Polyphonies - Alliance des chorales du Québec

chansons folkloriques, nous étions tous
frappés par la beauté et la richesse vivante
de cette culture. C’est là que les chorales
se sont adressées aux compositeurs de ma
génération pour élargir le répertoire et
adapter les arrangements aux tendances
nouvelles.
P. Aborder l'écriture contemporaine par
ce biais semble plus aisé pour un chef.
Est-ce un leurre?
B. L. Le musicien qui se sert de son thème
pour se livrer à un jeu musical ou comme
d’un prétexte pour montrer sa science
d’écriture et qui tient pour secondaire la
compréhension des paroles, ne servirait-il
pas davantage sa propre réputation de
compositeur que la chanson ?
L. P. Disons qu'il permet d'allier l'ancien
et le moderne, l'archaïque et l'utopique.
Les exemples ne manquent pas à
l'étranger...Tormis et Kodaly bien sûr,
mais aussi Trond Kverno, Grete Helgerod.
Ces chefs de chœurs et compositeurs sont
aujourd’hui reconnus par leur utilisation
raisonnée du matériau populaire. C'est-àdire,
un équilibre entre appropriation,
interprétation et mémoire.
V. N. Non, cela pourrait être le cas des
arrangements de chansons de Brel,
d’Axelle Red... Ma propre pratique se
limite à la linéarité vocale appliquée au
folklore du domaine ethnomusicologique.
P. Le chant populaire est fait pour être
chanté par tous. Est-ce le cas de vos
harmonisations? Ne sont-elles pas
réservées à une élite d'initiés?
B. L. Mes harmonisations, conformes le
plus possible à ce que je pense qu’elles
doivent être pour rendre leur
apprentissage facile et agréable par les
chorales d’amateurs dont je connais bien
les possibilités, ne sont pas réservées à
une élite d’initiés.
Bien au contraire, cette élite ne chante et
ne chantera jamais de chansons populaires
sous quelque forme que ce soit.
L. P. J'ai toujours essayé de préserver la
dramaturgie de ces chants, à savoir
l'histoire racontée. Le chanteur et le chef
de chœur doivent alors se sentir impliqués
et transportés, guidés et finalement
complices de ce petit théâtre musical. Je
plie et je déplie à foison l'harmonie au gré
des aventures.
V. N. La plus grande partie de mes
dizaines d’arrangements (flamands) est
écrite d’une façon accessible à tous, parce
que je m’impose moi-même quelques
règles.
Il ne s’agit pas d’harmonisations, mais
d’une écriture linéaire où chaque voix
est aussi agréable à chanter que la
mélodie originelle. Cette linéarité
provoque des accords qui ne
[ TEMPS FORTS ]
correspondent pas nécessairement à
l’harmonie fonctionnelle, et qui sont par
contre souvent dissonants.
P. Quels conseils, musicaux ou
pédagogiques, donneriez-vous pour
l'interprétation de ces musiques ?
B. L. Des mises en scène simples inspirées
par les chansons peuvent amener les
choristes à se mettre en mouvement tout
en chantant. La décontraction qui en
résulte est très précieuse non seulement
pour rendre vivante la chanson concernée,
mais aussi pour l’interprétation de toutes
les autres pièces du répertoire de la
chorale.
Les ressources musicales et pédagogiques
que l’on peut puiser dans une
interprétation vivante et non académique
des chansons populaires sont réelles, de
même que les bienfaits qu’elles peuvent
apporter à la sonorité du chœur. Mais il
importe pour cela que le choriste ne soit
pas paralysé par de trop rudes difficultés
d’intonation et de justesse.
L. P. Simplicité et humour et toujours se
référer, une fois encore, aux petites
histoires cachées au creux de la grande.
V. N. Commencez par lire le texte d’une
façon approfondie. Le texte est au moins
aussi important que la musique. Chaque
strophe peut être chantée différemment
selon son contenu. Si le texte le permet,
“bougez-vous”, faites un peu de théâtre,
mais n’exagérez pas, cherchez le naturel.
Surtout, ne donnez jamais l’impression
que l’exécution est le fruit d’une lecture,
mais chantez comme si c’était de
l’improvisation spontanée.
PROPOS RECUEILLIS PAR FRANÇOIS FILLON
PAGE 5 I POLYPHONIES I FEVRIER 2007
© E. List