,<br />
ou si une vieille vengeance les avait rattrapés<br />
alors qu’ils fêtaient des retrouvailles inespérées,<br />
plus de quatre-vingt ans après leur dernière<br />
entrevue tragique.<br />
7
La Doctrine Vilterienne : la Révolution Commence aux Arènes<br />
Skon Vilterbränd Abenaqi<br />
De père inconnu, de mère ouvrière dans les puits<br />
d’Askalon, Skon se signale tout d’abord par des<br />
activités relevant de la petite délinquance. Son<br />
charisme, son bagout, la passion qu’il met en<br />
toutes choses sollicitent cependant l’attention<br />
du sharif Comar’ch, dont l’influence morale et<br />
politique est décisive.<br />
Le sous-officier de l’Ordre Public (corps de<br />
juges-policiers mis en place auprès de la<br />
population d’Askalon pour prévenir et réprimer<br />
la petite criminalité) est un misanthrope à demivagabond,<br />
très porté sur l’alcool de juje et dont<br />
les diatribes furieuses dénonçant l’iniquité du<br />
monde marquent profondément le jeune Skon<br />
que Comar’ch a pris à ses côtés.<br />
L’année de ses quinze ans, un drame frappe<br />
Skon, quand son mentor est renvoyé de l’Ordre<br />
Public, rossé par les hommes du comte KlouBy<br />
Ninrod, avant d’être envoyé dans un puitslumière<br />
extraire de la Soufflère Bélaune<br />
(particules lumineuses particulièrement<br />
cancérigènes utilisées dans les revêtements de<br />
vaisseaux interstellaires).<br />
Un temps désorienté, Skon se rabat alors sur le<br />
Bluut. Ce jeu d’équipe très violent, présentant<br />
un mélange de course, de duels et de jeu de<br />
crosses et palets, pratiqué en arènes sur<br />
plusieurs systèmes pour amuser les foules, tient<br />
une place majeure dans la vie de la planète<br />
Askalon, une géante glacée, minière, pourvue de<br />
gigantesques métropoles enfouies.<br />
Skon ne tarde pas à s’investir dans le soutien à<br />
l’équipe Jaune. La violence et la cohérence de<br />
ses propos, sa profonde intelligence, le sens<br />
tactique dont il fait montre dans les<br />
affrontements avec les supporters d’équipes<br />
adverses le mènent bientôt à la tête du club des<br />
Jaunes (il est nommé par le comte édile des<br />
ocres) et toute sa vie va désormais se mener sur<br />
les gradins d’arènes, où il acquiert une véritable<br />
autorité, tant auprès des supporters, que des<br />
présidents de clubs qui craignent la plume<br />
acérée qui s’exprime dans les Libelles, sorte<br />
d’hebdomadaire sportif diffusé par un réseau de<br />
crieurs publics à travers tout Askalon.<br />
Mais juste au moment où Skon, à soixante ans,<br />
allait se voir nommer à la tête de la fédération<br />
planétaire, le comte d’Askalon (toujours KlouBy<br />
Ninrod, resté très en forme grâce à l’épice) est<br />
alerté par ses conseillers sur le contenu de plus<br />
en plus subversif des Libelles.<br />
Le journal est interdit, on massacre les crieurs,<br />
et les hommes du comte tentent de s’emparer<br />
de Skon. Mais de véritables émeutes le portent<br />
au contraire à la tête d’une insurrection contre<br />
les troupes du siridar. Menée dans le labyrinthe<br />
des galeries innombrables creusées sous la<br />
croûte d’Askalon, la lutte sera longue.<br />
Pendant trois décennies, une véritable guerre<br />
civile saccage les puits, les métropoles, les<br />
installations, jusqu’à ce que les révoltés<br />
s’épuisent. Skon a alors disparu depuis<br />
longtemps. Certains le disent fondu dans de la<br />
Soufflère en fusion, d’autres le prétendent caché<br />
quelque part, qui ourdie en secret l’œuvre du<br />
Grand Soir.<br />
La plupart (dont le baron lui-même, toujours<br />
aussi fringant) le considèrent cependant mort,<br />
sans doute par accident, au cours des<br />
affrontements les plus durs dans le puits d’Ilij.<br />
Ses Libelles connaissent alors une longue<br />
compilation, menée par Jon Stark Mestfen<br />
auprès des anciens crieurs et compagnons de<br />
Skon, pour aboutir à la rédaction de Jeu à Seize,<br />
