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l'europe, nouvelle frontiere pour la francophonie - Organisation ...

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L’EUROPE, NOUVELLE FRONTIERE<br />

POUR LA FRANCOPHONIE<br />

XI e SOMMET DE LA FRANCOPHONIE<br />

BUCAREST, 28 ET 29 SEPTEMBRE 2006<br />

Dossier réalisé par mfi médias france intercontinen ts<br />

l'agence multimédia de radio france internationale<br />

en partenariat avec l'organisation internationale de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong>


XI e Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement<br />

ayant le français en partage<br />

Bucarest, 28-29 septembre 2006<br />

EUROPE : NOUVELLE FRONTIERE POUR LA FRANCOPHONIE<br />

• Le nouveau visage de l’<strong>Organisation</strong> internationale de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong><br />

• Ouverture à l’Est : les enjeux <strong>pour</strong> <strong>la</strong> solidarité francophone<br />

• Droits de l’homme et démocratie : des valeurs communes<br />

• Promotion de <strong>la</strong> diversité culturelle : Europe et Francophonie, même combat !<br />

• Le français dans les pays d’Europe centrale et orientale<br />

STRATEGIES FRANCOPHONES DE SOUTIEN AU FRANÇAIS EN EUROPE<br />

• Au sein de l’Union européenne<br />

• Dans le monde universitaire<br />

• Dans le monde des affaires<br />

LA VIE DU FRANÇAIS EN EUROPE<br />

• Roumanie : une <strong>francophonie</strong> à <strong>la</strong> fois historique et d’avenir<br />

• Pologne, Lituanie, Slovénie : une <strong>francophonie</strong> en ébullition<br />

• République Tchèque, Slovaquie : l’attrait grandissant de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue<br />

• Italie, Portugal : comment <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong> résiste<br />

• Allemagne, Royaume-Uni, Suède : <strong>la</strong> force des échanges<br />

• La Francophonie a-t-elle une vocation européenne ? Cinq personnalités du monde des lettres<br />

se prononcent<br />

• Demain, un réseau des bibliothèques numériques francophones<br />

• Politiques migratoires : <strong>la</strong> Francophonie, <strong>la</strong>boratoire d’idées<br />

Fiche : Le français en Europe<br />

Fiche : Les dix premiers sommets francophones<br />

Dossier coordonné par Ariane Poissonnier<br />

Avec le concours d’Arlette Cirencien


N° 500<br />

06.08.16 Le nouveau visage de l’<strong>Organisation</strong> internationale de <strong>la</strong> Francophonie<br />

(MFI) Vingt ans après le premier sommet réuni à Versailles, <strong>la</strong> XI e Conférence<br />

des chefs d’État et de gouvernement des pays ayant le français en partage a lieu à<br />

Bucarest, en Roumanie. Un pays qui entra en contact avec <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue française voici<br />

deux siècles, et qui fut le premier des treize pays d’Europe centrale et orientale<br />

admis au sein de <strong>la</strong> Francophonie. Le fait que l’OIF se réunisse <strong>pour</strong> <strong>la</strong> première fois<br />

de son histoire dans une capitale d’Europe de l’Est met en lumière le nouveau visage<br />

d’une organisation qui a profondément évolué, du point de vue de sa composition<br />

comme de ses ambitions.<br />

« La Roumanie est le premier pays de l’Europe centrale et orientale à avoir été choisi comme hôte<br />

d’un Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement ayant le français en partage. Avec sa spécificité de pays à<br />

<strong>la</strong> fois membre de l’OIF et de pays qui obtiendra, le 1 er janvier 2007, le statut de membre de l’UE, <strong>la</strong><br />

Roumanie entend jouer un rôle de pilier régional dans <strong>la</strong> structure des pays francophones européens. » En<br />

quelques mots, le président roumain Traian Bãsescu, en page d’accueil du site (1) que <strong>la</strong> Roumanie consacre<br />

au Sommet de Bucarest des 28 et 29 septembre 2006, met l’accent sur le message essentiel de <strong>la</strong> Conférence,<br />

au-delà de son thème Technologies de l’information dans l’éducation : <strong>la</strong> Francophonie se vit aussi à l’est de<br />

l’Europe, et cette réalité européenne peut, du fait de <strong>la</strong> double appartenance à l’<strong>Organisation</strong> internationale de<br />

<strong>la</strong> Francophonie (OIF) et à l’Union européenne (UE) de certains des nouveaux membres, se révéler un atout<br />

majeur <strong>pour</strong> renforcer l’influence francophone.<br />

En effet, l’événement de <strong>la</strong> XI e Conférence des chefs d’État et de gouvernement des pays ayant le<br />

français en partage, c’est sa localisation : vingt ans après le premier sommet à Versailles (1986), le fait que<br />

les francophones se retrouvent dans une capitale d’Europe de l’Est met en lumière le nouveau visage d’une<br />

organisation qui a profondément évolué, du point de vue de ses membres comme de ses ambitions.<br />

Francophonie post-coloniale et <strong>francophonie</strong> post-soviétique<br />

Forte à sa naissance, en 1970, de 21 membres dont 13 africains – le continent de trois des cinq pères<br />

fondateurs, le Sénéga<strong>la</strong>is L.S. Senghor, le Tunisien H. Bourguiba et le Nigérien H. Diori étant son berceau<br />

historique –, <strong>la</strong> Francophonie a d’abord <strong>la</strong>rgement recruté au sud : au 1 er janvier 1990, elle comptait<br />

39 membres dont 25 africains. La dernière décennie du XX e siècle marque un tournant <strong>pour</strong> l’organisation,<br />

qui séduit alors bien au-delà de son bassin d’origine : elle accueille désormais 63 membres, dont 29 sont<br />

africains. La Francophonie des années soixante-dix, souligne un expert de l’organisation, était « postcoloniale<br />

» au sens où elle réunissait, pas uniquement mais principalement, d’anciens colonisateurs (France<br />

et Belgique) et d’anciens colonisés, <strong>pour</strong> <strong>la</strong> plupart africains. Pendant vingt-cinq ans, <strong>la</strong> Francophonie a vécu<br />

un fait culturel – le partage de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue française – comme un atout <strong>pour</strong> mieux coopérer, <strong>pour</strong> mieux<br />

développer les pays membres du Sud.<br />

En 1989, <strong>la</strong> chute du Mur de Berlin suivie de <strong>la</strong> disparition de l’URSS ouvre <strong>la</strong> voie à une<br />

<strong>francophonie</strong> « post-soviétique » : les pays d’Europe de l’Est et centrale, libérés de <strong>la</strong> tutelle communiste et<br />

soucieux de se désenc<strong>la</strong>ver, cherchent de <strong>nouvelle</strong>s portes d’entrée <strong>pour</strong> agir à l’international. Des<br />

24 nouveaux membres accueillis par l’OIF entre 1990 et 2005, 13 sont issus de cet espace européen où <strong>la</strong><br />

<strong>la</strong>ngue française porta longtemps les valeurs humanistes. Parallèlement, le sommet de Hanoï, en 1997, en<br />

créant un secrétariat général particulièrement chargé d’affirmer <strong>la</strong> présence francophone sur <strong>la</strong> scène<br />

internationale et en le confiant à l’ancien secrétaire général des Nations unies, l’Egyptien Boutros Boutros-<br />

Ghali, marque le passage d’une Francophonie culturelle et de développement à une Francophonie politique,<br />

3


une Francophonie d’influence. Dans une même logique de rationalisation des structures et de renforcement<br />

de <strong>la</strong> visibilité internationale, <strong>la</strong> <strong>nouvelle</strong> Charte adoptée en novembre 2005 à Tananarive fait de l’OIF<br />

l’organisation intergouvernementale unique de <strong>la</strong> Francophonie.<br />

L’OIF, un acteur politique reconnu et sollicité<br />

Aujourd’hui, nul ne songe à contester que l’OIF est désormais un acteur politique reconnu et sollicité,<br />

particulièrement après le rôle joué dans deux épisodes récents de <strong>la</strong> vie internationale. En 2003, lors du<br />

déclenchement de <strong>la</strong> guerre en Irak tout d’abord : c’est confortée par les francophones que <strong>la</strong> France put<br />

empêcher que le recours à <strong>la</strong> force soit autorisé par le Conseil de sécurité des Nations unies. En 2005, lors de<br />

<strong>la</strong> bataille autour de <strong>la</strong> Convention sur <strong>la</strong> protection et <strong>la</strong> promotion de <strong>la</strong> diversité des expressions culturelles,<br />

à l’Unesco, ensuite : c’est en grande partie grâce à une mobilisation francophone de longue haleine que le<br />

texte fut enfin adopté. Une action qui s’inscrit particulièrement dans le projet francophone : « Face à une<br />

mondialisation protéiforme et déshumanisée qui anesthésie nos espérances, soulignait à Genève en février<br />

2006 l’actuel secrétaire général, Abdou Diouf, le projet de « civilisation de l’universel » construit par<br />

Léopold Sedar Senghor, dont nous fêtons en cette année 2006 le centième anniversaire de <strong>la</strong> naissance,<br />

reprend tout son sens, sa pertinence, son actualité. Il n’est plus seulement séduisant, il est devenu<br />

nécessaire.(…) Des enceintes telles que <strong>la</strong> Francophonie peuvent être le lieu où recréer un multi<strong>la</strong>téralisme<br />

positif, suscitant des coopérations et des coordinations plutôt que des antagonismes. En effet, les problèmes<br />

peuvent s’y débattre sans faire intervenir d’emblée des re<strong>la</strong>tions de pouvoir et de domination. »<br />

Les membres européens de l’OIF peuvent accroître sa capacité d’influence<br />

Si les nouveaux entrants trouvent ainsi dans <strong>la</strong> Francophonie une enceinte plus démocratique que<br />

l’actuel système international, l’organisation peut en retour, grâce à ces nouveaux membres, accroître sa<br />

capacité d’influence. « Nous avons besoin, affirmait Abdou Diouf le 20 mars 2006 à Bucarest, d’une entrée<br />

réussie et fructueuse de votre pays dans l’Union européenne. Nous avons besoin d’une Roumanie vivante,<br />

active, créative et militante de <strong>la</strong> Francophonie dans l’Union européenne. (…) L’OIF compte actuellement<br />

11 Etats membres de l’Union européenne (2), et bientôt 13, et pas moins de 21 membres de l’<strong>Organisation</strong><br />

<strong>pour</strong> <strong>la</strong> sécurité et <strong>la</strong> coopération en Europe. Avec <strong>la</strong> Roumanie et ses voisins membres de notre<br />

organisation, membres ou proches de l’Union européenne, on mesure l’importance de <strong>la</strong> dimension<br />

européenne de <strong>la</strong> Francophonie. » Lucide sur ses moyens somme toute limités, l’OIF – et avec elle ses<br />

membres les moins développés – a tout à gagner à peser davantage au sein de l’Union européenne,<br />

notamment parce que celle-ci est le premier bailleur de fonds mondial. Mais aussi parce que l’avenir du<br />

français comme <strong>la</strong>ngue internationale se joue en partie au sein de l’Union.<br />

Une promesse et un défi <strong>pour</strong> l’organisation elle-même<br />

L’é<strong>la</strong>rgissement européen de <strong>la</strong> Francophonie est en outre, <strong>pour</strong> l’organisation elle-même, à <strong>la</strong> fois une<br />

promesse et un défi. Une promesse car le probable rattrapage économique des nouveaux membres devrait en<br />

faire, demain, des contributeurs conséquents au budget de l’OIF, une assise budgétaire é<strong>la</strong>rgie étant le gage<br />

d’une autonomie accrue. Un défi car l’OIF doit, sous peine de devenir une organisation à deux vitesses,<br />

réussir <strong>la</strong> symbiose entre <strong>francophonie</strong> post-coloniale et <strong>francophonie</strong> post-soviétique : <strong>pour</strong> l’instant, les<br />

pays du Sud sont majoritairement membres de plein droit, tandis que ceux d’Europe centrale et de l’Est ne<br />

sont <strong>pour</strong> <strong>la</strong> plupart qu’associés ou observateurs. En réfléchissant aux moyens de mieux intégrer ces derniers,<br />

de développer une cohésion accrue entre ses membres qui se connaissent peu ou mal, <strong>la</strong> Francophonie sera<br />

fidèle à son ambition, celle qu’Abdou Diouf définissait ainsi à Genève : « La Francophonie apporte, à<br />

l’universel abstrait de <strong>la</strong> norme et du droit, <strong>la</strong> richesse d’un universel concret, celui de l’échange dans le<br />

respect de l’Autre, afin que vivent et se déploient les cultures multiples de notre Humanité. »<br />

Ariane Poissonnier<br />

(1) http://www.sommet-<strong>francophonie</strong>.org/pag.php<br />

(2) Onze des 25 Etats de l’Union sont membres de l’OIF ; <strong>la</strong> Roumanie et <strong>la</strong> Bulgarie doivent entrer dans l’UE au 1 er janvier 2007<br />

(décision de <strong>la</strong> Commission en octobre 2006) ; <strong>la</strong> Croatie, membre observateur de l’OIF, attend que soit fixée <strong>la</strong> date d’ouverture<br />

des négociations d’adhésion; <strong>la</strong> Macédoine, membre associé de l’OIF, a été reconnue candidate le 15 décembre 2005 et l’Albanie,<br />

également membre associé de l’OIF, vient d’achever <strong>la</strong> négociation d’un accord de stabilisation et d’association, première étape de<br />

<strong>la</strong> procédure d’adhésion à l’UE. Source : Rapport d’information n°3133, Assemblée nationale française, 7 juin 2006.<br />

4


N° 501<br />

06.08.16 Ouverture à l’Est : les enjeux <strong>pour</strong> <strong>la</strong> solidarité francophone<br />

(MFI) L’arrivée au sein de <strong>la</strong> Francophonie de nouveaux pays, en particulier<br />

d’Europe centrale et orientale (PECO), ne manque pas de susciter des interrogations<br />

parmi ses membres traditionnels du Sud, notamment africains, qui redoutent,<br />

comme au moment de l’é<strong>la</strong>rgissement à 25 de l’Union européenne, une désaffection<br />

de leurs bailleurs de fonds. Mais l’ouverture à l’Est augure davantage d’un<br />

renforcement de <strong>la</strong> capacité de négociation internationale d’un ensemble<br />

francophone qui conserve, au cœur de sa stratégie, <strong>la</strong> solidarité et le développement.<br />

L’<strong>Organisation</strong> internationale de <strong>la</strong> Francophonie (OIF), qui compte 53 Etats et gouvernements<br />

membres et 10 observateurs, est sollicitée par de nouveaux candidats comme <strong>la</strong> Thaï<strong>la</strong>nde, l’Ukraine,<br />

<strong>la</strong> Serbie, Chypre, l’ordre de Malte et même le Soudan : candidatures en tant qu’observateurs qui<br />

seront examinées à son XI e sommet, à Bucarest en Roumanie, les 28 et 29 septembre 2006. « Nous<br />

sommes inquiets, mais en même temps fiers de constater que <strong>la</strong> Francophonie attire de plus en plus<br />

de monde, ce qui renforce notre capacité de négociation dans les instances internationales, politiques<br />

et économiques, souligne un haut fonctionnaire africain… A condition de mieux nous coordonner et<br />

de mieux nous connaître. »<br />

Conscients des questions qui se posent, même si elles ne sont pas ouvertement formulées en<br />

public ni en privé, les responsables francophones promettent une « meilleure information » et une<br />

« meilleure intégration des nouveaux venus ». A ceux qui se demandent si véritablement le français<br />

est <strong>la</strong>rgement parlé dans ces pays, ils rappellent <strong>la</strong> tradition francophone des élites européennes<br />

depuis le XVIII e siècle et le fait qu’en Afrique francophone même, tout le monde ne maîtrise pas<br />

forcément <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue officielle du pays.<br />

Certains responsables soulignent aussi que <strong>la</strong> Francophonie constitue une alternative à<br />

l’hégémonie américaine et au libéralisme à tout crin qui l’accompagne, puisque <strong>la</strong> solidarité et le<br />

développement restent au centre de <strong>la</strong> stratégie de l’OIF. D’autant que certains pays d’Europe de<br />

l’Est, qui connaissent une forte croissance économique, peuvent à terme devenir des bailleurs de<br />

fonds potentiels <strong>pour</strong> les plus pauvres et qu’ils ont déjà coopéré avec certains pays du continent<br />

africain au moment de <strong>la</strong> guerre froide, en tant que « pays frères » du Pacte de Varsovie.<br />

Les Européens, « agents d’influence <strong>pour</strong> les pays du Sud »<br />

« Le rapprochement avec l’Union européenne et celui avec <strong>la</strong> Francophonie vont de pair et<br />

sont l’une de nos priorités », souligne Youri Pyvovarov, chargé d’affaires ukrainien à Paris. Il évoque<br />

<strong>la</strong> tradition francophone des élites de son pays et <strong>la</strong> progression de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue française dans<br />

l’enseignement supérieur. Pour lui, l’entrée à l’OIF présente des avantages culturels, politiques et<br />

économiques. Lui aussi estime que les PECO peuvent jouer un rôle important au sein de l’Union<br />

européenne, premier bailleur de fonds des pays en développement, au même titre que d’autres<br />

nouveaux venus à l’OIF comme <strong>la</strong> Grèce, qui a demandé à passer du statut d’associé à celui de<br />

membre à part entière. « Les Européens peuvent être des agents d’influence <strong>pour</strong> les pays du Sud »,<br />

souligne un responsable de l’OIF qui rappelle que <strong>la</strong> <strong>nouvelle</strong> représentante de l’organisation auprès<br />

de l’UE, à Bruxelles, est <strong>la</strong> Roumaine Maria Niculescu.<br />

5


Les Africains maintiennent toutefois <strong>la</strong> pression <strong>pour</strong> qu’on ne les oublie pas. Ainsi, le président<br />

du Burkina Faso B<strong>la</strong>ise Compaoré, qui avait accueilli le précédent sommet en 2004, a proposé que le<br />

Mozambique et le Ghana puissent avoir leur p<strong>la</strong>ce auprès de <strong>la</strong> Francophonie. Le chef d’Etat<br />

mozambicain, Armando Guebuza, a d’ailleurs évoqué le sujet en juillet à Paris avec le secrétaire<br />

général de l’OIF.<br />

Abdou Diouf est conscient des enjeux et des défis auxquels doit faire face l’OIF qui a décidé<br />

d’adopter une plus grande visibilité et des stratégies agressives sur tous les fronts, à <strong>la</strong> mesure<br />

toutefois de ses moyens, qui restent limités. « C’est au cœur de l’Europe (…) que <strong>la</strong> Roumanie va<br />

accueillir notre XI è Sommet. Ce sera un moment important qui montrera combien compte <strong>pour</strong> nous<br />

ce bassin historique de <strong>la</strong> Francophonie, combien <strong>la</strong> Roumanie peut y jouer un rôle majeur, combien<br />

toute notre communauté, rassemblée autour d’elle sait manifester son sens de <strong>la</strong> solidarité, <strong>la</strong> valeur<br />

de son action », a-t-il déc<strong>la</strong>ré le 20 mars 2006 à Bucarest. A Genève, dans un autre discours consacré<br />

aux <strong>nouvelle</strong>s ambitions de <strong>la</strong> Francophonie, il avait évoqué <strong>la</strong> voie alternative que celle-ci<br />

représente : « Dans ce nouveau monde s’affiche certes un renouveau de <strong>la</strong> revendication<br />

démocratique, mais <strong>la</strong> pauvreté y progresse, les inégalités s’y accroissent, les identités, surtout<br />

quand elles sont minoritaires, sont malmenées. La montée en puissance du terrorisme et les <strong>nouvelle</strong>s<br />

formes de croisade qu’il engendre attisent les haines et les divisions, le repli sur soi. C’est dans ce<br />

contexte, où l’on oppose courageusement le multi<strong>la</strong>téralisme à l’hégémonisme, le dialogue des<br />

civilisations au choc des civilisations, <strong>la</strong> diversité culturelle et linguistique au repli identitaire, le<br />

partage maîtrisé et régulé des richesses à <strong>la</strong> loi pure et dure du marché et du profit, qu’on<br />

redécouvre aujourd’hui le discours et les valeurs des pères fondateurs de <strong>la</strong> Francophonie. »<br />

Une coopération multi-directionnelle<br />

Depuis 2002, l’OIF, qui regroupe pays riches et pays pauvres, insiste sur l’intégration des pays<br />

francophones en développement à l’économie mondiale, l’accès aux financements internationaux et<br />

une utilisation plus efficace des aides publiques au développement, et enfin le financement des<br />

industries culturelles. Elle a aussi multiplié <strong>la</strong> coopération non seulement avec l’Union européenne et<br />

les Nations unies mais aussi les organisations financières internationales comme le FMI et <strong>la</strong> Banque<br />

mondiale. Elle agit aussi auprès de l’<strong>Organisation</strong> mondiale du commerce (OMC) où les pays<br />

africains francophones ont réussi à faire avancer le dossier sur le coton.<br />

Evoquant, en juillet dernier, devant les parlementaires francophones, les réformes en cours,<br />

Abdou Diouf s’est voulu optimiste mais réaliste. « Tout ce<strong>la</strong> est en train de contribuer fortement au<br />

renforcement de <strong>la</strong> <strong>nouvelle</strong> OIF, de l’installer solidement sur <strong>la</strong> scène internationale comme un<br />

acteur qui compte, qui est écouté, dont on reconnaît l’apport spécifique et original, comme un<br />

partenaire crédible. L’é<strong>la</strong>n est donné, nous ne relâcherons pas nos efforts <strong>pour</strong> que ce travail<br />

produise des résultats tangibles en faveur de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue que nous avons en partage, en faveur de<br />

l’énorme enjeu que constitue <strong>la</strong> diversité culturelle, en faveur enfin de nos valeurs démocratiques, de<br />

paix et de justice économique et sociale. »<br />

Marie Joannidis<br />

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N° 502<br />

06.08.17 Droits de l’homme et démocratie : des valeurs communes<br />

(MFI) La Francophonie a tissé en Europe des liens substantiels autour du<br />

combat <strong>pour</strong> <strong>la</strong> défense et <strong>la</strong> promotion de <strong>la</strong> paix, de <strong>la</strong> démocratie et des droits de<br />

l’homme. Mais elle cherche encore ses marques <strong>pour</strong> appuyer <strong>la</strong> démocratisation en<br />

cours des pays postcommunistes.<br />

L’ouverture sur le monde des pays d’Europe centrale et orientale (PECO) s’est d’abord traduite<br />

par une volonté d’intégration à l’Union européenne et à l’OTAN. Nombre d’entre eux ont également<br />

choisi d’adhérer* à <strong>la</strong> Francophonie, entre 1993 et 2004, <strong>pour</strong> des raisons avant tout culturelles. Ces<br />

pays, qui ont toujours lutté <strong>pour</strong> sauvegarder leurs cultures nationales face aux empires germanique,<br />

ottoman, russe puis soviétique, et porteurs du lourd héritage des démocraties popu<strong>la</strong>ires, apprécient <strong>la</strong><br />

mission de l’<strong>Organisation</strong> internationale de <strong>la</strong> Francophonie (OIF) de promotion du pluralisme<br />

culturel et linguistique dans le respect de <strong>la</strong> souveraineté des États et des valeurs de liberté et de<br />

tolérance. Les critères d’adhésion à <strong>la</strong> Francophonie, moins contraignants que ceux de l’Europe<br />

(Copenhague, 1993), évaluent d’ailleurs le degré « d’attachement aux valeurs communes » en<br />

matière de démocratisation, de respect des droits humains ou d’exception culturelle (Sommet de<br />

Cotonou, 1995).<br />

Intégration aux réseaux francophones par les instituts de formation et les clubs de réflexion<br />

Compte tenu de <strong>la</strong> multiplicité des organismes internationaux ou européens d’appui à <strong>la</strong><br />

démocratisation en cours des PECO, « <strong>la</strong> Francophonie cherche encore ses marques », reconnaît<br />

Christine Desouches, déléguée à <strong>la</strong> paix, à <strong>la</strong> démocratie et aux droits de l’homme (DDHDP) de<br />

l’OIF. Elle dispose, parmi nombre de réseaux spécialisés (cours de cassation, cours des comptes et<br />

hautes juridictions, médiateurs ou instances de régu<strong>la</strong>tion, etc.), d’un outil précieux, le Réseau des<br />

instituts francophones des droits de l’homme, de <strong>la</strong> démocratie et de <strong>la</strong> paix, qui regroupe plus d’une<br />

trentaine d’instituts universitaires ou de formation des barreaux. Dans le cadre de <strong>la</strong> Déc<strong>la</strong>ration de<br />

Bamako, ce réseau favorise <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce du dispositif d’observation et d’évaluation permanentes<br />

des pratiques de <strong>la</strong> démocratie, des droits et des libertés. Membre du réseau dès sa création à<br />

Beyrouth en 2002, l’Institut roumain <strong>pour</strong> les droits de l’homme (IRDO) de Bucarest, dirigé par Irina<br />

Z<strong>la</strong>tescu, a obtenu en 1993 le statut de bibliothèque dépositaire du Conseil de l’Europe, l’organisation<br />

<strong>la</strong> plus ancienne du continent. Première étape de l’intégration des démocraties postcommunistes, le<br />

Conseil a en effet accueilli 18 PECO depuis 1990, apportant son assistance en matière<br />

constitutionnelle et de droit électoral, en vue d’un alignement sur les standards européens.<br />

L’intégration aux réseaux francophones concerne également les élites culturelles qui ont pris<br />

position publiquement <strong>pour</strong> <strong>la</strong> Francophonie. Ce réflexe francophone existe par exemple au sein du<br />

Club politique des Balkans, ONG de haut niveau qui réunit les dirigeants démocrates de <strong>la</strong> région,<br />

grâce notamment à son directeur exécutif, Siméon Anguelov, délégué permanent de <strong>la</strong> Bulgarie<br />

auprès de l’Unesco. Il organise une conférence sur <strong>la</strong> démocratie en septembre 2006 à <strong>la</strong>quelle des<br />

représentants de l’OIF sont conviés. Symbolique mais significative également, <strong>la</strong> mise en valeur de<br />

7


l’action francophone par <strong>la</strong> Roumanie lors de <strong>la</strong> 61 e session de <strong>la</strong> Commission des droits de l’homme<br />

de l’Onu à Genève : « Au sein de <strong>la</strong> Francophonie, nous avons aussi étudié les moyens de<br />

promouvoir d’une manière encore plus active <strong>la</strong> démocratie et les droits de l’homme », a souligné<br />

l’ambassadeur auprès des Nations unies, Doru Costea, dont l’intervention a permis de faire figurer <strong>la</strong><br />

Déc<strong>la</strong>ration de Bamako dans <strong>la</strong> Résolution Démocratie et Etat de droit.<br />

Vers un projet d’instrument international sur les droits et devoirs des observateurs ?<br />

Outre l’appui aux centres de formation aux droits de l’homme, <strong>la</strong> Francophonie est présente à<br />

travers ses missions d’observation électorale, qu’elle réalise à <strong>la</strong> demande des pays concernés<br />

(Albanie, Macédoine, Moldavie), en col<strong>la</strong>boration avec l’<strong>Organisation</strong> <strong>pour</strong> <strong>la</strong> sécurité et <strong>la</strong><br />

coopération en Europe (OSCE). Elle envoie ses experts des PECO, notamment Pandeli Varfi,<br />

membre de <strong>la</strong> Commission centrale électorale en Albanie, Stefan Tafrov, l’ancien Délégué permanent<br />

de Bulgarie auprès de l’Onu (2001-2006) qui a assuré <strong>la</strong> présidence tournante du Conseil de Sécurité<br />

en 2004, ou encore l’ambassadeur albanais Luan Rama. Ce dernier, en novembre 2000, estimait que<br />

« <strong>la</strong> philosophie du travail dans le cadre régional, à l’intérieur de <strong>la</strong> Francophonie » doit surtout être<br />

comprise comme un « échange d’expériences ». Exemp<strong>la</strong>ire à cet égard, <strong>la</strong> mission en Moldavie<br />

(légis<strong>la</strong>tives, mars 2005) dirigée par Yarga Larba, président de <strong>la</strong> Haute Cour de justice du Burkina<br />

Faso. Composée d’experts albanais, belge, bulgare, canadien, congo<strong>la</strong>is et français, elle a préconisé<br />

dans son rapport que <strong>la</strong> DDHDP « é<strong>la</strong>bore d’urgence un projet d’instrument international sur les<br />

droits et devoirs des observateurs, projet que le Secrétaire général <strong>pour</strong>rait soumettre aux autres<br />

organisations internationales engagées dans l’observation des élections ».<br />

Au sommet de Bucarest, <strong>la</strong> DDHDP, par <strong>la</strong> voix de Christine Desouches, devrait proposer aux<br />

PECO de renouer les liens anciens avec les pays africains proches du modèle communiste et des<br />

mouvements de libération nationale, avec lesquels il existait toutes sortes de coopération, <strong>pour</strong> ouvrir<br />

des perspectives dans le cadre francophone. « Si l’ancien président béninois, Mathieu Kérékou, a<br />

renoncé au marxisme en novembre 1989 et s’est <strong>la</strong>ncé dans <strong>la</strong> Conférence nationale souveraine en<br />

1990, c’est qu’il avait vu Ceaucescu tué avec sa femme en Roumanie, et aussi <strong>la</strong> chute du mur de<br />

Berlin », rappelle <strong>la</strong> Déléguée, mettant l’accent sur cette interactivité historique. Si <strong>la</strong> volonté des<br />

PECO existe de prendre p<strong>la</strong>ce dans l’espace mondial et solidaire qu’est <strong>la</strong> Francophonie, il reste à<br />

explorer le champ des actions à mener <strong>pour</strong> construire un échange bénéfique <strong>pour</strong> le Nord comme<br />

<strong>pour</strong> le Sud.<br />

Antoinette De<strong>la</strong>fin<br />

* En tant que membres à part entière (Bulgarie, Moldavie, Roumanie), membres associés (Albanie, Macédoine) ou<br />

encore observateurs aux sommets (Croatie, Hongrie, Lituanie, Pologne, République tchèque, Slovaquie, Slovénie).<br />

8


N° 503<br />

06.08.14 Promotion de <strong>la</strong> diversité culturelle : Europe et Francophonie, même combat !<br />

(MFI) L’adoption par 148 pays, le 25 octobre 2005, d’une convention sur <strong>la</strong><br />

diversité des expressions culturelles est un véritable manifeste en faveur d’une<br />

mondialisation qui refuse l’uniformisation. Cette victoire est le fruit, au sein de<br />

l’<strong>Organisation</strong> des Nations unies <strong>pour</strong> l’éducation, <strong>la</strong> science et <strong>la</strong> culture (Unesco),<br />

d’une longue bataille politique marquée par les efforts conjoints de <strong>la</strong> Francophonie<br />

et de l’Union européenne et une forte mobilisation des pays d’Europe centrale et<br />

orientale. Le défi est désormais de convaincre le plus grand nombre d’Etats de<br />

ratifier au plus vite <strong>la</strong> convention.<br />

La Francophonie a joué un rôle précurseur dans le combat <strong>pour</strong> affranchir <strong>la</strong> culture des règles<br />

du commerce international. Dès 2002, au sommet de Beyrouth, elle préconise l’adoption d’un<br />

instrument juridique international sur <strong>la</strong> diversité culturelle. En amont des travaux à l’Unesco, elle<br />

entreprend tout un travail de sensibilisation des pays francophones avec le soutien actif de <strong>la</strong> France et<br />

du Canada. Elle défend les enjeux de <strong>la</strong> diversité culturelle dans les sphères économiques, au plus haut<br />

niveau diplomatique et au sein de <strong>la</strong> société civile, soutenant l’émergence de coalitions nationales<br />

réunissant associations et artistes. Véritable moteur pendant les travaux de préparation de <strong>la</strong><br />

convention, <strong>la</strong> Francophonie met des experts juridiques à disposition des délégations francophones à<br />

l’Unesco et veille à encourager une coopération active avec les autres aires linguistiques<br />

hispanophones, lusophones et arabophones.<br />

L’Union européenne (UE), autre pôle d’influence dans les négociations, réussit à rallier <strong>la</strong><br />

Grande-Bretagne et s’exprime d’une seule voix en faveur de <strong>la</strong> diversité culturelle. « Beaucoup<br />

d’enthousiasme et de volonté se sont dégagés de ce travail dans le cadre de <strong>la</strong> préparation d’une<br />

position commune », se souvient Irena Moozova, délégué permanent de <strong>la</strong> République tchèque à<br />

l’Unesco. Et c’est vrai qu’il a fallu faire bloc avec ténacité <strong>pour</strong> que <strong>la</strong> Commission européenne puisse<br />

obtenir, le temps de ces négociations, un rôle plus actif que celui de simple observateur.<br />

Un enjeu majeur <strong>pour</strong> l’équilibre des PECO<br />

Pour que <strong>la</strong> convention entre en vigueur, il faut maintenant que 30 pays au moins <strong>la</strong> ratifient.<br />

Trois pays membres de l’<strong>Organisation</strong> internationale de <strong>la</strong> Francophonie (OIF) ont, au 1 er août 2006,<br />

fait aboutir le processus : le Canada, l’île Maurice et <strong>la</strong> Roumanie. La Croatie, Djibouti, le Burkina<br />

Faso, le Mali et le Cambodge ont ratifié <strong>la</strong> convention mais n’ont pas encore déposé les instruments de<br />

ratification à l’Unesco. Le processus devrait aboutir prochainement dans d’autres pays d’Europe<br />

centrale et orientale (PECO), notamment en Bulgarie. Pour les pays membres de l’Union européenne,<br />

l’idée initialement envisagée d’un dépôt simultané des instruments de ratification semble difficilement<br />

réalisable. La France, qui a déjà fait aboutir son processus interne de ratification, hésite entre un dépôt<br />

avant le sommet de Bucarest et <strong>la</strong> solidarité européenne. D’autant que le processus est plus long dans<br />

d’autres pays de l’UE comme <strong>la</strong> Belgique, qui compte plusieurs parlements. L’essentiel reste<br />

cependant de faire vite afin d’éviter que les Etats-Unis, opposés à <strong>la</strong> convention, ne signent davantage<br />

d’accords bi<strong>la</strong>téraux neutralisant le texte.<br />

L’enjeu <strong>pour</strong> les PECO est majeur, compte tenu de l’expérience historique de ces pays et face à<br />

l’invasion culturelle américaine menaçant leurs marchés. « La convention peut nous aider à<br />

9


promouvoir des produits culturels de qualité, à trouver un équilibre entre une culture subventionnée à<br />

100% par "l’Etat miracle" et une culture entièrement liée à l’économie de marché », affirme Andrei<br />

Magheru, ambassadeur de Roumanie à l’Unesco, président du groupe des ambassadeurs<br />

francophones. Dans les Balkans, soutenir <strong>la</strong> diversité culturelle est également fondamental <strong>pour</strong><br />

promouvoir une culture de paix. « Il est important que <strong>la</strong> diversité culturelle apparaisse au grand jour<br />

et qu’un travail de catharsis de <strong>la</strong> guerre et des massacres soit fait en favorisant les rencontres entre<br />

artistes », p<strong>la</strong>ide Nico<strong>la</strong>s Petrovitch, directeur de l’association éditrice du Courrier des Balkans.<br />

Le plurilinguisme, passeport <strong>pour</strong> l’autre<br />

Reconnue dans <strong>la</strong> convention comme « élément fondamental de <strong>la</strong> diversité culturelle », <strong>la</strong><br />

diversité linguistique est inscrite au cœur des politiques de l’Union Européenne et de l’OIF. Depuis<br />

l’é<strong>la</strong>rgissement du 1 er mai 2004, l’UE compte 20 <strong>la</strong>ngues officielles ; or c’est <strong>la</strong> seule organisation au<br />

monde où s’applique le principe d’égalité des <strong>la</strong>ngues. Selon le traité d’Amsterdam (1997), tout<br />

citoyen peut s’adresser aux institutions de l’Union dans sa propre <strong>la</strong>ngue et recevoir une réponse dans<br />

<strong>la</strong> même <strong>la</strong>ngue. Les services de traduction doivent gérer plus de 400 combinaisons linguistiques.<br />

Comment travailler ensemble dans ces conditions ? Le règlement du Conseil du 15 avril 1958, qui<br />

pose l’égalité des <strong>la</strong>ngues officielles et de travail sans établir de distinction entre les deux catégories,<br />

confie à chaque institution le soin de prévoir les modalités de mise en œuvre du principe d’égalité.<br />

La Commission et le Parlement ont généralisé le recours à trois <strong>la</strong>ngues de travail : le français,<br />

l’ang<strong>la</strong>is et l’allemand. Le Conseil assure une traduction dans les 20 <strong>la</strong>ngues officielles <strong>pour</strong> les<br />

réunions politiques, favorise l’utilisation de « <strong>la</strong>ngues re<strong>la</strong>is » – le français et l’ang<strong>la</strong>is – <strong>pour</strong> les<br />

réunions de travail, et a également mis en p<strong>la</strong>ce un système de traductions "à <strong>la</strong> demande", <strong>la</strong>issant à<br />

chaque pays le soin d’établir ses priorités de traduction dans <strong>la</strong> limite d’une enveloppe financière égale<br />

<strong>pour</strong> tous. Dans <strong>la</strong> pratique, l’ang<strong>la</strong>is s’impose souvent comme l’unique <strong>la</strong>ngue de communication.<br />

Face à ce constat, <strong>la</strong> Francophonie s’est engagée activement dans l’application d’un p<strong>la</strong>n pluriannuel<br />

en faveur du français au sein des institutions européennes, signé le 11 janvier 2002 (voir article n°505).<br />

