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• Diversifier les situations d'apprentissage: vers une ... - WebLettres

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<strong>•</strong> JEAN RENÉ KERESPERT<br />

professeur de lettres au collège Jacques-Prévert, Guingamp<br />

<strong>•</strong> <strong>Di<strong>vers</strong>ifier</strong> <strong>les</strong> <strong>situations</strong><br />

d’apprentissage : <strong>vers</strong> <strong>une</strong> routine<br />

n L’obligation faite de donner des notes d’oral a, dans un premier<br />

temps, inquiété, dans la mesure où la pratique de l’oral en classe est<br />

présumée toucher au plus affectif, au plus personnel, au plus intime,<br />

au plus sensible; d’où la tentation de se cantonner dans des pratiques<br />

d’oral très standardisées, très techniques, strictement scolaires, où<br />

l’élève serait le moins exposé, où on lui ferait prendre le minimum de<br />

risques.<br />

On peut déjà répondre à ces critiques et à ces préjugés :<br />

1. L’oral en classe ne concerne pas seulement l’exposé, la récitation,<br />

<strong>les</strong> débats, l’oralisation de textes; ce sont aussi des <strong>situations</strong> où <strong>les</strong><br />

échanges oraux servent aux apprentissages et à la construction de la<br />

pensée 1 .<br />

2. Tous nos élèves ne trouvent pas chez eux <strong>les</strong> interactions socia<strong>les</strong><br />

favorisant le développement des savoir-faire nécessaires à l’oral,<br />

comme «poser <strong>les</strong> bonnes questions», «écouter avec bienveillance<br />

pour prolonger, recadrer, relancer <strong>une</strong> con<strong>vers</strong>ation 2 ».<br />

3. L’oral n’est qu’apparemment plus dangereux que l’écrit : un<br />

élève s’expose autant dans <strong>une</strong> production narrative, et tout apprentissage<br />

demande <strong>une</strong> prise de risque.<br />

<strong>•</strong> NOTES<br />

1. Voir l’indémodable ouvrage d’Anne-Nelly Perret-Clermont, La Construction de l’intelligence dans<br />

l’interaction sociale, Peter Lang, 1979.<br />

2. Voir à ce sujet Pratiques langagières, pratiques socia<strong>les</strong>, d’E. Bautier, L’Harmattan, 1995.<br />

<strong>•</strong> 27


<strong>•</strong> <strong>Di<strong>vers</strong>ifier</strong><br />

La question alors est de savoir si l’oral s’apprend. Si oui, il peut<br />

s’évaluer et se noter, mais aussi faire l’objet de démarches di<strong>vers</strong>ifiées<br />

et différenciées…<br />

Certains enseignants ont cru bien faire dans leur évaluation de<br />

l’oral, en annonçant à leur élèves <strong>les</strong> critères selon <strong>les</strong>quels ces derniers<br />

allaient être évalués: «transparence», disaient-ils ; sauf que <strong>les</strong> fameux<br />

critères étaient élaborés, choisis et formulés par le professeur, sans que<br />

soient mises en place de véritab<strong>les</strong> <strong>situations</strong> d’apprentissage – qu’il ne<br />

faut pas confondre avec des «activités».<br />

Si effectivement l’oral et son évaluation sont un domaine sensible<br />

pour l’élève, il est d’autant plus important de le mettre au cœur des<br />

dispositifs, y compris de l’évaluation donc de la di<strong>vers</strong>ification. Pour<br />

cela, on peut aller chercher du côté de l’apprentissage di<strong>vers</strong>ifié des<br />

productions écrites.<br />

<strong>•</strong> L’écrit précurseur<br />

Lorsque au début des années quatre-vingt, dans le cadre de la rénovation<br />

des collèges, s’est posé le problème de la progression dans <strong>les</strong><br />

apprentissages des productions écrites – et donc celui de l’évaluation<br />

de ces écrits – un consensus s’est créé autour de quatre idées à savoir<br />

que, si l’on voulait que <strong>les</strong> élèves progressent à l’écrit, il convenait de:<br />

