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Allocution de Son Excellence Monsieur Moncef Marzouki Président ...

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XIV e Conférence <strong>de</strong>s chefs d’État et <strong>de</strong> gouvernement<br />

<strong>de</strong>s pays ayant le français en partage<br />

Kinshasa (RDC), les 13 et 14 octobre 2012<br />

<strong>Allocution</strong> <strong>de</strong> <strong>Son</strong> <strong>Excellence</strong> <strong>Monsieur</strong> <strong>Moncef</strong> <strong>Marzouki</strong><br />

Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la République <strong>de</strong> Tunisie<br />

à la cérémonie solennelle d’ouverture du Sommet <strong>de</strong> Kinshasa<br />

<strong>Monsieur</strong> le Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la République Démocratique du Congo,<br />

<strong>Monsieur</strong> le Secrétaire général <strong>de</strong> la Francophonie,<br />

<strong>Excellence</strong>s mesdames et messieurs les Chefs d’État et <strong>de</strong> gouvernement,<br />

Mesdames et messieurs les Délégués,<br />

Distingués invités,<br />

C’est pour moi un très grand plaisir mais aussi un moment d’émotion d’être dans ce pays à<br />

qui Dieu semble avoir donné tout et le reste. Mais c’est aussi un très grand moment d’émotion<br />

parce qu’il y a dans cette ville les mânes d’un grand homme qui a impressionné toute une<br />

génération, dont la mienne, Patrice Lumumba. Je suis le fils <strong>de</strong> cet homme, nous sommes <strong>de</strong>s<br />

millions à avoir été les fils <strong>de</strong> cet homme qui a marqué notre jeunesse parce qu’il était la voix<br />

<strong>de</strong> l’Afrique, <strong>de</strong> la liberté, <strong>de</strong> la dignité. C’est donc pour moi ici une sorte <strong>de</strong> pèlerinage. Je suis<br />

venu en pèlerinage rencontrer notre maître, cet homme qui m’a marqué indéfiniment.<br />

Je voulais donc remercier le peuple du Congo <strong>de</strong> nous avoir donné un tel homme, je voudrais<br />

remercier <strong>Monsieur</strong> le Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> nous avoir reçu et le peuple congolais <strong>de</strong> son hospitalité.<br />

Permettez-moi aussi <strong>de</strong> dire merci à l’homme qui est ici, assis à ma droite, <strong>Monsieur</strong> Abdou<br />

Diouf. J’en ai un souvenir personnel, puisque dans les années quatre-vingt-dix, j’étais un militant<br />

<strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> l’Homme, chassé et pourchassé. Je suis venu au Sénégal et, au risque <strong>de</strong><br />

déplaire au tyran <strong>de</strong> l’époque, il m’a reçu en montrant que les droits <strong>de</strong> l’Homme n’étaient pas<br />

pour lui que <strong>de</strong> simples paroles mais que c’était un engagement. Vingt ans après, permettezmoi<br />

<strong>de</strong> lui dire publiquement : « merci ».<br />

Si le « printemps arabe » a envoyé un message à tous les régimes et à tous les hommes<br />

politiques, dont ceux qui sont aujourd’hui au pouvoir en Tunisie, c’est bien celui-ci : faites les<br />

réformes et les vraies, sinon nous, les peuples, on vous y obligera. Ce message a été entendu<br />

en Tunisie. C’est pourquoi le gouvernement tunisien poursuit avec détermination le processus<br />

<strong>de</strong> transition démocratique et la construction d’un État <strong>de</strong> droit où seront respectés les libertés<br />

fondamentales et les droits <strong>de</strong> l’Homme. Et contrairement à ce que l’on dit, ce n’est pas<br />

l’islamisme qui triomphe en Tunisie mais la démocratie.<br />

Dans ses rapports au mon<strong>de</strong>, la Tunisie est un pays qui se trouve à la croisée <strong>de</strong> trois espaces<br />

façonnés par la géographie et l’histoire : l’espace musulman et arabe, l’espace méditerranéen<br />

et l’espace africain. Cette triple appartenance la met <strong>de</strong>vant sa première responsabilité, qui<br />

est <strong>de</strong> tirer profit <strong>de</strong> la chance que la géographie et l’histoire lui ont donnée. Ce n’est pas facile<br />

<strong>de</strong> s’assumer à la fois arabo-musulman, méditerranéen et africain. Des tensions au sein <strong>de</strong><br />

l’i<strong>de</strong>ntité nationale apparaissent, certains extrémistes voulant nier ou amoindrir telle ou telle<br />

composante <strong>de</strong> notre personnalité, si riche et si complexe. Mais la Tunisie a toujours su, malgré<br />

ces tensions, concilier les différentes faces d’elle-même et, <strong>de</strong> toutes les façons, elle n’a pas<br />

d’autre choix.<br />

Service <strong>de</strong>s conférences internationales <strong>de</strong> l’OIF<br />

http://www.francophonie.org


XIV e Sommet <strong>de</strong> la Francophonie Kinshasa (RDC), 13-14 octobre 2012<br />

Nous sommes fiers et décidés à promouvoir notre langue nationale mais, pour nous, cette<br />

langue nationale ne doit pas être une prison mais une ouverture. Et en cela, nous sommes<br />

aussi décidés à promouvoir l’enseignement et à gar<strong>de</strong>r ce butin <strong>de</strong> paix et nous allons le<br />

faire fructifier parce qu’il est déjà une partie <strong>de</strong> notre i<strong>de</strong>ntité nationale et parce qu’il nous<br />

permet d’avoir les meilleures relations avec nos partenaires du Nord ─ la France, la Belgique, la<br />