un traité de Bluut crypto-révolutionnaire, où les<br />
initiés, grâce à un code, peuvent relire les<br />
discours de Skon, dont les célèbres séries<br />
intitulées Contre la noblesse et Le comte,<br />
l’infamie.<br />
Malgré une interdiction quasi-interplanétaire,<br />
Jeu à Seize, sous différentes éditions et<br />
différents noms (Anagramme de l’attaquant ou<br />
Pratique de la diagonale) circule encore dans<br />
l’empire avec les joueurs de Bluut.<br />
8
La Doctrine Makiniste : Réfutation Logique du Système Impérial<br />
Dieter Makin<br />
Dès son plus jeune âge, Dieter fit preuve de<br />
puissantes capacités le destinant très jeune à<br />
une carrière de Mentat. De fait, il fut l’un des<br />
mentats les plus précoces, attirant l’attention de<br />
ses professeurs par la facilité déconcertante avec<br />
laquelle il supportait le conditionnement.<br />
Certains cependant virent dans de telles<br />
capacités, les prémisses de difficultés et, après<br />
avoir été acheté par la Maison Samal, Dieter se<br />
lance en effet dans la rédaction de la Summa<br />
Makina, vaste réflexion sur le monde, où les<br />
analyses les plus acérées côtoient les<br />
spéculations les plus folles et les avis les plus<br />
radicaux.<br />
Malgré l’opposition des Samal (qui supportent<br />
mal que leur mentat passe autant de temps à<br />
des travaux personnels), il rédige en cinq ans les<br />
dix-huit volumes de sa Somme, où il fait<br />
notamment état de l’irrationalité présidant à<br />
l’empire et à la domination aristocratique, au<br />
motif que les aristocrates tiennent leur pouvoir<br />
sur le seul critère du sang, ce qui ne garantit ni<br />
leur probité ni leur compétence et peut avoir<br />
des conséquences immenses sur les populations<br />
dominées.<br />
L’ouvrage ne fait tout d’abord pas parler de lui,<br />
mais les censeurs de l’empire finissent un jour<br />
par achever les dix-huit volumes et par trouver<br />
cette dénonciation de la noblesse et les<br />
puissants sarcasmes employés par Dieter à<br />
propos de l’empereur. Un corps de Sardaukars<br />
est immédiatement envoyé sur le fief des Samal.<br />
La comtesse Agelika Samal, depuis longtemps<br />
amoureuse du mentat, tente alors de protéger sa<br />
fuite. Mais les Sardaukars ne font pas le détail<br />
et, après un bref affrontement avec les gardes<br />
du corps de la comtesse, celle-ci meurt dans les<br />
bras de Dieter.<br />
La protestation déclamée devant le Landsraad<br />
par un comte Samal brisé par le drame restera<br />
lettre morte. Dieter est mis au secret, interrogé<br />
par les hommes de l’empereur, avant d’être<br />
étranglé dans sa cellule par l’empereur luimême.<br />
Il était, depuis son arrestation, très serein<br />
quant à son devenir, donnant une forte<br />
probabilité à ce que Dieu existe et l’accueille<br />
bientôt dans son paradis.<br />
Enfermé en compagnie de l’acteur Eisan<br />
Makateribeko (arrêté pour débauche), il rédige<br />
en prison l’essentiel d’une œuvre dramatique en<br />
vers, marquée par l’extravagance, la précision, la<br />
longueur (la plus longue de ses compositions<br />
fait cinquante-huit heures), la présence du Divin<br />
et de brusques visions délirantes.<br />
Pourtant, ces pièces seront jouées à travers tout<br />
l’empire, jusqu’à ce qu’un mentat décèle la<br />
présence d’un code dans les textes, tenant au<br />
nombre de pieds combiné aux valeurs attribuées<br />
par la tradition aux lettres du Gallach standard.<br />
Or le contenu ésotérique du texte est<br />
profondément subversif, visant à convaincre les<br />
mentats de l’iniquité du régime aristocratique<br />
par des arguments logiques.<br />
Peu à peu, ses pièces sont interdites sur<br />
plusieurs mondes, mais des troupes continuent,<br />
çà et là, d’en jouer des extraits…<br />
9
La Doctrine Marcusienne : Liberté Chérie par un Eleveur Nomade<br />
Marcus Ditex<br />
Né dans les hautes plaines de la planète Qio XIII<br />