Au sein de l’espace francophone, <strong>la</strong> défense du plurilinguisme est également devenue depuis<br />

quelques années une priorité. En Afrique où le français cohabite avec de nombreuses autres <strong>la</strong>ngues<br />

maternelles, promouvoir le français à l’école sans s’appuyer sur une alphabétisation dans les <strong>la</strong>ngues<br />

nationales utilisées à <strong>la</strong> maison a finalement paru non seulement incohérent mais aussi inefficace.<br />

Depuis 1994, une expérimentation d’écoles bilingues français-<strong>la</strong>ngue nationale conduite au Burkina<br />

Faso s’est ainsi avérée très heureuse en termes de réussite sco<strong>la</strong>ire. La Francophonie se range<br />

également de plus en plus à l’idée que le plurilinguisme est une clé d’accès à un meilleur<br />

développement aussi bien économique que démocratique.<br />

Ce combat <strong>pour</strong> le respect de <strong>la</strong> diversité mené par <strong>la</strong> Francophonie comme par l’Union<br />

européenne parle à tous les hommes. Ce que l’écrivain Edouard Glissant souligne ainsi : « Le divers<br />

du monde a besoin des <strong>la</strong>ngues du monde. »*<br />

Laetitia Lefaure<br />

* In Traité du Tout-Monde, Paris, Gallimard, 1997, p.121.<br />

10


N° 504<br />

06.08.14 Le français dans les pays d’Europe centrale et orientale<br />

(MFI) Depuis l’effondrement des régimes communistes, le russe a perdu son<br />

statut de <strong>la</strong>ngue première et obligatoire de <strong>la</strong> fin du primaire à l’université. L’offre<br />

linguistique en Europe centrale et orientale s’est donc libéralisée. Le français – qui a<br />

marqué l’histoire du continent – tire son épingle du jeu notamment grâce à <strong>la</strong><br />

mobilisation des enseignants, des autorités qui ont <strong>la</strong>ncé un P<strong>la</strong>n pluriannuel d’action<br />

et aux actions de coopération décentralisée.<br />

Près de 10 % des 55 millions d’apprenants du français (hors de France) résident dans les pays<br />

d’Europe centrale et orientale (PECO). Le français se maintient dans ses bastions traditionnels<br />

(Roumanie, Moldavie) et se développe dans des pays où il était moins imp<strong>la</strong>nté (Hongrie, Pologne,<br />

République tchèque). En Roumanie, où <strong>la</strong> tradition du français est partie intégrante du patrimoine<br />

culturel, on compte ainsi près de 8 % de francophones et 20 % de francophone partiels. En Bulgarie,<br />

où son apprentissage est en baisse, un quart des lycéens tout de même apprennent le français. Dans les<br />

pays de l’ex-Yougos<strong>la</strong>vie, le français était peu parlé. Comme en République tchèque, dont l’histoire<br />

reste liée à celle de l’Autriche-Hongrie, mais où le nombre de lycéens qui apprennent le français a<br />

triplé entre 1990 et 2000. Dans les autres pays, sa p<strong>la</strong>ce est plus modeste. Mais leur entrée dans<br />

l’Union ou sa perspective « a puissamment stimulé leur intérêt <strong>pour</strong> <strong>la</strong> Francophonie », estime le<br />

rapport Turpin (Sénat, 2000). Le phénomène tient sans doute au statut de <strong>la</strong>ngue de travail du français<br />

au sein des institutions européennes, mais il procède aussi d’une aspiration à s’ouvrir sur le monde et<br />

sur les valeurs véhiculées par <strong>la</strong> Francophonie. On observe enfin un intérêt croissant <strong>pour</strong> <strong>la</strong><br />

production culturelle francophone.<br />

Toutefois, ces bonnes dispositions se heurtent à des difficultés du fait de l’évolution<br />

préoccupante de <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce du français dans l’Union européenne. Lors des négociations re<strong>la</strong>tives à<br />

l’é<strong>la</strong>rgissement (effectif le 1 er mai 2004), les représentants des PECO s’exprimaient en quasi totalité en<br />

ang<strong>la</strong>is. Et ce malgré le programme de formation au français en direction des fonctionnaires,<br />

traducteurs et interprètes des instances européennes et des administrations centrales des pays candidats<br />

que <strong>la</strong> France avait <strong>la</strong>ncé lors de sa présidence de 1995. En 2002, <strong>la</strong> politique de promotion du français<br />

devient multi<strong>la</strong>térale avec <strong>la</strong> signature d’un P<strong>la</strong>n pluriannuel d’action <strong>pour</strong> le français dans l’UE<br />

adopté par <strong>la</strong> France, le Luxembourg, <strong>la</strong> Belgique et <strong>la</strong> Francophonie (voir article suivant).<br />

La diversité de l’enseignement bilingue francophone<br />

De nombreux pays d’Europe de l’Est comme de l’Ouest ont mis en p<strong>la</strong>ce un cursus bilingue<br />

francophone : au total, plus de 400 sections bilingues soit près de 60 000 élèves apprennant le français.<br />

L’enseignement est dispensé en deux <strong>la</strong>ngues, <strong>la</strong>ngue locale et français. Ces filières d’excellence<br />

présentent une grande diversité selon les pays. Une, voire deux « années zéro » permettent aux élèves<br />

d’acquérir un niveau de français suffisant <strong>pour</strong> entamer un cursus dans les disciplines non<br />

linguistiques (DNL) – six ans en République tchèque, cinq ans en Hongrie tandis que <strong>la</strong> Croatie et <strong>la</strong><br />

Macédoine n’ont pas intégré ce système dans leur structure éducative. La République tchèque ou<br />

encore l’Albanie proposent des sections bilingues francophones à dominante scientifique (physique,<br />

chimie et mathématiques). La Biélorussie mise plutôt sur l’enseignement des sciences économiques et<br />

sociales, <strong>la</strong> Lituanie sur <strong>la</strong> musique et l’éducation physique et sportive ; <strong>la</strong> Roumanie sur <strong>la</strong><br />

géographie, l’histoire et <strong>la</strong> civilisation française. En règle générale, histoire et géographie sont au<br />

11


programme dans toutes les sections bilingues. En Bulgarie, des sections se développent aussi dans<br />

l’enseignement professionnel.<br />

Les pays et les instances multi<strong>la</strong>térales francophones fournissent un effort important <strong>pour</strong> <strong>la</strong><br />

promotion du français dans les PECO par le biais des jume<strong>la</strong>ges, de <strong>la</strong> coopération décentralisée ou de<br />

<strong>la</strong> coopération sco<strong>la</strong>ire et universitaire. Les jume<strong>la</strong>ges s’étaient développés durant <strong>la</strong> période<br />

communiste avec certains pays de l’Est (Pologne, Roumanie) dans le cadre d’échanges culturels puis,<br />

à partir de 1990, d’actions à caractère économique. Le soutien à <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong> par le biais d’actions<br />

éducatives constitue toujours l’un des moteurs des nouveaux jume<strong>la</strong>ges. La coopération décentralisée<br />

a été le fait d’associations comme Initiatives France-Hongrie, <strong>la</strong> Fondation France-Pologne ou Eurom<br />

avec <strong>la</strong> Roumanie. Dans le budget français, les PECO représentaient, en 2000, 27 % des crédits<br />

consacrés par le ministère des Affaires étrangères à <strong>la</strong> coopération décentralisée (Pologne et<br />

Roumanie, environ 7 % chacun, République tchèque, Hongrie, Slovaquie).<br />

« Les enseignants de français se mobilisent aussi <strong>pour</strong> assurer <strong>la</strong> promotion en Europe de cette<br />

<strong>la</strong>ngue qu’ils enseignent et chérissent », se p<strong>la</strong>ît à répéter Janina Zielinska. Cette Polonaise, directrice<br />

du Collège de formation des professeurs de français à l’université de Varsovie, est <strong>la</strong> vice-présidente<br />

de <strong>la</strong> Fédération internationale des professeurs de français*, qui compte plus de 70 000 professeurs sur<br />

les cinq continents et organise, du 2 au 5 novembre 2006, son premier Congrès européen à Vienne<br />

(Autriche). Ce congrès servira de tribune aux associations d’enseignants qui débattront de <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce du<br />

français, de ses particu<strong>la</strong>rités et de ses enjeux, en termes de pédagogie mais aussi de politique de<br />

promotion de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue française en Europe. Pour Janina Zielinska, il faut insister sur <strong>la</strong> nécessaire<br />

synergie entre les différents partenaires impliqués dans cette promotion sur le terrain.<br />

Antoinette De<strong>la</strong>fin<br />

* La FIPF organise un colloque international annuel, un congrès mondial tous les trois ans, et publie <strong>la</strong> revue Le français<br />

dans le monde. www.fipf.org ; www.francparler.org ; www.vienne2006.org<br />

Le français dans l’histoire européenne<br />

(MFI) Au Moyen Age, le français voyage déjà quand Guil<strong>la</strong>ume le Conquérant, duc de Normandie, est<br />

sacré roi d’Angleterre en 1066. Il passe <strong>pour</strong> une <strong>la</strong>ngue de prestige à Venise à <strong>la</strong> fin du XIII e siècle, quand<br />

Marco Polo dicte en français le récit de ses aventures en Extrême-Orient, Le livre des merveilles. A partir du<br />

XVI e siècle, <strong>la</strong> prééminence de <strong>la</strong> France joue un rôle important dans <strong>la</strong> diffusion du français en Europe. Il<br />

remp<strong>la</strong>ce le <strong>la</strong>tin, <strong>la</strong>ngue « internationale », dans les domaines de <strong>la</strong> philosophie, de <strong>la</strong> médecine, de <strong>la</strong> banque<br />

et du grand commerce. Langue de <strong>la</strong> diplomatie, le français est utilisé dans les traités internationaux de 1714 –<br />

un an avant <strong>la</strong> mort de Louis XIV – jusqu’à <strong>la</strong> fin de <strong>la</strong> Première Guerre mondiale.<br />

Les mariages entre familles royales et aristocratiques en font une <strong>la</strong>ngue parlée dans toutes les Cours :<br />

près de vingt-cinq au total, de l’actuelle Turquie au Portugal en passant par <strong>la</strong> Russie, <strong>la</strong> Norvège, <strong>la</strong> Pologne<br />

et l’Angleterre. Exemple parmi tant d’autres, le mariage de Louis XV en 1725, à l’âge de quinze ans, avec<br />

Marie Leszczynska. Son père, Stanis<strong>la</strong>s Leszczynski, ancien roi de Pologne devenu Duc de Lorraine en<br />

1737, fait construire à Nancy une p<strong>la</strong>ce destinée à glorifier son gendre.<br />

Au siècle des Lumières, où le français est reconnu comme <strong>la</strong>ngue universelle, <strong>la</strong> mode saisit l’Europe<br />

aristocratique au point que ses souverains font venir à leur Cour des écrivains français, Descartes auprès de<br />

Christine de Suède, Voltaire chez Frédéric de Prusse. A Saint-Pétersbourg ou à Moscou, un aristocrate qui se<br />

respecte se doit de parler le français. En Roumanie, <strong>la</strong> diffusion de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue française date aussi de cette<br />

époque, quand les principautés de Va<strong>la</strong>chie et de Moldavie étaient sous domination ottomane et que les fils<br />

des grandes familles venaient étudier à Paris. Sous l’Empire napoléonien, les Slovènes, comme les Croates et<br />

les Dalmates, ont gardé un souvenir très positif de l’influence française. Mais les campagnes napoléoniennes<br />

ont aussi froissé bon nombre de sensibilités dans d’autres parties de l’Europe. Quoi qu’il en soit,<br />

l’affaiblissement de <strong>la</strong> monarchie marque <strong>la</strong> fin de <strong>la</strong> suprématie française en Europe, avec le début de <strong>la</strong><br />

prépondérance ang<strong>la</strong>ise, tandis que les idées révolutionnaires favorisent l’émergence des <strong>la</strong>ngues nationales.<br />

A. D.<br />

12


N° 505 Stratégies francophones de soutien au français en Europe (1)<br />

06.08.16 Au sein de l’Union européenne<br />

(MFI) Face au recul, au profit de l’ang<strong>la</strong>is, du français au sein des instances de<br />

l’Union européenne, l’<strong>Organisation</strong> internationale de <strong>la</strong> Francophonie a <strong>la</strong>ncé un<br />

P<strong>la</strong>n pluriannuel d’action multiforme, destiné à favoriser sa re<strong>la</strong>nce auprès des<br />

fonctionnaires européens principalement. Et mobilise notamment les pays d’Europe<br />

orientale et centrale, nouveaux venus aussi bien au sein de l’UE que de l’OIF.<br />

Depuis 2002, l’OIF qui regroupe 63 Etats et gouvernements dont 11 sont membres de l’Union<br />

européenne, a fait de l’usage du français dans l’Union européenne un de ses champs d’activités<br />

prioritaires. Un p<strong>la</strong>n pluriannuel d’action <strong>pour</strong> le français dans l’Union européenne, <strong>la</strong>ncé par un<br />

accord entre <strong>la</strong> France, principal bailleur de fonds de <strong>la</strong> Francophonie, <strong>la</strong> Communauté française de<br />

Belgique (CFB) et le Luxembourg, et mis en œuvre par l’OIF à partir de 2003-2004, organise <strong>la</strong><br />

concertation et l’articu<strong>la</strong>tion des politiques entre les quatre partenaires et les pays coopérants.<br />

Il propose principalement des formations à <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue française aux diplomates et fonctionnaires,<br />

en particulier des nouveaux pays membres de l’Union ou candidats à l’adhésion, ainsi qu’au<br />

personnel des institutions européennes, interprètes et traducteurs du français et en français, aux<br />

journalistes et aux juristes. A <strong>la</strong> fois politique et technique, ce p<strong>la</strong>n s’appuie sur les <strong>nouvelle</strong>s<br />

technologies de l’information (site Internet : www.parlez-francais.com, logiciel correcteur<br />

d’orthographe) et sur une campagne promotionnelle (presse, affichage, Internet) déjà menée dans<br />

plusieurs pays.<br />

Plus de 10 000 fonctionnaires formés chaque année<br />

« Le cœur de frappe de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong> en Europe, c’est l’action à destination des diplomates<br />

et des fonctionnaires », souligne Stéphane Lopez, responsable des re<strong>la</strong>tions avec l’Union européenne<br />

au sein de <strong>la</strong> direction de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue française, de <strong>la</strong> diversité culturelle et linguistique de l’OIF. Il<br />

précise que le P<strong>la</strong>n, doté d’un budget de 2,5 millions d’euros en 2006, concerne cette année<br />

10 500 fonctionnaires dont 2 000 personnes à Bruxelles et 8 500 dans différentes capitales. L’OIF a<br />

choisi de travailler en amont des institutions, avec les instances gouvernementales qui ont le pouvoir<br />

politique, à Bruxelles auprès des ambassades et des missions des membres (25 pays) mais aussi des<br />

candidats (4), et dans les différents Etats partenaires, touchant 22 pays aussi bien de l’Europe de<br />

l’Ouest que de l’Est. La Francophonie agit aussi à Strasbourg auprès du Parlement européen et du<br />

Conseil de l’Europe. Elle forme chaque année des conseillers politiques et des conseillers techniques<br />

à travers des sessions trimestrielles, cherchant là où c’est possible des co-financements avec les Etats<br />

concernés.<br />

Pour donner les cours de français, l’OIF fait appel aux Alliances françaises et aux instituts<br />

français, d’où l’importance du partenariat avec <strong>la</strong> France, <strong>la</strong> Belgique et le Luxembourg qui mettent à<br />

sa disposition un certain nombre de services, de moyens et re<strong>la</strong>is d’influence. Il ne s’agit évidemment<br />

pas d’enseigner le français littéraire mais le français des re<strong>la</strong>tions européennes <strong>pour</strong> pouvoir se<br />

débrouiller dans des situations très précises : comprendre ou présider une réunion, défendre une<br />

position ou présenter le point de vue de son pays, faire une note de synthèse, une lecture de document<br />

13


avant une réunion, répondre à un courrier sur internet ou au téléphone. Le taux de réinscription des<br />

« élèves » est très important, de l’ordre de 50 à 60 %. L’OIF aide également à <strong>la</strong> préparation de<br />

concours européens et organise des séminaires permettant des échanges d’expérience sur les affaires<br />

européennes.<br />

Quand <strong>la</strong> compétence francophone compte dans <strong>la</strong> promotion des fonctionnaires<br />

La Francophonie est allée plus loin sur le p<strong>la</strong>n politique en concluant depuis quelques mois avec<br />

les pays des accords de renforcement des compétences de travail en français de leurs diplomates et<br />

fonctionnaires en charge du suivi des questions européennes. « Nous avons déjà signé avec huit pays<br />

– Roumanie, Hongrie, Slovénie, Bulgarie, Lituanie, Slovaquie, Croatie et République Tchèque – et<br />

nous devons le faire avec l’Autriche et l’Estonie », indique Stéphane Lopez. Par ces accords l’Etat en<br />

question, l’OIF et ses trois pays partenaires (France, Belgique, Luxembourg) réaffirment <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce<br />

qu’ils veulent accorder au français. L’Etat s’engage à former un certain nombre de fonctionnaires<br />

pendant les trois prochaines années et <strong>la</strong> majorité des signataires ont accepté de mentionner que <strong>la</strong><br />

compétence francophone de ces fonctionnaires sera prise en considération dans leur affectation et leur<br />

promotion.<br />

La Francophonie propose également à des personnalités politiques, ministres et ambassadeurs<br />

par exemple, de venir en France ou en Belgique <strong>pour</strong> des séjours d’immersion linguistique. Elle signe<br />

aussi des contrats de coopération <strong>pour</strong> le renforcement de l’enseignement, de l’usage et de <strong>la</strong> visibilité<br />

du français avec des écoles nationales d’administration en Pologne, en Roumanie, ou en Bulgarie,<br />

avec l’Académie diplomatique de Vienne ou encore l’Institut européen d’administration de<br />

Maastricht…<br />

Dernière initiative en date, <strong>la</strong> signature en mai 2006 par Abdou Diouf, le secrétaire général de <strong>la</strong><br />

Francophonie, et les maires de Bruxelles, Luxembourg et Strasbourg d’une déc<strong>la</strong>ration solennelle en<br />

faveur de l’usage de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue française, visant à établir un réseau francophone des trois capitales<br />

européennes. « C’est à Bruxelles, à Luxembourg et à Strasbourg que se fait et se fera l’Union<br />

européenne. Il convient que <strong>la</strong> politique des trois capitales soit pensée avec à l’esprit ce qui peut être<br />

fait <strong>pour</strong> <strong>la</strong> promotion du français et que leur <strong>francophonie</strong> soit le lien logique qui les réunisse en un<br />

réseau <strong>pour</strong> se concerter autour des questions de leurs identités à <strong>la</strong> fois locale et européenne, et des<br />

défis à relever <strong>pour</strong> améliorer l’intégration des institutions qu’elles accueillent », a déc<strong>la</strong>ré Abdou<br />

Diouf au moment de <strong>la</strong> signature.<br />

Marie Joannidis<br />

14


N° 506 Stratégies francophones de soutien au français en Europe (2)<br />

06.08.16 Dans le monde universitaire<br />

(MFI) L’Agence universitaire de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong> (AUF) a multiplié, depuis<br />

2001, les partenariats avec les universités et centres d’enseignement supérieurs, y<br />

compris dans des pays non francophones.<br />

« L’é<strong>la</strong>rgissement de <strong>la</strong> Francophonie me semble un bon point parce qu’il prouve qu’elle<br />

présente un pôle d’attractivité qui coïncide avec l’aspiration de pays en développement, par exemple<br />

en Europe de l’Est, à intégrer l’Europe de l’Union », souligne Michèle Gendreau-Massaloux, recteur<br />

de l’AUF. Pour elle, cet é<strong>la</strong>rgissement coïncide aussi avec le souhait de voir se développer <strong>la</strong><br />

démocratie (qui est une des priorités de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong> politique), l’Etat de droit et <strong>la</strong> réduction de <strong>la</strong><br />

fracture entre les pays du Nord et les pays du Sud, en Afrique mais aussi en Europe de l’Est, au<br />

Moyen-Orient et dans les Caraïbes.<br />

Depuis 2001, avec le vote de nouveaux statuts à Québec, l’AUF qui se veut à <strong>la</strong> fois opérateur<br />

de <strong>la</strong> Francophonie et réseau associatif, a décidé d’ouvrir ses portes et d’admettre des universités de<br />

pays très différents si elles répondent à certains critères, comme l’octroi de diplômes en <strong>la</strong>ngue<br />

française, <strong>la</strong> présence de professeurs de français et d’étudiants qui parlent français. Ainsi, elle a admis<br />

des universités de <strong>la</strong> République dominicaine et de Cuba dans les Caraïbes, ainsi que d’Indonésie, et<br />

aucun universitaire des pays arabes ne s’est opposé à l’entrée comme membre titu<strong>la</strong>ire de l’AUF de<br />

l’université de Tel Aviv. « Bien que récent, le mouvement a déjà donné des résultats remarquables.<br />

Quand je suis arrivée en 2002, le nombre de membres avoisinait les 250. Nous sommes aujourd’hui<br />

plus de 600, précise Michèle Gendreau-Massaloux. Ce<strong>la</strong> nous a permis de faire rayonner <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue<br />

française à l’université dans les pays traditionnels de <strong>la</strong> Francophonie mais aussi dans d’autres tels<br />

que l’Albanie, <strong>la</strong> Serbie, <strong>la</strong> Macédoine, l’Espagne et l’Italie, et nous souhaitons faire de même en<br />

Grande-Bretagne et en Allemagne où des dossiers se constituent en ce sens. »<br />

Privilégier <strong>la</strong> nécessaire re<strong>la</strong>tion entre savoir et création d’emploi<br />

En Europe centrale et orientale, l’AUF compte 69 membres dans 16 pays différents : Albanie,<br />

Arménie, Biélorussie, Bulgarie, Géorgie, Hongrie, Lituanie, Macédoine, Moldavie, Pologne,<br />

Roumanie, Russie, Serbie-Monténegro (séparée depuis en deux pays), Slovaquie, Ukraine ainsi que<br />

Turquie. Il est d’ailleurs intéressant de noter que <strong>la</strong> responsable de l’AUF <strong>pour</strong> ces pays, basée à<br />

Bucarest, docteur d’une université roumaine et par<strong>la</strong>nt parfaitement le roumain, est <strong>la</strong> Malgache<br />

Liliane Ramarosoa, ancien vice-recteur de l’université d’Antananarivo.<br />

L’AUF a trouvé dans ces pays un terrain favorable en raison du prestige traditionnel dont les<br />

universités bénéficient mais aussi du souhait de lier enseignement supérieur et création d’emplois.<br />

Car l’enseignement en français a deux volets, l’un culturel et l’autre menant au monde de l’industrie<br />

et des affaires, en liaison notamment avec les chambres de commerce. Pour les responsables de<br />

l’Agence, <strong>la</strong> nécessaire re<strong>la</strong>tion entre savoir et création d’emploi est déjà prise en compte par les<br />

PECO. On a par exemple à Sofia l’Institut francophone d’administration et de santé. Dans les pays de<br />

l’Est, précise <strong>la</strong> responsable de l’AUF, « on développe des filières de français comme <strong>la</strong> gestion des<br />

15


affaires à l’Académie des sciences économiques de Bucarest, parce que vous avez tout un<br />

développement de moyennes et petites entreprises qui exigent des masters de gestion en français ;<br />

beaucoup d’étudiants de <strong>la</strong> région y participent ». Autres exemples d’enseignement de français<br />

professionnalisant : une filière de gestion d’entreprises publiques à l’université de Moldova avec,<br />

comme à Bucarest, des cours en français ; des filières sur les re<strong>la</strong>tions économiques internationales,<br />

ou encore sur les technologies alimentaires ; l’agro-alimentaire, <strong>la</strong> médecine et <strong>la</strong> pharmacie ou le<br />

génie civil sont en effet autant de secteurs professionnalisants à développer en français.<br />

Enseignement à distance grâce aux campus numériques<br />

Michèle Gendreau-Massaloux met aussi l’accent sur l’enseignement à distance grâce à Internet.<br />

« Nous voulons faire en sorte que partout dans le monde où des étudiants de pays en développement<br />

parlent français, ils puissent accéder à un diplôme reconnu. Pour nous, le vecteur prioritaire, c’est<br />

l’enseignement en ligne à travers notamment des campus numériques. Aujourd’hui, ajoute par<br />

ailleurs le recteur de l’AUF, une seule <strong>la</strong>ngue comme l’ang<strong>la</strong>is ne suffit pas, y compris en Europe de<br />

l’Est. Il faut des <strong>la</strong>ngues qui permettent aux étudiants d’entrer dans de nouveaux marchés car nous<br />

sommes dans un monde concurrentiel. »<br />

Depuis 2005, l’AUF dispose d’un budget de 45 millions d’euros par an <strong>la</strong>rgement financé par <strong>la</strong><br />

France – ce que déplorent les responsables francophones qui souhaitent un meilleur équilibre dans les<br />

financements, en particulier de <strong>la</strong> part du Canada. « Par rapport à <strong>la</strong> demande et à <strong>la</strong> qualité de <strong>la</strong><br />

demande, ce qui est un point nouveau, il est vrai que notre budget est faible. On <strong>pour</strong>rait facilement<br />

multiplier par quatre ou cinq le budget que nous avons sans cesser de rester une agence associative<br />

et humaine et en répondant mieux aux demandes réelles que nous avons », admet <strong>la</strong> responsable de<br />

l’AUF. Pour le moment, seule une demande sur six est satisfaite.<br />

Marie Joannidis<br />

16


N° 507 Stratégies francophones de soutien au français en Europe (3)<br />

06.08.14 Dans le monde des affaires<br />

(MFI) Une <strong>la</strong>ngue plus précise que le « global english », qui permet de mieux<br />

communiquer entre un siège et ses filiales, de mieux partager une même culture<br />

d’entreprise et de fidéliser les sa<strong>la</strong>riés étrangers… Les entreprises francophones<br />

prennent peu à peu conscience de l’importance qu’il y a à développer des re<strong>la</strong>tions<br />

d’affaires en français et du rôle qu’elles peuvent jouer en matière de francophilie, à<br />

terme bénéfique <strong>pour</strong> l’accueil de leurs produits. Le Forum francophone des affaires,<br />

qui les rassemble à travers le monde, appuie par exemple l’initiative « Oui, je parle<br />

français » <strong>la</strong>ncée par le ministère français des Affaires étrangères.<br />

« Les chefs d’entreprise sont généralement convaincus de <strong>la</strong> nécessité de défendre une vie<br />

économique en français, affirme Steve Gentili, président du Forum francophone des affaires (FFA) et<br />

président de <strong>la</strong> Bred-Banque Popu<strong>la</strong>ire. Ce sont des pragmatiques et ils constatent par exemple qu’il<br />

est plus facile de négocier dans sa propre <strong>la</strong>ngue, en recourant à des concepts que l’on maîtrise, que<br />

dans <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue de l’interlocuteur dans <strong>la</strong>quelle on est en position de faiblesse et de surcroît avec un<br />

référentiel que l’on possède insuffisamment. » Steve Gentili sait de quoi il parle. Créé en 1987 au<br />

Sommet de Québec (Canada), le FFA est auprès du Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement<br />

ayant le français en partage le porte-parole du secteur privé. Il est composé de comités<br />

nationaux – une quinzaine en Europe – qui regroupent les acteurs économiques de tous les secteurs,<br />

et d’organisations professionnelles, comme par exemple <strong>la</strong> Fondation internationale francophone<br />

finance-assurances-banques (FIFFAB).<br />

Jusqu’à présent, on ne savait pas grand chose des pratiques des entreprises dans leur rapport au<br />

français. Pour en savoir davantage, <strong>la</strong> Sous-direction du français du ministère des Affaires étrangères<br />

a réalisé, en mars 2006, une enquête auprès de 78 filiales d’entreprises françaises diverses (transports,<br />

énergie, finances, tourisme, agro-alimentaire et bâtiment), imp<strong>la</strong>ntées dans 33 pays sur les cinq<br />

continents, avec une forte représentation de l’Europe, de l’Asie et du Moyen Orient.<br />

Air France en République tchèque : une prime mensuelle de <strong>la</strong>ngue française<br />

Il en ressort que les entreprises exigent de leur personnel local une compréhension du français<br />

lorsque celui-ci est <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue du siège – ce qui est le cas de <strong>la</strong> moitié d’entre elles. La culture<br />

d’entreprise étant plus facile à appréhender <strong>pour</strong> le personnel lorsqu’il parle le français, sa maîtrise<br />

« entre en ligne de compte » <strong>pour</strong> 41 % des filiales interrogées lors du recrutement des sa<strong>la</strong>riés<br />

locaux. Elle en est même une condition expresse dans 24 % des cas. En outre, 53 % des filiales<br />

interrogées reconnaissent que <strong>la</strong> pratique du français est « un plus » <strong>pour</strong> <strong>la</strong> mobilité géographique et<br />

fonctionnelle, quand elle n’en est pas le préa<strong>la</strong>ble obligatoire (19 % des cas).<br />

Si <strong>la</strong> pratique du français est ainsi un atout prouvé <strong>pour</strong> le sa<strong>la</strong>rié dans sa carrière, elle est<br />

également un avantage <strong>pour</strong> l’employeur francophone. Lorsque le personnel local maîtrise le<br />

français, il devient plus « performant », comme le rappelle l’expérience vécue en 2001 par le groupe<br />

Renault : lors de sa fusion avec Nissan, l’usage de l’ang<strong>la</strong>is comme <strong>la</strong>ngue de l’alliance avec le<br />

17


groupe japonais a provoqué un rendement réduit de part et d’autre. En outre, 32 % des filiales<br />

constatent une meilleure fidélisation de leur personnel francophone. Ce qui explique <strong>pour</strong>quoi<br />

certaines, comme celle de PSA en Slovaquie, ont fait de l’apprentissage de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue une condition<br />

d’embauche et offrent (55 %) des cours intensifs à leurs sa<strong>la</strong>riés ; 5 % d’entre elles rendent même ces<br />

cours obligatoires. La filiale d’Air France en République tchèque, elle, préfère le registre incitatif : <strong>la</strong><br />

première année de stage de français est offerte et, une fois le niveau minimum atteint et le test de<br />

connaissances passé, une prime mensuelle est versée.<br />

Former les cadres étrangers à <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue et <strong>la</strong> culture françaises<br />

L’étude de mars 2006 visait également à mesurer si ces entreprises – qui pensent <strong>pour</strong> 99 %<br />

d’entre elles avoir « un rôle à jouer dans le rayonnement de <strong>la</strong> France » – perçoivent leur identité<br />

française ou francophone comme un atout dans <strong>la</strong> compétition mondiale. Les résultats sont<br />

complexes. Certes, 50 % d’entre elles pensent que les enjeux de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong> et de <strong>la</strong> francophilie<br />

sont liés et qu’ils ont un impact sur <strong>la</strong> création de marchés <strong>pour</strong> des produits français, mais seules<br />

42 % d’entre elles mettent leur origine française en avant dans leur communication grand public.<br />

Cet avantage concurrentiel est ainsi quelque peu négligé, à de notables exceptions près, comme<br />

celle du groupe LVMH, qui s’appuie sur l’image de <strong>la</strong> culture française dans le monde du luxe : les<br />

produits vendus à l’étranger gardent leur appel<strong>la</strong>tion française et le centre de formation du groupe,<br />

basé à Londres, forme les cadres étrangers à <strong>la</strong> connaissance de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue et de <strong>la</strong> culture françaises.<br />

Un travail que <strong>la</strong> fondation Renault, créée en 1999, effectue en direction des étudiants des pays où le<br />

constructeur automobile est imp<strong>la</strong>nté.<br />

L’initiative « Oui, je parle français »<br />

C’est forts des résultats de cette enquête et <strong>pour</strong> encourager les entreprises à porter haut les<br />

couleurs francophones que le ministère français des Affaires étrangères (Sous-direction du français),<br />

l’Alliance française, <strong>la</strong> Chambre de commerce et d’industrie de Paris et le Forum francophone des<br />

affaires ont <strong>la</strong>ncé l’initiative « Oui, je parle français » le 26 avril 2006. Elle repose sur l’idée que les<br />

pouvoirs publics et les entreprises françaises ont un rôle complémentaire à jouer dans le rayonnement<br />

de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong> et de <strong>la</strong> francophilie à l’étranger et se présente, concrètement, sous <strong>la</strong> forme d’une<br />

pochette rassemb<strong>la</strong>nt l’offre de formation linguistique et les certifications existantes <strong>pour</strong> évaluer le<br />

niveau en français des personnels. Les entreprises françaises sont invitées à rejoindre l’initiative en<br />

faisant de « Oui, je parle français » un véritable <strong>la</strong>bel.<br />

Pour autant, s’exc<strong>la</strong>me Steve Gentili, « il ne s’agit pas de ne faire des affaires qu’en français !<br />

Il s’agit plutôt de prendre conscience que derrière <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue, il y a des conceptions, des visions du<br />

monde et si nous ne voulons pas que <strong>la</strong> vision anglo-saxonne domine et régisse sans partage <strong>la</strong> vie<br />

économique, il nous revient d’en défendre <strong>la</strong> diversité, <strong>la</strong> pluralité des approches. Le FFA promeut<br />

une vision et une pratique des re<strong>la</strong>tions économiques dans lesquelles se reconnaît le monde <strong>la</strong>tin<br />

notamment. Ce mouvement est ouvert. » Il n’y a pas, précise un haut fonctionnaire de l’OIF, de<br />

modèle économique francophone à proprement parler, mais « une double conception : celle de <strong>la</strong><br />

prééminence de l’économie de marché, liée au modèle des sociétés ouvertes et démocratiques ; celle<br />

de <strong>la</strong> nécessité de régu<strong>la</strong>tions multi<strong>la</strong>térales visant à corriger les déséquilibres historiques entre pays<br />

et les asymétries systémiques nées de leur absence ». Une vision mesurée qui devrait séduire de plus<br />

en plus d’entrepreneurs.<br />

Ariane Poissonnier<br />

Pour en savoir davantage :<br />

• Forum francophone des Affaires : http://www.ffa-int.org/<br />

• « Oui, je parle français » : http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/actions-france_830/<strong>francophonie</strong>-<strong>la</strong>nguefrancaise_1040/<strong>la</strong>ngue-francaise_3094/promouvoir-francais_11827/les-actions-globales_11828/initiativeoui-je-parle-francais-dans-les-entreprises_34699.html<br />

18


N° 508 La vie du français en Europe (1)<br />

06.08.10 Roumanie : une <strong>francophonie</strong> à <strong>la</strong> fois historique et d’avenir<br />

(MFI) Près de deux millions d’élèves apprennent le français de <strong>la</strong> bouche de<br />

14 000 professeurs… Mais l’ang<strong>la</strong>is vient de prendre <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce de première <strong>la</strong>ngue<br />

étrangère enseignée. Les liens forgés par l’histoire entre <strong>la</strong> Roumanie et <strong>la</strong> France,<br />

s’ils se sont quelque peu distendus, <strong>pour</strong>raient cependant être re-tissés par un<br />

partenariat économique en pleine effervescence.<br />

Le français, une <strong>la</strong>ngue réservée a l’élite ? Pas si sûr… Les chiffres publiés par le ministère<br />

roumain de l’Education contredisent cette idée reçue. Actuellement, près de 2 millions d’élèves, soit<br />

42 % de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion sco<strong>la</strong>ire, apprennent le français à l’école. Et le nombre de professeurs de<br />

français dans le pays est de 14 000 – de quoi remplir un stade de taille moyenne. Alors, <strong>pour</strong>quoi <strong>la</strong><br />

presse « élitiste » déplore-t-elle régulièrement « ’américanisation » de <strong>la</strong> jeunesse roumaine et <strong>la</strong> perte<br />

de vitesse du français ? En regardant <strong>la</strong> même étude, on relève tout de même des motifs<br />

d’inquiétude : le français était, jusqu’à il y a quelques années, <strong>la</strong> première <strong>la</strong>ngue enseignée en<br />

Roumanie. Depuis 2001, il a été doublé par l’ang<strong>la</strong>is. De même, on observe un vieillissement du<br />

corps professoral de français : 60 % de celui-ci est âgé de plus de 45 ans, tandis que le <strong>pour</strong>centage<br />

<strong>pour</strong> son homologue de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue ang<strong>la</strong>ise n’est « que » de 38 %…<br />

Pour Cristian Preda, le secrétaire d’Etat chargé de <strong>la</strong> Francophonie, il n’y a pas lieu de<br />

désespérer. « La sensibilité francophone de <strong>la</strong> Roumanie est toujours présente, et il ne serait pas<br />

possible d’effacer l’importance que le français a eu <strong>pour</strong> <strong>la</strong> Roumanie. La <strong>la</strong>ngue est l’outil premier<br />

de transmission d’une culture et plus de deux siècles et demi d’utilisation, de lecture et de mode<strong>la</strong>ge<br />

des institutions roumaines sur des modèles français et belge ont <strong>la</strong>issé des traces ineffaçables. »<br />

Des liens forts et anciens entre Paris et Bucarest<br />

En effet, <strong>la</strong> Roumanie est de longue date attachée à <strong>la</strong> France et à <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong>. Dès le<br />

début du XIX è siècle, pendant les guerres russo-turques qui se dérou<strong>la</strong>ient sur le territoire de <strong>la</strong><br />

future Roumanie, l’aristocratie locale entre en contact, par le biais des Russes, avec <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue et <strong>la</strong><br />

culture françaises. Puis l’éveil de <strong>la</strong> conscience nationale roumaine, qui fait suite au mouvement des<br />

Lumières français, se traduit notamment par deux poussées indépendantistes, vers 1820 puis vers<br />

