LA LETTRE DE L'IPRAUS - Ecole Nationale Supérieure d ...
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2<strong>LA</strong> <strong>LETTRE</strong> <strong>DE</strong> L’IPRAUS 17<br />
Ci-dessus : Temple de Banteay Srei, Xe siècle (I. Gaulis, 2005).<br />
Éditorial<br />
Pierre Clément<br />
Angkor a émerveillé les voyageurs-découvreurs du XIXe siècle,<br />
passionné des générations d’architectes 1 et d’archéologues<br />
de l’<strong>Ecole</strong> française d’Extrême-Orient qui s’y sont installés dès<br />
1907, séduit le public parisien de l’Exposition coloniale de<br />
1931 et de l’exposition de sculpture du Grand Palais de 1997.<br />
Angkor, dont le temple majeur illustre le drapeau du<br />
Cambodge, fierté nationale, lieu de culte et gisement de<br />
ressources pour le renouveau du pays, a mobilisé dans un<br />
élan exceptionnel la communauté internationale, dès le<br />
début des années 1990, sous l’égide de l’UNESCO. Angkor<br />
attire aujourd’hui un nombre croissant de touristes, passant<br />
en 15 ans de quelques 40 000 visiteurs/an à près de 2 millions<br />
aujourd’hui.<br />
Mais Angkor est bien plus qu’une série de monuments<br />
prestigieux, c’est un ensemble de villes-capitales, déplacées<br />
sur un vaste territoire au cours des siècles. Si pendant<br />
longtemps on a considéré que la date de 802 pouvait être<br />
celle de l’origine d’Angkor, les recherches historiques et les<br />
découvertes archéologiques repoussent régulièrement plus<br />
avant l’occupation de ce territoire, qui, avant d’être un<br />
parc archéologique, a été une série de villes successives,<br />
fondations royales, comme nous l’ont montré les travaux<br />
de B.P. Groslier sur la cité hydraulique, de Claude Jacques 2 ,<br />
encore aujourd’hui de Christophe Pottier sur le territoire et de<br />
Jacques Gaucher sur la ville d’Angkor Thom.<br />
Angkor s’internationalise et de nombreux pays contribuent<br />
aux travaux entrepris aujourd’hui sous l’Autorité pour la<br />
Protection et la Sauvegarde du site, l’Autorité nationale<br />
APSARA, mise sur pied par son premier président, son<br />
Excellence Vann Molyvann, architecte 3 formé à l’<strong>Ecole</strong> des<br />
Beaux-Arts de Paris, ancien ministre et fondateur en 1966 de<br />
l’<strong>Ecole</strong> d’Architecture de Phnom Penh.<br />
La France reste cependant présente, grâce à des dispositifs,<br />
des institutions et des hommes : toujours par l’EFEO avec ses<br />
chercheurs, architectes et archéologues, dont certains déjà<br />
mentionnés, Jacques Gaucher, Christophe Pottier qui dresse<br />
dans cette Lettre un bref historique d’Angkor ou encore<br />
Pascal Royère qui remonte le Baphuon ; mais aussi grâce<br />
à un Fonds de Soutien de Projet (FSP), animé par Michel<br />
Verrot, architecte des Bâtiments de France ; ou encore par<br />
l’<strong>Ecole</strong> de Chaillot instaurant un cycle de formation régionale<br />
à la conservation et à la restauration du Patrimoine sous<br />
l’autorité de Pierre André Lablaude, architecte en chef des<br />
Monuments Historiques, en ce qui concerne les monuments,<br />
d’Alexandre Melissinos, en ce qui concerne le patrimoine<br />
urbain. Interviennent aussi les Japonais, co-présidents avec la<br />
France du Comité international de Coordination (CIC), par<br />
le biais de l’Université de Sophia qui vient de créer le Musée<br />
des 274 Bouddhas, découverts à Banteay Kdei, de l’Université<br />
de Tokyo au Bayon ; les Américains, par le biais de World<br />