(fief secondaire de la famille Pillow), Marcus<br />
passe son enfance parmi les « vachers » qui<br />
suivent les troupeaux de Placides de Qio (de très<br />
grands ruminants de type mégathérium) sur le<br />
dos des Véloces, un genre de reptile à peu près<br />
de la taille d’une girafe et qui, à grande vitesse,<br />
peut déployer les membranes qui courent entre<br />
ses pattes et sa gueule, pour prendre un envol<br />
sur un courant ascendant.<br />
Tout destinait Marcus à rester un pyon<br />
complètement inconnu, mais son autorité et sa<br />
force en font bientôt un homme très respecté<br />
parmi les vachers. Les rivalités qui agitent<br />
périodiquement les clans d’éleveurs le force<br />
cependant à quitter rapidement les camps de<br />
yourtes sur suspenseurs, pour se lancer dans des<br />
opérations de pillage et de représailles dans les<br />
très grands espaces dénudés du Continent Nord.<br />
Marcus entreprend ces voyages avec quelques<br />
compagnons et va bientôt se bâtir une<br />
réputation de Cavalier de légende, en donnant<br />
l’exemple d’un comportement très proche des<br />
règles de la courtoisie qui ont, dans un passé<br />
très lointain, régit la chevalerie dans les<br />
chansons de geste. C’est qu’il accomplit une<br />
quête !<br />
Son très grand ami Dorim ayant été enlevé par<br />
les cavaliers d’un clan adverse, Marcus va<br />
sillonner les plaines pendant des dizaines<br />
d’années afin de retrouver cet homme,<br />
accumulant les conduites exemplaires, se<br />
signalant sur toute la planète, passant dans les<br />
villages comme le souffle d’une quête sans<br />
espoir.<br />
Les hypothèses fleurissent sur son passage : que<br />
fuit-il ainsi ? Quel genre d’amour peut donc<br />
justifier un tel dévouement ? Quels sont les<br />
motifs secrets d’une quête qui paraît de plus en<br />
plus absurde ?<br />
Marcus donnera lui-même quelques éléments de<br />
réponse, dans un opuscule gravé sur du cuir de<br />
Véloce, où il prétend que le Beau se pratique,<br />
qu’il vaut mieux passer une vie à accomplir un<br />
seul bel acte vain, que de se perdre dans les<br />
tâches utiles mais laides.<br />
Il écrit également que l’homme ne doit jamais<br />
souffrir que sa liberté soit entraver par<br />
quiconque, que les nobles sont les gardiens de<br />
la laideur des mondes, que les Navigateurs de la<br />
Guilde sont les seuls êtres libres, que le<br />
monopole de celle-ci est une insulte à la face de<br />
tous les êtres pensants de l’empire, etc.<br />
Tout d’abord confidentielle, son œuvre voyagera<br />
avec les vachers qui accompagnent les<br />
troupeaux sur d’autres mondes. De son vivant,<br />
cependant, le comte Pillow ne réagira pas et<br />
Marcus ne connaîtra pas un seul des signes de<br />
l’oppression.<br />
On dit qu’il est mort un soir de printemps, de<br />
vieillesse et de fatigue, sans avoir retrouver<br />
Dorim. Les témoignages sont contradictoires sur<br />
ses dernières paroles. Certains de ses<br />
compagnons prétendent qu’il a eu un dernier<br />
sourire pour le ciel et prononça juste « Allez en<br />
paix » dans un souffle. D’autres soutiennent au<br />
contraire qu’il maudit Dorim et sa quête, pleura<br />
de voir, au soir de sa vie, qu’il n’avait rien<br />
accompli et qu’il avait gâché son existence<br />
« pour une chimère. »<br />
Avec le temps, sa figure prendra cependant la<br />
taille d’un mythe pour tous les éleveurs<br />
nomades de l’empire et on raconte que certaines<br />
peuplades reculées vouent même un culte à son<br />
effigie, qui apparaît tournée vers l’Est.<br />
10
La Doctrine Vandelède : une Compassion Universelle<br />
Hesa Vandeled Oo Punrik<br />
Née dans une modeste famille noble (baronnie<br />
Punrik), Hesa se distingue dans son enfance par<br />
une santé fragile, qui l’amène à suivre de<br />
longues cures dans des instituts spécialisés et<br />
entrave son éducation par les Sœurs du BG.<br />
Alors qu’elle a seize ans et qu’une brève<br />