1848. C’est finalement avec l’appui de Napoléon III, qui intervient en ce sens lors du traité de Paris<br />

de 1856, que <strong>la</strong> Moldavie et <strong>la</strong> Va<strong>la</strong>chie obtiennent <strong>la</strong> reconnaissance de leur union en un État<br />

unique, <strong>la</strong> Roumanie. Le nouvel État est officiellement reconnu en 1861 par les puissances<br />

européennes et les Ottomans, l’indépendance étant formellement proc<strong>la</strong>mée le 10 mai 1877. De<br />

même, pendant <strong>la</strong> Première guerre mondiale, c’est un général français, Henri Berthelot, qui contribue<br />

de manière décisive à <strong>la</strong> reconstruction de l’armée roumaine.<br />

Ce compagnonnage franco-roumain se <strong>pour</strong>suit au siècle suivant : ainsi, <strong>la</strong> constitution<br />

roumaine de 1923 est <strong>la</strong>rgement inspirée du modèle français et le célèbre écrivain et diplomate Paul<br />

Morand constate, en évoquant <strong>la</strong> même époque : « On par<strong>la</strong>it français dans les familles<br />

aristocratiques, on connaissait l’histoire et <strong>la</strong> littérature de <strong>la</strong> France, on lisait les journaux<br />

19


français, on pouvait acheter les dernières parutions littéraires mêmes dans les librairies des villes<br />

de province. » Bucarest était devenu le petit Paris !<br />

Puis, pendant les longues années de dictature communiste, le français représente une forme<br />

de résistance intellectuelle dont l’Institut français de Bucarest est l’un des bastions. Dans son<br />

ouvrage consacré à l’histoire de l’institution, l’historien André Godin témoigne notamment :<br />

« Lorsqu’il y avait des revues litigieuses <strong>pour</strong> le régime, on les cachait, mais elles circu<strong>la</strong>ient<br />

quand même… »<br />

En entreprise, <strong>la</strong> plupart des réunions de direction se font en français<br />

Aujourd’hui, plus question de censure. Les médias francophones sont présents en Roumanie,<br />

que ce soit avec TV5Monde (regardée par un million de personnes au moins une fois par semaine),<br />

RFI-Roumanie (qui émet en français et en roumain à Bucarest et dans d’autres grandes villes du<br />

pays) ou encore Regard, mensuel francophone d’actualités. « La Roumanie, dont le français n’est<br />

pas <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue maternelle, est l’un des pays où <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong> est fortement représentée, avance<br />

Jean-Francois Peres, rédacteur en chef de <strong>la</strong> publication. Quand on se promène en Roumanie, on se<br />

rend vite compte que <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong> n’est pas seulement une affaire linguistique, mais aussi<br />

historique, architecturale et, de façon croissante, économique. »<br />

En effet, <strong>la</strong> France est l’un des principaux partenaires économiques de <strong>la</strong> Roumanie, avec plus<br />

de 325 millions d’euros investis depuis le début de l’année 2006 ; 50 000 Roumains travaillent<br />

actuellement dans des entreprises françaises. Le français est d’ailleurs un atout sur un curriculum<br />

vitae, comme le <strong>la</strong>isse entendre Patrick Gelin, PDG de <strong>la</strong> Banque roumaine <strong>pour</strong> le développement<br />

(groupe Société Générale), deuxième banque du pays : « Au niveau des cadres, en particulier ceux<br />

qui veulent faire carrière, <strong>la</strong> pratique du français est incontournable. La plupart des réunions de<br />

direction se font d’ailleurs en français. » L’Ambassadeur de France en Roumanie, Hervé Bolot,<br />

précise : « On constate que <strong>la</strong> France demeure <strong>la</strong> première destination des étudiants roumains de<br />

troisième cycle. Ce<strong>la</strong> est à l’image de <strong>la</strong> dynamique économique, industrielle et commerciale des<br />

entreprises françaises dans le pays. »<br />

Les 28 et 29 septembre 2006, Bucarest sera <strong>la</strong> première capitale européenne, hormis Paris, à<br />

accueillir un sommet de <strong>la</strong> Francophonie. Le thème de ce XI e sommet est « Les technologies de<br />

l’information dans l’éducation ». Parmi les enjeux, l’annonce possible de <strong>la</strong> création d’une<br />

université francophone dans <strong>la</strong> capitale roumaine.<br />

Luca Niculescu<br />

20


N° 509 La vie du français en Europe (2)<br />

06.08.17 Pologne, Lituanie, Slovénie : une <strong>francophonie</strong> en ébullition<br />

(MFI) Dans ces trois pays membres de l’OIF, les initiatives foisonnent. Focus<br />

sur le projet de c<strong>la</strong>sses francophones en Silésie, les cartes postales chorégraphiques<br />

de Vilnius et <strong>la</strong> préparation de <strong>la</strong> présidence européenne de <strong>la</strong> Slovénie…<br />

Pologne : c<strong>la</strong>sses francophones en Silésie<br />

Le projet « C<strong>la</strong>sses francophones en Silésie » a pris forme. Cinquante professeurs de français<br />

ont introduit un programme pilote dans leurs écoles respectives depuis décembre 2005. Le français a<br />

toujours été étudié par un grand nombre d’élèves en Silésie, où son apprentissage se maintient en<br />

3 e position après celui de l’ang<strong>la</strong>is et de l’allemand, devançant le russe, tandis qu’il est passé au<br />

4 e rang dans <strong>la</strong> plupart des autres régions de <strong>la</strong> Pologne en 2005. D’une durée de trois ans, ce projet<br />

est destiné à tous les collèges, lycées et écoles professionnelles.<br />

Son programme de français renforcé (minimum 4 h/semaine) permet de préparer le bacca<strong>la</strong>uréat<br />

é<strong>la</strong>rgi de français en vue de <strong>pour</strong>suivre des études à l’étranger dans le cadre des programmes<br />

européens. Ses élèves doivent organiser <strong>la</strong> Journée internationale de <strong>la</strong> Francophonie, chaque année,<br />

le 20 mars, coopérer avec les clubs européens et encore participer au volontariat européen en tant que<br />

francophones. Ils sont en contact avec des écoles d’autres pays francophones à travers le monde, ce<br />

qui favorise leur correspondance en français. « Les élèves deviennent ainsi les ambassadeurs de <strong>la</strong><br />

Pologne dans le monde francophone », explique-t-on à <strong>la</strong> Délégation Wallonie Bruxelles à Varsovie,<br />

inspiratrice du projet. Les enseignants, quant à eux, profitent d’une offre de formation continue très<br />

vaste. Ils échangent leurs expériences avec des collègues, créent leurs propres bases de données...<br />

Cette p<strong>la</strong>te-forme entre enseignants de tous niveaux éducatifs est censée augmenter leur efficacité…<br />

et donc le nombre d’apprenants et de diplômés au niveau international.<br />

Dans le cadre de <strong>la</strong> coopération décentralisée, les contacts indirects entre communautés locales<br />

en Silésie et dans d’autres pays francophones sont aussi facilités. Coordonnatrice du projet, <strong>la</strong><br />

directrice adjointe du Collège de formation des maîtres en <strong>la</strong>ngues vivantes de Jastrzębie Zdrój,<br />

Renata Klimek-Kowalska, avait présenté celui-ci au Commissariat général aux Re<strong>la</strong>tions<br />

internationales de <strong>la</strong> Communauté française de Belgique, en février 2006, à Bruxelles, qui depuis a<br />

mis à disposition un conseiller pédagogique <strong>pour</strong> former les enseignants du réseau, é<strong>la</strong>borer le<br />

programme et assister les professeurs. Le tout dans un esprit d’ouverture à <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong>, mettant<br />

l’accent sur les spécificités de <strong>la</strong> culture belge francophone et <strong>la</strong> promotion des re<strong>la</strong>tions belgopolonaises.<br />

Co-auteure du projet et directrice de l’Alliance française de Rybnik, Elzbieta Paniczek<br />

assurera <strong>pour</strong> sa part <strong>la</strong> formation des professeurs chargés de préparer les élèves aux certifications<br />

internationales.<br />

Lituanie : cartes postales chorégraphiques de Vilnius<br />

Dans ce pays observateur de l’OIF où le nombre de locuteurs en français est estimé à 67 520, il<br />

n’existait jusqu’à présent qu’un modeste festival de théâtre francophone destiné aux sco<strong>la</strong>ires et aux<br />

universitaires. Outre un club de débats, l’ambassade de France et le Centre culturel français de<br />

Vilnius, <strong>la</strong> capitale, viennent de <strong>la</strong>ncer un projet d’éducation artistique original, créé en France sur<br />

une idée de <strong>la</strong> chorégraphe Dominique Hervieu <strong>pour</strong> le festival Francofffonies ! Selon des règles du<br />

21


jeu à <strong>la</strong> fois chorégraphiques, musicales et filmiques communes à tous, il sera proposé à des enfants,<br />

avec leurs professeurs de danse, ainsi qu’à des danseurs, de créer des duos intégrant des éléments des<br />

danses traditionnelles lituaniennes à ceux d’une création contemporaine. En 2007, certains duos<br />

seront filmés dans des lieux de rencontre de Vilnius – p<strong>la</strong>ces, rues, musées, ponts – puis envoyés avec<br />

les commentaires des danseurs, tels des « cartes postales » audiovisuelles, sur un site Internet ouvert<br />

aux autres participants du projet disséminés aux quatre coins du monde : Mali, Cambodge, Tunisie,<br />

France… La lecture croisée de ces cartes postales tissera un « art de <strong>la</strong> rencontre », fondé sur un acte<br />

de tolérance esthétique fait de découverte et de partage, dans une authentique expérience de création,<br />

mettant en évidence similitudes et différences culturelles entre les duos du monde.<br />

Slovénie: le P<strong>la</strong>n Présidence <strong>pour</strong> le français, sans tapage ni prétention<br />

Une longue tradition francophile a permis à <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue française de rester présente dans les<br />

milieux culturels et politiques de Slovénie, devenue membre observateur de l’OIF en 1999. En avril<br />

2005, elle a demandé le soutien de <strong>la</strong> France <strong>pour</strong> <strong>la</strong> préparation de sa haute administration à <strong>la</strong><br />

Présidence européenne de 2008 – dont elle entend piloter les rencontres dans toutes les <strong>la</strong>ngues de<br />

l’UE, y compris le français. « La France s’est félicitée de l’ampleur de cette demande sans précédent<br />

historique », commente Dominique Geslin, directeur du Service de coopération et d’action culturelle<br />

à Ljubljana, <strong>la</strong> capitale de <strong>la</strong> Slovénie. L’ambassadrice de France en Slovénie, Dominique Gazuy, a<br />

sollicité l’appui du Secrétaire général de l’OIF, Abdou Diouf, qui s’est réjouit du fait que <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue<br />

française puisse « affirmer sa présence, sa modernité, son importance géopolitique » dans cette<br />

région de l’Europe. C’est ainsi que le 15 novembre 2005, un Memorandum intitulé « P<strong>la</strong>n Présidence<br />

<strong>pour</strong> le Français » a été signé entre <strong>la</strong> Slovénie, <strong>la</strong> Communauté française de Belgique et <strong>la</strong> France.<br />

L’accord prévoit des stages intensifs et extensifs d’ici 2008, ainsi que des sessions d’immersion en<br />

France, en Belgique ou au Luxembourg, ainsi que des simu<strong>la</strong>tions de conférences en <strong>la</strong>ngue<br />

française, à Ljubljana, dès le printemps 2006, <strong>pour</strong> quelque 600 fonctionnaires – dont près de 180 ont<br />

déjà été formés par l’ambassade de France et l’Institut français après l’adhésion de <strong>la</strong> Slovénie à<br />

l’Union européenne (mars 2003).<br />

Depuis janvier 2006, les opérations de formation linguistique extensive (cours collectifs et<br />

individuels) ont déjà permis de former en français environ 350 fonctionnaires slovènes. Près de<br />

1 300 heures ont été effectuées sur un volume global de 3 000 heures réparties sur toute l’année. Un<br />

séminaire de préparation se tient à Paris du 25 au 30 septembre 2006 avec les futurs partenaires<br />

français et portugais, auxquels une douzaine de fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères et<br />

du Bureau des Affaires européennes slovènes participeront. Par ailleurs, l’ambassade de France en<br />

Slovénie organise à Ljubljana, à l’automne 2006, un atelier de simu<strong>la</strong>tion de <strong>la</strong> Présidence. Le p<strong>la</strong>n<br />

OIF a attribué une subvention d’environ 60 000 euros <strong>pour</strong> ce projet, tandis que les Slovènes le<br />

financent à hauteur de 50 %.<br />

« La <strong>la</strong>ngue française en Slovénie, sans tapage ni prétention, se porte plutôt bien et des<br />

promesses de développement sont là, présentes et dynamisantes ! », estime Dominique Geslin.<br />

D’autant que ce nouvel é<strong>la</strong>n francophone ne se réduit pas au seul niveau européen. En amont, une<br />

politique linguistique sur <strong>la</strong> durée, en partenariat entre les deux pays, a pris appui sur <strong>la</strong> réforme du<br />

système éducatif. C’est ainsi qu’en 2005, <strong>la</strong> France a engagé en Slovénie 113 016 euros <strong>pour</strong> <strong>la</strong><br />

coopération éducative, 180 395 euros <strong>pour</strong> <strong>la</strong> coopération universitaire, 97 240 euros <strong>pour</strong> <strong>la</strong><br />

coopération technique et européenne et 67 004 euros <strong>pour</strong> <strong>la</strong> coopération culturelle.<br />

Antoinette De<strong>la</strong>fin<br />

22


N° 510 La vie du français en Europe (3)<br />

06.08.17 République Tchèque, Slovaquie : l’attrait grandissant de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue<br />

(MFI) Dans ces deux pays voisins qui ne faisaient qu’un jusqu’en 1993,<br />

membres de l’OIF, l’envie de français se développe et les motivations en sont aussi<br />

bien culturelles qu’économiques.<br />

République tchèque : Brezen 2006, Frankofonni turné<br />

« C’est <strong>la</strong> première fois que les Tchèques participent aussi activement à l’organisation de <strong>la</strong><br />

tournée de <strong>la</strong> chanson francophone, tant financièrement qu’en termes de mobilisation », raconte<br />

Olivier Gillet, le délégué de <strong>la</strong> Communauté française de Belgique et de <strong>la</strong> Région wallonne en<br />

République tchèque. Il attribue le succès de <strong>la</strong> session de mars 2006 au concours actif de Pavel<br />

Svoboda, le vice-ministre des Affaires étrangères, soulignant que ce dernier a récemment suivi des<br />

cours de français.<br />

Depuis six ans, les partenaires institutionnels et culturels francophones se regroupent <strong>pour</strong><br />

organiser les Journées de <strong>la</strong> Francophonie en République tchèque, une manifestation qui se déroule<br />

sur l’ensemble du mois de mars. « Initiative unique et aventure collective, elle reflète bien et confirme<br />

l’attrait grandissant <strong>pour</strong> <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue et <strong>la</strong> culture francophone dans ce pays. » Manifestations<br />

littéraires, cinématographiques, p<strong>la</strong>stiques et musicales ont lieu dans tout le pays, organisées en<br />

région par les Alliances françaises de Brno, de Bohême du Sud – Ceské Budejovice, de Liberec,<br />

d’Ostrava et de Pzlen, par le Centre français d’Olomouc, par les clubs franco-tchèques de Hradec<br />

Kralové, de K<strong>la</strong>dno, de Pribram et de Zlin, et par l’université de Hradec Kralové…<br />

Cette année, le ministère tchèque des Affaires étrangères, <strong>la</strong> Ville de Prague, les ambassades de<br />

Canada et de Suisse, <strong>la</strong> Délégation Wallonie-Bruxelles, <strong>la</strong> Maison de Bourgogne et l’Institut français<br />

de Prague ont organisé une tournée de <strong>la</strong> chanson francophone. Des artistes de tous horizons ont<br />

conjugué les styles sur près de quinze scènes – chansons à textes, rock, pop, hip-hop –, notamment le<br />

Suisse Michel Bülher, <strong>la</strong> Canadienne Fabio<strong>la</strong> Toupin, <strong>la</strong> Belge Karin Clerq, le groupe français Lool,<br />

<strong>la</strong> formation tchèque Prago Union ou encore le rappeur sénéga<strong>la</strong>is Awadi, Prix RFI Musiques du<br />

Monde 2003. Une brochure attrayante, tirée à 15 000 exemp<strong>la</strong>ires, témoigne de <strong>la</strong> richesse de <strong>la</strong><br />

programmation : certaines manifestations étaient organisées par le festival Afrique en créations,<br />

d’autres soutenues par les ambassades de Roumanie, d’Albanie, de Bulgarie... Un rendez-vous qui<br />

<strong>pour</strong>rait bien devenir incontournable.<br />

Slovaquie : quand l’économie fait apprendre le français<br />

« Depuis son entrée dans l’Union européenne, environ 70 entreprises françaises se sont<br />

imp<strong>la</strong>ntées en Slovaquie, ce qui porte leur nombre à 310 aujourd’hui. » Edouard Meyer, de <strong>la</strong><br />

mission économique française de Bratis<strong>la</strong>va, énumère les noms des sociétés dont <strong>la</strong> plupart semble<br />

avoir suivi l’instal<strong>la</strong>tion de l’unité Peugeot PSA dans <strong>la</strong> ville de Tmava. « La réputation de<br />

l’ancienne Tchécoslovaquie s’est construite sur son industrie métallurgique. Après sa scission avec<br />

<strong>la</strong> République tchèque en 1993, <strong>la</strong> Slovaquie avait beaucoup à offrir à l’Ouest. » Concrètement, il<br />

s’agissait de transformer les usines d’armement en chaînes de production automobile ou de <strong>nouvelle</strong>s<br />

23


technologies. La politique libérale « à <strong>la</strong> Tony B<strong>la</strong>ir » menée jusqu’à présent par le gouvernement<br />

slovaque lui permet d’afficher un taux de croissance annuel de 6 %.<br />

L’arrivée des entreprises européennes a réveillé le goût des <strong>la</strong>ngues des jeunes Slovaques qui y<br />

ont vu des opportunités d’emploi plus avantageuses, et pouvant à terme les emmener à <strong>la</strong> découverte<br />

de l’Ouest. « Jusqu’à <strong>la</strong> chute du Mur de Berlin, <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue russe était obligatoire dans le cursus de<br />

l’Education nationale, l’allemand était toléré, du fait de <strong>la</strong> proximité de l’Autriche et de l’Allemagne,<br />

explique l’un des responsables de l’Institut français de Bratis<strong>la</strong>va. Aujourd’hui, l’ang<strong>la</strong>is tient <strong>la</strong> pôleposition.<br />

Mais de nouveaux cours de <strong>la</strong>ngues sont apparus : italien, espagnol, polonais, ukrainien. »<br />

Désormais, le français talonne le russe en nombre d’étudiants, et <strong>pour</strong>rait même le dépasser grâce à<br />

l’apport des entrepreneurs francophones.<br />

« Peugeot PSA a un programme de formation initiale et permanente incluant des cours de<br />

français, ouvert à tous ses employés, du technicien au cadre, soit environ 2 500 personnes, précise<br />

Catherine Walterski, secrétaire générale de l’Institut et du service de coopération et d’action culturelle<br />

de l’ambassade de France ; et comme le constructeur automobile a entraîné dans son sil<strong>la</strong>ge des<br />

sociétés sous-traitantes françaises, comme Faurecia ou Gefco, leurs employés sont venus grossir les<br />

rangs des étudiants. » La petite école primaire française de Bratis<strong>la</strong>va, qui ne comptait que 9 élèves il<br />

y a trois ans, compte aujourd’hui 89 enfants de parents francophones, venus avec leurs employeurs.<br />

Un niveau collège en re<strong>la</strong>tion avec le Centre national de l’enseignement à distance (CNED) sera<br />

inauguré à <strong>la</strong> rentrée sco<strong>la</strong>ire 2006.<br />

Témoin vivant de ce nouveau type d’échange, Lubomir Jancok (« celui qui embrasse <strong>la</strong> paix »<br />

en slovaque), étudiant en sciences politiques et fondateur de l’association Pont Francophone : « En<br />

neuf mois, nous avons organisé une trentaine d’évènements. Nous nous sommes rendus au Parlement<br />

européen à Strasbourg et avons établi des re<strong>la</strong>tions avec l’Ecole nationale d’administration. »<br />

Interprète occasionnel <strong>pour</strong> <strong>la</strong> Société des Amis de Talleyrand (le ministre de Napoléon a séjourné à<br />

Presbourg – ancien nom de Bratis<strong>la</strong>va – avant d’y signer le traité de paix éponyme), le jeune homme<br />

exerce aujourd’hui ses talents auprès du sidérurgiste Arcelor.<br />

Antoinette De<strong>la</strong>fin et Marion Urban<br />

24


N° 511 La vie du français en Europe (4)<br />

06.08.17 Italie, Portugal : comment <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong> résiste<br />

(MFI) L’Italie comme le Portugal ne sont pas membres de l’OIF, mais ils ont une<br />

tradition ancienne de pratique du français et restent attachés à <strong>la</strong> culture française.<br />

Les deux pays ont connu un recul sensible de l’apprentissage de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue française<br />

chez les jeunes, au profit de l’ang<strong>la</strong>is. Les dispositions européennes favorables à<br />

l’acquisition de plusieurs <strong>la</strong>ngues doivent permettre d’enrayer ce déclin.<br />

Italie : un saut de génération<br />

Valentina parle, avec application, un français presque parfait. Cette jeune Italienne lit beaucoup<br />

de littérature en français, connaît Michel Houellebecq, s’intéresse aussi aux littératures francophones<br />

et déc<strong>la</strong>re avoir été très impressionnée par <strong>la</strong> lecture de Murambi, de l’écrivain Boubacar Boris Diop,<br />

roman (publié en 2004 en italien) sur le génocide rwandais. Valentina est le portrait-type de ces<br />

happy few d’Italie <strong>pour</strong> lesquels <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong> revêt une signification plus ou moins précise.<br />

Heureux élus qui se recrutent presque exclusivement dans les milieux universitaires et aisés, qui<br />

voyagent volontiers et ont séjourné ou vécu à Paris, ont une re<strong>la</strong>tion presque spontanée avec <strong>la</strong> France<br />

et <strong>la</strong> culture française, et qui commencent à s’ouvrir à d’autres réalités culturelles, notamment<br />

africaines. Pour ceux-là, l’année francophone a pu être perçue avec un certain intérêt, grâce à l’effort<br />

consenti par le réseau culturel français (cinq instituts culturels – Florence, Mi<strong>la</strong>n, Naples, Palerme,<br />

Turin – et deux « délégations » culturelles à Bologne et Venise, ainsi que 54 Alliances françaises)<br />

<strong>pour</strong> promouvoir l’idée de <strong>francophonie</strong> au p<strong>la</strong>n culturel.<br />

Toutefois, à l’exemple de <strong>la</strong> seule enc<strong>la</strong>ve officiellement francophone en territoire italien, le Val<br />

d’Aoste où le français est <strong>la</strong>ngue officielle, on a en Italie avant tout une perception linguistique de <strong>la</strong><br />

réalité francophone. De ce point de vue, <strong>la</strong> situation paraît à <strong>la</strong> fois satisfaisante et fragile. En raison<br />

des liens historiques et culturels très riches entre <strong>la</strong> France et l’Italie, <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue française est en bonne<br />

position parmi les <strong>la</strong>ngues internationales pratiquées dans le pays : on estime que l’Italie comprend<br />

19 % de francophones (<strong>la</strong> communauté française s’élèverait à quelque 58 000 personnes), et le<br />

français est <strong>la</strong> deuxième <strong>la</strong>ngue vivante étudiée, en particulier dans l’enseignement secondaire où l’on<br />

compte 735 000 élèves au lycée (soit 21 % du total) en c<strong>la</strong>sses de français. Si l’on ne dispose pas de<br />

statistiques récentes <strong>pour</strong> le supérieur, de nombreux universitaires et intellectuels italiens pratiquent le<br />

français, ou du moins en ont acquis des rudiments.<br />

Reste que tout le monde témoigne d’un recul du français, et d’un saut de génération constaté<br />

comme partout ailleurs en Europe : alors que <strong>la</strong> génération des plus de quarante ans montre une<br />

familiarité plus ou moins grande avec <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue française, les jeunes, eux, ont visiblement<br />

« décroché ». Les espoirs fondés sur <strong>la</strong> loi Moratti – effective depuis <strong>la</strong> rentrée 2005, elle rend<br />

obligatoire l’apprentissage de deux <strong>la</strong>ngues vivantes européennes –, dont on espère qu’elle<br />

consolidera <strong>la</strong> position de seconde <strong>la</strong>ngue du français, demandent à être confirmés. Des observateurs<br />

ne cachent pas un certain scepticisme, d’autres notent, toutefois, que le français résiste assez bien face<br />

à une poussée de l’ang<strong>la</strong>is qui fut encouragée très officiellement par l’ancien gouvernement de Silvio<br />

Berlusconi.<br />

25


Portugal : le français, <strong>la</strong>ngue « chic »… mais difficile et démodée<br />

De « en passant » à « soi-disant », de « mon ami » à « tout court », les expressions françaises<br />

abondent dans les pages des journaux de référence portugais. Le discours direct est souvent truffé de<br />

ces petits mots prononcés avec délice, car ils marquent l’appartenance à l’élite intellectuelle.<br />

Lorsqu’il paraît en couverture d’un magazine d’information réputé, un chef de gouvernement le fait<br />

lisant Le Monde, gage de crédibilité… Du côté des manifestations publiques, les commémorations<br />

(de Jean-Paul Sartre à Jules Verne et Georges Sand) mobilisent les foules <strong>pour</strong> des débats enf<strong>la</strong>mmés<br />

et des rendez-vous comme <strong>la</strong> Fête du cinéma et <strong>la</strong> Fête de <strong>la</strong> musique sont devenus incontournables.<br />

Mais tous ces indices positifs ont leur contrepartie : on déplore alors <strong>la</strong> disparition de chaînes<br />

françaises sur le réseau câblé, <strong>la</strong> diminution des films français, <strong>la</strong> rareté des concerts d’interprètes<br />

contemporains, ou <strong>la</strong> baisse du nombre d’étudiants en français dans le supérieur. Et bien sûr le<br />

Portugal n’échappe pas à l’engouement <strong>pour</strong> l’ang<strong>la</strong>is « utilitaire » au détriment d’un français<br />

autrefois dominant.<br />

Au XIX e siècle, <strong>la</strong> bourgeoisie portugaise choisit d’adopter les us et coutumes de <strong>la</strong> noblesse, et<br />

donc apprend le français, signe d’élégance et de raffinement. La tradition perdure, et à partir de 1947,<br />

alors que l’enseignement se démocratise, le français est étudié durant sept ans au collège, et l’ang<strong>la</strong>is<br />

trois ans. Vingt ans après, une première réforme accorde un statut d’égalité aux deux <strong>la</strong>ngues. En<br />

1989, il n’y a plus de <strong>la</strong>ngue obligatoire, et les élèves ont le choix entre quatre <strong>la</strong>ngues : le français,<br />

l’ang<strong>la</strong>is, l’allemand et l’espagnol. L’ang<strong>la</strong>is est aujourd’hui <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue étrangère <strong>la</strong> plus enseignée,<br />

avec 89,8 % des élèves. Le français arrive en seconde position, avec 54,4 %, caractéristique partagée<br />

dans l’Union par l’Espagne et l’Italie.<br />

Des 30 000 diplômés de l’université qui veulent enseigner, 8 000 sont des professeurs de <strong>la</strong>ngue<br />

(portugais plus une <strong>la</strong>ngue), dont <strong>la</strong> moitié des enseignants de portugais-français. Une situation qui<br />

résulte de <strong>la</strong> chute démographique, du manque d’intérêt des étudiants <strong>pour</strong> les sciences humaines et<br />

de <strong>la</strong> perte d’aura du français. « Désormais c’est l’ang<strong>la</strong>is qui s’enseigne durant <strong>la</strong> quasi totalité de <strong>la</strong><br />

sco<strong>la</strong>rité. Le français et les profs de français se sentent un peu abandonnés », reconnaît Zelia<br />

Sampaio, présidente de l’Association portugaise des professeurs de français, l’APPF. Dans <strong>la</strong> réalité,<br />

il y a presque rupture générationnelle : si l’ang<strong>la</strong>is est incontournable, le français est désormais perçu<br />

comme une <strong>la</strong>ngue difficile et démodée. Et le Portugal n’a pas les moyens d’offrir un choix équitable<br />

entre les 4 <strong>la</strong>ngues étrangères enseignées. L’option retenue de donner un caractère obligatoire à deux<br />

<strong>la</strong>ngues pendant <strong>la</strong> sco<strong>la</strong>rité y est cependant conforme aux objectifs fixés par l’Union européenne.<br />

Thierry Perret et Marie-Line Darcy<br />

26


N° 512 La vie du français en Europe (5)<br />

06.08.17 Allemagne, Royaume-Uni, Suède : <strong>la</strong> force des échanges<br />

(MFI) Bien que l’Allemagne, le Royaume-Uni et <strong>la</strong> Suède ne soient pas<br />

membres de l’OIF, des initiatives visant à promouvoir <strong>la</strong> culture francophone ont été<br />

<strong>la</strong>ncées avec succès dans ces pays. Focus sur le projet France Mobil en Allemagne,<br />

sur un programme de formation croisée des professeurs d’ang<strong>la</strong>is et de français et<br />

sur le festival du film français de Stockholm.<br />

Allemagne : quand les jeunes parlent aux jeunes<br />

L’idée de France Mobil est simple : sensibiliser à <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue française les jeunes Allemands au<br />

sein de leurs écoles, grâce à de jeunes Français passionnés par l’Allemagne et bilingues. A bord de<br />

véhicules contenant des jeux, des vidéos, des cd-roms, des livres et des revues <strong>pour</strong> <strong>la</strong> jeunesse, ainsi<br />

que des brochures touristiques, douze jeunes Français sillonnent depuis septembre 2004 les seize<br />

Länder allemands en se rendant dans des établissements sco<strong>la</strong>ires intéressés, de l’école élémentaire à<br />

<strong>la</strong> c<strong>la</strong>sse terminale. Ce projet a été <strong>la</strong>ncé à l’initiative de l’ambassade de France en Allemagne et de <strong>la</strong><br />

fondation Robert Bosch, qui œuvre <strong>pour</strong> l’amitié franco-allemande. Cette dernière finance les bourses<br />

des intervenants et prend en charge les frais inhérents aux tournées. L’ambassade de France en<br />

Allemagne forme <strong>pour</strong> sa part les intervenants et établit avec les ministres de l’éducation des seize<br />

Länder les priorités des France Mobil.<br />

Renault Nissan Allemagne et le Conseil général de Moselle apportent leur soutien logistique en<br />

mettant à disposition les douze véhicules France Mobil et en finançant les assurances et l’entretien<br />

des véhicules. Des maisons d’édition françaises et allemandes sont également partenaires de<br />

l’opération telles Klett et Pons du côté allemand ou Bayard Jeunesse et l’Ecole des loisirs du côté<br />

français. Mais <strong>pour</strong> les promoteurs du projet, ce qui est vraiment encourageant est l’intérêt croissant<br />

des régions françaises et des Länder allemands. Des partenariats ont été ainsi conclus entre <strong>la</strong> Hesse<br />

et <strong>la</strong> région Aquitaine et les villes de Hambourg et de Marseille. L’initiative de Hambourg a permis<br />

de <strong>la</strong>ncer un nouveau type de France Mobil, consacré aux établissements professionnels.<br />

Le même genre d’opération existe aussi depuis 2000 <strong>pour</strong> promouvoir l’allemand en France<br />

avec les DeutschMobil. Et lorsqu’on fait le bi<strong>la</strong>n de ces actions, on constate que le nombre d’élèves<br />

dans les établissements qui ont reçu <strong>la</strong> visite d’un France Mobil ou d’un DeutschMobil ayant choisi le<br />

français ou l’allemand en première ou deuxième <strong>la</strong>ngue a augmenté de façon significative (entre 25 à<br />

30 %). Il est important de sensibiliser <strong>la</strong> jeune génération et c’est <strong>pour</strong> continuer sur cette <strong>la</strong>ncée qu’a<br />

été créé, en octobre 2004, le Prix des lycéens allemands, inspiré du prix Goncourt des Lycéens.<br />

L’idée est de faire attribuer un prix littéraire lors de <strong>la</strong> Foire du livre de Leipzig par des élèves<br />

allemands qui apprennent le français dans les lycées. Le roman de Marie-Aude Murail, intitulé<br />

Simple, est le <strong>la</strong>uréat 2006.<br />

Royaume-Uni : des échanges de professeurs<br />

Développer les échanges entre enseignants est aussi un bon moyen de faire progresser <strong>la</strong><br />

<strong>francophonie</strong>. C’est ce qui a été réalisé entre <strong>la</strong> France et le Royaume-Uni. A l’origine, il y a les<br />

« accords du Touquet », signés en février 2003 entre les gouvernements français et britannique, et qui<br />

permettent chaque année à 400 enseignants stagiaires français du premier degré et à autant<br />

27


d’enseignants ang<strong>la</strong>is de suivre un stage pratique de quatre semaines dans le pays partenaire. Ces<br />

accords ont été prolongés et développés par un nouvel « arrangement administratif » conclu en juin<br />

2006 lors du 28 e Sommet franco-britannique. Ce texte, qui servira de cadre à <strong>la</strong> coopération éducative<br />

entre les deux pays pendant les quatre années à venir, a <strong>pour</strong> ambition de développer les échanges<br />

dans toutes les voies de l’enseignement sco<strong>la</strong>ire et supérieur. Trois domaines seront privilégiés : <strong>la</strong><br />

formation des enseignants et des personnels d’encadrement, les partenariats sco<strong>la</strong>ires et universitaires<br />

et les échanges sur des thèmes d’intérêt commun, notamment dans le cadre de visioconférences<br />

appelées « café éducation », à raison de trois ou quatre fois par an.<br />

Il reste que <strong>la</strong> Fédération internationale des professeurs de français a tiré <strong>la</strong> sonnette d’a<strong>la</strong>rme<br />

quant à <strong>la</strong> situation de l’enseignement de cette <strong>la</strong>ngue dans les écoles britanniques. Depuis que le<br />

gouvernement ang<strong>la</strong>is a décidé en 2003 de rendre l’étude des <strong>la</strong>ngues étrangères facultative à partir<br />

de <strong>la</strong> c<strong>la</strong>sse de troisième, on a déjà pu remarquer en 2004 un taux d’abandon important entre <strong>la</strong><br />

première et <strong>la</strong> terminale, les effectifs passant de plus de 20 000 à environ 15 000 élèves.<br />

Suède : le cinéma, vecteur de <strong>francophonie</strong><br />

Il existe nombre de vecteurs <strong>pour</strong> le développement de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong>, notamment dans le<br />

domaine artistique, comme le cinéma. C’est le cas avec le Festival du film français de Stockholm,<br />

dont <strong>la</strong> huitième édition a eu lieu en juin 2006. Pendant cinq semaines, <strong>la</strong> capitale suédoise vit à<br />

l’heure francophone et parvient à séduire un public de plus en plus <strong>la</strong>rge – même s’il reste encore très<br />

modeste (8 000 entrées en 2005). Ce festival est organisé par trois partenaires privés suédois : un<br />

producteur (DFM Fiktion), un distributeur de films (Triangel Film, l’un des plus gros acheteurs de<br />

films français en Suède) et un cinéma (Sture) avec le soutien de l’ambassade de France et de <strong>la</strong><br />

Cinémathèque suédoise.<br />

Au programme de l’édition 2006 : une invitée d’honneur, Carole Bouquet, une carte b<strong>la</strong>nche<br />

proposée à Arte <strong>pour</strong> sélectionner des films que <strong>la</strong> chaîne franco-allemande a co-produit et des<br />

soirées suisse et canadienne. La programmation du festival est assez éclectique et comprend des films<br />

qui se veulent différents et vont au-delà de <strong>la</strong> propagande <strong>pour</strong> <strong>la</strong> culture française, explique son<br />

directeur, Olivier Guerpillon. Se côtoient ainsi à l’affiche des films marocains, canadiens, belges,<br />

suisses, tunisiens, thaï<strong>la</strong>ndais, taïwanais, etc. En 2006, le festival s’est étendu également dans trois<br />

autres villes : Göteborg, Lund et Malmö.<br />

Isabelle Verdier<br />

28


N° 513<br />

06.08.10 La Francophonie a-t-elle une vocation européenne ?<br />

(MFI) La tenue du XI e Sommet de <strong>la</strong> Francophonie à Bucarest est l’occasion de<br />

s’interroger sur <strong>la</strong> situation de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue française et l’imaginaire qu’elle véhicule en<br />

Europe. Cinq personnalités du monde des lettres réagissent.<br />

Sophie Képès, écrivain, traductrice : « Une alternative à <strong>la</strong> domination d’une seule <strong>la</strong>ngue »<br />

De <strong>la</strong>ngue maternelle française, j’ai commencé mon parcours d’écrivain avant de devenir<br />

traductrice de hongrois, ma <strong>la</strong>ngue paternelle. Puis j’ai découvert les littératures d’Europe centrale et<br />

balkanique, et leur fréquentation a imprégné et remodelé mon rapport à <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue française et ma<br />

poétique romanesque. A tel point qu’aujourd’hui, je me considère comme un « auteur francophone de<br />

littérature centre-européenne ».<br />

Pendant des siècles, <strong>la</strong> Hongrie a subi le joug politique et culturel de ses puissants voisins<br />

germanique et russe. Pour échapper à leur influence et se revendiquer européens avant tout, les<br />

