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PHILOAVIVRE Les Enseignements des Indiens aux Occidentaux

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P H I L O A V I V R E<br />

<strong>Les</strong> <strong>Enseignements</strong> <strong>des</strong> <strong>Indiens</strong> <strong>aux</strong> Occident<strong>aux</strong><br />

ou<br />

Pourquoi a-t-on mis tant de temps pour reconnaître les croyances en la<br />

réincarnation chez les <strong>Indiens</strong>, Amérindiens et Inuits d'Amérique du Nord<br />

Dans la pensée occidentale moderne, outre les références à Pythagore et Platon, la notion de<br />

réincarnation est encore communément associée à la religion hindoue et à la philosophie bouddhiste.<br />

En 1994, l’anthropologue Antonia Mills (1) soulignait que le public en général et la plupart de ses<br />

confrères ignoraient à quel point les croyances entourant la réincarnation étaient présentes et<br />

fondamentales dans les cultures tribales, animistes, et shamaniques, du monde entier.<br />

L’ethnographie et l’anthropologie ont bien rassemblé <strong>des</strong> données relatives <strong>aux</strong> croyances en la<br />

réincarnation pour un grand nombre de cultures indigènes de la planète, mais sans que ces dernières<br />

soient étudiées pour elles-mêmes et d’une manière systématique (2). Ni la place centrale de ces<br />

croyances pour les peuples décrits, ni leur logique propre, n’ont été saisies par les divers<br />

observateurs, les ethnographes et anthropologues.<br />

Dans les années soixante, Mircea Eliade écrivait que la réincarnation était probablement une donnée<br />

présente dans les religions dès leur apparition (3). Mais cette idée n’a pas été relevée par d’autres<br />

chercheurs et elle est restée longtemps à l’état d’hypothèse. Cependant, depuis une dizaine d’années,<br />

grâce <strong>aux</strong> trav<strong>aux</strong> de certains chercheurs universitaires, la prédominance de la croyance en la<br />

réincarnation est attestée et bien documentée pour un grand nombre de cultures autochtones de<br />

l’Amérique du Nord.<br />

<strong>Les</strong> données factuelles, collectées et analysées scientifiquement, à la fois embarrassent et<br />

intéressent. Elles embarrassent parce qu’elles ébranlent un certain nombre de présupposés<br />

idéologiques rationalistes qui conditionnent depuis longtemps les divers champs de la recherche<br />

moderne.<br />

Elles intéressent parce que du coup, elles ouvrent de nouve<strong>aux</strong> champs d’étu<strong>des</strong> et de<br />

compréhension, non seulement du patrimoine culturel et spirituel de l’humanité en général mais aussi,<br />

et peut-être surtout, de l’être humain, de sa complexité et de ses mystères.<br />

Ainsi, avant de présenter quelques traits génér<strong>aux</strong> <strong>des</strong> diverses croyances <strong>des</strong> amérindiens<br />

d’Amérique du Nord relativement à la réincarnation (voir article: L'âme et la réincarnation chez les<br />

<strong>Indiens</strong>, Amérindiens et Inuits d'Amérique du Nord), il est certainement utile de brosser en général le<br />

contexte intellectuel dans lequel elles sont apparues, apparaissent encore, et que, d’une certaine<br />

manière, elles bouleversent.<br />

Histoire d’une découverte:<br />

La foi chrétienne et l’âme indienne<br />

Il aura fallu cinq siècles pour que les croyances <strong>des</strong> amérindiens et indiens d’Amérique du Nord en la<br />

réincarnation fassent l’objet d’étu<strong>des</strong> systématiques sérieuses et que soit reconnue la place<br />

prépondérante qu’elles occupaient dans leurs cultures. <strong>Les</strong> plus anciennes données disponibles<br />

relatives <strong>aux</strong> croyances <strong>des</strong> autochtones d’Amérique du Nord nous proviennent <strong>des</strong> missionnaires<br />

jésuites et datent de 1632 (4).<br />

Elles sont la source <strong>des</strong> premières références anthropologiques relatives à la réincarnation dans le<br />

Nouveau Monde.<br />

Pour remplir leur mission de conversion <strong>des</strong> Hurons, les jésuites devaient nécessairement partir <strong>des</strong><br />

conceptions autochtones de l’âme et de sa <strong>des</strong>tinée post mortem. Ils devaient le faire pour en<br />

démontrer l’erreur, travailler à les déraciner et finalement les remplacer par les conceptions<br />

chrétiennes du XVII siècle. Si cette mission religieuse était allégoriquement vue comme une «guerre»<br />

1


contre les forces sataniques, son objectif n’était cependant pas de détruire <strong>des</strong> âmes mais de les<br />

sauver, de «récolter <strong>des</strong> âmes».<br />

Au-delà du choc insoluble entre deux visions du monde, le combat se situant au niveau <strong>des</strong> âmes, les<br />

données <strong>des</strong> rapports <strong>des</strong> jésuites restaient dans les sphères du spirituel et du religieux.<br />

C’est grâce à cela que nous possédons aujourd’hui une source nous permettant d’avoir une certaine<br />

connaissance <strong>des</strong> croyances autochtones avant que ne se développe une forme de syncrétisme entre<br />

ces croyances et les conceptions chrétiennes. James Axtell écrit qu’à partir du moment où les jésuites<br />

commencèrent à gagner <strong>des</strong> convertis, ils se sentirent plus libres de laisser <strong>aux</strong> autochtones une<br />

certaine latitude de bâtir <strong>des</strong> ponts vers le christianisme à partir de leurs propres coutumes (5). C’est<br />

ainsi que s’est conservé un ensemble de croyances et de coutumes. Cela est positif, même si cela<br />

implique que l’effort actuel de reconstitution <strong>des</strong> croyances autochtones initiales doive nécessairement<br />

prendre en considération les influences <strong>des</strong> idées chrétiennes.<br />

