l'europe, nouvelle frontiere pour la francophonie - Organisation ...
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L’EUROPE, NOUVELLE FRONTIERE<br />
POUR LA FRANCOPHONIE<br />
XI e SOMMET DE LA FRANCOPHONIE<br />
BUCAREST, 28 ET 29 SEPTEMBRE 2006<br />
Dossier réalisé par mfi médias france intercontinen ts<br />
l'agence multimédia de radio france internationale<br />
en partenariat avec l'organisation internationale de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong>
XI e Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement<br />
ayant le français en partage<br />
Bucarest, 28-29 septembre 2006<br />
EUROPE : NOUVELLE FRONTIERE POUR LA FRANCOPHONIE<br />
• Le nouveau visage de l’<strong>Organisation</strong> internationale de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong><br />
• Ouverture à l’Est : les enjeux <strong>pour</strong> <strong>la</strong> solidarité francophone<br />
• Droits de l’homme et démocratie : des valeurs communes<br />
• Promotion de <strong>la</strong> diversité culturelle : Europe et Francophonie, même combat !<br />
• Le français dans les pays d’Europe centrale et orientale<br />
STRATEGIES FRANCOPHONES DE SOUTIEN AU FRANÇAIS EN EUROPE<br />
• Au sein de l’Union européenne<br />
• Dans le monde universitaire<br />
• Dans le monde des affaires<br />
LA VIE DU FRANÇAIS EN EUROPE<br />
• Roumanie : une <strong>francophonie</strong> à <strong>la</strong> fois historique et d’avenir<br />
• Pologne, Lituanie, Slovénie : une <strong>francophonie</strong> en ébullition<br />
• République Tchèque, Slovaquie : l’attrait grandissant de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue<br />
• Italie, Portugal : comment <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong> résiste<br />
• Allemagne, Royaume-Uni, Suède : <strong>la</strong> force des échanges<br />
• La Francophonie a-t-elle une vocation européenne ? Cinq personnalités du monde des lettres<br />
se prononcent<br />
• Demain, un réseau des bibliothèques numériques francophones<br />
• Politiques migratoires : <strong>la</strong> Francophonie, <strong>la</strong>boratoire d’idées<br />
Fiche : Le français en Europe<br />
Fiche : Les dix premiers sommets francophones<br />
Dossier coordonné par Ariane Poissonnier<br />
Avec le concours d’Arlette Cirencien
N° 500<br />
06.08.16 Le nouveau visage de l’<strong>Organisation</strong> internationale de <strong>la</strong> Francophonie<br />
(MFI) Vingt ans après le premier sommet réuni à Versailles, <strong>la</strong> XI e Conférence<br />
des chefs d’État et de gouvernement des pays ayant le français en partage a lieu à<br />
Bucarest, en Roumanie. Un pays qui entra en contact avec <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue française voici<br />
deux siècles, et qui fut le premier des treize pays d’Europe centrale et orientale<br />
admis au sein de <strong>la</strong> Francophonie. Le fait que l’OIF se réunisse <strong>pour</strong> <strong>la</strong> première fois<br />
de son histoire dans une capitale d’Europe de l’Est met en lumière le nouveau visage<br />
d’une organisation qui a profondément évolué, du point de vue de sa composition<br />
comme de ses ambitions.<br />
« La Roumanie est le premier pays de l’Europe centrale et orientale à avoir été choisi comme hôte<br />
d’un Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement ayant le français en partage. Avec sa spécificité de pays à<br />
<strong>la</strong> fois membre de l’OIF et de pays qui obtiendra, le 1 er janvier 2007, le statut de membre de l’UE, <strong>la</strong><br />
Roumanie entend jouer un rôle de pilier régional dans <strong>la</strong> structure des pays francophones européens. » En<br />
quelques mots, le président roumain Traian Bãsescu, en page d’accueil du site (1) que <strong>la</strong> Roumanie consacre<br />
au Sommet de Bucarest des 28 et 29 septembre 2006, met l’accent sur le message essentiel de <strong>la</strong> Conférence,<br />
au-delà de son thème Technologies de l’information dans l’éducation : <strong>la</strong> Francophonie se vit aussi à l’est de<br />
l’Europe, et cette réalité européenne peut, du fait de <strong>la</strong> double appartenance à l’<strong>Organisation</strong> internationale de<br />
<strong>la</strong> Francophonie (OIF) et à l’Union européenne (UE) de certains des nouveaux membres, se révéler un atout<br />
majeur <strong>pour</strong> renforcer l’influence francophone.<br />
En effet, l’événement de <strong>la</strong> XI e Conférence des chefs d’État et de gouvernement des pays ayant le<br />
français en partage, c’est sa localisation : vingt ans après le premier sommet à Versailles (1986), le fait que<br />
les francophones se retrouvent dans une capitale d’Europe de l’Est met en lumière le nouveau visage d’une<br />
organisation qui a profondément évolué, du point de vue de ses membres comme de ses ambitions.<br />
Francophonie post-coloniale et <strong>francophonie</strong> post-soviétique<br />
Forte à sa naissance, en 1970, de 21 membres dont 13 africains – le continent de trois des cinq pères<br />
fondateurs, le Sénéga<strong>la</strong>is L.S. Senghor, le Tunisien H. Bourguiba et le Nigérien H. Diori étant son berceau<br />
historique –, <strong>la</strong> Francophonie a d’abord <strong>la</strong>rgement recruté au sud : au 1 er janvier 1990, elle comptait<br />
39 membres dont 25 africains. La dernière décennie du XX e siècle marque un tournant <strong>pour</strong> l’organisation,<br />
qui séduit alors bien au-delà de son bassin d’origine : elle accueille désormais 63 membres, dont 29 sont<br />
africains. La Francophonie des années soixante-dix, souligne un expert de l’organisation, était « postcoloniale<br />
» au sens où elle réunissait, pas uniquement mais principalement, d’anciens colonisateurs (France<br />
et Belgique) et d’anciens colonisés, <strong>pour</strong> <strong>la</strong> plupart africains. Pendant vingt-cinq ans, <strong>la</strong> Francophonie a vécu<br />
un fait culturel – le partage de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue française – comme un atout <strong>pour</strong> mieux coopérer, <strong>pour</strong> mieux<br />
développer les pays membres du Sud.<br />
En 1989, <strong>la</strong> chute du Mur de Berlin suivie de <strong>la</strong> disparition de l’URSS ouvre <strong>la</strong> voie à une<br />
<strong>francophonie</strong> « post-soviétique » : les pays d’Europe de l’Est et centrale, libérés de <strong>la</strong> tutelle communiste et<br />
soucieux de se désenc<strong>la</strong>ver, cherchent de <strong>nouvelle</strong>s portes d’entrée <strong>pour</strong> agir à l’international. Des<br />
24 nouveaux membres accueillis par l’OIF entre 1990 et 2005, 13 sont issus de cet espace européen où <strong>la</strong><br />
<strong>la</strong>ngue française porta longtemps les valeurs humanistes. Parallèlement, le sommet de Hanoï, en 1997, en<br />
créant un secrétariat général particulièrement chargé d’affirmer <strong>la</strong> présence francophone sur <strong>la</strong> scène<br />
internationale et en le confiant à l’ancien secrétaire général des Nations unies, l’Egyptien Boutros Boutros-<br />
Ghali, marque le passage d’une Francophonie culturelle et de développement à une Francophonie politique,<br />
3
une Francophonie d’influence. Dans une même logique de rationalisation des structures et de renforcement<br />
de <strong>la</strong> visibilité internationale, <strong>la</strong> <strong>nouvelle</strong> Charte adoptée en novembre 2005 à Tananarive fait de l’OIF<br />
l’organisation intergouvernementale unique de <strong>la</strong> Francophonie.<br />
L’OIF, un acteur politique reconnu et sollicité<br />
Aujourd’hui, nul ne songe à contester que l’OIF est désormais un acteur politique reconnu et sollicité,<br />
particulièrement après le rôle joué dans deux épisodes récents de <strong>la</strong> vie internationale. En 2003, lors du<br />
déclenchement de <strong>la</strong> guerre en Irak tout d’abord : c’est confortée par les francophones que <strong>la</strong> France put<br />
empêcher que le recours à <strong>la</strong> force soit autorisé par le Conseil de sécurité des Nations unies. En 2005, lors de<br />
<strong>la</strong> bataille autour de <strong>la</strong> Convention sur <strong>la</strong> protection et <strong>la</strong> promotion de <strong>la</strong> diversité des expressions culturelles,<br />
à l’Unesco, ensuite : c’est en grande partie grâce à une mobilisation francophone de longue haleine que le<br />
texte fut enfin adopté. Une action qui s’inscrit particulièrement dans le projet francophone : « Face à une<br />
mondialisation protéiforme et déshumanisée qui anesthésie nos espérances, soulignait à Genève en février<br />
2006 l’actuel secrétaire général, Abdou Diouf, le projet de « civilisation de l’universel » construit par<br />
Léopold Sedar Senghor, dont nous fêtons en cette année 2006 le centième anniversaire de <strong>la</strong> naissance,<br />
reprend tout son sens, sa pertinence, son actualité. Il n’est plus seulement séduisant, il est devenu<br />
nécessaire.(…) Des enceintes telles que <strong>la</strong> Francophonie peuvent être le lieu où recréer un multi<strong>la</strong>téralisme<br />
positif, suscitant des coopérations et des coordinations plutôt que des antagonismes. En effet, les problèmes<br />
peuvent s’y débattre sans faire intervenir d’emblée des re<strong>la</strong>tions de pouvoir et de domination. »<br />
Les membres européens de l’OIF peuvent accroître sa capacité d’influence<br />
Si les nouveaux entrants trouvent ainsi dans <strong>la</strong> Francophonie une enceinte plus démocratique que<br />
l’actuel système international, l’organisation peut en retour, grâce à ces nouveaux membres, accroître sa<br />
capacité d’influence. « Nous avons besoin, affirmait Abdou Diouf le 20 mars 2006 à Bucarest, d’une entrée<br />
réussie et fructueuse de votre pays dans l’Union européenne. Nous avons besoin d’une Roumanie vivante,<br />
active, créative et militante de <strong>la</strong> Francophonie dans l’Union européenne. (…) L’OIF compte actuellement<br />
11 Etats membres de l’Union européenne (2), et bientôt 13, et pas moins de 21 membres de l’<strong>Organisation</strong><br />
<strong>pour</strong> <strong>la</strong> sécurité et <strong>la</strong> coopération en Europe. Avec <strong>la</strong> Roumanie et ses voisins membres de notre<br />
organisation, membres ou proches de l’Union européenne, on mesure l’importance de <strong>la</strong> dimension<br />
européenne de <strong>la</strong> Francophonie. » Lucide sur ses moyens somme toute limités, l’OIF – et avec elle ses<br />
membres les moins développés – a tout à gagner à peser davantage au sein de l’Union européenne,<br />
notamment parce que celle-ci est le premier bailleur de fonds mondial. Mais aussi parce que l’avenir du<br />
français comme <strong>la</strong>ngue internationale se joue en partie au sein de l’Union.<br />
Une promesse et un défi <strong>pour</strong> l’organisation elle-même<br />
L’é<strong>la</strong>rgissement européen de <strong>la</strong> Francophonie est en outre, <strong>pour</strong> l’organisation elle-même, à <strong>la</strong> fois une<br />
promesse et un défi. Une promesse car le probable rattrapage économique des nouveaux membres devrait en<br />
faire, demain, des contributeurs conséquents au budget de l’OIF, une assise budgétaire é<strong>la</strong>rgie étant le gage<br />
d’une autonomie accrue. Un défi car l’OIF doit, sous peine de devenir une organisation à deux vitesses,<br />
réussir <strong>la</strong> symbiose entre <strong>francophonie</strong> post-coloniale et <strong>francophonie</strong> post-soviétique : <strong>pour</strong> l’instant, les<br />
pays du Sud sont majoritairement membres de plein droit, tandis que ceux d’Europe centrale et de l’Est ne<br />
sont <strong>pour</strong> <strong>la</strong> plupart qu’associés ou observateurs. En réfléchissant aux moyens de mieux intégrer ces derniers,<br />
de développer une cohésion accrue entre ses membres qui se connaissent peu ou mal, <strong>la</strong> Francophonie sera<br />
fidèle à son ambition, celle qu’Abdou Diouf définissait ainsi à Genève : « La Francophonie apporte, à<br />
l’universel abstrait de <strong>la</strong> norme et du droit, <strong>la</strong> richesse d’un universel concret, celui de l’échange dans le<br />
respect de l’Autre, afin que vivent et se déploient les cultures multiples de notre Humanité. »<br />
Ariane Poissonnier<br />
(1) http://www.sommet-<strong>francophonie</strong>.org/pag.php<br />
(2) Onze des 25 Etats de l’Union sont membres de l’OIF ; <strong>la</strong> Roumanie et <strong>la</strong> Bulgarie doivent entrer dans l’UE au 1 er janvier 2007<br />
(décision de <strong>la</strong> Commission en octobre 2006) ; <strong>la</strong> Croatie, membre observateur de l’OIF, attend que soit fixée <strong>la</strong> date d’ouverture<br />
des négociations d’adhésion; <strong>la</strong> Macédoine, membre associé de l’OIF, a été reconnue candidate le 15 décembre 2005 et l’Albanie,<br />
également membre associé de l’OIF, vient d’achever <strong>la</strong> négociation d’un accord de stabilisation et d’association, première étape de<br />
<strong>la</strong> procédure d’adhésion à l’UE. Source : Rapport d’information n°3133, Assemblée nationale française, 7 juin 2006.<br />
4
N° 501<br />
06.08.16 Ouverture à l’Est : les enjeux <strong>pour</strong> <strong>la</strong> solidarité francophone<br />
(MFI) L’arrivée au sein de <strong>la</strong> Francophonie de nouveaux pays, en particulier<br />
d’Europe centrale et orientale (PECO), ne manque pas de susciter des interrogations<br />
parmi ses membres traditionnels du Sud, notamment africains, qui redoutent,<br />
comme au moment de l’é<strong>la</strong>rgissement à 25 de l’Union européenne, une désaffection<br />
de leurs bailleurs de fonds. Mais l’ouverture à l’Est augure davantage d’un<br />
renforcement de <strong>la</strong> capacité de négociation internationale d’un ensemble<br />
francophone qui conserve, au cœur de sa stratégie, <strong>la</strong> solidarité et le développement.<br />
L’<strong>Organisation</strong> internationale de <strong>la</strong> Francophonie (OIF), qui compte 53 Etats et gouvernements<br />
membres et 10 observateurs, est sollicitée par de nouveaux candidats comme <strong>la</strong> Thaï<strong>la</strong>nde, l’Ukraine,<br />
<strong>la</strong> Serbie, Chypre, l’ordre de Malte et même le Soudan : candidatures en tant qu’observateurs qui<br />
seront examinées à son XI e sommet, à Bucarest en Roumanie, les 28 et 29 septembre 2006. « Nous<br />
sommes inquiets, mais en même temps fiers de constater que <strong>la</strong> Francophonie attire de plus en plus<br />
de monde, ce qui renforce notre capacité de négociation dans les instances internationales, politiques<br />
et économiques, souligne un haut fonctionnaire africain… A condition de mieux nous coordonner et<br />
de mieux nous connaître. »<br />
Conscients des questions qui se posent, même si elles ne sont pas ouvertement formulées en<br />
public ni en privé, les responsables francophones promettent une « meilleure information » et une<br />
« meilleure intégration des nouveaux venus ». A ceux qui se demandent si véritablement le français<br />
est <strong>la</strong>rgement parlé dans ces pays, ils rappellent <strong>la</strong> tradition francophone des élites européennes<br />
depuis le XVIII e siècle et le fait qu’en Afrique francophone même, tout le monde ne maîtrise pas<br />
forcément <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue officielle du pays.<br />
Certains responsables soulignent aussi que <strong>la</strong> Francophonie constitue une alternative à<br />
l’hégémonie américaine et au libéralisme à tout crin qui l’accompagne, puisque <strong>la</strong> solidarité et le<br />
développement restent au centre de <strong>la</strong> stratégie de l’OIF. D’autant que certains pays d’Europe de<br />
l’Est, qui connaissent une forte croissance économique, peuvent à terme devenir des bailleurs de<br />
fonds potentiels <strong>pour</strong> les plus pauvres et qu’ils ont déjà coopéré avec certains pays du continent<br />
africain au moment de <strong>la</strong> guerre froide, en tant que « pays frères » du Pacte de Varsovie.<br />
Les Européens, « agents d’influence <strong>pour</strong> les pays du Sud »<br />
« Le rapprochement avec l’Union européenne et celui avec <strong>la</strong> Francophonie vont de pair et<br />
sont l’une de nos priorités », souligne Youri Pyvovarov, chargé d’affaires ukrainien à Paris. Il évoque<br />
<strong>la</strong> tradition francophone des élites de son pays et <strong>la</strong> progression de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue française dans<br />
l’enseignement supérieur. Pour lui, l’entrée à l’OIF présente des avantages culturels, politiques et<br />
économiques. Lui aussi estime que les PECO peuvent jouer un rôle important au sein de l’Union<br />
européenne, premier bailleur de fonds des pays en développement, au même titre que d’autres<br />
nouveaux venus à l’OIF comme <strong>la</strong> Grèce, qui a demandé à passer du statut d’associé à celui de<br />
membre à part entière. « Les Européens peuvent être des agents d’influence <strong>pour</strong> les pays du Sud »,<br />
souligne un responsable de l’OIF qui rappelle que <strong>la</strong> <strong>nouvelle</strong> représentante de l’organisation auprès<br />
de l’UE, à Bruxelles, est <strong>la</strong> Roumaine Maria Niculescu.<br />
5
Les Africains maintiennent toutefois <strong>la</strong> pression <strong>pour</strong> qu’on ne les oublie pas. Ainsi, le président<br />
du Burkina Faso B<strong>la</strong>ise Compaoré, qui avait accueilli le précédent sommet en 2004, a proposé que le<br />
Mozambique et le Ghana puissent avoir leur p<strong>la</strong>ce auprès de <strong>la</strong> Francophonie. Le chef d’Etat<br />
mozambicain, Armando Guebuza, a d’ailleurs évoqué le sujet en juillet à Paris avec le secrétaire<br />
général de l’OIF.<br />
Abdou Diouf est conscient des enjeux et des défis auxquels doit faire face l’OIF qui a décidé<br />
d’adopter une plus grande visibilité et des stratégies agressives sur tous les fronts, à <strong>la</strong> mesure<br />
toutefois de ses moyens, qui restent limités. « C’est au cœur de l’Europe (…) que <strong>la</strong> Roumanie va<br />
accueillir notre XI è Sommet. Ce sera un moment important qui montrera combien compte <strong>pour</strong> nous<br />
ce bassin historique de <strong>la</strong> Francophonie, combien <strong>la</strong> Roumanie peut y jouer un rôle majeur, combien<br />
toute notre communauté, rassemblée autour d’elle sait manifester son sens de <strong>la</strong> solidarité, <strong>la</strong> valeur<br />
de son action », a-t-il déc<strong>la</strong>ré le 20 mars 2006 à Bucarest. A Genève, dans un autre discours consacré<br />
aux <strong>nouvelle</strong>s ambitions de <strong>la</strong> Francophonie, il avait évoqué <strong>la</strong> voie alternative que celle-ci<br />
représente : « Dans ce nouveau monde s’affiche certes un renouveau de <strong>la</strong> revendication<br />
démocratique, mais <strong>la</strong> pauvreté y progresse, les inégalités s’y accroissent, les identités, surtout<br />
quand elles sont minoritaires, sont malmenées. La montée en puissance du terrorisme et les <strong>nouvelle</strong>s<br />
formes de croisade qu’il engendre attisent les haines et les divisions, le repli sur soi. C’est dans ce<br />
contexte, où l’on oppose courageusement le multi<strong>la</strong>téralisme à l’hégémonisme, le dialogue des<br />
civilisations au choc des civilisations, <strong>la</strong> diversité culturelle et linguistique au repli identitaire, le<br />
partage maîtrisé et régulé des richesses à <strong>la</strong> loi pure et dure du marché et du profit, qu’on<br />
redécouvre aujourd’hui le discours et les valeurs des pères fondateurs de <strong>la</strong> Francophonie. »<br />
Une coopération multi-directionnelle<br />
Depuis 2002, l’OIF, qui regroupe pays riches et pays pauvres, insiste sur l’intégration des pays<br />
francophones en développement à l’économie mondiale, l’accès aux financements internationaux et<br />
une utilisation plus efficace des aides publiques au développement, et enfin le financement des<br />
industries culturelles. Elle a aussi multiplié <strong>la</strong> coopération non seulement avec l’Union européenne et<br />
les Nations unies mais aussi les organisations financières internationales comme le FMI et <strong>la</strong> Banque<br />
mondiale. Elle agit aussi auprès de l’<strong>Organisation</strong> mondiale du commerce (OMC) où les pays<br />
africains francophones ont réussi à faire avancer le dossier sur le coton.<br />
Evoquant, en juillet dernier, devant les parlementaires francophones, les réformes en cours,<br />
Abdou Diouf s’est voulu optimiste mais réaliste. « Tout ce<strong>la</strong> est en train de contribuer fortement au<br />
renforcement de <strong>la</strong> <strong>nouvelle</strong> OIF, de l’installer solidement sur <strong>la</strong> scène internationale comme un<br />
acteur qui compte, qui est écouté, dont on reconnaît l’apport spécifique et original, comme un<br />
partenaire crédible. L’é<strong>la</strong>n est donné, nous ne relâcherons pas nos efforts <strong>pour</strong> que ce travail<br />
produise des résultats tangibles en faveur de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue que nous avons en partage, en faveur de<br />
l’énorme enjeu que constitue <strong>la</strong> diversité culturelle, en faveur enfin de nos valeurs démocratiques, de<br />
paix et de justice économique et sociale. »<br />
Marie Joannidis<br />
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N° 502<br />
06.08.17 Droits de l’homme et démocratie : des valeurs communes<br />
(MFI) La Francophonie a tissé en Europe des liens substantiels autour du<br />
combat <strong>pour</strong> <strong>la</strong> défense et <strong>la</strong> promotion de <strong>la</strong> paix, de <strong>la</strong> démocratie et des droits de<br />
l’homme. Mais elle cherche encore ses marques <strong>pour</strong> appuyer <strong>la</strong> démocratisation en<br />
cours des pays postcommunistes.<br />
L’ouverture sur le monde des pays d’Europe centrale et orientale (PECO) s’est d’abord traduite<br />
par une volonté d’intégration à l’Union européenne et à l’OTAN. Nombre d’entre eux ont également<br />
choisi d’adhérer* à <strong>la</strong> Francophonie, entre 1993 et 2004, <strong>pour</strong> des raisons avant tout culturelles. Ces<br />
pays, qui ont toujours lutté <strong>pour</strong> sauvegarder leurs cultures nationales face aux empires germanique,<br />
ottoman, russe puis soviétique, et porteurs du lourd héritage des démocraties popu<strong>la</strong>ires, apprécient <strong>la</strong><br />
mission de l’<strong>Organisation</strong> internationale de <strong>la</strong> Francophonie (OIF) de promotion du pluralisme<br />
culturel et linguistique dans le respect de <strong>la</strong> souveraineté des États et des valeurs de liberté et de<br />
tolérance. Les critères d’adhésion à <strong>la</strong> Francophonie, moins contraignants que ceux de l’Europe<br />
(Copenhague, 1993), évaluent d’ailleurs le degré « d’attachement aux valeurs communes » en<br />
matière de démocratisation, de respect des droits humains ou d’exception culturelle (Sommet de<br />
Cotonou, 1995).<br />
Intégration aux réseaux francophones par les instituts de formation et les clubs de réflexion<br />
Compte tenu de <strong>la</strong> multiplicité des organismes internationaux ou européens d’appui à <strong>la</strong><br />
démocratisation en cours des PECO, « <strong>la</strong> Francophonie cherche encore ses marques », reconnaît<br />
Christine Desouches, déléguée à <strong>la</strong> paix, à <strong>la</strong> démocratie et aux droits de l’homme (DDHDP) de<br />
l’OIF. Elle dispose, parmi nombre de réseaux spécialisés (cours de cassation, cours des comptes et<br />
hautes juridictions, médiateurs ou instances de régu<strong>la</strong>tion, etc.), d’un outil précieux, le Réseau des<br />
instituts francophones des droits de l’homme, de <strong>la</strong> démocratie et de <strong>la</strong> paix, qui regroupe plus d’une<br />
trentaine d’instituts universitaires ou de formation des barreaux. Dans le cadre de <strong>la</strong> Déc<strong>la</strong>ration de<br />
Bamako, ce réseau favorise <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce du dispositif d’observation et d’évaluation permanentes<br />
des pratiques de <strong>la</strong> démocratie, des droits et des libertés. Membre du réseau dès sa création à<br />
Beyrouth en 2002, l’Institut roumain <strong>pour</strong> les droits de l’homme (IRDO) de Bucarest, dirigé par Irina<br />
Z<strong>la</strong>tescu, a obtenu en 1993 le statut de bibliothèque dépositaire du Conseil de l’Europe, l’organisation<br />
<strong>la</strong> plus ancienne du continent. Première étape de l’intégration des démocraties postcommunistes, le<br />
Conseil a en effet accueilli 18 PECO depuis 1990, apportant son assistance en matière<br />
constitutionnelle et de droit électoral, en vue d’un alignement sur les standards européens.<br />
L’intégration aux réseaux francophones concerne également les élites culturelles qui ont pris<br />
position publiquement <strong>pour</strong> <strong>la</strong> Francophonie. Ce réflexe francophone existe par exemple au sein du<br />
Club politique des Balkans, ONG de haut niveau qui réunit les dirigeants démocrates de <strong>la</strong> région,<br />
grâce notamment à son directeur exécutif, Siméon Anguelov, délégué permanent de <strong>la</strong> Bulgarie<br />
auprès de l’Unesco. Il organise une conférence sur <strong>la</strong> démocratie en septembre 2006 à <strong>la</strong>quelle des<br />
représentants de l’OIF sont conviés. Symbolique mais significative également, <strong>la</strong> mise en valeur de<br />
7
l’action francophone par <strong>la</strong> Roumanie lors de <strong>la</strong> 61 e session de <strong>la</strong> Commission des droits de l’homme<br />
de l’Onu à Genève : « Au sein de <strong>la</strong> Francophonie, nous avons aussi étudié les moyens de<br />
promouvoir d’une manière encore plus active <strong>la</strong> démocratie et les droits de l’homme », a souligné<br />
l’ambassadeur auprès des Nations unies, Doru Costea, dont l’intervention a permis de faire figurer <strong>la</strong><br />
Déc<strong>la</strong>ration de Bamako dans <strong>la</strong> Résolution Démocratie et Etat de droit.<br />
Vers un projet d’instrument international sur les droits et devoirs des observateurs ?<br />
Outre l’appui aux centres de formation aux droits de l’homme, <strong>la</strong> Francophonie est présente à<br />
travers ses missions d’observation électorale, qu’elle réalise à <strong>la</strong> demande des pays concernés<br />
(Albanie, Macédoine, Moldavie), en col<strong>la</strong>boration avec l’<strong>Organisation</strong> <strong>pour</strong> <strong>la</strong> sécurité et <strong>la</strong><br />
coopération en Europe (OSCE). Elle envoie ses experts des PECO, notamment Pandeli Varfi,<br />
membre de <strong>la</strong> Commission centrale électorale en Albanie, Stefan Tafrov, l’ancien Délégué permanent<br />
de Bulgarie auprès de l’Onu (2001-2006) qui a assuré <strong>la</strong> présidence tournante du Conseil de Sécurité<br />
en 2004, ou encore l’ambassadeur albanais Luan Rama. Ce dernier, en novembre 2000, estimait que<br />
« <strong>la</strong> philosophie du travail dans le cadre régional, à l’intérieur de <strong>la</strong> Francophonie » doit surtout être<br />
comprise comme un « échange d’expériences ». Exemp<strong>la</strong>ire à cet égard, <strong>la</strong> mission en Moldavie<br />
(légis<strong>la</strong>tives, mars 2005) dirigée par Yarga Larba, président de <strong>la</strong> Haute Cour de justice du Burkina<br />
Faso. Composée d’experts albanais, belge, bulgare, canadien, congo<strong>la</strong>is et français, elle a préconisé<br />
dans son rapport que <strong>la</strong> DDHDP « é<strong>la</strong>bore d’urgence un projet d’instrument international sur les<br />
droits et devoirs des observateurs, projet que le Secrétaire général <strong>pour</strong>rait soumettre aux autres<br />
organisations internationales engagées dans l’observation des élections ».<br />
Au sommet de Bucarest, <strong>la</strong> DDHDP, par <strong>la</strong> voix de Christine Desouches, devrait proposer aux<br />
PECO de renouer les liens anciens avec les pays africains proches du modèle communiste et des<br />
mouvements de libération nationale, avec lesquels il existait toutes sortes de coopération, <strong>pour</strong> ouvrir<br />
des perspectives dans le cadre francophone. « Si l’ancien président béninois, Mathieu Kérékou, a<br />
renoncé au marxisme en novembre 1989 et s’est <strong>la</strong>ncé dans <strong>la</strong> Conférence nationale souveraine en<br />
1990, c’est qu’il avait vu Ceaucescu tué avec sa femme en Roumanie, et aussi <strong>la</strong> chute du mur de<br />
Berlin », rappelle <strong>la</strong> Déléguée, mettant l’accent sur cette interactivité historique. Si <strong>la</strong> volonté des<br />
PECO existe de prendre p<strong>la</strong>ce dans l’espace mondial et solidaire qu’est <strong>la</strong> Francophonie, il reste à<br />
explorer le champ des actions à mener <strong>pour</strong> construire un échange bénéfique <strong>pour</strong> le Nord comme<br />
<strong>pour</strong> le Sud.<br />
Antoinette De<strong>la</strong>fin<br />
* En tant que membres à part entière (Bulgarie, Moldavie, Roumanie), membres associés (Albanie, Macédoine) ou<br />
encore observateurs aux sommets (Croatie, Hongrie, Lituanie, Pologne, République tchèque, Slovaquie, Slovénie).<br />
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N° 503<br />
06.08.14 Promotion de <strong>la</strong> diversité culturelle : Europe et Francophonie, même combat !<br />
(MFI) L’adoption par 148 pays, le 25 octobre 2005, d’une convention sur <strong>la</strong><br />
diversité des expressions culturelles est un véritable manifeste en faveur d’une<br />
mondialisation qui refuse l’uniformisation. Cette victoire est le fruit, au sein de<br />
l’<strong>Organisation</strong> des Nations unies <strong>pour</strong> l’éducation, <strong>la</strong> science et <strong>la</strong> culture (Unesco),<br />
d’une longue bataille politique marquée par les efforts conjoints de <strong>la</strong> Francophonie<br />
et de l’Union européenne et une forte mobilisation des pays d’Europe centrale et<br />
orientale. Le défi est désormais de convaincre le plus grand nombre d’Etats de<br />
ratifier au plus vite <strong>la</strong> convention.<br />
La Francophonie a joué un rôle précurseur dans le combat <strong>pour</strong> affranchir <strong>la</strong> culture des règles<br />
du commerce international. Dès 2002, au sommet de Beyrouth, elle préconise l’adoption d’un<br />
instrument juridique international sur <strong>la</strong> diversité culturelle. En amont des travaux à l’Unesco, elle<br />
entreprend tout un travail de sensibilisation des pays francophones avec le soutien actif de <strong>la</strong> France et<br />
du Canada. Elle défend les enjeux de <strong>la</strong> diversité culturelle dans les sphères économiques, au plus haut<br />
niveau diplomatique et au sein de <strong>la</strong> société civile, soutenant l’émergence de coalitions nationales<br />
réunissant associations et artistes. Véritable moteur pendant les travaux de préparation de <strong>la</strong><br />
convention, <strong>la</strong> Francophonie met des experts juridiques à disposition des délégations francophones à<br />
l’Unesco et veille à encourager une coopération active avec les autres aires linguistiques<br />
hispanophones, lusophones et arabophones.<br />
L’Union européenne (UE), autre pôle d’influence dans les négociations, réussit à rallier <strong>la</strong><br />
Grande-Bretagne et s’exprime d’une seule voix en faveur de <strong>la</strong> diversité culturelle. « Beaucoup<br />
d’enthousiasme et de volonté se sont dégagés de ce travail dans le cadre de <strong>la</strong> préparation d’une<br />
position commune », se souvient Irena Moozova, délégué permanent de <strong>la</strong> République tchèque à<br />
l’Unesco. Et c’est vrai qu’il a fallu faire bloc avec ténacité <strong>pour</strong> que <strong>la</strong> Commission européenne puisse<br />
obtenir, le temps de ces négociations, un rôle plus actif que celui de simple observateur.<br />
Un enjeu majeur <strong>pour</strong> l’équilibre des PECO<br />
Pour que <strong>la</strong> convention entre en vigueur, il faut maintenant que 30 pays au moins <strong>la</strong> ratifient.<br />
Trois pays membres de l’<strong>Organisation</strong> internationale de <strong>la</strong> Francophonie (OIF) ont, au 1 er août 2006,<br />
fait aboutir le processus : le Canada, l’île Maurice et <strong>la</strong> Roumanie. La Croatie, Djibouti, le Burkina<br />
Faso, le Mali et le Cambodge ont ratifié <strong>la</strong> convention mais n’ont pas encore déposé les instruments de<br />
ratification à l’Unesco. Le processus devrait aboutir prochainement dans d’autres pays d’Europe<br />