– faire émerger leurs représentations ;<br />

– intégrer la réflexion métadiscursive à l’apprentissage ;<br />

– élaborer et négocier avec eux <strong>les</strong> critères d’évaluation, c’est-à-dire<br />

mettre en place <strong>une</strong> évaluation formatrice ;<br />

– socialiser leurs productions.<br />

À partir de ces principes, qui permettaient la différenciation, on<br />

pouvait imaginer la démarche suivante, décomposée en six étapes,<br />

appliquée à l’apprentissage du discours narratif en 6e :<br />

<strong>•</strong> NOTE<br />

3. Évidemment intéressant, motivé, à partir d’un support «porteur»; nous n’entrons pas dans le<br />

détail pratique.<br />

<strong>•</strong> 28


<strong>•</strong> <strong>Di<strong>vers</strong>ifier</strong> <strong>les</strong> <strong>situations</strong> d’apprentissage<br />

Apprentissage du discours narratif<br />

méthode<br />

1. Dès le début de l’année, faire produire un récit 3 , ceci pour dégager la représentation<br />

de la notion de récit – celle de l’élève et celle de toute <strong>une</strong> classe.<br />

2. Faire observer par <strong>les</strong> élèves la production de leurs pairs en faisant lire et annoter<br />

soit un corpus de récits, soit l’ensemble des récits d’<strong>une</strong> classe, pour y signaler <strong>les</strong><br />

qualités et <strong>les</strong> défauts, pour y suggérer des conseils d’amélioration; l’ensemble des<br />

remarques métadiscursives permettra à <strong>une</strong> classe – prise dans son ensemble – de<br />

problématiser le savoir-faire à acquérir (raconter <strong>une</strong> histoire) en faisant encore<br />

<strong>une</strong> fois émerger ses représentations 4 , mais cette fois-ci à tra<strong>vers</strong> des remarques<br />

métadiscursdives.<br />

3. Faire élaborer des critères de réussite, des règ<strong>les</strong> à observer, des objectifs à<br />

atteindre, d’abord à partir des remarques, en langage «élèves», pour construire le<br />

référent commun minimal de la classe valable durant l’année scolaire, du moins<br />

pour <strong>une</strong> partie de l’année 5 .<br />

4. Proposer de nouvel<strong>les</strong> productions narratives di<strong>vers</strong>es, c’est-à-dire à partir de<br />

supports variés (BD, photo, image, phrases, scénarios, mots); ce n’est qu’après la<br />

réalisation de récits variés que la construction d’un savoir et d’un savoir-faire minimum<br />

est possible 6 .<br />

5. À partir du moment où l’élève est doté de ce minimum de compétences narratives,<br />

négocier avec lui des objectifs individualisés réalisab<strong>les</strong>, par exemple gérer <strong>les</strong><br />

paro<strong>les</strong> de personnages 7 , introduire des caractérisations et des dénominations pour<br />

<strong>les</strong> personnages…<br />

6. Une évaluation sommative n’est possible que par rapport à ces objectifs personnels<br />

attendus, parce qu’ils ont été discutés avec l’élève.<br />

<strong>•</strong> NOTES<br />

4. Une anecdote éclairera l’importance de la prise en compte des représentations des élèves: en<br />

début d’année, chaque élève d’<strong>une</strong> classe de 6 e avait lu l’ensemble des premières productions narratives<br />

de la classe. Le professeur avait d’emblée repéré la production d’un élève qui, seule, semblait<br />

être un «vrai» récit (c’est-à-dire répondant aux critères de complétude du schéma narratif<br />

simple), mais dont l’écriture et le contenu n’offraient rien de saillant; en revanche, tous <strong>les</strong> élèves<br />

avaient rejeté ce récit à l’unanimité, désignant d’autres productions – «pseudo-récits», récits<br />

inachevés ou textes descriptifs, tous «bien écrits» – comme étant des modè<strong>les</strong> de récit. On voit<br />

de quel matériau le professeur disposait pour mettre en place le fameux «conflit sociocognitif» et,<br />

surtout, quel malentendu pouvait s’installer entre ce professeur et sa classe…<br />