Aristote plutôt que Pythagore et Platon<br />

Au XVII siècle, les jésuites sont puissants et très cultivés. Ils sont également les maîtres <strong>des</strong> écoles et<br />

de l’éducation. Le Ratio Studorium, un ensemble de règles conduisant l’instruction, place Aristote et<br />

Thomas d’Aquin (6) en tête de la bibliographie jésuite obligatoire. Concernant les idées relatives à la<br />

réincarnation, les jésuites connaissaient celles de la philosophie grecque et leur position à ce sujet<br />

était claire et fixée (7). D’une part l’Église, en 325, avait déjà tranché la question lors du premier<br />

concile de Nicée en frappant d’anathème la croyance en la réincarnation. D’autre part, Aristote leur<br />

fournissait une philosophie qui s’accordait à leurs propres conceptions de l’âme tout en servant la<br />

théologie, car elle permettait de fonder rationnellement la foi.<br />

Donc ni les idées de Pythagore, ni celles de Platon, au sujet de l’âme et de la réincarnation n’ont été<br />

retenues. Aristote, l’élève dissident de Platon, rejette les idées de son maître au sujet de la<br />

réincarnation. Il définit l’âme comme le principe formel du corps entier. L’âme ne peut exister sans la<br />

matière. Le corps et l’âme forment ensemble une unité inséparable. Dans cette perspective, il était<br />

logique que l’idée que l’âme puisse sortir et entrer de nouveau dans le corps, ou dans un nouveau<br />

corps, apparaisse comme une absurdité. Cependant comme Aristote finit par reconnaître l’immortalité,<br />

celle de «l’esprit agissant», et la transcendance de l’intellect, l’ensemble de sa philosophie rationnelle<br />

a très bien servi la pensée et les visées <strong>des</strong> jésuites.<br />

Un dialogue impossible<br />

Ce qui nous intéresse ici est l’idée que l’âme ne peut en aucun cas sortir du corps et qu’étant<br />

indissolublement liée au corps, elle est elle-même une unité qui ne peut se diviser. Or la conception<br />

de l’âme chez les peuples autochtones de l’Amérique du Nord est radicalement différente; l’âme est<br />

plurielle.<br />

Elle est complexe et paradoxale étant à la fois une unité et une pluralité. <strong>Les</strong> autochtones parlent<br />

même de plusieurs âmes pour un seul individu. Certaines parties de l’âme sont dotées de possibilités<br />

que d’autres non pas. Par exemple de franchir les frontières séparant la vie de la mort.<br />

Ainsi, au-delà du fait que la mission <strong>des</strong> jésuites était de convertir les autochtones, et non d’échanger<br />

<strong>des</strong> résultats d’expériences mystiques, il est compréhensible que leurs discussions n’aient pas<br />

débouché sur une compréhension partagée et un enrichissement spirituel réciproque. Un jésuite<br />

réagissait ainsi <strong>aux</strong> croyances autochtones; «Il est amusant de les entendre parler de leurs âmes… Ils<br />

pensent que l’âme est divisible et vous auriez toute la difficulté du monde à leur faire croire que notre<br />

âme est entière dans toutes les parties du corps…Dieu de vérité, quelle ignorance et stupidité!» Un<br />

autochtone répondait comme suit <strong>aux</strong> questions d’un jésuite sur la vie après la mort;<br />

«Demeure silencieux; tu es insensé; tu questionnes sur <strong>des</strong> choses que tu ne connais pas toi-même».<br />

Cependant les sources jésuites nous sont précieuses. D’une part parce que l’âme étant le sujet de la<br />

conversion visée, les jésuites ont questionné les autochtones à son sujet, et d’autre part car elles sont<br />

les seules qui nous transmettent une série de données sur la vision spirituelle autochtone dégagées<br />

<strong>des</strong> influences de la religion chrétienne. Antonia Mills, notant que les archives jésuites, même<br />

2


incomplètes sont une source importante, affirme que s’il y avaient eu plus de missions jésuites en<br />

Amérique du Nord, il ne nous aurait pas fallu attendre plus d’un siècle (c’est alors le siècle <strong>des</strong><br />

Lumières) pour obtenir de nouveau quelques mentions sur la croyance autochtone en la réincarnation<br />

(8).<br />

La raison occidentale, ses sciences et l’âme indienne<br />

Du «sauvage» au «civilisé»<br />

En effet, si les divers observateurs, ethnographes et anthropologues qui ont suivi ne menaient pas<br />

une «guerre» pour récolter <strong>des</strong> âmes, ils ne cherchaient pas non plus à comprendre en elles-mêmes<br />

ces humanités «nouvelles».<br />

Ils cherchaient plutôt à savoir quoi faire avec elles. Ils cherchaient à élaborer <strong>des</strong> théories permettant<br />

de les intégrer dans les cadres de la pensée européenne sans que cette dernière soit remise en<br />

question. Ils étaient conditionnés et limités dans leurs observations par leurs motivations et les<br />

objectifs qu’ils visaient (servir la christianisation, servir la colonisation, servir le mercantilisme (au XVIe<br />

et XVIIe), servir une nouvelle théorie qu’elle soit anthropologique, ethnologique, philosophique,<br />

politique, historique, sociale, etc.) Ils étaient limités et conditionnés par le système de valeurs et de<br />

références avec lequel ils cherchaient à penser l’autre, et par le développement progressif <strong>des</strong><br />

différentes formes du rationalisme et ses applications dans les diverses sciences.<br />