Occidentalistes (fin XIX e - début XX e ) se sont tournés vers <strong>la</strong> France. Ecrivains, peintres, musiciens<br />

puis photographes étaient francophiles, souvent francophones. Depuis <strong>la</strong> chute du communisme, et<br />

plus encore depuis l’entrée dans l’Union européenne, <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong> se renforce en Hongrie. Elle<br />

représente à nouveau une alternative à <strong>la</strong> domination d’une seule <strong>la</strong>ngue, et à ce titre, elle a un rôle<br />

immense à jouer. A l’inverse, n’oublions jamais que <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue et surtout <strong>la</strong> littérature françaises ont<br />

grand besoin de se frotter aux autres !<br />

Jean-Marie Klinkenberg, professeur à l’université de Liège, membre du Haut conseil de<br />

<strong>la</strong> Francophonie : « La conjoncture permet au français d’être <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue de <strong>la</strong> diversité »<br />

L’Europe ne serait pas elle-même si elle ne respectait pas <strong>la</strong> diversité dont elle a fait une de ses<br />

valeurs. Si le français y a une mission à remplir, c’est celle-là : contribuer à faire contrepoids à <strong>la</strong><br />

massification mondiale. Certes, il n’est pas dans l’essence du français d’être <strong>la</strong> seule <strong>la</strong>ngue à pouvoir<br />

endosser ce rôle, parce qu’elle serait naturellement non alignée, ou qu’elle serait « <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue des droits<br />

de l’homme ». Non seulement aucune collectivité n’est investie d’une mission messianique, mais le<br />

passé de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue française <strong>la</strong> prépare peu à être <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue de <strong>la</strong> diversité. Il se fait toutefois qu’elle<br />

est dans une position conjoncturelle qui lui permet de l’être en ce début de millénaire : d’une part elle<br />

permet l’expression de <strong>la</strong> modernité, et d’autre part, assez forte <strong>pour</strong> être fédératrice et assez faible<br />

<strong>pour</strong> ne pas être universellement dominatrice, elle occupe une position tactique qui lui permet de<br />

mener le combat contre les hégémonies mortifères. Mais ce combat, elle ne <strong>pour</strong>ra le gagner qu’en<br />

nouant des alliances tactiques avec les autres <strong>la</strong>ngues qui sont dans <strong>la</strong> même position : l’allemand,<br />

l’espagnol, le russe…<br />

Sonia Ristic, écrivain croate : « Le français des Lumières <strong>pour</strong> tenter de consoler<br />

l’inconso<strong>la</strong>ble »<br />

Quand j’entends <strong>francophonie</strong>, je pense Afrique. Peut-être parce que le français, qui est depuis<br />

quinze ans ma <strong>la</strong>ngue d’exil et surtout d’écriture, c’est au coeur de l’Afrique que je l’ai rencontré, à<br />

l’âge de six ans. Mais qui peut nier que <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong> est également européenne ? En digne fille<br />

d’une diplomate yougos<strong>la</strong>ve, je pense qu’aujourd’hui, alors que l’ang<strong>la</strong>is reste profondément marqué<br />

29


par <strong>la</strong> logique de l’hyper-puissance, <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong> peut servir l’idéal du non-alignement dans une<br />

Europe encore très po<strong>la</strong>risée. C’est <strong>pour</strong>quoi quand on me demande si <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong> a une vocation<br />

européenne, pendant un instant au moins, j’ai envie de dire oui et d’y croire.<br />

J’ai envie de me souvenir que le français fut <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue des Lumières, qu’il fit rêver de mondes<br />

meilleurs en mettant fin à un régime d’injustices, qu’il y a deux siècles il propagea ces idées à travers<br />

l’Europe et qu’il écrivit <strong>la</strong> Déc<strong>la</strong>ration des droits de l’homme. J’ai envie de croire qu’il peut être à<br />

nouveau <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue du progrès et de l’universel. J’ai envie de rêver d’une Europe qui choisirait le<br />

français des Lumières <strong>pour</strong> tenter de consoler l’inconso<strong>la</strong>ble, <strong>pour</strong> faire taire les bombes à Beyrouth,<br />

à Grozny, à Bagdad.<br />

J’ai envie de rêver d’une <strong>francophonie</strong> qui ne serait plus le cousin pauvre, mais notre mère à<br />

tous, une mère accueil<strong>la</strong>nte, protectrice, généreuse. Oui, je rêve. Mais qui sait ? Peut-être n’est-ce pas<br />

un rêve si fou ? Peut-être... En français, il y a un si joli mot <strong>pour</strong> « peut-être », c’est Inch’Al<strong>la</strong>h.<br />

Boniface Mongo-Mboussa, critique littéraire : « Le procès de <strong>la</strong> face diurne du<br />

colonialisme »<br />

La Francophonie peut jouer en Europe un rôle très important : devenir un espace d’échange<br />

littéraire et intellectuel fécond, un espace de convivialité et de dialogue. Je travaille actuellement avec<br />

Lakis Prodiguis, un grand critique grec francophone : nous méditons sur <strong>la</strong> nécessité de maintenir une<br />

<strong>francophonie</strong> littéraire et intellectuelle dans un monde marqué par le communautarisme et les<br />

revendications identitaires exacerbées.<br />

Comme l’écrit si bien l’auteur grec Théodoropoulos, « <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong> littéraire n’est pas un<br />

projet politique, c’est, avant tout, <strong>la</strong> marque d’une attitude intellectuelle ». C’est au nom de cette<br />

attitude intellectuelle que Diderot a séduit Catherine, impératrice de Russie. C’est au nom de cet<br />

humanisme universel des Lumières que Mongo Beti, Césaire ou Senghor ont instruit le procès de <strong>la</strong><br />

face diurne du colonialisme, prolongeant ainsi le travail de Montesquieu, de Diderot, de Voltaire ou<br />

de l’abbé Grégoire. Une telle <strong>francophonie</strong> a encore toute sa p<strong>la</strong>ce en Europe.<br />

Timur Muhidine, traducteur de turc : « Une <strong>francophonie</strong> thérapeutique ? »<br />

A Istanbul, à Izmir ou à Salonique autour de 1900, on par<strong>la</strong>it certainement plus français que<br />

turc ! De nos jours, <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong> se traduit par une présence forte du français dans l’enseignement<br />

secondaire et par un goût répandu <strong>pour</strong> les émissions de TV5.<br />

La Turquie d’aujourd’hui connaît aussi une francophilie active dans le domaine des sciences<br />

humaines : les traductions de Braudel, Foucault, Deleuze et Derrida occupent le devant de <strong>la</strong> scène<br />

intellectuelle... La psychanalyse a aussi fait son entrée en Turquie sur <strong>la</strong> base du français : les<br />

psychanalystes turcs sont encore <strong>la</strong>rgement formés à Paris et l’Ecole freudienne française domine.<br />

Cette <strong>francophonie</strong>-là serait-elle thérapeutique ?<br />

A défaut de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue française, les Turcs ont peut-être besoin d’un modèle français puisque<br />

leur inconscient porte encore <strong>la</strong> trace de l’esprit des Lumières et de <strong>la</strong> Révolution française. Mais<br />

cette idée-là de <strong>la</strong> France <strong>pour</strong>rait, à l’image du kémalisme qui s’en est beaucoup inspiré, être mise à<br />

mal... Il est à craindre que le renouveau nationaliste mâtiné d’un is<strong>la</strong>m pas toujours modéré que<br />

connaît <strong>la</strong> Turquie aujourd’hui soit moins propice à <strong>la</strong> diffusion de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong>.<br />

Propos recueillis par Tirthankar Chanda<br />

30


N° 514<br />

06.08.16 Demain, un réseau des bibliothèques numériques francophones<br />

(MFI) Annoncée à l’occasion de <strong>la</strong> fête de <strong>la</strong> Francophonie, en mars 2006, <strong>la</strong><br />

création d’un réseau des bibliothèques numériques francophones soulève de<br />

nombreuses questions dont le transfert de technologie n’est qu’un aspect.<br />

« Ce n’est pas par arrogance que nous avons débuté par une réunion des bibliothèques<br />

nationales du Canada, du Québec, de Belgique, du Luxembourg, de <strong>la</strong> France et de <strong>la</strong> Suisse », se<br />

défend Jean-Noël Jeanneney, lorsque, le 8 juin 2006, on l’interroge sur l’absence des pays nonoccidentaux<br />

du projet de bibliothèque numérique francophone, <strong>la</strong>ncé trois mois plutôt. Le directeur de<br />

<strong>la</strong> Bibliothèque nationale de France participe ce jour-là à un débat organisé autour de <strong>la</strong> Table à<br />

pa<strong>la</strong>bres de l’OIF. « A ce stade, précise-t-il, il s’agit de commencer à travailler avec les pays les plus<br />

avancés dans <strong>la</strong> numérisation ; notre priorité est le transfert de technologie, et <strong>la</strong> bibliothèque<br />

d’Alexandrie, qui vient de nous rejoindre dans cette initiative et avec qui nous travaillons depuis<br />

quelques années dans le cadre de <strong>la</strong> BNF, constituera notre projet-pilote. »<br />

Pour l’instant, le propos s’arrête là. Car une multitude de questions se posent dès lors que l’on<br />

évoque les bibliothèques du Maghreb, d’Asie ou d’Afrique francophones : quels formats choisir <strong>pour</strong><br />

<strong>la</strong> mise en ligne, qui les contrôlera ; quels contenus retenir (les plus fragiles ou les plus importants) ;<br />

les documents francophones seront-ils les seuls sélectionnés ou bien y ajoutera-t-on des documents en<br />

<strong>la</strong>ngues nationales (et donc jusqu’où va le respect de <strong>la</strong> diversité culturelle) ; comment constituer les<br />

collections, numériser les cultures orales, s’acquitter des droits d’auteurs ; qui financera ce réseau<br />

compte tenu du manque de moyens des bibliothèques « du Sud », etc., etc. Une réunion est prévue au<br />

début de l’année 2007 <strong>pour</strong> essayer d’y voir plus c<strong>la</strong>ir. Quoiqu’il en soit, <strong>la</strong> constitution de ce réseau<br />

bénéficiera de l’expérience de <strong>la</strong> Bibliothèque numérique européenne. Jean-Noël Jeanneney le définit<br />

déjà comme un « complément naturel » de celle-ci.<br />

La numérisation est moins complexe que <strong>la</strong> construction du réseau<br />

Entamée dans <strong>la</strong> plupart des pays développés au début des années quatre-vingt-dix, <strong>la</strong><br />

numérisation des livres dans les bibliothèques nationales et universitaires répondait avant tout aux<br />

problèmes de conservation, liés aux attaques du temps accentuées par les multiples manipu<strong>la</strong>tions des<br />

consultants. La lecture sur écran d’ordinateur se substituait progressivement aux parfums des reliures,<br />

mais les programmes informatiques et CD-ROMS offraient également un plus <strong>la</strong>rge accès au savoir et<br />

non pas seulement aux chercheurs oeuvrant à sa construction. « Rétrospectivement, je dirais que <strong>la</strong><br />

numérisation n’est pas <strong>la</strong> phase <strong>la</strong> plus complexe », explique Lise Bissonnette, l’actuelle directrice de<br />

Bibliothèque et Archives nationales du Québec, dont les nouveaux locaux ont été inaugurés en 2005 à<br />

Montréal. « La construction d’un réseau est autrement plus longue et tortueuse. Et nous devons agir<br />

vite. »<br />

L’idée de dépasser les murs de <strong>la</strong> bibliothèque et de se raccorder à d’autres centres de ressources<br />

était inhérente à <strong>la</strong> numérisation des livres. Les premiers à s’organiser furent les centres de recherches<br />

et les bibliothèques universitaires. Cependant, <strong>la</strong> mise à disposition en ligne gratuite de textes dits<br />

31


« c<strong>la</strong>ssiques » ou « fondamentaux » par les bibliothèques nationales, conjointement au développement<br />

vertigineux de <strong>la</strong> toile, eut tôt fait d’attirer les convoitises des marchands. En octobre 2004, <strong>la</strong> société<br />

Google (moteur de recherche de internet) annonce ainsi son intention de mettre en ligne gratuitement<br />

15 millions de livres issus de cinq bibliothèques anglo-saxonnes, parmi les plus prestigieuses, ainsi<br />

que des extraits des livres d’auteurs contemporains, en accord avec les éditeurs.<br />

BNUE, TEL : l’Europe contre-attaque<br />

La riposte a été rapide : non seulement du fait des concurrents de Google, mais aussi des Etats.<br />

« Partout dans le monde, on a accéléré <strong>la</strong> numérisation. » La main sur le cœur, Lise Bissonnette<br />

assure que les bibliothèques nationales le font dans un « esprit d’enrichissement culturel ». Dès janvier<br />

2005, Jean-Noël Jeanneney analysait cependant le défi de Google comme celui de « <strong>la</strong> domination<br />

écrasante de l’Amérique dans <strong>la</strong> définition de l’idée que les prochaines générations se feront du<br />

monde ».<br />

La bibliothèque numérique européenne (Bnue) est aujourd’hui en marche. Quarante-cinq<br />

bibliothèques, réparties dans les 25 pays de l’Union européenne ont adhéré au projet. Beaucoup<br />

d’entre elles vont reverser au fonds commun des ouvrages déjà numérisés. Mais, dorénavant, on<br />

travaille en sélectionnant des livres et images qui peuvent présenter un intérêt <strong>pour</strong> l’ensemble de<br />

l’Europe. La décision de créer un portail spécifique Bnue n’a pas encore été prise ; <strong>pour</strong> l’heure,<br />

chaque bibliothèque propose les « c<strong>la</strong>ssiques » sur son propre site. Suivront les dictionnaires et les<br />

ouvrages scientifiques, avant d’en arriver aux collections de journaux européens. Mais <strong>la</strong> Commission<br />

européenne souhaiterait que le projet soit plus identifiable, en utilisant le site de « The European<br />

Library » (TEL), déjà existant.<br />

La France contribuera à hauteur de 200 000 ouvrages. En 2006, environ 30 000 ouvrages de <strong>la</strong><br />

bibliothèque numérique française Gallica ont été « OCRisés »*, et en 2007, un budget de 10 millions<br />

d’euros sera consacré à <strong>la</strong> numérisation d’environ 120 000 ouvrages. Chaque pays européen gère ses<br />

financements de façon indépendante. Des mécènes privés y participent. Actuellement, le rythme de<br />

numérisation de l’ensemble de <strong>la</strong> BNUE est d’environ 400 000 ouvrages par an.<br />

Marion Urban<br />

A consulter :<br />

- La fourniture de services de bibliothèque à l’ère numérique : opportunités et menaces <strong>pour</strong> les bibliothèques d’Afrique.<br />

Kgomotso Mohai. Août 2003, http://www.if<strong>la</strong>.org/IV/if<strong>la</strong>69/papers/097f_trans-Moahi.pdf<br />

- www.theeuropeanlibrary.org<br />

- www.booksgoogle.com<br />

* OCR signifie Optical Character Recognition, reconnaissance optique de caractères. OCRiser signifie traiter un<br />

document préa<strong>la</strong>blement numérisé avec un logiciel permettant d’obtenir sa version textuelle et non pas seulement son<br />

image. Le taux de reconnaissance est variable en fonction de l’original, mais dans tous les cas insuffisant ; il faut donc<br />

ensuite faire vérifier l’ensemble du texte obtenu par un œil humain.<br />

32


N° 515<br />

06.08.10 Politiques migratoires : <strong>la</strong> Francophonie, <strong>la</strong>boratoire d’idées<br />

(MFI) De par <strong>la</strong> diversité de ses membres, l’ensemble francophone peut constituer<br />

un véritable <strong>la</strong>boratoire d’idées sur le phénomène migratoire. Les principaux pays<br />

d’accueil tels que <strong>la</strong> France, le Canada, <strong>la</strong> Belgique ou <strong>la</strong> Suisse mènent leurs propres<br />

politiques avec cependant des axes communs, tandis que les pays francophones<br />

d’Afrique et d’Europe de l’Est, eux, sont confrontés au départ ou au transit des<br />

candidats à l’émigration.<br />

Alors que <strong>la</strong> conférence euro-africaine de Rabat sur l’immigration et le développement des 10 et<br />

11 juillet 2006 (1) instaurait une coopération accrue entre pays d’origine, de transit et de destination, <strong>la</strong><br />

Francophonie, qui réunit ces trois types de pays, constitue un cadre idéal d’échanges d’expériences et<br />

d’idées.<br />

On retrouve certaines constantes dans <strong>la</strong> politique migratoire des principaux pays d’accueil<br />

francophones (Belgique, Canada, France, Suisse). Ainsi, l’idée de <strong>la</strong> sélection des candidats à<br />

l’immigration, déjà <strong>la</strong>rgement pratiquée. Au Canada, les ministres territoriaux, provinciaux et fédéral<br />

chargés des questions d’immigration ont, en novembre 2005, p<strong>la</strong>cé parmi leurs cinq priorités-clés une<br />

meilleure sélection des immigrants avec <strong>la</strong> création d’une <strong>nouvelle</strong> catégorie économique destinée à<br />

retenir les personnes qui possèdent une expérience de travail ou qui ont reçu une formation au Canada.<br />

En France, <strong>la</strong> deuxième (après celle de novembre 2003) loi sur l’immigration présentée par le<br />

ministre de l’Intérieur Nico<strong>la</strong>s Sarkozy, adoptée le 21 juillet 2006, prévoit une carte de séjour<br />

" Compétences et Talents " destinée à attirer, entre autres, des chercheurs et des étudiants. Cette loi<br />

prévoit également de <strong>nouvelle</strong>s restrictions <strong>pour</strong> les migrations familiales, au contraire du Canada qui,<br />

lui, a investi en 2005 dans un programme de deux ans destiné à accélérer le traitement des demandes<br />

de parents et des grands-parents au titre du regroupement familial.<br />

Autre constante des pays d’accueil francophones : une politique contraignante d’intégration. La<br />

Suisse a ainsi adopté fin 2005 une loi qui prévoit des « cours d’intégration » obligatoires <strong>pour</strong><br />

l’immigrant. Selon ce texte, les autorités devront prendre en compte le degré d’intégration du<br />

demandeur <strong>pour</strong> prolonger ou accorder les permis de séjour. La même politique est suivie par <strong>la</strong><br />

France avec <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce, depuis janvier 2004, des Contrats d’accueil et d’intégration (CAI). Pour<br />

sa part, <strong>la</strong> Belgique a accordé en 2004 un droit de vote aux élections communales aux étrangers non<br />

européens établis sur le territoire belge depuis cinq ans au moins.<br />

En Europe de l’Est, de nouveaux équilibres se forment<br />

Du côté des pays francophones d’origine de l’immigration, deux grands champs géographiques<br />

existent : l’Afrique (avec comme principaux pays émetteurs le Maroc, les deux Congo, le Mali et le<br />

Sénégal) et l’Europe de l’Est. Dans cette dernière zone, de nouveaux équilibres migratoires<br />

apparaissent à <strong>la</strong> suite de l’intégration, en 2004, de huit nouveaux pays au sein de l’Union européenne,<br />

dont six sont également membres observateurs (*) de <strong>la</strong> Francophonie : Estonie, Hongrie*, Lettonie,<br />

Lituanie*, Pologne*, République tchèque*, Slovaquie* et Slovénie*. L’intégration prochaine au sein<br />

33


de l’Europe de <strong>la</strong> Bulgarie et de <strong>la</strong> Roumanie, membres à part entière de l’OIF et grands <strong>pour</strong>voyeurs<br />

de main d’œuvre en Europe (majoritairement en Espagne et en Grèce <strong>pour</strong> <strong>la</strong> Bulgarie et en<br />

Allemagne et en Italie <strong>pour</strong> <strong>la</strong> Roumanie), devrait bouleverser un peu plus <strong>la</strong> donne. La Bulgarie<br />

comme <strong>la</strong> Roumanie se préparent en effet à devenir les <strong>nouvelle</strong>s frontières de l’Europe et adoptent<br />

des procédures beaucoup plus strictes de contrôle des flux migratoires.<br />

Quant aux pays de transit de l’immigration, ils sont de plus en plus nombreux, étant bien souvent<br />

également pays d’origine. C’est d’ailleurs parce qu’il était confronté à cette double réalité que le<br />

Maroc a été à l’initiative de <strong>la</strong> conférence euro-africaine de Rabat. Pour pallier <strong>la</strong> fuite des cerveaux<br />

africains vers l’Europe, les participants à cette conférence ont prôné, entre autres, une intensification<br />

des échanges entre universitaires du Nord et du Sud ainsi qu’une plus grande facilité de circu<strong>la</strong>tion des<br />

étudiants et des hommes d’affaires : des actions déjà entreprises par les structures francophones. Les<br />

nombreuses discussions en cours au sein de l’OIF sur ces thèmes – qui sont au cœur de l’actualité<br />

internationale, comme l’illustre le Dialogue de haut niveau sur les migrations internationales et le<br />

développement des 14 et 15 septembre 2006 à l’assemblée générale des Nations unies – ne peuvent<br />

qu’être amenées à se formaliser.<br />

Isabelle Verdier<br />

(1) Conférence organisée à l’initiative du Maroc, de l’Espagne et de <strong>la</strong> France, avec <strong>la</strong> participation de l’Union<br />

européenne et de l’Union africaine.<br />

Les flux migratoires dans les pays francophones<br />

(MFI) A <strong>la</strong> lecture du dernier rapport* de l’OCDE sur les migrations, on constate que dans les<br />

principaux pays d’accueil francophones, les flux migratoires sont économiques avant d’être<br />

linguistiques. Pays d’immigration par excellence, le Canada accueille ainsi en majorité des étrangers<br />

originaires d’Asie : sur un total de 236 000 entrées étrangères en 2004, on comptait ainsi<br />

36 000 Chinois, 26 000 Indiens et seulement 6 000 Roumains et 5 000 Français. De même, les liens<br />

linguistiques ne jouent pas <strong>pour</strong> l’immigration vers <strong>la</strong> Suisse : ce sont les Allemands et les Portugais<br />

qui arrivent en tête des entrées avec respectivement 18 000 et 14 000 ressortissants sur un total de<br />

96 000 en 2004.<br />

Le critère de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue française et les liens historiques ont malgré tout une influence <strong>pour</strong> <strong>la</strong><br />

France et <strong>la</strong> Belgique. Sur un total de 134 000 entrées d’étrangers en France en 2004, les Algériens<br />

(27 000) et les Marocains (22 000) arrivent ainsi <strong>la</strong>rgement en tête. On retrouve ensuite les<br />

ressortissants de Tunisie, du Congo-Brazzaville, d’Haïti, du Sénégal, du Mali et de <strong>la</strong> Roumanie.<br />

Enfin, en Belgique, qui n’a comptabilisé que 72 000 entrées d’étrangers en 2004, les Français et les<br />

Marocains font partie du trio de tête avec respectivement 9 500 et 8 000 personnes. Viennent ensuite<br />

dans une proportion moindre les ressortissants de Pologne, de Roumanie et de <strong>la</strong> République<br />

démocratique du Congo.<br />

* Perspectives des migrations internationales, <strong>Organisation</strong> de coopération et de développement économiques,<br />

Sopemi 2006.<br />

34


B 5617 LE FRANÇAIS EN EUROPE 2006.08.10<br />

(MFI) Le nombre de francophones<br />

diminue sur le vieux continent. Au banc<br />

des accusés : <strong>la</strong> facilité du « tout-ang<strong>la</strong>is »,<br />

le déclin des <strong>la</strong>ngues vivantes dans les<br />

différents systèmes sco<strong>la</strong>ires, mais aussi <strong>la</strong><br />

moindre p<strong>la</strong>ce de <strong>la</strong> France en Europe.<br />

Maîtriser le français constitue <strong>pour</strong>tant<br />

un atout professionnel et l’attrait culturel<br />

de l’Hexagone reste vif.<br />

« Qu’est-ce qui fait du français <strong>la</strong><br />

<strong>la</strong>ngue universelle de l’Europe ? » Telle<br />

était <strong>la</strong> question posée au concours d’entrée<br />

à l’Académie diplomatique de Berlin… en<br />

1784. Il serait aujourd’hui présomptueux de<br />

proposer le même sujet d’examen aux futurs<br />

ambassadeurs allemands. Mieux vaudrait les<br />

faire réfléchir à <strong>la</strong> seconde question posée au<br />

même concours : « Peut-on présumer que <strong>la</strong><br />

<strong>la</strong>ngue française conservera cette<br />

suprématie ? » Aujourd’hui, <strong>la</strong> réponse est<br />

facile : elle est négative. Selon le Haut<br />

Conseil de <strong>la</strong> Francophonie en effet, ces<br />

trois dernières années un quart des élèves<br />

apprenant le français en Europe ont disparu,<br />

passant de 36 à 28 millions.<br />

Un constat suffisamment inquiétant <strong>pour</strong><br />

que <strong>la</strong> Fédération internationale des<br />

professeurs de français décide de consacrer<br />

un congrès à ce sujet, en novembre prochain<br />

à Vienne. Comme l’explique sa secrétaire<br />

générale, Martine Defontaine : « Dans <strong>la</strong><br />

plupart des pays européens, on assiste à une<br />

baisse du nombre d’heures dévolues à<br />

l’enseignement du français, à une réduction<br />

des budgets <strong>pour</strong> <strong>la</strong> création de filières<br />

spécialisées, à <strong>la</strong> suppression de postes de<br />

professeurs. Une logique utilitaire favorise<br />

le tout-ang<strong>la</strong>is. » Au-delà du seul cas du<br />

français, le problème est celui du statut des<br />

<strong>la</strong>ngues étrangères dans l’enseignement.<br />

Tous les pays n’imposent pas<br />

l’apprentissage de deux <strong>la</strong>ngues vivantes à<br />

l’école. Souvent <strong>la</strong> deuxième <strong>la</strong>ngue n’est<br />

qu’une option qui se retrouve en<br />

concurrence avec l’informatique, le théâtre<br />

ou les arts p<strong>la</strong>stiques. Lorsque deux <strong>la</strong>ngues<br />

sont obligatoires, le français défend<br />

généralement sa p<strong>la</strong>ce, devant l’allemand et<br />

l’espagnol. Mais lorsque les élèves n’ont<br />

qu’une seule <strong>la</strong>ngue à choisir, c’est presque<br />

toujours l’ang<strong>la</strong>is – perçu avec raison<br />

comme <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue de communication<br />

internationale – qui a leur préférence.<br />

D’autant que – impératif budgétaire ou<br />

choix pédagogique – de nombreuses écoles<br />

à travers le vieux continent n’offrent pas<br />

d’autres possibilités.<br />

Apprendre obligatoirement deux<br />

<strong>la</strong>ngues européennes<br />

Pourtant en mars 2000, réunis à<br />

Barcelone, les chefs d’Etat et de<br />

gouvernement de ce qui était alors l’Europe<br />

des Quinze avaient approuvé l’obligation<br />

d’apprendre dans le secondaire au moins<br />

deux idiomes européens en plus de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue<br />

maternelle. Ce<strong>la</strong> afin d’encourager les<br />

échanges culturels, <strong>la</strong> mobilité<br />

professionnelle et l’intégration régionale. Six<br />

ans après, force est de déchanter. La seconde<br />

<strong>la</strong>ngue vivante est devenue optionnelle en<br />

Grèce, au Danemark, en Autriche, en Italie,<br />

dans plusieurs provinces espagnoles… Sans<br />

compter les pays où elle l’était déjà<br />

(Norvège, Ir<strong>la</strong>nde, Hongrie…) A chaque<br />

fois, le français en pâtit. En outre, appliquer<br />

trop strictement <strong>la</strong> déc<strong>la</strong>ration de Barcelone<br />

n’a pas toujours favorisé <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue de<br />

Molière. Ainsi le gouvernement autonome<br />

de Catalogne avait décidé que les deux<br />

<strong>la</strong>ngues européennes obligatoires seraient<br />

l’ang<strong>la</strong>is et l’espagnol, les élèves suivant<br />

leurs cours en cata<strong>la</strong>n. Il a depuis assoupli sa<br />

position. Mais <strong>la</strong> revendication croissante<br />

d’une Europe des régions verra le problème<br />

se reposer à terme. L’Italie a aussi joué les<br />

trublions. Le précédent Premier ministre,<br />

Silvio Berlusconi, avait imposé un décret<br />

– le décret 25 – instituant <strong>la</strong> possibilité <strong>pour</strong><br />

les écoles de remp<strong>la</strong>cer <strong>la</strong> seconde <strong>la</strong>ngue<br />

par des heures supplémentaires d’ang<strong>la</strong>is<br />

afin qu’au terme de leur sco<strong>la</strong>rité, les enfants<br />

« parlent aussi bien ang<strong>la</strong>is qu’italien » <strong>pour</strong><br />

reprendre les termes du Cavaliere. Les<br />

protestations tant des enseignants, des<br />

parents d’élèves que des ambassades de<br />

pays francophones, ont contraint les<br />

autorités transalpines à abroger ce décret en<br />

janvier 2006. Quant au Royaume-Uni,<br />

même <strong>la</strong> première <strong>la</strong>ngue vivante n’est<br />

obligatoire que les deux premières années<br />

du secondaire. Le français est certes le<br />

premier choix, mais est vite abandonné.<br />

Le français, deuxième <strong>la</strong>ngue<br />

maternelle dans l’Union européenne<br />

après l’allemand<br />

Souvent peu encourageant, le panorama<br />

du français en Europe mérite cependant<br />

d’être affiné. Tout n’est pas sombre<br />

évidemment. Le français reste, totalement<br />

ou <strong>pour</strong> partie, <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue maternelle de cinq<br />

pays européens : <strong>la</strong> France, <strong>la</strong> Belgique, <strong>la</strong><br />

Suisse, le Luxembourg et Monaco, auquel<br />

s’ajoute le cas particulier d’Andorre. Soit<br />

environ 70 millions de personnes. Le<br />

français est ainsi <strong>la</strong> deuxième <strong>la</strong>ngue<br />

maternelle dans l’Union européenne, après<br />

l’allemand (92 millions de locuteurs), mais<br />

devant l’ang<strong>la</strong>is (64 millions). Par contre, à<br />

en croire l’office statistique de l’UE, en<br />

additionnant <strong>la</strong>ngue maternelle et <strong>la</strong>ngue<br />

étrangère, l’ang<strong>la</strong>is est parlé (plus ou moins<br />

bien) par 56,4 % des Européens, l’allemand<br />

par 32 %, le français par 28 %, l’italien par<br />

18 % et l’espagnol par 15 %. Certains se<br />

réjouiront aussi que l’enseignement du<br />

français est obligatoire dans plusieurs pays :<br />

<strong>la</strong> partie f<strong>la</strong>mande de <strong>la</strong> Belgique (alors que<br />

le néer<strong>la</strong>ndais n’est pas obligatoire en<br />

Wallonie), <strong>la</strong> Roumanie, l’Albanie, Jersey,<br />

quelques länder allemands… « Il ne s’agit<br />

parfois qu’une heure ou deux par semaine,<br />

notamment en primaire. C’est satisfaisant,<br />

mais pas synonyme d’un effort à long terme<br />

en faveur du français », avertit-on au<br />

ministère français des Affaires étrangères.<br />

Enfin, à <strong>la</strong> question « Quelles sont les deux<br />

<strong>la</strong>ngues les plus utiles en dehors de votre<br />

<strong>la</strong>ngue maternelle ? », 69 % des<br />

ressortissants de l’Union européenne<br />

répondent l’ang<strong>la</strong>is, 37 % le français et 26 %<br />

l’allemand. Le français est presque toujours<br />

<strong>la</strong> deuxième <strong>la</strong>ngue étrangère enseignée<br />

après l’ang<strong>la</strong>is dans l’UE ; en moyenne,<br />

32 % des élèves l’apprennent.<br />

Des pays encore très francophones…<br />

Pour les défenseurs de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong>,<br />

les motifs de satisfaction existent donc. En <strong>la</strong><br />

matière, le bon élève toujours cité est <strong>la</strong><br />

Roumanie. On y compte 1,7 million de<br />

francophones – soit 8 % de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion –<br />

et 4,4 millions de personnes pouvant se<br />

« débrouiller » dans <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue. Record<br />

d’Europe ! Près de deux millions d’élèves<br />

apprennent le français au collège et au lycée.<br />

Soixante établissements proposent des<br />

sections bilingues et trente universités des<br />

filières francophones. La Roumanie est l’un<br />

des rares pays européens où le français peut<br />

être choisi comme première <strong>la</strong>ngue vivante à<br />

l’école. « Evidemment, l’ang<strong>la</strong>is prend une<br />

importance croissante, surtout en ville. Mais<br />

le niveau des élèves en français reste<br />

excellent car ils commencent à l’étudier dès<br />

l’âge de 10 ans », se félicite Mariana<br />

Perisanu, professeur à l’Institut français de<br />

Bucarest.<br />

Autre pays source de satisfaction : <strong>la</strong><br />

Moldavie, où le quart des 4,5 millions<br />

d’habitants se déc<strong>la</strong>rent francophones. Du<br />

primaire à l’université, 400 000 étudiants<br />

apprennent le français (72 % des collégiens).<br />

Dans l’ensemble du pays, 113 écoles<br />

proposent des sections de « français<br />

renforcé » avec au moins cinq heures de<br />

cours par semaine. Comme en Roumanie,<br />

c’est <strong>la</strong> tradition historique et le fait que <strong>la</strong><br />

<strong>la</strong>ngue nationale soit d’origine <strong>la</strong>tine qui<br />

expliquent ce succès du français.<br />

On peut encore citer dans le peloton de<br />

tête européen de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue française<br />

l’Albanie, <strong>la</strong> Macédoine et <strong>la</strong> Bulgarie qui,<br />

tous trois, revendiquent 10 % de<br />

francophones. Plus au nord, 3 % des<br />

Polonais – soit 1,2 million de personnes – se<br />

disent aussi totalement ou partiellement à<br />

l’aise en français. Mais dans ce dernier pays,<br />

l’effondrement du russe depuis 1989 a<br />

surtout profité à l’ang<strong>la</strong>is et à l’allemand<br />

(2,3 millions d’enfants apprennent<br />

l’allemand contre 300 000 seulement le<br />

français).<br />

Les esprits chagrins noteront que,<br />

Pologne excepté, ces pays francophiles ne<br />

sont pas de grands bassins de popu<strong>la</strong>tion, ni<br />

des sphères d’influence politique et<br />

économique déterminantes.<br />

La deuxième <strong>la</strong>ngue étrangère étudiée<br />

après l’ang<strong>la</strong>is<br />

Ailleurs en Europe, le français est<br />

quasiment partout <strong>la</strong> deuxième <strong>la</strong>ngue<br />

étrangère étudiée après l’ang<strong>la</strong>is. Mais il doit<br />

faire face à <strong>la</strong> forte concurrence de<br />

l’allemand en Europe de l’Est (République<br />

tchèque, Hongrie) et aux Pays-Bas. Certes,<br />

certains chiffres sont impressionnants,<br />

comme ces 2 millions d’élèves au<br />

Royaume-Uni et en Allemagne, 1,6 million<br />

35


en Italie et en Espagne, plus d’1 million en<br />

Russie. Mais ce<strong>la</strong> n’est pas synonyme<br />

d’études tout au long de <strong>la</strong> sco<strong>la</strong>rité ni de<br />

nombre d’heures de cours conséquent.<br />

Quant à devenir parfaitement<br />

francophones… Ainsi 77 % des petits Grecs<br />

apprennent le français au collège, mais à<br />

peine 15 % au lycée. Même <strong>la</strong> Suisse – dont<br />

20 % de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion a le français <strong>pour</strong><br />

<strong>la</strong>ngue maternelle – fait de <strong>la</strong> résistance ; les<br />

cantons de Zurich et d’Appenzell ont décidé<br />

que, des deux <strong>la</strong>ngues non-maternelles<br />

enseignées en primaire, l’ang<strong>la</strong>is serait<br />

prioritaire sur le français.<br />

L’ouverture sur le monde de <strong>la</strong> Russie et<br />

de ses ex-satellites après 1989 n’a guère<br />

profité à <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong>. Au contraire.<br />

L’ang<strong>la</strong>is n’est plus <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue de l’ennemi,<br />

mais celle de <strong>la</strong> communication, des<br />

voyages et des affaires. L’allemand<br />

bénéficie d’une proximité historique et<br />

géographique, et de son image de <strong>la</strong>ngue des<br />

investisseurs. En comparaison, l’aura<br />

culturelle et artistique du français semble<br />

insuffisante à rétablir l’équilibre. On est loin<br />

de l’époque où, en Russie, il était de bon ton<br />

dans <strong>la</strong> haute société de ne parler qu’en<br />

français, même en famille et surtout <strong>pour</strong><br />

déc<strong>la</strong>rer son amour. Dans Guerre et Paix de<br />

Léon Tolstoï, un personnage affirme que<br />

« même étant né en Russie, je pense en<br />

français ». Plusieurs grands écrivains<br />

moscovites ont d’ailleurs écrit leur œuvre<br />

parallèlement en russe et en français. Cette<br />

époque est révolue. Aujourd’hui, malgré<br />

9000 professeurs d’un excellent niveau,<br />

seuls 4,9 % des collégiens et lycéens<br />

apprennent le français, contre 74,4 %<br />

l’ang<strong>la</strong>is et 20,1 % l’allemand. Il existe<br />

cependant en Russie une centaine d’écoles<br />

secondaires à horaire renforcé de français,<br />

accueil<strong>la</strong>nt 29 000 élèves. Ce phénomène de<br />

transfert du français vers l’ang<strong>la</strong>is se<br />

constate aussi en Lituanie, en Lettonie, en<br />

Estonie, en Ukraine, en Croatie, en Slovénie,<br />

en Hongrie… Mais c’est en Scandinavie<br />

que le français est le plus mal loti. En Suède,<br />

Fin<strong>la</strong>nde, Danemark et Norvège, <strong>la</strong><br />

deuxième <strong>la</strong>ngue enseignée – quant elle<br />

existe – après l’ang<strong>la</strong>is est généralement un<br />

autre idiome scandinave. Le français est<br />

lingua incognita.<br />

L’Union européenne, mauvais élève<br />

de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong><br />

La situation de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue française reflète<br />