rémission lui fait espérer un avenir plus radieux,<br />
les docteurs Suk délivrent hélas leur diagnostic :<br />
atteinte d’une dégénérescence génétique du<br />
tissu pulmonaire, elle est condamnée dans<br />
quelques années. Les traitements sont désormais<br />
inutiles. Hesa en profite alors pour se rendre à la<br />
cour, sur Kaitain, simplement sur le rêve de<br />
rencontrer au moins une fois l’amour, auprès de<br />
l’un des jeunes princes de la cour.<br />
Là, sa profonde naïveté, l’âme d’enfant qu’elle<br />
montre en toutes choses, en font tout d’abord<br />
un objet de curiosité, d’amusement puis de<br />
révolte quand, toujours avec une infinie bonté,<br />
elle tente de convaincre ses pairs de l’injustice<br />
qu’il y a à régner sur les autres, à vivre du travail<br />
d’autrui et à faire subir à d’autres hommes les<br />
chaînes de l’asservissement.<br />
Sa maladie, son extrême jeunesse, la fragilité<br />
émouvante qu’elle montre malgré un physique<br />
quelconque, lui épargnent un temps les<br />
sanctions mais non les sarcasmes, qu’elle déjoue<br />
avec une simplicité d’ange, redoublant parfois la<br />
fureur de ceux qui la prenaient pour cible.<br />
Son père le baron Punrik est alors convoqué à la<br />
cour, et sommé d’emmener sa fille poursuivre<br />
son agonie ailleurs. Hesa accepte l’ordre avec<br />
douceur mais on raconte que la nuit précédant<br />
son départ, alors qu’elle dormait entourée de ses<br />
valises, une bande de viveurs déchaînés entra<br />
dans ses appartements, dans l’idée de briser par<br />
la violence et l’orgie une innocence qu’ils<br />
n’avaient pu confondre.<br />
On sait peu de choses sur ce qui arriva ensuite.<br />
Tout au plus sait-on que « l’affaire » dura<br />
plusieurs heures, qu’elle ne se déroula pas du<br />
tout comme les viveurs (et parmi eux le duc<br />
Stavanguer, ignoble sybarite perclus de dettes et<br />
de profiteurs) l’avaient pensé et que le baron<br />
Punrik trouva plusieurs cadavres enroulés dans<br />
des draps, quand il vint au matin chercher sa<br />
fille. Les appartements étaient dans un désordre<br />
horrible, les affaires de sa fille éparpillées dans<br />
toutes les pièces, plusieurs serviteurs avaient<br />
subi des violences ou s’étaient vus enfermés<br />
dans une antichambre, mais le pire, c’était<br />
qu’Hesa et le duc Stavanguer avaient disparu.<br />
Celui-ci refit cependant surface six mois plus<br />
tard, considérablement déprimé, sur une planète<br />
du système Major.<br />
Hesa resta introuvable. A peu près à la même<br />
période, on ramassa dans les faubourgs de<br />
Kaitain, une femme morte, enceinte, au visage<br />
méconnaissable et qui montrait une<br />
dégénérescence pulmonaire inexplicable.<br />
Le baron Punrik refusa cependant de la<br />
reconnaître et tiendra par la suite sa fille pour<br />
disparue, sans admettre que le temps l’aurait<br />
condamnée de toutes manières.<br />
11
La Doctrine Okotiste : Insolence, Sarcasmes et Mauvais Goût<br />
Okoto Iliul Farid<br />
Né d’un palefrenier à la cour du baron Brême,<br />
Okoto commença sa vie comme écuyer, avant de<br />
faire partie de l’entourage du na-baron Vilemeur<br />
qui, viveur impénitent, se ravit de ses farces et<br />
de ses blagues. Bientôt, Okoto affirme une<br />
puissante vocation de comique, à laquelle le<br />
prête son physique renfrogné, son esprit alerte,<br />
son sens de l’ironie et son mépris des origines.<br />
Bientôt, les invités du baron ravis par ses<br />
prestations, l’invitent sur leurs planètes et, petit<br />
à petit, Okoto entame une carrière interstellaire,<br />
effectuée grâce à des sketchs puisant l’essentiel<br />
de leur registre dans les blessures de son<br />
enfance, les différences de rang, les ridicules des<br />
nobles et des pyons, alliées à une démesure<br />
donnant à tout incident la dimension d’une<br />
catastrophe.<br />
Malgré les quelques grincements de dents que<br />