centrale et orientale (PECO), notamment en Bulgarie. Pour les pays membres de l’Union européenne,<br />
l’idée initialement envisagée d’un dépôt simultané des instruments de ratification semble difficilement<br />
réalisable. La France, qui a déjà fait aboutir son processus interne de ratification, hésite entre un dépôt<br />
avant le sommet de Bucarest et <strong>la</strong> solidarité européenne. D’autant que le processus est plus long dans<br />
d’autres pays de l’UE comme <strong>la</strong> Belgique, qui compte plusieurs parlements. L’essentiel reste<br />
cependant de faire vite afin d’éviter que les Etats-Unis, opposés à <strong>la</strong> convention, ne signent davantage<br />
d’accords bi<strong>la</strong>téraux neutralisant le texte.<br />
L’enjeu <strong>pour</strong> les PECO est majeur, compte tenu de l’expérience historique de ces pays et face à<br />
l’invasion culturelle américaine menaçant leurs marchés. « La convention peut nous aider à<br />
9
promouvoir des produits culturels de qualité, à trouver un équilibre entre une culture subventionnée à<br />
100% par "l’Etat miracle" et une culture entièrement liée à l’économie de marché », affirme Andrei<br />
Magheru, ambassadeur de Roumanie à l’Unesco, président du groupe des ambassadeurs<br />
francophones. Dans les Balkans, soutenir <strong>la</strong> diversité culturelle est également fondamental <strong>pour</strong><br />
promouvoir une culture de paix. « Il est important que <strong>la</strong> diversité culturelle apparaisse au grand jour<br />
et qu’un travail de catharsis de <strong>la</strong> guerre et des massacres soit fait en favorisant les rencontres entre<br />
artistes », p<strong>la</strong>ide Nico<strong>la</strong>s Petrovitch, directeur de l’association éditrice du Courrier des Balkans.<br />
Le plurilinguisme, passeport <strong>pour</strong> l’autre<br />
Reconnue dans <strong>la</strong> convention comme « élément fondamental de <strong>la</strong> diversité culturelle », <strong>la</strong><br />
diversité linguistique est inscrite au cœur des politiques de l’Union Européenne et de l’OIF. Depuis<br />
l’é<strong>la</strong>rgissement du 1 er mai 2004, l’UE compte 20 <strong>la</strong>ngues officielles ; or c’est <strong>la</strong> seule organisation au<br />
monde où s’applique le principe d’égalité des <strong>la</strong>ngues. Selon le traité d’Amsterdam (1997), tout<br />
citoyen peut s’adresser aux institutions de l’Union dans sa propre <strong>la</strong>ngue et recevoir une réponse dans<br />
<strong>la</strong> même <strong>la</strong>ngue. Les services de traduction doivent gérer plus de 400 combinaisons linguistiques.<br />
Comment travailler ensemble dans ces conditions ? Le règlement du Conseil du 15 avril 1958, qui<br />
pose l’égalité des <strong>la</strong>ngues officielles et de travail sans établir de distinction entre les deux catégories,<br />
confie à chaque institution le soin de prévoir les modalités de mise en œuvre du principe d’égalité.<br />
La Commission et le Parlement ont généralisé le recours à trois <strong>la</strong>ngues de travail : le français,<br />
l’ang<strong>la</strong>is et l’allemand. Le Conseil assure une traduction dans les 20 <strong>la</strong>ngues officielles <strong>pour</strong> les<br />
réunions politiques, favorise l’utilisation de « <strong>la</strong>ngues re<strong>la</strong>is » – le français et l’ang<strong>la</strong>is – <strong>pour</strong> les<br />
réunions de travail, et a également mis en p<strong>la</strong>ce un système de traductions "à <strong>la</strong> demande", <strong>la</strong>issant à<br />
chaque pays le soin d’établir ses priorités de traduction dans <strong>la</strong> limite d’une enveloppe financière égale<br />
<strong>pour</strong> tous. Dans <strong>la</strong> pratique, l’ang<strong>la</strong>is s’impose souvent comme l’unique <strong>la</strong>ngue de communication.<br />
Face à ce constat, <strong>la</strong> Francophonie s’est engagée activement dans l’application d’un p<strong>la</strong>n pluriannuel<br />
en faveur du français au sein des institutions européennes, signé le 11 janvier 2002 (voir article n°505).<br />
Au sein de l’espace francophone, <strong>la</strong> défense du plurilinguisme est également devenue depuis<br />
quelques années une priorité. En Afrique où le français cohabite avec de nombreuses autres <strong>la</strong>ngues<br />
maternelles, promouvoir le français à l’école sans s’appuyer sur une alphabétisation dans les <strong>la</strong>ngues<br />
nationales utilisées à <strong>la</strong> maison a finalement paru non seulement incohérent mais aussi inefficace.<br />
Depuis 1994, une expérimentation d’écoles bilingues français-<strong>la</strong>ngue nationale conduite au Burkina<br />
Faso s’est ainsi avérée très heureuse en termes de réussite sco<strong>la</strong>ire. La Francophonie se range<br />
également de plus en plus à l’idée que le plurilinguisme est une clé d’accès à un meilleur<br />
développement aussi bien économique que démocratique.<br />
Ce combat <strong>pour</strong> le respect de <strong>la</strong> diversité mené par <strong>la</strong> Francophonie comme par l’Union<br />
européenne parle à tous les hommes. Ce que l’écrivain Edouard Glissant souligne ainsi : « Le divers<br />
du monde a besoin des <strong>la</strong>ngues du monde. »*<br />
Laetitia Lefaure<br />
* In Traité du Tout-Monde, Paris, Gallimard, 1997, p.121.<br />
10
N° 504<br />
06.08.14 Le français dans les pays d’Europe centrale et orientale<br />
(MFI) Depuis l’effondrement des régimes communistes, le russe a perdu son<br />
statut de <strong>la</strong>ngue première et obligatoire de <strong>la</strong> fin du primaire à l’université. L’offre<br />
linguistique en Europe centrale et orientale s’est donc libéralisée. Le français – qui a<br />
marqué l’histoire du continent – tire son épingle du jeu notamment grâce à <strong>la</strong><br />
mobilisation des enseignants, des autorités qui ont <strong>la</strong>ncé un P<strong>la</strong>n pluriannuel d’action<br />
et aux actions de coopération décentralisée.<br />
Près de 10 % des 55 millions d’apprenants du français (hors de France) résident dans les pays<br />
d’Europe centrale et orientale (PECO). Le français se maintient dans ses bastions traditionnels<br />
(Roumanie, Moldavie) et se développe dans des pays où il était moins imp<strong>la</strong>nté (Hongrie, Pologne,<br />
République tchèque). En Roumanie, où <strong>la</strong> tradition du français est partie intégrante du patrimoine<br />
culturel, on compte ainsi près de 8 % de francophones et 20 % de francophone partiels. En Bulgarie,<br />
où son apprentissage est en baisse, un quart des lycéens tout de même apprennent le français. Dans les<br />
pays de l’ex-Yougos<strong>la</strong>vie, le français était peu parlé. Comme en République tchèque, dont l’histoire<br />
reste liée à celle de l’Autriche-Hongrie, mais où le nombre de lycéens qui apprennent le français a<br />
triplé entre 1990 et 2000. Dans les autres pays, sa p<strong>la</strong>ce est plus modeste. Mais leur entrée dans<br />
l’Union ou sa perspective « a puissamment stimulé leur intérêt <strong>pour</strong> <strong>la</strong> Francophonie », estime le<br />
rapport Turpin (Sénat, 2000). Le phénomène tient sans doute au statut de <strong>la</strong>ngue de travail du français<br />
au sein des institutions européennes, mais il procède aussi d’une aspiration à s’ouvrir sur le monde et<br />
sur les valeurs véhiculées par <strong>la</strong> Francophonie. On observe enfin un intérêt croissant <strong>pour</strong> <strong>la</strong><br />
production culturelle francophone.<br />
Toutefois, ces bonnes dispositions se heurtent à des difficultés du fait de l’évolution<br />
préoccupante de <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce du français dans l’Union européenne. Lors des négociations re<strong>la</strong>tives à<br />
l’é<strong>la</strong>rgissement (effectif le 1 er mai 2004), les représentants des PECO s’exprimaient en quasi totalité en<br />
ang<strong>la</strong>is. Et ce malgré le programme de formation au français en direction des fonctionnaires,<br />
traducteurs et interprètes des instances européennes et des administrations centrales des pays candidats<br />
que <strong>la</strong> France avait <strong>la</strong>ncé lors de sa présidence de 1995. En 2002, <strong>la</strong> politique de promotion du français<br />
devient multi<strong>la</strong>térale avec <strong>la</strong> signature d’un P<strong>la</strong>n pluriannuel d’action <strong>pour</strong> le français dans l’UE<br />
adopté par <strong>la</strong> France, le Luxembourg, <strong>la</strong> Belgique et <strong>la</strong> Francophonie (voir article suivant).<br />
La diversité de l’enseignement bilingue francophone<br />
De nombreux pays d’Europe de l’Est comme de l’Ouest ont mis en p<strong>la</strong>ce un cursus bilingue<br />
francophone : au total, plus de 400 sections bilingues soit près de 60 000 élèves apprennant le français.<br />
L’enseignement est dispensé en deux <strong>la</strong>ngues, <strong>la</strong>ngue locale et français. Ces filières d’excellence<br />
présentent une grande diversité selon les pays. Une, voire deux « années zéro » permettent aux élèves<br />
d’acquérir un niveau de français suffisant <strong>pour</strong> entamer un cursus dans les disciplines non<br />
linguistiques (DNL) – six ans en République tchèque, cinq ans en Hongrie tandis que <strong>la</strong> Croatie et <strong>la</strong><br />
Macédoine n’ont pas intégré ce système dans leur structure éducative. La République tchèque ou<br />
encore l’Albanie proposent des sections bilingues francophones à dominante scientifique (physique,<br />
chimie et mathématiques). La Biélorussie mise plutôt sur l’enseignement des sciences économiques et<br />
sociales, <strong>la</strong> Lituanie sur <strong>la</strong> musique et l’éducation physique et sportive ; <strong>la</strong> Roumanie sur <strong>la</strong><br />
géographie, l’histoire et <strong>la</strong> civilisation française. En règle générale, histoire et géographie sont au<br />
11
programme dans toutes les sections bilingues. En Bulgarie, des sections se développent aussi dans<br />
l’enseignement professionnel.<br />
Les pays et les instances multi<strong>la</strong>térales francophones fournissent un effort important <strong>pour</strong> <strong>la</strong><br />
promotion du français dans les PECO par le biais des jume<strong>la</strong>ges, de <strong>la</strong> coopération décentralisée ou de<br />
<strong>la</strong> coopération sco<strong>la</strong>ire et universitaire. Les jume<strong>la</strong>ges s’étaient développés durant <strong>la</strong> période<br />
communiste avec certains pays de l’Est (Pologne, Roumanie) dans le cadre d’échanges culturels puis,<br />
à partir de 1990, d’actions à caractère économique. Le soutien à <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong> par le biais d’actions<br />
éducatives constitue toujours l’un des moteurs des nouveaux jume<strong>la</strong>ges. La coopération décentralisée<br />
a été le fait d’associations comme Initiatives France-Hongrie, <strong>la</strong> Fondation France-Pologne ou Eurom<br />
avec <strong>la</strong> Roumanie. Dans le budget français, les PECO représentaient, en 2000, 27 % des crédits<br />
consacrés par le ministère des Affaires étrangères à <strong>la</strong> coopération décentralisée (Pologne et<br />
Roumanie, environ 7 % chacun, République tchèque, Hongrie, Slovaquie).<br />
« Les enseignants de français se mobilisent aussi <strong>pour</strong> assurer <strong>la</strong> promotion en Europe de cette<br />
<strong>la</strong>ngue qu’ils enseignent et chérissent », se p<strong>la</strong>ît à répéter Janina Zielinska. Cette Polonaise, directrice<br />
du Collège de formation des professeurs de français à l’université de Varsovie, est <strong>la</strong> vice-présidente<br />
de <strong>la</strong> Fédération internationale des professeurs de français*, qui compte plus de 70 000 professeurs sur<br />
les cinq continents et organise, du 2 au 5 novembre 2006, son premier Congrès européen à Vienne<br />
(Autriche). Ce congrès servira de tribune aux associations d’enseignants qui débattront de <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce du<br />
français, de ses particu<strong>la</strong>rités et de ses enjeux, en termes de pédagogie mais aussi de politique de<br />
promotion de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue française en Europe. Pour Janina Zielinska, il faut insister sur <strong>la</strong> nécessaire<br />
synergie entre les différents partenaires impliqués dans cette promotion sur le terrain.<br />
Antoinette De<strong>la</strong>fin<br />
* La FIPF organise un colloque international annuel, un congrès mondial tous les trois ans, et publie <strong>la</strong> revue Le français<br />
dans le monde. www.fipf.org ; www.francparler.org ; www.vienne2006.org<br />
Le français dans l’histoire européenne<br />
(MFI) Au Moyen Age, le français voyage déjà quand Guil<strong>la</strong>ume le Conquérant, duc de Normandie, est<br />
sacré roi d’Angleterre en 1066. Il passe <strong>pour</strong> une <strong>la</strong>ngue de prestige à Venise à <strong>la</strong> fin du XIII e siècle, quand<br />
Marco Polo dicte en français le récit de ses aventures en Extrême-Orient, Le livre des merveilles. A partir du<br />
XVI e siècle, <strong>la</strong> prééminence de <strong>la</strong> France joue un rôle important dans <strong>la</strong> diffusion du français en Europe. Il<br />
remp<strong>la</strong>ce le <strong>la</strong>tin, <strong>la</strong>ngue « internationale », dans les domaines de <strong>la</strong> philosophie, de <strong>la</strong> médecine, de <strong>la</strong> banque<br />
et du grand commerce. Langue de <strong>la</strong> diplomatie, le français est utilisé dans les traités internationaux de 1714 –<br />
un an avant <strong>la</strong> mort de Louis XIV – jusqu’à <strong>la</strong> fin de <strong>la</strong> Première Guerre mondiale.<br />
Les mariages entre familles royales et aristocratiques en font une <strong>la</strong>ngue parlée dans toutes les Cours :<br />
près de vingt-cinq au total, de l’actuelle Turquie au Portugal en passant par <strong>la</strong> Russie, <strong>la</strong> Norvège, <strong>la</strong> Pologne<br />
et l’Angleterre. Exemple parmi tant d’autres, le mariage de Louis XV en 1725, à l’âge de quinze ans, avec<br />
Marie Leszczynska. Son père, Stanis<strong>la</strong>s Leszczynski, ancien roi de Pologne devenu Duc de Lorraine en<br />
1737, fait construire à Nancy une p<strong>la</strong>ce destinée à glorifier son gendre.<br />
Au siècle des Lumières, où le français est reconnu comme <strong>la</strong>ngue universelle, <strong>la</strong> mode saisit l’Europe<br />
aristocratique au point que ses souverains font venir à leur Cour des écrivains français, Descartes auprès de<br />
Christine de Suède, Voltaire chez Frédéric de Prusse. A Saint-Pétersbourg ou à Moscou, un aristocrate qui se<br />
respecte se doit de parler le français. En Roumanie, <strong>la</strong> diffusion de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue française date aussi de cette<br />
époque, quand les principautés de Va<strong>la</strong>chie et de Moldavie étaient sous domination ottomane et que les fils<br />
des grandes familles venaient étudier à Paris. Sous l’Empire napoléonien, les Slovènes, comme les Croates et<br />
les Dalmates, ont gardé un souvenir très positif de l’influence française. Mais les campagnes napoléoniennes<br />
ont aussi froissé bon nombre de sensibilités dans d’autres parties de l’Europe. Quoi qu’il en soit,<br />
l’affaiblissement de <strong>la</strong> monarchie marque <strong>la</strong> fin de <strong>la</strong> suprématie française en Europe, avec le début de <strong>la</strong><br />
prépondérance ang<strong>la</strong>ise, tandis que les idées révolutionnaires favorisent l’émergence des <strong>la</strong>ngues nationales.<br />
A. D.<br />
12
N° 505 Stratégies francophones de soutien au français en Europe (1)<br />
06.08.16 Au sein de l’Union européenne<br />
(MFI) Face au recul, au profit de l’ang<strong>la</strong>is, du français au sein des instances de<br />
l’Union européenne, l’<strong>Organisation</strong> internationale de <strong>la</strong> Francophonie a <strong>la</strong>ncé un<br />
P<strong>la</strong>n pluriannuel d’action multiforme, destiné à favoriser sa re<strong>la</strong>nce auprès des<br />
fonctionnaires européens principalement. Et mobilise notamment les pays d’Europe<br />
orientale et centrale, nouveaux venus aussi bien au sein de l’UE que de l’OIF.<br />
Depuis 2002, l’OIF qui regroupe 63 Etats et gouvernements dont 11 sont membres de l’Union<br />
européenne, a fait de l’usage du français dans l’Union européenne un de ses champs d’activités<br />
prioritaires. Un p<strong>la</strong>n pluriannuel d’action <strong>pour</strong> le français dans l’Union européenne, <strong>la</strong>ncé par un<br />
accord entre <strong>la</strong> France, principal bailleur de fonds de <strong>la</strong> Francophonie, <strong>la</strong> Communauté française de<br />
Belgique (CFB) et le Luxembourg, et mis en œuvre par l’OIF à partir de 2003-2004, organise <strong>la</strong><br />
concertation et l’articu<strong>la</strong>tion des politiques entre les quatre partenaires et les pays coopérants.<br />
Il propose principalement des formations à <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue française aux diplomates et fonctionnaires,<br />
en particulier des nouveaux pays membres de l’Union ou candidats à l’adhésion, ainsi qu’au<br />
personnel des institutions européennes, interprètes et traducteurs du français et en français, aux<br />
journalistes et aux juristes. A <strong>la</strong> fois politique et technique, ce p<strong>la</strong>n s’appuie sur les <strong>nouvelle</strong>s<br />
technologies de l’information (site Internet : www.parlez-francais.com, logiciel correcteur<br />
d’orthographe) et sur une campagne promotionnelle (presse, affichage, Internet) déjà menée dans<br />
plusieurs pays.<br />
Plus de 10 000 fonctionnaires formés chaque année<br />
« Le cœur de frappe de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong> en Europe, c’est l’action à destination des diplomates<br />
et des fonctionnaires », souligne Stéphane Lopez, responsable des re<strong>la</strong>tions avec l’Union européenne<br />
au sein de <strong>la</strong> direction de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue française, de <strong>la</strong> diversité culturelle et linguistique de l’OIF. Il<br />
précise que le P<strong>la</strong>n, doté d’un budget de 2,5 millions d’euros en 2006, concerne cette année<br />
10 500 fonctionnaires dont 2 000 personnes à Bruxelles et 8 500 dans différentes capitales. L’OIF a<br />
choisi de travailler en amont des institutions, avec les instances gouvernementales qui ont le pouvoir<br />
politique, à Bruxelles auprès des ambassades et des missions des membres (25 pays) mais aussi des<br />
candidats (4), et dans les différents Etats partenaires, touchant 22 pays aussi bien de l’Europe de<br />
l’Ouest que de l’Est. La Francophonie agit aussi à Strasbourg auprès du Parlement européen et du<br />
Conseil de l’Europe. Elle forme chaque année des conseillers politiques et des conseillers techniques<br />
à travers des sessions trimestrielles, cherchant là où c’est possible des co-financements avec les Etats<br />
concernés.<br />
Pour donner les cours de français, l’OIF fait appel aux Alliances françaises et aux instituts<br />
français, d’où l’importance du partenariat avec <strong>la</strong> France, <strong>la</strong> Belgique et le Luxembourg qui mettent à<br />
sa disposition un certain nombre de services, de moyens et re<strong>la</strong>is d’influence. Il ne s’agit évidemment<br />
pas d’enseigner le français littéraire mais le français des re<strong>la</strong>tions européennes <strong>pour</strong> pouvoir se<br />
débrouiller dans des situations très précises : comprendre ou présider une réunion, défendre une<br />
position ou présenter le point de vue de son pays, faire une note de synthèse, une lecture de document<br />
13
avant une réunion, répondre à un courrier sur internet ou au téléphone. Le taux de réinscription des<br />
« élèves » est très important, de l’ordre de 50 à 60 %. L’OIF aide également à <strong>la</strong> préparation de<br />
concours européens et organise des séminaires permettant des échanges d’expérience sur les affaires<br />
européennes.<br />
Quand <strong>la</strong> compétence francophone compte dans <strong>la</strong> promotion des fonctionnaires<br />
La Francophonie est allée plus loin sur le p<strong>la</strong>n politique en concluant depuis quelques mois avec<br />
les pays des accords de renforcement des compétences de travail en français de leurs diplomates et<br />
fonctionnaires en charge du suivi des questions européennes. « Nous avons déjà signé avec huit pays<br />
– Roumanie, Hongrie, Slovénie, Bulgarie, Lituanie, Slovaquie, Croatie et République Tchèque – et<br />
nous devons le faire avec l’Autriche et l’Estonie », indique Stéphane Lopez. Par ces accords l’Etat en<br />
question, l’OIF et ses trois pays partenaires (France, Belgique, Luxembourg) réaffirment <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce<br />
qu’ils veulent accorder au français. L’Etat s’engage à former un certain nombre de fonctionnaires<br />
pendant les trois prochaines années et <strong>la</strong> majorité des signataires ont accepté de mentionner que <strong>la</strong><br />
compétence francophone de ces fonctionnaires sera prise en considération dans leur affectation et leur<br />
promotion.<br />
La Francophonie propose également à des personnalités politiques, ministres et ambassadeurs<br />
par exemple, de venir en France ou en Belgique <strong>pour</strong> des séjours d’immersion linguistique. Elle signe<br />
aussi des contrats de coopération <strong>pour</strong> le renforcement de l’enseignement, de l’usage et de <strong>la</strong> visibilité<br />
du français avec des écoles nationales d’administration en Pologne, en Roumanie, ou en Bulgarie,<br />
avec l’Académie diplomatique de Vienne ou encore l’Institut européen d’administration de<br />
Maastricht…<br />
Dernière initiative en date, <strong>la</strong> signature en mai 2006 par Abdou Diouf, le secrétaire général de <strong>la</strong><br />
Francophonie, et les maires de Bruxelles, Luxembourg et Strasbourg d’une déc<strong>la</strong>ration solennelle en<br />
faveur de l’usage de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue française, visant à établir un réseau francophone des trois capitales<br />
européennes. « C’est à Bruxelles, à Luxembourg et à Strasbourg que se fait et se fera l’Union<br />
européenne. Il convient que <strong>la</strong> politique des trois capitales soit pensée avec à l’esprit ce qui peut être<br />
fait <strong>pour</strong> <strong>la</strong> promotion du français et que leur <strong>francophonie</strong> soit le lien logique qui les réunisse en un<br />
réseau <strong>pour</strong> se concerter autour des questions de leurs identités à <strong>la</strong> fois locale et européenne, et des<br />
défis à relever <strong>pour</strong> améliorer l’intégration des institutions qu’elles accueillent », a déc<strong>la</strong>ré Abdou<br />
Diouf au moment de <strong>la</strong> signature.<br />
Marie Joannidis<br />
14
N° 506 Stratégies francophones de soutien au français en Europe (2)<br />
06.08.16 Dans le monde universitaire<br />
(MFI) L’Agence universitaire de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong> (AUF) a multiplié, depuis<br />
2001, les partenariats avec les universités et centres d’enseignement supérieurs, y<br />
compris dans des pays non francophones.<br />
« L’é<strong>la</strong>rgissement de <strong>la</strong> Francophonie me semble un bon point parce qu’il prouve qu’elle<br />
présente un pôle d’attractivité qui coïncide avec l’aspiration de pays en développement, par exemple<br />
en Europe de l’Est, à intégrer l’Europe de l’Union », souligne Michèle Gendreau-Massaloux, recteur<br />
de l’AUF. Pour elle, cet é<strong>la</strong>rgissement coïncide aussi avec le souhait de voir se développer <strong>la</strong><br />
démocratie (qui est une des priorités de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong> politique), l’Etat de droit et <strong>la</strong> réduction de <strong>la</strong><br />
fracture entre les pays du Nord et les pays du Sud, en Afrique mais aussi en Europe de l’Est, au<br />
Moyen-Orient et dans les Caraïbes.<br />
Depuis 2001, avec le vote de nouveaux statuts à Québec, l’AUF qui se veut à <strong>la</strong> fois opérateur<br />
de <strong>la</strong> Francophonie et réseau associatif, a décidé d’ouvrir ses portes et d’admettre des universités de<br />
pays très différents si elles répondent à certains critères, comme l’octroi de diplômes en <strong>la</strong>ngue<br />
française, <strong>la</strong> présence de professeurs de français et d’étudiants qui parlent français. Ainsi, elle a admis<br />
des universités de <strong>la</strong> République dominicaine et de Cuba dans les Caraïbes, ainsi que d’Indonésie, et<br />
aucun universitaire des pays arabes ne s’est opposé à l’entrée comme membre titu<strong>la</strong>ire de l’AUF de<br />
l’université de Tel Aviv. « Bien que récent, le mouvement a déjà donné des résultats remarquables.<br />
Quand je suis arrivée en 2002, le nombre de membres avoisinait les 250. Nous sommes aujourd’hui<br />
plus de 600, précise Michèle Gendreau-Massaloux. Ce<strong>la</strong> nous a permis de faire rayonner <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue<br />
française à l’université dans les pays traditionnels de <strong>la</strong> Francophonie mais aussi dans d’autres tels<br />
que l’Albanie, <strong>la</strong> Serbie, <strong>la</strong> Macédoine, l’Espagne et l’Italie, et nous souhaitons faire de même en<br />
Grande-Bretagne et en Allemagne où des dossiers se constituent en ce sens. »<br />
Privilégier <strong>la</strong> nécessaire re<strong>la</strong>tion entre savoir et création d’emploi<br />
En Europe centrale et orientale, l’AUF compte 69 membres dans 16 pays différents : Albanie,<br />
Arménie, Biélorussie, Bulgarie, Géorgie, Hongrie, Lituanie, Macédoine, Moldavie, Pologne,<br />
Roumanie, Russie, Serbie-Monténegro (séparée depuis en deux pays), Slovaquie, Ukraine ainsi que<br />
Turquie. Il est d’ailleurs intéressant de noter que <strong>la</strong> responsable de l’AUF <strong>pour</strong> ces pays, basée à<br />
Bucarest, docteur d’une université roumaine et par<strong>la</strong>nt parfaitement le roumain, est <strong>la</strong> Malgache<br />
Liliane Ramarosoa, ancien vice-recteur de l’université d’Antananarivo.<br />
L’AUF a trouvé dans ces pays un terrain favorable en raison du prestige traditionnel dont les<br />
universités bénéficient mais aussi du souhait de lier enseignement supérieur et création d’emplois.<br />
Car l’enseignement en français a deux volets, l’un culturel et l’autre menant au monde de l’industrie<br />
et des affaires, en liaison notamment avec les chambres de commerce. Pour les responsables de<br />
l’Agence, <strong>la</strong> nécessaire re<strong>la</strong>tion entre savoir et création d’emploi est déjà prise en compte par les<br />
PECO. On a par exemple à Sofia l’Institut francophone d’administration et de santé. Dans les pays de<br />
l’Est, précise <strong>la</strong> responsable de l’AUF, « on développe des filières de français comme <strong>la</strong> gestion des<br />
15
affaires à l’Académie des sciences économiques de Bucarest, parce que vous avez tout un<br />
développement de moyennes et petites entreprises qui exigent des masters de gestion en français ;<br />
beaucoup d’étudiants de <strong>la</strong> région y participent ». Autres exemples d’enseignement de français<br />
professionnalisant : une filière de gestion d’entreprises publiques à l’université de Moldova avec,<br />
comme à Bucarest, des cours en français ; des filières sur les re<strong>la</strong>tions économiques internationales,<br />
ou encore sur les technologies alimentaires ; l’agro-alimentaire, <strong>la</strong> médecine et <strong>la</strong> pharmacie ou le<br />
génie civil sont en effet autant de secteurs professionnalisants à développer en français.<br />
Enseignement à distance grâce aux campus numériques<br />
Michèle Gendreau-Massaloux met aussi l’accent sur l’enseignement à distance grâce à Internet.<br />
« Nous voulons faire en sorte que partout dans le monde où des étudiants de pays en développement<br />
parlent français, ils puissent accéder à un diplôme reconnu. Pour nous, le vecteur prioritaire, c’est<br />
l’enseignement en ligne à travers notamment des campus numériques. Aujourd’hui, ajoute par<br />
ailleurs le recteur de l’AUF, une seule <strong>la</strong>ngue comme l’ang<strong>la</strong>is ne suffit pas, y compris en Europe de<br />
l’Est. Il faut des <strong>la</strong>ngues qui permettent aux étudiants d’entrer dans de nouveaux marchés car nous<br />
sommes dans un monde concurrentiel. »<br />
Depuis 2005, l’AUF dispose d’un budget de 45 millions d’euros par an <strong>la</strong>rgement financé par <strong>la</strong><br />
France – ce que déplorent les responsables francophones qui souhaitent un meilleur équilibre dans les<br />
financements, en particulier de <strong>la</strong> part du Canada. « Par rapport à <strong>la</strong> demande et à <strong>la</strong> qualité de <strong>la</strong><br />
demande, ce qui est un point nouveau, il est vrai que notre budget est faible. On <strong>pour</strong>rait facilement<br />
multiplier par quatre ou cinq le budget que nous avons sans cesser de rester une agence associative<br />
et humaine et en répondant mieux aux demandes réelles que nous avons », admet <strong>la</strong> responsable de<br />
l’AUF. Pour le moment, seule une demande sur six est satisfaite.<br />
Marie Joannidis<br />
16
N° 507 Stratégies francophones de soutien au français en Europe (3)<br />
06.08.14 Dans le monde des affaires<br />
(MFI) Une <strong>la</strong>ngue plus précise que le « global english », qui permet de mieux<br />
communiquer entre un siège et ses filiales, de mieux partager une même culture<br />
d’entreprise et de fidéliser les sa<strong>la</strong>riés étrangers… Les entreprises francophones<br />
prennent peu à peu conscience de l’importance qu’il y a à développer des re<strong>la</strong>tions<br />
d’affaires en français et du rôle qu’elles peuvent jouer en matière de francophilie, à<br />
terme bénéfique <strong>pour</strong> l’accueil de leurs produits. Le Forum francophone des affaires,<br />
qui les rassemble à travers le monde, appuie par exemple l’initiative « Oui, je parle<br />
français » <strong>la</strong>ncée par le ministère français des Affaires étrangères.<br />
« Les chefs d’entreprise sont généralement convaincus de <strong>la</strong> nécessité de défendre une vie<br />
économique en français, affirme Steve Gentili, président du Forum francophone des affaires (FFA) et<br />
président de <strong>la</strong> Bred-Banque Popu<strong>la</strong>ire. Ce sont des pragmatiques et ils constatent par exemple qu’il<br />
est plus facile de négocier dans sa propre <strong>la</strong>ngue, en recourant à des concepts que l’on maîtrise, que<br />
dans <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue de l’interlocuteur dans <strong>la</strong>quelle on est en position de faiblesse et de surcroît avec un<br />
référentiel que l’on possède insuffisamment. » Steve Gentili sait de quoi il parle. Créé en 1987 au<br />
Sommet de Québec (Canada), le FFA est auprès du Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement<br />
ayant le français en partage le porte-parole du secteur privé. Il est composé de comités<br />
nationaux – une quinzaine en Europe – qui regroupent les acteurs économiques de tous les secteurs,<br />
et d’organisations professionnelles, comme par exemple <strong>la</strong> Fondation internationale francophone<br />
finance-assurances-banques (FIFFAB).<br />
Jusqu’à présent, on ne savait pas grand chose des pratiques des entreprises dans leur rapport au<br />
français. Pour en savoir davantage, <strong>la</strong> Sous-direction du français du ministère des Affaires étrangères<br />
a réalisé, en mars 2006, une enquête auprès de 78 filiales d’entreprises françaises diverses (transports,<br />
énergie, finances, tourisme, agro-alimentaire et bâtiment), imp<strong>la</strong>ntées dans 33 pays sur les cinq<br />
continents, avec une forte représentation de l’Europe, de l’Asie et du Moyen Orient.<br />
Air France en République tchèque : une prime mensuelle de <strong>la</strong>ngue française<br />
Il en ressort que les entreprises exigent de leur personnel local une compréhension du français<br />
lorsque celui-ci est <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue du siège – ce qui est le cas de <strong>la</strong> moitié d’entre elles. La culture<br />
d’entreprise étant plus facile à appréhender <strong>pour</strong> le personnel lorsqu’il parle le français, sa maîtrise<br />
« entre en ligne de compte » <strong>pour</strong> 41 % des filiales interrogées lors du recrutement des sa<strong>la</strong>riés<br />
locaux. Elle en est même une condition expresse dans 24 % des cas. En outre, 53 % des filiales<br />