– plus ou moins fidèlement – <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce de <strong>la</strong><br />

France en Europe. Le « non » au référendum<br />

sur <strong>la</strong> constitution, en mai 2005, n’a pas aidé<br />

les zé<strong>la</strong>teurs de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong>. « Difficile<br />

de dire non à l’Europe, puis d’exiger des<br />

Européens qu’ils apprennent votre <strong>la</strong>ngue »,<br />

souligne un observateur. Lorsque <strong>la</strong><br />

Communauté économique européenne voit<br />

le jour en 1957, trois des six pays fondateurs<br />

partagent le français comme <strong>la</strong>ngue<br />

maternelle. Mais à chaque é<strong>la</strong>rgissement, <strong>la</strong><br />

<strong>la</strong>ngue de l’Hexagone perd<br />

proportionnellement de l’influence. Une<br />

étude de mai 2004 a montré que seuls 4 %<br />

des décideurs (fonctionnaires, chefs<br />

d’entreprises, journalistes) des dix nouveaux<br />

Etats membres par<strong>la</strong>ient français, mais 14 %<br />

allemand et 82 % ang<strong>la</strong>is. Certes le français<br />

est, avec l’ang<strong>la</strong>is et l’allemand, <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue de<br />

travail de <strong>la</strong> Commission de Bruxelles. Mais<br />

en 1996, 44 % des documents<br />

communautaires étaient rédigés directement<br />

en ang<strong>la</strong>is et 38 % en français ; dix ans plus<br />

tard, ces <strong>pour</strong>centages sont respectivement<br />

de 58 % et 28 %. Dans les couloirs de<br />

Bruxelles ou Strasbourg, on parle ang<strong>la</strong>is et<br />

les réunions sont conduites dans <strong>la</strong> même<br />

<strong>la</strong>ngue. « C’est plus simple <strong>pour</strong> tout le<br />

monde. En 1957, <strong>la</strong> Cee avait quatre<br />

<strong>la</strong>ngues officielles ; aujourd’hui, l’Union<br />

européenne en compte vingt, soit 421<br />

combinaisons de traduction. Aller trouver<br />

un interprète maltais-finnois ou polonaissuédois.<br />

Passer par l’ang<strong>la</strong>is est un gain de<br />

temps et d’argent. Le multilinguisme est un<br />

beau projet, mais il se heurte au principe de<br />

réalité », insiste un haut fonctionnaire<br />

européen. Sur certains sites Internet des<br />

institutions européennes, les informations ne<br />

sont publiées qu’en ang<strong>la</strong>is ; c’est<br />

notamment le cas des pages de <strong>la</strong> Banque<br />

centrale européenne. « Lorsque des émeutes<br />

éc<strong>la</strong>tent dans les banlieues, que les gens<br />

affichent leur morosité et les élus leur<br />

euroscepticisme, <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue française perd<br />

des points. Par contre, lorsque l’équipe de<br />

France arrive en finale de <strong>la</strong> coupe du<br />

monde, qu’Airbus gagne des parts des<br />

marché, que des films comme Le fabuleux<br />

destin d’Amélie Pou<strong>la</strong>in attirent des millions<br />

de spectateurs, alors le français séduit à<br />

nouveau », souligne le même fonctionnaire.<br />

Défendre systématiquement le<br />

multilinguisme<br />

Face à ce déclin du français en Europe –<br />

déclin accentué par <strong>la</strong> faible natalité dans <strong>la</strong><br />

région – les réactions sont multiples. Pour le<br />

député Michel Herbillon, auteur en juin<br />

2005 d’un rapport parlementaire intitulé Les<br />

<strong>la</strong>ngues dans l’Union européenne : <strong>pour</strong><br />

une Europe en VO, « le combat frontal du<br />

français contre l’ang<strong>la</strong>is est inutile ; il est<br />

déjà perdu. Le déclin du français n’est pas<br />

une fatalité cependant ; il ne faut pas lutter<br />

contre l’ang<strong>la</strong>is, mais promouvoir le<br />

français ». Et le député de préconiser un<br />

respect strict des règles du multilinguisme<br />

parmi les 25 en s’opposant à toute réunion<br />

sans traduction, à toute publication de<br />

documents officiels en une seule <strong>la</strong>ngue, en<br />

incitant les pays membres à rendre<br />

obligatoire l’apprentissage de deux <strong>la</strong>ngues<br />

étrangères. « Il faut dire non aux dérives, ne<br />

pas accepter <strong>la</strong> disparition progressive du<br />

français dans les institutions européennes<br />

au nom de <strong>la</strong> facilité logistique et de<br />

l’efficacité financière », p<strong>la</strong>ide Michel<br />

Herbillon. La technique serait donc celle de<br />

<strong>la</strong> vigi<strong>la</strong>nce et du harcèlement : ne rien céder<br />

du peu de terrain qu’il reste au français,<br />

surveiller <strong>la</strong> moindre entorse, exiger toujours<br />

<strong>la</strong> présence du français quand elle est de<br />

droit et d’une manière générale le respect du<br />

plurilinguisme au sein des instances<br />

communautaires.<br />

« On demande aussi aux pays d’Europe<br />

orientale membres de l’OIF, comme <strong>la</strong><br />

Roumanie ou <strong>la</strong> Bulgarie, où l’intérêt <strong>pour</strong><br />

le français est réel, de ne pas utiliser<br />

systématiquement l’ang<strong>la</strong>is à l’Onu », sourit<br />

un cadre du Quai d’Orsay. De leur côté, les<br />

maires de Bruxelles, Strasbourg et<br />

Luxembourg – toutes trois capitales<br />

européennes et toutes trois francophones –<br />

ont signé, le 24 mai 2006, une déc<strong>la</strong>ration<br />

solennelle dans <strong>la</strong>quelle ils s’engagent à<br />

promouvoir l’usage du français dans leur<br />

ville, en particulier au sein des organismes<br />

européens. Comme l’avait alors déc<strong>la</strong>ré<br />

Fabienne Keller, maire de Strasbourg : « La<br />

plupart des arrêts de <strong>la</strong> Cour européenne<br />

des droits de l’Homme sont rédigés en<br />

français. Il faut faire un effort de lobbying<br />

(sic) <strong>pour</strong> le respect de cette belle tradition<br />

juridique. Ce serait un comble que le<br />

français ne soit pas défendu en Europe alors<br />

que l’Union se construit dans des villes<br />

francophones. » En <strong>la</strong> matière, un incident<br />

est resté célèbre. Le 23 mars 2006, lors<br />

d’une réunion du Conseil européen à<br />

Bruxelles, Jacques Chirac quitte<br />

brusquement <strong>la</strong> salle lorsque, à <strong>la</strong> tribune,<br />

Antoine-Ernest Sellière, président de<br />

l’Union des industries de <strong>la</strong> Communauté<br />

européenne, prononce son discours en<br />

ang<strong>la</strong>is. « La <strong>la</strong>ngue de l’entreprise »,<br />

justifie l’ancien président du Medef. « C’est<br />

une question politique, de respect de <strong>la</strong><br />

diversité linguistique », réplique l’entourage<br />

du chef de l’Etat. La presse internationale a<br />

abondamment ironisé sur l’affaire. Mais<br />

selon les observateurs, cette histoire a<br />

constitué un formidable encouragement<br />

<strong>pour</strong> les professeurs de français qui, isolés<br />

dans des bourgades de Croatie, de Grèce ou<br />

d’Estonie, luttent au quotidien <strong>pour</strong> leurs<br />

heures de cours.<br />

Un nouveau p<strong>la</strong>n de promotion du<br />

français<br />

Au p<strong>la</strong>n gouvernemental, Philippe<br />

Douste-B<strong>la</strong>zy, le ministre français des<br />

Affaires étrangères, a annoncé le 15 mai<br />

2006 un vaste p<strong>la</strong>n de promotion de <strong>la</strong><br />

<strong>la</strong>ngue française qui prévoit notamment <strong>la</strong><br />

rénovation ou <strong>la</strong> construction de plusieurs<br />

lycées français (Le Caire, Madrid, Londres,<br />

Tokyo, Moscou), un renforcement des<br />

échanges culturels entre l’Hexagone et les<br />

autres capitales, et un budget de 50 millions<br />

d’euros <strong>pour</strong> <strong>la</strong> formation sur trois ans de<br />

10 000 professeurs, recrutés <strong>pour</strong> moitié en<br />

Asie et <strong>pour</strong> moitié au Maghreb. A en croire<br />

<strong>la</strong> sous-direction du français au ministère des<br />

Affaires étrangères, en Europe c’est sur <strong>la</strong><br />

Russie que portera l’essentiel de l’effort<br />

financier. Parallèlement, un « P<strong>la</strong>n<br />

pluriannuel d’action <strong>pour</strong> le français dans<br />

l’Union européenne » a été adopté en 2002<br />

par <strong>la</strong> France, le Luxembourg, <strong>la</strong> Belgique et<br />

l’<strong>Organisation</strong> internationale de <strong>la</strong><br />

Francophonie (OIF). Doté d’un budget<br />

annuel de 2,5 millions d’euros, il vise à<br />

former des fonctionnaires, diplomates et<br />

interprètes de l’UE, ainsi que des<br />

journalistes des pays membres. 8900<br />

sessions ont ainsi été assurées en 2005,<br />

contre 7200 en 2004, notamment au sein des<br />

Alliances françaises. Enfin des <strong>nouvelle</strong>s<br />

méthodes pédagogiques sont encouragées,<br />

utilisant le jeu, l’informatique, Internet…<br />

Bref un nouveau « marketing » du français.<br />

Les autorités françaises mettent aussi<br />

l’accent sur les filières bilingues dès le<br />

collège : 450 de ces filières accueillent, à<br />

36


travers trente pays européens, plus de<br />

50 000 élèves. C’est deux fois plus qu’il y a<br />

dix ans. En septembre 2006, de <strong>nouvelle</strong>s<br />

sections devaient voir le jour en Espagne, en<br />

Bulgarie, en Russie et en Slovaquie. Ces<br />

filières bilingues bénéficient d’une<br />

réputation d’excellence dans toutes les<br />

matières, accueil<strong>la</strong>nt souvent les meilleurs<br />

élèves. Si elles favorisent <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong><br />

(voire <strong>la</strong> francophilie), elles restent<br />

évidemment minoritaires par rapport au<br />

nombre total des écoles d’un pays et se<br />

voient parfois taxées d’élitisme.<br />

Enfin, dotés d’un budget de 1,8 milliard<br />

d’euros, les programmes de coopération de<br />

l’Union européenne – Comenius <strong>pour</strong> le<br />

niveau sco<strong>la</strong>ire, Erasmus <strong>pour</strong><br />

l’universitaire – permettent à des étudiants<br />

étrangers de <strong>pour</strong>suivre leurs cursus en<br />

France ou en Belgique. C’est le cas de 4000<br />

Espagnols, 600 Tchèques, 900 Néer<strong>la</strong>ndais,<br />

650 Autrichiens…<br />

Langue de <strong>la</strong> culture mais aussi<br />

<strong>la</strong>ngue des affaires<br />

La Fédération internationale des<br />

professeurs de français (FIPF) s’inquiète<br />

donc du désamour progressif de l’Europe<br />

<strong>pour</strong> <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue française. Certains de ses<br />

membres soulignent amèrement le déca<strong>la</strong>ge<br />

qui existerait entre un optimisme forcé des<br />

autorités françaises, leur goût <strong>pour</strong> les<br />

actions d’éc<strong>la</strong>t, et ce que vivent les<br />

enseignants à l’étranger, confrontés à des<br />

réductions budgétaires, <strong>la</strong> fermeture<br />

d’instituts, le manque de moyens<br />

pédagogiques, les emplois du temps en<br />

berne… Un déca<strong>la</strong>ge notamment mis sur le<br />

compte du nombre d’acteurs qui<br />

interviennent sur <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong> : OIF,<br />

Agence <strong>pour</strong> l’enseignement français à<br />

l’étranger, Agence universitaire de <strong>la</strong><br />

<strong>francophonie</strong>, ministères des Affaires<br />

étrangères, de <strong>la</strong> Culture, de l’Education…<br />

Chacun jugeant son action positive sans voir<br />

les trous dans les mailles du filet.<br />

« Le point encourageant est <strong>la</strong> facilité à<br />

mobiliser les professeurs, le succès du<br />

moindre festival de cinéma, des concerts<br />

même d’artistes peu connus. Ce<strong>la</strong> prouve un<br />

intérêt constant <strong>pour</strong> le français », constate<br />

Raymond Gevaert, maître de conférence à<br />

l’université de Leuven et président de <strong>la</strong><br />

commission Europe de l’Ouest à <strong>la</strong> FIPF. Et<br />

d’ajouter : « Si l’ang<strong>la</strong>is est <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue de<br />

communication internationale, <strong>la</strong> maîtrise<br />

du français est un outil de promotion<br />

sociale. C’est un « plus » incontestable dans<br />

un CV. C’est <strong>pour</strong>quoi, à côté du français<br />

<strong>la</strong>ngue de <strong>la</strong> culture et des arts, il faut<br />

défendre le français, <strong>la</strong>ngue des affaires, du<br />

tourisme, des sciences. Parler français<br />

lorsqu’on veut investir à Paris ou qu’on<br />

travaille dans <strong>la</strong> filiale d’une firme<br />

hexagonale à l’étranger constitue un<br />

énorme avantage. » Avec le soutien de <strong>la</strong><br />

Chambre de commerce et d’industrie de<br />

Paris et le Forum francophone des affaires,<br />

l’Alliance française propose d’ailleurs des<br />

modules spécialement destinés aux cadres<br />

des firmes françaises à l’étranger. Plusieurs<br />

universités européennes – à commencer,<br />

sans surprise, par celles de Roumanie – ont<br />

également ouvert des départements de<br />

français juridique, de français des affaires,<br />

de français de gestion hôtelière…<br />

Le français insuffisamment enseigné<br />

dans les systèmes publics<br />

De son côté, le réseau des Alliances<br />

françaises en Europe accueil<strong>la</strong>it<br />

84 409 étudiants en 2005. Un chiffre en<br />

progression constante. On compte ainsi plus<br />

de 8 000 inscrits en Espagne, 5 200 au<br />

Royaume-Uni, 4 660 en Pologne, plus de<br />

4 000 en Russie et en Ir<strong>la</strong>nde… Le succès<br />

est aussi au rendez-vous dans de plus petits<br />

pays : 1 450 étudiants en Albanie, 1 270 en<br />

Ukraine, 1 500 en Croatie, 2 420 en<br />

République tchèque… Pour Martine<br />

Defontaine, secrétaire générale de <strong>la</strong> FIPF,<br />

« ces résultats prouvent une demande <strong>pour</strong><br />

le français. Notre <strong>la</strong>ngue n’est pas vue<br />

uniquement comme <strong>la</strong> vieille <strong>la</strong>ngue de<br />

Voltaire, belle à écouter, mais difficile à<br />

apprendre et peu utile professionnellement ;<br />

<strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue du parfum, des arts, de <strong>la</strong> bonne<br />

chair, des intellectuels exigeants. Une image<br />

que certains professeurs entretiennent peutêtre<br />

avec un soupçon de fierté. Mais elle est<br />

aussi vue comme une <strong>la</strong>ngue valorisante<br />

humainement et professionnellement. Elle<br />

constitue évidemment un atout <strong>pour</strong> réussir<br />

dans le monde francophone, en Afrique ou<br />

au Moyen-Orient. Cependant, ces<br />

statistiques des Alliances prouvent aussi que<br />

le français n’est pas suffisamment enseigné<br />

dans les systèmes publics d’éducation ».<br />

Estimation du nombre de francophones dans les PECO<br />

Popu<strong>la</strong>tion<br />

en 2002<br />

Francophones<br />

Francophones<br />

Francophones<br />

partiels<br />

Francophones<br />

partiels<br />

% par rapport<br />

à <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion<br />

nombre<br />

% par rapport<br />

à <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion<br />

nombre<br />

Albanie 3 100 000 310 000 10,0 - -<br />

Bulgarie 8 000 000 800 000 10,0<br />

Lituanie 3 500 000 35 000 1,0 175 000 5,0<br />

Macédoine 2 000 000 200 000 10,0<br />

Moldavie 4 300 000 1 075 000 25,0<br />

Pologne 36 600 000 1 158 000 3,0<br />

Roumanie 22 400 000 1 792 000 8,0 4 480 000 20,0<br />

Slovaquie 5 400 000 162 000 3,0<br />

Slovénie 2 000 000 80 000 4,0<br />

Tchèque (République) 10 200 000 204 000 2,0 816 000 8,0<br />

Source : La Francophonie dans le monde (2004-2005), Larousse<br />

L’influence des média francophones<br />

La présence de média francophones<br />

représente aussi un moyen de défendre <strong>la</strong><br />

<strong>la</strong>ngue. Ainsi, outre sa diffusion en ondes<br />

courtes, sur le câble et par satellite, Radio<br />

France Internationale dispose de fréquences<br />

FM à Berlin, Dresde, Leipzig, Prague,<br />

Budapest, Craiova, Bucarest, Sofia, Tirana,<br />

Bakou, Pristina, Skopje, Barcelone et<br />

Lisbonne. Des radios partenaires<br />

retransmettent également ses émissions<br />

quelques heures par jour. Si le nombre<br />

d’auditeurs n’est pas connu avec certitude,<br />

RFI dispose en tout cas de moyens<br />

croissants <strong>pour</strong> émettre en Europe. Les<br />

radios suisses et belges francophones<br />

bénéficient de confortables parts de marché<br />

dans leur pays respectif. Par contre au<br />

Danemark, Radio Kultur – qui diffusait<br />

vingt heures de programmes en français par<br />

semaine – a dû cesser d’émettre en 2003,<br />

faute de moyens financiers. Idem <strong>pour</strong><br />

Campus FM à Malte.<br />

Côté télévision, TV5 – seule chaîne<br />

généraliste internationale en français – est<br />

reçue par 88 millions de foyers en Europe de<br />

l’Ouest (dont 8 millions au Royaume-Uni,<br />

6 millions en Italie et 3 millions en Espagne)<br />

et 12 millions en Europe centrale et orientale<br />

(dont 6 millions en Pologne et 2 millions en<br />

Roumanie). Pour sa part, Arte est captée non<br />

seulement en France et en Allemagne, mais<br />

aussi (via le câble ou le satellite) en<br />

Belgique, en Suisse, en Fin<strong>la</strong>nde, en<br />

Autriche, aux Pays-Bas et en Espagne. Ses<br />

programmes sont aussi repris sur les réseaux<br />

câblés roumain, polonais, estonien, hongrois<br />

et slovaque. Enfin Canal France<br />

International (CFI) fournit gratuitement des<br />

émissions clés en main à plusieurs chaînes<br />

en Croatie, Biélorussie, Albanie et<br />

Macédoine notamment. En attendant <strong>la</strong><br />

future chaîne d’information continue, France<br />

24, qui devrait commencer à émettre à <strong>la</strong> fin<br />

de l’année 2006.<br />

37


Dur combat <strong>pour</strong> <strong>la</strong> presse écrite<br />

La presse écrite connaît les mêmes<br />

difficultés en Europe que <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue<br />

française. Les titres de l’Hexagone ont<br />

enregistré un chiffre d’affaires de<br />

10,5 milliards d’euros à l’exportation en<br />

2004, mais leur diffusion a chuté de 10,3 %<br />

par rapport à l’année précédente dans<br />

l’Union européenne. C’est en Allemagne, au<br />

Portugal et au Royaume-Uni que les baisses<br />

ont été les plus sensibles (respectivement -<br />

31,9 %, - 27,3 % et - 21,4 %). Par contre,<br />

les titres français se vendent mieux en Grèce<br />

(+ 14,6 %) et en Espagne (+ 2,9 %). Le<br />

Monde diplomatique est édité, outre en<br />

français, en seize <strong>la</strong>ngues dont, <strong>pour</strong><br />

l’Europe, l’ang<strong>la</strong>is, l’allemand, le cata<strong>la</strong>n, le<br />

croate, l’espagnol, l’italien, le norvégien, le<br />

polonais, le portugais et le russe. Il est<br />

généralement disponible sous forme de<br />

supplément à des titres locaux. A noter, <strong>pour</strong><br />

<strong>la</strong> presse écrite, <strong>la</strong> concurrence d’Internet :<br />

l’abonnement mensuel au Monde sur <strong>la</strong> toile<br />

coûte 5 euros, soit le prix de 4 numéros<br />

papier, et <strong>la</strong> disponibilité est immédiate d’un<br />

bout à l’autre du vieux continent.<br />

Selon Luan Rama, membre du Haut<br />

Conseil de <strong>la</strong> Francophonie, « <strong>la</strong> presse<br />

francophone dans les pays d’Europe<br />

centrale et orientale est dans une situation<br />

catastrophique. En quinze ans,<br />

progressivement et insensiblement, les<br />

revues françaises ont disparu les unes après<br />

les autres, sans bruit, <strong>la</strong>issant p<strong>la</strong>ce aux<br />

publications anglophones ». Certes les<br />

journaux français importés – Le Monde, Le<br />

Figaro, Paris-Match, L’Express…– voient<br />

leurs ventes augmenter de 37,4 % en<br />

Bulgarie, de 27,1 % en Slovaquie, de 15,3 %<br />

en Pologne, de 11,4 % en Roumanie… Mais<br />

les titres édités localement n’intéressent plus<br />

qu’un public confidentiel. Ainsi <strong>la</strong><br />

Roumanie comptait autrefois vingt journaux<br />

en français ; il n’en existe plus que quatre. Et<br />

encore, hormis l’hebdomadaire Bucarest<br />

Hebdo (7 000 exemp<strong>la</strong>ires, successeur de<br />

feu le quotidien Bucarest Matin), les trois<br />

autres sont-ils publiés de manière<br />

sporadique. En Pologne, les Echos de<br />

Pologne, mensuel tiré à 3 000 exemp<strong>la</strong>ires,<br />

ont remp<strong>la</strong>cé le Courrier de Varsovie,<br />

également mensuel. La Bulgarie et<br />

l’Albanie, autrefois réputés <strong>pour</strong> <strong>la</strong> diversité<br />

et <strong>la</strong> qualité de leurs revues en français, n’en<br />

ont plus vraiment. Quant à <strong>la</strong> Nouvelle<br />

Gazette de Hongrie, elle n’est distribué qu’à<br />

3 000 exemp<strong>la</strong>ires dans un cercle restreint<br />

d’intellectuels à Budapest. Partout le constat<br />

est le même : peu de lecteurs, pas de recettes<br />

publicitaires. Par contre, toutes les capitales<br />

est-européennes comptent aujourd’hui<br />

plusieurs journaux en ang<strong>la</strong>is. Signe<br />

encourageant cependant : <strong>la</strong> création en<br />

2004 de L’Europe <strong>nouvelle</strong>, à l’initiative de<br />

<strong>la</strong> journaliste Cécile Vrain. Un mensuel<br />

édité à Budapest et consacré à <strong>la</strong><br />

« <strong>nouvelle</strong> » Europe de l’Est.<br />

La « promotion permanente d’un<br />

environnement francophone »<br />

L’Europe compte 47 pays, 37 <strong>la</strong>ngues<br />

officielles, 726 millions d’habitants, et <strong>la</strong><br />

seule Union européenne plus de<br />

230 régions. Face à de telles dimensions, et<br />

à une époque où l’ang<strong>la</strong>is s’impose comme<br />

<strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue de communication obligée, le<br />

français ne peut défendre son rang que par <strong>la</strong><br />

« promotion permanente d’un environnement<br />

francophone », <strong>pour</strong> reprendre les<br />

termes du rapport du Haut Conseil de <strong>la</strong><br />

Francophonie. Il s’agit autant de manifestations<br />

culturelles que de présence<br />

médiatique, de soutien aux réseaux<br />

associatifs que de développement de<br />

l’enseignement, de notoriété de biens de<br />

consommation que de succès des entreprises<br />

françaises. La <strong>francophonie</strong> ne se décrète<br />

pas. Elle dépend de l’influence de <strong>la</strong> France<br />

en Europe, et de l’intérêt, du p<strong>la</strong>isir et des<br />

possibilités qu’auront les Européens à<br />

apprendre <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue.<br />

Jean Piel<br />

Les 21 membres européens de l’OIF<br />

Date d’adhésion à Statut à l’Union<br />

Pays<br />

Statut à l’OIF<br />

Date d’entrée dans l’UE<br />

l’OIF<br />

européenne<br />

Vocation à devenir<br />

Albanie associé novembre 1999 membre reconnue –<br />

par l’UE<br />

Andorre associé novembre 2004 – –<br />

Autriche observateur novembre 2004 membre 1995<br />

Belgique membre mars 1970 membre fondateur –<br />

Bulgarie membre 1991 (obs.) ; 1993 candidat<br />

Communauté<br />

française de<br />

Belgique<br />

membre mars 1980 – –<br />

Croatie observateur novembre 2004 candidat<br />

Ex-République<br />

yougos<strong>la</strong>ve de<br />

Macédoine<br />

associé février 2001 candidat<br />

France membre mars 1970 membre fondateur –<br />

Grèce associé novembre 2004 membre 1981<br />

Hongrie observateur novembre 2004 membre 1 er mai 2004<br />

Lituanie observateur octobre 1999 membre 1 er mai 2004<br />

Luxembourg membre mars 1970 membre fondateur –<br />

Moldavie membre février 1996 – –<br />

Monaco membre mars 1970 – –<br />

Pologne observateur octobre 1997 membre 1 er mai 2004<br />

République Tchèque observateur octobre 1999 membre 1 er mai 2004<br />

Roumanie membre 1991 (obs.) ; 1993 candidat<br />

Slovaquie observateur octobre 2002 membre 1 er mai 2004<br />

Slovénie observateur octobre 1999 membre 1 er mai 2004<br />

Suisse membre février 1996 – –<br />

Adhésion prévue au 1 er janvier<br />

2007<br />

négociations d’adhésion en<br />

cours depuis le 3 octobre 2005<br />

en attente de <strong>la</strong> décision<br />

d’ouverture des négociations<br />

Adhésion prévue au 1 er janvier<br />

2007<br />

38


B 5612 FRANCOPHONIE (MAJ. 08.2006)<br />

LES DIX PREMIERS SOMMETS DE LA FRANCOPHONIE<br />

1er Sommet de <strong>la</strong> Francophonie :<br />

Versailles 17/19 février 1986<br />

Vers un Commonwealth à <strong>la</strong> française ?<br />

. Les 42 participants<br />

16 chefs d’Etat<br />

Burundi : Jean-Baptiste Bagaza<br />

Centrafrique : André Kolingba<br />

Comores : Ahmed Abdal<strong>la</strong>h Abderemane<br />

Côte d’Ivoire : Félix Houphouët-Boigny<br />

Djibouti : Hassan Gouled Aptidon<br />

France : François Mitterrand<br />

Gabon : Omar Bongo<br />

Guinée-Bissau : Joao Bernardo Vieira<br />

Liban : Amine Gemayel<br />

Madagascar : Didier Ratsiraka<br />

Mali : Moussa Traoré<br />

Mauritanie : Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya<br />

Rwanda : Juvénal Habyarimana<br />

Sénégal : Abdou Diouf<br />

Togo : Gnassingbé Eyadéma<br />

Zaïre : Mobutu Sese Seko<br />

10 chefs de gouvernement<br />

Belgique : Wilfried Martens<br />

Canada : Brian Mulroney<br />

Luxembourg : Jacques Santer<br />

Monaco : Jean Ausseil<br />

Niger : Hamid Algabid<br />

Nouveau-Brunswick : Richard Hatfield<br />

Québec : Robert Bourassa<br />

Sainte-Lucie : John Compton<br />

Tunisie : Mohamed Mzali<br />

Vanuatu : Walter Lini<br />

16 autres chefs de délégation<br />

Belgique : Philippe Monfils, ministre - président<br />

de <strong>la</strong> Communauté française<br />

Bénin : Girigissou Gado, ministre de<br />

l’Equipement et des transports<br />

Burkina Faso : Henri Zongo, ministre de <strong>la</strong><br />

Promotion économique<br />

Congo : Antoine Ndinga-Oba, ministre des<br />

Affaires étrangères<br />

Dominique : Eugénia Charles<br />

Egypte : Boutros Boutros-Ghali, ministre des<br />

Affaires étrangères<br />

Guinée : Jean Traoré, ministre des Affaires<br />

étrangères<br />

Haïti : Rosny Desroches, ministre de l’Education<br />

nationale<br />

Laos : Thongsay Bodhisane, ambassadeur en<br />

France<br />

Louisiane : Darrel Hunt, commissaire adjoint au<br />

Budget<br />

Maroc : Abdel<strong>la</strong>tif Fi<strong>la</strong>li, ministre des Affaires<br />

étrangères<br />

Maurice : Gaétan Duval, vice-Premier ministre<br />

Seychelles : Jacques Hodoul<br />

Suisse : Edouard Brenner, secrétaire d’Etat aux<br />

Affaires étrangères<br />

Tchad : Gouara Lassou, ministre des Affaires<br />

étrangères<br />

Vietnam : Cu Huy Can, ministre délégué<br />

. La conférence<br />

Pour sa première édition, c’est dans les décors<br />

somptueux du château de Versailles que s’est<br />

ouvert le Sommet des pays ayant en commun<br />

l’usage du français - communément baptisé<br />

Sommet de <strong>la</strong> Francophonie - que ses initiateurs,<br />

tel Léopold Sédar Senghor, prévoyaient comme<br />

une sorte de Commonwealth à <strong>la</strong> française.<br />

"La Francophonie est une communauté désireuse<br />

de compter ses forces <strong>pour</strong> affirmer ses ambitions"<br />

a, alors, déc<strong>la</strong>ré le président François Mitterrand,<br />

en ouvrant les travaux de ce premier Sommet. Le<br />

chef de l’État français a, ensuite, fait valoir que <strong>la</strong><br />

communauté francophone, "dont l’identité est<br />

menacée", se devait d’avoir "un réflexe vital<br />

contre <strong>la</strong> mortelle abolition des différences", sous<br />

peine d’"être très souvent condamnée à un rôle de<br />

sous-traitant, de traducteur ou d’interprète... Nous<br />

sommes là autour d’une <strong>la</strong>ngue porteuse d’une<br />

culture, d’une civilisation à <strong>la</strong>quelle chacun ajoute<br />

son propre apport..." Et d’appeler les participants à<br />

<strong>la</strong> conférence "à col<strong>la</strong>borer, coopérer, co-produire<br />

et à rendre plus fertile un patrimoine commun<br />

dont nous savons que <strong>la</strong> diversité est <strong>la</strong> première<br />

richesse... Nous sommes au commencement d’une<br />

oeuvre durable qui s’inscrira dans les temps qui<br />

viennent, car, au travers d’une <strong>la</strong>ngue commune,<br />

c’est un mouvement de <strong>la</strong> pensée, c’est toute une<br />

action qui se dessine..."<br />

Pour le Premier ministre canadien, Brian<br />

Mulroney, un des promoteurs de ce Sommet,<br />

depuis qu’il a réglé le vieux différend qui opposait<br />

le Canada et le Québec sur le niveau de <strong>la</strong><br />

représentation : "Pour ne pas décevoir, ce Sommet<br />

doit imprimer un second souffle à <strong>la</strong><br />

Francophonie, l’engager dans les voies de l’avenir<br />

et déboucher sur des résultats visibles et<br />

palpables..." En soulignant que son pays pensait<br />

particulièrement à l’informatique, aux banques de<br />

données linguistiques et à <strong>la</strong> traduction<br />

automatique.<br />

Entre autres intervenants, le Premier ministre<br />

tunisien, Mohamed Mzaki, a, quant à lui, rappelé<br />

que "nos cultures sont en péril" et qu’il est "vital<br />

de constituer un rassemblement économique,<br />

scientifique et technologique qui puisse, en<br />

l’absence d’un véritable dialogue Nord-Sud,<br />

établir une solidarité concrète entre pays riches et<br />

pays démunis... Dans <strong>la</strong> concertation, nous<br />

pensons pouvoir établir un front contre <strong>la</strong><br />

pauvreté".<br />

Pour sa part, le Premier ministre québécois,<br />

Robert Bourassa, propose d’examiner, d’une<br />

manière approfondie, <strong>la</strong> possibilité d’établir "un<br />

nouveau P<strong>la</strong>n Marshall" qui permettrait le transfert<br />

des surplus alimentaires accumulés à grands frais<br />

par les pays riches aux pays du Tiers-monde qui<br />

en ont besoin".<br />

Dans un message adressé au Sommet par le chef<br />

de l’Etat burkinabé - représenté par son ministre<br />

de <strong>la</strong> Promotion économique - le capitaine<br />

Thomas Sankara souligne que <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue française<br />

a d’abord été celle du colonisateur, et<br />

qu’aujourd’hui, son pays l’utilise "non plus<br />

comme le vecteur d’une quelconque aliénation<br />

culturelle, mais comme un moyen de<br />

communication avec les autres peuples". La<br />

<strong>la</strong>ngue française, doit, selon lui, "accepter les<br />

autres <strong>la</strong>ngues comme expressions de <strong>la</strong> sensibilité<br />

des autres peuples". Et de conclure en affirmant<br />

que son pays "attend beaucoup de <strong>la</strong> culture des<br />

autres <strong>pour</strong> s’enrichir davantage..."<br />

Bien évidemment, des sujets plus politiques et<br />

économiques ont également été abordés. Ainsi, le<br />

président sénéga<strong>la</strong>is, Abdou Diouf, président en<br />

exercice de l’OUA, a demandé "l’application<br />

effective et immédiate des sanctions économiques<br />

contre l’Afrique du Sud", seul moyen de "mettre<br />

rapidement fin à l’apartheid", et proposé <strong>la</strong> tenue<br />

d’une conférence internationale sur l’Afrique du<br />

Sud le 16 juin 1986, date du dixième anniversaire<br />

du soulèvement de Soweto.<br />

Abordant, ensuite, le problème de <strong>la</strong> dette<br />

africaine, le chef de l’Etat sénéga<strong>la</strong>is a mis, une<br />

<strong>nouvelle</strong> fois, en avant l’idée d’une taxation des<br />

activités d’armement, qui serait redistribuée au<br />

profit du développement.<br />

Le président malgache, Didier Ratsiraka, a, quant<br />

à lui, rappelé <strong>la</strong> proposition d’une conférence<br />

internationale sur <strong>la</strong> dette africaine, dont le<br />

principe avait été retenu lors du dernier Sommet<br />

franco-africain en décembre 1985.<br />

. Les décisions pratiques<br />

Voici le résumé des principales "décisions<br />

pratiques" – vingt-huit au total – du Sommet<br />

francophone, annoncées par M. Mitterrand<br />

mercredi 19 février. Un "comité du suivi" a été<br />

constitué <strong>pour</strong> surveiller l’application de ces<br />

mesures : il comprend <strong>la</strong> Communauté française<br />

(Bruxelles-Wallonie) de Belgique, le Burundi, le<br />

Canada, les Comores, <strong>la</strong> France, le Liban, le<br />

Maroc, le Québec, le Sénégal et le Zaïre.<br />

- Création d’une "agence internationale<br />

francophone d’images de télévision"<br />

(actuellement 98 % d’entre elles sont fournies par<br />

des agences anglo-saxonnes). Financement,<br />

16 millions de FF par an, dont 5 millions fournis<br />

par <strong>la</strong> France ;<br />

- <strong>la</strong> télévision par câble TV5 (France, Belgique,<br />

Suisse romande, Canada et Québec) verra son<br />

champ de diffusion étendu à l’Amérique du Nord,<br />

<strong>la</strong> Méditerranée et l’Afrique (le Maroc peut déjà <strong>la</strong><br />

capter). Mise française supplémentaire :<br />

29 millions de FF ;<br />

- à partir de 1987, <strong>la</strong> France ouvrira à des<br />

"programmes francophones" l’un des quatre<br />

canaux disponibles sur le futur satellite de<br />

télévision directe TDF 1 ;<br />

- constitution d’un groupe de travail qui remettra<br />

en 1986 son rapport sur l’extension au monde<br />

francophone des banques de données linguistiques<br />

par vidéotexte ;<br />

- étude de l’utilisation du vidéodisque par<br />

l’enseignement médical dans dix facultés<br />

francophones, à partir de l’expérience de l’hôpital<br />

parisien de <strong>la</strong> Salpêtrière ;<br />

- tenue à Paris, tous les deux ans, en même temps<br />

que le Salon du livre, d’un "Salon du livre<br />

francophone" sur 400 mètres carrés. Coût :<br />

3 millions de FF fournis par <strong>la</strong> France ;<br />

- <strong>la</strong>ncement, à <strong>la</strong> demande expresse du Vietnam,<br />

d’une collection popu<strong>la</strong>ire de cent titres d’auteurs<br />

de graphie française :<br />

- réalisation d’une "maquette de fonctionnement<br />

de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue" <strong>pour</strong> le traitement automatique des<br />

textes. Coût : 20 millions de FF dont <strong>la</strong> moitié<br />

fournie par Paris. Création d’un prix international<br />

d’innovation linguistique (part de <strong>la</strong> France :<br />

100 000 F) ;<br />

39


- appui financier au "programme photovoltaïque"<br />

des pays du Sahel africain en faveur de <strong>la</strong> maîtrise<br />

des petites techniques énergétiques. Coût : 5 à<br />

10 millions de FF par an ;<br />

- institution d’un bacca<strong>la</strong>uréat francophone<br />

international ;<br />

- création de "centres de formation d’agronomes<br />

en milieu rural" (participation française :<br />

8 millions de FF en quatre ans), et, sur demande<br />

tunisienne, de "centres de formation artisanale"<br />

(participation française: 15 millions de FF sur cinq<br />

ans) ;<br />

- renforcement de <strong>la</strong> concertation entre délégations<br />

francophones au sein du système des Nations<br />

unies.<br />

2ème Sommet de <strong>la</strong> Francophonie<br />

Québec 2/4 septembre 1987<br />

Vers une "institutionnalisation" de <strong>la</strong><br />

Francophonie<br />

. Les 41 participants<br />

16 chefs d’État<br />

Bénin : Mathieu Kérékou<br />

Burundi : Jean-Baptiste Bagaza<br />

Comores : Ahmed Abdal<strong>la</strong>h Abderemane<br />

Djibouti : Hassan Gouled Aptidon<br />

France : François Mitterrand<br />

Gabon : Omar Bongo<br />

Guinée : Lansana Conté<br />

Guinée-Bissau : Joao Bernardo Vieira<br />

Liban : Amine Gemayel<br />

Madagascar : Didier Ratsiraka<br />

Mali : Moussa Traoré<br />

Mauritanie : Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya<br />

Rwanda : Juvénal Habyarimana<br />

Sénégal : Abdou Diouf<br />

Togo : Gnassingbé Eyadéma<br />

Zaïre : Mobutu Sese Seko<br />

10 chefs de gouvernement<br />

Belgique : Wilfried Martens<br />

Canada : Brian Mulroney<br />

Dominique : Maria Eugenia Charles<br />

France : Jacques Chirac<br />

Luxembourg : Jacques Santer<br />

Monaco : Jean Ausseil<br />

Niger : Hamid Algabid<br />

Nouveau-Brunswick : Richard Hatfield<br />

Québec : Robert Bourassa<br />

Sainte-Lucie : John Compton<br />

15 autres chefs de délégation<br />

Belgique : Philippe Monfils, ministre-président de<br />

<strong>la</strong> Communauté française<br />

Burkina Faso : Djibrima Barry, ambassadeur en<br />

France<br />

Centrafrique : Jean-Louis Psimhis, ministre des<br />

Affaires étrangères<br />

Congo : Antoine Ndinga-Oba, ministre des<br />

Affaires étrangères<br />

Côte d’Ivoire : Siméon Aké, ministre des Affaires<br />

étrangères<br />

Egypte : Boutros Boutros-Ghali, ministre des<br />

Affaires étrangères<br />

Haïti : Luc Hector, membre du Conseil national de<br />

gouvernement<br />

Laos : Kithong Vougsay, ambassadeur à l’ONU<br />

Maroc : Abdel<strong>la</strong>tif Fi<strong>la</strong>li, ministre des Affaires<br />