provoquent ses satires, la plupart des nobles se<br />
l’arrachent et Okoto en vient à gagner des<br />
fortunes, allant jusqu’à prendre quelques doses<br />
d’épice de temps en temps.<br />
Mais la loi du baron Brême, hélas, le rattrape : à<br />
la mort de son père, Okoto est rappelé sur<br />
Gentille (fief de la baronnie) pour prendre sa<br />
charge aux écuries. Toutes les pressions amicales<br />
menées par les amis qu’Okoto avait acquis dans<br />
la noblesse ne font pas fléchir Vilemeur qui,<br />
devenu siridar, soupirant sous le poids des<br />
responsabilités, vexé qu’Okoto l’ait quitté dès<br />
qu’il eut un peu de succès, obtient son retour<br />
sur Gentille.<br />
Okoto restera trente ans sur Gentille. Devenu<br />
obèse après son sevrage de l’épice, rageur,<br />
haineux, il finit par obtenir sa relaxe auprès d’un<br />
Vilemeur vieilli qui de guerre lasse, après avoir<br />
subi pendant des années le fiel de son ancien<br />
compagnon, le délivre de son servage ; on dit<br />
que l’épouse du siridar ne fut pas étrangère à<br />
cette victoire, harassée qu’elle était également<br />
par l’atmosphère pesante que l’immense figure<br />
d’Okoto faisait régner sur la cour.<br />
Okoto peut alors reprendre sa carrière, et se voit<br />
à nouveau invité sur bien des mondes. Mais le<br />
cœur n’y est plus, les mœurs ont évolué, et les<br />
princes, déçus, assistent à des numéros poussifs,<br />
pleins de sarcasmes, de grossièretés et de haine<br />
que, peu à peu, Okoto oriente vers des diatribes<br />
revanchardes, qui au mieux le font expulser, au<br />
pire provoque un soir sa mort, quand un garçon<br />
de la maison Delambre finit par l’égorger sur<br />
scène, après avoir exigé d’obtenir réparation des<br />
moqueries que le vieux comique avait accablé la<br />
dulcinée du jeune homme.<br />
Ce sont pourtant les numéros de cette dernière<br />
période qui auront le plus de succès auprès des<br />
humbles, sans doute par leur caractère<br />
outrancier et par l’usage d’un comique à la fois<br />
juste et destructeur.<br />
Transmis par les servantes, les gardes, les<br />
majordomes, son œuvre se perpétue sous la<br />
forme de bons mots, de bribes de sketchs<br />
répétés dans les cuisines, les écuries, les salles<br />
des gardes et apparaissant périodiquement dans<br />
des recueils de blagues et de calembours, malgré<br />
le caractère subversif de leurs contenus.<br />
12
III : Mouvements et Organisations<br />
« L'histoire de l'humanité est un mouvement constant du règne de la nécessité vers le règne de la<br />
liberté. »<br />
Toutes les organisations ci-dessous sont secrètes,<br />
et plus ou moins puissantes selon les cas. Au pire,<br />
ce n’est plus qu’une légende, dont tous les<br />
membres ont été massacrés. Au mieux, le<br />
mouvement peut revendiquer de petites actions<br />
voire parfois la constitution d’une révolte qui est<br />
écrasée dans un bain de sang…<br />
Les Guerriers du Sentier Lumineux<br />
Ce mouvement narco-messianique se rencontre<br />
le plus souvent dans les forces armées. Il<br />
fonctionne comme une société secrète (avec<br />
rites violents d’initiation et de possession,<br />
hiérarchie parallèle, etc.) et opère un amalgame<br />
entre la pensée marcusienne (culte de la force,<br />
du corps masculin, de la nature et de la liberté),<br />
l’utilisation de psychotropes (pour atteindre des<br />
transes où les forces de la nature se<br />
manifestent) et l’attente d’un messie<br />
hypothétique, sonnant « l’heure de la Quille »<br />
pour tout le monde (c'est-à-dire d’un monde<br />
sans guerre, où les soldats, dans une apocalypse<br />
fanatique, se donneront tous la mort pour<br />
bannir à jamais la haine entre les hommes).<br />
On dit que l’initiation au Sentier Lumineux (ce<br />
que l’on nomme les Mystères Lumineux) a réussi<br />
à s’introduire jusque parmi les Sardaukars,<br />
malgré leur conditionnement. Si le fait n’est pas<br />
avéré, il est par contre établi que le mouvement<br />
