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Postillon-3.pdf PDF - Les renseignements généreux

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Villeneuve, l'utopie à l'agonie<br />

Portés par l’esprit de 68, les<br />

concepteurs du quartier de la<br />

Villeneuve entendaient « changer<br />

la ville pour changer la vie ».<br />

Près de quarante ans plus<br />

tard, un projet de rénovation se<br />

prépare pour changer l’image<br />

de ce quartier stigmatisé en<br />

cité.<br />

Cette « utopie des années 70 »<br />

était-elle une chimère ?<br />

Qu’en reste-t-il ?<br />

La Villeuneuve ?<br />

La nomination « La Villeneuve »<br />

regroupe des réalités très différentes.<br />

Deux quartiers : l’un sur la commune<br />

d’Echirolles, l’autre sur Grenoble.<br />

Ce dernier, regroupant 12 000 habitants,<br />

est constitué d’espaces bien<br />

différents, avec les grandes barres de<br />

l’Arlequin, les plus petits immeubles<br />

des Baladins et de la place des Géants,<br />

ou le quartier d’Helbronner.<br />

Ce papier se concentre sur la<br />

Villeneuve de Grenoble. Avec un<br />

nombre limité de rencontres et de<br />

lectures, cet article n’a pas la prétention<br />

d’être exhaustif. La Villeneuve<br />

mériterait un nouveau livre.<br />

Photo : sculpture de "l'indien" dans le parc Verlhac datant de 1977<br />

Vendredi, fin après midi. La barre d’immeubles<br />

de l’Arlequin toise les enfants<br />

à la sortie de l’école du Lac. Louise, la<br />

trentaine, sort tout juste de son boulot<br />

et attend son fils. Un grillage ceinture<br />

l’école depuis la rentrée. Signe d’un temps révolu<br />

du quartier utopique de la Villeneuve, où les écoles<br />

étaient ouvertes et proposaient un enseignement<br />

expérimental. « Ce n’est pas du tout pour « l’utopie<br />

des années 70 du quartier » que je me suis<br />

installée ici, d’ailleurs j’en avais jamais entendu<br />

parlé. J’habitais Fontaine et j’ai dû vendre l’appart<br />

dans lequel j’étais. J’ai cherché à Grenoble<br />

mais tout était trop cher. Et puis j’ai trouvé ici à<br />

Villeneuve. C’est d’abord parce que c’était moins<br />

cher et puis quand j’ai découvert le parc qui se<br />

cachait derrière la galerie de l’arlequin, je me<br />

suis dit que ça serait idéal pour une fille comme<br />

moi, seule avec un enfant. » Lydie, ivoirienne, la<br />

main serrée dans celle de son fils alpague Louise<br />

« je passe tout à l’heure chez toi, ok ? » Elle non<br />

plus ne connaissait pas le projet initial du quartier<br />

: « Ici, on est comme une famille. On se parle<br />

facilement. C’est clair que c’est une cité. Y a des<br />

jeunes qui crachent partout, qui font peur à nos<br />

gamins avec leurs motos mais ça reste un petit<br />

paradis la Villeneuve ! On a tout à côté, pas<br />

besoin de voiture ! »<br />

Sur la place du marché, tentatives de discussions<br />

impromptues avec des habitants de la Villeneuve<br />

: « Alors, que reste-t-il de l’utopie des années 1970 ? »<br />

demande-t-on naïvement. « Quelle utopie ? »,<br />

« De quoi ? », « qu’est-ce tu m’embrouilles ? »,<br />

« ... », « tu veux dire les motos ? », nous répondent-ils.<br />

Comme une impression de s’être trompés<br />

d’adresse. Ou d’être autant à côté de la plaque que<br />

le premier journaliste de TF1 venu.<br />

Et pourtant, on ne rêve pas. La Villeneuve cristallisa<br />

beaucoup d’espoirs au moment de sa<br />

réalisation, à tel point qu’on parla « d’utopie ».<br />

L’espoir de changer la vie en changeant la ville.<br />

Le Nouvel Observateur titre le 15 mai 1972 :<br />

« L’anti-Sarcelles : comment à la Villeneuve un<br />

groupe d’animateurs et d’urbanistes, la bande à<br />

Verlhac, a osé construire la ville où l’imagination<br />

aura enfin le pouvoir. » Un espoir allant jusqu’à<br />

susciter une curiosité et un engouement national :<br />

« Tout ce que la France a d’urbanistes, d’architectes,<br />

de sociologues, de pédagogues, d’élus, de<br />

journalistes en quête de renouvellement est venu<br />