étrangères<br />

Maurice : Chitmansing Jesseramsing, hautcommissaire<br />

au Canada<br />

Seychelles : Danielle de Saint-Jorre, secrétaire<br />

d’Etat<br />

Suisse : Edouard Brenner, secrétaire d’État aux<br />

Affaires étrangères<br />

Tchad : Hissein Grinky, ministre de <strong>la</strong> Culture<br />

Tunisie : Hedi Mabrouk, ministre des Affaires<br />

étrangères<br />

Vietnam : Nguyen Huu Tho, vice-président du<br />

Conseil d’Etat<br />

. La conférence<br />

Le Sommet de Québec a adopté, dès le<br />

premier jour, une série de neuf résolutions sur <strong>la</strong><br />

politique internationale, qui, certes, apportent peu<br />

de nouveautés sur le p<strong>la</strong>n diplomatique, mais<br />

témoignent de <strong>la</strong> vigueur du jeune mouvement<br />

francophone et de sa volonté de s’affirmer comme<br />

forum international. Ces résolutions portent sur le<br />

Tchad, le Liban, l’Afrique du Sud, <strong>la</strong> situation<br />

économique internationale, Haïti, <strong>la</strong> politique<br />

agricole, l’environnement, <strong>la</strong> guerre Iran-Irak et le<br />

Moyen-Orient. Sur ce dernier point, le Canada a<br />

fait bande à part, en émettant des réserves sur <strong>la</strong><br />

reconnaissance du "droit des Palestiniens à<br />

l’autodétermination", expression qu’il souhaitait<br />

voir remp<strong>la</strong>cer par <strong>la</strong> notion de "foyer national".<br />

Sur le Tchad, les participants ont évité toute<br />

allusion à <strong>la</strong> situation politique et militaire, se<br />

bornant à créer un fonds <strong>pour</strong> l’éducation, qui est<br />

<strong>la</strong>issé à <strong>la</strong> générosité des pays. Le Canada a<br />

annoncé qu’il doterait ce fonds d’un million de<br />

dol<strong>la</strong>rs canadiens (4,60 millions de FF).<br />

Une formule simi<strong>la</strong>ire a été retenue <strong>pour</strong> le<br />

Liban.<br />

Les participants demandent à l’Iran et à l’Irak<br />

l’application "sans dé<strong>la</strong>i" de <strong>la</strong> résolution adoptée<br />

le 20 juillet dernier par le Conseil de sécurité de<br />

l’ONU appe<strong>la</strong>nt à un cessez-le-feu immédiat.<br />

L’Afrique du Sud est condamnée <strong>pour</strong> sa politique<br />

d’apartheid et les francophones demandent à<br />

Pretoria d’ouvrir, sans attendre, des négociations<br />

avec <strong>la</strong> majorité noire. Les pays francophones<br />

"s’engagent à maintenir les pressions<br />

économiques et politiques sur le gouvernement<br />

d’Afrique du Sud", précise <strong>la</strong> résolution qui<br />

demande aux autorités de Pretoria d’entamer "des<br />

négociations avec les représentants authentiques<br />

de <strong>la</strong> majorité noire et les autres composantes de <strong>la</strong><br />

société sud-africaine".<br />

"Le gouvernement d’Afrique du Sud doit<br />

c<strong>la</strong>irement déc<strong>la</strong>rer son intention de démanteler<br />

l’apartheid, mettre fin à l’état d’urgence, libérer<br />

tous les prisonniers politiques (y compris Nelson<br />

Mande<strong>la</strong>) et lever l’interdit frappant le Congrès<br />

national africain (ANC) et d’autres organisations<br />

politiques anti-apartheid", déc<strong>la</strong>rent encore les<br />

participants au Sommet francophone.<br />

Sur ce dossier de l’apartheid, une mesure<br />

concrète a été décidée par les francophones, qui<br />

consiste à mettre en p<strong>la</strong>ce un système de "bourses<br />

d’études <strong>pour</strong> venir en aide aux victimes de<br />

l’apartheid".<br />

Le Canada a offert 260 000 dol<strong>la</strong>rs <strong>pour</strong><br />

participer à cette action de "solidarité".<br />

La situation économique mondiale et <strong>la</strong> dette<br />

sont abordées en termes très généraux, les<br />

participants estimant que cette dernière pose des<br />

"problèmes extrêmement difficiles et nécessite un<br />

traitement spécial".<br />

Les participants ont, enfin, adopté deux<br />

résolutions sur <strong>la</strong> lutte contre <strong>la</strong> désertification et<br />

les ca<strong>la</strong>mités naturelles. La résolution sur Haïti ne<br />

dit pas un mot de <strong>la</strong> difficile situation politique de<br />

l’île, mais s’attache aux problèmes de reboisement<br />

du pays.<br />

Au premier Sommet de Paris, les<br />

francophones avaient été nettement moins<br />

ambitieux, se contentant d’une seule résolution,<br />

sur l’Afrique du Sud. Celles de Québec prouvent<br />

que si, en raison de <strong>la</strong> diversité des régimes qui<br />

composent le mouvement, ils ne peuvent avoir de<br />

position très tranchée, ils n’hésitent plus à débattre<br />

des grands problèmes mondiaux.<br />

. Les décisions pratiques<br />

Contrairement au Sommet de Paris, en février<br />

1986, où les "bonnes" résolutions des participants<br />

à <strong>la</strong> première "Conférence des chefs d’Etat et de<br />

gouvernement ayant en commun l’usage du<br />

français", étaient, de l’avis général, trop<br />

nombreuses, à Québec, les dirigeants<br />

francophones se sont attachés à mettre sur pied des<br />

projets concrets et réalisables à court terme.<br />

Preuve de cet effort : alors qu’en deux ans (1986-<br />

1987), 270 millions de FF (46 millions de dol<strong>la</strong>rs)<br />

ont été dépensés <strong>pour</strong> <strong>la</strong> Francophonie, c’est un<br />

montant sensiblement égal qui sera affecté à des<br />

programmes <strong>pour</strong> <strong>la</strong> seule année 1988, <strong>la</strong> France<br />

et le Canada ayant décidé de doubler leur mise.<br />

Cinq secteurs d’activité "porteurs d’avenir"<br />

ont été retenus : l’agriculture, l’énergie, <strong>la</strong> culture<br />

et les communications, l’information scientifique<br />

et le développement technologique, ainsi que les<br />

industries de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue (technologies appliquées au<br />

français). L’accent a été surtout mis sur <strong>la</strong><br />

formation, l’audiovisuel, les banques de données,<br />

et, d’une manière générale, toute l’informatique.<br />

Par ailleurs, les institutions multi<strong>la</strong>térales de <strong>la</strong><br />

Francophonie demeurent pratiquement<br />

inchangées. Ainsi, le Sommet a décidé de<br />

"maintenir l’existence et les fonctions d’un<br />

Comité du suivi chargé expressément de<br />

"transmettre systématiquement les comptes rendus<br />

des séances à l’ensemble des membres du<br />

Sommet, afin qu’ils puissent exprimer des<br />

suggestions et observations".<br />

Comme prévu depuis <strong>la</strong> réunion ministérielle<br />

de Bujumbura, en juillet 1987, un Comité<br />

consultatif conjoint sera créé, comprenant le<br />

Comité du suivi assisté des chefs de réseau et le<br />

Secrétaire général de l’Agence de coopération<br />

culturelle et technique (ACCT) assisté de ses<br />

directeurs généraux et du contrôleur financier.<br />

Ce Comité consultatif sera chargé de donner<br />

des avis sur <strong>la</strong> programmation des décisions du<br />

Sommet et d’établir les modalités d’un appui<br />

technique de l’ACCT au Comité du suivi.<br />

L’ACCT est chargée de l’exécution des<br />

actions décidées par le Sommet, soit sur son<br />

budget ordinaire, soit grâce à un financement<br />

complémentaire. Les Etats contributeurs <strong>pour</strong>ront<br />

créditer soit directement leurs comptes, soit des<br />

comptes spéciaux créés auprès de l’ACCT, <strong>la</strong><br />

préférence al<strong>la</strong>nt à <strong>la</strong> deuxième solution.<br />

Le Comité du suivi est chargé, <strong>pour</strong> sa part,<br />

d’examiner avant le Sommet de Dakar, en 1989,<br />

les rôles respectifs de l’ACCT, des réseaux et des<br />

autres organismes de <strong>la</strong> Francophonie et d’étudier,<br />

notamment, <strong>la</strong> possibilité d’intégrer les réseaux à<br />

l’ACCT. Les travaux du Comité du suivi seront<br />

présidés par le Canada jusqu’au prochain<br />

Sommet, <strong>la</strong> France et le Sénégal assurant <strong>la</strong> viceprésidence.<br />

Le Canada a aussi profité de <strong>la</strong> tribune du<br />

Sommet <strong>pour</strong> annoncer spectacu<strong>la</strong>irement qu’il<br />

effaçait <strong>la</strong> totalité de <strong>la</strong> dette publique de sept pays<br />

de l’Afrique francophone sub-saharienne. Cette<br />

mesure, qui représente 246 millions de dol<strong>la</strong>rs<br />

américains, touche même le Cameroun qui n’est<br />

40


pas membre du mouvement, mais où les<br />

investissements canadiens sont très importants.<br />

Les autres pays sont le Sénégal, le Zaïre,<br />

Madagascar, le Congo, <strong>la</strong> Côte d’Ivoire et le<br />

Gabon.<br />

Enfin, <strong>la</strong> Francophonie s’est dotée d’une<br />

"Déc<strong>la</strong>ration de solidarité francophone", mise au<br />

point par le Canada et le Québec. Cette charte de<br />

<strong>la</strong> Francophonie affirme les grands principes de<br />

solidarité et de compréhension mutuelle entre tous<br />

les pays membres, et leur volonté de relever les<br />

défis qui s’imposent aux francophones, s’ils<br />

veulent que leur seul lien, le français, continue de<br />

jouer son rôle de deuxième <strong>la</strong>ngue de<br />

communication mondiale.<br />

Avec <strong>la</strong> fixation des Sommets à un rythme<br />

désormais régulier - tous les deux ans - <strong>la</strong><br />

Francophonie s’est, en quelque sorte,<br />

institutionnalisée. Si elle n’a pas encore d’hymne<br />

officiel, elle a désormais un drapeau. En effet, sur<br />

proposition du Niger, le Sommet a adopté, comme<br />

couleurs permanentes du mouvement, l’emblème<br />

de <strong>la</strong> conférence de Québec, formé, sur fond<br />

b<strong>la</strong>nc, d’un cercle composé de parties rouge, bleu,<br />

jaune, vert et violet, symbolisant les cinq<br />

continents.<br />

3ème Sommet de <strong>la</strong> Francophonie<br />

Dakar 24/26 mai 1989<br />

L’enracinement en terre africaine<br />

. Les 41 participants<br />

17 chefs d’Etat<br />

Bénin : Mathieu Kérékou<br />

Burkina Faso : B<strong>la</strong>ise Compaoré<br />

Burundi : Pierre Buyoya<br />

Comores : Ahmed Abdal<strong>la</strong>h Abderemane<br />

Côte d’Ivoire : Félix Houphouët-Boigny<br />

Djibouti : Hassan Gouled Aptidon<br />

France : François Mitterrand<br />

Gabon : Omar Bongo<br />

Guinée : Lansana Conté<br />

Guinée-Bissau : Joao Bernardo Vieira<br />

Guinée équatoriale : Obiang Nguema Mbansogo<br />

Mali : Moussa Traoré<br />

Niger : Ali Saïbou<br />

Rwanda : Juvénal Habyarimana<br />

Sénégal : Abdou Diouf<br />

Togo : Gnassingbé Eyadéma<br />

Zaïre : Mobutu Sese Seko<br />

9 chefs de gouvernement<br />

Belgique : Wilfried Martens<br />

Belgique : Valmy Feaux, ministre-président de <strong>la</strong><br />

Communauté française<br />

Canada : Brian Mulroney<br />

Dominique : Maria Eugenia Charles<br />

Maroc : Azzedine Laraki<br />

Monaco : Jean Ausseil<br />

Nouveau-Brunswick : Franck McKenna<br />

Québec : Robert Bourassa<br />

Tunisie : Hedi Baccouche<br />

15 autres chefs de délégation<br />

Cameroun : Luc Ayang, président du Conseil<br />

économique et social<br />

Cap-Vert : H. Almada, ministre de <strong>la</strong> Formation,<br />

de <strong>la</strong> Culture et des Sports<br />

Centrafrique : Jean-Louis Psimhis, ministre des<br />

Affaires étrangères<br />

Congo : Jean-Baptiste Tati-Loutard, ministre de <strong>la</strong><br />

Culture et des Arts<br />

Egypte : Boutros Boutros-Ghali, ministre d’État<br />

aux Affaires étrangères<br />

Haïti : Yvon Perrier, ministre des Affaires<br />

étrangères<br />

Laos : Soubanh Srithirath, vice-ministre des<br />

Affaires étrangères<br />

Liban : Abel Ismail, ambassadeur auprès de<br />

l’UNESCO<br />

Luxembourg : Robert Krieps, ministre des<br />

Affaires culturelles et de <strong>la</strong> Justice<br />

Madagascar : Jean Bémananjara, ministre des<br />

Affaires étrangères<br />

Maurice : Satcam Boolell, vice-Premier ministre<br />

Seychelles : Danielle de Saint-Jorre, secrétaire<br />

d’Etat aux Affaires étrangères<br />

Suisse : K<strong>la</strong>us Jacobi, secrétaire d’Etat aux<br />

Affaires extérieures<br />

Tchad : Ibn Oumar Acheik, ministre des Re<strong>la</strong>tions<br />

extérieures<br />

Vietnam : Nguyen Huu Tho, vice-président du<br />

Conseil d’Etat<br />

. La conférence<br />

Le Sommet de Dakar, le premier en terre<br />

africaine, entend ancrer plus fortement <strong>la</strong><br />

Francophonie dans le Sud <strong>pour</strong> illustrer sa<br />

diversité linguistique et culturelle. Pour le chef de<br />

l’Etat sénéga<strong>la</strong>is, président du pays-hôte, ce<br />

Sommet est celui "de <strong>la</strong> consolidation, de<br />

l’é<strong>la</strong>rgissement, de <strong>la</strong> maturité et de<br />

l’enracinement en terre africaine".<br />

Le président Mitterrand a créé l’événement,<br />

dès le premier jour du Sommet, en se proposant<br />

d’effacer <strong>la</strong> dette publique - quelque 16 milliards<br />

de FF - qui est due à <strong>la</strong> France par 35 pays<br />

africains les plus pauvres. Pour le chef de l’Etat<br />

français, "<strong>la</strong> France fait ce qu’elle peut dans son<br />

domaine, mais il y a d’autres initiatives à prendre<br />

entre pays riches <strong>pour</strong> attaquer le mal à <strong>la</strong> racine et<br />

aller à <strong>la</strong> source des difficultés des pays en<br />

développement... Il faut également que les pays du<br />

Sud veillent à ne pas retomber dans le cycle<br />

infernal de l’endettement, ils en ont conscience..."<br />

Le Premier ministre canadien, Brian<br />

Mulroney a, lui aussi, longuement insisté sur le<br />

nécessaire é<strong>la</strong>rgissement du dialogue Nord-Sud<br />

<strong>pour</strong> une solution du problème de l’endettement et<br />

<strong>la</strong> promotion de <strong>la</strong> protection de l’environnement.<br />

Le chef de l’État malien, Moussa Traoré,<br />

président en exercice de l’OUA, a, <strong>pour</strong> sa part,<br />

insisté sur les zones de conflit, qu’elles se situent<br />

en Afrique australe ou au Proche-Orient.<br />

En ce qui concerne <strong>la</strong> crise entre le Sénégal et<br />

<strong>la</strong> Mauritanie - dont <strong>la</strong> chaise est restée vide<br />

pendant les trois jours du Sommet - le président<br />

Abdou Diouf a fait preuve d’esprit de conciliation,<br />

en affirmant fortement qu’il faut négocier, et que<br />

son pays "ne veut pas <strong>la</strong> guerre". Le président<br />

Mitterrand - dont le ministre des Affaires<br />

étrangères, Ro<strong>la</strong>nd Dumas, a rencontré le<br />

président mauritanien à Nouakchott, le 25 mai - a<br />

appelé, lui aussi, à <strong>la</strong> négociation entre les deux<br />

pays, sous l’égide de l’OUA, et assuré que "<strong>la</strong><br />

France ferait tout <strong>pour</strong> faire avancer les choses..."<br />

Dans une longue intervention consacrée à<br />

l’économie, le président ivoirien, Félix<br />

Houphouët-Boigny, a notamment traité de <strong>la</strong><br />

baisse des prix des matières premières et des<br />

préoccupations des Etats africains à ce propos. Un<br />

sujet qui, avec l’endettement et les problèmes<br />

d’environnement, a occupé <strong>la</strong> majeure partie des<br />

débats.<br />

La condamnation de l’apartheid, le maintien<br />

en détention de nombreux prisonniers politiques,<br />

notamment Nelson Mande<strong>la</strong>, le droit à<br />

l’indépendance de <strong>la</strong> Namibie et à<br />

l’autodétermination du peuple palestinien, <strong>la</strong><br />

nécessité urgente de rétablir <strong>la</strong> paix au Liban, le<br />

cessez-le-feu intervenu le 20 août 1988 entre l’Iran<br />

et l’Irak ont également fait l’objet de résolutions<br />

du Sommet, tout comme l’utilisation du français<br />

dans les organisations internationales et <strong>la</strong> défense<br />

de l’environnement.<br />

Après Paris et Québec, Dakar a<br />

incontestablement constitué un tournant : <strong>la</strong><br />

Francophonie n’est plus ce cénacle préposé à <strong>la</strong><br />

défense et à l’illustration de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue française.<br />

Elle est devenue une force publique et<br />

économique qui entend désormais peser sur <strong>la</strong><br />

ba<strong>la</strong>nce des re<strong>la</strong>tions internationales.<br />

. Les décisions pratiques<br />

Le Sommet a décidé, sur proposition du<br />

Canada, <strong>la</strong> création d’un fonds spécial <strong>pour</strong> <strong>la</strong><br />

protection de l’environnement. En outre, le<br />

Canada, par le biais de l’Agence canadienne de<br />

développement international, annonce qu’il<br />

consacrera 5,5 millions de dol<strong>la</strong>rs à <strong>la</strong> mise sur<br />

pied d’un réseau agro-forestier destiné à appuyer<br />

les services nationaux du Sénégal, du Mali, du<br />

Burkina Faso et du Niger.<br />

Les autres domaines essentiels d’action<br />

retenus par le Sommet de Dakar concernent <strong>la</strong><br />

formation, <strong>la</strong> communication, avec, notamment,<br />

l’extension de TV5 en Afrique et <strong>la</strong> diffusion de<br />

Canal France International, une banque de<br />

programmes française dans <strong>la</strong>quelle les télévisions<br />

des différents États peuvent choisir ce qui les<br />

intéresse.<br />

Outre <strong>la</strong> remise des dettes publiques de 35<br />

pays africains les moins avancés - quelque<br />

16 milliards de FF - <strong>la</strong> France a décidé de porter sa<br />

contribution totale, <strong>pour</strong> le suivi du Sommet de<br />

Dakar, à 237 millions de FF par an, soit le double<br />

de <strong>la</strong> contribution du Canada qui est de<br />

280 millions de FF <strong>pour</strong> deux ans et demi.<br />

Le Sommet de Dakar s’est également attaché<br />

à institutionnaliser les instances du mouvement<br />

francophone :<br />

Le Comité international du suivi (CIS) :<br />

. il est maintenu dans l’intégralité de ses fonctions<br />

et de ses pouvoirs : assume son rôle d’arbitrage et<br />

d’évaluation des actions confiées aux opérateurs<br />

directs du Suivi du Sommet et fait rapport aux<br />

chefs d’Etat et de gouvernement ;<br />

. il demeure l’instance finale de coordination et de<br />

décision, sous l’autorité des chefs d’Etat et de<br />

gouvernement, approuve les projets et affecte les<br />

budgets. En conséquence, l’ACCT et les autres<br />

opérateurs directs, s’agissant des fonds du<br />

Sommet, doivent lui soumettre leurs propositions ;<br />

. il reflète <strong>la</strong> diversité de l’espace francophone, et<br />

assure une rotation suffisante, tout en garantissant<br />

<strong>la</strong> continuité des travaux.<br />

Le Comité international de préparation (CIP):<br />

. il constitue l’instance finale de préparation des<br />

propositions de programmation et d’affectation<br />

budgétaire à présenter aux Sommets. L’ACCT et<br />

les autres opérateurs directs lui proposent les<br />

différents projets. Tous les pays participant aux<br />

Sommets en sont membres.<br />

L’Agence de coopération culturelle et technique<br />

(ACCT) :<br />

. elle constitue, par sa qualité d’unique<br />

organisation intergouvernementale de <strong>la</strong><br />

Francophonie décou<strong>la</strong>nt d’une convention, une<br />

garantie institutionnelle <strong>pour</strong> <strong>la</strong> dimension<br />

multi<strong>la</strong>térale devant présider à <strong>la</strong> conception et à <strong>la</strong><br />

41


mise en oeuvre des projets décou<strong>la</strong>nt des décisions<br />

des chefs d’État et de gouvernement ;<br />

. elle continue d’exercer les rôles d’animation, de<br />

consultation et de concertation du monde<br />

francophone, tels que prévus à sa charte ;<br />

. elle doit enrichir sa mission actuelle par<br />

l’intégration, en son sein, du rôle et de <strong>la</strong> fonction<br />

des réseaux du CIS. Il est entendu que <strong>la</strong><br />

participation à ces réseaux demeure ouverte, sans<br />

restriction aucune, à l’ensemble des Etats et<br />

gouvernements présents aux Sommets ;<br />

. elle se voit, en conséquence, investie du mandat<br />

de proposition, de programmation et de suggestion<br />

d’affectation budgétaire ; propositions et<br />

suggestions à être soumises au CIS et au CIP<br />

selon le cas. En vertu de ce mandat, le secrétaire<br />

général de l’ACCT participe, de plein droit, aux<br />

séances du CIS, du CIP et au volet Coopération<br />

des Conférences ministérielles préparatoires ;<br />

. elle accueille et gère, dans une perspective de<br />

multi<strong>la</strong>téralisme et de simplification budgétaire,<br />

un fonds multi<strong>la</strong>téral unique destiné au<br />

financement des actions engagées par les<br />

Sommets. Ce fonds est distinct de son budget<br />

régulier.<br />

Les Conférences ministérielles<br />

L’ACCT assume <strong>la</strong> responsabilité de <strong>la</strong><br />

préparation et du Suivi de toutes les Conférences<br />

ministérielles sectorielles convoquées dans le<br />

cadre des Sommets. Les Conférences<br />

ministérielles permanentes (CONFEJES –<br />

Conférence des ministres de <strong>la</strong> Jeunesse et des<br />

Sports des pays d’expression française, et<br />

CONFEMEN – Conférence des ministres de<br />

l’Education des pays ayant en commun l’usage du<br />

français), tout en conservant leur autonomie, sont<br />

invitées à col<strong>la</strong>borer étroitement avec l’ACCT<br />

dans le cas de Conférences é<strong>la</strong>rgies aux autres<br />

membres de l’Agence qui ne font pas partie de ces<br />

deux Conférences permanentes.<br />

Les organes subsidiaires<br />

Lorsque <strong>la</strong> mise en oeuvre de projets à long terme<br />

nécessite <strong>la</strong> création d’une structure spécialisée<br />

dotée d’une personnalité juridique, l’ACCT est<br />

invitée à examiner l’opportunité de créer des<br />

organes subsidiaires ouverts à l’adhésion de<br />

l’ensemble des participants du Sommet, comme<br />

elle l’a fait <strong>pour</strong> l’Institut de l’énergie.<br />

Les autres opérateurs<br />

Lorsque <strong>la</strong> mise en oeuvre des projets à long terme<br />

nécessite le choix d’opérateurs à mission<br />

spécialisée, le Sommet en décide, à l’exemple de<br />

ce qui a été fait à Paris et à Québec dans le cas de<br />

l’Association des Universités partiellement ou<br />

entièrement de <strong>la</strong>ngue française (AUPELF), de<br />

TV5 et du Centre d’échanges multi<strong>la</strong>téraux<br />

d’actualités francophones (CEMAF).<br />

Le mandat spécifique confié à l’AUPELF lui<br />

confère <strong>la</strong> qualité d’opérateur multi<strong>la</strong>téral<br />

privilégié du programme majeur UREF<br />

(Université des réseaux d’expression française)<br />

concernant <strong>la</strong> recherche universitaire et<br />

l’enseignement supérieur. Il en va de même <strong>pour</strong><br />

TV5 et le CEMAF dans les domaines spécifiques<br />

de leur compétence.<br />

Le Comité consultatif conjoint (CCC)<br />

Créé au Sommet de Québec et réunissant le CIS et<br />

l’ACCT, le CCC est é<strong>la</strong>rgi aux autres opérateurs<br />

directs, afin de favoriser <strong>la</strong> concertation et<br />

l’information réciproques une fois l’an.<br />

Le monde associatif<br />

Les chefs d’État et de gouvernement<br />

reconnaissent <strong>la</strong> contribution du monde associatif<br />

multi<strong>la</strong>téral francophone. Ils estiment qu’il doit<br />

être renforcé dans son rôle de re<strong>la</strong>is. A cet effet,<br />

une réunion d’information annuelle avec le CIS lui<br />

sera réservée. De plus, le Sommet francophone<br />

souhaite que les instances de l’ACCT procèdent à<br />

l’examen d’une réforme du Conseil consultatif de<br />

l’Agence, réforme faisant de cet organe le lieu<br />

fonctionnel de rencontres et d’échanges des<br />

associations francophones multi<strong>la</strong>térales et<br />

l’instrument de coordination entre elles. Cette<br />

réforme devrait tenir compte des rôles divers de<br />

chaque catégorie d’association. Elle <strong>pour</strong>rait être<br />

complétée par <strong>la</strong> création d’un poste permanent<br />

d’agent de liaison chargé des associations, auprès<br />

du secrétaire général de l’ACCT.<br />

L’Association internationale des parlementaires<br />

de <strong>la</strong>ngue française (AIPLF)<br />

Le Sommet francophone tient à reconnaître le rôle<br />

éminent que l’AIPLF, seule organisation<br />

interparlementaire des pays francophones, joue<br />

dans <strong>la</strong> construction et le développement de <strong>la</strong><br />

Francophonie. La représentation des Parlements<br />

qu’elle constitue, l’influence qu’elle exerce sur<br />

l’opinion, ainsi que les actions de coopération<br />

qu’elle a menées, sont un élément important de<br />

stimu<strong>la</strong>tion <strong>pour</strong> le succès des projets décidés par<br />

les Sommets. Aussi, demande-il au CIS<br />

d’organiser <strong>la</strong> consultation et l’information<br />

réciproques.<br />

Enfin, il est décidé que le prochain Sommet se<br />

tiendra, en 1991, au Zaïre.<br />

4ème Sommet de <strong>la</strong> Francophonie<br />

Chaillot (Paris) 19/21 novembre 1991<br />

"E<strong>la</strong>rgissement et maturité"<br />

. Les 45 participants<br />

21 chefs d’Etat<br />

Bénin : Nicéphore Soglo<br />

Bulgarie : Jeliou Jelev<br />

Burkina Faso : B<strong>la</strong>ise Compaoré<br />

Burundi : Pierre Buyoya<br />

Cameroun : Paul Biya<br />

Centrafrique : André Kolingba<br />

Comores : Saïd Mohamed Djohar<br />

Côte d’Ivoire : Félix Houphouët-Boigny<br />

France : François Mitterrand<br />

Gabon : Omar Bongo<br />

Guinée-Bissau : Joao Bernardo Vieira<br />

Haïti : Jean-Bertrand Aristide<br />

Laos : Kaysone Phomvihane<br />

Liban : Elias Hraoui<br />

Mali : Amadou Toumani Touré<br />

Mauritanie : Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya<br />

Roumanie : Ion Iliescu<br />

Rwanda : Juvénal Habyarimana<br />

Sénégal : Abdou Diouf<br />

Suisse : René Felber<br />

Tchad : Idriss Déby<br />

13 chefs de gouvernement<br />

Belgique : Wilfried Martens<br />

Belgique (Communauté française) : Valmy Feaux<br />

Canada : Brian Mulroney<br />

Congo : André Milongo<br />

Luxembourg : Jacques Santer<br />

Maurice : Aneerood Jugnauth<br />

Niger : Amadou Cheiffou<br />

Nouveau-Brunswick : Franck McKenna<br />

Québec : Robert Bourassa<br />

Togo : Kokou Joseph Koffigoh<br />

Tunisie : Hamed Karaoui<br />

Val d’Aoste : Gianni Bondaz<br />

Vanuatu : Donald Kalpokas<br />

11 autres chefs de délégation<br />

Cambodge : Khek Sysoda, membre du Cabinet du<br />

président du Conseil national suprême<br />

Djibouti : Moumin Bahdou Farah, ministre des<br />

Affaires étrangères<br />

Egypte : Boutros Boutros-Ghali, vice-Premier<br />

ministre <strong>pour</strong> les Re<strong>la</strong>tions étrangères<br />

Guinée équatoriale : Isidoro Eyi Monsuy Andémé,<br />

vice-Premier ministre<br />

Louisiane : Al<strong>la</strong>n Barres, sénateur, ancien<br />

président du Sénat<br />

Madagascar : Honoré Rakotomanana, président de<br />

<strong>la</strong> Cour constitutionnelle<br />

Maroc : Mohammed Benaïssa, ministre des<br />

Affaires culturelles<br />

Monaco : René Novel<strong>la</strong>, ambassadeur en Italie<br />

Nouvelle-Angleterre : Paul Laf<strong>la</strong>mme, président<br />

de l’Action <strong>pour</strong> les Franco-Américains du Nord-<br />

Est (ACTFANE)<br />

Seychelles : Danielle de Saint-Jorre, ministre des<br />

Re<strong>la</strong>tions extérieures<br />

Vietnam : Nguyen Huu Tho, vice-président du<br />

Conseil d’Etat<br />

Zaïre : Buketi Bukayi, ministre des Re<strong>la</strong>tions<br />

extérieures<br />

. La conférence<br />

A Dakar, le Sommet de <strong>la</strong> Francophonie s’était<br />

donné rendez-vous au Zaïre <strong>pour</strong> sa 4ème réunion.<br />

Le rendez-vous zaïrois n’aura pas lieu : accusées,<br />

notamment, par <strong>la</strong> Belgique, <strong>la</strong> France et le<br />

Canada, de bafouer les Droits de l’homme, les<br />

autorités zaïroises ont dû déc<strong>la</strong>rer forfait. Le re<strong>la</strong>is<br />

fut passé à <strong>la</strong> France, et c’est au pa<strong>la</strong>is de Chaillot,<br />

à Paris, que s’ouvre le 19 novembre 1991, le 4ème<br />

Sommet de <strong>la</strong> Francophonie.<br />

Soulignant que ce Sommet est celui de<br />

"l’é<strong>la</strong>rgissement et de <strong>la</strong> maturité", le président<br />

Mitterrand constate : "L’espace francophone se<br />

déploie sur tous les continents, retrouve des<br />

solidarités anciennes, appelle des amitiés, marque<br />

le sentiment qu’un destin se partage aussi...A l’est<br />

de l’Europe, <strong>la</strong> liberté a repris ses droits avec<br />

vigueur, les nations vivent leur indépendance. Des<br />

minorités s’expriment, des peuples souvent<br />

chargés d’histoire veulent compter à leur tour, et<br />

parfois de nouveau... Tout au long des années de<br />

plomb, ils ont gardé en secret cette passion de <strong>la</strong><br />

<strong>la</strong>ngue française. Sorte d’espérance à tenir, de<br />

liberté à préserver, avec le sentiment tenace qu’un<br />

jour, ils retrouveraient les nations libres qui parlent<br />

<strong>la</strong> même <strong>la</strong>ngue. Tel est le sens, je pense, de<br />

l’arrivée, parmi nous, de <strong>la</strong> Bulgarie et de <strong>la</strong><br />