est né à Kaitain, par la fréquentation de soldats<br />
de certaines Grandes Maisons avec d’autres<br />
contingents venus également avec leur maître.<br />
Malgré plusieurs décès (overdoses, brutalité des<br />
rites d’initiation, sanction prise à l’égard d’un<br />
pratiquant), le SL continue de rencontrer un vif<br />
succès dans les forces armées des Maisons et de<br />
l’empire, peut-être grâce à l’appui discret de la<br />
missionaria protectiva.<br />
Doctrine Doctrine Doctrine Doctrine MMMMarc arcusienne arc arcusienne<br />
usienne, usienne citation attribuée au sage antique Zedong.<br />
L’Ecole Emaniste<br />
Parmi les différentes écoles existant dans la<br />
tradition mentat, l’école émaniste s’est<br />
longtemps distinguée par l’accent qu’elle<br />
mettait sur les pratiques prana-bindu afin<br />
d’atteindre l’état mental nécessaire aux mentats,<br />
ainsi que sur l’utilisation des mathématiques et<br />
de vieilles philosophies logiciennes dans les<br />
processus de déduction.<br />
Les recherches les plus récentes ont largement<br />
occulté cette école, mais il reste des mentats<br />
pour, à travers ses enseignements, reconnaître le<br />
bien-fondé de la Summa Makina.<br />
Sauf à leur prêter un rôle occulte dans certaines<br />
opérations, l’influence de ces hommes est<br />
cependant restée presque nulle, hormis dans la<br />
manière dont ils ont pu infléchir la politique des<br />
nobles qu’ils conseillaient, sans jamais toutefois<br />
aller à l’encontre de l’intérêt de la Maison<br />
(conditionnement oblige), lequel coïncide bien<br />
souvent avec l’oppression.<br />
Jeu à Seize<br />
Pour plus de détails sur ce concept, voir la<br />
rubrique consacrée à Skon Vilterbränd Abenaqi, au<br />
chapitre précédent.<br />
Surtout en vogue dans les clubs régionaux ou<br />
planétaires du Bluut, le Jeu à Seize est « une<br />
gangrène qui mine le monde des arènes en<br />
pervertissant les jeunes et en les amenant à la<br />
désobéissance » (baron Vicinius Kalpol).<br />
Bien que les clubs soient très surveillés, Jeu à<br />
Seize est, au-delà d’une compilation de discours,<br />
une véritable société secrète, recrutant parmi les<br />
joueurs et les supporters.<br />
13
Elle connaît plusieurs niveaux de responsabilités,<br />
des agents dormants, un système complexe<br />
d’initiation visant à ce que les hauts<br />
responsables ne puissent jamais être identifiés.<br />
Ses buts tiennent essentiellement à diffuser la<br />
parole vilterienne auprès du peuple, soit par des<br />
chants repris en cœur par les supporters dans les<br />
gradins, soit par des rumeurs colportées dans les<br />
couloirs des arènes, soit par des réunions<br />
secrètes tenues au milieu de la foule, soit par un<br />
endoctrinement dans les tavernes après les<br />
matchs…<br />
A ce jour, c’est un mouvement puissant, où<br />
fermentent les germes de la révolution mais<br />
auquel les nobles et l’empereur refusent de<br />
s’attaquer, tant le Bluut est populaire et tant la<br />
répression allumerait sans doute des foyers de<br />
guérilla dommageable aux économies comme<br />
aux populations.<br />
Kürzug-Bachir !<br />
Mouvement clandestin, préconisant la lutte<br />
armée contre les oppresseurs, Kürzug-Bachir !<br />
recrute surtout chez les pyons du prolétariat<br />
industriel ou agricole.<br />
Mêlant des accents oussoumannes, elferistes et<br />
vandelèdes, sa doctrine n’est pas très claire et<br />
varie considérablement suivant les mondes et les<br />
contextes où sont plongées les populations.<br />
L’essentiel tient cependant à une chose : lutter,<br />
avec tous les moyens disponibles, contre les<br />
nobles et leurs fidèles.<br />
Cela a pu prendre la forme d’infanticides<br />
(enfants nobles étouffés par leurs nourrices),<br />
d’attentats préparés (crash d’orni-suicide, par<br />
exemple), de perversions (accoutumance à une<br />
substance non toxique et donc non détectée par<br />
le goûte-poison, mais très addictive) jusqu’à des<br />