A partir du dernier quart du XVIIIe, les savants commencent à penser systématiquement et<br />

scientifiquement la question de l’homme suivant une idée issue d’une thèse a priori; l’humanité évolue<br />

universellement et linéairement, par divers sta<strong>des</strong> ordonnés chronologiquement, de la sauvagerie vers<br />

la civilisation. Le schéma évolutionniste à quatre sta<strong>des</strong> devient commun. Selon cette doctrine, la<br />

civilisation est le produit achevé de la raison et la référence est la civilisation européenne et son<br />

progrès historique depuis l’antiquité. Dans cette histoire universelle, le sauvage devient dès lors un<br />

primitif et l’on cherche à comprendre pourquoi il n’a pas progressé au même rythme que les Anciens<br />

(9)<br />

Deux autres mouvements intellectuels importants naissent au XVIIIe. L’un initie la comparaison <strong>des</strong><br />

coutumes et <strong>des</strong> institutions (10). Il conduit à considérer que le fait humain est un fait social. Enfin,<br />

avec la naissance de la science de la nature (Linné, Buffon, Blumenbach), l’homme entre dans<br />

l’histoire naturelle. Il devient dès lors l’objet de mesures scientifiques.<br />

L’indien, objet de connaissance<br />

Ces idées se développent et conduisent à la naissance d’une anthropologie scientifique et, à la fin du<br />

XIXe siècle, de l’ethnologie. Cette dernière est née de la rencontre de deux courants; l’un qui pense<br />

que seule une étude rationnelle scientifique, positive, <strong>des</strong> faits soci<strong>aux</strong> et culturels peut permettre<br />

l’explication ultime <strong>des</strong> phénomènes (représenté au niveau théorique par Auguste Comte et pratiqué<br />

sur le terrain par les ethnographes); et l’autre qui croit que l’on peut reconstruire rationnellement<br />

l’histoire de l’humanité en remontant scientifiquement <strong>aux</strong> origines en suivant le modèle <strong>des</strong> sciences<br />

naturelles. Ce qui est donc nécessaire, c’est de rassembler <strong>des</strong> données qui, quels que soit leur<br />

nature et genre, seront <strong>des</strong> «objets» sur lesquels appliquer, à distance, les lumières de la raison.<br />

Dans ces conditions, on comprend à la fois le développement <strong>des</strong> gran<strong>des</strong> collections ethnologiques<br />

et l’impossibilité d’une compréhension réelle <strong>des</strong> autochtones. Qu’est ce qui pourrait bien être appris<br />

<strong>des</strong> «croyances» de primitifs? Ce qui bloque toute possibilité de compréhension, c’est la thèse de la<br />

supériorité de notre culture, le préjugé de l’état primitif <strong>des</strong> autochtones, l’apriorisme qui consiste à<br />

utiliser comparativement les données ethnographiques pour soutenir une thèse intellectuelle, la vanité<br />

et l’arrogance rationaliste de prétendre «reconstruire» scientifiquement, et à distance, les cultures<br />

humaines et leurs histoires à partir <strong>des</strong> «éléments» soci<strong>aux</strong> et culturels.<br />

L’âme cartésienne et ses avatars<br />

René Descartes, qui a reçu l’instruction <strong>des</strong> jésuites, élimine les parties sensitives et sensibles de<br />

l’âme et la réduit à la raison. Pour Descartes, auteur du «Discours de la méthode pour bien conduire<br />

3


sa raison et chercher la vérité dans les sciences», seul ce qui peut être saisi logiquement et<br />

rationnellement peut être vrai. Or, les mo<strong>des</strong> d’expériences et de connaissances autochtones<br />

intègrent la totalité de l’être, mobilisant toutes les fonctions et les moyens à sa disposition (sensitivité,<br />

sensorialité, sensibilité, pressentiments, sentiments, intuition, etc.)<br />

L’application de la méthode cartésienne sur les idées autochtones ne pouvait donner que deux<br />

résultats. Réduire ces idées à <strong>des</strong> «objets» vi<strong>des</strong> de sens en eux-mêmes mais utiles pour la<br />

construction de nouvelles théories scientifiques sur l’évolution et le fonctionnement de la raison<br />

humaine. Ignorer ces idées après les avoir jugées comme pures expressions de l’irrationalisme.<br />

Ainsi, les conséquences du rationalisme furent beaucoup plus sévères que celles du prosélytisme<br />

jésuite. Le rationalisme décrète que l’âme appartient au stade de l’enfance de l’humanité. Avec<br />

con<strong>des</strong>cendance (le «bon sauvage») il excuse cette croyance en l’âme en la justifiant par l’absence<br />

ou par l’état embryonnaire de la raison, situation propre à l’enfance.<br />

C’est pour cela que le rationalisme diagnostique cette croyance comme une pathologie de la raison<br />

(irrationalisme, pensée magico-religieuse, etc.) quand elle se présente dans sa propre culture,<br />

puisque cette dernière est sensée avoir quitter l’enfance. Avec une telle idéologie, l’on comprend qu’il<br />

n’y a aucun sens à se préoccuper de ce que peuvent dire les «hommes sauvages» au sujet de l’âme,<br />

et encore moins à l’univers qui est le sien.<br />

La croyance en la réincarnation, lorsqu’elle était reconnue et notée, était classée comme un trait parmi<br />

d’autres dans les gran<strong>des</strong> catégories rationnelles de polythéisme ou panthéisme. C’est que<br />

l’anthropologie du siècle <strong>des</strong> lumières, et la philosophie qui s’y rattache, était dogmatiquement<br />

convaincue de la supériorité de la raison et de la civilisation européenne. <strong>Les</strong> données retirées <strong>des</strong><br />

observations <strong>des</strong> nations sauvages servaient à le prouver «scientifiquement» et à enraciner un ordre<br />

<strong>des</strong> valeurs dans lequel le «bon sauvage» était relégué parmi les ancêtres de l’homme moderne (11).<br />

Ce n’est que suite à la crise du rationalisme (au début du XIXe siècle) et grâce <strong>aux</strong> apports du<br />