interrogées reconnaissent que <strong>la</strong> pratique du français est « un plus » <strong>pour</strong> <strong>la</strong> mobilité géographique et<br />
fonctionnelle, quand elle n’en est pas le préa<strong>la</strong>ble obligatoire (19 % des cas).<br />
Si <strong>la</strong> pratique du français est ainsi un atout prouvé <strong>pour</strong> le sa<strong>la</strong>rié dans sa carrière, elle est<br />
également un avantage <strong>pour</strong> l’employeur francophone. Lorsque le personnel local maîtrise le<br />
français, il devient plus « performant », comme le rappelle l’expérience vécue en 2001 par le groupe<br />
Renault : lors de sa fusion avec Nissan, l’usage de l’ang<strong>la</strong>is comme <strong>la</strong>ngue de l’alliance avec le<br />
17
groupe japonais a provoqué un rendement réduit de part et d’autre. En outre, 32 % des filiales<br />
constatent une meilleure fidélisation de leur personnel francophone. Ce qui explique <strong>pour</strong>quoi<br />
certaines, comme celle de PSA en Slovaquie, ont fait de l’apprentissage de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue une condition<br />
d’embauche et offrent (55 %) des cours intensifs à leurs sa<strong>la</strong>riés ; 5 % d’entre elles rendent même ces<br />
cours obligatoires. La filiale d’Air France en République tchèque, elle, préfère le registre incitatif : <strong>la</strong><br />
première année de stage de français est offerte et, une fois le niveau minimum atteint et le test de<br />
connaissances passé, une prime mensuelle est versée.<br />
Former les cadres étrangers à <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue et <strong>la</strong> culture françaises<br />
L’étude de mars 2006 visait également à mesurer si ces entreprises – qui pensent <strong>pour</strong> 99 %<br />
d’entre elles avoir « un rôle à jouer dans le rayonnement de <strong>la</strong> France » – perçoivent leur identité<br />
française ou francophone comme un atout dans <strong>la</strong> compétition mondiale. Les résultats sont<br />
complexes. Certes, 50 % d’entre elles pensent que les enjeux de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong> et de <strong>la</strong> francophilie<br />
sont liés et qu’ils ont un impact sur <strong>la</strong> création de marchés <strong>pour</strong> des produits français, mais seules<br />
42 % d’entre elles mettent leur origine française en avant dans leur communication grand public.<br />
Cet avantage concurrentiel est ainsi quelque peu négligé, à de notables exceptions près, comme<br />
celle du groupe LVMH, qui s’appuie sur l’image de <strong>la</strong> culture française dans le monde du luxe : les<br />
produits vendus à l’étranger gardent leur appel<strong>la</strong>tion française et le centre de formation du groupe,<br />
basé à Londres, forme les cadres étrangers à <strong>la</strong> connaissance de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue et de <strong>la</strong> culture françaises.<br />
Un travail que <strong>la</strong> fondation Renault, créée en 1999, effectue en direction des étudiants des pays où le<br />
constructeur automobile est imp<strong>la</strong>nté.<br />
L’initiative « Oui, je parle français »<br />
C’est forts des résultats de cette enquête et <strong>pour</strong> encourager les entreprises à porter haut les<br />
couleurs francophones que le ministère français des Affaires étrangères (Sous-direction du français),<br />
l’Alliance française, <strong>la</strong> Chambre de commerce et d’industrie de Paris et le Forum francophone des<br />
affaires ont <strong>la</strong>ncé l’initiative « Oui, je parle français » le 26 avril 2006. Elle repose sur l’idée que les<br />
pouvoirs publics et les entreprises françaises ont un rôle complémentaire à jouer dans le rayonnement<br />
de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong> et de <strong>la</strong> francophilie à l’étranger et se présente, concrètement, sous <strong>la</strong> forme d’une<br />
pochette rassemb<strong>la</strong>nt l’offre de formation linguistique et les certifications existantes <strong>pour</strong> évaluer le<br />
niveau en français des personnels. Les entreprises françaises sont invitées à rejoindre l’initiative en<br />
faisant de « Oui, je parle français » un véritable <strong>la</strong>bel.<br />
Pour autant, s’exc<strong>la</strong>me Steve Gentili, « il ne s’agit pas de ne faire des affaires qu’en français !<br />
Il s’agit plutôt de prendre conscience que derrière <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue, il y a des conceptions, des visions du<br />
monde et si nous ne voulons pas que <strong>la</strong> vision anglo-saxonne domine et régisse sans partage <strong>la</strong> vie<br />
économique, il nous revient d’en défendre <strong>la</strong> diversité, <strong>la</strong> pluralité des approches. Le FFA promeut<br />
une vision et une pratique des re<strong>la</strong>tions économiques dans lesquelles se reconnaît le monde <strong>la</strong>tin<br />
notamment. Ce mouvement est ouvert. » Il n’y a pas, précise un haut fonctionnaire de l’OIF, de<br />
modèle économique francophone à proprement parler, mais « une double conception : celle de <strong>la</strong><br />
prééminence de l’économie de marché, liée au modèle des sociétés ouvertes et démocratiques ; celle<br />
de <strong>la</strong> nécessité de régu<strong>la</strong>tions multi<strong>la</strong>térales visant à corriger les déséquilibres historiques entre pays<br />
et les asymétries systémiques nées de leur absence ». Une vision mesurée qui devrait séduire de plus<br />
en plus d’entrepreneurs.<br />
Ariane Poissonnier<br />
Pour en savoir davantage :<br />
• Forum francophone des Affaires : http://www.ffa-int.org/<br />
• « Oui, je parle français » : http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/actions-france_830/<strong>francophonie</strong>-<strong>la</strong>nguefrancaise_1040/<strong>la</strong>ngue-francaise_3094/promouvoir-francais_11827/les-actions-globales_11828/initiativeoui-je-parle-francais-dans-les-entreprises_34699.html<br />
18
N° 508 La vie du français en Europe (1)<br />
06.08.10 Roumanie : une <strong>francophonie</strong> à <strong>la</strong> fois historique et d’avenir<br />
(MFI) Près de deux millions d’élèves apprennent le français de <strong>la</strong> bouche de<br />
14 000 professeurs… Mais l’ang<strong>la</strong>is vient de prendre <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce de première <strong>la</strong>ngue<br />
étrangère enseignée. Les liens forgés par l’histoire entre <strong>la</strong> Roumanie et <strong>la</strong> France,<br />
s’ils se sont quelque peu distendus, <strong>pour</strong>raient cependant être re-tissés par un<br />
partenariat économique en pleine effervescence.<br />
Le français, une <strong>la</strong>ngue réservée a l’élite ? Pas si sûr… Les chiffres publiés par le ministère<br />
roumain de l’Education contredisent cette idée reçue. Actuellement, près de 2 millions d’élèves, soit<br />
42 % de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion sco<strong>la</strong>ire, apprennent le français à l’école. Et le nombre de professeurs de<br />
français dans le pays est de 14 000 – de quoi remplir un stade de taille moyenne. Alors, <strong>pour</strong>quoi <strong>la</strong><br />
presse « élitiste » déplore-t-elle régulièrement « ’américanisation » de <strong>la</strong> jeunesse roumaine et <strong>la</strong> perte<br />
de vitesse du français ? En regardant <strong>la</strong> même étude, on relève tout de même des motifs<br />
d’inquiétude : le français était, jusqu’à il y a quelques années, <strong>la</strong> première <strong>la</strong>ngue enseignée en<br />
Roumanie. Depuis 2001, il a été doublé par l’ang<strong>la</strong>is. De même, on observe un vieillissement du<br />
corps professoral de français : 60 % de celui-ci est âgé de plus de 45 ans, tandis que le <strong>pour</strong>centage<br />
<strong>pour</strong> son homologue de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue ang<strong>la</strong>ise n’est « que » de 38 %…<br />
Pour Cristian Preda, le secrétaire d’Etat chargé de <strong>la</strong> Francophonie, il n’y a pas lieu de<br />
désespérer. « La sensibilité francophone de <strong>la</strong> Roumanie est toujours présente, et il ne serait pas<br />
possible d’effacer l’importance que le français a eu <strong>pour</strong> <strong>la</strong> Roumanie. La <strong>la</strong>ngue est l’outil premier<br />
de transmission d’une culture et plus de deux siècles et demi d’utilisation, de lecture et de mode<strong>la</strong>ge<br />
des institutions roumaines sur des modèles français et belge ont <strong>la</strong>issé des traces ineffaçables. »<br />
Des liens forts et anciens entre Paris et Bucarest<br />
En effet, <strong>la</strong> Roumanie est de longue date attachée à <strong>la</strong> France et à <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong>. Dès le<br />
début du XIX è siècle, pendant les guerres russo-turques qui se dérou<strong>la</strong>ient sur le territoire de <strong>la</strong><br />
future Roumanie, l’aristocratie locale entre en contact, par le biais des Russes, avec <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue et <strong>la</strong><br />
culture françaises. Puis l’éveil de <strong>la</strong> conscience nationale roumaine, qui fait suite au mouvement des<br />
Lumières français, se traduit notamment par deux poussées indépendantistes, vers 1820 puis vers<br />
1848. C’est finalement avec l’appui de Napoléon III, qui intervient en ce sens lors du traité de Paris<br />
de 1856, que <strong>la</strong> Moldavie et <strong>la</strong> Va<strong>la</strong>chie obtiennent <strong>la</strong> reconnaissance de leur union en un État<br />
unique, <strong>la</strong> Roumanie. Le nouvel État est officiellement reconnu en 1861 par les puissances<br />
européennes et les Ottomans, l’indépendance étant formellement proc<strong>la</strong>mée le 10 mai 1877. De<br />
même, pendant <strong>la</strong> Première guerre mondiale, c’est un général français, Henri Berthelot, qui contribue<br />
de manière décisive à <strong>la</strong> reconstruction de l’armée roumaine.<br />
Ce compagnonnage franco-roumain se <strong>pour</strong>suit au siècle suivant : ainsi, <strong>la</strong> constitution<br />
roumaine de 1923 est <strong>la</strong>rgement inspirée du modèle français et le célèbre écrivain et diplomate Paul<br />
Morand constate, en évoquant <strong>la</strong> même époque : « On par<strong>la</strong>it français dans les familles<br />
aristocratiques, on connaissait l’histoire et <strong>la</strong> littérature de <strong>la</strong> France, on lisait les journaux<br />
19
français, on pouvait acheter les dernières parutions littéraires mêmes dans les librairies des villes<br />
de province. » Bucarest était devenu le petit Paris !<br />
Puis, pendant les longues années de dictature communiste, le français représente une forme<br />
de résistance intellectuelle dont l’Institut français de Bucarest est l’un des bastions. Dans son<br />
ouvrage consacré à l’histoire de l’institution, l’historien André Godin témoigne notamment :<br />
« Lorsqu’il y avait des revues litigieuses <strong>pour</strong> le régime, on les cachait, mais elles circu<strong>la</strong>ient<br />
quand même… »<br />
En entreprise, <strong>la</strong> plupart des réunions de direction se font en français<br />
Aujourd’hui, plus question de censure. Les médias francophones sont présents en Roumanie,<br />
que ce soit avec TV5Monde (regardée par un million de personnes au moins une fois par semaine),<br />
RFI-Roumanie (qui émet en français et en roumain à Bucarest et dans d’autres grandes villes du<br />
pays) ou encore Regard, mensuel francophone d’actualités. « La Roumanie, dont le français n’est<br />
pas <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue maternelle, est l’un des pays où <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong> est fortement représentée, avance<br />
Jean-Francois Peres, rédacteur en chef de <strong>la</strong> publication. Quand on se promène en Roumanie, on se<br />
rend vite compte que <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong> n’est pas seulement une affaire linguistique, mais aussi<br />
historique, architecturale et, de façon croissante, économique. »<br />
En effet, <strong>la</strong> France est l’un des principaux partenaires économiques de <strong>la</strong> Roumanie, avec plus<br />
de 325 millions d’euros investis depuis le début de l’année 2006 ; 50 000 Roumains travaillent<br />
actuellement dans des entreprises françaises. Le français est d’ailleurs un atout sur un curriculum<br />
vitae, comme le <strong>la</strong>isse entendre Patrick Gelin, PDG de <strong>la</strong> Banque roumaine <strong>pour</strong> le développement<br />
(groupe Société Générale), deuxième banque du pays : « Au niveau des cadres, en particulier ceux<br />
qui veulent faire carrière, <strong>la</strong> pratique du français est incontournable. La plupart des réunions de<br />
direction se font d’ailleurs en français. » L’Ambassadeur de France en Roumanie, Hervé Bolot,<br />
précise : « On constate que <strong>la</strong> France demeure <strong>la</strong> première destination des étudiants roumains de<br />
troisième cycle. Ce<strong>la</strong> est à l’image de <strong>la</strong> dynamique économique, industrielle et commerciale des<br />
entreprises françaises dans le pays. »<br />
Les 28 et 29 septembre 2006, Bucarest sera <strong>la</strong> première capitale européenne, hormis Paris, à<br />
accueillir un sommet de <strong>la</strong> Francophonie. Le thème de ce XI e sommet est « Les technologies de<br />
l’information dans l’éducation ». Parmi les enjeux, l’annonce possible de <strong>la</strong> création d’une<br />
université francophone dans <strong>la</strong> capitale roumaine.<br />
Luca Niculescu<br />
20
N° 509 La vie du français en Europe (2)<br />
06.08.17 Pologne, Lituanie, Slovénie : une <strong>francophonie</strong> en ébullition<br />
(MFI) Dans ces trois pays membres de l’OIF, les initiatives foisonnent. Focus<br />
sur le projet de c<strong>la</strong>sses francophones en Silésie, les cartes postales chorégraphiques<br />
de Vilnius et <strong>la</strong> préparation de <strong>la</strong> présidence européenne de <strong>la</strong> Slovénie…<br />
Pologne : c<strong>la</strong>sses francophones en Silésie<br />
Le projet « C<strong>la</strong>sses francophones en Silésie » a pris forme. Cinquante professeurs de français<br />
ont introduit un programme pilote dans leurs écoles respectives depuis décembre 2005. Le français a<br />
toujours été étudié par un grand nombre d’élèves en Silésie, où son apprentissage se maintient en<br />
3 e position après celui de l’ang<strong>la</strong>is et de l’allemand, devançant le russe, tandis qu’il est passé au<br />
4 e rang dans <strong>la</strong> plupart des autres régions de <strong>la</strong> Pologne en 2005. D’une durée de trois ans, ce projet<br />
est destiné à tous les collèges, lycées et écoles professionnelles.<br />
Son programme de français renforcé (minimum 4 h/semaine) permet de préparer le bacca<strong>la</strong>uréat<br />
é<strong>la</strong>rgi de français en vue de <strong>pour</strong>suivre des études à l’étranger dans le cadre des programmes<br />
européens. Ses élèves doivent organiser <strong>la</strong> Journée internationale de <strong>la</strong> Francophonie, chaque année,<br />
le 20 mars, coopérer avec les clubs européens et encore participer au volontariat européen en tant que<br />
francophones. Ils sont en contact avec des écoles d’autres pays francophones à travers le monde, ce<br />
qui favorise leur correspondance en français. « Les élèves deviennent ainsi les ambassadeurs de <strong>la</strong><br />
Pologne dans le monde francophone », explique-t-on à <strong>la</strong> Délégation Wallonie Bruxelles à Varsovie,<br />
inspiratrice du projet. Les enseignants, quant à eux, profitent d’une offre de formation continue très<br />
vaste. Ils échangent leurs expériences avec des collègues, créent leurs propres bases de données...<br />
Cette p<strong>la</strong>te-forme entre enseignants de tous niveaux éducatifs est censée augmenter leur efficacité…<br />
et donc le nombre d’apprenants et de diplômés au niveau international.<br />
Dans le cadre de <strong>la</strong> coopération décentralisée, les contacts indirects entre communautés locales<br />
en Silésie et dans d’autres pays francophones sont aussi facilités. Coordonnatrice du projet, <strong>la</strong><br />
directrice adjointe du Collège de formation des maîtres en <strong>la</strong>ngues vivantes de Jastrzębie Zdrój,<br />
Renata Klimek-Kowalska, avait présenté celui-ci au Commissariat général aux Re<strong>la</strong>tions<br />
internationales de <strong>la</strong> Communauté française de Belgique, en février 2006, à Bruxelles, qui depuis a<br />
mis à disposition un conseiller pédagogique <strong>pour</strong> former les enseignants du réseau, é<strong>la</strong>borer le<br />
programme et assister les professeurs. Le tout dans un esprit d’ouverture à <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong>, mettant<br />
l’accent sur les spécificités de <strong>la</strong> culture belge francophone et <strong>la</strong> promotion des re<strong>la</strong>tions belgopolonaises.<br />
Co-auteure du projet et directrice de l’Alliance française de Rybnik, Elzbieta Paniczek<br />
assurera <strong>pour</strong> sa part <strong>la</strong> formation des professeurs chargés de préparer les élèves aux certifications<br />
internationales.<br />
Lituanie : cartes postales chorégraphiques de Vilnius<br />
Dans ce pays observateur de l’OIF où le nombre de locuteurs en français est estimé à 67 520, il<br />
n’existait jusqu’à présent qu’un modeste festival de théâtre francophone destiné aux sco<strong>la</strong>ires et aux<br />
universitaires. Outre un club de débats, l’ambassade de France et le Centre culturel français de<br />
Vilnius, <strong>la</strong> capitale, viennent de <strong>la</strong>ncer un projet d’éducation artistique original, créé en France sur<br />
une idée de <strong>la</strong> chorégraphe Dominique Hervieu <strong>pour</strong> le festival Francofffonies ! Selon des règles du<br />
21
jeu à <strong>la</strong> fois chorégraphiques, musicales et filmiques communes à tous, il sera proposé à des enfants,<br />
avec leurs professeurs de danse, ainsi qu’à des danseurs, de créer des duos intégrant des éléments des<br />
danses traditionnelles lituaniennes à ceux d’une création contemporaine. En 2007, certains duos<br />
seront filmés dans des lieux de rencontre de Vilnius – p<strong>la</strong>ces, rues, musées, ponts – puis envoyés avec<br />
les commentaires des danseurs, tels des « cartes postales » audiovisuelles, sur un site Internet ouvert<br />
aux autres participants du projet disséminés aux quatre coins du monde : Mali, Cambodge, Tunisie,<br />
France… La lecture croisée de ces cartes postales tissera un « art de <strong>la</strong> rencontre », fondé sur un acte<br />
de tolérance esthétique fait de découverte et de partage, dans une authentique expérience de création,<br />
mettant en évidence similitudes et différences culturelles entre les duos du monde.<br />
Slovénie: le P<strong>la</strong>n Présidence <strong>pour</strong> le français, sans tapage ni prétention<br />
Une longue tradition francophile a permis à <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue française de rester présente dans les<br />
milieux culturels et politiques de Slovénie, devenue membre observateur de l’OIF en 1999. En avril<br />
2005, elle a demandé le soutien de <strong>la</strong> France <strong>pour</strong> <strong>la</strong> préparation de sa haute administration à <strong>la</strong><br />
Présidence européenne de 2008 – dont elle entend piloter les rencontres dans toutes les <strong>la</strong>ngues de<br />
l’UE, y compris le français. « La France s’est félicitée de l’ampleur de cette demande sans précédent<br />
historique », commente Dominique Geslin, directeur du Service de coopération et d’action culturelle<br />
à Ljubljana, <strong>la</strong> capitale de <strong>la</strong> Slovénie. L’ambassadrice de France en Slovénie, Dominique Gazuy, a<br />
sollicité l’appui du Secrétaire général de l’OIF, Abdou Diouf, qui s’est réjouit du fait que <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue<br />
française puisse « affirmer sa présence, sa modernité, son importance géopolitique » dans cette<br />
région de l’Europe. C’est ainsi que le 15 novembre 2005, un Memorandum intitulé « P<strong>la</strong>n Présidence<br />
<strong>pour</strong> le Français » a été signé entre <strong>la</strong> Slovénie, <strong>la</strong> Communauté française de Belgique et <strong>la</strong> France.<br />
L’accord prévoit des stages intensifs et extensifs d’ici 2008, ainsi que des sessions d’immersion en<br />
France, en Belgique ou au Luxembourg, ainsi que des simu<strong>la</strong>tions de conférences en <strong>la</strong>ngue<br />
française, à Ljubljana, dès le printemps 2006, <strong>pour</strong> quelque 600 fonctionnaires – dont près de 180 ont<br />
déjà été formés par l’ambassade de France et l’Institut français après l’adhésion de <strong>la</strong> Slovénie à<br />
l’Union européenne (mars 2003).<br />
Depuis janvier 2006, les opérations de formation linguistique extensive (cours collectifs et<br />
individuels) ont déjà permis de former en français environ 350 fonctionnaires slovènes. Près de<br />
1 300 heures ont été effectuées sur un volume global de 3 000 heures réparties sur toute l’année. Un<br />
séminaire de préparation se tient à Paris du 25 au 30 septembre 2006 avec les futurs partenaires<br />
français et portugais, auxquels une douzaine de fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères et<br />
du Bureau des Affaires européennes slovènes participeront. Par ailleurs, l’ambassade de France en<br />
Slovénie organise à Ljubljana, à l’automne 2006, un atelier de simu<strong>la</strong>tion de <strong>la</strong> Présidence. Le p<strong>la</strong>n<br />
OIF a attribué une subvention d’environ 60 000 euros <strong>pour</strong> ce projet, tandis que les Slovènes le<br />
financent à hauteur de 50 %.<br />
« La <strong>la</strong>ngue française en Slovénie, sans tapage ni prétention, se porte plutôt bien et des<br />
promesses de développement sont là, présentes et dynamisantes ! », estime Dominique Geslin.<br />
D’autant que ce nouvel é<strong>la</strong>n francophone ne se réduit pas au seul niveau européen. En amont, une<br />
politique linguistique sur <strong>la</strong> durée, en partenariat entre les deux pays, a pris appui sur <strong>la</strong> réforme du<br />
système éducatif. C’est ainsi qu’en 2005, <strong>la</strong> France a engagé en Slovénie 113 016 euros <strong>pour</strong> <strong>la</strong><br />
coopération éducative, 180 395 euros <strong>pour</strong> <strong>la</strong> coopération universitaire, 97 240 euros <strong>pour</strong> <strong>la</strong><br />
coopération technique et européenne et 67 004 euros <strong>pour</strong> <strong>la</strong> coopération culturelle.<br />
Antoinette De<strong>la</strong>fin<br />
22
N° 510 La vie du français en Europe (3)<br />
06.08.17 République Tchèque, Slovaquie : l’attrait grandissant de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue<br />
(MFI) Dans ces deux pays voisins qui ne faisaient qu’un jusqu’en 1993,<br />
membres de l’OIF, l’envie de français se développe et les motivations en sont aussi<br />
bien culturelles qu’économiques.<br />
République tchèque : Brezen 2006, Frankofonni turné<br />
« C’est <strong>la</strong> première fois que les Tchèques participent aussi activement à l’organisation de <strong>la</strong><br />
tournée de <strong>la</strong> chanson francophone, tant financièrement qu’en termes de mobilisation », raconte<br />
Olivier Gillet, le délégué de <strong>la</strong> Communauté française de Belgique et de <strong>la</strong> Région wallonne en<br />
République tchèque. Il attribue le succès de <strong>la</strong> session de mars 2006 au concours actif de Pavel<br />
Svoboda, le vice-ministre des Affaires étrangères, soulignant que ce dernier a récemment suivi des<br />
cours de français.<br />
Depuis six ans, les partenaires institutionnels et culturels francophones se regroupent <strong>pour</strong><br />
organiser les Journées de <strong>la</strong> Francophonie en République tchèque, une manifestation qui se déroule<br />
sur l’ensemble du mois de mars. « Initiative unique et aventure collective, elle reflète bien et confirme<br />
l’attrait grandissant <strong>pour</strong> <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue et <strong>la</strong> culture francophone dans ce pays. » Manifestations<br />
littéraires, cinématographiques, p<strong>la</strong>stiques et musicales ont lieu dans tout le pays, organisées en<br />
région par les Alliances françaises de Brno, de Bohême du Sud – Ceské Budejovice, de Liberec,<br />
d’Ostrava et de Pzlen, par le Centre français d’Olomouc, par les clubs franco-tchèques de Hradec<br />
Kralové, de K<strong>la</strong>dno, de Pribram et de Zlin, et par l’université de Hradec Kralové…<br />
Cette année, le ministère tchèque des Affaires étrangères, <strong>la</strong> Ville de Prague, les ambassades de<br />
Canada et de Suisse, <strong>la</strong> Délégation Wallonie-Bruxelles, <strong>la</strong> Maison de Bourgogne et l’Institut français<br />
de Prague ont organisé une tournée de <strong>la</strong> chanson francophone. Des artistes de tous horizons ont<br />
conjugué les styles sur près de quinze scènes – chansons à textes, rock, pop, hip-hop –, notamment le<br />
Suisse Michel Bülher, <strong>la</strong> Canadienne Fabio<strong>la</strong> Toupin, <strong>la</strong> Belge Karin Clerq, le groupe français Lool,<br />
<strong>la</strong> formation tchèque Prago Union ou encore le rappeur sénéga<strong>la</strong>is Awadi, Prix RFI Musiques du<br />
Monde 2003. Une brochure attrayante, tirée à 15 000 exemp<strong>la</strong>ires, témoigne de <strong>la</strong> richesse de <strong>la</strong><br />
programmation : certaines manifestations étaient organisées par le festival Afrique en créations,<br />
d’autres soutenues par les ambassades de Roumanie, d’Albanie, de Bulgarie... Un rendez-vous qui<br />
<strong>pour</strong>rait bien devenir incontournable.<br />
Slovaquie : quand l’économie fait apprendre le français<br />
« Depuis son entrée dans l’Union européenne, environ 70 entreprises françaises se sont<br />
imp<strong>la</strong>ntées en Slovaquie, ce qui porte leur nombre à 310 aujourd’hui. » Edouard Meyer, de <strong>la</strong><br />
mission économique française de Bratis<strong>la</strong>va, énumère les noms des sociétés dont <strong>la</strong> plupart semble<br />
avoir suivi l’instal<strong>la</strong>tion de l’unité Peugeot PSA dans <strong>la</strong> ville de Tmava. « La réputation de<br />
l’ancienne Tchécoslovaquie s’est construite sur son industrie métallurgique. Après sa scission avec<br />
<strong>la</strong> République tchèque en 1993, <strong>la</strong> Slovaquie avait beaucoup à offrir à l’Ouest. » Concrètement, il<br />
s’agissait de transformer les usines d’armement en chaînes de production automobile ou de <strong>nouvelle</strong>s<br />
23
technologies. La politique libérale « à <strong>la</strong> Tony B<strong>la</strong>ir » menée jusqu’à présent par le gouvernement<br />
slovaque lui permet d’afficher un taux de croissance annuel de 6 %.<br />
L’arrivée des entreprises européennes a réveillé le goût des <strong>la</strong>ngues des jeunes Slovaques qui y<br />
ont vu des opportunités d’emploi plus avantageuses, et pouvant à terme les emmener à <strong>la</strong> découverte<br />
de l’Ouest. « Jusqu’à <strong>la</strong> chute du Mur de Berlin, <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue russe était obligatoire dans le cursus de<br />
l’Education nationale, l’allemand était toléré, du fait de <strong>la</strong> proximité de l’Autriche et de l’Allemagne,<br />
explique l’un des responsables de l’Institut français de Bratis<strong>la</strong>va. Aujourd’hui, l’ang<strong>la</strong>is tient <strong>la</strong> pôleposition.<br />
Mais de nouveaux cours de <strong>la</strong>ngues sont apparus : italien, espagnol, polonais, ukrainien. »<br />
Désormais, le français talonne le russe en nombre d’étudiants, et <strong>pour</strong>rait même le dépasser grâce à<br />
l’apport des entrepreneurs francophones.<br />
« Peugeot PSA a un programme de formation initiale et permanente incluant des cours de<br />
français, ouvert à tous ses employés, du technicien au cadre, soit environ 2 500 personnes, précise<br />
Catherine Walterski, secrétaire générale de l’Institut et du service de coopération et d’action culturelle<br />
de l’ambassade de France ; et comme le constructeur automobile a entraîné dans son sil<strong>la</strong>ge des<br />
sociétés sous-traitantes françaises, comme Faurecia ou Gefco, leurs employés sont venus grossir les<br />
rangs des étudiants. » La petite école primaire française de Bratis<strong>la</strong>va, qui ne comptait que 9 élèves il<br />
y a trois ans, compte aujourd’hui 89 enfants de parents francophones, venus avec leurs employeurs.<br />
Un niveau collège en re<strong>la</strong>tion avec le Centre national de l’enseignement à distance (CNED) sera<br />
inauguré à <strong>la</strong> rentrée sco<strong>la</strong>ire 2006.<br />
Témoin vivant de ce nouveau type d’échange, Lubomir Jancok (« celui qui embrasse <strong>la</strong> paix »<br />
en slovaque), étudiant en sciences politiques et fondateur de l’association Pont Francophone : « En<br />
neuf mois, nous avons organisé une trentaine d’évènements. Nous nous sommes rendus au Parlement<br />
européen à Strasbourg et avons établi des re<strong>la</strong>tions avec l’Ecole nationale d’administration. »<br />
Interprète occasionnel <strong>pour</strong> <strong>la</strong> Société des Amis de Talleyrand (le ministre de Napoléon a séjourné à<br />
Presbourg – ancien nom de Bratis<strong>la</strong>va – avant d’y signer le traité de paix éponyme), le jeune homme<br />
exerce aujourd’hui ses talents auprès du sidérurgiste Arcelor.<br />
Antoinette De<strong>la</strong>fin et Marion Urban<br />
24
N° 511 La vie du français en Europe (4)<br />
06.08.17 Italie, Portugal : comment <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong> résiste<br />
(MFI) L’Italie comme le Portugal ne sont pas membres de l’OIF, mais ils ont une<br />
tradition ancienne de pratique du français et restent attachés à <strong>la</strong> culture française.<br />
Les deux pays ont connu un recul sensible de l’apprentissage de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue française<br />
chez les jeunes, au profit de l’ang<strong>la</strong>is. Les dispositions européennes favorables à<br />
l’acquisition de plusieurs <strong>la</strong>ngues doivent permettre d’enrayer ce déclin.<br />
Italie : un saut de génération<br />
Valentina parle, avec application, un français presque parfait. Cette jeune Italienne lit beaucoup<br />
de littérature en français, connaît Michel Houellebecq, s’intéresse aussi aux littératures francophones<br />
et déc<strong>la</strong>re avoir été très impressionnée par <strong>la</strong> lecture de Murambi, de l’écrivain Boubacar Boris Diop,<br />
roman (publié en 2004 en italien) sur le génocide rwandais. Valentina est le portrait-type de ces<br />
happy few d’Italie <strong>pour</strong> lesquels <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong> revêt une signification plus ou moins précise.<br />
Heureux élus qui se recrutent presque exclusivement dans les milieux universitaires et aisés, qui<br />
voyagent volontiers et ont séjourné ou vécu à Paris, ont une re<strong>la</strong>tion presque spontanée avec <strong>la</strong> France<br />
et <strong>la</strong> culture française, et qui commencent à s’ouvrir à d’autres réalités culturelles, notamment<br />
africaines. Pour ceux-là, l’année francophone a pu être perçue avec un certain intérêt, grâce à l’effort<br />
consenti par le réseau culturel français (cinq instituts culturels – Florence, Mi<strong>la</strong>n, Naples, Palerme,<br />
Turin – et deux « délégations » culturelles à Bologne et Venise, ainsi que 54 Alliances françaises)<br />
<strong>pour</strong> promouvoir l’idée de <strong>francophonie</strong> au p<strong>la</strong>n culturel.<br />
Toutefois, à l’exemple de <strong>la</strong> seule enc<strong>la</strong>ve officiellement francophone en territoire italien, le Val<br />
d’Aoste où le français est <strong>la</strong>ngue officielle, on a en Italie avant tout une perception linguistique de <strong>la</strong><br />
réalité francophone. De ce point de vue, <strong>la</strong> situation paraît à <strong>la</strong> fois satisfaisante et fragile. En raison<br />
des liens historiques et culturels très riches entre <strong>la</strong> France et l’Italie, <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue française est en bonne<br />
position parmi les <strong>la</strong>ngues internationales pratiquées dans le pays : on estime que l’Italie comprend<br />
19 % de francophones (<strong>la</strong> communauté française s’élèverait à quelque 58 000 personnes), et le<br />
