La publication - CAUE
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parmi les quarante-trois écoliers, verra l’année 2130. Celui ou celle qui se rappellera<br />
une journée d’été autour de l’étang du Bambou, les roses trémières contre les façades,<br />
les drapeaux plantés sur le monument aux morts pour le 14 juillet, une messe en l’église<br />
Saint-Gervais-et-Saint-Protais, les tracteurs faisant voler la paille. Le cimetière où il<br />
fallait se rendre avant la Toussaint pour nettoyer les tombes, remettre du verre pilé<br />
sur celles qui n’étaient pas couvertes de marbre afin d’empêcher l’herbe de pousser,<br />
les noms sur les croix – famille Barbelivien, Pierre Richard – qui donnaient un vague<br />
sentiment de célébrité et ne signifient plus rien. Le café-épicerie, les murets de pierre,<br />
la voisine qui offrait les salades de son jardin, les sablières où il était interdit d’aller<br />
traîner. Et l’usine.<br />
88 14 sites lauréats - 14 textes d’auteurs<br />
Située à deux kilomètres du village auquel elle tourne le dos, elle se dresse sur un<br />
vaste terrain sec et jauni par la chaleur de juillet. Le bâtiment fait songer à un appareil<br />
photographique : la version transparente d’un polaroïd surmonté d’un énorme flash.<br />
Un appareil résolument décidé à éviter la nostalgie, à n’imprimer que des images<br />
d’avenir et d’espace. Dans l’entrée, j’examine les échantillons de revêtements. Plus loin,<br />
trémies et tapis roulants autour desquels s’affairent quelques personnes. Téléphones<br />
et ordinateurs. Bourdonnement et poussière de sable qui rend les doigts rêches. Par les<br />
longues fenêtres, j’aperçois dehors des palettes, des sacs, des camions remontant de la<br />
carrière et, plus loin, des champs de maïs. Mais nul parasol blanc.<br />
Deux kilomètres séparent l’église et l’usine, cent-vingt années s’écoulent entre leurs<br />
constructions respectives. C’est finalement peu. Une simple vie de doyenne. Un<br />
gouffre.<br />
Danielle ROBERT-GUÉDON