Roumanie..." Et de saluer également <strong>la</strong> présence<br />

du Cambodge (en soulignant "le rôle du prince<br />

Sihanouk qui était déjà, il y a trente ans, au côté<br />

des présidents Senghor et Diori Hamani <strong>pour</strong><br />

souhaiter <strong>la</strong> création d’une Communauté<br />

d’expression française"), celle du Cameroun et du<br />

Laos "hier observateurs", ainsi que <strong>la</strong> présence du<br />

président Hraoui qui "signifie que le Liban en<br />

marche vers <strong>la</strong> réconciliation de ses citoyens,<br />

retrouve <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce qui lui est due dans <strong>la</strong> reconquête<br />

de sa souveraineté..."<br />

Le Premier ministre canadien, Brian<br />

Mulroney, affirmait, <strong>pour</strong> sa part : "La France, qui<br />

nous accueille, est le berceau de <strong>la</strong> liberté, <strong>la</strong> mèrepatrie<br />

des droits de <strong>la</strong> personne. Et, ce retour aux<br />

sources devrait nous être d’autant plus salutaire<br />

que nous prenons de plus en plus conscience que,<br />

sans démocratie véritable, il ne peut y avoir de<br />

développement durable, et que, sans<br />

développement soutenu, il ne peut y avoir de<br />

42


démocratie solide. Notre hôte à Dakar, le président<br />

Diouf, avait d’ailleurs évoqué "ce ressourcement<br />

aux idéaux les plus élevés de liberté et de justice,<br />

véhiculés par le français". Le rappel de ces paroles<br />

donne un sens singulier à <strong>la</strong> participation à cette<br />

conférence du père Jean-Bertrand Aristide, le<br />

président démocratiquement élu d’Haïti "qui<br />

témoigne, avec dignité et courage, des dangers que<br />

<strong>la</strong> démocratie court encore. C’est dire que le<br />

monde a changé depuis le Sommet de Dakar, qu’il<br />

a changé rapidement et profondément, qu’il<br />

continue de changer vite et beaucoup".<br />

Entre-temps, le président Diouf, puis le<br />

président Soglo avaient affirmé leur foi dans <strong>la</strong><br />

démocratie en Afrique. Le chef de l’État<br />

sénéga<strong>la</strong>is avait salué dans le Bénin le pays grâce<br />

auquel <strong>la</strong> démocratie était revenue en Afrique.<br />

C’est <strong>pour</strong>quoi, s’exprimant à son tour, <strong>pour</strong> <strong>la</strong><br />

première fois devant un Sommet francophone, le<br />

président béninois devait conseiller à l’Afrique de<br />

suivre l’exemple de son pays : "Sans doute ne<br />

saurions-nous prétendre, dit-il, qu’il existe un<br />

modèle imposable à tous, quelque chose comme<br />

un prêt-à-porter démocratique. Nous n’en restons<br />

pas moins persuadés au Bénin que, si le courage,<br />

<strong>la</strong> dignité et l’esprit de responsabilité sont au<br />

rendez-vous, <strong>la</strong> conférence nationale est un cadre<br />

approprié <strong>pour</strong> opérer des mutations décisives et<br />

pacifiques dans une société en quête d’un souffle<br />

nouveau. Car elle reste à nos yeux l’alternative<br />

aux affrontements meurtriers et à <strong>la</strong> guerre civile.<br />

Telle est du moins <strong>la</strong> conviction des Béninois qui,<br />

depuis février 1990, s’efforcent patiemment de<br />

construire le renouveau démocratique. C’est le<br />

lieu <strong>pour</strong> moi d’adresser ma profonde gratitude<br />

aux pays membres de <strong>la</strong> Francophonie qui nous<br />

ont apporté, et continuent de nous apporter leur<br />

soutien dans cette difficile entreprise, de même<br />

qu’à ceux qui suivent avec tant de sympathie le<br />

processus de consolidation de <strong>la</strong> démocratie au<br />

Bénin".<br />

Le 4ème Sommet de <strong>la</strong> Francophonie a<br />

adopté un certain nombre de résolutions de<br />

politique internationale :<br />

- Sécurité internationale : les pays du Sommet<br />

"s’engagent à se joindre à tous les membres de <strong>la</strong><br />

communauté internationale <strong>pour</strong> condamner <strong>la</strong><br />

prolifération des armes de destruction massive et<br />

renforcer les instruments <strong>pour</strong> combattre<br />

efficacement <strong>la</strong> prolifération des armes nucléaires<br />

chimiques et biologiques ainsi que des systèmes<br />

balistiques".<br />

Ils s’engagent également à "promouvoir une<br />

plus grande prudence dans le transfert des armes<br />

conventionnelles qui permettra l’affectation du<br />

plus grand nombre de ressources possible au<br />

développement social et économique de leurs<br />

pays".<br />

Ils apportent par ailleurs "leur appui entier à<br />

l’affermissement du rôle et de l’autorité du<br />

secrétaire général" de l’ONU dont ils entendent<br />

"soutenir activement l’action" en faveur de <strong>la</strong> paix<br />

"tout en exhortant les peuples des régions en crise<br />

à résoudre leurs conflits par des moyens<br />

pacifiques".<br />

Le mouvement francophone s’engage "à<br />

travailler au renforcement de <strong>la</strong> capacité de l’ONU<br />

à agir de manière préventive <strong>pour</strong> maintenir <strong>la</strong><br />

paix et <strong>la</strong> sécurité".<br />

Il s’engage enfin à "améliorer les mécanismes<br />

de coordination et d’intervention des agences<br />

humanitaires de l’ONU et au soutien d’autres<br />

organisations multi<strong>la</strong>térales tel le CICR, afin de<br />

rendre plus efficaces les actions de secours aux<br />

popu<strong>la</strong>tions affligées".<br />

- Conflit israélo-arabe : ils "apportent leur<br />

soutien aux efforts engagés par les Etats-Unis,<br />

l’Union soviétique, les pays de <strong>la</strong> CEE et d’autres<br />

pays concernés et intéressés, invitent les parties à<br />

faire preuve de l’esprit constructif qui permettra de<br />

saisir cette occasion historique de parvenir à un<br />

règlement juste et durable du conflit israélo-arabe<br />

et du conflit palestinien".<br />

Ils "les invitent à adopter les mesures de<br />

confiance équilibrées et réciproques qui<br />

permettraient de créer un climat favorable à <strong>la</strong><br />

négociation, en particulier, <strong>la</strong> cessation de <strong>la</strong><br />

politique d’imp<strong>la</strong>ntation de colonies israéliennes<br />

dans les territoires occupés et du boycott arabe".<br />

Ils "se déc<strong>la</strong>rent prêts, dans <strong>la</strong> mesure de leurs<br />

moyens, à contribuer au développement de <strong>la</strong><br />

coopération régionale qui suivra le retour de <strong>la</strong><br />

paix".<br />

- Haïti : "constatant le renversement du<br />

gouvernement démocratiquement élu d’Haïti, le<br />

Sommet "condamne énergiquement ce<br />

renversement violent et illégal qui prive le peuple<br />

haïtien du libre exercice de ses droits<br />

démocratiques".<br />

La résolution exige également "le<br />

rétablissement de l’État de droit et de l’ordre<br />

constitutionnel ainsi que <strong>la</strong> restauration du<br />

président légitime dans ses fonctions".<br />

Elle prévoit "<strong>la</strong> suspension, jusqu’au<br />

rétablissement de l’ordre constitutionnel, de <strong>la</strong><br />

mise en oeuvre des accords entre Haïti et l’Agence<br />

de coopération culturelle et technique".<br />

Les pays francophones, qui "appuient les<br />

efforts déployés par l’OEA, l’ONU et d’autres<br />

instances <strong>pour</strong> restaurer et renforcer <strong>la</strong> démocratie<br />

dans ce pays", s’engagent à "respecter ou à<br />

recommander l’application des sanctions<br />

économiques arrêtées par l’OEA".<br />

Ils affirment enfin "leur volonté, une fois<br />

l’ordre constitutionnel rétabli en Haïti, de<br />

consolider <strong>la</strong> coopération économique et<br />

financière avec ce pays, afin de soutenir son<br />

développement économique, social et<br />

démocratique".<br />

- Afrique : les dirigeants du Sommet<br />

francophone "se réjouissent du processus de<br />

démocratisation en cours en Afrique, expriment<br />

leur soutien aux pays africains engagés dans les<br />

réformes politiques et économiques". Ils<br />

demandent "instamment à <strong>la</strong> communauté<br />

internationale de les soutenir" et s’engagent à<br />

"oeuvrer <strong>pour</strong> <strong>la</strong> prise en compte, dans les<br />

instances internationales, des besoins du continent<br />

africain".<br />

- Corne de l’Afrique : le Sommet francophone<br />

appuie les efforts de plusieurs pays "et notamment<br />

de <strong>la</strong> République de Djibouti", en faveur du<br />

rétablissement de <strong>la</strong> paix en Somalie et appelle les<br />

acteurs des conflits à entamer ou <strong>pour</strong>suivre des<br />

négociations <strong>pour</strong> <strong>la</strong> paix dans <strong>la</strong> région.<br />

- Liban : <strong>la</strong> résolution enregistre "avec<br />

satisfaction les progrès réalisés tant sur le p<strong>la</strong>n<br />

politique que sur le p<strong>la</strong>n de <strong>la</strong> sécurité depuis <strong>la</strong><br />

mise en oeuvre par le gouvernement libanais des<br />

accords de Taëf et notamment <strong>pour</strong> ce qui a trait à<br />

<strong>la</strong> dissolution des milices et à l’extension de <strong>la</strong><br />

zone contrôlée par l’armée légale".<br />

Elle exprime son "appui au gouvernement<br />

libanais dans <strong>la</strong> <strong>pour</strong>suite de l’application stricte et<br />

complète des accords de Taëf en vue de<br />

consolider <strong>la</strong> réconciliation nationale, de renforcer<br />

<strong>la</strong> sécurité, de rétablir <strong>la</strong> légalité sur tout le<br />

territoire national en y déployant l’armée<br />

libanaise, et de restaurer <strong>la</strong> souveraineté pleine et<br />

entière du Liban".<br />

La résolution décide "<strong>la</strong> reconduction du<br />

fonds de solidarité créé par le Sommet de Québec<br />

(1987) <strong>pour</strong> <strong>la</strong> reconstruction des institutions<br />

culturelles, éducatives, techniques et hospitalières<br />

du Liban" et appelle "les Etats membres à<br />

renouveler le financement de ce fonds".<br />

- L’usage du français dans les organisations<br />

internationales : <strong>la</strong> résolution invite les<br />

gouvernements francophones à "une action<br />

in<strong>la</strong>ssable et concertée" en vue de permettre<br />

l’adoption, dans les organisations où elles font<br />

encore défaut, de résolutions linguistiques à<br />

l’exemple des résolutions de l’ONU et d’assurer le<br />

recrutement optimum de fonctionnaires<br />

internationaux francophones".<br />

Elle appelle "à <strong>la</strong> création de groupes<br />

francophones dans les organisations<br />

internationales", souligne "<strong>la</strong> nécessité de favoriser<br />

par tous les moyens et notamment par <strong>la</strong><br />

formation de spécialistes, <strong>la</strong> qualité de <strong>la</strong><br />

traduction et de l’interprétation".<br />

Elle demande "<strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce d’un réseau<br />

informatique de détection et de diffusion des<br />

termes posant un problème de définition et de<br />

traduction en français", et souligne "l’importance<br />

de <strong>la</strong> présence des livres et documents français<br />

dans les bibliothèques et centres de documentation<br />

internationaux".<br />

Elle souhaite que le français conserve sa p<strong>la</strong>ce<br />

de "première <strong>la</strong>ngue olympique" et demande<br />

"qu’une concertation régulière entre francophones<br />

s’é<strong>la</strong>bore auprès des grandes organisations<br />

internationales".<br />

. Les décisions pratiques<br />

Le 4ème Sommet de <strong>la</strong> Francophonie s’est<br />

attaché à peaufiner <strong>la</strong> réforme de ses institutions<br />

commencée à Dakar.<br />

Le Sommet demeure l’instance suprême au<br />

niveau politique, mais une Conférence<br />

ministérielle se réunira, désormais, à mi-chemin<br />

entre deux Sommets.<br />

D’autre part, un Conseil permanent de <strong>la</strong><br />

Francophonie, composé des représentants<br />

spéciaux des chefs d’Etat et de gouvernement (les<br />

"sherpas"), doit être créé. Il comprendra<br />

15 membres (France, Canada, Québec,<br />

Communauté française de Belgique, Sénégal,<br />

Maurice, Côte d’Ivoire, Bénin, Togo, Gabon,<br />

Zaïre, Maroc, Madagascar, Liban, Vietnam) et<br />

regroupera trois des structures actuelles : le CIS, le<br />

CIP et le bureau é<strong>la</strong>rgi de l’ACCT.<br />

L’ACCT devrait obtenir un rôle technique de<br />

secrétariat de <strong>la</strong> Francophonie qui reste à définir<br />

dans le détail. Elle aura à sa disposition, <strong>pour</strong><br />

appuyer ses actions de coopération, 9 comités de<br />

programmes composés d’experts gouvernementaux.<br />

Les représentants d’organisations nongouvernementales<br />

(ONG) <strong>pour</strong>ront également être<br />

appelés à y participer.<br />

Il a été d’autre part décidé l’extension de <strong>la</strong> chaîne<br />

de télévision cablée TV5 (reçue déjà en Europe et<br />

en Amérique du Nord) en Afrique et le soutien à<br />

<strong>la</strong> production d’images du Sud en renforçant<br />

l’action de l’ACCT. La France a décidé de<br />

doubler sa contribution à ce fonds - qui est de<br />

30 millions de francs français au total - de 1,5 à<br />

3 millions.<br />

Sur proposition du Canada, il a été décidé <strong>la</strong> mise<br />

sur pied d’un "réseau-pilote" de cliniques<br />

juridiques, <strong>pour</strong> répondre aux besoins des femmes<br />

dans les pays membres de l’espace francophone.<br />

Ces cliniques auraient <strong>pour</strong> mission "des tâches de<br />

vulgarisation, d’aide juridique, d’information et<br />

d’actions pédagogiques <strong>pour</strong> contribuer à une<br />

43


meilleure connaissance des codes de <strong>la</strong> famille et<br />

des codes pénaux en vigueur". Le mandat définitif<br />

de ces cliniques juridiques sera précisé lors de <strong>la</strong><br />

tenue ultérieure, en Afrique, d’un séminaire<br />

international de juristes. Le gouvernement<br />

canadien consacrera environ 3 millions de FF<br />

(600 000 dol<strong>la</strong>rs canadiens) à <strong>la</strong> création de ce<br />

réseau "qui sera appelé à s’étendre si l’expérience<br />

s’avère concluante".<br />

Le Canada a par ailleurs annoncé <strong>la</strong> <strong>pour</strong>suite de<br />

son programme de bourses de <strong>la</strong> Francophonie -<br />

créé lors du premier Sommet en 1986 - auquel<br />

seront affectés près de 50 millions de FF<br />

(10 millions de dol<strong>la</strong>rs canadiens) par an au cours<br />

des cinq prochaines années. Ce programme, qui<br />

s’adresse aux étudiants des pays en<br />

développement membres du mouvement<br />

francophone, devrait permettre, chaque année à<br />

350 d’entre eux (dont 50 % de femmes), de<br />

<strong>pour</strong>suivre leurs études dans des universités<br />

canadiennes.<br />

Enfin, le Sommet a décidé <strong>la</strong> tenue de sa<br />

5ème réunion à l’île Maurice, en 1993.<br />

5ème Sommet de <strong>la</strong> Francophonie :<br />

Grand Baie(Maurice)6/18 octobre 1993<br />

"L’unité dans <strong>la</strong> diversité"<br />

. Les 47 participants<br />

19 chefs d’État<br />

Bénin : Nicéphore Soglo<br />

Bulgarie : Jeliou Jelev<br />

Burkina Faso : B<strong>la</strong>ise Compaoré<br />

Burundi : Melchior Ndadaye<br />

Cameroun : Paul Biya<br />

Comores : Saïd Mohamed Djohar<br />

Congo : Pascal Lissouba<br />

France : François Mitterrand<br />

Guinée Bissau : Vasco Cabral<br />

Laos : Nouhak Phoumsavanh<br />

Mali : Alpha Oumar Konaré<br />

Niger : Mahamane Ousmane<br />

Roumanie : Ion Illiescu<br />

Rwanda : Juvénal Habyarimana<br />

Seychelles : France Albert René<br />

Suisse : Adolf Ogi<br />

Tchad : Idriss Deby<br />

Vietnam : Nguyen Thi Binh<br />

Zaïre : Mobutu Sese Seko<br />

13 chefs de gouvernement<br />

Belgique : Jean-Luc Dehaene<br />

Cambodge : prince Sdech Krom Luong Norodom<br />

Ranariddh<br />

Canada/Nouveau Brunswick : Frank McKenna<br />

Canada/Québec : Lise Bacon<br />

Dominique : Mary Eugenia Charles<br />

Gabon : Casimir Oye Mba<br />

Luxembourg : Jacques Santer<br />

Madagascar : Francisque Ravony<br />

Mauritanie : Sidi Mohamed Ould Boubacar<br />

Monaco : Jacques Dupont<br />

Togo : Kokou Joseph Koffigoh<br />

Tunisie : Hamed Karoui<br />

Vanuatu : Maxime Carlot Korman<br />

15 autres chefs de délégation<br />

Canada : Benoît Bouchard, ambassadeur à Paris,<br />

représentant personnel du premier ministre<br />

Cap-Vert : Manuel de Jesus Chantre, ministre des<br />

Affaires étrangères<br />

Centrafrique : Jean-Marie Bassia, ministre des<br />

Affaires étrangères<br />

Communauté française de Belgique : Laurette<br />

Onkelinx, ministre-présidente chargée de <strong>la</strong> Santé,<br />

des Affaires sociales et du Tourisme<br />

Côte d’Ivoire : Amara Essy, ministre des Affaires<br />

étrangères<br />

Djibouti : Abdou Bolok Abdou, ministre des<br />

Affaires étrangères<br />

Egypte : Samir Safouat, ambassadeur,<br />

représentant personnel du président Hosny<br />

Moubarak<br />

Guinée : Ibrahima Syl<strong>la</strong>, ministre des Affaires<br />

étrangères et de <strong>la</strong> Coopération<br />

Guinée équatoriale : Augustin Nse Nfumu,<br />

ministre délégué chargé de <strong>la</strong> Francophonie<br />

Haïti : C<strong>la</strong>udette Werleigh, ministre des Affaires<br />

étrangères et des cultes<br />

Liban : Farès Boueiz, ministre des Affaires<br />

étrangères<br />

Maroc : Mohamed Al<strong>la</strong>l Sinaceur, ministre des<br />

Affaires culturelles<br />

Maurice : Ahmud Swa<strong>la</strong>y Kasenally, ministre des<br />

Affaires étrangères<br />

Sainte-Lucie : Louis George, ministre de<br />

l’Education, de <strong>la</strong> Culture et du Travail<br />

Sénégal : Moustapha Niasse, ministre d’État,<br />

ministre des Affaires étrangères et des Sénéga<strong>la</strong>is<br />

de l’extérieur<br />

4 invités spéciaux<br />

Moldavie : Ntau, ministre des Affaires étrangères<br />

Nouvelle-Angleterre : Paul Laf<strong>la</strong>mme, président<br />

de l’Action <strong>pour</strong> les Franco-Américains du Nord-<br />

Est<br />

Val d’Aoste : Dino Vierin, président du<br />

gouvernement régional<br />

ONU : Boutros Boutros-Ghali, secrétaire général<br />

. La Conférence<br />

Le 5e sommet de <strong>la</strong> Francophonie à Maurice<br />

a consacré l’usage d’un nouvel intitulé. Il est<br />

devenu celui des chefs d’État et de gouvernement<br />

des pays "ayant le français en partage", une<br />

formule plus conviviale que celle qui avait prévalu<br />

jusqu’alors : "ayant en commun l’usage du<br />

français". La communauté francophone a accueilli<br />

à cette occasion de nouveaux participants. Le<br />

Cambodge, <strong>la</strong> Bulgarie, <strong>la</strong> Roumanie sont<br />

devenus membres à part entière. En tout 47<br />

délégations (soit 2 de plus qu’à Chaillot en 1991)<br />

étaient présentes et 4 invités spéciaux (Moldavie,<br />

Nouvelle-Angleterre, Val d’Aoste, <strong>Organisation</strong><br />

des Nations unies). Cette conférence a été<br />

marquée par l’absence d’un certain nombre de<br />

chefs d’État africains de premier p<strong>la</strong>n. Ainsi, le<br />

président de Côte d’Ivoire Félix Houphouët-<br />

Boigny, hospitalisé, n’a pu faire le voyage, le<br />

président sénéga<strong>la</strong>is Abdou Diouf a été retenu à<br />

Dakar. Quant au président du Gabon, Omar<br />

Bongo, il se trouvait en pleine campagne<br />

électorale. Le Canada, lui aussi, n’a été représenté<br />

que par son ambassadeur à Paris et non plus,<br />

comme auparavant, par son premier ministre. Un<br />

élément significatif de <strong>la</strong> crise des re<strong>la</strong>tions francocanadiennes<br />

lors de <strong>la</strong> préparation de <strong>la</strong><br />

conférence. Et enfin, le Sommet de Maurice a été<br />

<strong>la</strong> dernière réunion de chefs d’États francophones<br />

à <strong>la</strong>quelle le président François Mitterrand, alors<br />

en fin de mandat, participait.<br />

A Maurice, les grands thèmes abordés lors des<br />

précédents sommets de <strong>la</strong> Francophonie et<br />

notamment celui de Chaillot, démocratie, droits de<br />

l’homme, sécurité, développement, solidarité<br />

Nord/Sud, ont tout naturellement été abordés et<br />

ont fait l’objet d’une mention dans le texte de <strong>la</strong><br />

déc<strong>la</strong>ration finale et de l’adoption de <strong>nouvelle</strong>s<br />

résolutions. Après les avancées significatives vers<br />

<strong>la</strong> démocratie réalisées en trois ans dans les pays<br />

d’Afrique, le temps était venu, <strong>pour</strong> François<br />

Mitterrand, de "<strong>la</strong> consolidation". "La démocratie<br />

n’est pas une rente, il faut en consolider<br />

in<strong>la</strong>ssablement les acquis tout en retrouvant <strong>la</strong><br />

voie d’une croissance durable de vos économies".<br />

La problématique démocratie/dévelop-pement<br />

durable est encore dominante à Maurice car dans<br />

le domaine économique, les résultats enregistrés<br />

depuis le sommet de Chaillot n’ont pas été aussi<br />

encourageants que sur le p<strong>la</strong>n politique. Et si, <strong>pour</strong><br />

les protagonistes, ce sommet, p<strong>la</strong>cé sous le thème<br />

proposé par <strong>la</strong> République de Maurice de "l’unité<br />

dans <strong>la</strong> diversité", a été celui de "l’engagement<br />

politique", c’est notamment parce qu’il a permis<br />

d’approfondir <strong>la</strong> réflexion sur <strong>la</strong> présence de <strong>la</strong><br />

communauté francophone en tant qu’entité sur<br />

"l’échiquier mondial" (déjà esquissée lors de <strong>la</strong><br />

préparation de <strong>la</strong> conférence internationale de<br />

Vienne sur les droits de l’homme où <strong>la</strong><br />

concertation avait permis aux francophones de<br />

parler d’une seule voix) en é<strong>la</strong>rgissant le rôle<br />

politique d’outils comme le Conseil permanent de<br />

<strong>la</strong> Francophonie, créé à Chaillot.<br />

Le débat engagé lors du sommet, autour de <strong>la</strong><br />

notion d’exception culturelle, défendue<br />

ardemment par <strong>la</strong> France lors des négociations du<br />

GATT et <strong>pour</strong> <strong>la</strong> défense de <strong>la</strong>quelle François<br />

Mitterrand souhaitait obtenir le soutien de <strong>la</strong><br />

"famille francophone", va dans ce sens puisque<br />

l’accord intervenu a donné à <strong>la</strong> Francophonie <strong>la</strong><br />

dimension d’un bloc uni <strong>pour</strong> défendre des<br />

convictions communes sur <strong>la</strong> scène internationale.<br />

Dans son discours prononcé au cours de <strong>la</strong><br />

séance solennelle d’ouverture, le Président<br />

français s’est ainsi exprimé sur les risques<br />

d’uniformisation culturelle sur un modèle unique<br />

venu d’Outre-At<strong>la</strong>ntique : "Je pense qu’il serait<br />

désastreux d’aider à <strong>la</strong> généralisation d’un<br />

modèle unique et il faut y prendre garde. Ce que<br />

les régimes totalitaires n’ont pas réussi à faire, les<br />

lois de l’argent alliées aux forces techniques vontelles<br />

y parvenir ? ... Ce qui est en jeu, et donc en<br />

péril, je le dis aux francophones ici rassemblés,<br />

dans les négociations en cours, c’est le droit de<br />

chaque pays à forger son imaginaire, à<br />

transmettre aux générations futures <strong>la</strong><br />

représentation de sa propre identité". Pour<br />

François Mitterrand, <strong>la</strong> France est "menacée". Et<br />

<strong>la</strong> solidarité dont elle a fait, et fera preuve, dans<br />

l’aide aux pays du Sud, majoritaires au sein de <strong>la</strong><br />

Francophonie - "La France est le pays qui<br />

accorde le plus fort <strong>pour</strong>centage à l’aide au<br />

développement" -, implique une réciprocité de <strong>la</strong><br />

part des bénéficiaires. La France "doit préserver<br />

ses intérêts, pas au détriment des vôtres, mais elle<br />

est en droit de demander que ses intérêts soient<br />

aussi protégés par vous".<br />

Ce message très c<strong>la</strong>ir a été entendu par les<br />

représentants des Etats francophones. Une<br />

résolution sur "l"exception culturelle au GATT" a<br />

été finalement adoptée.<br />

. Les résolutions<br />

Les 47 chefs d’Etat, de gouvernement et de<br />

délégation réunis à Maurice ont adopté<br />

21 résolutions. Elles portent sur de nombreux<br />

domaines, notamment :<br />

- Maintien de <strong>la</strong> paix et sécurité<br />

internationale: les pays francophones se "félicitent<br />

du rôle accru des Nations unies", sont "désireux de<br />

soutenir activement l’action de l’ONU", se<br />

"déc<strong>la</strong>rent prêts à s’associer selon leurs possibilités<br />

aux opérations de maintien de <strong>la</strong> paix ou<br />

humanitaires décidées par le système des Nations<br />

44


unies", acceptent de contribuer au renforcement de<br />

<strong>la</strong> diplomatie préventive", "condamnent<br />

vigoureusement les attaques dirigées contre le<br />

personnel des Nations unies chargé du maintien de<br />

<strong>la</strong> paix et contre le personnel humanitaire".<br />

- Afrique : les pays ayant le français en partage<br />

"notent avec satisfaction <strong>la</strong> <strong>pour</strong>suite du processus<br />

de démocratisation, condition nécessaire au<br />

développement", "considèrent que les difficultés<br />

financières auxquelles sont confrontés les pays<br />

africains nécessitent une solidarité internationale<br />

accrue, notamment de <strong>la</strong> part de <strong>la</strong> communauté<br />

francophone", "appuient les efforts d’intégration<br />

régionale", demandent à <strong>la</strong> communauté<br />

internationale de <strong>pour</strong>suivre ses efforts sur les<br />

p<strong>la</strong>ns politique, économique et financier afin de<br />

contribuer au développement de manière à<br />

garantir <strong>la</strong> réussite du processus de<br />

démocratisation et de redressement économique et<br />

financier", s’engagent à oeuvrer au sein des<br />

organisations internationales <strong>pour</strong><br />

l’assouplissement des conditions d’octroi de l’aide<br />

au développement".<br />

- Exception culturelle au GATT : ils "conviennent<br />

d’adopter ensemble, au sein du GATT, <strong>la</strong> même<br />

exception culturelle <strong>pour</strong> toutes les industries<br />

culturelles".<br />

- Liban : ils "décident <strong>la</strong> reconduction du fonds de<br />

solidarité créé par le sommet de Québec <strong>pour</strong> <strong>la</strong><br />

reconstruction des institutions culturelles,<br />

éducatives, techniques et hospitalières du Liban et<br />

appellent les États membres à renouveler le<br />

financement de ce fonds".<br />

- Rwanda : ils "<strong>la</strong>ncent un appel à <strong>la</strong> communauté<br />

internationale, et particulièrement aux pays<br />

francophones, afin qu’ils <strong>pour</strong>suivent et<br />

augmentent leur assistance au peuple rwandais<br />

dans son effort de reconstruction nationale".<br />

- Haïti : ils "re<strong>nouvelle</strong>nt leur appui au<br />

gouvernement légitime de Haïti incarné par son<br />

président Jean-Bertrand Aristide".<br />

- L’unité dans <strong>la</strong> diversité : ils "déc<strong>la</strong>rent que les<br />

atteintes aux droits de l’homme et aux libertés<br />

fondamentales constituent un sujet de<br />

préoccupation direct et légitime, <strong>pour</strong> <strong>la</strong><br />

communauté internationale", "décident de prendre<br />

toute mesure de nature à faciliter <strong>la</strong> pleine<br />

participation de personnes appartenant à des<br />

minorités nationales à tous les aspects de <strong>la</strong> vie<br />

politique".<br />

- La Francophonie et les re<strong>la</strong>tions<br />

internationales : ils "donnent mandat au Conseil<br />

permanent de <strong>la</strong> Francophonie de continuer à<br />

oeuvrer concrètement <strong>pour</strong> renforcer <strong>la</strong><br />

représentation des pays de l’espace francophone<br />

dans les institutions internationales... et s’engagent<br />

à le doter des moyens nécessaires <strong>pour</strong> lui<br />

permettre de remplir sa mission", "rappellent le<br />

mandat de l’ACCT aux fins de <strong>pour</strong>suivre et<br />

intensifier <strong>la</strong> coopération avec les organisations<br />

internationales", "invitent au strict respect du statut<br />

des différentes <strong>la</strong>ngues officielles ou de travail<br />

dans le système des Nations unies", affirment leur<br />

soutien aux actions visant à assurer une présence<br />

dynamique de <strong>la</strong> communauté francophone sur <strong>la</strong><br />

scène internationale".<br />

- Le français dans les organisations<br />

internationales : ils "appellent à <strong>la</strong> création de<br />

groupes francophones dans les organisations<br />

internationales qui n’en sont pas encore dotées".<br />

- L’économie mondiale : ils "appellent <strong>la</strong><br />

communauté internationale à soutenir les efforts<br />

des pays en développement en vue de leur<br />

participation à un système commercial mondial<br />

stable, ouvert et équitable", "s’engagent à<br />

participer activement à <strong>la</strong> réflexion menée dans le<br />

cadre des Nations unies en vue de l’adoption d’un<br />

programme d’action <strong>pour</strong> le développement".<br />

- La coopération économique francophone :<br />

ils "conviennent de développer entre eux une<br />

étroite concertation lors des différentes<br />

négociations multi<strong>la</strong>térales, notamment au sein du<br />

GATT ou des organismes régionaux".<br />

- Le programme d’action des Nations unies<br />

<strong>pour</strong> le Développement : ils "s’engagent à<br />

contribuer activement à sa définition et à sa mise<br />

en oeuvre", "mandatent le Conseil permanent de <strong>la</strong><br />

Francophonie afin de préciser <strong>la</strong> contribution<br />

spécifique que les pays francophones <strong>pour</strong>raient<br />

apporter à <strong>la</strong> mise en oeuvre du programme".<br />

- La programmation : cette résolution<br />

"souligne <strong>la</strong> nécessité de mobiliser des crédits<br />

accrus au profit du fonds multi<strong>la</strong>téral unique". Elle<br />

définit les grands domaines d’intervention de <strong>la</strong><br />

Francophonie dans les années à venir : promotion<br />

de l’utilisation du français au sein des<br />

organisations internationales, appui à des<br />

programmes de développement du français dans<br />

les sciences, coopération juridique, financière,<br />

interparlementaire, dans le domaine de <strong>la</strong><br />

communication, aide à l’ancrage africain de TV5<br />

et <strong>pour</strong>suite des études sur l’extension à l’Asie,<br />

soutien au Forum francophone des affaires <strong>pour</strong><br />

développer le partenariat économique, mise en<br />

p<strong>la</strong>ce de programmes mobilisateurs dans le<br />

domaine de l’enseignement du français et de<br />

l’alphabétisation, coopération scientifique et<br />

soutien à <strong>la</strong> re<strong>la</strong>nce de <strong>la</strong> recherche au Sud.<br />

. Les décisions pratiques<br />

Sur le p<strong>la</strong>n institutionnel, le sommet de Maurice a<br />

pris un certain nombre de décisions destinées à<br />

permettre un renforcement du rôle politique de <strong>la</strong><br />

<strong>francophonie</strong> sur <strong>la</strong> scène internationale. Les<br />

travaux préparatoires des conférences<br />

ministérielles qui se sont tenues en décembre<br />

1992, à Paris, et en octobre 1993, à Grand Baie, et<br />

le rapport présenté par le Conseil permanent de <strong>la</strong><br />

Francophonie, ont dans ce domaine joué un rôle<br />

important en indiquant <strong>la</strong> direction à suivre. Le<br />

CPF, organe permanent de <strong>la</strong> Francophonie, doit<br />

développer sa capacité de rayonnement au p<strong>la</strong>n<br />

international. La création d’un comité de réflexion<br />

<strong>pour</strong> le renforcement de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong> proposée<br />

par les ministres et adoptée à Maurice par le biais<br />

d’une résolution, va dans ce sens. Ce comité est<br />

composé de 11 représentants désignés sur une<br />

base géographique par <strong>la</strong> Conférence ministérielle<br />

de <strong>la</strong> Francophonie (Burkina-Faso, Canada,<br />

Canada/Qué-bec, communauté française de<br />

Belgique, France, Gabon, Maroc, Maurice,<br />

Roumanie, Sénégal, Vietnam).<br />

Sa mission est : "de proposer les moyens<br />

d’assurer <strong>la</strong> réalisation des ambitions de <strong>la</strong><br />

Francophonie sous le contrôle du CPF et sous<br />

l’autorité de <strong>la</strong> conférence ministérielle". La<br />

première tâche fixée au comité de réflexion était<br />

de présenter un rapport d’étape à <strong>la</strong> conférence<br />

ministérielle de Bamako en décembre 1993. Ses<br />

propositions finales doivent être soumises au 6e<br />

sommet de Cotonou en décembre 1995.<br />

Depuis le Sommet de Chaillot en 1991, le débat<br />

sur l’évolution institutionnelle de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong><br />

s’est <strong>pour</strong>suivi activement. N’ayant pu être<br />

définitivement réglé à Maurice, comme prévu, le<br />

dispositif défini en 1991 a continué de prévaloir<br />

selon <strong>la</strong> hiérarchie suivante : le Sommet, <strong>la</strong><br />

conférence ministérielle de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong><br />

(CMF), le Conseil permanent de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong><br />

(CPF), le secrétariat des instances assuré par<br />

l’ACCT, l’ACCT, unique organisation<br />

intergouvernementale de <strong>la</strong> Francophonie et son<br />

opérateur principal, enfin les autres opérateurs.<br />

Créé à Maurice, un comité de réflexion sur les<br />

perspectives institutionnelles a présenté une série<br />

de propositions qui ont fait l’objet d’âpres<br />

discussions lors des Conférences ministérielles, de<br />

Ouagadougou en décembre 1994, puis à Paris en<br />

mars 1995.<br />

Enfin, un autre comité créé à Maurice et<br />

chargé de réfléchir sur les programmes<br />

mobilisateurs a suggéré de regrouper les axes de<br />

l’action de <strong>la</strong> Francophonie autour de quatre<br />

thèmes (un espace de savoir et de progrès : un<br />

espace de culture et de communication ; un espace<br />

de liberté, de démocratie et de développement ; <strong>la</strong><br />

Francophonie dans le monde), afin de donner plus<br />

de cohérence et de force à <strong>la</strong> coopération<br />

multi<strong>la</strong>térale francophone qui souffre d’une<br />

dispersion de ses secteurs d’intervention (les cinq<br />

définis à Paris en 1986 – agriculture, énergie,<br />

industries de <strong>la</strong> culture et de <strong>la</strong> communication,<br />

industries de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue et information scientifique,<br />

développement tech-nologique – et les trois autres<br />

rajoutés à Dakar en 1989 – éducation et formation,<br />

environnement, démocratie et Etat de droit).<br />

6ème Sommet de <strong>la</strong> Francophonie :<br />

Cotonou (Bénin) 2/4 décembre 1995<br />

- La conférence<br />

Le dossier le plus important qui devait être<br />

examiné par les Chefs d’État francophones<br />

(49 participants) réunis à Cotonou devait être celui<br />

de <strong>la</strong> réforme institutionnelle <strong>la</strong>ncée lors du<br />

Sommet de Chaillot en 1991 et développée lors du<br />

Sommet de Maurice en 1993. Une réforme qui<br />

commençait à traîner en longueur et qui devait<br />

impérativement aboutir à Cotonou. De grandes<br />

décisions de principe ont, de fait, été prises :<br />

création d’un secrétariat général de <strong>la</strong><br />

<strong>francophonie</strong>, nomination par le Sommet d’un<br />

secrétaire général, porte-parole politique et<br />

représentant officiel de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong> au niveau<br />

international, création d’un poste d’administrateur<br />

de l’Agence de coopération culturelle et<br />

technique, qui devient l’Agence de <strong>la</strong><br />

<strong>francophonie</strong>.<br />

Ces décisions de principe ont, après le Sommet,<br />

été réexaminées en détail lors de <strong>la</strong> Conférence<br />

ministérielle de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong> réunie à<br />

Marrakech les 17 et 18 décembre 1996, au cours<br />

de <strong>la</strong>quelle a été adopté un projet de Charte de <strong>la</strong><br />

