HEIDEGGER ET LA LANGUE ALLEMANDE - Les Classiques des ...
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Georges-Arthur Goldschmidt, Heidegger et la langue allemande. II (2005) 22<br />
sitions indépendantes affirmatives (p. ex. 223 ou 241). Bestandsicherung<br />
et Wertsetzung ou Wert (223), Rangordnung comme plus loin<br />
Bezirk <strong>des</strong> Seins ou Weltinnenraum (291) rappellent partout le tracé<br />
spatial de la pensée.<br />
De plus l’expansion de l’allemand vers la gauche ce qu’on appelle<br />
la structure régressive, das Kunstwerk, d’art l’œuvre, dunkelblau, foncé<br />
bleu, Ziegeldach, tuiles toit force le déroulement de la pensée à un<br />
trajet inverse du français et la subordonnée allant toujours dans le<br />
même sens, la tentation de fermeture sur un espace délimité est grande.<br />
Die Sonne (le soleil), die Erde (la terre), der (ou das) Bereich (le<br />
domaine), das Töten (le fait de tuer). L’article défini est plus autoritaire<br />
qu’en français, il sert de désignation explicite : « Der da » là où le<br />
français dirait « lui, là. » Cela donne à ces textes de Heidegger un côté<br />
coup de poing, une Entschlossenheit, comme il le dit lui-même qui en<br />
font, c’est d’ailleurs ce qu’ils veulent être, <strong>des</strong> textes d’intervention,<br />
mais qui interviennent dans <strong>des</strong> geschlossene Wörter comme Fichte<br />
les nomme dans le V e discours.<br />
On dirait qu’il y a ensuite un renoncement, une banalisation de la<br />
langue dans les Holzwege, un échec linguistique, comme l’écrit Robert<br />
Minder der Schmetterer ist zum Leisetreter geworden (le tonitruant<br />
est devenu quelqu’un qui marche doucement), cette généralisation<br />
de l’article défini est beaucoup plus marquée qu’auparavant, la<br />
langue évolue vers une rigidité marquée, comme si la pensée ne parvenait<br />
plus à s’y inscrire aussi radicalement que souhaité, comme s’il<br />
y avait un frein intérieur qui ralentit la langue.<br />
Tout le problème de l’expression du philosophique est d’une certaine<br />
manière incarné par Heidegger. C’est la raison pour laquelle il<br />
revient constamment, surtout à partir <strong>des</strong> années 1940-41, sur la question<br />
de la langue, die Sprache, celle-ci étant, même s’il ne le dit pas<br />
toujours, explicitement l’allemand, comme pour Fichte, l’allemand,<br />
vieille lune qui ne cesse de luire, étant la seule langue authentique<br />
dans le concert européen, à cette différence près pourtant qu’il n’y<br />
avait pas pour Fichte de germanité exclusive.<br />
[116] Heidegger ne cesse justement de poser le problème de la langue<br />
hors de sa fonction comme instance de ce qui la devance, de ce<br />
qui devance la pensée. Il y a un délibéré dès l’abord chez Heidegger,