Romantisme que l’anthropologie s’ouvre <strong>aux</strong> dimensions psychologiques et culturelles.<br />

D’une certaine manière, sans questionner la foi qui dicte que la raison est la voie exclusive de la<br />

connaissance, l’anthropologie accueille de nouveau ce qu’elle avait chassé deux siècles auparavant;<br />

les dimensions non rationnelles de l’être humain. Incontestablement la connaissance <strong>des</strong> peuples<br />

autochtones s’enrichit alors de données restées jusqu’alors largement négligées.<br />

Cependant, même si l’ethnologie traite différemment les données et même si les images, les<br />

symboles, les mythes sont considérés et finalement étudiés, suivant par exemple la méthode de la<br />

psychanalyse ou celle du structuralisme, ils sont réduits à <strong>des</strong> signes, à <strong>des</strong> allégories. La<br />

transcendance, que l’on décèle dans le langage symbolique, est elle-même réduite à un «effet» qui ne<br />

serait dû qu’à l’opacité de l’inconscient (12)<br />

En 1850, l’Américain L.H. Morgan séjourne chez plusieurs tribus, dont les Iroquois. Il est reconnu être<br />

l’un <strong>des</strong> premiers ethnologues «de terrain». Il est également l’un <strong>des</strong> fondateurs de l’étude<br />

comparative <strong>des</strong> systèmes de parenté (13) qui occupe toujours une place essentielle dans<br />

l’ethnologie. Morgan classe <strong>des</strong> terminologies et les ordonne en une séquence évolutive. D’autres<br />

métho<strong>des</strong> apparaissent comme par exemple l’étude comparative <strong>des</strong> corrélations entre certaines<br />

institutions, qui se prolonge dans l’analyse «cross-cultural» moderne (14)<br />

Ces diverses métho<strong>des</strong> suivent une démarche scientifique rigoureuse pour rassembler <strong>des</strong> faits, <strong>des</strong><br />

traits culturels, dresser une liste détaillée <strong>des</strong> rapports fonctionnels entre différents phénomènes<br />

culturels. Elles utilisent <strong>des</strong> métho<strong>des</strong> d’analyse rationnelle reconnues comme par exemple l’analyse<br />

statistique. Elles utilisent les résultats sont soit pour conforter, illustrer une thèse soit pour construire<br />

une nouvelle théorie. Ainsi s’il est indéniable que se développe une meilleure connaissance (dans le<br />

sens d’avoir plus d’informations) cela ne conduit pas à une meilleure compréhension <strong>des</strong> cultures<br />

étudiées. Elles restent encore <strong>des</strong> objets. A partir de la fin du XIXème siècle les constructions<br />

théoriques se multiplient. Elles luttent entre elles, se réforment les unes les autres, se contredisent, se<br />

complémentent, s’opposent, etc. Par exemple l’évolutionnisme et le diffusionnisme. La théorie <strong>des</strong><br />

emprunts et diffusion par contact <strong>des</strong> traits culturels à partir d’une source unique s’oppose à celle <strong>des</strong><br />

sta<strong>des</strong> évolutifs linéaires, fixés et obligés, de l’évolutionnisme.<br />

L’évolution <strong>des</strong> attitu<strong>des</strong> scientifiques, de la recherche et <strong>des</strong> cadres conceptuels<br />

4


La tendance à récolter et utiliser les données dans le seul but de prouver une théorie fixée à priori fait<br />

progressivement place à une attitude différente.<br />

Une nouvelle théorie peut être construite ou une précédente être réformée, mais à partir <strong>des</strong> résultats<br />

<strong>des</strong> étu<strong>des</strong> et analyses menées rigoureusement.<br />

C’est ainsi qu’au cours du XXe siècle a émergé la conscience de la nécessité d’obtenir toute<br />

l’information possible relativement au sujet étudié et non plus de se contenter d’une somme de<br />

données sur quelques traits culturels ou coutumes étranges plus ou moins arbitrairement choisis. La<br />

présence de l’ethnologue sur le terrain est devenue incontournable.<br />

En même temps le cadre conceptuel théorique a progressé de plus en plus vers <strong>des</strong> théories plus<br />

complexes et globales. Par exemple, pour Marcel Mauss, chercheur et théoricien qui s’inscrit dans le<br />

courant fondé par Émile Durkheim; «Le principe et la fin de la sociologie, c’est d’apercevoir le groupe<br />

entier et son comportement tout entier».<br />

Mais même si cette progression enrichit la connaissance <strong>des</strong> cultures étudiées, elle reste une<br />

observation intellectuelle, certes plus complète, plus ouverte, plus directe et plus réelle qu’auparavant,<br />

mais elle n’est ni un partage, ni une expérience, ni une «perception» directe. Émile Durkheim a donné<br />

une base conceptuelle à la sociologie et à l’ethnologie modernes, notamment en soutenant la<br />

spécificité et l’irréductibilité du fait social à <strong>des</strong> phénomènes d’un autre ordre comme la psychologie<br />

individuelle.<br />

<strong>Les</strong> <strong>Indiens</strong>, Amérindiens et Inuits ni ne pensent ni ne vivent ainsi. Chez eux, ce que nous appelons le<br />

«social» et le «psychologique» entretiennent <strong>des</strong> relations complexes et paradoxales. Cette réalité est<br />

irréductible à la théorie de Durkheim. Et de fait, elle n’a pas réussi à rendre compte <strong>des</strong> phénomènes<br />

religieux sans faire intervenir <strong>des</strong> notions psychologiques, comme celle de «sentiments collectifs».<br />

Le mode occidental de connaissance, basé sur la raison comme voie totalitaire et exclusive de la<br />

connaissance, s’oppose radicalement à celui de l’autochtone.<br />

En l’occurrence, il s’oppose à l’être humain que l’on étudie et que l’on cherche théoriquement à<br />

comprendre. L’Indien connaît par la participation, la communion, l’échange, la perception, l’intuition,<br />

bref par tout ce que la raison catalogue dans l’irrationalisme et la «pensée magico-religieuse».<br />