français est <strong>la</strong> deuxième <strong>la</strong>ngue vivante étudiée, en particulier dans l’enseignement secondaire où l’on<br />
compte 735 000 élèves au lycée (soit 21 % du total) en c<strong>la</strong>sses de français. Si l’on ne dispose pas de<br />
statistiques récentes <strong>pour</strong> le supérieur, de nombreux universitaires et intellectuels italiens pratiquent le<br />
français, ou du moins en ont acquis des rudiments.<br />
Reste que tout le monde témoigne d’un recul du français, et d’un saut de génération constaté<br />
comme partout ailleurs en Europe : alors que <strong>la</strong> génération des plus de quarante ans montre une<br />
familiarité plus ou moins grande avec <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue française, les jeunes, eux, ont visiblement<br />
« décroché ». Les espoirs fondés sur <strong>la</strong> loi Moratti – effective depuis <strong>la</strong> rentrée 2005, elle rend<br />
obligatoire l’apprentissage de deux <strong>la</strong>ngues vivantes européennes –, dont on espère qu’elle<br />
consolidera <strong>la</strong> position de seconde <strong>la</strong>ngue du français, demandent à être confirmés. Des observateurs<br />
ne cachent pas un certain scepticisme, d’autres notent, toutefois, que le français résiste assez bien face<br />
à une poussée de l’ang<strong>la</strong>is qui fut encouragée très officiellement par l’ancien gouvernement de Silvio<br />
Berlusconi.<br />
25
Portugal : le français, <strong>la</strong>ngue « chic »… mais difficile et démodée<br />
De « en passant » à « soi-disant », de « mon ami » à « tout court », les expressions françaises<br />
abondent dans les pages des journaux de référence portugais. Le discours direct est souvent truffé de<br />
ces petits mots prononcés avec délice, car ils marquent l’appartenance à l’élite intellectuelle.<br />
Lorsqu’il paraît en couverture d’un magazine d’information réputé, un chef de gouvernement le fait<br />
lisant Le Monde, gage de crédibilité… Du côté des manifestations publiques, les commémorations<br />
(de Jean-Paul Sartre à Jules Verne et Georges Sand) mobilisent les foules <strong>pour</strong> des débats enf<strong>la</strong>mmés<br />
et des rendez-vous comme <strong>la</strong> Fête du cinéma et <strong>la</strong> Fête de <strong>la</strong> musique sont devenus incontournables.<br />
Mais tous ces indices positifs ont leur contrepartie : on déplore alors <strong>la</strong> disparition de chaînes<br />
françaises sur le réseau câblé, <strong>la</strong> diminution des films français, <strong>la</strong> rareté des concerts d’interprètes<br />
contemporains, ou <strong>la</strong> baisse du nombre d’étudiants en français dans le supérieur. Et bien sûr le<br />
Portugal n’échappe pas à l’engouement <strong>pour</strong> l’ang<strong>la</strong>is « utilitaire » au détriment d’un français<br />
autrefois dominant.<br />
Au XIX e siècle, <strong>la</strong> bourgeoisie portugaise choisit d’adopter les us et coutumes de <strong>la</strong> noblesse, et<br />
donc apprend le français, signe d’élégance et de raffinement. La tradition perdure, et à partir de 1947,<br />
alors que l’enseignement se démocratise, le français est étudié durant sept ans au collège, et l’ang<strong>la</strong>is<br />
trois ans. Vingt ans après, une première réforme accorde un statut d’égalité aux deux <strong>la</strong>ngues. En<br />
1989, il n’y a plus de <strong>la</strong>ngue obligatoire, et les élèves ont le choix entre quatre <strong>la</strong>ngues : le français,<br />
l’ang<strong>la</strong>is, l’allemand et l’espagnol. L’ang<strong>la</strong>is est aujourd’hui <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue étrangère <strong>la</strong> plus enseignée,<br />
avec 89,8 % des élèves. Le français arrive en seconde position, avec 54,4 %, caractéristique partagée<br />
dans l’Union par l’Espagne et l’Italie.<br />
Des 30 000 diplômés de l’université qui veulent enseigner, 8 000 sont des professeurs de <strong>la</strong>ngue<br />
(portugais plus une <strong>la</strong>ngue), dont <strong>la</strong> moitié des enseignants de portugais-français. Une situation qui<br />
résulte de <strong>la</strong> chute démographique, du manque d’intérêt des étudiants <strong>pour</strong> les sciences humaines et<br />
de <strong>la</strong> perte d’aura du français. « Désormais c’est l’ang<strong>la</strong>is qui s’enseigne durant <strong>la</strong> quasi totalité de <strong>la</strong><br />
sco<strong>la</strong>rité. Le français et les profs de français se sentent un peu abandonnés », reconnaît Zelia<br />
Sampaio, présidente de l’Association portugaise des professeurs de français, l’APPF. Dans <strong>la</strong> réalité,<br />
il y a presque rupture générationnelle : si l’ang<strong>la</strong>is est incontournable, le français est désormais perçu<br />
comme une <strong>la</strong>ngue difficile et démodée. Et le Portugal n’a pas les moyens d’offrir un choix équitable<br />
entre les 4 <strong>la</strong>ngues étrangères enseignées. L’option retenue de donner un caractère obligatoire à deux<br />
<strong>la</strong>ngues pendant <strong>la</strong> sco<strong>la</strong>rité y est cependant conforme aux objectifs fixés par l’Union européenne.<br />
Thierry Perret et Marie-Line Darcy<br />
26
N° 512 La vie du français en Europe (5)<br />
06.08.17 Allemagne, Royaume-Uni, Suède : <strong>la</strong> force des échanges<br />
(MFI) Bien que l’Allemagne, le Royaume-Uni et <strong>la</strong> Suède ne soient pas<br />
membres de l’OIF, des initiatives visant à promouvoir <strong>la</strong> culture francophone ont été<br />
<strong>la</strong>ncées avec succès dans ces pays. Focus sur le projet France Mobil en Allemagne,<br />
sur un programme de formation croisée des professeurs d’ang<strong>la</strong>is et de français et<br />
sur le festival du film français de Stockholm.<br />
Allemagne : quand les jeunes parlent aux jeunes<br />
L’idée de France Mobil est simple : sensibiliser à <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue française les jeunes Allemands au<br />
sein de leurs écoles, grâce à de jeunes Français passionnés par l’Allemagne et bilingues. A bord de<br />
véhicules contenant des jeux, des vidéos, des cd-roms, des livres et des revues <strong>pour</strong> <strong>la</strong> jeunesse, ainsi<br />
que des brochures touristiques, douze jeunes Français sillonnent depuis septembre 2004 les seize<br />
Länder allemands en se rendant dans des établissements sco<strong>la</strong>ires intéressés, de l’école élémentaire à<br />
<strong>la</strong> c<strong>la</strong>sse terminale. Ce projet a été <strong>la</strong>ncé à l’initiative de l’ambassade de France en Allemagne et de <strong>la</strong><br />
fondation Robert Bosch, qui œuvre <strong>pour</strong> l’amitié franco-allemande. Cette dernière finance les bourses<br />
des intervenants et prend en charge les frais inhérents aux tournées. L’ambassade de France en<br />
Allemagne forme <strong>pour</strong> sa part les intervenants et établit avec les ministres de l’éducation des seize<br />
Länder les priorités des France Mobil.<br />
Renault Nissan Allemagne et le Conseil général de Moselle apportent leur soutien logistique en<br />
mettant à disposition les douze véhicules France Mobil et en finançant les assurances et l’entretien<br />
des véhicules. Des maisons d’édition françaises et allemandes sont également partenaires de<br />
l’opération telles Klett et Pons du côté allemand ou Bayard Jeunesse et l’Ecole des loisirs du côté<br />
français. Mais <strong>pour</strong> les promoteurs du projet, ce qui est vraiment encourageant est l’intérêt croissant<br />
des régions françaises et des Länder allemands. Des partenariats ont été ainsi conclus entre <strong>la</strong> Hesse<br />
et <strong>la</strong> région Aquitaine et les villes de Hambourg et de Marseille. L’initiative de Hambourg a permis<br />
de <strong>la</strong>ncer un nouveau type de France Mobil, consacré aux établissements professionnels.<br />
Le même genre d’opération existe aussi depuis 2000 <strong>pour</strong> promouvoir l’allemand en France<br />
avec les DeutschMobil. Et lorsqu’on fait le bi<strong>la</strong>n de ces actions, on constate que le nombre d’élèves<br />
dans les établissements qui ont reçu <strong>la</strong> visite d’un France Mobil ou d’un DeutschMobil ayant choisi le<br />
français ou l’allemand en première ou deuxième <strong>la</strong>ngue a augmenté de façon significative (entre 25 à<br />
30 %). Il est important de sensibiliser <strong>la</strong> jeune génération et c’est <strong>pour</strong> continuer sur cette <strong>la</strong>ncée qu’a<br />
été créé, en octobre 2004, le Prix des lycéens allemands, inspiré du prix Goncourt des Lycéens.<br />
L’idée est de faire attribuer un prix littéraire lors de <strong>la</strong> Foire du livre de Leipzig par des élèves<br />
allemands qui apprennent le français dans les lycées. Le roman de Marie-Aude Murail, intitulé<br />
Simple, est le <strong>la</strong>uréat 2006.<br />
Royaume-Uni : des échanges de professeurs<br />
Développer les échanges entre enseignants est aussi un bon moyen de faire progresser <strong>la</strong><br />
<strong>francophonie</strong>. C’est ce qui a été réalisé entre <strong>la</strong> France et le Royaume-Uni. A l’origine, il y a les<br />
« accords du Touquet », signés en février 2003 entre les gouvernements français et britannique, et qui<br />
permettent chaque année à 400 enseignants stagiaires français du premier degré et à autant<br />
27
d’enseignants ang<strong>la</strong>is de suivre un stage pratique de quatre semaines dans le pays partenaire. Ces<br />
accords ont été prolongés et développés par un nouvel « arrangement administratif » conclu en juin<br />
2006 lors du 28 e Sommet franco-britannique. Ce texte, qui servira de cadre à <strong>la</strong> coopération éducative<br />
entre les deux pays pendant les quatre années à venir, a <strong>pour</strong> ambition de développer les échanges<br />
dans toutes les voies de l’enseignement sco<strong>la</strong>ire et supérieur. Trois domaines seront privilégiés : <strong>la</strong><br />
formation des enseignants et des personnels d’encadrement, les partenariats sco<strong>la</strong>ires et universitaires<br />
et les échanges sur des thèmes d’intérêt commun, notamment dans le cadre de visioconférences<br />
appelées « café éducation », à raison de trois ou quatre fois par an.<br />
Il reste que <strong>la</strong> Fédération internationale des professeurs de français a tiré <strong>la</strong> sonnette d’a<strong>la</strong>rme<br />
quant à <strong>la</strong> situation de l’enseignement de cette <strong>la</strong>ngue dans les écoles britanniques. Depuis que le<br />
gouvernement ang<strong>la</strong>is a décidé en 2003 de rendre l’étude des <strong>la</strong>ngues étrangères facultative à partir<br />
de <strong>la</strong> c<strong>la</strong>sse de troisième, on a déjà pu remarquer en 2004 un taux d’abandon important entre <strong>la</strong><br />
première et <strong>la</strong> terminale, les effectifs passant de plus de 20 000 à environ 15 000 élèves.<br />
Suède : le cinéma, vecteur de <strong>francophonie</strong><br />
Il existe nombre de vecteurs <strong>pour</strong> le développement de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong>, notamment dans le<br />
domaine artistique, comme le cinéma. C’est le cas avec le Festival du film français de Stockholm,<br />
dont <strong>la</strong> huitième édition a eu lieu en juin 2006. Pendant cinq semaines, <strong>la</strong> capitale suédoise vit à<br />
l’heure francophone et parvient à séduire un public de plus en plus <strong>la</strong>rge – même s’il reste encore très<br />
modeste (8 000 entrées en 2005). Ce festival est organisé par trois partenaires privés suédois : un<br />
producteur (DFM Fiktion), un distributeur de films (Triangel Film, l’un des plus gros acheteurs de<br />
films français en Suède) et un cinéma (Sture) avec le soutien de l’ambassade de France et de <strong>la</strong><br />
Cinémathèque suédoise.<br />
Au programme de l’édition 2006 : une invitée d’honneur, Carole Bouquet, une carte b<strong>la</strong>nche<br />
proposée à Arte <strong>pour</strong> sélectionner des films que <strong>la</strong> chaîne franco-allemande a co-produit et des<br />
soirées suisse et canadienne. La programmation du festival est assez éclectique et comprend des films<br />
qui se veulent différents et vont au-delà de <strong>la</strong> propagande <strong>pour</strong> <strong>la</strong> culture française, explique son<br />
directeur, Olivier Guerpillon. Se côtoient ainsi à l’affiche des films marocains, canadiens, belges,<br />
suisses, tunisiens, thaï<strong>la</strong>ndais, taïwanais, etc. En 2006, le festival s’est étendu également dans trois<br />
autres villes : Göteborg, Lund et Malmö.<br />
Isabelle Verdier<br />
28
N° 513<br />
06.08.10 La Francophonie a-t-elle une vocation européenne ?<br />
(MFI) La tenue du XI e Sommet de <strong>la</strong> Francophonie à Bucarest est l’occasion de<br />
s’interroger sur <strong>la</strong> situation de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue française et l’imaginaire qu’elle véhicule en<br />
Europe. Cinq personnalités du monde des lettres réagissent.<br />
Sophie Képès, écrivain, traductrice : « Une alternative à <strong>la</strong> domination d’une seule <strong>la</strong>ngue »<br />
De <strong>la</strong>ngue maternelle française, j’ai commencé mon parcours d’écrivain avant de devenir<br />
traductrice de hongrois, ma <strong>la</strong>ngue paternelle. Puis j’ai découvert les littératures d’Europe centrale et<br />
balkanique, et leur fréquentation a imprégné et remodelé mon rapport à <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue française et ma<br />
poétique romanesque. A tel point qu’aujourd’hui, je me considère comme un « auteur francophone de<br />
littérature centre-européenne ».<br />
Pendant des siècles, <strong>la</strong> Hongrie a subi le joug politique et culturel de ses puissants voisins<br />
germanique et russe. Pour échapper à leur influence et se revendiquer européens avant tout, les<br />
Occidentalistes (fin XIX e - début XX e ) se sont tournés vers <strong>la</strong> France. Ecrivains, peintres, musiciens<br />
puis photographes étaient francophiles, souvent francophones. Depuis <strong>la</strong> chute du communisme, et<br />
plus encore depuis l’entrée dans l’Union européenne, <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong> se renforce en Hongrie. Elle<br />
représente à nouveau une alternative à <strong>la</strong> domination d’une seule <strong>la</strong>ngue, et à ce titre, elle a un rôle<br />
immense à jouer. A l’inverse, n’oublions jamais que <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue et surtout <strong>la</strong> littérature françaises ont<br />
grand besoin de se frotter aux autres !<br />
Jean-Marie Klinkenberg, professeur à l’université de Liège, membre du Haut conseil de<br />
<strong>la</strong> Francophonie : « La conjoncture permet au français d’être <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue de <strong>la</strong> diversité »<br />
L’Europe ne serait pas elle-même si elle ne respectait pas <strong>la</strong> diversité dont elle a fait une de ses<br />
valeurs. Si le français y a une mission à remplir, c’est celle-là : contribuer à faire contrepoids à <strong>la</strong><br />
massification mondiale. Certes, il n’est pas dans l’essence du français d’être <strong>la</strong> seule <strong>la</strong>ngue à pouvoir<br />
endosser ce rôle, parce qu’elle serait naturellement non alignée, ou qu’elle serait « <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue des droits<br />
de l’homme ». Non seulement aucune collectivité n’est investie d’une mission messianique, mais le<br />
passé de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue française <strong>la</strong> prépare peu à être <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue de <strong>la</strong> diversité. Il se fait toutefois qu’elle<br />
est dans une position conjoncturelle qui lui permet de l’être en ce début de millénaire : d’une part elle<br />
permet l’expression de <strong>la</strong> modernité, et d’autre part, assez forte <strong>pour</strong> être fédératrice et assez faible<br />
<strong>pour</strong> ne pas être universellement dominatrice, elle occupe une position tactique qui lui permet de<br />
mener le combat contre les hégémonies mortifères. Mais ce combat, elle ne <strong>pour</strong>ra le gagner qu’en<br />
nouant des alliances tactiques avec les autres <strong>la</strong>ngues qui sont dans <strong>la</strong> même position : l’allemand,<br />
l’espagnol, le russe…<br />
Sonia Ristic, écrivain croate : « Le français des Lumières <strong>pour</strong> tenter de consoler<br />
l’inconso<strong>la</strong>ble »<br />
Quand j’entends <strong>francophonie</strong>, je pense Afrique. Peut-être parce que le français, qui est depuis<br />
quinze ans ma <strong>la</strong>ngue d’exil et surtout d’écriture, c’est au coeur de l’Afrique que je l’ai rencontré, à<br />
l’âge de six ans. Mais qui peut nier que <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong> est également européenne ? En digne fille<br />
d’une diplomate yougos<strong>la</strong>ve, je pense qu’aujourd’hui, alors que l’ang<strong>la</strong>is reste profondément marqué<br />
29
par <strong>la</strong> logique de l’hyper-puissance, <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong> peut servir l’idéal du non-alignement dans une<br />
Europe encore très po<strong>la</strong>risée. C’est <strong>pour</strong>quoi quand on me demande si <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong> a une vocation<br />
européenne, pendant un instant au moins, j’ai envie de dire oui et d’y croire.<br />
J’ai envie de me souvenir que le français fut <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue des Lumières, qu’il fit rêver de mondes<br />
meilleurs en mettant fin à un régime d’injustices, qu’il y a deux siècles il propagea ces idées à travers<br />
l’Europe et qu’il écrivit <strong>la</strong> Déc<strong>la</strong>ration des droits de l’homme. J’ai envie de croire qu’il peut être à<br />
nouveau <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue du progrès et de l’universel. J’ai envie de rêver d’une Europe qui choisirait le<br />
français des Lumières <strong>pour</strong> tenter de consoler l’inconso<strong>la</strong>ble, <strong>pour</strong> faire taire les bombes à Beyrouth,<br />
à Grozny, à Bagdad.<br />
J’ai envie de rêver d’une <strong>francophonie</strong> qui ne serait plus le cousin pauvre, mais notre mère à<br />
tous, une mère accueil<strong>la</strong>nte, protectrice, généreuse. Oui, je rêve. Mais qui sait ? Peut-être n’est-ce pas<br />
un rêve si fou ? Peut-être... En français, il y a un si joli mot <strong>pour</strong> « peut-être », c’est Inch’Al<strong>la</strong>h.<br />
Boniface Mongo-Mboussa, critique littéraire : « Le procès de <strong>la</strong> face diurne du<br />
colonialisme »<br />
La Francophonie peut jouer en Europe un rôle très important : devenir un espace d’échange<br />
littéraire et intellectuel fécond, un espace de convivialité et de dialogue. Je travaille actuellement avec<br />
Lakis Prodiguis, un grand critique grec francophone : nous méditons sur <strong>la</strong> nécessité de maintenir une<br />
<strong>francophonie</strong> littéraire et intellectuelle dans un monde marqué par le communautarisme et les<br />
revendications identitaires exacerbées.<br />
Comme l’écrit si bien l’auteur grec Théodoropoulos, « <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong> littéraire n’est pas un<br />
projet politique, c’est, avant tout, <strong>la</strong> marque d’une attitude intellectuelle ». C’est au nom de cette<br />
attitude intellectuelle que Diderot a séduit Catherine, impératrice de Russie. C’est au nom de cet<br />
humanisme universel des Lumières que Mongo Beti, Césaire ou Senghor ont instruit le procès de <strong>la</strong><br />
face diurne du colonialisme, prolongeant ainsi le travail de Montesquieu, de Diderot, de Voltaire ou<br />
de l’abbé Grégoire. Une telle <strong>francophonie</strong> a encore toute sa p<strong>la</strong>ce en Europe.<br />
Timur Muhidine, traducteur de turc : « Une <strong>francophonie</strong> thérapeutique ? »<br />
A Istanbul, à Izmir ou à Salonique autour de 1900, on par<strong>la</strong>it certainement plus français que<br />
turc ! De nos jours, <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong> se traduit par une présence forte du français dans l’enseignement<br />
secondaire et par un goût répandu <strong>pour</strong> les émissions de TV5.<br />
La Turquie d’aujourd’hui connaît aussi une francophilie active dans le domaine des sciences<br />
humaines : les traductions de Braudel, Foucault, Deleuze et Derrida occupent le devant de <strong>la</strong> scène<br />
intellectuelle... La psychanalyse a aussi fait son entrée en Turquie sur <strong>la</strong> base du français : les<br />
psychanalystes turcs sont encore <strong>la</strong>rgement formés à Paris et l’Ecole freudienne française domine.<br />
Cette <strong>francophonie</strong>-là serait-elle thérapeutique ?<br />
A défaut de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue française, les Turcs ont peut-être besoin d’un modèle français puisque<br />
leur inconscient porte encore <strong>la</strong> trace de l’esprit des Lumières et de <strong>la</strong> Révolution française. Mais<br />
cette idée-là de <strong>la</strong> France <strong>pour</strong>rait, à l’image du kémalisme qui s’en est beaucoup inspiré, être mise à<br />
mal... Il est à craindre que le renouveau nationaliste mâtiné d’un is<strong>la</strong>m pas toujours modéré que<br />
connaît <strong>la</strong> Turquie aujourd’hui soit moins propice à <strong>la</strong> diffusion de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong>.<br />
Propos recueillis par Tirthankar Chanda<br />
30
N° 514<br />
06.08.16 Demain, un réseau des bibliothèques numériques francophones<br />
(MFI) Annoncée à l’occasion de <strong>la</strong> fête de <strong>la</strong> Francophonie, en mars 2006, <strong>la</strong><br />
création d’un réseau des bibliothèques numériques francophones soulève de<br />
nombreuses questions dont le transfert de technologie n’est qu’un aspect.<br />
« Ce n’est pas par arrogance que nous avons débuté par une réunion des bibliothèques<br />
nationales du Canada, du Québec, de Belgique, du Luxembourg, de <strong>la</strong> France et de <strong>la</strong> Suisse », se<br />
défend Jean-Noël Jeanneney, lorsque, le 8 juin 2006, on l’interroge sur l’absence des pays nonoccidentaux<br />
du projet de bibliothèque numérique francophone, <strong>la</strong>ncé trois mois plutôt. Le directeur de<br />
<strong>la</strong> Bibliothèque nationale de France participe ce jour-là à un débat organisé autour de <strong>la</strong> Table à<br />
pa<strong>la</strong>bres de l’OIF. « A ce stade, précise-t-il, il s’agit de commencer à travailler avec les pays les plus<br />
avancés dans <strong>la</strong> numérisation ; notre priorité est le transfert de technologie, et <strong>la</strong> bibliothèque<br />
d’Alexandrie, qui vient de nous rejoindre dans cette initiative et avec qui nous travaillons depuis<br />
quelques années dans le cadre de <strong>la</strong> BNF, constituera notre projet-pilote. »<br />
Pour l’instant, le propos s’arrête là. Car une multitude de questions se posent dès lors que l’on<br />
évoque les bibliothèques du Maghreb, d’Asie ou d’Afrique francophones : quels formats choisir <strong>pour</strong><br />
<strong>la</strong> mise en ligne, qui les contrôlera ; quels contenus retenir (les plus fragiles ou les plus importants) ;<br />
les documents francophones seront-ils les seuls sélectionnés ou bien y ajoutera-t-on des documents en<br />
<strong>la</strong>ngues nationales (et donc jusqu’où va le respect de <strong>la</strong> diversité culturelle) ; comment constituer les<br />
collections, numériser les cultures orales, s’acquitter des droits d’auteurs ; qui financera ce réseau<br />
compte tenu du manque de moyens des bibliothèques « du Sud », etc., etc. Une réunion est prévue au<br />
début de l’année 2007 <strong>pour</strong> essayer d’y voir plus c<strong>la</strong>ir. Quoiqu’il en soit, <strong>la</strong> constitution de ce réseau<br />
bénéficiera de l’expérience de <strong>la</strong> Bibliothèque numérique européenne. Jean-Noël Jeanneney le définit<br />
déjà comme un « complément naturel » de celle-ci.<br />
La numérisation est moins complexe que <strong>la</strong> construction du réseau<br />
Entamée dans <strong>la</strong> plupart des pays développés au début des années quatre-vingt-dix, <strong>la</strong><br />
numérisation des livres dans les bibliothèques nationales et universitaires répondait avant tout aux<br />
problèmes de conservation, liés aux attaques du temps accentuées par les multiples manipu<strong>la</strong>tions des<br />
consultants. La lecture sur écran d’ordinateur se substituait progressivement aux parfums des reliures,<br />
mais les programmes informatiques et CD-ROMS offraient également un plus <strong>la</strong>rge accès au savoir et<br />
non pas seulement aux chercheurs oeuvrant à sa construction. « Rétrospectivement, je dirais que <strong>la</strong><br />
numérisation n’est pas <strong>la</strong> phase <strong>la</strong> plus complexe », explique Lise Bissonnette, l’actuelle directrice de<br />
Bibliothèque et Archives nationales du Québec, dont les nouveaux locaux ont été inaugurés en 2005 à<br />
Montréal. « La construction d’un réseau est autrement plus longue et tortueuse. Et nous devons agir<br />
vite. »<br />
L’idée de dépasser les murs de <strong>la</strong> bibliothèque et de se raccorder à d’autres centres de ressources<br />
était inhérente à <strong>la</strong> numérisation des livres. Les premiers à s’organiser furent les centres de recherches<br />
et les bibliothèques universitaires. Cependant, <strong>la</strong> mise à disposition en ligne gratuite de textes dits<br />
31
« c<strong>la</strong>ssiques » ou « fondamentaux » par les bibliothèques nationales, conjointement au développement<br />
vertigineux de <strong>la</strong> toile, eut tôt fait d’attirer les convoitises des marchands. En octobre 2004, <strong>la</strong> société<br />
Google (moteur de recherche de internet) annonce ainsi son intention de mettre en ligne gratuitement<br />
15 millions de livres issus de cinq bibliothèques anglo-saxonnes, parmi les plus prestigieuses, ainsi<br />
que des extraits des livres d’auteurs contemporains, en accord avec les éditeurs.<br />
BNUE, TEL : l’Europe contre-attaque<br />
La riposte a été rapide : non seulement du fait des concurrents de Google, mais aussi des Etats.<br />
« Partout dans le monde, on a accéléré <strong>la</strong> numérisation. » La main sur le cœur, Lise Bissonnette<br />
assure que les bibliothèques nationales le font dans un « esprit d’enrichissement culturel ». Dès janvier<br />
2005, Jean-Noël Jeanneney analysait cependant le défi de Google comme celui de « <strong>la</strong> domination<br />
écrasante de l’Amérique dans <strong>la</strong> définition de l’idée que les prochaines générations se feront du<br />
monde ».<br />
La bibliothèque numérique européenne (Bnue) est aujourd’hui en marche. Quarante-cinq<br />
bibliothèques, réparties dans les 25 pays de l’Union européenne ont adhéré au projet. Beaucoup<br />
d’entre elles vont reverser au fonds commun des ouvrages déjà numérisés. Mais, dorénavant, on<br />
travaille en sélectionnant des livres et images qui peuvent présenter un intérêt <strong>pour</strong> l’ensemble de<br />
l’Europe. La décision de créer un portail spécifique Bnue n’a pas encore été prise ; <strong>pour</strong> l’heure,<br />
chaque bibliothèque propose les « c<strong>la</strong>ssiques » sur son propre site. Suivront les dictionnaires et les<br />
ouvrages scientifiques, avant d’en arriver aux collections de journaux européens. Mais <strong>la</strong> Commission<br />
européenne souhaiterait que le projet soit plus identifiable, en utilisant le site de « The European<br />
Library » (TEL), déjà existant.<br />
La France contribuera à hauteur de 200 000 ouvrages. En 2006, environ 30 000 ouvrages de <strong>la</strong><br />
bibliothèque numérique française Gallica ont été « OCRisés »*, et en 2007, un budget de 10 millions<br />
d’euros sera consacré à <strong>la</strong> numérisation d’environ 120 000 ouvrages. Chaque pays européen gère ses<br />
financements de façon indépendante. Des mécènes privés y participent. Actuellement, le rythme de<br />
numérisation de l’ensemble de <strong>la</strong> BNUE est d’environ 400 000 ouvrages par an.<br />
Marion Urban<br />
A consulter :<br />
- La fourniture de services de bibliothèque à l’ère numérique : opportunités et menaces <strong>pour</strong> les bibliothèques d’Afrique.<br />
Kgomotso Mohai. Août 2003, http://www.if<strong>la</strong>.org/IV/if<strong>la</strong>69/papers/097f_trans-Moahi.pdf<br />
- www.theeuropeanlibrary.org<br />
- www.booksgoogle.com<br />
* OCR signifie Optical Character Recognition, reconnaissance optique de caractères. OCRiser signifie traiter un<br />
document préa<strong>la</strong>blement numérisé avec un logiciel permettant d’obtenir sa version textuelle et non pas seulement son<br />
image. Le taux de reconnaissance est variable en fonction de l’original, mais dans tous les cas insuffisant ; il faut donc<br />
ensuite faire vérifier l’ensemble du texte obtenu par un œil humain.<br />
32
N° 515<br />
06.08.10 Politiques migratoires : <strong>la</strong> Francophonie, <strong>la</strong>boratoire d’idées<br />
(MFI) De par <strong>la</strong> diversité de ses membres, l’ensemble francophone peut constituer<br />
un véritable <strong>la</strong>boratoire d’idées sur le phénomène migratoire. Les principaux pays<br />
d’accueil tels que <strong>la</strong> France, le Canada, <strong>la</strong> Belgique ou <strong>la</strong> Suisse mènent leurs propres<br />
politiques avec cependant des axes communs, tandis que les pays francophones<br />
d’Afrique et d’Europe de l’Est, eux, sont confrontés au départ ou au transit des<br />
candidats à l’émigration.<br />
Alors que <strong>la</strong> conférence euro-africaine de Rabat sur l’immigration et le développement des 10 et<br />
11 juillet 2006 (1) instaurait une coopération accrue entre pays d’origine, de transit et de destination, <strong>la</strong><br />
Francophonie, qui réunit ces trois types de pays, constitue un cadre idéal d’échanges d’expériences et<br />
d’idées.<br />
On retrouve certaines constantes dans <strong>la</strong> politique migratoire des principaux pays d’accueil<br />
francophones (Belgique, Canada, France, Suisse). Ainsi, l’idée de <strong>la</strong> sélection des candidats à<br />
l’immigration, déjà <strong>la</strong>rgement pratiquée. Au Canada, les ministres territoriaux, provinciaux et fédéral<br />
chargés des questions d’immigration ont, en novembre 2005, p<strong>la</strong>cé parmi leurs cinq priorités-clés une<br />
meilleure sélection des immigrants avec <strong>la</strong> création d’une <strong>nouvelle</strong> catégorie économique destinée à<br />
retenir les personnes qui possèdent une expérience de travail ou qui ont reçu une formation au Canada.<br />
En France, <strong>la</strong> deuxième (après celle de novembre 2003) loi sur l’immigration présentée par le<br />
ministre de l’Intérieur Nico<strong>la</strong>s Sarkozy, adoptée le 21 juillet 2006, prévoit une carte de séjour<br />
" Compétences et Talents " destinée à attirer, entre autres, des chercheurs et des étudiants. Cette loi<br />
prévoit également de <strong>nouvelle</strong>s restrictions <strong>pour</strong> les migrations familiales, au contraire du Canada qui,<br />
lui, a investi en 2005 dans un programme de deux ans destiné à accélérer le traitement des demandes<br />
de parents et des grands-parents au titre du regroupement familial.<br />
Autre constante des pays d’accueil francophones : une politique contraignante d’intégration. La<br />
Suisse a ainsi adopté fin 2005 une loi qui prévoit des « cours d’intégration » obligatoires <strong>pour</strong><br />
l’immigrant. Selon ce texte, les autorités devront prendre en compte le degré d’intégration du<br />
demandeur <strong>pour</strong> prolonger ou accorder les permis de séjour. La même politique est suivie par <strong>la</strong><br />
France avec <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce, depuis janvier 2004, des Contrats d’accueil et d’intégration (CAI). Pour<br />
sa part, <strong>la</strong> Belgique a accordé en 2004 un droit de vote aux élections communales aux étrangers non<br />
européens établis sur le territoire belge depuis cinq ans au moins.<br />
En Europe de l’Est, de nouveaux équilibres se forment<br />
Du côté des pays francophones d’origine de l’immigration, deux grands champs géographiques<br />
existent : l’Afrique (avec comme principaux pays émetteurs le Maroc, les deux Congo, le Mali et le<br />
Sénégal) et l’Europe de l’Est. Dans cette dernière zone, de nouveaux équilibres migratoires<br />
apparaissent à <strong>la</strong> suite de l’intégration, en 2004, de huit nouveaux pays au sein de l’Union européenne,<br />