5. Pas pour toute l’année dans la mesure où des problèmes – ici d’écriture narrative – se résolvent;<br />

ainsi le passage du «racontage» ou «pseudo-récit» se fait assez rapidement en 6 e , par<br />

l’appropriation en lecture-écriture du schéma narratif simple.<br />

6. Pour le cas qui nous concerne, en écriture: le schéma narratif simple déjà signalé, la gestion<br />

minimale des personnages (dénomination, chaîne référentielle et caractérisation minimale),<br />

l’insertion des paro<strong>les</strong> de personnages.<br />

7. On peut ainsi répartir <strong>les</strong> élèves entre deux pô<strong>les</strong>: l’un <strong>vers</strong> lequel tendent <strong>les</strong> élèves qui n’introduisent<br />

pas du tout de paro<strong>les</strong> de personnages, l’autre qui attire <strong>les</strong> élèves dont <strong>les</strong> récits ne sont<br />

quasiment que des dialogues rapportés en discours direct, avec deux ou trois phrases de récit de<br />

liaison. L’objectif de l’enseignant n’est pas d’obliger l’élève à augmenter ou réduire la «dose» de<br />

paro<strong>les</strong> de personnages, mais de lui faire problématiser – donc gérer à sa façon – leur insertion.<br />

<strong>•</strong> 29


<strong>•</strong> <strong>Di<strong>vers</strong>ifier</strong><br />

Une quinzaine d’années plus tard, <strong>les</strong> quatre principes avancés plus<br />

haut ne semblent pas être mis en cause et, même si dans l’ouvrage<br />

qu’elle a dirigé 8 , Dominique Bucheton semble indiquer que la socialisation<br />

des productions des élèves serait l’axe à développer 9 , elle ne<br />

conteste pas la validité des outils que sont le travail sur <strong>les</strong> représentations,<br />

la réflexion métadiscursive et la construction d’outils d’évaluation<br />

avec <strong>les</strong> élèves, autrement dit l’évaluation formative.<br />

<strong>•</strong> Pour en revenir à l’oral<br />

Il a semblé tout à fait fructueux d’adopter ces principes lorsque le<br />

problème de l’apprentissage et de l’évaluation de l’oral s’est posé aux<br />

enseignants de lettres. Deux préoccupations ont d’emblée retenu l’attention:<br />

d’<strong>une</strong> part, celle du choix des productions ora<strong>les</strong> à travailler<br />

en classe et, d’autre part, celle de la labilité de l’oral qui – en apparence<br />

– gênerait l’évaluation et la réflexion métadiscursive. La réponse au<br />

problème du choix des activités semble simple si l’on considère que<br />

toute situation où <strong>les</strong> élèves doivent vraiment échanger des informations<br />

et/ou argumenter autorise la mise en place d’un dispositif oral, à<br />

condition de définir <strong>les</strong> objectifs que l’on veut atteindre, en particulier<br />

l’objectif général et constant de permettre à tout le monde de parler.<br />

Il s’agit aussi de proposer des dispositifs à la fois aléatoires et<br />

rigoureux, d’offrir des postures variées, de mettre <strong>les</strong> élèves en situation<br />

de réflexion métadiscursive, puisqu’il est, de fait, possible d’offrir<br />

aux élèves <strong>une</strong> socialisation variée dans le cadre d’<strong>une</strong> pratique de<br />

l’oral en classe. L’exemple suivant peut illustrer cette démarche.<br />

<strong>•</strong> 30<br />

Discuter avec un camarade méthode<br />

1. Faire parler <strong>les</strong> élèves par deux (interviewer/se faire interviewer; argumenter;<br />

parler d’un texte…), <strong>les</strong> duettistes étant observés par un témoin ou observateur<br />

«métadiscursif».<br />

2. L’ensemble des observations métadiscursives permettra à la classe – prise dans<br />

son ensemble – de problématiser le savoir-faire à acquérir pour mener à bien un<br />

dialogue constructif et d’élaborer <strong>les</strong> critères de réussite, <strong>les</strong> règ<strong>les</strong> à observer, <strong>les</strong><br />