L’impossible compréhension<br />

Ainsi, après la notion jésuite de l’âme qui s’opposait radicalement à celle de l’indien, ce fut le mode de<br />

connaissance qui s’opposait radicalement à celui de l’indien.<br />

Dans les deux cas, la compréhension (même si c’est elle qui était vraiment recherchée) n’est pas<br />

possible. Pour le dire crûment, elle est empêchée par la vanité et l’arrogance tant de la foi dogmatique<br />

que de la raison totalitaire et dans tous les cas par l’ethnocentrisme.<br />

Il est certain que la reconnaissance que le tout est plus que la somme <strong>des</strong> parties, que ces dernières<br />

sont fonctionnellement interdépendantes et structurellement corrélées, est une nouveauté<br />

conceptuelle très valide et très utile à la connaissance du sujet. Mais il ne faut pas perdre de vue qu’il<br />

y a toujours réduction au niveau de la thèse générale. Le «tout» chez Durkheim est le fait social<br />

irréductible duquel finalement tout naît; le sacré par exemple, comme force collective provenant de la<br />

société. Le «tout» pour les fonctionnalistes, c’est la culture saisie comme l’intégration <strong>des</strong> institutions<br />

sociales dans le but de satisfaire tous les besoins de l’homme (Bronislaw Malinowski par exemple). Le<br />

«tout», c’est une unité fonctionnelle, un ensemble de structures, fonctions, relations sociales<br />

parfaitement intégrées comme dans un organisme (par exemple l’anthropologue anglais Radcliffe-<br />

Brown (15) qui rejette en même temps les théories évolutionnistes, l’historicisme et le diffusionnisme).<br />

Le «tout», c’est l’activité structurale universelle du mental (par exemple l’anthropologue français Lévi-<br />

Strauss explique la similitude <strong>des</strong> mythes dans de très nombreuses cultures non par leur contenu<br />

mais pas leur structure).<br />

Ce qui est remarquable, c’est que toutes ces théories s’avèrent applicables et qu’elles révèlent<br />

toujours <strong>des</strong> connaissances nouvelles sur les cultures étudiées. Mais sans pour autant les contenir<br />

complètement… Il y a toujours quelque chose qui échappe à la théorie, qui ne cadre pas avec les<br />

explications qu’elle permet. Ce «quelque chose» qui échappe à la théorie n’est pas un simple détail<br />

que l’on peut négliger: C’est un quelque chose qui appartient à une vision unitive, qui est elle-même<br />

un système interactif complexe. Dès lors, ce «quelque chose qui échappe» est un symptôme qui<br />

indique que c’est la vision théorique d’ensemble elle-même qui fait défaut.<br />

5


Il y a une limite constante qui semble de plus en plus appartenir beaucoup plus à la raison elle-même<br />

qu’<strong>aux</strong> insuffisances <strong>des</strong> théories. Il est en tout cas évident que l’objet étudié dépasse les possibilités<br />

de la raison même; la vision indienne si elle est effectivement bien décrite, voire expliquée sous de<br />

multiples aspects, reste insaisissable à la seule démarche rationnelle. Par contre ce que la raison doit<br />

saisir clairement, c’est que ces cultures sont très loin d’être «primitives» et ne correspondent en rien à<br />

un stade «d’enfance» !<br />

L’indien enseigne l’occidental<br />

Il est également très intéressant de constater qu’en définitive les étu<strong>des</strong> ethnographiques,<br />

ethnologiques, anthropologiques ont surtout permis à la conscience rationnelle occidentale de se<br />

découvrir, de se comprendre elle-même et de progresser vers plus d’ouverture, plus de complexité, et<br />

moins d’anthropocentrisme. Que cette évolution positive et nécessaire soit le produit d’étu<strong>des</strong> sur <strong>des</strong><br />

cultures que l’on croyait primitives, le fait que les théories rationnelles n’arrivent toujours pas à<br />

pleinement les «expliquer», cela nous indique que d’autres prises de conscience sont encore à venir.<br />

Il est curieux de constater que la pensée traditionnelle, la grande bannie de la pensée moderne qui la<br />

rejette comme pur irrationalisme, l’accuse de tous les m<strong>aux</strong>, incluant ceux produits par la modernité,<br />

continue d’enseigner et d’éveiller. Ces cultures sont bien plus que ce que les théories successives ont<br />

expliqué d’elles, et continuent d’expliquer d’elles.<br />

Ce fait continue de féconder positivement la conscience occidentale qui est poussée dans ses propres<br />

limites, qui est amenée à devoir faire face à ses propres préjugés, ses propres a priori, ses propres<br />

aliénations.<br />

La réincarnation un sujet d’étude scientifique<br />

Qui aurait pu penser il y a à peine quelques années que la réincarnation ferait l’objet d’étu<strong>des</strong><br />

scientifiques systématiques conduites par de nombreux chercheurs universitaires? Que la Société<br />

Canadienne d’Anthropologie inscrive une session sur les croyances relatives à la réincarnation chez<br />

les indiens d’Amérique du Nord dans le programme de son colloque annuel (1990) ?<br />

Que le même thème soit traité dans une session <strong>des</strong> rencontres de l’American Anthropological<br />

Association (Chicago, 1991)?<br />

Que serait publié pour la première fois un livre collectif sur ce même thème, rassemblant <strong>des</strong> résultats<br />

de recherches scientifiques, rigoureuses, conduites par <strong>des</strong> scientifiques réputés (16)?<br />