dont six sont également membres observateurs (*) de <strong>la</strong> Francophonie : Estonie, Hongrie*, Lettonie,<br />
Lituanie*, Pologne*, République tchèque*, Slovaquie* et Slovénie*. L’intégration prochaine au sein<br />
33
de l’Europe de <strong>la</strong> Bulgarie et de <strong>la</strong> Roumanie, membres à part entière de l’OIF et grands <strong>pour</strong>voyeurs<br />
de main d’œuvre en Europe (majoritairement en Espagne et en Grèce <strong>pour</strong> <strong>la</strong> Bulgarie et en<br />
Allemagne et en Italie <strong>pour</strong> <strong>la</strong> Roumanie), devrait bouleverser un peu plus <strong>la</strong> donne. La Bulgarie<br />
comme <strong>la</strong> Roumanie se préparent en effet à devenir les <strong>nouvelle</strong>s frontières de l’Europe et adoptent<br />
des procédures beaucoup plus strictes de contrôle des flux migratoires.<br />
Quant aux pays de transit de l’immigration, ils sont de plus en plus nombreux, étant bien souvent<br />
également pays d’origine. C’est d’ailleurs parce qu’il était confronté à cette double réalité que le<br />
Maroc a été à l’initiative de <strong>la</strong> conférence euro-africaine de Rabat. Pour pallier <strong>la</strong> fuite des cerveaux<br />
africains vers l’Europe, les participants à cette conférence ont prôné, entre autres, une intensification<br />
des échanges entre universitaires du Nord et du Sud ainsi qu’une plus grande facilité de circu<strong>la</strong>tion des<br />
étudiants et des hommes d’affaires : des actions déjà entreprises par les structures francophones. Les<br />
nombreuses discussions en cours au sein de l’OIF sur ces thèmes – qui sont au cœur de l’actualité<br />
internationale, comme l’illustre le Dialogue de haut niveau sur les migrations internationales et le<br />
développement des 14 et 15 septembre 2006 à l’assemblée générale des Nations unies – ne peuvent<br />
qu’être amenées à se formaliser.<br />
Isabelle Verdier<br />
(1) Conférence organisée à l’initiative du Maroc, de l’Espagne et de <strong>la</strong> France, avec <strong>la</strong> participation de l’Union<br />
européenne et de l’Union africaine.<br />
Les flux migratoires dans les pays francophones<br />
(MFI) A <strong>la</strong> lecture du dernier rapport* de l’OCDE sur les migrations, on constate que dans les<br />
principaux pays d’accueil francophones, les flux migratoires sont économiques avant d’être<br />
linguistiques. Pays d’immigration par excellence, le Canada accueille ainsi en majorité des étrangers<br />
originaires d’Asie : sur un total de 236 000 entrées étrangères en 2004, on comptait ainsi<br />
36 000 Chinois, 26 000 Indiens et seulement 6 000 Roumains et 5 000 Français. De même, les liens<br />
linguistiques ne jouent pas <strong>pour</strong> l’immigration vers <strong>la</strong> Suisse : ce sont les Allemands et les Portugais<br />
qui arrivent en tête des entrées avec respectivement 18 000 et 14 000 ressortissants sur un total de<br />
96 000 en 2004.<br />
Le critère de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue française et les liens historiques ont malgré tout une influence <strong>pour</strong> <strong>la</strong><br />
France et <strong>la</strong> Belgique. Sur un total de 134 000 entrées d’étrangers en France en 2004, les Algériens<br />
(27 000) et les Marocains (22 000) arrivent ainsi <strong>la</strong>rgement en tête. On retrouve ensuite les<br />
ressortissants de Tunisie, du Congo-Brazzaville, d’Haïti, du Sénégal, du Mali et de <strong>la</strong> Roumanie.<br />
Enfin, en Belgique, qui n’a comptabilisé que 72 000 entrées d’étrangers en 2004, les Français et les<br />
Marocains font partie du trio de tête avec respectivement 9 500 et 8 000 personnes. Viennent ensuite<br />
dans une proportion moindre les ressortissants de Pologne, de Roumanie et de <strong>la</strong> République<br />
démocratique du Congo.<br />
* Perspectives des migrations internationales, <strong>Organisation</strong> de coopération et de développement économiques,<br />
Sopemi 2006.<br />
34
B 5617 LE FRANÇAIS EN EUROPE 2006.08.10<br />
(MFI) Le nombre de francophones<br />
diminue sur le vieux continent. Au banc<br />
des accusés : <strong>la</strong> facilité du « tout-ang<strong>la</strong>is »,<br />
le déclin des <strong>la</strong>ngues vivantes dans les<br />
différents systèmes sco<strong>la</strong>ires, mais aussi <strong>la</strong><br />
moindre p<strong>la</strong>ce de <strong>la</strong> France en Europe.<br />
Maîtriser le français constitue <strong>pour</strong>tant<br />
un atout professionnel et l’attrait culturel<br />
de l’Hexagone reste vif.<br />
« Qu’est-ce qui fait du français <strong>la</strong><br />
<strong>la</strong>ngue universelle de l’Europe ? » Telle<br />
était <strong>la</strong> question posée au concours d’entrée<br />
à l’Académie diplomatique de Berlin… en<br />
1784. Il serait aujourd’hui présomptueux de<br />
proposer le même sujet d’examen aux futurs<br />
ambassadeurs allemands. Mieux vaudrait les<br />
faire réfléchir à <strong>la</strong> seconde question posée au<br />
même concours : « Peut-on présumer que <strong>la</strong><br />
<strong>la</strong>ngue française conservera cette<br />
suprématie ? » Aujourd’hui, <strong>la</strong> réponse est<br />
facile : elle est négative. Selon le Haut<br />
Conseil de <strong>la</strong> Francophonie en effet, ces<br />
trois dernières années un quart des élèves<br />
apprenant le français en Europe ont disparu,<br />
passant de 36 à 28 millions.<br />
Un constat suffisamment inquiétant <strong>pour</strong><br />
que <strong>la</strong> Fédération internationale des<br />
professeurs de français décide de consacrer<br />
un congrès à ce sujet, en novembre prochain<br />
à Vienne. Comme l’explique sa secrétaire<br />
générale, Martine Defontaine : « Dans <strong>la</strong><br />
plupart des pays européens, on assiste à une<br />
baisse du nombre d’heures dévolues à<br />
l’enseignement du français, à une réduction<br />
des budgets <strong>pour</strong> <strong>la</strong> création de filières<br />
spécialisées, à <strong>la</strong> suppression de postes de<br />
professeurs. Une logique utilitaire favorise<br />
le tout-ang<strong>la</strong>is. » Au-delà du seul cas du<br />
français, le problème est celui du statut des<br />
<strong>la</strong>ngues étrangères dans l’enseignement.<br />
Tous les pays n’imposent pas<br />
l’apprentissage de deux <strong>la</strong>ngues vivantes à<br />
l’école. Souvent <strong>la</strong> deuxième <strong>la</strong>ngue n’est<br />
qu’une option qui se retrouve en<br />
concurrence avec l’informatique, le théâtre<br />
ou les arts p<strong>la</strong>stiques. Lorsque deux <strong>la</strong>ngues<br />
sont obligatoires, le français défend<br />
généralement sa p<strong>la</strong>ce, devant l’allemand et<br />
l’espagnol. Mais lorsque les élèves n’ont<br />
qu’une seule <strong>la</strong>ngue à choisir, c’est presque<br />
toujours l’ang<strong>la</strong>is – perçu avec raison<br />
comme <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue de communication<br />
internationale – qui a leur préférence.<br />
D’autant que – impératif budgétaire ou<br />
choix pédagogique – de nombreuses écoles<br />
à travers le vieux continent n’offrent pas<br />
d’autres possibilités.<br />
Apprendre obligatoirement deux<br />
<strong>la</strong>ngues européennes<br />
Pourtant en mars 2000, réunis à<br />
Barcelone, les chefs d’Etat et de<br />
gouvernement de ce qui était alors l’Europe<br />
des Quinze avaient approuvé l’obligation<br />
d’apprendre dans le secondaire au moins<br />
deux idiomes européens en plus de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue<br />
maternelle. Ce<strong>la</strong> afin d’encourager les<br />
échanges culturels, <strong>la</strong> mobilité<br />
professionnelle et l’intégration régionale. Six<br />
ans après, force est de déchanter. La seconde<br />
<strong>la</strong>ngue vivante est devenue optionnelle en<br />
Grèce, au Danemark, en Autriche, en Italie,<br />
dans plusieurs provinces espagnoles… Sans<br />
compter les pays où elle l’était déjà<br />
(Norvège, Ir<strong>la</strong>nde, Hongrie…) A chaque<br />
fois, le français en pâtit. En outre, appliquer<br />
trop strictement <strong>la</strong> déc<strong>la</strong>ration de Barcelone<br />
n’a pas toujours favorisé <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue de<br />
Molière. Ainsi le gouvernement autonome<br />
de Catalogne avait décidé que les deux<br />
<strong>la</strong>ngues européennes obligatoires seraient<br />
l’ang<strong>la</strong>is et l’espagnol, les élèves suivant<br />
leurs cours en cata<strong>la</strong>n. Il a depuis assoupli sa<br />
position. Mais <strong>la</strong> revendication croissante<br />
d’une Europe des régions verra le problème<br />
se reposer à terme. L’Italie a aussi joué les<br />
trublions. Le précédent Premier ministre,<br />
Silvio Berlusconi, avait imposé un décret<br />
– le décret 25 – instituant <strong>la</strong> possibilité <strong>pour</strong><br />
les écoles de remp<strong>la</strong>cer <strong>la</strong> seconde <strong>la</strong>ngue<br />
par des heures supplémentaires d’ang<strong>la</strong>is<br />
afin qu’au terme de leur sco<strong>la</strong>rité, les enfants<br />
« parlent aussi bien ang<strong>la</strong>is qu’italien » <strong>pour</strong><br />
reprendre les termes du Cavaliere. Les<br />
protestations tant des enseignants, des<br />
parents d’élèves que des ambassades de<br />
pays francophones, ont contraint les<br />
autorités transalpines à abroger ce décret en<br />
janvier 2006. Quant au Royaume-Uni,<br />
même <strong>la</strong> première <strong>la</strong>ngue vivante n’est<br />
obligatoire que les deux premières années<br />
du secondaire. Le français est certes le<br />
premier choix, mais est vite abandonné.<br />
Le français, deuxième <strong>la</strong>ngue<br />
maternelle dans l’Union européenne<br />
après l’allemand<br />
Souvent peu encourageant, le panorama<br />
du français en Europe mérite cependant<br />
d’être affiné. Tout n’est pas sombre<br />
évidemment. Le français reste, totalement<br />
ou <strong>pour</strong> partie, <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue maternelle de cinq<br />
pays européens : <strong>la</strong> France, <strong>la</strong> Belgique, <strong>la</strong><br />
Suisse, le Luxembourg et Monaco, auquel<br />
s’ajoute le cas particulier d’Andorre. Soit<br />
environ 70 millions de personnes. Le<br />
français est ainsi <strong>la</strong> deuxième <strong>la</strong>ngue<br />
maternelle dans l’Union européenne, après<br />
l’allemand (92 millions de locuteurs), mais<br />
devant l’ang<strong>la</strong>is (64 millions). Par contre, à<br />
en croire l’office statistique de l’UE, en<br />
additionnant <strong>la</strong>ngue maternelle et <strong>la</strong>ngue<br />
étrangère, l’ang<strong>la</strong>is est parlé (plus ou moins<br />
bien) par 56,4 % des Européens, l’allemand<br />
par 32 %, le français par 28 %, l’italien par<br />
18 % et l’espagnol par 15 %. Certains se<br />
réjouiront aussi que l’enseignement du<br />
français est obligatoire dans plusieurs pays :<br />
<strong>la</strong> partie f<strong>la</strong>mande de <strong>la</strong> Belgique (alors que<br />
le néer<strong>la</strong>ndais n’est pas obligatoire en<br />
Wallonie), <strong>la</strong> Roumanie, l’Albanie, Jersey,<br />
quelques länder allemands… « Il ne s’agit<br />
parfois qu’une heure ou deux par semaine,<br />
notamment en primaire. C’est satisfaisant,<br />
mais pas synonyme d’un effort à long terme<br />
en faveur du français », avertit-on au<br />
ministère français des Affaires étrangères.<br />
Enfin, à <strong>la</strong> question « Quelles sont les deux<br />
<strong>la</strong>ngues les plus utiles en dehors de votre<br />
<strong>la</strong>ngue maternelle ? », 69 % des<br />
ressortissants de l’Union européenne<br />
répondent l’ang<strong>la</strong>is, 37 % le français et 26 %<br />
l’allemand. Le français est presque toujours<br />
<strong>la</strong> deuxième <strong>la</strong>ngue étrangère enseignée<br />
après l’ang<strong>la</strong>is dans l’UE ; en moyenne,<br />
32 % des élèves l’apprennent.<br />
Des pays encore très francophones…<br />
Pour les défenseurs de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong>,<br />
les motifs de satisfaction existent donc. En <strong>la</strong><br />
matière, le bon élève toujours cité est <strong>la</strong><br />
Roumanie. On y compte 1,7 million de<br />
francophones – soit 8 % de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion –<br />
et 4,4 millions de personnes pouvant se<br />
« débrouiller » dans <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue. Record<br />
d’Europe ! Près de deux millions d’élèves<br />
apprennent le français au collège et au lycée.<br />
Soixante établissements proposent des<br />
sections bilingues et trente universités des<br />
filières francophones. La Roumanie est l’un<br />
des rares pays européens où le français peut<br />
être choisi comme première <strong>la</strong>ngue vivante à<br />
l’école. « Evidemment, l’ang<strong>la</strong>is prend une<br />
importance croissante, surtout en ville. Mais<br />
le niveau des élèves en français reste<br />
excellent car ils commencent à l’étudier dès<br />
l’âge de 10 ans », se félicite Mariana<br />
Perisanu, professeur à l’Institut français de<br />
Bucarest.<br />
Autre pays source de satisfaction : <strong>la</strong><br />
Moldavie, où le quart des 4,5 millions<br />
d’habitants se déc<strong>la</strong>rent francophones. Du<br />
primaire à l’université, 400 000 étudiants<br />
apprennent le français (72 % des collégiens).<br />
Dans l’ensemble du pays, 113 écoles<br />
proposent des sections de « français<br />
renforcé » avec au moins cinq heures de<br />
cours par semaine. Comme en Roumanie,<br />
c’est <strong>la</strong> tradition historique et le fait que <strong>la</strong><br />
<strong>la</strong>ngue nationale soit d’origine <strong>la</strong>tine qui<br />
expliquent ce succès du français.<br />
On peut encore citer dans le peloton de<br />
tête européen de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue française<br />
l’Albanie, <strong>la</strong> Macédoine et <strong>la</strong> Bulgarie qui,<br />
tous trois, revendiquent 10 % de<br />
francophones. Plus au nord, 3 % des<br />
Polonais – soit 1,2 million de personnes – se<br />
disent aussi totalement ou partiellement à<br />
l’aise en français. Mais dans ce dernier pays,<br />
l’effondrement du russe depuis 1989 a<br />
surtout profité à l’ang<strong>la</strong>is et à l’allemand<br />
(2,3 millions d’enfants apprennent<br />
l’allemand contre 300 000 seulement le<br />
français).<br />
Les esprits chagrins noteront que,<br />
Pologne excepté, ces pays francophiles ne<br />
sont pas de grands bassins de popu<strong>la</strong>tion, ni<br />
des sphères d’influence politique et<br />
économique déterminantes.<br />
La deuxième <strong>la</strong>ngue étrangère étudiée<br />
après l’ang<strong>la</strong>is<br />
Ailleurs en Europe, le français est<br />
quasiment partout <strong>la</strong> deuxième <strong>la</strong>ngue<br />
étrangère étudiée après l’ang<strong>la</strong>is. Mais il doit<br />
faire face à <strong>la</strong> forte concurrence de<br />
l’allemand en Europe de l’Est (République<br />
tchèque, Hongrie) et aux Pays-Bas. Certes,<br />
certains chiffres sont impressionnants,<br />
comme ces 2 millions d’élèves au<br />
Royaume-Uni et en Allemagne, 1,6 million<br />
35
en Italie et en Espagne, plus d’1 million en<br />
Russie. Mais ce<strong>la</strong> n’est pas synonyme<br />
d’études tout au long de <strong>la</strong> sco<strong>la</strong>rité ni de<br />
nombre d’heures de cours conséquent.<br />
Quant à devenir parfaitement<br />
francophones… Ainsi 77 % des petits Grecs<br />
apprennent le français au collège, mais à<br />
peine 15 % au lycée. Même <strong>la</strong> Suisse – dont<br />
20 % de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion a le français <strong>pour</strong><br />
<strong>la</strong>ngue maternelle – fait de <strong>la</strong> résistance ; les<br />
cantons de Zurich et d’Appenzell ont décidé<br />
que, des deux <strong>la</strong>ngues non-maternelles<br />
enseignées en primaire, l’ang<strong>la</strong>is serait<br />
prioritaire sur le français.<br />
L’ouverture sur le monde de <strong>la</strong> Russie et<br />
de ses ex-satellites après 1989 n’a guère<br />
profité à <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong>. Au contraire.<br />
L’ang<strong>la</strong>is n’est plus <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue de l’ennemi,<br />
mais celle de <strong>la</strong> communication, des<br />
voyages et des affaires. L’allemand<br />
bénéficie d’une proximité historique et<br />
géographique, et de son image de <strong>la</strong>ngue des<br />
investisseurs. En comparaison, l’aura<br />
culturelle et artistique du français semble<br />
insuffisante à rétablir l’équilibre. On est loin<br />
de l’époque où, en Russie, il était de bon ton<br />
dans <strong>la</strong> haute société de ne parler qu’en<br />
français, même en famille et surtout <strong>pour</strong><br />
déc<strong>la</strong>rer son amour. Dans Guerre et Paix de<br />
Léon Tolstoï, un personnage affirme que<br />
« même étant né en Russie, je pense en<br />
français ». Plusieurs grands écrivains<br />
moscovites ont d’ailleurs écrit leur œuvre<br />
parallèlement en russe et en français. Cette<br />
époque est révolue. Aujourd’hui, malgré<br />
9000 professeurs d’un excellent niveau,<br />
seuls 4,9 % des collégiens et lycéens<br />
apprennent le français, contre 74,4 %<br />
l’ang<strong>la</strong>is et 20,1 % l’allemand. Il existe<br />
cependant en Russie une centaine d’écoles<br />
secondaires à horaire renforcé de français,<br />
accueil<strong>la</strong>nt 29 000 élèves. Ce phénomène de<br />
transfert du français vers l’ang<strong>la</strong>is se<br />
constate aussi en Lituanie, en Lettonie, en<br />
Estonie, en Ukraine, en Croatie, en Slovénie,<br />
en Hongrie… Mais c’est en Scandinavie<br />
que le français est le plus mal loti. En Suède,<br />
Fin<strong>la</strong>nde, Danemark et Norvège, <strong>la</strong><br />
deuxième <strong>la</strong>ngue enseignée – quant elle<br />
existe – après l’ang<strong>la</strong>is est généralement un<br />
autre idiome scandinave. Le français est<br />
lingua incognita.<br />
L’Union européenne, mauvais élève<br />
de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong><br />
La situation de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue française reflète<br />
– plus ou moins fidèlement – <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce de <strong>la</strong><br />
France en Europe. Le « non » au référendum<br />
sur <strong>la</strong> constitution, en mai 2005, n’a pas aidé<br />
les zé<strong>la</strong>teurs de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong>. « Difficile<br />
de dire non à l’Europe, puis d’exiger des<br />
Européens qu’ils apprennent votre <strong>la</strong>ngue »,<br />
souligne un observateur. Lorsque <strong>la</strong><br />
Communauté économique européenne voit<br />
le jour en 1957, trois des six pays fondateurs<br />
partagent le français comme <strong>la</strong>ngue<br />
maternelle. Mais à chaque é<strong>la</strong>rgissement, <strong>la</strong><br />
<strong>la</strong>ngue de l’Hexagone perd<br />
proportionnellement de l’influence. Une<br />
étude de mai 2004 a montré que seuls 4 %<br />
des décideurs (fonctionnaires, chefs<br />
d’entreprises, journalistes) des dix nouveaux<br />
Etats membres par<strong>la</strong>ient français, mais 14 %<br />
allemand et 82 % ang<strong>la</strong>is. Certes le français<br />
est, avec l’ang<strong>la</strong>is et l’allemand, <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue de<br />
travail de <strong>la</strong> Commission de Bruxelles. Mais<br />
en 1996, 44 % des documents<br />
communautaires étaient rédigés directement<br />
en ang<strong>la</strong>is et 38 % en français ; dix ans plus<br />
tard, ces <strong>pour</strong>centages sont respectivement<br />
de 58 % et 28 %. Dans les couloirs de<br />
Bruxelles ou Strasbourg, on parle ang<strong>la</strong>is et<br />
les réunions sont conduites dans <strong>la</strong> même<br />
<strong>la</strong>ngue. « C’est plus simple <strong>pour</strong> tout le<br />
monde. En 1957, <strong>la</strong> Cee avait quatre<br />
<strong>la</strong>ngues officielles ; aujourd’hui, l’Union<br />
européenne en compte vingt, soit 421<br />
combinaisons de traduction. Aller trouver<br />
un interprète maltais-finnois ou polonaissuédois.<br />
Passer par l’ang<strong>la</strong>is est un gain de<br />
temps et d’argent. Le multilinguisme est un<br />
beau projet, mais il se heurte au principe de<br />
réalité », insiste un haut fonctionnaire<br />
européen. Sur certains sites Internet des<br />
institutions européennes, les informations ne<br />
sont publiées qu’en ang<strong>la</strong>is ; c’est<br />
notamment le cas des pages de <strong>la</strong> Banque<br />
centrale européenne. « Lorsque des émeutes<br />
éc<strong>la</strong>tent dans les banlieues, que les gens<br />
affichent leur morosité et les élus leur<br />
euroscepticisme, <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue française perd<br />
des points. Par contre, lorsque l’équipe de<br />
France arrive en finale de <strong>la</strong> coupe du<br />
monde, qu’Airbus gagne des parts des<br />
marché, que des films comme Le fabuleux<br />
destin d’Amélie Pou<strong>la</strong>in attirent des millions<br />
de spectateurs, alors le français séduit à<br />
nouveau », souligne le même fonctionnaire.<br />
Défendre systématiquement le<br />
multilinguisme<br />
Face à ce déclin du français en Europe –<br />
déclin accentué par <strong>la</strong> faible natalité dans <strong>la</strong><br />
région – les réactions sont multiples. Pour le<br />
député Michel Herbillon, auteur en juin<br />
2005 d’un rapport parlementaire intitulé Les<br />
<strong>la</strong>ngues dans l’Union européenne : <strong>pour</strong><br />
une Europe en VO, « le combat frontal du<br />
français contre l’ang<strong>la</strong>is est inutile ; il est<br />
déjà perdu. Le déclin du français n’est pas<br />
une fatalité cependant ; il ne faut pas lutter<br />
contre l’ang<strong>la</strong>is, mais promouvoir le<br />
français ». Et le député de préconiser un<br />
respect strict des règles du multilinguisme<br />
parmi les 25 en s’opposant à toute réunion<br />
sans traduction, à toute publication de<br />
documents officiels en une seule <strong>la</strong>ngue, en<br />
incitant les pays membres à rendre<br />
obligatoire l’apprentissage de deux <strong>la</strong>ngues<br />
étrangères. « Il faut dire non aux dérives, ne<br />
pas accepter <strong>la</strong> disparition progressive du<br />
français dans les institutions européennes<br />
au nom de <strong>la</strong> facilité logistique et de<br />
l’efficacité financière », p<strong>la</strong>ide Michel<br />
Herbillon. La technique serait donc celle de<br />
<strong>la</strong> vigi<strong>la</strong>nce et du harcèlement : ne rien céder<br />
du peu de terrain qu’il reste au français,<br />
surveiller <strong>la</strong> moindre entorse, exiger toujours<br />
<strong>la</strong> présence du français quand elle est de<br />
droit et d’une manière générale le respect du<br />
plurilinguisme au sein des instances<br />
communautaires.<br />
« On demande aussi aux pays d’Europe<br />
orientale membres de l’OIF, comme <strong>la</strong><br />
Roumanie ou <strong>la</strong> Bulgarie, où l’intérêt <strong>pour</strong><br />
le français est réel, de ne pas utiliser<br />
systématiquement l’ang<strong>la</strong>is à l’Onu », sourit<br />
un cadre du Quai d’Orsay. De leur côté, les<br />
maires de Bruxelles, Strasbourg et<br />
Luxembourg – toutes trois capitales<br />
européennes et toutes trois francophones –<br />
ont signé, le 24 mai 2006, une déc<strong>la</strong>ration<br />
solennelle dans <strong>la</strong>quelle ils s’engagent à<br />
promouvoir l’usage du français dans leur<br />
ville, en particulier au sein des organismes<br />
européens. Comme l’avait alors déc<strong>la</strong>ré<br />
Fabienne Keller, maire de Strasbourg : « La<br />
plupart des arrêts de <strong>la</strong> Cour européenne<br />
des droits de l’Homme sont rédigés en<br />
français. Il faut faire un effort de lobbying<br />
(sic) <strong>pour</strong> le respect de cette belle tradition<br />
juridique. Ce serait un comble que le<br />
français ne soit pas défendu en Europe alors<br />
que l’Union se construit dans des villes<br />
francophones. » En <strong>la</strong> matière, un incident<br />
est resté célèbre. Le 23 mars 2006, lors<br />
d’une réunion du Conseil européen à<br />
Bruxelles, Jacques Chirac quitte<br />
brusquement <strong>la</strong> salle lorsque, à <strong>la</strong> tribune,<br />
Antoine-Ernest Sellière, président de<br />
l’Union des industries de <strong>la</strong> Communauté<br />
européenne, prononce son discours en<br />
ang<strong>la</strong>is. « La <strong>la</strong>ngue de l’entreprise »,<br />
justifie l’ancien président du Medef. « C’est<br />
une question politique, de respect de <strong>la</strong><br />
diversité linguistique », réplique l’entourage<br />
du chef de l’Etat. La presse internationale a<br />
abondamment ironisé sur l’affaire. Mais<br />
selon les observateurs, cette histoire a<br />
constitué un formidable encouragement<br />
<strong>pour</strong> les professeurs de français qui, isolés<br />
dans des bourgades de Croatie, de Grèce ou<br />
d’Estonie, luttent au quotidien <strong>pour</strong> leurs<br />
heures de cours.<br />
Un nouveau p<strong>la</strong>n de promotion du<br />
français<br />
Au p<strong>la</strong>n gouvernemental, Philippe<br />
Douste-B<strong>la</strong>zy, le ministre français des<br />
Affaires étrangères, a annoncé le 15 mai<br />
2006 un vaste p<strong>la</strong>n de promotion de <strong>la</strong><br />
<strong>la</strong>ngue française qui prévoit notamment <strong>la</strong><br />
rénovation ou <strong>la</strong> construction de plusieurs<br />
lycées français (Le Caire, Madrid, Londres,<br />
Tokyo, Moscou), un renforcement des<br />
échanges culturels entre l’Hexagone et les<br />
autres capitales, et un budget de 50 millions<br />
d’euros <strong>pour</strong> <strong>la</strong> formation sur trois ans de<br />
10 000 professeurs, recrutés <strong>pour</strong> moitié en<br />
Asie et <strong>pour</strong> moitié au Maghreb. A en croire<br />
<strong>la</strong> sous-direction du français au ministère des<br />
Affaires étrangères, en Europe c’est sur <strong>la</strong><br />
Russie que portera l’essentiel de l’effort<br />
financier. Parallèlement, un « P<strong>la</strong>n<br />
pluriannuel d’action <strong>pour</strong> le français dans<br />
l’Union européenne » a été adopté en 2002<br />
par <strong>la</strong> France, le Luxembourg, <strong>la</strong> Belgique et<br />
l’<strong>Organisation</strong> internationale de <strong>la</strong><br />
Francophonie (OIF). Doté d’un budget<br />
annuel de 2,5 millions d’euros, il vise à<br />
former des fonctionnaires, diplomates et<br />
interprètes de l’UE, ainsi que des<br />
journalistes des pays membres. 8900<br />
sessions ont ainsi été assurées en 2005,<br />
contre 7200 en 2004, notamment au sein des<br />
Alliances françaises. Enfin des <strong>nouvelle</strong>s<br />
méthodes pédagogiques sont encouragées,<br />
utilisant le jeu, l’informatique, Internet…<br />
Bref un nouveau « marketing » du français.<br />
Les autorités françaises mettent aussi<br />
l’accent sur les filières bilingues dès le<br />
collège : 450 de ces filières accueillent, à<br />
36
travers trente pays européens, plus de<br />
50 000 élèves. C’est deux fois plus qu’il y a<br />
dix ans. En septembre 2006, de <strong>nouvelle</strong>s<br />
sections devaient voir le jour en Espagne, en<br />
Bulgarie, en Russie et en Slovaquie. Ces<br />
filières bilingues bénéficient d’une<br />
réputation d’excellence dans toutes les<br />
matières, accueil<strong>la</strong>nt souvent les meilleurs<br />
élèves. Si elles favorisent <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong><br />
(voire <strong>la</strong> francophilie), elles restent<br />
évidemment minoritaires par rapport au<br />
nombre total des écoles d’un pays et se<br />
voient parfois taxées d’élitisme.<br />
Enfin, dotés d’un budget de 1,8 milliard<br />
d’euros, les programmes de coopération de<br />
l’Union européenne – Comenius <strong>pour</strong> le<br />
niveau sco<strong>la</strong>ire, Erasmus <strong>pour</strong><br />
l’universitaire – permettent à des étudiants<br />
étrangers de <strong>pour</strong>suivre leurs cursus en<br />
France ou en Belgique. C’est le cas de 4000<br />
Espagnols, 600 Tchèques, 900 Néer<strong>la</strong>ndais,<br />
650 Autrichiens…<br />
Langue de <strong>la</strong> culture mais aussi<br />
<strong>la</strong>ngue des affaires<br />
La Fédération internationale des<br />
professeurs de français (FIPF) s’inquiète<br />
donc du désamour progressif de l’Europe<br />
<strong>pour</strong> <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue française. Certains de ses<br />
membres soulignent amèrement le déca<strong>la</strong>ge<br />
qui existerait entre un optimisme forcé des<br />
autorités françaises, leur goût <strong>pour</strong> les<br />
actions d’éc<strong>la</strong>t, et ce que vivent les<br />
enseignants à l’étranger, confrontés à des<br />
réductions budgétaires, <strong>la</strong> fermeture<br />
d’instituts, le manque de moyens<br />
pédagogiques, les emplois du temps en<br />
berne… Un déca<strong>la</strong>ge notamment mis sur le<br />
compte du nombre d’acteurs qui<br />
interviennent sur <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong> : OIF,<br />
Agence <strong>pour</strong> l’enseignement français à<br />
l’étranger, Agence universitaire de <strong>la</strong><br />
<strong>francophonie</strong>, ministères des Affaires<br />
étrangères, de <strong>la</strong> Culture, de l’Education…<br />
Chacun jugeant son action positive sans voir<br />
les trous dans les mailles du filet.<br />
« Le point encourageant est <strong>la</strong> facilité à<br />
mobiliser les professeurs, le succès du<br />
moindre festival de cinéma, des concerts<br />
même d’artistes peu connus. Ce<strong>la</strong> prouve un<br />
intérêt constant <strong>pour</strong> le français », constate<br />
Raymond Gevaert, maître de conférence à<br />
l’université de Leuven et président de <strong>la</strong><br />
commission Europe de l’Ouest à <strong>la</strong> FIPF. Et<br />
d’ajouter : « Si l’ang<strong>la</strong>is est <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue de<br />
communication internationale, <strong>la</strong> maîtrise<br />
du français est un outil de promotion<br />
sociale. C’est un « plus » incontestable dans<br />
un CV. C’est <strong>pour</strong>quoi, à côté du français<br />
<strong>la</strong>ngue de <strong>la</strong> culture et des arts, il faut<br />
défendre le français, <strong>la</strong>ngue des affaires, du<br />
tourisme, des sciences. Parler français<br />
lorsqu’on veut investir à Paris ou qu’on<br />
travaille dans <strong>la</strong> filiale d’une firme<br />
hexagonale à l’étranger constitue un<br />
énorme avantage. » Avec le soutien de <strong>la</strong><br />
Chambre de commerce et d’industrie de<br />
Paris et le Forum francophone des affaires,<br />
l’Alliance française propose d’ailleurs des<br />
modules spécialement destinés aux cadres<br />
des firmes françaises à l’étranger. Plusieurs<br />
universités européennes – à commencer,<br />
sans surprise, par celles de Roumanie – ont<br />
également ouvert des départements de<br />
français juridique, de français des affaires,<br />
de français de gestion hôtelière…<br />
Le français insuffisamment enseigné<br />
dans les systèmes publics<br />
De son côté, le réseau des Alliances<br />
françaises en Europe accueil<strong>la</strong>it<br />
84 409 étudiants en 2005. Un chiffre en<br />
progression constante. On compte ainsi plus<br />
de 8 000 inscrits en Espagne, 5 200 au<br />
Royaume-Uni, 4 660 en Pologne, plus de<br />
4 000 en Russie et en Ir<strong>la</strong>nde… Le succès<br />
est aussi au rendez-vous dans de plus petits<br />
pays : 1 450 étudiants en Albanie, 1 270 en<br />
Ukraine, 1 500 en Croatie, 2 420 en<br />
République tchèque… Pour Martine<br />
Defontaine, secrétaire générale de <strong>la</strong> FIPF,<br />
« ces résultats prouvent une demande <strong>pour</strong><br />
le français. Notre <strong>la</strong>ngue n’est pas vue<br />
uniquement comme <strong>la</strong> vieille <strong>la</strong>ngue de<br />
Voltaire, belle à écouter, mais difficile à<br />
apprendre et peu utile professionnellement ;<br />
<strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue du parfum, des arts, de <strong>la</strong> bonne<br />
chair, des intellectuels exigeants. Une image<br />
que certains professeurs entretiennent peutêtre<br />
avec un soupçon de fierté. Mais elle est<br />
aussi vue comme une <strong>la</strong>ngue valorisante<br />
humainement et professionnellement. Elle<br />
constitue évidemment un atout <strong>pour</strong> réussir<br />
