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La publication - CAUE

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Éloge de l’architecte<br />

Pour Myrto Vitart, Céline Bretonnière et Christian Petit.<br />

Il dit tout, ce dessin de Chaval où l’on découvre, entre deux immeubles parfaitement<br />

d’aplomb, de niveau et d’équerre, une maison aux lignes incertaines et vacillantes<br />

face à laquelle un commentateur tempère : « Il faut tenir compte que l’architecte n’a<br />

que quatre ans »…<br />

Art d’exception que celui de l’architecte duquel on n’admet, au motif du fonctionnalisme,<br />

ni ingénuité, ni subversion, ni dérangement, sauf à apporter l’irréfutable<br />

preuve d’une raison nouvelle et supérieure, plutôt portée par la technique que par<br />

l’esthétique : l’architecte est cet artiste qui ne peut jamais faire passer des vessies<br />

pour des lanternes, moins encore des lumignons pour des fenêtres, du bleu Ripolin<br />

pour le bleu du ciel ou une lumière halogène pour la clarté du jour. Voilà dans quelle<br />

étroite marge se trouve tenu l’architecte, sur quel terrain miné.<br />

L’architecture, on le sait, est, dans son rapport à l’espace — poétique de l’espace —,<br />

l’égale de la peinture, et l’architecte citera plus volontiers Mondrian que Gropius.<br />

Pourtant, il reste tenu la bride haute quand le peintre file au triple galop : l’architecture<br />

est art de la contrainte, de la soumission et, sans doute, de l’humilité (qui se<br />

laisse parfois piéger jusqu’à devenir métier de l’humiliation et des renoncements) ;<br />

écrasée par le poids et les caprices des matériaux, elle doit encore passer par les<br />

goulots d’étranglement de la commande, les parcours d’obstacles de la législation,<br />

les labyrinthes du négoce et les chausse-trappes de l’habitude. L’architecte n’a droit à<br />

aucune liberté ; pardon, à presque aucune liberté, car c’est dans ce presque — territoire<br />

minuscule, territoire borné — que se ruine son art ou se révèle son génie.<br />

69<br />

14 sites lauréats - 14 textes d’auteurs<br />

Ainsi l’artiste est-il jeté dans un interstice balisé, les coudes à l’étroit, sans cesse menacé<br />

— et de toutes parts —, ne s’exprimant que sous hautes surveillances, tenu de<br />

respecter mille réglementations, soumis à l’engeance des contrôleurs de tout poil. À<br />

ce jeu plus surveillé qu’aucun autre, gagner devient clairement magistral.<br />

Ce texte a paru dans une version précédente<br />

dans Onyx : L’État de lieux, avec des<br />

peintures de René Patron et des photographies<br />

de Philippe Ruault, Saint-Herblain,<br />

CID Éditions, 1988.<br />

Bernard BRETONNIÈRE

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