Ce mouvement qui pousse la conscience occidentale dans ses retranchements, et la force à dépasser<br />

les obstacles qu’elle a elle-même générés, ne se limite pas <strong>aux</strong> divers domaines <strong>des</strong> sciences<br />

humaines. Il suffit de se souvenir qu’hier encore la raison croyait que le mystère de la matière, et donc<br />

celui de la vie, que le mystère de l’univers, et donc celui de toute chose, allaient être résolus<br />

définitivement, en peu de temps et sur le cadavre de toute notion de transcendance, de spiritualité, de<br />

métaphysique. Il suffit de constater comment la Terre et le ciel dans toutes leurs dimensions,<br />

comment l’infiniment petit comme l’infiniment grand ont eux aussi échappé à cette croyance et ont<br />

ouvert la conscience rationnelle occidentale à d’autres territoires insoupçonnés, souvent même qui<br />

avait été rejetés.<br />

Ce mouvement, naturel semble t-il, d’émancipation de la conscience se poursuit. Dans le sujet qui<br />

nous intéresse ici, l’étude rigoureuse et méthodologique <strong>des</strong> croyances en la réincarnation débouche<br />

également sur un territoire où la raison frappe ses limites. Là également, la conscience occidentale<br />

contemporaine est obligée de faire face à ses préjugés les plus profonds et ancrés. Ceux qui<br />

soutiennent en fait la vision moderne du monde, de la vie et de l’être humain et dont notre civilisation<br />

est l’expression concrète.<br />

En effet l’objectif de <strong>des</strong>cription <strong>des</strong> croyances dans la réincarnation <strong>des</strong> autochtones s’est très vite<br />

retrouvé dépassé non seulement à cause de la nature même du sujet et le domaine qu’il implique;<br />

«l’âme» et le «paranormal», mais aussi à cause <strong>des</strong> «preuves» de la réincarnation, preuves avancées<br />

par les autochtones eux-mêmes. Certains anthropologues ne se sont pas contentés de décrire et<br />

6


d’analyser les croyances mais, avec la même rigueur scientifique, se sont également occupés de ces<br />

«preuves»<br />

Résistance rationnelle à l’étude <strong>des</strong> preuves de la<br />

réincarnation<br />

La réaction de leurs pairs est significative; les résultats de ces trav<strong>aux</strong> ne devraient pas être intégrés<br />

avec ceux qui se limitent <strong>aux</strong> analyses <strong>des</strong> <strong>des</strong>criptions. Touchant ce domaine dans lequel les objets<br />

sont l’âme et ses multiples dimensions, l’invisible et ses mon<strong>des</strong>, la raison naturellement se replie, se<br />

rebelle, et elle le fait encore plus, artificiellement, lorsque les préjugés sont toujours profondément<br />

enracinés.<br />

La position, plus ou moins directement énoncée, est que tout cela appartient au domaine de la<br />

croyance, celui de la religion, de la théologie, au «magico-religieux», bref à la foi ou encore au<br />

domaine de la non-croyance (ou croyance négative), celui de l’agnosticisme, de l’athéisme, du<br />

rationalisme, bref à la raison rationaliste.<br />

Mais les faits sont là. Ni l’ethnologie, ni l’anthropologie ne peuvent faire autrement que de les étudier.<br />

A moins de répudier leur propre évolution historique et rationnelle qui les a amenées à définir et à<br />

pratiquer une exigence déontologique et scientifique très élevée.<br />

Elles doivent être prêtes à faire face <strong>aux</strong> résultats même s’ils peuvent éventuellement effrayer la<br />

raison et remettre en question un certain nombre de convictions qui, bien qu’elles ne soient pas ellesmêmes<br />

prouvées par les sciences, dictent la vision occidentale sur la vie, l’univers, la conscience, etc.<br />

Bref, sur toutes les questions vraiment fondamentales.<br />

En supposant que l’étude <strong>des</strong> «preuves» finisse par démontrer qu’elles en sont vraiment, que la<br />

réincarnation, et donc l’âme, sont <strong>des</strong> réalités, la méthode scientifique, sa rigueur, sa déontologie, ses<br />

exigences, bref tous les acquis gagnés au cours de plusieurs siècle, tout cela ne serait nullement<br />

affecté. Il n’y a aucune raison à craindre cela. Richard Slobodin, professeur émérite d’anthropologie à<br />

l’université McMaster, déclare que les chercheurs qui se sont intéressés à la question <strong>des</strong> «preuves»<br />

concernant la réincarnation n’ont pas pour autant abandonné les explications structuralistes ou<br />

fonctionnalistes ou autres possibilités.<br />

De quoi a-t-on peur?<br />

Par contre, il est vrai que les fondements de la vision occidentale du monde, de la vie et de l’être<br />

seraient vraiment très bouleversés. Puisqu’ils sont également les fondements de la civilisation et<br />

culture occidentales, il est certain que cela serait une révolution extraordinaire. Si la peur existe, elle<br />

se situe certainement beaucoup plus à ce niveau qu’à celui d’une interrogation épistémologique. Peutêtre<br />

a-t-on tout simplement peur que cela puisse être vrai et <strong>des</strong> conséquences que cette vérité<br />

impliquerait.<br />

La tendance dominante, mais non générale, est de considérer à la légère les affirmations <strong>des</strong><br />

autochtones qui affirment être réincarnés, même dans les cas où ils présentent <strong>des</strong> faits observables<br />

qui sont pour eux <strong>des</strong> preuves objectives. Pourtant il y a là effectivement matière à observation,<br />

recherche, étude et analyse scientifiques, d’autant plus lorsque la place centrale <strong>des</strong> croyances en la<br />

réincarnation dans ces cultures est une donnée connue. Ce ne sont pas quelques cas isolés qui<br />

relèvent d’un folklore périphérique au sein d’une culture qui n’accorde que très peu d’intérêt au sujet.<br />