dans le monde francophone, en Afrique ou<br />
au Moyen-Orient. Cependant, ces<br />
statistiques des Alliances prouvent aussi que<br />
le français n’est pas suffisamment enseigné<br />
dans les systèmes publics d’éducation ».<br />
Estimation du nombre de francophones dans les PECO<br />
Popu<strong>la</strong>tion<br />
en 2002<br />
Francophones<br />
Francophones<br />
Francophones<br />
partiels<br />
Francophones<br />
partiels<br />
% par rapport<br />
à <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion<br />
nombre<br />
% par rapport<br />
à <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion<br />
nombre<br />
Albanie 3 100 000 310 000 10,0 - -<br />
Bulgarie 8 000 000 800 000 10,0<br />
Lituanie 3 500 000 35 000 1,0 175 000 5,0<br />
Macédoine 2 000 000 200 000 10,0<br />
Moldavie 4 300 000 1 075 000 25,0<br />
Pologne 36 600 000 1 158 000 3,0<br />
Roumanie 22 400 000 1 792 000 8,0 4 480 000 20,0<br />
Slovaquie 5 400 000 162 000 3,0<br />
Slovénie 2 000 000 80 000 4,0<br />
Tchèque (République) 10 200 000 204 000 2,0 816 000 8,0<br />
Source : La Francophonie dans le monde (2004-2005), Larousse<br />
L’influence des média francophones<br />
La présence de média francophones<br />
représente aussi un moyen de défendre <strong>la</strong><br />
<strong>la</strong>ngue. Ainsi, outre sa diffusion en ondes<br />
courtes, sur le câble et par satellite, Radio<br />
France Internationale dispose de fréquences<br />
FM à Berlin, Dresde, Leipzig, Prague,<br />
Budapest, Craiova, Bucarest, Sofia, Tirana,<br />
Bakou, Pristina, Skopje, Barcelone et<br />
Lisbonne. Des radios partenaires<br />
retransmettent également ses émissions<br />
quelques heures par jour. Si le nombre<br />
d’auditeurs n’est pas connu avec certitude,<br />
RFI dispose en tout cas de moyens<br />
croissants <strong>pour</strong> émettre en Europe. Les<br />
radios suisses et belges francophones<br />
bénéficient de confortables parts de marché<br />
dans leur pays respectif. Par contre au<br />
Danemark, Radio Kultur – qui diffusait<br />
vingt heures de programmes en français par<br />
semaine – a dû cesser d’émettre en 2003,<br />
faute de moyens financiers. Idem <strong>pour</strong><br />
Campus FM à Malte.<br />
Côté télévision, TV5 – seule chaîne<br />
généraliste internationale en français – est<br />
reçue par 88 millions de foyers en Europe de<br />
l’Ouest (dont 8 millions au Royaume-Uni,<br />
6 millions en Italie et 3 millions en Espagne)<br />
et 12 millions en Europe centrale et orientale<br />
(dont 6 millions en Pologne et 2 millions en<br />
Roumanie). Pour sa part, Arte est captée non<br />
seulement en France et en Allemagne, mais<br />
aussi (via le câble ou le satellite) en<br />
Belgique, en Suisse, en Fin<strong>la</strong>nde, en<br />
Autriche, aux Pays-Bas et en Espagne. Ses<br />
programmes sont aussi repris sur les réseaux<br />
câblés roumain, polonais, estonien, hongrois<br />
et slovaque. Enfin Canal France<br />
International (CFI) fournit gratuitement des<br />
émissions clés en main à plusieurs chaînes<br />
en Croatie, Biélorussie, Albanie et<br />
Macédoine notamment. En attendant <strong>la</strong><br />
future chaîne d’information continue, France<br />
24, qui devrait commencer à émettre à <strong>la</strong> fin<br />
de l’année 2006.<br />
37
Dur combat <strong>pour</strong> <strong>la</strong> presse écrite<br />
La presse écrite connaît les mêmes<br />
difficultés en Europe que <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue<br />
française. Les titres de l’Hexagone ont<br />
enregistré un chiffre d’affaires de<br />
10,5 milliards d’euros à l’exportation en<br />
2004, mais leur diffusion a chuté de 10,3 %<br />
par rapport à l’année précédente dans<br />
l’Union européenne. C’est en Allemagne, au<br />
Portugal et au Royaume-Uni que les baisses<br />
ont été les plus sensibles (respectivement -<br />
31,9 %, - 27,3 % et - 21,4 %). Par contre,<br />
les titres français se vendent mieux en Grèce<br />
(+ 14,6 %) et en Espagne (+ 2,9 %). Le<br />
Monde diplomatique est édité, outre en<br />
français, en seize <strong>la</strong>ngues dont, <strong>pour</strong><br />
l’Europe, l’ang<strong>la</strong>is, l’allemand, le cata<strong>la</strong>n, le<br />
croate, l’espagnol, l’italien, le norvégien, le<br />
polonais, le portugais et le russe. Il est<br />
généralement disponible sous forme de<br />
supplément à des titres locaux. A noter, <strong>pour</strong><br />
<strong>la</strong> presse écrite, <strong>la</strong> concurrence d’Internet :<br />
l’abonnement mensuel au Monde sur <strong>la</strong> toile<br />
coûte 5 euros, soit le prix de 4 numéros<br />
papier, et <strong>la</strong> disponibilité est immédiate d’un<br />
bout à l’autre du vieux continent.<br />
Selon Luan Rama, membre du Haut<br />
Conseil de <strong>la</strong> Francophonie, « <strong>la</strong> presse<br />
francophone dans les pays d’Europe<br />
centrale et orientale est dans une situation<br />
catastrophique. En quinze ans,<br />
progressivement et insensiblement, les<br />
revues françaises ont disparu les unes après<br />
les autres, sans bruit, <strong>la</strong>issant p<strong>la</strong>ce aux<br />
publications anglophones ». Certes les<br />
journaux français importés – Le Monde, Le<br />
Figaro, Paris-Match, L’Express…– voient<br />
leurs ventes augmenter de 37,4 % en<br />
Bulgarie, de 27,1 % en Slovaquie, de 15,3 %<br />
en Pologne, de 11,4 % en Roumanie… Mais<br />
les titres édités localement n’intéressent plus<br />
qu’un public confidentiel. Ainsi <strong>la</strong><br />
Roumanie comptait autrefois vingt journaux<br />
en français ; il n’en existe plus que quatre. Et<br />
encore, hormis l’hebdomadaire Bucarest<br />
Hebdo (7 000 exemp<strong>la</strong>ires, successeur de<br />
feu le quotidien Bucarest Matin), les trois<br />
autres sont-ils publiés de manière<br />
sporadique. En Pologne, les Echos de<br />
Pologne, mensuel tiré à 3 000 exemp<strong>la</strong>ires,<br />
ont remp<strong>la</strong>cé le Courrier de Varsovie,<br />
également mensuel. La Bulgarie et<br />
l’Albanie, autrefois réputés <strong>pour</strong> <strong>la</strong> diversité<br />
et <strong>la</strong> qualité de leurs revues en français, n’en<br />
ont plus vraiment. Quant à <strong>la</strong> Nouvelle<br />
Gazette de Hongrie, elle n’est distribué qu’à<br />
3 000 exemp<strong>la</strong>ires dans un cercle restreint<br />
d’intellectuels à Budapest. Partout le constat<br />
est le même : peu de lecteurs, pas de recettes<br />
publicitaires. Par contre, toutes les capitales<br />
est-européennes comptent aujourd’hui<br />
plusieurs journaux en ang<strong>la</strong>is. Signe<br />
encourageant cependant : <strong>la</strong> création en<br />
2004 de L’Europe <strong>nouvelle</strong>, à l’initiative de<br />
<strong>la</strong> journaliste Cécile Vrain. Un mensuel<br />
édité à Budapest et consacré à <strong>la</strong><br />
« <strong>nouvelle</strong> » Europe de l’Est.<br />
La « promotion permanente d’un<br />
environnement francophone »<br />
L’Europe compte 47 pays, 37 <strong>la</strong>ngues<br />
officielles, 726 millions d’habitants, et <strong>la</strong><br />
seule Union européenne plus de<br />
230 régions. Face à de telles dimensions, et<br />
à une époque où l’ang<strong>la</strong>is s’impose comme<br />
<strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue de communication obligée, le<br />
français ne peut défendre son rang que par <strong>la</strong><br />
« promotion permanente d’un environnement<br />
francophone », <strong>pour</strong> reprendre les<br />
termes du rapport du Haut Conseil de <strong>la</strong><br />
Francophonie. Il s’agit autant de manifestations<br />
culturelles que de présence<br />
médiatique, de soutien aux réseaux<br />
associatifs que de développement de<br />
l’enseignement, de notoriété de biens de<br />
consommation que de succès des entreprises<br />
françaises. La <strong>francophonie</strong> ne se décrète<br />
pas. Elle dépend de l’influence de <strong>la</strong> France<br />
en Europe, et de l’intérêt, du p<strong>la</strong>isir et des<br />
possibilités qu’auront les Européens à<br />
apprendre <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue.<br />
Jean Piel<br />
Les 21 membres européens de l’OIF<br />
Date d’adhésion à Statut à l’Union<br />
Pays<br />
Statut à l’OIF<br />
Date d’entrée dans l’UE<br />
l’OIF<br />
européenne<br />
Vocation à devenir<br />
Albanie associé novembre 1999 membre reconnue –<br />
par l’UE<br />
Andorre associé novembre 2004 – –<br />
Autriche observateur novembre 2004 membre 1995<br />
Belgique membre mars 1970 membre fondateur –<br />
Bulgarie membre 1991 (obs.) ; 1993 candidat<br />
Communauté<br />
française de<br />
Belgique<br />
membre mars 1980 – –<br />
Croatie observateur novembre 2004 candidat<br />
Ex-République<br />
yougos<strong>la</strong>ve de<br />
Macédoine<br />
associé février 2001 candidat<br />
France membre mars 1970 membre fondateur –<br />
Grèce associé novembre 2004 membre 1981<br />
Hongrie observateur novembre 2004 membre 1 er mai 2004<br />
Lituanie observateur octobre 1999 membre 1 er mai 2004<br />
Luxembourg membre mars 1970 membre fondateur –<br />
Moldavie membre février 1996 – –<br />
Monaco membre mars 1970 – –<br />
Pologne observateur octobre 1997 membre 1 er mai 2004<br />
République Tchèque observateur octobre 1999 membre 1 er mai 2004<br />
Roumanie membre 1991 (obs.) ; 1993 candidat<br />
Slovaquie observateur octobre 2002 membre 1 er mai 2004<br />
Slovénie observateur octobre 1999 membre 1 er mai 2004<br />
Suisse membre février 1996 – –<br />
Adhésion prévue au 1 er janvier<br />
2007<br />
négociations d’adhésion en<br />
cours depuis le 3 octobre 2005<br />
en attente de <strong>la</strong> décision<br />
d’ouverture des négociations<br />
Adhésion prévue au 1 er janvier<br />
2007<br />
38
B 5612 FRANCOPHONIE (MAJ. 08.2006)<br />
LES DIX PREMIERS SOMMETS DE LA FRANCOPHONIE<br />
1er Sommet de <strong>la</strong> Francophonie :<br />
Versailles 17/19 février 1986<br />
Vers un Commonwealth à <strong>la</strong> française ?<br />
. Les 42 participants<br />
16 chefs d’Etat<br />
Burundi : Jean-Baptiste Bagaza<br />
Centrafrique : André Kolingba<br />
Comores : Ahmed Abdal<strong>la</strong>h Abderemane<br />
Côte d’Ivoire : Félix Houphouët-Boigny<br />
Djibouti : Hassan Gouled Aptidon<br />
France : François Mitterrand<br />
Gabon : Omar Bongo<br />
Guinée-Bissau : Joao Bernardo Vieira<br />
Liban : Amine Gemayel<br />
Madagascar : Didier Ratsiraka<br />
Mali : Moussa Traoré<br />
Mauritanie : Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya<br />
Rwanda : Juvénal Habyarimana<br />
Sénégal : Abdou Diouf<br />
Togo : Gnassingbé Eyadéma<br />
Zaïre : Mobutu Sese Seko<br />
10 chefs de gouvernement<br />
Belgique : Wilfried Martens<br />
Canada : Brian Mulroney<br />
Luxembourg : Jacques Santer<br />
Monaco : Jean Ausseil<br />
Niger : Hamid Algabid<br />
Nouveau-Brunswick : Richard Hatfield<br />
Québec : Robert Bourassa<br />
Sainte-Lucie : John Compton<br />
Tunisie : Mohamed Mzali<br />
Vanuatu : Walter Lini<br />
16 autres chefs de délégation<br />
Belgique : Philippe Monfils, ministre - président<br />
de <strong>la</strong> Communauté française<br />
Bénin : Girigissou Gado, ministre de<br />
l’Equipement et des transports<br />
Burkina Faso : Henri Zongo, ministre de <strong>la</strong><br />
Promotion économique<br />
Congo : Antoine Ndinga-Oba, ministre des<br />
Affaires étrangères<br />
Dominique : Eugénia Charles<br />
Egypte : Boutros Boutros-Ghali, ministre des<br />
Affaires étrangères<br />
Guinée : Jean Traoré, ministre des Affaires<br />
étrangères<br />
Haïti : Rosny Desroches, ministre de l’Education<br />
nationale<br />
Laos : Thongsay Bodhisane, ambassadeur en<br />
France<br />
Louisiane : Darrel Hunt, commissaire adjoint au<br />
Budget<br />
Maroc : Abdel<strong>la</strong>tif Fi<strong>la</strong>li, ministre des Affaires<br />
étrangères<br />
Maurice : Gaétan Duval, vice-Premier ministre<br />
Seychelles : Jacques Hodoul<br />
Suisse : Edouard Brenner, secrétaire d’Etat aux<br />
Affaires étrangères<br />
Tchad : Gouara Lassou, ministre des Affaires<br />
étrangères<br />
Vietnam : Cu Huy Can, ministre délégué<br />
. La conférence<br />
Pour sa première édition, c’est dans les décors<br />
somptueux du château de Versailles que s’est<br />
ouvert le Sommet des pays ayant en commun<br />
l’usage du français - communément baptisé<br />
Sommet de <strong>la</strong> Francophonie - que ses initiateurs,<br />
tel Léopold Sédar Senghor, prévoyaient comme<br />
une sorte de Commonwealth à <strong>la</strong> française.<br />
"La Francophonie est une communauté désireuse<br />
de compter ses forces <strong>pour</strong> affirmer ses ambitions"<br />
a, alors, déc<strong>la</strong>ré le président François Mitterrand,<br />
en ouvrant les travaux de ce premier Sommet. Le<br />
chef de l’État français a, ensuite, fait valoir que <strong>la</strong><br />
communauté francophone, "dont l’identité est<br />
menacée", se devait d’avoir "un réflexe vital<br />
contre <strong>la</strong> mortelle abolition des différences", sous<br />
peine d’"être très souvent condamnée à un rôle de<br />
sous-traitant, de traducteur ou d’interprète... Nous<br />
sommes là autour d’une <strong>la</strong>ngue porteuse d’une<br />
culture, d’une civilisation à <strong>la</strong>quelle chacun ajoute<br />
son propre apport..." Et d’appeler les participants à<br />
<strong>la</strong> conférence "à col<strong>la</strong>borer, coopérer, co-produire<br />
et à rendre plus fertile un patrimoine commun<br />
dont nous savons que <strong>la</strong> diversité est <strong>la</strong> première<br />
richesse... Nous sommes au commencement d’une<br />
oeuvre durable qui s’inscrira dans les temps qui<br />
viennent, car, au travers d’une <strong>la</strong>ngue commune,<br />
c’est un mouvement de <strong>la</strong> pensée, c’est toute une<br />
action qui se dessine..."<br />
Pour le Premier ministre canadien, Brian<br />
Mulroney, un des promoteurs de ce Sommet,<br />
depuis qu’il a réglé le vieux différend qui opposait<br />
le Canada et le Québec sur le niveau de <strong>la</strong><br />
représentation : "Pour ne pas décevoir, ce Sommet<br />
doit imprimer un second souffle à <strong>la</strong><br />
Francophonie, l’engager dans les voies de l’avenir<br />
et déboucher sur des résultats visibles et<br />
palpables..." En soulignant que son pays pensait<br />
particulièrement à l’informatique, aux banques de<br />
données linguistiques et à <strong>la</strong> traduction<br />
automatique.<br />
Entre autres intervenants, le Premier ministre<br />
tunisien, Mohamed Mzaki, a, quant à lui, rappelé<br />
que "nos cultures sont en péril" et qu’il est "vital<br />
de constituer un rassemblement économique,<br />
scientifique et technologique qui puisse, en<br />
l’absence d’un véritable dialogue Nord-Sud,<br />
établir une solidarité concrète entre pays riches et<br />
pays démunis... Dans <strong>la</strong> concertation, nous<br />
pensons pouvoir établir un front contre <strong>la</strong><br />
pauvreté".<br />
Pour sa part, le Premier ministre québécois,<br />
Robert Bourassa, propose d’examiner, d’une<br />
manière approfondie, <strong>la</strong> possibilité d’établir "un<br />
nouveau P<strong>la</strong>n Marshall" qui permettrait le transfert<br />
des surplus alimentaires accumulés à grands frais<br />
par les pays riches aux pays du Tiers-monde qui<br />
en ont besoin".<br />
Dans un message adressé au Sommet par le chef<br />
de l’Etat burkinabé - représenté par son ministre<br />
de <strong>la</strong> Promotion économique - le capitaine<br />
Thomas Sankara souligne que <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue française<br />
a d’abord été celle du colonisateur, et<br />
qu’aujourd’hui, son pays l’utilise "non plus<br />
comme le vecteur d’une quelconque aliénation<br />
culturelle, mais comme un moyen de<br />
communication avec les autres peuples". La<br />
<strong>la</strong>ngue française, doit, selon lui, "accepter les<br />
autres <strong>la</strong>ngues comme expressions de <strong>la</strong> sensibilité<br />
des autres peuples". Et de conclure en affirmant<br />
que son pays "attend beaucoup de <strong>la</strong> culture des<br />
autres <strong>pour</strong> s’enrichir davantage..."<br />
Bien évidemment, des sujets plus politiques et<br />
économiques ont également été abordés. Ainsi, le<br />
président sénéga<strong>la</strong>is, Abdou Diouf, président en<br />
exercice de l’OUA, a demandé "l’application<br />
effective et immédiate des sanctions économiques<br />
contre l’Afrique du Sud", seul moyen de "mettre<br />
rapidement fin à l’apartheid", et proposé <strong>la</strong> tenue<br />
d’une conférence internationale sur l’Afrique du<br />
Sud le 16 juin 1986, date du dixième anniversaire<br />
du soulèvement de Soweto.<br />
Abordant, ensuite, le problème de <strong>la</strong> dette<br />
africaine, le chef de l’Etat sénéga<strong>la</strong>is a mis, une<br />
<strong>nouvelle</strong> fois, en avant l’idée d’une taxation des<br />
activités d’armement, qui serait redistribuée au<br />
profit du développement.<br />
Le président malgache, Didier Ratsiraka, a, quant<br />
à lui, rappelé <strong>la</strong> proposition d’une conférence<br />
internationale sur <strong>la</strong> dette africaine, dont le<br />
principe avait été retenu lors du dernier Sommet<br />
franco-africain en décembre 1985.<br />
. Les décisions pratiques<br />
Voici le résumé des principales "décisions<br />
pratiques" – vingt-huit au total – du Sommet<br />
francophone, annoncées par M. Mitterrand<br />
mercredi 19 février. Un "comité du suivi" a été<br />
constitué <strong>pour</strong> surveiller l’application de ces<br />
mesures : il comprend <strong>la</strong> Communauté française<br />
(Bruxelles-Wallonie) de Belgique, le Burundi, le<br />
Canada, les Comores, <strong>la</strong> France, le Liban, le<br />
Maroc, le Québec, le Sénégal et le Zaïre.<br />
- Création d’une "agence internationale<br />
francophone d’images de télévision"<br />
(actuellement 98 % d’entre elles sont fournies par<br />
des agences anglo-saxonnes). Financement,<br />
16 millions de FF par an, dont 5 millions fournis<br />
par <strong>la</strong> France ;<br />
- <strong>la</strong> télévision par câble TV5 (France, Belgique,<br />
Suisse romande, Canada et Québec) verra son<br />
champ de diffusion étendu à l’Amérique du Nord,<br />
<strong>la</strong> Méditerranée et l’Afrique (le Maroc peut déjà <strong>la</strong><br />
capter). Mise française supplémentaire :<br />
29 millions de FF ;<br />
- à partir de 1987, <strong>la</strong> France ouvrira à des<br />
"programmes francophones" l’un des quatre<br />
canaux disponibles sur le futur satellite de<br />
télévision directe TDF 1 ;<br />
- constitution d’un groupe de travail qui remettra<br />
en 1986 son rapport sur l’extension au monde<br />
francophone des banques de données linguistiques<br />
par vidéotexte ;<br />
- étude de l’utilisation du vidéodisque par<br />
l’enseignement médical dans dix facultés<br />
francophones, à partir de l’expérience de l’hôpital<br />
parisien de <strong>la</strong> Salpêtrière ;<br />
- tenue à Paris, tous les deux ans, en même temps<br />
que le Salon du livre, d’un "Salon du livre<br />
francophone" sur 400 mètres carrés. Coût :<br />
3 millions de FF fournis par <strong>la</strong> France ;<br />
- <strong>la</strong>ncement, à <strong>la</strong> demande expresse du Vietnam,<br />
d’une collection popu<strong>la</strong>ire de cent titres d’auteurs<br />
de graphie française :<br />
- réalisation d’une "maquette de fonctionnement<br />
de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue" <strong>pour</strong> le traitement automatique des<br />
textes. Coût : 20 millions de FF dont <strong>la</strong> moitié<br />
fournie par Paris. Création d’un prix international<br />
d’innovation linguistique (part de <strong>la</strong> France :<br />
100 000 F) ;<br />
39
- appui financier au "programme photovoltaïque"<br />
des pays du Sahel africain en faveur de <strong>la</strong> maîtrise<br />
des petites techniques énergétiques. Coût : 5 à<br />
10 millions de FF par an ;<br />
- institution d’un bacca<strong>la</strong>uréat francophone<br />
international ;<br />
- création de "centres de formation d’agronomes<br />
en milieu rural" (participation française :<br />
8 millions de FF en quatre ans), et, sur demande<br />
tunisienne, de "centres de formation artisanale"<br />
(participation française: 15 millions de FF sur cinq<br />
ans) ;<br />
- renforcement de <strong>la</strong> concertation entre délégations<br />
francophones au sein du système des Nations<br />
unies.<br />
2ème Sommet de <strong>la</strong> Francophonie<br />
Québec 2/4 septembre 1987<br />
Vers une "institutionnalisation" de <strong>la</strong><br />
Francophonie<br />
. Les 41 participants<br />
16 chefs d’État<br />
Bénin : Mathieu Kérékou<br />
Burundi : Jean-Baptiste Bagaza<br />
Comores : Ahmed Abdal<strong>la</strong>h Abderemane<br />
Djibouti : Hassan Gouled Aptidon<br />
France : François Mitterrand<br />
Gabon : Omar Bongo<br />
Guinée : Lansana Conté<br />
Guinée-Bissau : Joao Bernardo Vieira<br />
Liban : Amine Gemayel<br />
Madagascar : Didier Ratsiraka<br />
Mali : Moussa Traoré<br />
Mauritanie : Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya<br />
Rwanda : Juvénal Habyarimana<br />
Sénégal : Abdou Diouf<br />
Togo : Gnassingbé Eyadéma<br />
Zaïre : Mobutu Sese Seko<br />
10 chefs de gouvernement<br />
Belgique : Wilfried Martens<br />
Canada : Brian Mulroney<br />
Dominique : Maria Eugenia Charles<br />
France : Jacques Chirac<br />
Luxembourg : Jacques Santer<br />
Monaco : Jean Ausseil<br />
Niger : Hamid Algabid<br />
Nouveau-Brunswick : Richard Hatfield<br />
Québec : Robert Bourassa<br />
Sainte-Lucie : John Compton<br />
15 autres chefs de délégation<br />
Belgique : Philippe Monfils, ministre-président de<br />
<strong>la</strong> Communauté française<br />
Burkina Faso : Djibrima Barry, ambassadeur en<br />
France<br />
Centrafrique : Jean-Louis Psimhis, ministre des<br />
Affaires étrangères<br />
Congo : Antoine Ndinga-Oba, ministre des<br />
Affaires étrangères<br />
Côte d’Ivoire : Siméon Aké, ministre des Affaires<br />
étrangères<br />
Egypte : Boutros Boutros-Ghali, ministre des<br />
Affaires étrangères<br />
Haïti : Luc Hector, membre du Conseil national de<br />
gouvernement<br />
Laos : Kithong Vougsay, ambassadeur à l’ONU<br />
Maroc : Abdel<strong>la</strong>tif Fi<strong>la</strong>li, ministre des Affaires<br />
étrangères<br />
Maurice : Chitmansing Jesseramsing, hautcommissaire<br />
au Canada<br />
Seychelles : Danielle de Saint-Jorre, secrétaire<br />
d’Etat<br />
Suisse : Edouard Brenner, secrétaire d’État aux<br />
Affaires étrangères<br />
Tchad : Hissein Grinky, ministre de <strong>la</strong> Culture<br />
Tunisie : Hedi Mabrouk, ministre des Affaires<br />
étrangères<br />
Vietnam : Nguyen Huu Tho, vice-président du<br />
Conseil d’Etat<br />
. La conférence<br />
Le Sommet de Québec a adopté, dès le<br />
premier jour, une série de neuf résolutions sur <strong>la</strong><br />
politique internationale, qui, certes, apportent peu<br />
de nouveautés sur le p<strong>la</strong>n diplomatique, mais<br />
témoignent de <strong>la</strong> vigueur du jeune mouvement<br />
francophone et de sa volonté de s’affirmer comme<br />
forum international. Ces résolutions portent sur le<br />
Tchad, le Liban, l’Afrique du Sud, <strong>la</strong> situation<br />
économique internationale, Haïti, <strong>la</strong> politique<br />
agricole, l’environnement, <strong>la</strong> guerre Iran-Irak et le<br />
Moyen-Orient. Sur ce dernier point, le Canada a<br />
fait bande à part, en émettant des réserves sur <strong>la</strong><br />
reconnaissance du "droit des Palestiniens à<br />
l’autodétermination", expression qu’il souhaitait<br />
voir remp<strong>la</strong>cer par <strong>la</strong> notion de "foyer national".<br />
Sur le Tchad, les participants ont évité toute<br />
allusion à <strong>la</strong> situation politique et militaire, se<br />
bornant à créer un fonds <strong>pour</strong> l’éducation, qui est<br />
<strong>la</strong>issé à <strong>la</strong> générosité des pays. Le Canada a<br />
annoncé qu’il doterait ce fonds d’un million de<br />
dol<strong>la</strong>rs canadiens (4,60 millions de FF).<br />
Une formule simi<strong>la</strong>ire a été retenue <strong>pour</strong> le<br />
Liban.<br />
Les participants demandent à l’Iran et à l’Irak<br />
l’application "sans dé<strong>la</strong>i" de <strong>la</strong> résolution adoptée<br />
le 20 juillet dernier par le Conseil de sécurité de<br />
l’ONU appe<strong>la</strong>nt à un cessez-le-feu immédiat.<br />
L’Afrique du Sud est condamnée <strong>pour</strong> sa politique<br />
d’apartheid et les francophones demandent à<br />
Pretoria d’ouvrir, sans attendre, des négociations<br />
avec <strong>la</strong> majorité noire. Les pays francophones<br />
"s’engagent à maintenir les pressions<br />
économiques et politiques sur le gouvernement<br />
d’Afrique du Sud", précise <strong>la</strong> résolution qui<br />
demande aux autorités de Pretoria d’entamer "des<br />
négociations avec les représentants authentiques<br />
de <strong>la</strong> majorité noire et les autres composantes de <strong>la</strong><br />
société sud-africaine".<br />
"Le gouvernement d’Afrique du Sud doit<br />
c<strong>la</strong>irement déc<strong>la</strong>rer son intention de démanteler<br />
l’apartheid, mettre fin à l’état d’urgence, libérer<br />
tous les prisonniers politiques (y compris Nelson<br />
Mande<strong>la</strong>) et lever l’interdit frappant le Congrès<br />
national africain (ANC) et d’autres organisations<br />
politiques anti-apartheid", déc<strong>la</strong>rent encore les<br />
participants au Sommet francophone.<br />
Sur ce dossier de l’apartheid, une mesure<br />
concrète a été décidée par les francophones, qui<br />
consiste à mettre en p<strong>la</strong>ce un système de "bourses<br />
d’études <strong>pour</strong> venir en aide aux victimes de<br />
l’apartheid".<br />
Le Canada a offert 260 000 dol<strong>la</strong>rs <strong>pour</strong><br />
participer à cette action de "solidarité".<br />
La situation économique mondiale et <strong>la</strong> dette<br />
sont abordées en termes très généraux, les<br />
participants estimant que cette dernière pose des<br />
"problèmes extrêmement difficiles et nécessite un<br />
traitement spécial".<br />
Les participants ont, enfin, adopté deux<br />
résolutions sur <strong>la</strong> lutte contre <strong>la</strong> désertification et<br />
les ca<strong>la</strong>mités naturelles. La résolution sur Haïti ne<br />
dit pas un mot de <strong>la</strong> difficile situation politique de<br />
l’île, mais s’attache aux problèmes de reboisement<br />
du pays.<br />
Au premier Sommet de Paris, les<br />
francophones avaient été nettement moins<br />
ambitieux, se contentant d’une seule résolution,<br />
sur l’Afrique du Sud. Celles de Québec prouvent<br />
que si, en raison de <strong>la</strong> diversité des régimes qui<br />
composent le mouvement, ils ne peuvent avoir de<br />
position très tranchée, ils n’hésitent plus à débattre<br />
des grands problèmes mondiaux.<br />
. Les décisions pratiques<br />
Contrairement au Sommet de Paris, en février<br />
1986, où les "bonnes" résolutions des participants<br />
à <strong>la</strong> première "Conférence des chefs d’Etat et de<br />
gouvernement ayant en commun l’usage du<br />
français", étaient, de l’avis général, trop<br />
nombreuses, à Québec, les dirigeants<br />
francophones se sont attachés à mettre sur pied des<br />
projets concrets et réalisables à court terme.<br />
Preuve de cet effort : alors qu’en deux ans (1986-<br />
1987), 270 millions de FF (46 millions de dol<strong>la</strong>rs)<br />
ont été dépensés <strong>pour</strong> <strong>la</strong> Francophonie, c’est un<br />
montant sensiblement égal qui sera affecté à des<br />
programmes <strong>pour</strong> <strong>la</strong> seule année 1988, <strong>la</strong> France<br />
et le Canada ayant décidé de doubler leur mise.<br />
Cinq secteurs d’activité "porteurs d’avenir"<br />
ont été retenus : l’agriculture, l’énergie, <strong>la</strong> culture<br />
et les communications, l’information scientifique<br />
et le développement technologique, ainsi que les<br />
industries de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue (technologies appliquées au<br />
français). L’accent a été surtout mis sur <strong>la</strong><br />
formation, l’audiovisuel, les banques de données,<br />
et, d’une manière générale, toute l’informatique.<br />
Par ailleurs, les institutions multi<strong>la</strong>térales de <strong>la</strong><br />
Francophonie demeurent pratiquement<br />
inchangées. Ainsi, le Sommet a décidé de<br />
"maintenir l’existence et les fonctions d’un<br />
Comité du suivi chargé expressément de<br />
"transmettre systématiquement les comptes rendus<br />
des séances à l’ensemble des membres du<br />
Sommet, afin qu’ils puissent exprimer des<br />
suggestions et observations".<br />
Comme prévu depuis <strong>la</strong> réunion ministérielle<br />
de Bujumbura, en juillet 1987, un Comité<br />
consultatif conjoint sera créé, comprenant le<br />
Comité du suivi assisté des chefs de réseau et le<br />
Secrétaire général de l’Agence de coopération<br />
culturelle et technique (ACCT) assisté de ses<br />
directeurs généraux et du contrôleur financier.<br />
Ce Comité consultatif sera chargé de donner<br />
des avis sur <strong>la</strong> programmation des décisions du<br />
Sommet et d’établir les modalités d’un appui<br />
technique de l’ACCT au Comité du suivi.<br />
L’ACCT est chargée de l’exécution des<br />
actions décidées par le Sommet, soit sur son<br />
budget ordinaire, soit grâce à un financement<br />
complémentaire. Les Etats contributeurs <strong>pour</strong>ront<br />
créditer soit directement leurs comptes, soit des<br />
comptes spéciaux créés auprès de l’ACCT, <strong>la</strong><br />
préférence al<strong>la</strong>nt à <strong>la</strong> deuxième solution.<br />
Le Comité du suivi est chargé, <strong>pour</strong> sa part,<br />
d’examiner avant le Sommet de Dakar, en 1989,<br />
les rôles respectifs de l’ACCT, des réseaux et des<br />
autres organismes de <strong>la</strong> Francophonie et d’étudier,<br />
notamment, <strong>la</strong> possibilité d’intégrer les réseaux à<br />
l’ACCT. Les travaux du Comité du suivi seront<br />
présidés par le Canada jusqu’au prochain<br />
Sommet, <strong>la</strong> France et le Sénégal assurant <strong>la</strong> viceprésidence.<br />
Le Canada a aussi profité de <strong>la</strong> tribune du<br />
Sommet <strong>pour</strong> annoncer spectacu<strong>la</strong>irement qu’il<br />
effaçait <strong>la</strong> totalité de <strong>la</strong> dette publique de sept pays<br />
de l’Afrique francophone sub-saharienne. Cette<br />
mesure, qui représente 246 millions de dol<strong>la</strong>rs<br />
américains, touche même le Cameroun qui n’est<br />
40
pas membre du mouvement, mais où les<br />
investissements canadiens sont très importants.<br />
Les autres pays sont le Sénégal, le Zaïre,<br />
Madagascar, le Congo, <strong>la</strong> Côte d’Ivoire et le<br />
Gabon.<br />
Enfin, <strong>la</strong> Francophonie s’est dotée d’une<br />
"Déc<strong>la</strong>ration de solidarité francophone", mise au<br />
point par le Canada et le Québec. Cette charte de<br />
<strong>la</strong> Francophonie affirme les grands principes de<br />
solidarité et de compréhension mutuelle entre tous<br />
les pays membres, et leur volonté de relever les<br />
défis qui s’imposent aux francophones, s’ils<br />
veulent que leur seul lien, le français, continue de<br />
jouer son rôle de deuxième <strong>la</strong>ngue de<br />
communication mondiale.<br />
Avec <strong>la</strong> fixation des Sommets à un rythme<br />
désormais régulier - tous les deux ans - <strong>la</strong><br />
Francophonie s’est, en quelque sorte,<br />
institutionnalisée. Si elle n’a pas encore d’hymne<br />
officiel, elle a désormais un drapeau. En effet, sur<br />
proposition du Niger, le Sommet a adopté, comme<br />
couleurs permanentes du mouvement, l’emblème<br />
de <strong>la</strong> conférence de Québec, formé, sur fond<br />
b<strong>la</strong>nc, d’un cercle composé de parties rouge, bleu,<br />
jaune, vert et violet, symbolisant les cinq<br />
continents.<br />
3ème Sommet de <strong>la</strong> Francophonie<br />
Dakar 24/26 mai 1989<br />
L’enracinement en terre africaine<br />
. Les 41 participants<br />
17 chefs d’Etat<br />
Bénin : Mathieu Kérékou<br />
Burkina Faso : B<strong>la</strong>ise Compaoré<br />
Burundi : Pierre Buyoya<br />
Comores : Ahmed Abdal<strong>la</strong>h Abderemane<br />
Côte d’Ivoire : Félix Houphouët-Boigny<br />
Djibouti : Hassan Gouled Aptidon<br />
France : François Mitterrand<br />
Gabon : Omar Bongo<br />
Guinée : Lansana Conté<br />
Guinée-Bissau : Joao Bernardo Vieira<br />
Guinée équatoriale : Obiang Nguema Mbansogo<br />
Mali : Moussa Traoré<br />
Niger : Ali Saïbou<br />
Rwanda : Juvénal Habyarimana<br />
Sénégal : Abdou Diouf<br />
Togo : Gnassingbé Eyadéma<br />
Zaïre : Mobutu Sese Seko<br />