<strong>•</strong> NOTES<br />

8. Conduites d’écriture au collège et au lycée professionnel, sous la direction de Dominique<br />

Bucheton, CRDP de l’académie de Versail<strong>les</strong>, 1997.<br />

9. Ainsi que des notions comme <strong>les</strong> rapports au langage, au savoir et à l’école.


<strong>•</strong> <strong>Di<strong>vers</strong>ifier</strong> <strong>les</strong> <strong>situations</strong> d’apprentissage<br />

objectifs à atteindre (d’abord en langage «élèves») ; <strong>les</strong> remarques de l’ensemble des<br />

élèves permettent de construire le référent commun minimal de la classe durant<br />

l’année scolaire sur l’activité «dialoguer avec un camarade sur… ».<br />

3. Proposer aux élèves des <strong>situations</strong> di<strong>vers</strong>es de dialogue intégrées aux<br />

séquences 10 et répondant aux objectifs propres de ces séquences, afin de permettre<br />

aux élèves d’acquérir un minimum de compétences de base pour mener à bien un<br />

dialogue.<br />

4. Dès lors que l’élève est doté de ce minimum, négocier avec lui des objectifs individualisés<br />

réalisab<strong>les</strong>, au cours des séquences di<strong>vers</strong>es.<br />

Une évaluation sommative sur la capacité de mener à bien un dialogue n’est possible<br />

que si l’élève a été mis tout au long de l’année en situation d’améliorer ses<br />

savoir-faire dans ce domaine, avec des objectifs visib<strong>les</strong>, lisib<strong>les</strong> et faisab<strong>les</strong>.<br />

<strong>•</strong> Orthographe, oral, écrit : même combat !<br />

De leur côté, <strong>les</strong> pionniers de la transposition didactique en matière<br />

d’enseignement de l’orthographe (voir Lettres ouvertes n° 14) ont été<br />

confrontés aux problèmes de la di<strong>vers</strong>ification et de la différenciation :<br />

en effet, s’il y a un domaine où ces deux exigences ont leur place, c’est<br />

bien dans celui de l’enseignement de l’orthographe au collège et au<br />

lycée. Or <strong>une</strong> démarche paraît comm<strong>une</strong> à tous ceux qui ont mis au<br />

point des démarches intégrées ou intégrab<strong>les</strong> 11 en matière d’orthographe.<br />

Elle peut être schématisée ainsi:<br />

Savoir orthographier<br />

méthode<br />

1. Faire produire «de l’orthographe»: faire écrire.<br />

2. Faire observer <strong>les</strong> productions attendues.<br />

3. Faire élaborer <strong>les</strong> règ<strong>les</strong>, d’abord en conservant le langage élèves.<br />

4. Mettre en place <strong>une</strong> co-évaluation diagnostique.<br />

5. Négocier des propositions de progressions personnel<strong>les</strong>.<br />

6. Proposer <strong>une</strong> évaluation sommative véritable, c’est-à-dire concernant des <strong>situations</strong><br />

d’apprentissage effectivement mises en place, des apprentissages effectivement<br />

réalisés.<br />

<strong>•</strong> NOTES<br />

10. Par exemple, faire <strong>une</strong> lecture analytique, rechercher des arguments,<br />

co-évaluer <strong>une</strong> production écrite…<br />

11. Intégrées ou intégrab<strong>les</strong> à des séquences.<br />

<strong>•</strong> 31


<strong>•</strong> <strong>Di<strong>vers</strong>ifier</strong><br />

<strong>•</strong> Vers <strong>une</strong> démarche « routinière » pour di<strong>vers</strong>ifier<br />

dans ses cours<br />

De tous ces exemp<strong>les</strong>, on peut dégager <strong>une</strong> démarche générale –<br />

applicable pour tout objectif d’écriture, de lecture ou de pratique de<br />

l’oral –, <strong>une</strong> routine au sens de Perrenoud : <strong>une</strong> pratique non exceptionnelle,<br />

mais quotidienne.<br />

<strong>•</strong> 32<br />

<strong>Di<strong>vers</strong>ifier</strong> en cours : démarche en six étapes méthode<br />

1. Produire: parler, écrire, lire<br />

Exécuter <strong>une</strong> tâche.<br />

Représentation de la tâche.<br />

Représentation de la notion:<br />

– de l’élève;<br />

– de toute la classe.<br />

2. Observer la production des autres (réflexion métadiscursive)<br />

Écouter et observer quelqu’un qui parle (en direct, sur cassette); lire et annoter un<br />

corpus d’écrits (qualités, défauts, conseils); examiner des hypothèses de lecture<br />