Monument Fund (WMF), sur le Temple de Preah Khan, sur le<br />
Phnom Bakheng ou les terrasses orientales d’Angkor Vat ; les<br />
Allemands, les Italiens, les Chinois conduisent la restauration<br />
du temple Chau Say, les Indiens celle de Ta Prohm, les<br />
Australiens de l’Université de Sydney, en collaboration avec<br />
l’EFEO, travaillent sur l’eau et le contexte environnemental<br />
des temples ; les Thaïlandais étudient la route d’Angkor à<br />
Phimay... tous interviennent à divers titres et sur divers sites<br />
et monuments en collaboration avec le Département des<br />
Monuments et de l’Archéologie d’Apsara, mis sur pied par<br />
Ros Borath, architecte.<br />
Le parc archéologique, qui fait l’objet de la protection la plus<br />
stricte, s’étale sur quelques 400 km² (l’équivalent de cinq fois<br />
la superficie de Paris construit hors Bois de Boulogne et de<br />
Vincennes) et abrite sans doute une population de quelques<br />
100 000 habitants, répartis dans une série de villages.<br />
ANGKOR/SIEM-REAP<br />
Mais l’accès à Angkor se fait par la ville de Siem-Reap qui<br />
aujourd’hui connaît des transformations profondes : c’est sur<br />
elle que nous avons depuis quelques années porté un regard<br />
de chercheurs et d’enseignants.<br />
Le premier atelier de terrain dans le cadre du cursus de l’<strong>Ecole</strong><br />
nationale supérieure de Paris-Belleville, a été conduit en<br />
1993-1994, organisé comme une extension de l’enseignement<br />
sur les Métropoles asiatiques qui nous avait conduits, à la<br />
demande de Son Excellence Vann Molyvann, alors Ministre<br />
d’Etat et faisant fonction de Gouverneur de Phnom Penh,<br />
à travailler pendant trois ans sur la ville de Phnom Penh au<br />
moment de sa « réouverture » 4 en collaboration avec l’Atelier<br />
Parisien d’urbanisme (APUR) et Christiane Blancot, architecteurbaniste<br />
en particulier.<br />
Alors qu’avait été élaboré, entre 1994 et 1997, le Plan<br />
d’urbanisme de référence de la ville de Siem Reap (ARTE-<br />
BCEOM), s’appuyant largement sur les premiers travaux<br />
conduits précédemment sur la ville par Ros Borath et Aline<br />
Hétreau-Pottier dans le cadre du plan de gestion et de zonage<br />
d’Angkor (ZEMP), 1992-93, dans la suite de l’inscription sur la<br />
Liste du Patrimoine Mondial, Frédéric Mauret, architecte, avait<br />
conduit en 1996 dans le cadre de l’Ipraus, auprès du Bureau<br />
d’urbanisme d’Apsara naissant, sous la direction de Tepp<br />
Vatho, une première action spécifique sur l’identification du<br />
patrimoine 5 et le développement de la ville. Dans le même<br />
temps, Emmanuelle Gay faisait un mémoire sur l’eau et la<br />
ville 6 et un diplôme d’architecte sur le siège d’Apsara. Depuis<br />
d’autres anciens étudiants de Paris-Belleville se sont installés<br />
à Siem-Reap ou Phnom Penh et ont réalisé des œuvres<br />
architecturales significatives, Angkor Village (Olivier Piot) ;<br />
Centre de conférences Kantha Bopha, Salle de danse, Cyril<br />
et Lisa Ros (Asma Architectes).<br />
Les transformations rapides que connaît aujourd’hui la ville<br />
de Siem-Reap, l’enjeu important que son développement<br />
représente pour la préservation du site d’Angkor nous ont<br />
conduits depuis quelques années à mener diverses actions<br />
d’enseignement et de recherche que nous avons regroupées<br />
dans un Observatoire urbain de Siem-Reap/Angkor,<br />
architecture-patrimoine-développement, collaboration<br />