9 chefs de gouvernement<br />
Belgique : Wilfried Martens<br />
Belgique : Valmy Feaux, ministre-président de <strong>la</strong><br />
Communauté française<br />
Canada : Brian Mulroney<br />
Dominique : Maria Eugenia Charles<br />
Maroc : Azzedine Laraki<br />
Monaco : Jean Ausseil<br />
Nouveau-Brunswick : Franck McKenna<br />
Québec : Robert Bourassa<br />
Tunisie : Hedi Baccouche<br />
15 autres chefs de délégation<br />
Cameroun : Luc Ayang, président du Conseil<br />
économique et social<br />
Cap-Vert : H. Almada, ministre de <strong>la</strong> Formation,<br />
de <strong>la</strong> Culture et des Sports<br />
Centrafrique : Jean-Louis Psimhis, ministre des<br />
Affaires étrangères<br />
Congo : Jean-Baptiste Tati-Loutard, ministre de <strong>la</strong><br />
Culture et des Arts<br />
Egypte : Boutros Boutros-Ghali, ministre d’État<br />
aux Affaires étrangères<br />
Haïti : Yvon Perrier, ministre des Affaires<br />
étrangères<br />
Laos : Soubanh Srithirath, vice-ministre des<br />
Affaires étrangères<br />
Liban : Abel Ismail, ambassadeur auprès de<br />
l’UNESCO<br />
Luxembourg : Robert Krieps, ministre des<br />
Affaires culturelles et de <strong>la</strong> Justice<br />
Madagascar : Jean Bémananjara, ministre des<br />
Affaires étrangères<br />
Maurice : Satcam Boolell, vice-Premier ministre<br />
Seychelles : Danielle de Saint-Jorre, secrétaire<br />
d’Etat aux Affaires étrangères<br />
Suisse : K<strong>la</strong>us Jacobi, secrétaire d’Etat aux<br />
Affaires extérieures<br />
Tchad : Ibn Oumar Acheik, ministre des Re<strong>la</strong>tions<br />
extérieures<br />
Vietnam : Nguyen Huu Tho, vice-président du<br />
Conseil d’Etat<br />
. La conférence<br />
Le Sommet de Dakar, le premier en terre<br />
africaine, entend ancrer plus fortement <strong>la</strong><br />
Francophonie dans le Sud <strong>pour</strong> illustrer sa<br />
diversité linguistique et culturelle. Pour le chef de<br />
l’Etat sénéga<strong>la</strong>is, président du pays-hôte, ce<br />
Sommet est celui "de <strong>la</strong> consolidation, de<br />
l’é<strong>la</strong>rgissement, de <strong>la</strong> maturité et de<br />
l’enracinement en terre africaine".<br />
Le président Mitterrand a créé l’événement,<br />
dès le premier jour du Sommet, en se proposant<br />
d’effacer <strong>la</strong> dette publique - quelque 16 milliards<br />
de FF - qui est due à <strong>la</strong> France par 35 pays<br />
africains les plus pauvres. Pour le chef de l’Etat<br />
français, "<strong>la</strong> France fait ce qu’elle peut dans son<br />
domaine, mais il y a d’autres initiatives à prendre<br />
entre pays riches <strong>pour</strong> attaquer le mal à <strong>la</strong> racine et<br />
aller à <strong>la</strong> source des difficultés des pays en<br />
développement... Il faut également que les pays du<br />
Sud veillent à ne pas retomber dans le cycle<br />
infernal de l’endettement, ils en ont conscience..."<br />
Le Premier ministre canadien, Brian<br />
Mulroney a, lui aussi, longuement insisté sur le<br />
nécessaire é<strong>la</strong>rgissement du dialogue Nord-Sud<br />
<strong>pour</strong> une solution du problème de l’endettement et<br />
<strong>la</strong> promotion de <strong>la</strong> protection de l’environnement.<br />
Le chef de l’État malien, Moussa Traoré,<br />
président en exercice de l’OUA, a, <strong>pour</strong> sa part,<br />
insisté sur les zones de conflit, qu’elles se situent<br />
en Afrique australe ou au Proche-Orient.<br />
En ce qui concerne <strong>la</strong> crise entre le Sénégal et<br />
<strong>la</strong> Mauritanie - dont <strong>la</strong> chaise est restée vide<br />
pendant les trois jours du Sommet - le président<br />
Abdou Diouf a fait preuve d’esprit de conciliation,<br />
en affirmant fortement qu’il faut négocier, et que<br />
son pays "ne veut pas <strong>la</strong> guerre". Le président<br />
Mitterrand - dont le ministre des Affaires<br />
étrangères, Ro<strong>la</strong>nd Dumas, a rencontré le<br />
président mauritanien à Nouakchott, le 25 mai - a<br />
appelé, lui aussi, à <strong>la</strong> négociation entre les deux<br />
pays, sous l’égide de l’OUA, et assuré que "<strong>la</strong><br />
France ferait tout <strong>pour</strong> faire avancer les choses..."<br />
Dans une longue intervention consacrée à<br />
l’économie, le président ivoirien, Félix<br />
Houphouët-Boigny, a notamment traité de <strong>la</strong><br />
baisse des prix des matières premières et des<br />
préoccupations des Etats africains à ce propos. Un<br />
sujet qui, avec l’endettement et les problèmes<br />
d’environnement, a occupé <strong>la</strong> majeure partie des<br />
débats.<br />
La condamnation de l’apartheid, le maintien<br />
en détention de nombreux prisonniers politiques,<br />
notamment Nelson Mande<strong>la</strong>, le droit à<br />
l’indépendance de <strong>la</strong> Namibie et à<br />
l’autodétermination du peuple palestinien, <strong>la</strong><br />
nécessité urgente de rétablir <strong>la</strong> paix au Liban, le<br />
cessez-le-feu intervenu le 20 août 1988 entre l’Iran<br />
et l’Irak ont également fait l’objet de résolutions<br />
du Sommet, tout comme l’utilisation du français<br />
dans les organisations internationales et <strong>la</strong> défense<br />
de l’environnement.<br />
Après Paris et Québec, Dakar a<br />
incontestablement constitué un tournant : <strong>la</strong><br />
Francophonie n’est plus ce cénacle préposé à <strong>la</strong><br />
défense et à l’illustration de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue française.<br />
Elle est devenue une force publique et<br />
économique qui entend désormais peser sur <strong>la</strong><br />
ba<strong>la</strong>nce des re<strong>la</strong>tions internationales.<br />
. Les décisions pratiques<br />
Le Sommet a décidé, sur proposition du<br />
Canada, <strong>la</strong> création d’un fonds spécial <strong>pour</strong> <strong>la</strong><br />
protection de l’environnement. En outre, le<br />
Canada, par le biais de l’Agence canadienne de<br />
développement international, annonce qu’il<br />
consacrera 5,5 millions de dol<strong>la</strong>rs à <strong>la</strong> mise sur<br />
pied d’un réseau agro-forestier destiné à appuyer<br />
les services nationaux du Sénégal, du Mali, du<br />
Burkina Faso et du Niger.<br />
Les autres domaines essentiels d’action<br />
retenus par le Sommet de Dakar concernent <strong>la</strong><br />
formation, <strong>la</strong> communication, avec, notamment,<br />
l’extension de TV5 en Afrique et <strong>la</strong> diffusion de<br />
Canal France International, une banque de<br />
programmes française dans <strong>la</strong>quelle les télévisions<br />
des différents États peuvent choisir ce qui les<br />
intéresse.<br />
Outre <strong>la</strong> remise des dettes publiques de 35<br />
pays africains les moins avancés - quelque<br />
16 milliards de FF - <strong>la</strong> France a décidé de porter sa<br />
contribution totale, <strong>pour</strong> le suivi du Sommet de<br />
Dakar, à 237 millions de FF par an, soit le double<br />
de <strong>la</strong> contribution du Canada qui est de<br />
280 millions de FF <strong>pour</strong> deux ans et demi.<br />
Le Sommet de Dakar s’est également attaché<br />
à institutionnaliser les instances du mouvement<br />
francophone :<br />
Le Comité international du suivi (CIS) :<br />
. il est maintenu dans l’intégralité de ses fonctions<br />
et de ses pouvoirs : assume son rôle d’arbitrage et<br />
d’évaluation des actions confiées aux opérateurs<br />
directs du Suivi du Sommet et fait rapport aux<br />
chefs d’Etat et de gouvernement ;<br />
. il demeure l’instance finale de coordination et de<br />
décision, sous l’autorité des chefs d’Etat et de<br />
gouvernement, approuve les projets et affecte les<br />
budgets. En conséquence, l’ACCT et les autres<br />
opérateurs directs, s’agissant des fonds du<br />
Sommet, doivent lui soumettre leurs propositions ;<br />
. il reflète <strong>la</strong> diversité de l’espace francophone, et<br />
assure une rotation suffisante, tout en garantissant<br />
<strong>la</strong> continuité des travaux.<br />
Le Comité international de préparation (CIP):<br />
. il constitue l’instance finale de préparation des<br />
propositions de programmation et d’affectation<br />
budgétaire à présenter aux Sommets. L’ACCT et<br />
les autres opérateurs directs lui proposent les<br />
différents projets. Tous les pays participant aux<br />
Sommets en sont membres.<br />
L’Agence de coopération culturelle et technique<br />
(ACCT) :<br />
. elle constitue, par sa qualité d’unique<br />
organisation intergouvernementale de <strong>la</strong><br />
Francophonie décou<strong>la</strong>nt d’une convention, une<br />
garantie institutionnelle <strong>pour</strong> <strong>la</strong> dimension<br />
multi<strong>la</strong>térale devant présider à <strong>la</strong> conception et à <strong>la</strong><br />
41
mise en oeuvre des projets décou<strong>la</strong>nt des décisions<br />
des chefs d’État et de gouvernement ;<br />
. elle continue d’exercer les rôles d’animation, de<br />
consultation et de concertation du monde<br />
francophone, tels que prévus à sa charte ;<br />
. elle doit enrichir sa mission actuelle par<br />
l’intégration, en son sein, du rôle et de <strong>la</strong> fonction<br />
des réseaux du CIS. Il est entendu que <strong>la</strong><br />
participation à ces réseaux demeure ouverte, sans<br />
restriction aucune, à l’ensemble des Etats et<br />
gouvernements présents aux Sommets ;<br />
. elle se voit, en conséquence, investie du mandat<br />
de proposition, de programmation et de suggestion<br />
d’affectation budgétaire ; propositions et<br />
suggestions à être soumises au CIS et au CIP<br />
selon le cas. En vertu de ce mandat, le secrétaire<br />
général de l’ACCT participe, de plein droit, aux<br />
séances du CIS, du CIP et au volet Coopération<br />
des Conférences ministérielles préparatoires ;<br />
. elle accueille et gère, dans une perspective de<br />
multi<strong>la</strong>téralisme et de simplification budgétaire,<br />
un fonds multi<strong>la</strong>téral unique destiné au<br />
financement des actions engagées par les<br />
Sommets. Ce fonds est distinct de son budget<br />
régulier.<br />
Les Conférences ministérielles<br />
L’ACCT assume <strong>la</strong> responsabilité de <strong>la</strong><br />
préparation et du Suivi de toutes les Conférences<br />
ministérielles sectorielles convoquées dans le<br />
cadre des Sommets. Les Conférences<br />
ministérielles permanentes (CONFEJES –<br />
Conférence des ministres de <strong>la</strong> Jeunesse et des<br />
Sports des pays d’expression française, et<br />
CONFEMEN – Conférence des ministres de<br />
l’Education des pays ayant en commun l’usage du<br />
français), tout en conservant leur autonomie, sont<br />
invitées à col<strong>la</strong>borer étroitement avec l’ACCT<br />
dans le cas de Conférences é<strong>la</strong>rgies aux autres<br />
membres de l’Agence qui ne font pas partie de ces<br />
deux Conférences permanentes.<br />
Les organes subsidiaires<br />
Lorsque <strong>la</strong> mise en oeuvre de projets à long terme<br />
nécessite <strong>la</strong> création d’une structure spécialisée<br />
dotée d’une personnalité juridique, l’ACCT est<br />
invitée à examiner l’opportunité de créer des<br />
organes subsidiaires ouverts à l’adhésion de<br />
l’ensemble des participants du Sommet, comme<br />
elle l’a fait <strong>pour</strong> l’Institut de l’énergie.<br />
Les autres opérateurs<br />
Lorsque <strong>la</strong> mise en oeuvre des projets à long terme<br />
nécessite le choix d’opérateurs à mission<br />
spécialisée, le Sommet en décide, à l’exemple de<br />
ce qui a été fait à Paris et à Québec dans le cas de<br />
l’Association des Universités partiellement ou<br />
entièrement de <strong>la</strong>ngue française (AUPELF), de<br />
TV5 et du Centre d’échanges multi<strong>la</strong>téraux<br />
d’actualités francophones (CEMAF).<br />
Le mandat spécifique confié à l’AUPELF lui<br />
confère <strong>la</strong> qualité d’opérateur multi<strong>la</strong>téral<br />
privilégié du programme majeur UREF<br />
(Université des réseaux d’expression française)<br />
concernant <strong>la</strong> recherche universitaire et<br />
l’enseignement supérieur. Il en va de même <strong>pour</strong><br />
TV5 et le CEMAF dans les domaines spécifiques<br />
de leur compétence.<br />
Le Comité consultatif conjoint (CCC)<br />
Créé au Sommet de Québec et réunissant le CIS et<br />
l’ACCT, le CCC est é<strong>la</strong>rgi aux autres opérateurs<br />
directs, afin de favoriser <strong>la</strong> concertation et<br />
l’information réciproques une fois l’an.<br />
Le monde associatif<br />
Les chefs d’État et de gouvernement<br />
reconnaissent <strong>la</strong> contribution du monde associatif<br />
multi<strong>la</strong>téral francophone. Ils estiment qu’il doit<br />
être renforcé dans son rôle de re<strong>la</strong>is. A cet effet,<br />
une réunion d’information annuelle avec le CIS lui<br />
sera réservée. De plus, le Sommet francophone<br />
souhaite que les instances de l’ACCT procèdent à<br />
l’examen d’une réforme du Conseil consultatif de<br />
l’Agence, réforme faisant de cet organe le lieu<br />
fonctionnel de rencontres et d’échanges des<br />
associations francophones multi<strong>la</strong>térales et<br />
l’instrument de coordination entre elles. Cette<br />
réforme devrait tenir compte des rôles divers de<br />
chaque catégorie d’association. Elle <strong>pour</strong>rait être<br />
complétée par <strong>la</strong> création d’un poste permanent<br />
d’agent de liaison chargé des associations, auprès<br />
du secrétaire général de l’ACCT.<br />
L’Association internationale des parlementaires<br />
de <strong>la</strong>ngue française (AIPLF)<br />
Le Sommet francophone tient à reconnaître le rôle<br />
éminent que l’AIPLF, seule organisation<br />
interparlementaire des pays francophones, joue<br />
dans <strong>la</strong> construction et le développement de <strong>la</strong><br />
Francophonie. La représentation des Parlements<br />
qu’elle constitue, l’influence qu’elle exerce sur<br />
l’opinion, ainsi que les actions de coopération<br />
qu’elle a menées, sont un élément important de<br />
stimu<strong>la</strong>tion <strong>pour</strong> le succès des projets décidés par<br />
les Sommets. Aussi, demande-il au CIS<br />
d’organiser <strong>la</strong> consultation et l’information<br />
réciproques.<br />
Enfin, il est décidé que le prochain Sommet se<br />
tiendra, en 1991, au Zaïre.<br />
4ème Sommet de <strong>la</strong> Francophonie<br />
Chaillot (Paris) 19/21 novembre 1991<br />
"E<strong>la</strong>rgissement et maturité"<br />
. Les 45 participants<br />
21 chefs d’Etat<br />
Bénin : Nicéphore Soglo<br />
Bulgarie : Jeliou Jelev<br />
Burkina Faso : B<strong>la</strong>ise Compaoré<br />
Burundi : Pierre Buyoya<br />
Cameroun : Paul Biya<br />
Centrafrique : André Kolingba<br />
Comores : Saïd Mohamed Djohar<br />
Côte d’Ivoire : Félix Houphouët-Boigny<br />
France : François Mitterrand<br />
Gabon : Omar Bongo<br />
Guinée-Bissau : Joao Bernardo Vieira<br />
Haïti : Jean-Bertrand Aristide<br />
Laos : Kaysone Phomvihane<br />
Liban : Elias Hraoui<br />
Mali : Amadou Toumani Touré<br />
Mauritanie : Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya<br />
Roumanie : Ion Iliescu<br />
Rwanda : Juvénal Habyarimana<br />
Sénégal : Abdou Diouf<br />
Suisse : René Felber<br />
Tchad : Idriss Déby<br />
13 chefs de gouvernement<br />
Belgique : Wilfried Martens<br />
Belgique (Communauté française) : Valmy Feaux<br />
Canada : Brian Mulroney<br />
Congo : André Milongo<br />
Luxembourg : Jacques Santer<br />
Maurice : Aneerood Jugnauth<br />
Niger : Amadou Cheiffou<br />
Nouveau-Brunswick : Franck McKenna<br />
Québec : Robert Bourassa<br />
Togo : Kokou Joseph Koffigoh<br />
Tunisie : Hamed Karaoui<br />
Val d’Aoste : Gianni Bondaz<br />
Vanuatu : Donald Kalpokas<br />
11 autres chefs de délégation<br />
Cambodge : Khek Sysoda, membre du Cabinet du<br />
président du Conseil national suprême<br />
Djibouti : Moumin Bahdou Farah, ministre des<br />
Affaires étrangères<br />
Egypte : Boutros Boutros-Ghali, vice-Premier<br />
ministre <strong>pour</strong> les Re<strong>la</strong>tions étrangères<br />
Guinée équatoriale : Isidoro Eyi Monsuy Andémé,<br />
vice-Premier ministre<br />
Louisiane : Al<strong>la</strong>n Barres, sénateur, ancien<br />
président du Sénat<br />
Madagascar : Honoré Rakotomanana, président de<br />
<strong>la</strong> Cour constitutionnelle<br />
Maroc : Mohammed Benaïssa, ministre des<br />
Affaires culturelles<br />
Monaco : René Novel<strong>la</strong>, ambassadeur en Italie<br />
Nouvelle-Angleterre : Paul Laf<strong>la</strong>mme, président<br />
de l’Action <strong>pour</strong> les Franco-Américains du Nord-<br />
Est (ACTFANE)<br />
Seychelles : Danielle de Saint-Jorre, ministre des<br />
Re<strong>la</strong>tions extérieures<br />
Vietnam : Nguyen Huu Tho, vice-président du<br />
Conseil d’Etat<br />
Zaïre : Buketi Bukayi, ministre des Re<strong>la</strong>tions<br />
extérieures<br />
. La conférence<br />
A Dakar, le Sommet de <strong>la</strong> Francophonie s’était<br />
donné rendez-vous au Zaïre <strong>pour</strong> sa 4ème réunion.<br />
Le rendez-vous zaïrois n’aura pas lieu : accusées,<br />
notamment, par <strong>la</strong> Belgique, <strong>la</strong> France et le<br />
Canada, de bafouer les Droits de l’homme, les<br />
autorités zaïroises ont dû déc<strong>la</strong>rer forfait. Le re<strong>la</strong>is<br />
fut passé à <strong>la</strong> France, et c’est au pa<strong>la</strong>is de Chaillot,<br />
à Paris, que s’ouvre le 19 novembre 1991, le 4ème<br />
Sommet de <strong>la</strong> Francophonie.<br />
Soulignant que ce Sommet est celui de<br />
"l’é<strong>la</strong>rgissement et de <strong>la</strong> maturité", le président<br />
Mitterrand constate : "L’espace francophone se<br />
déploie sur tous les continents, retrouve des<br />
solidarités anciennes, appelle des amitiés, marque<br />
le sentiment qu’un destin se partage aussi...A l’est<br />
de l’Europe, <strong>la</strong> liberté a repris ses droits avec<br />
vigueur, les nations vivent leur indépendance. Des<br />
minorités s’expriment, des peuples souvent<br />
chargés d’histoire veulent compter à leur tour, et<br />
parfois de nouveau... Tout au long des années de<br />
plomb, ils ont gardé en secret cette passion de <strong>la</strong><br />
<strong>la</strong>ngue française. Sorte d’espérance à tenir, de<br />
liberté à préserver, avec le sentiment tenace qu’un<br />
jour, ils retrouveraient les nations libres qui parlent<br />
<strong>la</strong> même <strong>la</strong>ngue. Tel est le sens, je pense, de<br />
l’arrivée, parmi nous, de <strong>la</strong> Bulgarie et de <strong>la</strong><br />
Roumanie..." Et de saluer également <strong>la</strong> présence<br />
du Cambodge (en soulignant "le rôle du prince<br />
Sihanouk qui était déjà, il y a trente ans, au côté<br />
des présidents Senghor et Diori Hamani <strong>pour</strong><br />
souhaiter <strong>la</strong> création d’une Communauté<br />
d’expression française"), celle du Cameroun et du<br />
Laos "hier observateurs", ainsi que <strong>la</strong> présence du<br />
président Hraoui qui "signifie que le Liban en<br />
marche vers <strong>la</strong> réconciliation de ses citoyens,<br />
retrouve <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce qui lui est due dans <strong>la</strong> reconquête<br />
de sa souveraineté..."<br />
Le Premier ministre canadien, Brian<br />
Mulroney, affirmait, <strong>pour</strong> sa part : "La France, qui<br />
nous accueille, est le berceau de <strong>la</strong> liberté, <strong>la</strong> mèrepatrie<br />
des droits de <strong>la</strong> personne. Et, ce retour aux<br />
sources devrait nous être d’autant plus salutaire<br />
que nous prenons de plus en plus conscience que,<br />
sans démocratie véritable, il ne peut y avoir de<br />
développement durable, et que, sans<br />
développement soutenu, il ne peut y avoir de<br />
42
démocratie solide. Notre hôte à Dakar, le président<br />
Diouf, avait d’ailleurs évoqué "ce ressourcement<br />
aux idéaux les plus élevés de liberté et de justice,<br />
véhiculés par le français". Le rappel de ces paroles<br />
donne un sens singulier à <strong>la</strong> participation à cette<br />
conférence du père Jean-Bertrand Aristide, le<br />
président démocratiquement élu d’Haïti "qui<br />
témoigne, avec dignité et courage, des dangers que<br />
<strong>la</strong> démocratie court encore. C’est dire que le<br />
monde a changé depuis le Sommet de Dakar, qu’il<br />
a changé rapidement et profondément, qu’il<br />
continue de changer vite et beaucoup".<br />
Entre-temps, le président Diouf, puis le<br />
président Soglo avaient affirmé leur foi dans <strong>la</strong><br />
démocratie en Afrique. Le chef de l’État<br />
sénéga<strong>la</strong>is avait salué dans le Bénin le pays grâce<br />
auquel <strong>la</strong> démocratie était revenue en Afrique.<br />
C’est <strong>pour</strong>quoi, s’exprimant à son tour, <strong>pour</strong> <strong>la</strong><br />
première fois devant un Sommet francophone, le<br />
président béninois devait conseiller à l’Afrique de<br />
suivre l’exemple de son pays : "Sans doute ne<br />
saurions-nous prétendre, dit-il, qu’il existe un<br />
modèle imposable à tous, quelque chose comme<br />
un prêt-à-porter démocratique. Nous n’en restons<br />
pas moins persuadés au Bénin que, si le courage,<br />
<strong>la</strong> dignité et l’esprit de responsabilité sont au<br />
rendez-vous, <strong>la</strong> conférence nationale est un cadre<br />
approprié <strong>pour</strong> opérer des mutations décisives et<br />
pacifiques dans une société en quête d’un souffle<br />
nouveau. Car elle reste à nos yeux l’alternative<br />
aux affrontements meurtriers et à <strong>la</strong> guerre civile.<br />
Telle est du moins <strong>la</strong> conviction des Béninois qui,<br />
depuis février 1990, s’efforcent patiemment de<br />
construire le renouveau démocratique. C’est le<br />
lieu <strong>pour</strong> moi d’adresser ma profonde gratitude<br />
aux pays membres de <strong>la</strong> Francophonie qui nous<br />
ont apporté, et continuent de nous apporter leur<br />
soutien dans cette difficile entreprise, de même<br />
qu’à ceux qui suivent avec tant de sympathie le<br />
processus de consolidation de <strong>la</strong> démocratie au<br />
Bénin".<br />
Le 4ème Sommet de <strong>la</strong> Francophonie a<br />
adopté un certain nombre de résolutions de<br />
politique internationale :<br />
- Sécurité internationale : les pays du Sommet<br />
"s’engagent à se joindre à tous les membres de <strong>la</strong><br />
communauté internationale <strong>pour</strong> condamner <strong>la</strong><br />
prolifération des armes de destruction massive et<br />
renforcer les instruments <strong>pour</strong> combattre<br />
efficacement <strong>la</strong> prolifération des armes nucléaires<br />
chimiques et biologiques ainsi que des systèmes<br />
balistiques".<br />
Ils s’engagent également à "promouvoir une<br />
plus grande prudence dans le transfert des armes<br />
conventionnelles qui permettra l’affectation du<br />
plus grand nombre de ressources possible au<br />
développement social et économique de leurs<br />
pays".<br />
Ils apportent par ailleurs "leur appui entier à<br />
l’affermissement du rôle et de l’autorité du<br />
secrétaire général" de l’ONU dont ils entendent<br />
"soutenir activement l’action" en faveur de <strong>la</strong> paix<br />
"tout en exhortant les peuples des régions en crise<br />
à résoudre leurs conflits par des moyens<br />
pacifiques".<br />
Le mouvement francophone s’engage "à<br />
travailler au renforcement de <strong>la</strong> capacité de l’ONU<br />
à agir de manière préventive <strong>pour</strong> maintenir <strong>la</strong><br />
paix et <strong>la</strong> sécurité".<br />
Il s’engage enfin à "améliorer les mécanismes<br />
de coordination et d’intervention des agences<br />
humanitaires de l’ONU et au soutien d’autres<br />
organisations multi<strong>la</strong>térales tel le CICR, afin de<br />
rendre plus efficaces les actions de secours aux<br />
popu<strong>la</strong>tions affligées".<br />
- Conflit israélo-arabe : ils "apportent leur<br />
soutien aux efforts engagés par les Etats-Unis,<br />
l’Union soviétique, les pays de <strong>la</strong> CEE et d’autres<br />
pays concernés et intéressés, invitent les parties à<br />
faire preuve de l’esprit constructif qui permettra de<br />
saisir cette occasion historique de parvenir à un<br />
règlement juste et durable du conflit israélo-arabe<br />
et du conflit palestinien".<br />
Ils "les invitent à adopter les mesures de<br />
confiance équilibrées et réciproques qui<br />
permettraient de créer un climat favorable à <strong>la</strong><br />
négociation, en particulier, <strong>la</strong> cessation de <strong>la</strong><br />
politique d’imp<strong>la</strong>ntation de colonies israéliennes<br />
dans les territoires occupés et du boycott arabe".<br />
Ils "se déc<strong>la</strong>rent prêts, dans <strong>la</strong> mesure de leurs<br />
moyens, à contribuer au développement de <strong>la</strong><br />
coopération régionale qui suivra le retour de <strong>la</strong><br />
paix".<br />
- Haïti : "constatant le renversement du<br />
gouvernement démocratiquement élu d’Haïti, le<br />
Sommet "condamne énergiquement ce<br />
renversement violent et illégal qui prive le peuple<br />
haïtien du libre exercice de ses droits<br />
démocratiques".<br />
La résolution exige également "le<br />
rétablissement de l’État de droit et de l’ordre<br />
constitutionnel ainsi que <strong>la</strong> restauration du<br />
président légitime dans ses fonctions".<br />
Elle prévoit "<strong>la</strong> suspension, jusqu’au<br />
rétablissement de l’ordre constitutionnel, de <strong>la</strong><br />
mise en oeuvre des accords entre Haïti et l’Agence<br />
de coopération culturelle et technique".<br />
Les pays francophones, qui "appuient les<br />
efforts déployés par l’OEA, l’ONU et d’autres<br />
instances <strong>pour</strong> restaurer et renforcer <strong>la</strong> démocratie<br />
dans ce pays", s’engagent à "respecter ou à<br />
recommander l’application des sanctions<br />
économiques arrêtées par l’OEA".<br />
Ils affirment enfin "leur volonté, une fois<br />
l’ordre constitutionnel rétabli en Haïti, de<br />
consolider <strong>la</strong> coopération économique et<br />
financière avec ce pays, afin de soutenir son<br />
développement économique, social et<br />
démocratique".<br />
- Afrique : les dirigeants du Sommet<br />
francophone "se réjouissent du processus de<br />
démocratisation en cours en Afrique, expriment<br />
leur soutien aux pays africains engagés dans les<br />
réformes politiques et économiques". Ils<br />
demandent "instamment à <strong>la</strong> communauté<br />
internationale de les soutenir" et s’engagent à<br />
"oeuvrer <strong>pour</strong> <strong>la</strong> prise en compte, dans les<br />
instances internationales, des besoins du continent<br />
africain".<br />
- Corne de l’Afrique : le Sommet francophone<br />
appuie les efforts de plusieurs pays "et notamment<br />
de <strong>la</strong> République de Djibouti", en faveur du<br />
rétablissement de <strong>la</strong> paix en Somalie et appelle les<br />
acteurs des conflits à entamer ou <strong>pour</strong>suivre des<br />
négociations <strong>pour</strong> <strong>la</strong> paix dans <strong>la</strong> région.<br />
- Liban : <strong>la</strong> résolution enregistre "avec<br />
satisfaction les progrès réalisés tant sur le p<strong>la</strong>n<br />
politique que sur le p<strong>la</strong>n de <strong>la</strong> sécurité depuis <strong>la</strong><br />
mise en oeuvre par le gouvernement libanais des<br />
accords de Taëf et notamment <strong>pour</strong> ce qui a trait à<br />
<strong>la</strong> dissolution des milices et à l’extension de <strong>la</strong><br />
zone contrôlée par l’armée légale".<br />
Elle exprime son "appui au gouvernement<br />
libanais dans <strong>la</strong> <strong>pour</strong>suite de l’application stricte et<br />
complète des accords de Taëf en vue de<br />
consolider <strong>la</strong> réconciliation nationale, de renforcer<br />
<strong>la</strong> sécurité, de rétablir <strong>la</strong> légalité sur tout le<br />
territoire national en y déployant l’armée<br />
libanaise, et de restaurer <strong>la</strong> souveraineté pleine et<br />
entière du Liban".<br />
La résolution décide "<strong>la</strong> reconduction du<br />
fonds de solidarité créé par le Sommet de Québec<br />
(1987) <strong>pour</strong> <strong>la</strong> reconstruction des institutions<br />
culturelles, éducatives, techniques et hospitalières<br />
du Liban" et appelle "les Etats membres à<br />
renouveler le financement de ce fonds".<br />
- L’usage du français dans les organisations<br />
internationales : <strong>la</strong> résolution invite les<br />
gouvernements francophones à "une action<br />
in<strong>la</strong>ssable et concertée" en vue de permettre<br />
l’adoption, dans les organisations où elles font<br />
encore défaut, de résolutions linguistiques à<br />
l’exemple des résolutions de l’ONU et d’assurer le<br />
recrutement optimum de fonctionnaires<br />
internationaux francophones".<br />
Elle appelle "à <strong>la</strong> création de groupes<br />
francophones dans les organisations<br />
internationales", souligne "<strong>la</strong> nécessité de favoriser<br />
par tous les moyens et notamment par <strong>la</strong><br />
formation de spécialistes, <strong>la</strong> qualité de <strong>la</strong><br />
traduction et de l’interprétation".<br />
Elle demande "<strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce d’un réseau<br />
informatique de détection et de diffusion des<br />
termes posant un problème de définition et de<br />
traduction en français", et souligne "l’importance<br />
de <strong>la</strong> présence des livres et documents français<br />
dans les bibliothèques et centres de documentation<br />
internationaux".<br />
Elle souhaite que le français conserve sa p<strong>la</strong>ce<br />
de "première <strong>la</strong>ngue olympique" et demande<br />
"qu’une concertation régulière entre francophones<br />
s’é<strong>la</strong>bore auprès des grandes organisations<br />
internationales".<br />
. Les décisions pratiques<br />
Le 4ème Sommet de <strong>la</strong> Francophonie s’est<br />
attaché à peaufiner <strong>la</strong> réforme de ses institutions<br />
commencée à Dakar.<br />
Le Sommet demeure l’instance suprême au<br />
niveau politique, mais une Conférence<br />
ministérielle se réunira, désormais, à mi-chemin<br />
entre deux Sommets.<br />
D’autre part, un Conseil permanent de <strong>la</strong><br />
Francophonie, composé des représentants<br />
spéciaux des chefs d’Etat et de gouvernement (les<br />
"sherpas"), doit être créé. Il comprendra<br />
15 membres (France, Canada, Québec,<br />
Communauté française de Belgique, Sénégal,<br />
Maurice, Côte d’Ivoire, Bénin, Togo, Gabon,<br />
Zaïre, Maroc, Madagascar, Liban, Vietnam) et<br />
regroupera trois des structures actuelles : le CIS, le<br />
CIP et le bureau é<strong>la</strong>rgi de l’ACCT.<br />
L’ACCT devrait obtenir un rôle technique de<br />
secrétariat de <strong>la</strong> Francophonie qui reste à définir<br />
dans le détail. Elle aura à sa disposition, <strong>pour</strong><br />
appuyer ses actions de coopération, 9 comités de<br />
programmes composés d’experts gouvernementaux.<br />
Les représentants d’organisations nongouvernementales<br />
(ONG) <strong>pour</strong>ront également être<br />
appelés à y participer.<br />
Il a été d’autre part décidé l’extension de <strong>la</strong> chaîne<br />
de télévision cablée TV5 (reçue déjà en Europe et<br />
en Amérique du Nord) en Afrique et le soutien à<br />
<strong>la</strong> production d’images du Sud en renforçant<br />
l’action de l’ACCT. La France a décidé de<br />
doubler sa contribution à ce fonds - qui est de<br />
30 millions de francs français au total - de 1,5 à<br />
3 millions.<br />
Sur proposition du Canada, il a été décidé <strong>la</strong> mise<br />
sur pied d’un "réseau-pilote" de cliniques<br />
juridiques, <strong>pour</strong> répondre aux besoins des femmes<br />
dans les pays membres de l’espace francophone.<br />
Ces cliniques auraient <strong>pour</strong> mission "des tâches de<br />
vulgarisation, d’aide juridique, d’information et<br />
d’actions pédagogiques <strong>pour</strong> contribuer à une<br />
43
meilleure connaissance des codes de <strong>la</strong> famille et<br />
des codes pénaux en vigueur". Le mandat définitif<br />
de ces cliniques juridiques sera précisé lors de <strong>la</strong><br />
tenue ultérieure, en Afrique, d’un séminaire<br />
international de juristes. Le gouvernement<br />
canadien consacrera environ 3 millions de FF<br />
(600 000 dol<strong>la</strong>rs canadiens) à <strong>la</strong> création de ce<br />
réseau "qui sera appelé à s’étendre si l’expérience<br />
s’avère concluante".<br />