Richard Slobodin, oppose deux objections à cette attitude de repli face à cette possibilité d’étudier<br />

rationnellement ces témoignages; - Premièrement, s’abstenir en réduisant ces cas à du folklore traduit<br />

une position de supériorité, une attitude «de haut en bas» (en français dans le texte) envers les<br />

convictions <strong>des</strong> informateurs; - Deuxièmement, à partir d’une position dogmatique c’est tourner le dos<br />

à un champ de recherche qui offre <strong>des</strong> possibilités à la fois intéressantes et importantes (17).<br />

7


<strong>Les</strong> pionniers de la recherche scientifique relative à la<br />

réincarnation<br />

L’outil de recherche existe et les données sont présentes. Il n’y a plus qu’à s’engager avec intérêt et<br />

confiance dans ces recherches. Cela est beaucoup plus facile aujourd’hui qu’au XIXème siècle. La<br />

jeune science moderne s’engageait alors dans une voie totalement dominée par le matérialisme.<br />

Parler de l’âme était très risqué. Cependant un scientifique l’a fait, l’Anglais F. W. H. Myers.<br />

C’est le premier chercheur à avoir étudié la réincarnation en suivant une méthode scientifique<br />

rigoureuse. Myers pensait utile et nécessaire de «faire ce qu’il faut pour briser ce mur artificiel entre la<br />

science et la superstition» (18). A défaut d’élever cette pensée comme un objectif à reprendre, il est<br />

certain qu’il existe encore <strong>des</strong> murs artificiels qui retardent la connaissance. Peut-être ne sont-ils que<br />

<strong>des</strong> portes en papier…<br />

De nos jours c’est le professeur Ian Stevenson qui démontre pleinement que la méthode scientifique<br />

est applicable sur un sujet comme celui de la réincarnation. Depuis plusieurs déca<strong>des</strong>, avec le surplus<br />

de rigueur rendu nécessaire par les préjugés entourant ce sujet, Ian Stevenson a mené <strong>des</strong> enquêtes,<br />

collectes de données, recherches et analyses exemplaires. Stevenson étudie les croyances en la<br />

réincarnation. Mais ce qui le différencie vraiment est le fait qu’il étudie également la possibilité de son<br />

existence au travers de très nombreux cas de témoignages, appartenant tant <strong>aux</strong> cultures<br />

autochtones qu’à la culture occidentale, dans divers endroits du monde; l’Amérique du Nord, l’Inde, Sri<br />

Lanka, la Thaïlande, le Liban, la Turquie, le Brésil, l’Europe (19).<br />

Il est très important de comprendre que Stevenson ne cherche pas à prouver la réincarnation, il étudie<br />

rationnellement et scientifiquement la possibilité de son existence à partir <strong>des</strong> très nombreuses<br />

données factuelles qui concernent ce sujet. Ces données factuelles sont présentes dans le monde<br />

entier et il serait «irrationnel» de ne pas les étudier.<br />

Un mouvement d’ouverture encourageant<br />

Quelques chercheurs, anthropologues, psychologues, ont commencé à utiliser ses trav<strong>aux</strong> ainsi que<br />

sa méthode. C’est un signe encourageant, car le domaine effectivement «offre <strong>des</strong> possibilités à la<br />

fois intéressantes et importantes». C’est le cas d’Antonia Mills, qui suivant la méthode de Stevenson,<br />

a étudié <strong>des</strong> cas de témoignages de réincarnation chez les <strong>Indiens</strong> Gitksan de la côte Ouest du<br />

Canada.<br />

Il est certain qu’au-delà <strong>des</strong> variations existantes dans les croyances amérindiennes en la<br />

réincarnation, les exemples cités dans les données ethnographiques montrent une correspondance<br />

avec les modèles mis à jour par les étu<strong>des</strong> de Stevenson.<br />

Par exemple; - de jeunes enfants qui s’expriment comme la personne dont ils prétendent être la<br />

réincarnation; - <strong>des</strong> traits comportement<strong>aux</strong> et habiletés caractéristiques de la personnalité<br />

précédente; - <strong>des</strong> enfants qui disent être une personne dont la mort est connue avoir été soit<br />

prématurée, violente ou soudaine; - <strong>des</strong> phobies reliées à la façon dont la personnalité précédente est<br />

morte; - la perte progressive de la mémoire de la vie précédente lorsque l’enfant atteint un age entre 7<br />

et 9 ans.<br />

S’ouvrir au paranormal<br />

Mills, au sujet <strong>des</strong> étu<strong>des</strong> de cas qu’elle a conduites, a écrit qu’il fallait poursuivre l’étude <strong>des</strong><br />

données, mais que ces dernières avaient montré que certains éléments paranorm<strong>aux</strong> ne pouvaient<br />

pas être mis de coté (20).<br />

Ainsi il semble évident que sans délaisser l’ensemble <strong>des</strong> acquis en terme d’outils conceptuels,<br />

d’analyse, d’interprétation, de métho<strong>des</strong>, etc., si l’on veut aller plus loin, il est nécessaire de<br />

s’intéresser à d’autres domaines, à d’autres connaissances, à d’autres métho<strong>des</strong>, etc. dont les sujets<br />

8


d’étu<strong>des</strong> sont ces dimensions que craint la raison mais qui sont au cœur de toutes les cultures et<br />

civilisations dites traditionnelles.<br />

Grâce à l’étude de ces cultures traditionnelles, la conscience occidentale a toujours été confrontée<br />

<strong>aux</strong> limites de ces constructions théoriques. Elle a progressivement appris un peu plus sur elle-même<br />

et s’est découverte peu à peu.<br />

Vu cette histoire, il semble certain qu’elle ferait un autre grand saut si elle dépassait certaines peurs<br />

de la raison et s’ouvrait <strong>aux</strong> connaissances spirituelles traditionnelles. C’est en tout cas l’invitation que<br />

les <strong>Indiens</strong>, Amérindiens et Inuits lui lancent avec ce petit quelque chose de paranormal qui échappe<br />

encore à la théorie.<br />

Denis Bricnet<br />

(1) Mills, Antonia. 1994. American Rebirth, Reincarnation Belief Among North American Indians and<br />