voir la Villeneuve. Au début des années 70, elle<br />

fut le Mont-Saint-Michel de tous ceux qui aspirent<br />

à « changer la vie. »(1) Alors que s’est-il passé<br />

entre 1972 et 2009 ? Qu’est-il arrivé pour que le<br />

mot utopie, rattaché au projet de quartier au début<br />

des années 1970, suscite, quarante ans plus tard,<br />

incompréhension au cœur même de ce quartier ?<br />

« Transformer les rapports humains »<br />

Au commencement étaient d’un côté un grand<br />

terrain vierge, ancien aérodrome de Grenoble, et de<br />

l’autre une équipe municipale cherchant à apporter<br />

une réponse à la crise du logement des années<br />

1960 avec une volonté d’innovation sociale. La<br />

majorité municipale regroupe des membres de la<br />

SFIO (futur P.S.), du P.S.U. et du Groupe d’Action<br />

Municipale (GAM) fondé par Hubert Dubedout,<br />

élu maire de Grenoble en 1965. Autour de Jean<br />

Verlhac, adjoint à l’urbanisme, se monte un projet<br />

ambitieux surfant sur le « changer la vie » en<br />

vogue à la fin des années 1960. La commission<br />

de travail se dote d’une charte qui débute ainsi<br />

: « Le projet Villeneuve se caractérise par une<br />

volonté de transformer les rapports humains dans<br />

la cité. » Est donc mise en œuvre une série d’innovations<br />

sur l’architecture, la mixité, l’éducation<br />

et les initiatives autogestionnaires. <strong>Les</strong> voitures<br />

sont laissées à l’extérieur du quartier. Sous les<br />

immeubles serpente une rue couverte et piétonne<br />

afin de faciliter les rencontres. <strong>Les</strong> couloirs menant<br />

aux appartements sont des coursives communiquant<br />

entre plusieurs montées. Des passerelles<br />

piétonnes permettent de se rendre d’un côté au<br />

centre commercial, et de l’autre au Cargo, l’ancienne<br />

Maison de la Culture. <strong>Les</strong> locataires et les<br />

propriétaires cohabitent dans les mêmes montées<br />

et se partagent le quartier. Des logements pour<br />

handicapés, des résidences pour personnes âgées,<br />

un foyer pour jeunes en difficulté sont mis en place.<br />

Une Maison de quartier regroupe le collège, la<br />

bibliothèque, des salles de réunion, des ateliers et<br />

un restaurant libre-service. Une télévision de quartier<br />

et une maison médicale sont lancées. Beaucoup<br />

d’efforts sont concentrés sur les écoles, « recouvrant<br />

l’enjeu le plus important. » (1) Elles entendent<br />

mettre en œuvre une pédagogie différente,<br />

non autoritaire, expérimentale et s’intègrent à l’immense<br />

parc situé au milieu du quartier. « Pas mal<br />

de gens modifièrent leur vie en choisissant de venir<br />

à la Villeneuve. C’est un cadre de direction d’une<br />

entreprise de la région parisienne qui abandonne<br />

sa situation pour venir ici.(...) C’est un non-violent<br />

qui se sépare de Lanza del Vasto, des chèvres et<br />

des moutons, pour venir établir à la Villeneuve une<br />

petite communauté de l’Arche, ou bien un prêtre<br />

qui renonce au sacerdoce paroissial pour prendre<br />

un magasin, et qui s’établit comme marchand de<br />

journaux. » (1) L’Arlequin est peuplé à ses débuts<br />

de près de 50% de ménages de cadres moyens et<br />

supérieurs.<br />

Premières désillusions<br />

Dès les premières années, la réalité se révèle<br />

moins attrayante que l’utopie dépeinte à travers<br />

plaquettes et articles de presse. La télévision de<br />

quartier capote vite. Des cadres, volontaires au<br />

départ, le fuient. En 1979, soit 7 ans après l’arrivée<br />

des premiers habitants, « certains vivent encore à<br />

la Villeneuve, mais beaucoup n’ont pas pu tenir et<br />

sont partis. C’est qu’il n’est pas habituel, pour un<br />

cadre de vivre dans un grand ensemble, (...) c’est<br />

très bien sur le papier, c’est généreux, c’est très<br />

chrétien de gauche, mais c’est difficile à supporter<br />

| Le <strong>Postillon</strong> | numéro 3 - décembre 2009<br />

Le <strong>Postillon</strong> | numéro 3 - décembre 2009 |

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