Suisse, le Canada ─ mais aussi parce que le français est déjà une langue africaine, comme<br />

l’a dit le Prési<strong>de</strong>nt François Hollan<strong>de</strong>. Et si nous voulons intégrer encore davantage l’Afrique,<br />

il nous faut maîtriser cet outil, le chérir, le gar<strong>de</strong>r et c’est ce que nous allons faire.<br />

Pour nous, la Francophonie, c’est cet espace qui nous permet au moins trois choses. D’abord,<br />

c’est un espace d’échanges. Nous voulons échanger nos connaissances, nos valeurs, nos<br />

cultures. Pour nous, cet échange ne peut être qu’enrichissant pour tous. Aujourd’hui, tous les<br />

peuples ont besoin <strong>de</strong> plusieurs espaces où ils peuvent échanger tout ce qu’ils possè<strong>de</strong>nt parce<br />

que c’est dans l’échange que nous pouvons nous retrouver et nous enrichir mutuellement.<br />

Mais la Francophonie est aussi pour nous un espace d’entrai<strong>de</strong>. La Tunisie est prête, avec<br />

ses propres moyens, à ai<strong>de</strong>r ses frères africains et nous sommes prêts à accepter toute ai<strong>de</strong><br />

qui nous viendrait <strong>de</strong> nos frères africains. Aujourd’hui, il est important pour nous que nous<br />

puissions réfléchir à l’entrai<strong>de</strong> Sud-Sud. La Tunisie est prête à apporter tout ce qu’elle possè<strong>de</strong><br />

dans cet espace d’entrai<strong>de</strong> et d’échange.<br />

Mais aussi, la Francophonie, pour nous, est un troisième espace. C’est l’espace où nous <strong>de</strong>vons<br />

unir nos forces car isolés, nous ne faisons rien ou pas grand-chose. Aujourd’hui, c’est le <strong>de</strong>stin<br />

du mon<strong>de</strong> qui est en jeu. Aujourd’hui, <strong>de</strong>s forces colossales sont en train <strong>de</strong> configurer le<br />

mon<strong>de</strong>. Aujourd’hui, nous sommes dans une phase historique, où justement les configurations<br />

qui vont être les configurations dominantes au cours du XXI e siècle sont en train <strong>de</strong> se jouer.<br />

Il faut que nous soyons parties prenantes <strong>de</strong> ces forces <strong>de</strong> configuration et que ces<br />

configurations aussi soient celles qui aillent dans le sens à la fois <strong>de</strong> nos intérêts nationaux<br />

et <strong>de</strong> nos intérêts locaux mais aussi <strong>de</strong> l’intérêt <strong>de</strong> l’humanité. Parce que je ne suis pas sûr<br />

que les forces actuelles qui sont en train <strong>de</strong> configurer le mon<strong>de</strong>, que ce soit au niveau<br />

économique ou social, prennent en compte l’importance <strong>de</strong> l’humanité, l’importance <strong>de</strong> l’humain.<br />

J’ai bien peur qu’au contraire, ces forces sont dédiées aux biens privés et que le bien commun<br />

va être sacrifié. Et c’est la raison pour laquelle nous avons besoin <strong>de</strong> cet espace où nous<br />

pouvons unir nos forces, justement pour que les configurations futures soient celles que nous<br />

voulons à la fois pour nous et pour les générations futures.<br />

Voilà pourquoi cet espace francophone est si important et voilà pourquoi la Tunisie va y jouer<br />

le rôle qu’elle voudra. Et voilà pourquoi je pense que nous avons un avenir en commun. Le<br />

mon<strong>de</strong> a besoin <strong>de</strong> ces espaces interculturels où <strong>de</strong>s peuples parlant <strong>de</strong>s langues différentes<br />

sont capables <strong>de</strong> s’entrai<strong>de</strong>r et d’unir leurs forces pour que ce mon<strong>de</strong> soit meilleur et surtout<br />

plus humain.<br />

Voilà, mesdames et messieurs, voilà le message que je voulais vous transmettre au nom <strong>de</strong><br />

ce peuple qui s’appelle le peuple tunisien. Un peuple qui est en train <strong>de</strong> façonner sa propre<br />

histoire, mais aussi l’histoire <strong>de</strong> toute une région, du mon<strong>de</strong> arabe et du mon<strong>de</strong> musulman.<br />

Et je vous garantis que c’est un message <strong>de</strong> fraternité et <strong>de</strong> paix.<br />

Permettez-moi aussi une petite pointe <strong>de</strong> chauvinisme. Je me plais toujours à rappeler que<br />

le nom <strong>de</strong> notre continent dérive du mot « Ifriqya », nom donné <strong>de</strong>puis la plus ancienne antiquité<br />

par nos paysans berbères à la région du Nord-Ouest : et j’ai été extrêmement étonné lorsque<br />

j’ai entendu, il y a une quinzaine <strong>de</strong> jours, <strong>de</strong> vieux paysans parler <strong>de</strong> la région du Nord-<br />

Ouest comme « Ifrigya ». Je n’oserais pas dire que nous sommes les premiers Africains<br />

mais nous allons essayer d’être parmi les meilleurs Africains.<br />

Merci.<br />

2 Service <strong>de</strong>s conférences internationales <strong>de</strong> l’OIF

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