(valider, écarter, examiner).<br />

Représentation de la tâche.<br />

Représentation de la notion:<br />

– de l’élève;<br />

– de toute la classe.<br />

3. Élaborer des critères de réussite 12<br />

D’abord en langage «élèves», à partir des remarques d’élèves (réflexion métadiscursive).<br />

Le problème, pour l’oral, est la simultanéité de la production et de l’observation,<br />

mais <strong>les</strong> cassettes vidéo sont <strong>une</strong> solution possible.<br />

4. Productions, puis évaluation diagnostique<br />

Après la réalisation de tâches variées permettant la construction d’un savoir et d’un<br />

savoir-faire minimums (exemple: en 6e , être capable de faire un vrai récit, et non<br />

du «racontage»).<br />

5. Progression négociée<br />

Objectifs négociés, objectifs individualisés, tâches di<strong>vers</strong>es.<br />

6. Évaluation sommative<br />

Par rapport aux objectifs personnels, par rapport à un minimum attendu.<br />

<strong>•</strong> NOTE<br />

12. L’expérience montre que cette étape peut être atteinte à l’issue d’<strong>une</strong> première séquence. Une<br />

partie de l’évaluation de cette séquence concernera <strong>les</strong> compétences métadiscursives des élèves;<br />

<strong>une</strong> séquence ultérieure pourra commencer par la phase 4 de ce schéma.


<strong>•</strong> <strong>Di<strong>vers</strong>ifier</strong> <strong>les</strong> <strong>situations</strong> d’apprentissage<br />

Reprenons <strong>les</strong> étapes successives de cette démarche.<br />

Dans un premier temps, faire produire (parler, écrire, lire), faire<br />

exécuter <strong>une</strong> tâche, ceci pour dégager la représentation de la tâche ou<br />

la représentation de la notion – celle de l’élève et celle de toute la<br />

classe.<br />

Dans un deuxième temps, faire observer la production des autres,<br />

mettre <strong>les</strong> élèves en situation de réflexion métadiscursive, qui permettra<br />

à <strong>une</strong> classe – prise dans son ensemble – de problématiser un savoir<br />

ou savoir-faire à acquérir 13 .<br />

Dans un troisième temps, – d’abord en langage « élèves », ensuite<br />

dans un métalangage plus «scientifique» – faire élaborer des critères<br />

de réussite, des règ<strong>les</strong> à observer, des objectifs à atteindre, à partir des<br />

remarques d’élèves pour construire le référent commun minimal de<br />

telle classe durant telle année scolaire.<br />

Dans un quatrième temps, mettre <strong>les</strong> élèves en situation de production<br />

en proposant des tâches aussi di<strong>vers</strong>es que possible ; en effet, <strong>une</strong><br />

évaluation diagnostique n’est envisageable qu’après la réalisation de<br />

tâches variées permettant la construction d’un savoir et d’un savoirfaire<br />

minimums communs à <strong>une</strong> classe 14 .<br />

Dès lors que chaque élève est doté de ce référent commun minimum,<br />

il est possible de négocier avec lui des objectifs individualisés<br />

réalisab<strong>les</strong> (c’est-à-dire identifiab<strong>les</strong> et faisab<strong>les</strong>), à tra<strong>vers</strong> des tâches<br />

di<strong>vers</strong>es – variées, adaptées, avec des consignes spécifiques et/ou limitées<br />