<strong>francophonie</strong>, établissant le nouveau dispositif<br />

institutionnel. L’ensemble du dossier, non<br />

définitivement bouclé est renvoyé au Sommet de<br />

Hanoï en novembre 1997, au cours duquel doit<br />

être effectivement élu le nouveau secrétaire<br />

général de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong>.<br />

L’importance de cette réforme institutionnelle est<br />

liée à l’ambition maintes fois répétée de donner à<br />

<strong>la</strong> <strong>francophonie</strong> une visibilité et un impact<br />

politique beaucoup plus significatifs, jugés<br />

nécessaires dans le nouveau contexte de l’après-<br />

45


guerre froide. Même si, et on a bien pu le mesurer<br />

à Cotonou, cette ambition paraît avoir des limites<br />

certaines. Ainsi, sur les dossiers africains, en<br />

particulier le Rwanda, le Nigeria ou l’Algérie, les<br />

Chefs d’État ont eu quelques difficultés, non<br />

seulement à mettre en oeuvre des initiatives<br />

diplomatiques, mais aussi à prendre des positions<br />

communes. Le Canada, le Mali ou le Burkina<br />

Faso souhaitaient une condamnation du régime<br />

militaire nigérian, mais le Bénin, le Togo, le Niger<br />

et le Tchad s’y sont opposés, n’acceptant qu’« un<br />

appel aux autorités nigérianes <strong>pour</strong> oeuvrer à<br />

l’établissement de l’état de droit et de <strong>la</strong><br />

démocratie ». Plusieurs autres résolutions ont été<br />

adoptées sur l’Afrique, le maintien de <strong>la</strong> paix, le<br />

Burundi, le Liban qui sont restés de timides<br />

compromis.<br />

Dans le domaine de <strong>la</strong> coopération juridique et<br />

judiciaire, les Chefs d’État ont adopté le p<strong>la</strong>n<br />

d’action préparé lors de <strong>la</strong> réunion ministérielle du<br />

Caire du 30 octobre au 1er novembre 1995 et axé<br />

sur quatre thèmes : l’indépendance de <strong>la</strong><br />

magistrature ; une justice efficace garante de l’Etat<br />

de droit ; le respect des droits de l’homme et des<br />

libertés fondamentales ; une justice facteur de<br />

développement.<br />

L’appel de Cotonou<br />

« Aujourd’hui, 90 % des informations qui<br />

transitent par Internet sont émises en <strong>la</strong>ngue<br />

ang<strong>la</strong>ise, parce que les outils et les serveurs sont<br />

dédiés à l’usage exclusif de cette <strong>la</strong>ngue. L’enjeu<br />

est c<strong>la</strong>ir : si dans les nouveaux médias, notre<br />

<strong>la</strong>ngue, nos programmes, nos créations ne sont pas<br />

fortement présents, nos futures générations seront<br />

économiquement et culturellement marginalisées.<br />

Sachons demain offrir à <strong>la</strong> jeunesse du monde des<br />

rêves francophones, exprimés dans des films, des<br />

feuilletons et valorisant <strong>la</strong> richesse culturelle et <strong>la</strong><br />

créativité de chacun de nos peuples. Il faut<br />

produire et diffuser en français. C’est une question<br />

de survie. Il faut unir nos efforts. Les pays du Sud<br />

peuvent et doivent participer à ce combat, qui<br />

n’est pas seulement celui de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong>. Les<br />

hispanophones et les arabophones, tous ceux qui<br />

s’expriment en hindi ou en russe, en chinois ou en<br />

japonais sont confrontés à <strong>la</strong> même menace que<br />

nous. J’appelle <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong> à prendre <strong>la</strong> tête<br />

d’une vaste campagne <strong>pour</strong> le pluralisme<br />

linguistique et <strong>la</strong> diversité culturelle sur les<br />

inforoutes de demain. Je souhaite que cet appel de<br />

Cotonou marque fortement cette ambition et soit<br />

entendu et compris dans le monde entier ». Cette<br />

déc<strong>la</strong>ration du président de <strong>la</strong> République<br />

française, Jacques Chirac, baptisée depuis<br />

l’« appel de Cotonou », aura été l’une des plus<br />

marquantes du Sommet. C’est en tout cas à<br />

Cotonou <strong>pour</strong> <strong>la</strong> première fois que les<br />

francophones ont pris <strong>la</strong> mesure de l’importance<br />

<strong>pour</strong> leur avenir des <strong>nouvelle</strong>s technologies de<br />

l’information et de <strong>la</strong> communication et qu’ils ont<br />

décidé d’y accorder dans leurs activités une p<strong>la</strong>ce<br />

prioritaire. Dans <strong>la</strong> résolution N° 18 du Sommet<br />

sur <strong>la</strong> société de l’information, les Chefs d’Etat,<br />

« conscients du défi que pose le développement<br />

très rapide de <strong>la</strong> société de l’information et des<br />

enjeux économiques, technologiques et culturels<br />

qui en découlent », décident d’organiser une<br />

mobilisation rapide du dispositif francophone dans<br />

ce domaine. Il faudra quand même attendre mai<br />

1997 <strong>pour</strong> qu’une réunion ministérielle se tienne<br />

sur ce sujet à Montréal et produise un p<strong>la</strong>n<br />

d’action, proposé aux Chefs d’Etat à Hanoï et axé<br />

sur <strong>la</strong> création d’un fonds francophone destiné à<br />

soutenir <strong>la</strong> production de contenus francophones<br />

multimédia. De fait, il restera à prouver que cette<br />

prise de conscience de Cotonou sera suivie enfin<br />

d’effets après Hanoï.<br />

7ème Conférence des chefs d’Etat et de<br />

gouvernement des pays ayant le français en<br />

partage : Hanoï (Vietnam)<br />

14/16 novembre 1997<br />

- La Conférence<br />

Le Sommet de Hanoï (51 participants) restera une<br />

étape importante dans l’évolution de <strong>la</strong><br />

Francophonie institutionnelle. Engagée depuis<br />

plusieurs années, difficile à définir et à finaliser, <strong>la</strong><br />

réforme de l’organisation générale du dispositif a<br />

finalement abouti à Hanoï. Le point essentiel<br />

concerne <strong>la</strong> création d’un secrétariat général de <strong>la</strong><br />

Francophonie qui supervise l’ensemble des<br />

activités des opérateurs, y compris l’Agence de <strong>la</strong><br />

<strong>francophonie</strong>, et prend en charge tout<br />

particulièrement <strong>la</strong> promotion de <strong>la</strong> Francophonie<br />

politique, nouveau volet essentiel qui doit<br />

permettre à <strong>la</strong> communauté de s’affirmer<br />

davantage et de manière plus visible sur <strong>la</strong> scène<br />

internationale.<br />

Désormais, le secrétaire général de <strong>la</strong><br />

Francophonie, désigné par les chefs d’Etat et de<br />

gouvernement <strong>pour</strong> une durée de quatre ans,<br />

préside le Conseil permanent de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong><br />

(CPF), composé de représentants directs des chefs<br />

d’Etat, le CPF prenant lui-même le rôle de conseil<br />

d’administration de l’agence. Le CPF qui, avant<br />

Hanoï, était composé de 18 membres, est é<strong>la</strong>rgi<br />

aux représentants de tous les membres à part<br />

entière de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong>. Le secrétaire général<br />

de <strong>la</strong> Francophonie, installé à Paris avec son<br />

équipe restreinte de conseillers, dispose de<br />

pouvoirs importants, mais de moyens humains et<br />

financiers propres qui ont été volontairement<br />

limités. L’Observatoire de <strong>la</strong> Paix, de <strong>la</strong><br />

démocratie et des droits de l’homme, lui, est<br />

directement rattaché <strong>pour</strong> le pilotage des activités<br />

politiques, juridiques et judiciaires. L’Agence,<br />

dans cette <strong>nouvelle</strong> configuration, est dirigée par<br />

un Administrateur général. C’est le Belge Roger<br />

Dehaybe, 55 ans, commissaire général aux<br />

Re<strong>la</strong>tions internationales de <strong>la</strong> communauté<br />

française de Belgique qui a été désigné par <strong>la</strong><br />

conférence ministérielle à ce nouveau poste <strong>pour</strong><br />

diriger l’agence avec un assez <strong>la</strong>rge consensus.<br />

Roger Dehaybe s’était précédemment distingué en<br />

dirigeant le comité de réflexion chargé d’é<strong>la</strong>borer<br />

<strong>la</strong> réforme institutionnelle et <strong>la</strong> <strong>nouvelle</strong> charte de<br />

<strong>la</strong> Francophonie adoptée lors de ce septième<br />

sommet.<br />

Par contre, au cours des semaines qui ont<br />

précédé le Sommet, l’élection du nouveau<br />

secrétaire général a fait l’objet d’une controverse<br />

significative entre pays membres. Si <strong>la</strong> France et le<br />

Canada, avec Jacques Chirac et Jean Chrétien, se<br />

sont fortement engagés en faveur du candidat<br />

égyptien Boutros Boutros-Ghali, ancien secrétaire<br />

général des Nations unies et non reconduit dans<br />

ses fonctions en raison de l’hostilité américaine, de<br />

nombreux États d’Afrique au sud du Sahara ont<br />

ouvertement manifesté leur mauvaise humeur visà-vis<br />

de cette candidature, estimant que le poste<br />

devait revenir à l’un des leurs, en l’occurrence le<br />

Béninois Emile Derlin Zinsou ou le Congo<strong>la</strong>is<br />

Henri Lopes. Critiquant Boutros-Ghali et insistant<br />

sur son âge (75 ans), ils ont même <strong>la</strong>issé p<strong>la</strong>ner sur<br />

le sommet l’idée d’un « demi-mandat » de deux<br />

ans, à l’issue duquel le poste devrait revenir à leur<br />

candidat. L’insistance active des Français et des<br />

Canadiens a finalement abouti, à <strong>la</strong> fin de ce<br />

sommet animé, à l’élection, à l’unanimité, de<br />

Boutros Boutros-Ghali au nouveau poste de<br />

secrétaire général de <strong>la</strong> Francophonie <strong>pour</strong> quatre<br />

ans, avec <strong>la</strong> mission d’utiliser sa notoriété et son<br />

expérience diplomatique <strong>pour</strong> <strong>la</strong>ncer <strong>la</strong><br />

dynamique de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong> politique.<br />

« L’après-sommet, expliquait alors Jacques<br />

Chirac à RFI, ce sera <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce de nos<br />

structures, le soutien à l’action du secrétaire<br />

général et <strong>la</strong> participation, chaque fois que<br />

nécessaire, à <strong>la</strong> demande des États et sans faire<br />

naturellement aucune ingérence à l’intérieur des<br />

États de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong>, à tout ce qui peut<br />

renforcer l’État de droit, <strong>la</strong> lutte contre les<br />

tensions, les difficultés, voire les conflits,<br />

l’organisation des élections. C’est un peu ce<strong>la</strong><br />

l’aspect politique de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong> ».<br />

A Hanoï, a été décidé que deux pays, Saint-<br />

Thomas et Prince et <strong>la</strong> Moldavie passeraient du<br />

statut d’observateur à celui de membres à part<br />

entière. Tandis que <strong>la</strong> Pologne, l’Albanie et <strong>la</strong><br />

Macédoine <strong>pour</strong>ront participer au 8 ème sommet de<br />

Moncton en tant qu’observateurs.<br />

Un p<strong>la</strong>n d’action <strong>pour</strong> le prochain biennum a<br />

également été adopté par les chefs d’État, articulé<br />

en cinq grands points : espace de liberté et de<br />

démocratie, espace de culture et de<br />

communication, espace de savoir et de progrès,<br />

espace économique et de développement, et,<br />

enfin, <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong> dans le monde (en<br />

particulier <strong>la</strong> re<strong>la</strong>nce de l’usage du français dans<br />

les organisations internationales).<br />

Deux décisions concrètes ont été prises<br />

re<strong>la</strong>tives à <strong>la</strong> mise en œuvre de ce p<strong>la</strong>n. La<br />

première concerne <strong>la</strong> création, dès 1998, d’un<br />

Fonds francophone des inforoutes destiné à<br />

promouvoir l’internet francophone, dont un<br />

premier bi<strong>la</strong>n d’activité devra être dressé lors du<br />

8 ème sommet. La réunion en 1999 d’un sommet<br />

des ministres de l’Economie des pays<br />

francophones destiné à définir plus précisément<br />

les missions et les objectifs de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong><br />

économique. Dans leur déc<strong>la</strong>ration finale, les<br />

chefs d’Etat et de gouvernement ont insisté sur le<br />

fait que « le Sommet de Hanoï marque une étape<br />

importante dans l’évolution des institutions de <strong>la</strong><br />

<strong>francophonie</strong>, par <strong>la</strong> mise en œuvre de <strong>la</strong> Charte<br />

révisée et l’élection du secrétaire général de <strong>la</strong><br />

<strong>francophonie</strong>, qui renforcent <strong>la</strong> stature<br />

internationale de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong> ». Un défi qui, à<br />

Hanoï, paraissait encore difficile à relever. Les<br />

fortes appréhensions manifestées à cause de<br />

l’absence de Laurent-Désiré Kabi<strong>la</strong>, président du<br />

pays francophone le plus peuplé d’Afrique, et ses<br />

déc<strong>la</strong>rations ambiguës contre <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong><br />

illustraient ces difficultés. Depuis Hanoï, en se<br />

mobilisant <strong>pour</strong> le règlement politique de plusieurs<br />

conflits, dont celui qui sévit en République<br />

démocratique du Congo, <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong> politique<br />

a commencé à montrer qu’elle comptait bien faire<br />

ses preuves.<br />

8ème Conférence des chefs d’État et de<br />

gouvernement des pays ayant le français en<br />

partage : Moncton (Nouveau-Brunswick), du 3<br />

au 5 septembre 1999<br />

- La Conférence<br />

Si le thème choisi <strong>pour</strong> <strong>la</strong> Conférence de<br />

Moncton est celui de <strong>la</strong> jeunesse, c’est sur d’autres<br />

dossiers "chauds" que les participants ont eu à se<br />

prononcer. Il a fallu notamment confirmer<br />

46


l’émergence, encore controversée, d’une<br />

<strong>francophonie</strong> politique, et sur ce point Moncton<br />

aura permis aux chefs d’État et de gouvernement<br />

de réaffirmer et d’amplifier le rôle politique de<br />

l’organisation. Le secrétaire général Boutros<br />

Boutros-Ghali, confirmé dans ses fonctions de<br />

porte-parole politique et diplomatique de l’espace<br />

francophone, reçoit à cette occasion un mandat<br />

explicite <strong>pour</strong> <strong>pour</strong>suivre ses actions en faveur du<br />

maintien de <strong>la</strong> paix. Signe indéniable que <strong>la</strong><br />

Francophonie est bien devenue une instance<br />

politique, <strong>la</strong> situation dans <strong>la</strong> région africaine des<br />

Grands Lacs a fait une irruption remarquée lors<br />

des débats, souvent houleux, sur <strong>la</strong> question.<br />

En matière de démocratie et de droits de<br />

l’homme, thèmes récurrents à chaque rencontre<br />

des chefs d’État de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong>, des échanges<br />

vifs ont eu lieu, mais permettent d’avancer sur <strong>la</strong><br />

proposition (française) de création d’un<br />

Observatoire de <strong>la</strong> démocratie. Cependant celle-ci,<br />

par souci de réalisme, et en tenant compte des<br />

réticences, va se faire par étapes. Le souci de<br />

développer tout un processus d’appui francophone<br />

aux processus de démocratisation va ainsi pouvoir<br />

trouver une traduction concrète avec le <strong>la</strong>ncement,<br />

après Moncton, du grand chantier de l’évaluation<br />

des transitions démocratiques, expérimentées avec<br />

des fortunes diverses depuis une décennie par une<br />

partie importante des États membres ; évaluation<br />

qui doit donner lieu à une série de conférences et<br />

d’ateliers (préparatoires au symposium, en<br />

novembre 2000, de Bamako sur les pratiques de <strong>la</strong><br />

démocratie et du droit en Francophonie). A<br />

Bamako, en préfiguration de Beyrouth, une<br />

déc<strong>la</strong>ration solennelle et un p<strong>la</strong>n d’action seront<br />

adoptés.<br />

Cap sur <strong>la</strong> diversité culturelle<br />

Les États francophones, afin de préserver<br />

l’exception culturelle et défendre leurs intérêts<br />

décident également à l’issue du sommet de se<br />

concerter <strong>pour</strong> dégager des positions communes<br />

dans les organisations et conférences<br />

internationales, avec un premier rendez-vous :<br />

l’ouverture du nouveau cycle de négociations dans<br />

le cadre de l’<strong>Organisation</strong> mondiale du commerce,<br />

en novembre 1999 à Seattle. La défense de <strong>la</strong><br />

"diversité culturelle" devient ainsi un thème<br />

privilégié <strong>pour</strong> <strong>la</strong> Francophonie. Nouvelle<br />

formu<strong>la</strong>tion du combat <strong>pour</strong> "l’exception<br />

culturelle", <strong>la</strong>ncé lors du sommet de Maurice en<br />

1993, <strong>la</strong> bataille <strong>pour</strong> <strong>la</strong> défense de <strong>la</strong> diversité des<br />

cultures est prônée avec une particulière insistance<br />

par <strong>la</strong> délégation française à Moncton.<br />

Pour y parvenir, une série de mesures ont été<br />

annoncées lors de ce 8 e sommet : tout d’abord,<br />

valoriser <strong>la</strong> pluralité des <strong>la</strong>ngues mais surtout <strong>la</strong><br />

diversité des cultures qui constituent une valeur de<br />

<strong>la</strong> Francophonie. Face à l’hégémonie croissante de<br />

l’ang<strong>la</strong>is, <strong>la</strong> promotion et <strong>la</strong> diffusion de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue<br />

française seront soutenues plus encore que par le<br />

passé, de même que les autres cultures et les<br />

<strong>la</strong>ngues mondiales de communication. En ce sens,<br />

les pays membres apporteront leur concours à <strong>la</strong><br />

formation des diplomates en <strong>la</strong>ngue française, afin<br />

de promouvoir l’usage du français dans les<br />

organisations et les enceintes internationales. Le<br />

p<strong>la</strong>n d’urgence de défense du français, mis en<br />

p<strong>la</strong>ce à Hanoï, et qui a produit des résultats<br />

insuffisants, doit être renforcé. Les chefs d’État<br />

ont réitéré leur souci d’encourager davantage les<br />

échanges linguistiques et <strong>la</strong> formation à distance<br />

ainsi que le recours massif aux <strong>nouvelle</strong>s<br />

technologies de <strong>la</strong> communication et de<br />

l’information. L’internet, en français, sera l’une<br />

des priorités des programmes de coopération<br />

francophone menés par l’<strong>Organisation</strong><br />

internationale de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong>, au travers<br />

notamment du Fonds francophone des inforoutes,<br />

qualifié de succès par les chefs d’État.<br />

Face à <strong>la</strong> mondialisation, les pays<br />

francophones se réservent aussi le droit de définir<br />

librement leur politique culturelle et les<br />

instruments qui y concourent, de favoriser<br />

l’émergence d’un rassemblement le plus <strong>la</strong>rge<br />

possible à l’appui de cette diversité et d’œuvrer à<br />

<strong>la</strong> mobilisation de l’ensemble des gouvernements<br />

en sa faveur. Ils ont tenu à souligner que ces biens<br />

culturels, y compris audiovisuels, reflets des<br />

identités nationales et régionales, ne devaient pas<br />

être traités comme de simples marchandises,<br />

notamment dans le cadre des négociations<br />

commerciales multi<strong>la</strong>térales.<br />

Dans le but de promouvoir le dialogue entre<br />

les cultures (thème du futur sommet de Beyrouth),<br />

les chefs d’État et de gouvernements de <strong>la</strong><br />

Francophonie ont également pris des mesures afin<br />

d’encourager les échanges entre artistes et entre<br />

industries culturelles <strong>pour</strong> faciliter <strong>la</strong> circu<strong>la</strong>tion<br />

des œuvres. Ils entendent également aider<br />

davantage au financement de manifestations<br />

contribuant au rayonnement de <strong>la</strong> création<br />

culturelle, et <strong>pour</strong>suivre leurs actions engagées<br />

grâce au Fonds de soutien à <strong>la</strong> production du Sud<br />

(Masa et Fespaco). Le soutien au développement<br />

et à <strong>la</strong> diffusion de <strong>la</strong> presse écrite francophone est<br />

aussi réaffirmé.<br />

Un autre dossier sensible examiné et avalisé à<br />

Moncton est celui de <strong>la</strong> réforme en profondeur de<br />

l’Agence universitaire de <strong>la</strong> Francophonie (AUF).<br />

L’Agence, outil de <strong>la</strong> coopération francophone<br />

dans le secteur de l’enseignement supérieur, avait<br />

fait l’objet de deux rapports d’évaluation mettant<br />

en cause le fonctionnement de cette institution,<br />

tant au niveau de <strong>la</strong> gestion qu’à celui des<br />

performances et de l’efficacité. Les chefs d’État et<br />

de gouvernement ont donc donné mandat au<br />

secrétaire général de <strong>la</strong> Francophonie de préparer<br />

rapidement <strong>la</strong> réforme de cette institution afin que,<br />

adoptée en novembre 99 par <strong>la</strong> Conférence<br />

ministérielle de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong>, elle s’applique<br />

dès l’année 2000.<br />

La jeunesse, thème consensuel de Moncton,<br />

est désormais un sujet de préoccupation<br />

permanent <strong>pour</strong> <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong>. Les programmes<br />

de coopération comprendront systématiquement<br />

un volet consacré aux jeunes et le dialogue avec<br />

eux sera institutionnalisé.<br />

Enfin, l’<strong>Organisation</strong> internationale de <strong>la</strong><br />

Francophonie a accueilli deux nouveaux<br />

membres : l’Albanie et <strong>la</strong> Macédoine, <strong>pour</strong> des<br />

raisons plus politiques, liées à <strong>la</strong> situation dans les<br />

Balkans, que strictement linguistiques. La<br />

Lituanie, <strong>la</strong> République Tchèque et <strong>la</strong> Slovénie<br />

sont, au sommet de Moncton devenus membres<br />

observateurs.<br />

9ème Conférence des chefs d’Etat et de<br />

gouvernement ayant le français en partage :<br />

Beyrouth (Liban),<br />

du 18 au 20 octobre 2002<br />

- La Conférence<br />

Initialement prévu en octobre 2001, le<br />

sommet de Beyrouth s’est finalement tenu en<br />

octobre 2002 à <strong>la</strong> suite de son report au lendemain<br />

des attentats du 11 septembre 2001.<br />

Ce sommet a été marquant à plus d’un titre.<br />

Pour <strong>la</strong> première fois, les chefs d’États et de<br />

gouvernement ayant le français en partage se sont<br />

réunis dans un État du monde arabe. Autre<br />

événement historique : <strong>la</strong> présence du président<br />

algérien Abde<strong>la</strong>ziz Bouteflika, « en qualité<br />

d’invité personnel du président libanais Emile<br />

Lahoud ». L’Algérie a ainsi participé <strong>pour</strong> <strong>la</strong><br />

première fois à un sommet francophone alors<br />

qu’elle n’a ni le statut de membre ni celui<br />

d’observateur. Après confirmation de <strong>la</strong> venue du<br />

président Bouteflika, quelques jours avant<br />

l’ouverture du sommet, le président de <strong>la</strong><br />

République française Jacques Chirac a déc<strong>la</strong>ré :<br />

« L’Algérie est chez elle dans <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong><br />

même si elle n’a pas rejoint l’organisation. »<br />

Le thème choisi <strong>pour</strong> cette 9 è Conférence, en<br />

l’occurrence le Dialogue des cultures, fut décliné<br />

sous trois angles différents dans <strong>la</strong> Déc<strong>la</strong>ration de<br />

Beyrouth : politique d’abord (<strong>la</strong> première partie de<br />

<strong>la</strong> Déc<strong>la</strong>ration étant consacrée au « dialogue des<br />

cultures (comme) instrument de <strong>la</strong> paix, de <strong>la</strong><br />

démocratie et des droits de l’homme »), culturel<br />

ensuite, en attribuant à <strong>la</strong> Francophonie un rôle de<br />

« forum de dialogue des cultures » ; et enfin sous<br />

l’angle socio-économique, avec le souhait formulé<br />

par les chefs d’État et de gouvernement d’ « une<br />

Francophonie plus solidaire au service d’un<br />

développement économique et social durable ».<br />

Beyrouth fut aussi l’occasion de confirmer<br />

l’orientation plus politique donnée à <strong>la</strong><br />

Francophonie. La conjoncture internationale a, en<br />

effet, permis aux 55 chefs d’Etat et de<br />

gouvernement présents de se prononcer sur des<br />

questions d’ordre purement politique. A ce sujet,<br />

une innovation a été apportée avec une séance de<br />

débats à huis clos consacrée à <strong>la</strong> situation<br />

internationale.<br />

La Déc<strong>la</strong>ration de Beyrouth, adoptée à l’issue<br />

du sommet, a fait état des positions <strong>pour</strong> lesquelles<br />

un consensus a été trouvé. S’agissant de <strong>la</strong><br />

situation au Moyen-Orient, les dirigeants<br />

francophones ont apporté leur soutien à l’initiative<br />

<strong>pour</strong> <strong>la</strong> paix du prince héritier Abdal<strong>la</strong>h d’Arabie<br />

Saoudite, adoptée lors du Sommet de <strong>la</strong> Ligue<br />

arabe à Beyrouth en mars 2002. Quant à <strong>la</strong> crise<br />

irakienne, ils se sont rangés derrière <strong>la</strong> position<br />

prônée par Jacques Chirac, à savoir « <strong>la</strong> primauté<br />

du droit international et le rôle primordial de<br />

l’Onu ». Beyrouth a en outre été l’occasion<br />

d’aborder <strong>la</strong> crise en Côte d’Ivoire et de<br />

condamner ainsi « <strong>la</strong> tentative de prise de pouvoir<br />

par <strong>la</strong> force et <strong>la</strong> remise en cause de l’ordre<br />

constitutionnel ». En outre, fut réaffirmé<br />

l’attachement de <strong>la</strong> Francophonie à <strong>la</strong> démocratie<br />

ainsi qu’aux droits de l’homme, les chefs d’Etat et<br />

de gouvernement s’engageant « à lutter contre<br />

l’impunité des auteurs des vio<strong>la</strong>tions des droits de<br />

l’homme ».<br />

Quant à l’aspect purement culturel du<br />

dialogue des cultures, le sommet de Beyrouth<br />

confirme l’importance donnée par <strong>la</strong><br />

Francophonie à <strong>la</strong> notion de diversité culturelle,<br />

notamment par <strong>la</strong> volonté affichée de concourir à<br />

<strong>la</strong> concrétisation du projet d’é<strong>la</strong>boration d’une<br />

convention internationale en <strong>la</strong> matière, dans le<br />

cadre de l’Unesco. Enfin, <strong>pour</strong> ce qui a trait au<br />

volet socio-économique de <strong>la</strong> Déc<strong>la</strong>ration de<br />

Beyrouth, les chefs d’État réaffirment leur volonté<br />

de lutter contre « <strong>la</strong> pauvreté, l’analphabétisme,<br />

les pandémies (…), l’insécurité et le crime (…) qui<br />

maintiennent les pays et les popu<strong>la</strong>tions les plus<br />

vulnérables à l’écart du développement ». Ils ont<br />

aussi souhaité saluer <strong>la</strong> mise en œuvre du<br />

Nouveau partenariat <strong>pour</strong> le développement de<br />

l’Afrique (Nepad), et ont voulu apporter leur<br />

soutien aux programmes engagés dans le cadre<br />

des objectifs fixés par <strong>la</strong> Déc<strong>la</strong>ration du Millénaire<br />

des Nations unies.<br />

47


Les chefs d’État et de gouvernement réunis à<br />

Beyrouth devaient par ailleurs désigner le<br />

successeur de Boutros Boutros-Ghali, au poste de<br />

secrétaire général de l’<strong>Organisation</strong> internationale<br />

de <strong>la</strong> Francophonie. Peu avant le Sommet, deux<br />

candidats étaient encore en lice : l’ancien président<br />

du Sénégal, Abdou Diouf, et l’ambassadeur du<br />

Congo-Brazzaville en France, Henri Lopes. Le<br />

premier, soutenu notamment par Jacques Chirac,<br />

fut longtemps confronté au « veto » de son<br />

successeur à <strong>la</strong> présidence du Sénégal, Abdou<strong>la</strong>ye<br />

Wade, qui refusait de le présenter au nom du<br />

Sénégal. Quant à Henri Lopes, déjà candidat à<br />

Hanoï en 1997 et à l’époque évincé au profit de<br />

Boutros Boutros-Ghali (au terme d’âpres<br />

négociations), il bénéficiait du soutien du<br />

président congo<strong>la</strong>is Denis Sassou Nguesso, de<br />

celui du président gabonais Omar Bongo et de<br />

nombreux chefs d’État africains. S’imposant<br />

progressivement comme le candidat favori,<br />

Abdou Diouf fut finalement élu à l’unanimité le<br />

20 octobre 2002 après le retrait d’Henri Lopes. Il a<br />

officiellement pris ses fonctions le 2 janvier 2003.<br />

Parallèlement, un nouveau P<strong>la</strong>n d’action a été<br />

adopté lors de ce sommet. Celui-ci reprend les<br />

quatre grands axes développés dans <strong>la</strong><br />

programmation de <strong>la</strong> Francophonie multi<strong>la</strong>térale<br />

<strong>pour</strong> le biennum 2002-2003 : paix, démocratie,<br />

droits de l’homme ; promotion de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue<br />

française et de <strong>la</strong> diversité culturelle et<br />

linguistique ; éducation de base, formation<br />

professionnelle et technique, enseignement<br />

supérieur et recherche ; coopération économique<br />

et sociale au service du développement durable et<br />

de <strong>la</strong> solidarité. Cette programmation a été adoptée<br />

en janvier 2002 lors de <strong>la</strong> Conférence ministérielle<br />

de <strong>la</strong> Francophonie. Ce p<strong>la</strong>n entérine également<br />

l’adoption d’une programmation quadriennale et<br />

non plus biennale, tout en évoquant <strong>la</strong> nécessaire<br />

mise en p<strong>la</strong>ce d’un cadre stratégique décennal qui<br />

devrait être arrêté en novembre 2004 à<br />

Ouagadougou lors de <strong>la</strong> prochaine Conférence des<br />

chefs d’État et de gouvernements des pays ayant<br />

le français en partage.<br />

Enfin, les chefs d’État et de gouvernement ont<br />

entériné l’admission de <strong>la</strong> Slovaquie au sein<br />

de l’<strong>Organisation</strong> internationale de <strong>la</strong><br />

Francophonie avec le statut d’observateur, ce qui<br />

porte à 56 le nombre d’États et de gouvernements<br />

membres ou observateurs.<br />

10ème Conférence des chefs d’Etat et de<br />

gouvernement ayant le français en partage :<br />

Ouagadougou (Burkina Faso)<br />

du 26 au 27 novembre 2004<br />

- La Conférence<br />

Le sommet de Ouagadougou, ayant <strong>pour</strong><br />

thème La Francophonie, espace solidaire <strong>pour</strong> un<br />

développement durable, a permis de mettre<br />

l’accent sur les engagements pris à Johannesburg,<br />

lors du Sommet mondial sur le développement<br />

durable de 2002, d’identifier les difficultés et de<br />

définir les politiques et les actions solidaires<br />

permettant d’atteindre les objectifs du<br />

développement durable. Il s’est aussi penché sur<br />

les crises en Afrique et dans le monde, réaffirmant<br />

l’attachement du mouvement <strong>pour</strong> <strong>la</strong> paix, le<br />

développement solidaire, les valeurs<br />

démocratiques et le respect de <strong>la</strong> diversité<br />

culturelle.<br />

L’<strong>Organisation</strong> internationale de <strong>la</strong><br />

Francophonie (OIF) a été rejointe à Ouagadougou<br />

par deux nouveaux membres associés – Grèce et<br />

Andorre – et cinq observateurs – Arménie,<br />

Autriche, Croatie, Géorgie et Hongrie. Elle<br />

compte désormais 53 Etats et gouvernements<br />

membres et 10 pays observateurs, illustration du<br />

succès que connaît depuis quelques années <strong>la</strong><br />

Francophonie à travers le monde. On a noté, <strong>pour</strong><br />

<strong>la</strong> deuxième fois, <strong>la</strong> présence du président algérien<br />

Abde<strong>la</strong>ziz Bouteflika à un sommet francophone.<br />

- Les résolutions<br />

La Déc<strong>la</strong>ration de Ouagadougou rappelle<br />

l’importance attachée par <strong>la</strong> Francophonie à une<br />

vision globale du développement durable. Les<br />

dirigeants francophones estiment que « le<br />

développement sera durable s’il repose sur cinq<br />

piliers, à savoir <strong>la</strong> gestion maîtrisée et saine des<br />

ressources naturelles, un progrès économique<br />

inclusif et continu, un développement social<br />

équitable faisant appel à <strong>la</strong> tolérance et<br />

s’appuyant sur l’éducation et <strong>la</strong> formation, des<br />

garanties de démocratie et d’Etat de droit à tous<br />

les citoyens et une <strong>la</strong>rge ouverture à <strong>la</strong> diversité<br />

culturelle et linguistique ».<br />

Le sommet a aussi défini un Cadre stratégique<br />

décennal destiné à faciliter <strong>la</strong> définition d’objectifs<br />

à long terme <strong>pour</strong> <strong>la</strong> Francophonie afin de <strong>la</strong><br />

rendre plus efficace sur le terrain. Il est organisé<br />

autour de quatre missions : promouvoir <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue<br />

française et <strong>la</strong> diversité culturelle et linguistique ;<br />

promouvoir <strong>la</strong> paix, <strong>la</strong> démocratie et les droits de<br />

l’homme ; appuyer l’éducation, <strong>la</strong> formation,<br />

l’enseignement supérieur et <strong>la</strong> recherche ;<br />

développer <strong>la</strong> coopération au service du<br />

développement durable et de <strong>la</strong> solidarité.<br />

Il a également donné mandat au secrétaire<br />

général <strong>pour</strong> réformer l’organisation et mettre à<br />

jour <strong>la</strong> Charte, support juridique de l’ensemble du<br />

cadre institutionnel francophone ; elle définit<br />

notamment le rôle et les missions de l’OIF (<strong>la</strong><br />

<strong>nouvelle</strong> charte sera adoptée par <strong>la</strong> Conférence<br />

ministérielle à Antananarivo, le 23 novembre<br />

2005).<br />

La crise en Côte d’Ivoire, Etat francophone et<br />

pays voisin du Burkina Faso, dont le président<br />

Laurent Gbagbo était absent du sommet, a<br />

également mobilisé les participants qui ont<br />

« fermement condamné » dans une résolution « les<br />

attaques meurtrières provoquées par les FANCI<br />

[forces gouvernementales] au nord de <strong>la</strong> Côte<br />

d’Ivoire, y compris celles contre <strong>la</strong> force Licorne<br />

(forces françaises) agissant sous mandat des<br />

Nations unies en faveur de <strong>la</strong> paix en Côte<br />

d’Ivoire » (le sommet s’est tenu moins d’un mois<br />

après le bombardement d’une position de Licorne<br />

par l’armée loyaliste ivoirienne). En outre, ils ont<br />

réaffirmé « leur conviction que les engagements<br />

consignés dans les Accords de Linas Marcoussis<br />

et d’Accra III constituent <strong>la</strong> seule voie <strong>pour</strong> une<br />

réconciliation durable en Côte d’Ivoire et exigent<br />

leur stricte application ».<br />

Le sommet a également adopté une résolution<br />

sur le Proche-Orient et a exprimé <strong>la</strong> profonde<br />

sympathie de l’OIF au peuple palestinien à <strong>la</strong> suite<br />

du décès de Yasser Arafat et a appelé <strong>la</strong><br />

communauté internationale à se mobiliser, afin de<br />

faciliter <strong>la</strong> tenue d’élections démocratiques<br />

auxquelles tous les Palestiniens, y compris ceux de<br />

Jérusalem-Est, <strong>pour</strong>ront participer.<br />

Pour d’autres crises ou conflits comme ceux<br />

en Irak, à Haïti, en République démocratique du<br />

Congo, au Darfour ou en Somalie ont été<br />

invoquées à Ouagadougou des solutions<br />

politiques, respectant <strong>la</strong> souveraineté des Etats et<br />

les droits de l’homme.<br />

Le sommet, qui a permis à <strong>la</strong> communauté<br />

francophone de renouveler sa solidarité avec le<br />

continent africain, a insisté sur l’urgence de <strong>la</strong><br />

mise en œuvre d’un consensus visant « un<br />

financement <strong>la</strong>rgement amélioré du<br />

développement ». « Nous réaffirmons que <strong>la</strong><br />

pauvreté, source inévitable de conflits, doit être au<br />

cœur des préoccupations des Etats et<br />

gouvernements. Nous sommes convaincus que<br />

notre monde possède aujourd’hui les moyens et<br />

les ressources nécessaires <strong>pour</strong> l’éliminer »,<br />

souligne <strong>la</strong> déc<strong>la</strong>ration.<br />

Elle appelle à un changement d’attitude et à <strong>la</strong><br />

définition de <strong>nouvelle</strong>s priorités tant au Sud qu’au<br />

Nord <strong>pour</strong> atteindre les objectifs du Millénaire, à<br />

travers notamment « un partenariat global visant<br />

à une mondialisation équitable et à un<br />

développement durable, à tous les niveaux :<br />

international, régional, national et local ».<br />

« Nous constatons que <strong>la</strong> mondialisation a<br />

creusé les écarts économiques et sociaux entre les<br />

pays et en leur sein, et que les moins avancés<br />

peinent à profiter de <strong>la</strong> croissance mondiale et des<br />

<strong>nouvelle</strong>s technologies. La Francophonie doit, à<br />

cet égard, participer de façon toujours plus forte<br />

et plus cohérente à l’effort général visant à créer<br />

les conditions qui donneront aux pays les plus<br />

pauvres et à leurs popu<strong>la</strong>tions les moyens d’une<br />

insertion réussie dans le système économique<br />

mondial », ont souligné les participants. Ils ont<br />

aussi réaffirmé leur attachement à <strong>la</strong> recherche,<br />

d’un partenariat accru public-privé et d’un soutien<br />

à <strong>la</strong> microfinance, en liaison avec l’Onu et les<br />

institutions financières internationales.<br />

Point important, puisque le sommet de<br />

Ouagadougou a également adopté une résolution<br />

sur le coton, les participants ont invité les<br />

responsables gouvernementaux francophones à<br />

témoigner réciproquement d’une solidarité plus<br />

concrète à l’occasion des négociations<br />

commerciales internationales <strong>pour</strong> diminuer <strong>la</strong><br />

vulnérabilité des producteurs du Sud sur les<br />

marchés mondiaux.<br />

Ils ont par ailleurs beaucoup insisté sur<br />

l’émergence d’une véritable culture des droits de<br />

l’Homme dans l’espace francophone, adoptant<br />

même un texte sur <strong>la</strong> liberté de <strong>la</strong> presse.<br />

Se déc<strong>la</strong>rant convaincus du rôle primordial de<br />

l’enseignement supérieur dans <strong>la</strong> construction des<br />

sociétés, ils se sont engagés à <strong>pour</strong>suivre leur<br />

coopération en vue de généraliser l’usage des<br />

<strong>nouvelle</strong>s technologies, de faciliter <strong>la</strong> mobilité des<br />

universitaires et des étudiants, de développer<br />

l’enseignement à distance et de contribuer à<br />

l’émergence de pôles d’excellence scientifiques et<br />

technologiques. « Nous sommes décidés à ce que<br />

nos sociétés progressent dans l’édification d’une<br />

société de l’information visant à privilégier <strong>la</strong><br />

construction des savoirs et le partage des<br />

connaissances ainsi que l’appropriation des<br />

Technologies de l’Information et de <strong>la</strong><br />

Communication (TIC) de manière à réduire <strong>la</strong><br />

fracture numérique », ont-ils déc<strong>la</strong>ré.<br />

Figure également dans les préoccupations <strong>la</strong><br />

promotion de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue française, s’adossant au<br />

développement des <strong>la</strong>ngues partenaires et dans le<br />

respect de <strong>la</strong> diversité culturelle.<br />

Les chefs d’Etat et de gouvernement<br />

francophones, dont une grande partie sont<br />

africains, ont enfin affirmé leur soutien unanime<br />

au Fonds mondial de lutte contre le VIH/sida, <strong>la</strong><br />

tuberculose et le paludisme, dont <strong>la</strong> création a été<br />

décidée par l’Assemblée générale des Nations<br />

unies.<br />

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