établie entre l’Ipraus et l’<strong>Ecole</strong> Française d’Extrême-Orient.<br />
C’est donc dans ce cadre que se développe, depuis 2004,<br />
l’atelier Angkor/Siem-Reap, studio de master de l’<strong>Ecole</strong><br />
nationale supérieure de Paris-Belleville, avec Cyril Ros, Inès<br />
Gaulis, Nathalie Lancret, Aline Hétreau-Pottier, Lisa Ros et<br />
Adèle Esposito. L’atelier a donné lieu depuis sa création à des<br />
expositions annuelles et des conférences au Centre culturel<br />
français de Siem Reap.<br />
C’est aussi dans ce cadre de l’Observatoire que s’inscrivent<br />
les recherches menées par Inès Gaulis sur les nombreux<br />
projets de coopération internationale concernant la ville de<br />
Siem Reap, initiés depuis 1991 7 et les thèses en cours d’Aline<br />
Hétreau-Pottier sur les mutations de la ville entre 1907 et 2007<br />
ou encore d’Adèle Esposito sur « la mise en tourisme » de Siem<br />
Reap et son impact sur les formes architecturales et urbaines.<br />
Le Bulletin de l’Observatoire n°1 publié en 2008 relate ses<br />
premières années de travaux. D’autre part l’Observatoire<br />
devrait participer, en octobre 2008 à Siem Reap, à une<br />
table ronde sur le développement actuel de la ville et<br />
ses implications/interactions avec le site archéologique,<br />
organisée par le Centre d’Etudes Khmères (CKS), avec le<br />
Bureau des Affaires Urbaines d’Apsara, le Getty Conservation<br />
Institute et le Pacific Rim Council for Urban Development<br />
(PRCUD).<br />
1 Le travail de Jacques Dumarçay, de Pascal Royère son successeur et<br />
de leurs équipes, remontant patiemment le temple du Baphuon, illustre<br />
toujours cette passion.<br />
2 Voir par exemple Claude Jacques, phot. Michael Freemann (2000),<br />
Angkor Cité khmère, Genève, Olizane.<br />
3 Voir Apsara-Unesco (1997), Angkor, Passé Présent et Avenir, Phnom<br />
Penh. Vann Molyvann a ensuite poursuivi des travaux de recherche sur<br />
les cités khmères anciennes et modernes : Vann Molyvann, (2003), Les<br />
Cités khmères anciennes, Phnom Penh, Apsara et (2003), Modern Khmer<br />
Cities, Phnom Penh, Reyum publishing ; recherches qu’il élargit aujourd’hui<br />
à l’histoire des villes de l’Asie du Sud-Est. Sur son œuvre et l’architecture<br />
moderne au Cambodge, voir l’ouvrage de Helen Grant-Ross (2006), New<br />
Khmer architecture. 1953-1970, Bangkok, 333 p.<br />
4 Une action conjointe APUR – IPRAUS sur le patrimoine de la Ville de Phnom<br />
Penh avait été conduite sous la direction de Christiane Blancot par Aline<br />
Hétreau-Pottier; voir Starkmann Nathan, Blancot Christiane (ed.) (1997),<br />
Phnom Penh. Développement urbain et patrimoine, ministère de la Culture,<br />
Atelier parisien d’urbanisme, Paris, 160 p.<br />
5 Frédéric Mauret (1996), Identification et protection du patrimoine<br />
architectural et urbain de la ville de Siem Reap, Rapport final, Ipraus/<br />
ministère de la Culture/Apsara.<br />
6 Emmanuelle Gay (1998), Etude de l’eau dans la cité de Siem Reap,<br />
mémoire de diplôme de <strong>Ecole</strong> d’Architecture de Paris Belleville.<br />
7 Inès Gaulis (2007), Les Leçons d’Angkor : dix ans de coopération<br />
internationale dans la région de Siem Reap/Angkor, Rapport de<br />
recherches, projet post-doctoral soutenu par une allocation de la Région<br />
Île-de-France, CNRS, UMR 7136 AUS, IPRAUS, 142 p.<br />
3<br />
<strong>LA</strong> <strong>LETTRE</strong> <strong>DE</strong> L’IPRAUS 17