vendetta opérées dans le prolétariat lui-même,<br />
contre ceux qui refusent de rejoindre la lutte<br />
armée et de payer l’impôt révolutionnaire (des<br />
dérives fréquentes incitent les polices nobiliaires<br />
à assimiler ces mouvements à des mafias).<br />
Les appellations de Kürzug-Bachir ! sont<br />
nombreuses, mais un réseau tente, malgré tous<br />
les obstacles, de former une Interplanétaire, qui<br />
coordonnerait la révolte générale. On appelle ses<br />
partisans, Francs-Tireurs, ou Bachirii<br />
Le Dit de l’Arbre-Cristal<br />
Surtout en vogue chez les acteurs de théâtre, le<br />
DAC reprend l’essentiel de la doctrine elferiste et<br />
vandelède, pour diffuser un message de liberté<br />
au petit peuple à travers des représentations de<br />
marionnettes, de mimes, d’opéras ou de pièces<br />
de théâtre. Parmi tous les genres théâtraux, on<br />
dit que le genre pornographique est, compte<br />
tenu de son caractère naturellement confidentiel<br />
(à tout le moins sur une majorité de planètes), le<br />
meilleur vecteur des idées du DAC et que ses<br />
acteurs/actrices en sont les apôtres les plus<br />
convaincus – et les plus convaincants, d’après le<br />
Bene Gesserit.<br />
Malgré de multiples répressions, l’Arbre-Cristal<br />
(du nom d’une petite pièce en vers dont<br />
l’origine se perd dans la nuit des temps) a<br />
toujours et partout donné des rameaux et la<br />
contestation n’est, de ce point de vue, pas prête<br />
de s’éteindre. Le DAC n’a jamais donné lieu à<br />
des actes violents, mais il est arrivé que<br />
l’influence de Kürzug-Bachir ! se fasse sentir<br />
jusqu’à des attentats perpétrés sur scène, par les<br />
acteurs contre le public. La plus célèbre reste à<br />
ce jour la contamination à un virus foudroyant<br />
mis au point par les Tleilaxu, par une troupe de<br />
théâtre pornographique, de presque toute la<br />
famille du baron Morkin, laquelle avait participé<br />
à une représentation.<br />
Les Officiers Libres<br />
Contrairement à ce que leur nom laissent<br />
penser, les Officiers Libres n’ont rien de<br />
militaires, mais regroupent au contraire une<br />
nébuleuse de hauts serviteurs (chargés d’offices<br />
dans des Grandes Maisons), comme les<br />
chambellans, majordomes, veneurs, argentiers,<br />
intendants, gardes des sceaux, écuyers, etc. qui<br />
ont eu l’occasion de voyager dans la suite de<br />
leurs maîtres et ont été sensibilités aux thèses<br />
elferistes et aux bons mots okotistes.<br />
Le mouvement des Officiers Libres s’inspire<br />
cependant tout autant du courant libéral, par<br />
une communion de valeurs et d’idées qui les<br />
rapproche des entrepreneurs planétaires ; même<br />
s’ils se moquent volontiers des travers des<br />
nobles qu’ils côtoient tous les jours et dont ils<br />
peuvent remarquer les traits les moins flatteurs,<br />
les Officiers Libres sont profondément antirévolutionnaires<br />
et rêvent simplement d’une<br />
société plus juste, qui donne une chance à tous<br />
14
selon leurs mérites, sans bouleverser cependant<br />
l’ordre établi.<br />
Très peu d’actions sont à mettre au compte de<br />
cette organisation, dont le caractère secret n’a<br />
pas toujours été maintenu, suivant la libéralité<br />
des maîtres. Les plus régulières concernent les<br />
banquets qu’ils organisent quand plusieurs<br />
Officiers Libres se rencontrent et où on célèbre<br />
la bonne chère en se rappelant les blagues<br />
d’Okoto, après une vague cérémonie où sont lus<br />
certains passages de la Bible catholique orange<br />
et de vieux cantiques libéraux. Les Officiers<br />
Libres sont clairement les ennemis des Bachirii.<br />
L’Assemblée du Saint Sauveur<br />
Mouvement très ancien, constitué au départ en<br />
opposition aux réformes ayant conduit à la<br />
Bible catholique orange, l’ASS regroupe ceux qui<br />
se nomment eux-mêmes « Vieux Croyants ».<br />
Hormis les Livres Saints, les VC s’inspirent des<br />