– qui s’articulent dans <strong>une</strong> progression personnelle, au sein d’<strong>une</strong><br />

séquence ou sur l’année.<br />

Enfin <strong>une</strong> évaluation sommative n’est possible que par rapport à<br />

des objectifs personnels – donc par rapport à un minimum attendu – et<br />

au vu des apprentissages effectivement réalisés.<br />

<strong>•</strong> NOTES<br />

13. Par exemple, dès la mi-septembre, <strong>une</strong> classe de 6 e est capable de repérer l’ensemble<br />

des problèmes posés par l’écriture d’un récit.<br />

14. Par exemple, en 6 e , être rapidement capable de faire un vrai récit – et non du «racontage» –<br />

même bref, même peu intéressant.<br />

<strong>•</strong> 33


<strong>•</strong> <strong>Di<strong>vers</strong>ifier</strong><br />

<strong>•</strong> La lecture aussi<br />

On peut s’interroger pour savoir si cette démarche est applicable à<br />

la lecture analytique d’<strong>une</strong> œuvre intégrale ; la réponse est affirmative<br />

mais il est souhaitable que <strong>les</strong> hypothèses de lecture soient recueillies<br />

par écrit 15 .<br />

En effet, si, au cours d’<strong>une</strong> séance orale en classe entière, l’on<br />

demande aux élèves d’exposer «spontanément » leur interprétation<br />

(motivée) du texte à l’issue d’<strong>une</strong> première lecture (cursive), on a de<br />

fortes chances de mettre en place <strong>une</strong> situation où seuls ceux qui sont<br />

à la fois bons lecteurs et bons «tchatcheurs » prennent la parole 16 ;<br />

même si l’on divise la classe en groupes, la timidité de certains va peutêtre<br />

diminuer, mais la spontanéité au sein de chaque groupe ne sera<br />

pas aussi grande que souhaitée. Par contre, si l’on demande d’abord à<br />

chacun de donner son interprétation de l’œuvre par écrit – sa lecture –<br />

et que l’on renvoie au groupe l’ensemble des interprétations de la<br />

classe (ce qui constituera <strong>une</strong> base de données et sera matière à discussion),<br />

on peut alors confier à chacun dans son groupe <strong>une</strong> posture 17 et<br />

faire varier <strong>les</strong> postures dans la séance de telle sorte que chacun occupe<br />

successivement, et dans un ordre quelconque, au moins l’<strong>une</strong> de trois<br />

postures de base (parler, c’est-à-dire répondre ; parler, c’est-à-dire<br />

interroger; écouter, c’est-à-dire écrire ou observer). Les résultats<br />

seront alors bénéfiques pour le professeur et ses élèves.<br />

D’où la proposition suivante:<br />

<strong>•</strong> NOTES<br />

15. Nous reprenons l’idée avancée entre autres par Catherine Tauveron que la lecture est <strong>une</strong> production<br />

langagière.<br />

16. Voir, à ce sujet, «Les postures du lecteur», contribution de D. Bucheton à Lecture privée et<br />

lecture scolaire, CRDP de Grenoble, 1999.<br />

17. Questionneur, questionné, secrétaire, observateur «métadiscursif» d’un groupe, scrutateur<br />

dans <strong>une</strong> classe (QUR, QUE, SECR, OBS, SCRUTATEUR); postures à faire varier dans le temps<br />

et selon la tâche à effectuer.<br />

<strong>•</strong> 34


<strong>•</strong> <strong>Di<strong>vers</strong>ifier</strong> <strong>les</strong> <strong>situations</strong> d’apprentissage<br />

Lecture analytique de l’œuvre intégrale<br />

méthode<br />

1. Chaque élève verbalise et écrit individuellement ses hypothèses de lecture et ses<br />

remarques sur l’œuvre lue.<br />

2. Chacun lit – d’abord individuellement, ensuite dans un groupe – <strong>les</strong> hypothèses<br />

et remarques individuel<strong>les</strong> collectées par le professeur 18 .<br />

3. Chaque groupe choisit des remarques et des hypothèses comme base de relecture.<br />

4. Chaque groupe négocie <strong>les</strong> pistes de relecture choisies; le travail initial de verbalisation<br />

«spontanée» des réactions à la première lecture cursive (voir point 1) peut<br />

servir de base à <strong>une</strong> évaluation diagnostique.<br />

5. Le professeur accompagne chaque groupe, en fonction de sa problématique<br />

propre 19 .<br />

6. Évaluation sommative négociable 20 en fonction des obstac<strong>les</strong>, des progrès, des<br />

problèmes résolus; évaluation di<strong>vers</strong>ifiable avec choix de la «prestation» finale<br />