Inuit. Introduction. Edited by Antonia Mills and Richard Slobodin. Toronto. University Of Toronto Press<br />

Inc.<br />

(2) Obeyesekere, Gananath. 1994. Reincarnation Eschatologies and the Comparative Study of<br />

Religions. In Reincarnation Belief Among North American Indians and Inuit (Foreword). Edited by<br />

Antonia Mills and Richard Slobodin. Toronto. University Of Toronto Press Inc.<br />

(3) Eliade, Mircea. 1964. Shamanism: Archaic Techniques of Ecstasy. Princeton. Princeton University<br />

Press.<br />

(4) Antonia Mills signale que la toute première mention de la croyance amérindienne en la<br />

réincarnation date de 1632. C’est un colon anglais (Strachey) qui la mentionne dans un de ses écrits<br />

en faisant un parallèle avec les conceptions pythagoriciennes.<br />

(5) Axtell, James. 1985. The Invasion Within: The Contest of Cultures in Colonial North America. New<br />

York and Oxford: Oxford University Press. 1985.<br />

(6) 1225-1274 Il a développé un vaste système liant l’aristotélisme à la philosophie chrétienne héritée<br />

de St-Augustin. Au XIXème siècle. L’Église catholique fonde le dogme chrétien ce système.<br />

(7) <strong>Les</strong> textes indous et bouddhistes ne furent traduits et accessibles <strong>aux</strong> chercheurs occident<strong>aux</strong> que<br />

3 siècles et demi après la colonisation du Nouveau Monde.<br />

(8) Mills, Antonia. 1994. American Rebirth, Reincarnation Belief Among North American Indians and<br />

Inuit. Introduction. Edited by Antonia Mills and Richard Slobodin. Toronto. University Of Toronto Press<br />

Inc.<br />

(9) A partir de Joseph-François Lafitau (1681-1746), auteur de Mœurs <strong>des</strong> Sauvages américains<br />

comparées <strong>aux</strong> mœurs <strong>des</strong> premiers temps (1724)<br />

Motsch Andreas. 2001. Lafiteau et l’émergence du discours ethnographique. Paris et Sillery, presses<br />

de l’Université de Paris-Sorbonne et Septentrion.<br />

(10) Notamment Jean-Nicholas Démeunier (1751 1814), Député <strong>aux</strong> États-Génér<strong>aux</strong> de 1789, tribun<br />

puis sénateur pendant le Consulat, auteur de L’esprit <strong>des</strong> usages et coutumes <strong>des</strong> différents peuples<br />

ou Observations tirées <strong>des</strong> voyageurs et <strong>des</strong> historiens (1776), livre que Claude Levi-Strauss a<br />

qualifié de «premier manuel d’ethnographie » de l’histoire de l’ethnologie.<br />

Place, Jean-Michel. 1988. Première réédition depuis 1776 Demeunier, Jean-Nicholas. L'esprit <strong>des</strong><br />

usages et <strong>des</strong> coutumes <strong>des</strong> différents peuples. Collection Gradivha, Paris.<br />

(11) Schwarz, Fernand. 1985. La Tradition et les Voies de la Connaissance. Meudon. Éditions NADP.<br />

(12) Ibidem<br />

(13) Le système de parenté a de nombreuses composantes, par exemple la filiation, la nomenclature<br />

<strong>des</strong> termes de parenté, la terminologie sous-tendant les systèmes de parenté, les attitu<strong>des</strong> de<br />

parenté, les diverses règles (du mariage, de résidence, etc.).<br />

9


(14) L’analyse cross-cultural cherche à mettre en évidence <strong>des</strong> corrélations entre phénomènes<br />

culturels en utilisant les métho<strong>des</strong> statistiques sur un grand nombre de sociétés. Elle est un <strong>des</strong><br />

courants de la recherche ethnologique moderne en Amérique du Nord (particulièrement <strong>aux</strong> USA).<br />

(15) Dans une politique antiévolutionniste et antihistoriciste, il approfondit l'approche fonctionnaliste de<br />

Malinowski tout en y associant une approche structuraliste de type empirique, qui fut ensuite critiquée<br />

et nuancée par Lévi-Strauss et l'école française. Il s'attacha à préciser les trois concepts<br />

fondament<strong>aux</strong> de structure, de fonction et de processus.<br />

À l'opposé de Malinowski, il accorda cependant une grande importance au changement socioculturel.<br />

Il s'efforça également d'analyser l'interdépendance entre l'individu et son environnement social<br />

(Structure et fonction dans les sociétés primitives, 1952).<br />

(16) Edited by Antonia Mills and Richard Slobodin. 1994. American Rebirth, Reincarnation Belief<br />

Among North American Indians and Inuit. Introduction. Toronto. University Of Toronto Press Inc.<br />

(17) Slobodin, Richard. 1994. The Study of Reincarnation in Indigenous American Cultures: Some<br />

Comments. In American Rebirth, Reincarnation Belief Among North American Indians and Inuit.<br />

Introduction. Edited by Antonia Mills and Richard Slobodin. Toronto. University Of Toronto Press Inc.<br />

(18) Myers, Frederic William Henry. Human Personality and Its Survival of Bodily Death (Studies in<br />

Consciousness). Édition Paperback 2001<br />

(19) Stevenson, Ian. 1997. Where Reincarnation and Biology Intersect. Praeger.<br />

(20) Mills, Antonia. 1994. Rebirth and Identity. In American Rebirth, Reincarnation Belief Among North<br />

American Indians and Inuit. Edited by Antonia Mills and Richard Slobodin. Toronto. University of<br />

Toronto Press Inc.<br />

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