idées d’Alice-Tau Bint Oussouman (pour les<br />
chants qui composent la liturgie), Elfer Jack-<br />
San-Bom (pour sa célébration de la pauvreté) et<br />
d’Hesa Vandeled Oo Punrik (pour sa vision du<br />
monde). L’accent de leur doctrine est mis sur<br />
l’opposition sainteté/pauvreté-souffrance-martyr<br />
– péché/pouvoir-fortune.<br />
L’ASS concerne surtout des populations<br />
reculées, attachés à des traditions d’un autre<br />
âge (on rencontre même certaines sectes de<br />
castrats volontaires, qui prétendent ainsi<br />
« rompre avec les tentations ») et en<br />
contradiction avec l’idéologie dominante de<br />
l’empire, où la puissance et la fortune sont des<br />
valeurs positives. Il arrive cependant que des<br />
gens « quittent le siècle » pour aller rejoindre<br />
des colonies de Vieux Croyants qu’un noble<br />
tolère sur un fief, parce qu’ils sont les seuls à<br />
bien vouloir s’installer sur des terres<br />
inhospitalières.<br />
Il est arrivé ainsi que l’ASS finisse par obtenir le<br />
monopole de l’extraction du mler, (un métal<br />
gazeux très utilisé dans l’agroalimentaire pour<br />
ses capacités de réchauffement), jusqu’à ce que<br />
le comte Vlar Kerjoug les chasse des puits pour<br />
y mettre ses esclaves.<br />
Les Vieux Croyants basculent rarement dans la<br />
violence, le pardon occupant une place<br />
essentielle dans l’idéologie, avec l’obligation de<br />
souffrir. Parfois cependant, un sicaire provoque<br />
un drame, en se jetant sur un noble qu’il tient<br />
pour possédé par un génie. Jamais l’une de ces<br />
tentatives n’a cependant rencontré de succès.<br />
Confrérie du Zenburkinapayat<br />
Tenant de la gymnastique et de l’art de combat,<br />
le Zenburkinapayat est une pratique sportive,<br />
médicinale et spirituelle très ancienne, dont les<br />
aspects martiaux ont été largement dépassés par<br />
les techniques mises au point depuis les maîtres<br />
et les écoles d’armes.<br />
Il en reste cependant une gymnastique efficace,<br />
assez proche par certains côtés des techniques<br />
prana-bindu (et de la philosophie zensunni, sans<br />
ses aspects messianiques), bien que bien plus<br />
rudimentaire. Prenant en compte tous les<br />
aspects de la vie, cette « gymnastique »<br />
comprend aussi bien des recettes de cuisine<br />
(visant à l’équilibre des aliments positifs/négatifs<br />
– chtoniens/aériens – clairs/sombres, selon des<br />
schémas complexes), que des massages, des<br />
techniques de relaxation, kinésithérapie et<br />
d’ostéopathie, de divination, de design, de<br />
méditation, d’évasion ou de strangulation…<br />
Les aspects moraux de la doctrine sont inconnus<br />
de la grande majorité des pyons de l’empire qui<br />
pratiquent le Zenburkinapayat dans leurs vies<br />
quotidiennes, mais ils ont été contaminés depuis<br />
longtemps par les thèses populaires (notamment<br />
par la poésie d’Elfer Jack-San-Bom) et par les<br />
préceptes naturalistes de la doctrine<br />
marcusienne, au point d’aboutir à la<br />
constitution d’une société secrète, recrutant<br />
dans les temples où les maîtres du<br />
Zenburkinapayat transmettent leur savoir, ou<br />
parmi les élèves des maîtres itinérants.<br />
La Confrérie regroupe actuellement le plus<br />
grand nombre d’adeptes des thèses populaires.<br />
Elle prend ses membres chez les administrateurs,<br />
les commerçants, les artisans, les scientifiques<br />
des villes petites ou grandes. Quelques grands<br />
penseurs actuels sont soupçonnés d’y appartenir<br />
(qu’ils pratiquent ou non le Zenburkinapayat).<br />
Pour l’heure, la confrérie n’a revendiqué aucun<br />
acte violent, mais travaille activement à saper les<br />
bases de l’oppression, aussi bien auprès de la<br />
population des fiefs des Grandes Maisons<br />
qu’auprès de celle des planètes de l’empereur ou<br />
du Bene Gesserit…<br />
Nicolas Sanson, 2005<br />
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