(exposé, dossier, oralisation… seuls ou combinés).<br />

<strong>•</strong> Les élèves ne sont pas aussi bêtes qu’on pourrait<br />

le croire<br />

Cette démarche a l’avantage d’intégrer l’ensemble des élèves d’<strong>une</strong><br />

classe; en effet, toutes <strong>les</strong> productions et toutes <strong>les</strong> remarques métadiscursives<br />

sont admises et présentées à la réflexion de chacun et à la discussion<br />

de toute la classe. Ce que l’on appelle « hétérogénéité d’<strong>une</strong><br />

classe» devient ici «di<strong>vers</strong>ité des élèves», dont ces derniers deviennent<br />

conscients: <strong>les</strong> pairs sont <strong>une</strong> richesse, quels que soient la classe et son<br />

supposé niveau. Par ailleurs, la possibilité d’exécuter des tâches<br />

variées multiplie pour l’élève ses chances de réussite 21 .<br />

<strong>•</strong> NOTES<br />

18. Le travail est long, mais il permet de constituer des archives personnel<strong>les</strong> réutilisab<strong>les</strong><br />

ultérieurement; cette information est mise en circulation dans la classe, en particulier pour enrichir<br />

ou modifier des problématiques de relecture.<br />

19. Un obstacle rencontré ou un problème soulevé par un groupe peut amener à <strong>une</strong> pause collective<br />

et à <strong>une</strong> mise en commun; la présence du professeur se révèle occulte mais puissante dans la<br />

mesure où il peut «dé<strong>vers</strong>er» ses contenus didactiques, puisque <strong>les</strong> élèves font appel à lui quand<br />

ils sont «mûrs» (Vygotski parlerait de «zone proximale de développement»).<br />

20. Cette idée d’<strong>une</strong> évaluation sommative négociable au fur et à mesure que se mettent en place<br />

<strong>les</strong> recherches et que s’effectuent <strong>les</strong> apprentissages semble être souvent utilisée par ceux qui ont<br />

déjà expérimenté <strong>les</strong> itinéraires de découverte ou des dispositifs de type TPE.<br />

21. Proposer d’écrire un récit à partir d’<strong>une</strong> photo, puis un autre récit à partir d’un dessin, d’un<br />

extrait de bande dessinée ou d’<strong>une</strong> liste de mots ou de personnages permet de faire varier – et<br />

donc émerger – la représentation qu’a un élève d’<strong>une</strong> tâche donnée (ici, produire un récit) et augmente<br />

donc ses chances de la réussir (voir l’encadré «Apprentissage du discours narratif»).<br />

<strong>•</strong> 35


<strong>•</strong> <strong>Di<strong>vers</strong>ifier</strong><br />

Un exemple illustrera notre propos.<br />

Un groupe de 3e réussit <strong>une</strong> prestation remarquable dans <strong>une</strong> activité<br />

de jeu théâtral; à la demande d’explication de cette réussite (on<br />

était à la phase «observer la production des autres »), un élève spectateur<br />

– jusque là «discret», «effacé» – analyse la qualité de la scène<br />

écrite et jouée par ses camarades en remarquant – avec ses mots à lui –<br />

que le comique était né d’un effet de redondances et de variations<br />

autour d’un même mot, toutes relevées et comptabilisées. Il venait de<br />

découvrir (et de faire découvrir à ses camarades) <strong>une</strong> des caractéristiques<br />

du langage théâtral sur l’enchaînement des répliques 22 .<br />

Cet exemple veut montrer, d’<strong>une</strong> part, que tout élève – même<br />

modeste – peut apporter sa pierre à la co-construction du référent<br />

commun – ici, celle de la spécificité du langage théâtral – et, d’autre<br />

part, que la démarche décrite n’interdit pas <strong>les</strong> apports didactiques du<br />

professeur, au contraire, puisqu’ils interviennent dans <strong>une</strong> situation où<br />

<strong>les</strong> élèves sont prêts à <strong>les</strong> accueillir. n<br />

<strong>•</strong> NOTE<br />

22. Voir Le Langage dramatique, de Pierre Larthomas, PUF, 1980, en particulier sur <strong>les</strong> appuis du<br />

discours et la concentration des effets, p. 282.<br />

<strong>•</strong> 36

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