Le Canada a par ailleurs annoncé <strong>la</strong> <strong>pour</strong>suite de<br />
son programme de bourses de <strong>la</strong> Francophonie -<br />
créé lors du premier Sommet en 1986 - auquel<br />
seront affectés près de 50 millions de FF<br />
(10 millions de dol<strong>la</strong>rs canadiens) par an au cours<br />
des cinq prochaines années. Ce programme, qui<br />
s’adresse aux étudiants des pays en<br />
développement membres du mouvement<br />
francophone, devrait permettre, chaque année à<br />
350 d’entre eux (dont 50 % de femmes), de<br />
<strong>pour</strong>suivre leurs études dans des universités<br />
canadiennes.<br />
Enfin, le Sommet a décidé <strong>la</strong> tenue de sa<br />
5ème réunion à l’île Maurice, en 1993.<br />
5ème Sommet de <strong>la</strong> Francophonie :<br />
Grand Baie(Maurice)6/18 octobre 1993<br />
"L’unité dans <strong>la</strong> diversité"<br />
. Les 47 participants<br />
19 chefs d’État<br />
Bénin : Nicéphore Soglo<br />
Bulgarie : Jeliou Jelev<br />
Burkina Faso : B<strong>la</strong>ise Compaoré<br />
Burundi : Melchior Ndadaye<br />
Cameroun : Paul Biya<br />
Comores : Saïd Mohamed Djohar<br />
Congo : Pascal Lissouba<br />
France : François Mitterrand<br />
Guinée Bissau : Vasco Cabral<br />
Laos : Nouhak Phoumsavanh<br />
Mali : Alpha Oumar Konaré<br />
Niger : Mahamane Ousmane<br />
Roumanie : Ion Illiescu<br />
Rwanda : Juvénal Habyarimana<br />
Seychelles : France Albert René<br />
Suisse : Adolf Ogi<br />
Tchad : Idriss Deby<br />
Vietnam : Nguyen Thi Binh<br />
Zaïre : Mobutu Sese Seko<br />
13 chefs de gouvernement<br />
Belgique : Jean-Luc Dehaene<br />
Cambodge : prince Sdech Krom Luong Norodom<br />
Ranariddh<br />
Canada/Nouveau Brunswick : Frank McKenna<br />
Canada/Québec : Lise Bacon<br />
Dominique : Mary Eugenia Charles<br />
Gabon : Casimir Oye Mba<br />
Luxembourg : Jacques Santer<br />
Madagascar : Francisque Ravony<br />
Mauritanie : Sidi Mohamed Ould Boubacar<br />
Monaco : Jacques Dupont<br />
Togo : Kokou Joseph Koffigoh<br />
Tunisie : Hamed Karoui<br />
Vanuatu : Maxime Carlot Korman<br />
15 autres chefs de délégation<br />
Canada : Benoît Bouchard, ambassadeur à Paris,<br />
représentant personnel du premier ministre<br />
Cap-Vert : Manuel de Jesus Chantre, ministre des<br />
Affaires étrangères<br />
Centrafrique : Jean-Marie Bassia, ministre des<br />
Affaires étrangères<br />
Communauté française de Belgique : Laurette<br />
Onkelinx, ministre-présidente chargée de <strong>la</strong> Santé,<br />
des Affaires sociales et du Tourisme<br />
Côte d’Ivoire : Amara Essy, ministre des Affaires<br />
étrangères<br />
Djibouti : Abdou Bolok Abdou, ministre des<br />
Affaires étrangères<br />
Egypte : Samir Safouat, ambassadeur,<br />
représentant personnel du président Hosny<br />
Moubarak<br />
Guinée : Ibrahima Syl<strong>la</strong>, ministre des Affaires<br />
étrangères et de <strong>la</strong> Coopération<br />
Guinée équatoriale : Augustin Nse Nfumu,<br />
ministre délégué chargé de <strong>la</strong> Francophonie<br />
Haïti : C<strong>la</strong>udette Werleigh, ministre des Affaires<br />
étrangères et des cultes<br />
Liban : Farès Boueiz, ministre des Affaires<br />
étrangères<br />
Maroc : Mohamed Al<strong>la</strong>l Sinaceur, ministre des<br />
Affaires culturelles<br />
Maurice : Ahmud Swa<strong>la</strong>y Kasenally, ministre des<br />
Affaires étrangères<br />
Sainte-Lucie : Louis George, ministre de<br />
l’Education, de <strong>la</strong> Culture et du Travail<br />
Sénégal : Moustapha Niasse, ministre d’État,<br />
ministre des Affaires étrangères et des Sénéga<strong>la</strong>is<br />
de l’extérieur<br />
4 invités spéciaux<br />
Moldavie : Ntau, ministre des Affaires étrangères<br />
Nouvelle-Angleterre : Paul Laf<strong>la</strong>mme, président<br />
de l’Action <strong>pour</strong> les Franco-Américains du Nord-<br />
Est<br />
Val d’Aoste : Dino Vierin, président du<br />
gouvernement régional<br />
ONU : Boutros Boutros-Ghali, secrétaire général<br />
. La Conférence<br />
Le 5e sommet de <strong>la</strong> Francophonie à Maurice<br />
a consacré l’usage d’un nouvel intitulé. Il est<br />
devenu celui des chefs d’État et de gouvernement<br />
des pays "ayant le français en partage", une<br />
formule plus conviviale que celle qui avait prévalu<br />
jusqu’alors : "ayant en commun l’usage du<br />
français". La communauté francophone a accueilli<br />
à cette occasion de nouveaux participants. Le<br />
Cambodge, <strong>la</strong> Bulgarie, <strong>la</strong> Roumanie sont<br />
devenus membres à part entière. En tout 47<br />
délégations (soit 2 de plus qu’à Chaillot en 1991)<br />
étaient présentes et 4 invités spéciaux (Moldavie,<br />
Nouvelle-Angleterre, Val d’Aoste, <strong>Organisation</strong><br />
des Nations unies). Cette conférence a été<br />
marquée par l’absence d’un certain nombre de<br />
chefs d’État africains de premier p<strong>la</strong>n. Ainsi, le<br />
président de Côte d’Ivoire Félix Houphouët-<br />
Boigny, hospitalisé, n’a pu faire le voyage, le<br />
président sénéga<strong>la</strong>is Abdou Diouf a été retenu à<br />
Dakar. Quant au président du Gabon, Omar<br />
Bongo, il se trouvait en pleine campagne<br />
électorale. Le Canada, lui aussi, n’a été représenté<br />
que par son ambassadeur à Paris et non plus,<br />
comme auparavant, par son premier ministre. Un<br />
élément significatif de <strong>la</strong> crise des re<strong>la</strong>tions francocanadiennes<br />
lors de <strong>la</strong> préparation de <strong>la</strong><br />
conférence. Et enfin, le Sommet de Maurice a été<br />
<strong>la</strong> dernière réunion de chefs d’États francophones<br />
à <strong>la</strong>quelle le président François Mitterrand, alors<br />
en fin de mandat, participait.<br />
A Maurice, les grands thèmes abordés lors des<br />
précédents sommets de <strong>la</strong> Francophonie et<br />
notamment celui de Chaillot, démocratie, droits de<br />
l’homme, sécurité, développement, solidarité<br />
Nord/Sud, ont tout naturellement été abordés et<br />
ont fait l’objet d’une mention dans le texte de <strong>la</strong><br />
déc<strong>la</strong>ration finale et de l’adoption de <strong>nouvelle</strong>s<br />
résolutions. Après les avancées significatives vers<br />
<strong>la</strong> démocratie réalisées en trois ans dans les pays<br />
d’Afrique, le temps était venu, <strong>pour</strong> François<br />
Mitterrand, de "<strong>la</strong> consolidation". "La démocratie<br />
n’est pas une rente, il faut en consolider<br />
in<strong>la</strong>ssablement les acquis tout en retrouvant <strong>la</strong><br />
voie d’une croissance durable de vos économies".<br />
La problématique démocratie/dévelop-pement<br />
durable est encore dominante à Maurice car dans<br />
le domaine économique, les résultats enregistrés<br />
depuis le sommet de Chaillot n’ont pas été aussi<br />
encourageants que sur le p<strong>la</strong>n politique. Et si, <strong>pour</strong><br />
les protagonistes, ce sommet, p<strong>la</strong>cé sous le thème<br />
proposé par <strong>la</strong> République de Maurice de "l’unité<br />
dans <strong>la</strong> diversité", a été celui de "l’engagement<br />
politique", c’est notamment parce qu’il a permis<br />
d’approfondir <strong>la</strong> réflexion sur <strong>la</strong> présence de <strong>la</strong><br />
communauté francophone en tant qu’entité sur<br />
"l’échiquier mondial" (déjà esquissée lors de <strong>la</strong><br />
préparation de <strong>la</strong> conférence internationale de<br />
Vienne sur les droits de l’homme où <strong>la</strong><br />
concertation avait permis aux francophones de<br />
parler d’une seule voix) en é<strong>la</strong>rgissant le rôle<br />
politique d’outils comme le Conseil permanent de<br />
<strong>la</strong> Francophonie, créé à Chaillot.<br />
Le débat engagé lors du sommet, autour de <strong>la</strong><br />
notion d’exception culturelle, défendue<br />
ardemment par <strong>la</strong> France lors des négociations du<br />
GATT et <strong>pour</strong> <strong>la</strong> défense de <strong>la</strong>quelle François<br />
Mitterrand souhaitait obtenir le soutien de <strong>la</strong><br />
"famille francophone", va dans ce sens puisque<br />
l’accord intervenu a donné à <strong>la</strong> Francophonie <strong>la</strong><br />
dimension d’un bloc uni <strong>pour</strong> défendre des<br />
convictions communes sur <strong>la</strong> scène internationale.<br />
Dans son discours prononcé au cours de <strong>la</strong><br />
séance solennelle d’ouverture, le Président<br />
français s’est ainsi exprimé sur les risques<br />
d’uniformisation culturelle sur un modèle unique<br />
venu d’Outre-At<strong>la</strong>ntique : "Je pense qu’il serait<br />
désastreux d’aider à <strong>la</strong> généralisation d’un<br />
modèle unique et il faut y prendre garde. Ce que<br />
les régimes totalitaires n’ont pas réussi à faire, les<br />
lois de l’argent alliées aux forces techniques vontelles<br />
y parvenir ? ... Ce qui est en jeu, et donc en<br />
péril, je le dis aux francophones ici rassemblés,<br />
dans les négociations en cours, c’est le droit de<br />
chaque pays à forger son imaginaire, à<br />
transmettre aux générations futures <strong>la</strong><br />
représentation de sa propre identité". Pour<br />
François Mitterrand, <strong>la</strong> France est "menacée". Et<br />
<strong>la</strong> solidarité dont elle a fait, et fera preuve, dans<br />
l’aide aux pays du Sud, majoritaires au sein de <strong>la</strong><br />
Francophonie - "La France est le pays qui<br />
accorde le plus fort <strong>pour</strong>centage à l’aide au<br />
développement" -, implique une réciprocité de <strong>la</strong><br />
part des bénéficiaires. La France "doit préserver<br />
ses intérêts, pas au détriment des vôtres, mais elle<br />
est en droit de demander que ses intérêts soient<br />
aussi protégés par vous".<br />
Ce message très c<strong>la</strong>ir a été entendu par les<br />
représentants des Etats francophones. Une<br />
résolution sur "l"exception culturelle au GATT" a<br />
été finalement adoptée.<br />
. Les résolutions<br />
Les 47 chefs d’Etat, de gouvernement et de<br />
délégation réunis à Maurice ont adopté<br />
21 résolutions. Elles portent sur de nombreux<br />
domaines, notamment :<br />
- Maintien de <strong>la</strong> paix et sécurité<br />
internationale: les pays francophones se "félicitent<br />
du rôle accru des Nations unies", sont "désireux de<br />
soutenir activement l’action de l’ONU", se<br />
"déc<strong>la</strong>rent prêts à s’associer selon leurs possibilités<br />
aux opérations de maintien de <strong>la</strong> paix ou<br />
humanitaires décidées par le système des Nations<br />
44
unies", acceptent de contribuer au renforcement de<br />
<strong>la</strong> diplomatie préventive", "condamnent<br />
vigoureusement les attaques dirigées contre le<br />
personnel des Nations unies chargé du maintien de<br />
<strong>la</strong> paix et contre le personnel humanitaire".<br />
- Afrique : les pays ayant le français en partage<br />
"notent avec satisfaction <strong>la</strong> <strong>pour</strong>suite du processus<br />
de démocratisation, condition nécessaire au<br />
développement", "considèrent que les difficultés<br />
financières auxquelles sont confrontés les pays<br />
africains nécessitent une solidarité internationale<br />
accrue, notamment de <strong>la</strong> part de <strong>la</strong> communauté<br />
francophone", "appuient les efforts d’intégration<br />
régionale", demandent à <strong>la</strong> communauté<br />
internationale de <strong>pour</strong>suivre ses efforts sur les<br />
p<strong>la</strong>ns politique, économique et financier afin de<br />
contribuer au développement de manière à<br />
garantir <strong>la</strong> réussite du processus de<br />
démocratisation et de redressement économique et<br />
financier", s’engagent à oeuvrer au sein des<br />
organisations internationales <strong>pour</strong><br />
l’assouplissement des conditions d’octroi de l’aide<br />
au développement".<br />
- Exception culturelle au GATT : ils "conviennent<br />
d’adopter ensemble, au sein du GATT, <strong>la</strong> même<br />
exception culturelle <strong>pour</strong> toutes les industries<br />
culturelles".<br />
- Liban : ils "décident <strong>la</strong> reconduction du fonds de<br />
solidarité créé par le sommet de Québec <strong>pour</strong> <strong>la</strong><br />
reconstruction des institutions culturelles,<br />
éducatives, techniques et hospitalières du Liban et<br />
appellent les États membres à renouveler le<br />
financement de ce fonds".<br />
- Rwanda : ils "<strong>la</strong>ncent un appel à <strong>la</strong> communauté<br />
internationale, et particulièrement aux pays<br />
francophones, afin qu’ils <strong>pour</strong>suivent et<br />
augmentent leur assistance au peuple rwandais<br />
dans son effort de reconstruction nationale".<br />
- Haïti : ils "re<strong>nouvelle</strong>nt leur appui au<br />
gouvernement légitime de Haïti incarné par son<br />
président Jean-Bertrand Aristide".<br />
- L’unité dans <strong>la</strong> diversité : ils "déc<strong>la</strong>rent que les<br />
atteintes aux droits de l’homme et aux libertés<br />
fondamentales constituent un sujet de<br />
préoccupation direct et légitime, <strong>pour</strong> <strong>la</strong><br />
communauté internationale", "décident de prendre<br />
toute mesure de nature à faciliter <strong>la</strong> pleine<br />
participation de personnes appartenant à des<br />
minorités nationales à tous les aspects de <strong>la</strong> vie<br />
politique".<br />
- La Francophonie et les re<strong>la</strong>tions<br />
internationales : ils "donnent mandat au Conseil<br />
permanent de <strong>la</strong> Francophonie de continuer à<br />
oeuvrer concrètement <strong>pour</strong> renforcer <strong>la</strong><br />
représentation des pays de l’espace francophone<br />
dans les institutions internationales... et s’engagent<br />
à le doter des moyens nécessaires <strong>pour</strong> lui<br />
permettre de remplir sa mission", "rappellent le<br />
mandat de l’ACCT aux fins de <strong>pour</strong>suivre et<br />
intensifier <strong>la</strong> coopération avec les organisations<br />
internationales", "invitent au strict respect du statut<br />
des différentes <strong>la</strong>ngues officielles ou de travail<br />
dans le système des Nations unies", affirment leur<br />
soutien aux actions visant à assurer une présence<br />
dynamique de <strong>la</strong> communauté francophone sur <strong>la</strong><br />
scène internationale".<br />
- Le français dans les organisations<br />
internationales : ils "appellent à <strong>la</strong> création de<br />
groupes francophones dans les organisations<br />
internationales qui n’en sont pas encore dotées".<br />
- L’économie mondiale : ils "appellent <strong>la</strong><br />
communauté internationale à soutenir les efforts<br />
des pays en développement en vue de leur<br />
participation à un système commercial mondial<br />
stable, ouvert et équitable", "s’engagent à<br />
participer activement à <strong>la</strong> réflexion menée dans le<br />
cadre des Nations unies en vue de l’adoption d’un<br />
programme d’action <strong>pour</strong> le développement".<br />
- La coopération économique francophone :<br />
ils "conviennent de développer entre eux une<br />
étroite concertation lors des différentes<br />
négociations multi<strong>la</strong>térales, notamment au sein du<br />
GATT ou des organismes régionaux".<br />
- Le programme d’action des Nations unies<br />
<strong>pour</strong> le Développement : ils "s’engagent à<br />
contribuer activement à sa définition et à sa mise<br />
en oeuvre", "mandatent le Conseil permanent de <strong>la</strong><br />
Francophonie afin de préciser <strong>la</strong> contribution<br />
spécifique que les pays francophones <strong>pour</strong>raient<br />
apporter à <strong>la</strong> mise en oeuvre du programme".<br />
- La programmation : cette résolution<br />
"souligne <strong>la</strong> nécessité de mobiliser des crédits<br />
accrus au profit du fonds multi<strong>la</strong>téral unique". Elle<br />
définit les grands domaines d’intervention de <strong>la</strong><br />
Francophonie dans les années à venir : promotion<br />
de l’utilisation du français au sein des<br />
organisations internationales, appui à des<br />
programmes de développement du français dans<br />
les sciences, coopération juridique, financière,<br />
interparlementaire, dans le domaine de <strong>la</strong><br />
communication, aide à l’ancrage africain de TV5<br />
et <strong>pour</strong>suite des études sur l’extension à l’Asie,<br />
soutien au Forum francophone des affaires <strong>pour</strong><br />
développer le partenariat économique, mise en<br />
p<strong>la</strong>ce de programmes mobilisateurs dans le<br />
domaine de l’enseignement du français et de<br />
l’alphabétisation, coopération scientifique et<br />
soutien à <strong>la</strong> re<strong>la</strong>nce de <strong>la</strong> recherche au Sud.<br />
. Les décisions pratiques<br />
Sur le p<strong>la</strong>n institutionnel, le sommet de Maurice a<br />
pris un certain nombre de décisions destinées à<br />
permettre un renforcement du rôle politique de <strong>la</strong><br />
<strong>francophonie</strong> sur <strong>la</strong> scène internationale. Les<br />
travaux préparatoires des conférences<br />
ministérielles qui se sont tenues en décembre<br />
1992, à Paris, et en octobre 1993, à Grand Baie, et<br />
le rapport présenté par le Conseil permanent de <strong>la</strong><br />
Francophonie, ont dans ce domaine joué un rôle<br />
important en indiquant <strong>la</strong> direction à suivre. Le<br />
CPF, organe permanent de <strong>la</strong> Francophonie, doit<br />
développer sa capacité de rayonnement au p<strong>la</strong>n<br />
international. La création d’un comité de réflexion<br />
<strong>pour</strong> le renforcement de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong> proposée<br />
par les ministres et adoptée à Maurice par le biais<br />
d’une résolution, va dans ce sens. Ce comité est<br />
composé de 11 représentants désignés sur une<br />
base géographique par <strong>la</strong> Conférence ministérielle<br />
de <strong>la</strong> Francophonie (Burkina-Faso, Canada,<br />
Canada/Qué-bec, communauté française de<br />
Belgique, France, Gabon, Maroc, Maurice,<br />
Roumanie, Sénégal, Vietnam).<br />
Sa mission est : "de proposer les moyens<br />
d’assurer <strong>la</strong> réalisation des ambitions de <strong>la</strong><br />
Francophonie sous le contrôle du CPF et sous<br />
l’autorité de <strong>la</strong> conférence ministérielle". La<br />
première tâche fixée au comité de réflexion était<br />
de présenter un rapport d’étape à <strong>la</strong> conférence<br />
ministérielle de Bamako en décembre 1993. Ses<br />
propositions finales doivent être soumises au 6e<br />
sommet de Cotonou en décembre 1995.<br />
Depuis le Sommet de Chaillot en 1991, le débat<br />
sur l’évolution institutionnelle de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong><br />
s’est <strong>pour</strong>suivi activement. N’ayant pu être<br />
définitivement réglé à Maurice, comme prévu, le<br />
dispositif défini en 1991 a continué de prévaloir<br />
selon <strong>la</strong> hiérarchie suivante : le Sommet, <strong>la</strong><br />
conférence ministérielle de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong><br />
(CMF), le Conseil permanent de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong><br />
(CPF), le secrétariat des instances assuré par<br />
l’ACCT, l’ACCT, unique organisation<br />
intergouvernementale de <strong>la</strong> Francophonie et son<br />
opérateur principal, enfin les autres opérateurs.<br />
Créé à Maurice, un comité de réflexion sur les<br />
perspectives institutionnelles a présenté une série<br />
de propositions qui ont fait l’objet d’âpres<br />
discussions lors des Conférences ministérielles, de<br />
Ouagadougou en décembre 1994, puis à Paris en<br />
mars 1995.<br />
Enfin, un autre comité créé à Maurice et<br />
chargé de réfléchir sur les programmes<br />
mobilisateurs a suggéré de regrouper les axes de<br />
l’action de <strong>la</strong> Francophonie autour de quatre<br />
thèmes (un espace de savoir et de progrès : un<br />
espace de culture et de communication ; un espace<br />
de liberté, de démocratie et de développement ; <strong>la</strong><br />
Francophonie dans le monde), afin de donner plus<br />
de cohérence et de force à <strong>la</strong> coopération<br />
multi<strong>la</strong>térale francophone qui souffre d’une<br />
dispersion de ses secteurs d’intervention (les cinq<br />
définis à Paris en 1986 – agriculture, énergie,<br />
industries de <strong>la</strong> culture et de <strong>la</strong> communication,<br />
industries de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue et information scientifique,<br />
développement tech-nologique – et les trois autres<br />
rajoutés à Dakar en 1989 – éducation et formation,<br />
environnement, démocratie et Etat de droit).<br />
6ème Sommet de <strong>la</strong> Francophonie :<br />
Cotonou (Bénin) 2/4 décembre 1995<br />
- La conférence<br />
Le dossier le plus important qui devait être<br />
examiné par les Chefs d’État francophones<br />
(49 participants) réunis à Cotonou devait être celui<br />
de <strong>la</strong> réforme institutionnelle <strong>la</strong>ncée lors du<br />
Sommet de Chaillot en 1991 et développée lors du<br />
Sommet de Maurice en 1993. Une réforme qui<br />
commençait à traîner en longueur et qui devait<br />
impérativement aboutir à Cotonou. De grandes<br />
décisions de principe ont, de fait, été prises :<br />
création d’un secrétariat général de <strong>la</strong><br />
<strong>francophonie</strong>, nomination par le Sommet d’un<br />
secrétaire général, porte-parole politique et<br />
représentant officiel de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong> au niveau<br />
international, création d’un poste d’administrateur<br />
de l’Agence de coopération culturelle et<br />
technique, qui devient l’Agence de <strong>la</strong><br />
<strong>francophonie</strong>.<br />
Ces décisions de principe ont, après le Sommet,<br />
été réexaminées en détail lors de <strong>la</strong> Conférence<br />
ministérielle de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong> réunie à<br />
Marrakech les 17 et 18 décembre 1996, au cours<br />
de <strong>la</strong>quelle a été adopté un projet de Charte de <strong>la</strong><br />
<strong>francophonie</strong>, établissant le nouveau dispositif<br />
institutionnel. L’ensemble du dossier, non<br />
définitivement bouclé est renvoyé au Sommet de<br />
Hanoï en novembre 1997, au cours duquel doit<br />
être effectivement élu le nouveau secrétaire<br />
général de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong>.<br />
L’importance de cette réforme institutionnelle est<br />
liée à l’ambition maintes fois répétée de donner à<br />
<strong>la</strong> <strong>francophonie</strong> une visibilité et un impact<br />
politique beaucoup plus significatifs, jugés<br />
nécessaires dans le nouveau contexte de l’après-<br />
45
guerre froide. Même si, et on a bien pu le mesurer<br />
à Cotonou, cette ambition paraît avoir des limites<br />
certaines. Ainsi, sur les dossiers africains, en<br />
particulier le Rwanda, le Nigeria ou l’Algérie, les<br />
Chefs d’État ont eu quelques difficultés, non<br />
seulement à mettre en oeuvre des initiatives<br />
diplomatiques, mais aussi à prendre des positions<br />
communes. Le Canada, le Mali ou le Burkina<br />
Faso souhaitaient une condamnation du régime<br />
militaire nigérian, mais le Bénin, le Togo, le Niger<br />
et le Tchad s’y sont opposés, n’acceptant qu’« un<br />
appel aux autorités nigérianes <strong>pour</strong> oeuvrer à<br />
l’établissement de l’état de droit et de <strong>la</strong><br />
démocratie ». Plusieurs autres résolutions ont été<br />
adoptées sur l’Afrique, le maintien de <strong>la</strong> paix, le<br />
Burundi, le Liban qui sont restés de timides<br />
compromis.<br />
Dans le domaine de <strong>la</strong> coopération juridique et<br />
judiciaire, les Chefs d’État ont adopté le p<strong>la</strong>n<br />
d’action préparé lors de <strong>la</strong> réunion ministérielle du<br />
Caire du 30 octobre au 1er novembre 1995 et axé<br />
sur quatre thèmes : l’indépendance de <strong>la</strong><br />
magistrature ; une justice efficace garante de l’Etat<br />
de droit ; le respect des droits de l’homme et des<br />
libertés fondamentales ; une justice facteur de<br />
développement.<br />
L’appel de Cotonou<br />
« Aujourd’hui, 90 % des informations qui<br />
transitent par Internet sont émises en <strong>la</strong>ngue<br />
ang<strong>la</strong>ise, parce que les outils et les serveurs sont<br />
dédiés à l’usage exclusif de cette <strong>la</strong>ngue. L’enjeu<br />
est c<strong>la</strong>ir : si dans les nouveaux médias, notre<br />
<strong>la</strong>ngue, nos programmes, nos créations ne sont pas<br />
fortement présents, nos futures générations seront<br />
économiquement et culturellement marginalisées.<br />
Sachons demain offrir à <strong>la</strong> jeunesse du monde des<br />
rêves francophones, exprimés dans des films, des<br />
feuilletons et valorisant <strong>la</strong> richesse culturelle et <strong>la</strong><br />
créativité de chacun de nos peuples. Il faut<br />
produire et diffuser en français. C’est une question<br />
de survie. Il faut unir nos efforts. Les pays du Sud<br />
peuvent et doivent participer à ce combat, qui<br />
n’est pas seulement celui de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong>. Les<br />
hispanophones et les arabophones, tous ceux qui<br />
s’expriment en hindi ou en russe, en chinois ou en<br />
japonais sont confrontés à <strong>la</strong> même menace que<br />
nous. J’appelle <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong> à prendre <strong>la</strong> tête<br />
d’une vaste campagne <strong>pour</strong> le pluralisme<br />
linguistique et <strong>la</strong> diversité culturelle sur les<br />
inforoutes de demain. Je souhaite que cet appel de<br />
Cotonou marque fortement cette ambition et soit<br />
entendu et compris dans le monde entier ». Cette<br />
déc<strong>la</strong>ration du président de <strong>la</strong> République<br />
française, Jacques Chirac, baptisée depuis<br />
l’« appel de Cotonou », aura été l’une des plus<br />
marquantes du Sommet. C’est en tout cas à<br />
Cotonou <strong>pour</strong> <strong>la</strong> première fois que les<br />
francophones ont pris <strong>la</strong> mesure de l’importance<br />
<strong>pour</strong> leur avenir des <strong>nouvelle</strong>s technologies de<br />
l’information et de <strong>la</strong> communication et qu’ils ont<br />
décidé d’y accorder dans leurs activités une p<strong>la</strong>ce<br />
prioritaire. Dans <strong>la</strong> résolution N° 18 du Sommet<br />
sur <strong>la</strong> société de l’information, les Chefs d’Etat,<br />
« conscients du défi que pose le développement<br />
très rapide de <strong>la</strong> société de l’information et des<br />
enjeux économiques, technologiques et culturels<br />
qui en découlent », décident d’organiser une<br />
mobilisation rapide du dispositif francophone dans<br />
ce domaine. Il faudra quand même attendre mai<br />
1997 <strong>pour</strong> qu’une réunion ministérielle se tienne<br />
sur ce sujet à Montréal et produise un p<strong>la</strong>n<br />
d’action, proposé aux Chefs d’Etat à Hanoï et axé<br />
sur <strong>la</strong> création d’un fonds francophone destiné à<br />
soutenir <strong>la</strong> production de contenus francophones<br />
multimédia. De fait, il restera à prouver que cette<br />
prise de conscience de Cotonou sera suivie enfin<br />
d’effets après Hanoï.<br />
7ème Conférence des chefs d’Etat et de<br />
gouvernement des pays ayant le français en<br />
partage : Hanoï (Vietnam)<br />
14/16 novembre 1997<br />
- La Conférence<br />
Le Sommet de Hanoï (51 participants) restera une<br />
étape importante dans l’évolution de <strong>la</strong><br />
Francophonie institutionnelle. Engagée depuis<br />
plusieurs années, difficile à définir et à finaliser, <strong>la</strong><br />
réforme de l’organisation générale du dispositif a<br />
finalement abouti à Hanoï. Le point essentiel<br />
concerne <strong>la</strong> création d’un secrétariat général de <strong>la</strong><br />
Francophonie qui supervise l’ensemble des<br />
activités des opérateurs, y compris l’Agence de <strong>la</strong><br />
<strong>francophonie</strong>, et prend en charge tout<br />
particulièrement <strong>la</strong> promotion de <strong>la</strong> Francophonie<br />
politique, nouveau volet essentiel qui doit<br />
permettre à <strong>la</strong> communauté de s’affirmer<br />
davantage et de manière plus visible sur <strong>la</strong> scène<br />
internationale.<br />
Désormais, le secrétaire général de <strong>la</strong><br />
Francophonie, désigné par les chefs d’Etat et de<br />
gouvernement <strong>pour</strong> une durée de quatre ans,<br />
préside le Conseil permanent de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong><br />
(CPF), composé de représentants directs des chefs<br />
d’Etat, le CPF prenant lui-même le rôle de conseil<br />
d’administration de l’agence. Le CPF qui, avant<br />
Hanoï, était composé de 18 membres, est é<strong>la</strong>rgi<br />
aux représentants de tous les membres à part<br />
entière de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong>. Le secrétaire général<br />
de <strong>la</strong> Francophonie, installé à Paris avec son<br />
équipe restreinte de conseillers, dispose de<br />
pouvoirs importants, mais de moyens humains et<br />
financiers propres qui ont été volontairement<br />
limités. L’Observatoire de <strong>la</strong> Paix, de <strong>la</strong><br />
démocratie et des droits de l’homme, lui, est<br />
directement rattaché <strong>pour</strong> le pilotage des activités<br />
politiques, juridiques et judiciaires. L’Agence,<br />
dans cette <strong>nouvelle</strong> configuration, est dirigée par<br />
un Administrateur général. C’est le Belge Roger<br />
Dehaybe, 55 ans, commissaire général aux<br />
Re<strong>la</strong>tions internationales de <strong>la</strong> communauté<br />
française de Belgique qui a été désigné par <strong>la</strong><br />
conférence ministérielle à ce nouveau poste <strong>pour</strong><br />
diriger l’agence avec un assez <strong>la</strong>rge consensus.<br />
Roger Dehaybe s’était précédemment distingué en<br />
dirigeant le comité de réflexion chargé d’é<strong>la</strong>borer<br />
<strong>la</strong> réforme institutionnelle et <strong>la</strong> <strong>nouvelle</strong> charte de<br />
<strong>la</strong> Francophonie adoptée lors de ce septième<br />
sommet.<br />
Par contre, au cours des semaines qui ont<br />
précédé le Sommet, l’élection du nouveau<br />
secrétaire général a fait l’objet d’une controverse<br />
significative entre pays membres. Si <strong>la</strong> France et le<br />
Canada, avec Jacques Chirac et Jean Chrétien, se<br />
sont fortement engagés en faveur du candidat<br />
égyptien Boutros Boutros-Ghali, ancien secrétaire<br />
général des Nations unies et non reconduit dans<br />
ses fonctions en raison de l’hostilité américaine, de<br />
nombreux États d’Afrique au sud du Sahara ont<br />
ouvertement manifesté leur mauvaise humeur visà-vis<br />
de cette candidature, estimant que le poste<br />
devait revenir à l’un des leurs, en l’occurrence le<br />
Béninois Emile Derlin Zinsou ou le Congo<strong>la</strong>is<br />
Henri Lopes. Critiquant Boutros-Ghali et insistant<br />
sur son âge (75 ans), ils ont même <strong>la</strong>issé p<strong>la</strong>ner sur<br />
le sommet l’idée d’un « demi-mandat » de deux<br />
ans, à l’issue duquel le poste devrait revenir à leur<br />
candidat. L’insistance active des Français et des<br />
Canadiens a finalement abouti, à <strong>la</strong> fin de ce<br />
sommet animé, à l’élection, à l’unanimité, de<br />
Boutros Boutros-Ghali au nouveau poste de<br />
secrétaire général de <strong>la</strong> Francophonie <strong>pour</strong> quatre<br />
ans, avec <strong>la</strong> mission d’utiliser sa notoriété et son<br />
expérience diplomatique <strong>pour</strong> <strong>la</strong>ncer <strong>la</strong><br />
dynamique de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong> politique.<br />
« L’après-sommet, expliquait alors Jacques<br />
Chirac à RFI, ce sera <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce de nos<br />
structures, le soutien à l’action du secrétaire<br />
général et <strong>la</strong> participation, chaque fois que<br />
nécessaire, à <strong>la</strong> demande des États et sans faire<br />
naturellement aucune ingérence à l’intérieur des<br />
États de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong>, à tout ce qui peut<br />
renforcer l’État de droit, <strong>la</strong> lutte contre les<br />
tensions, les difficultés, voire les conflits,<br />
l’organisation des élections. C’est un peu ce<strong>la</strong><br />
l’aspect politique de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong> ».<br />
A Hanoï, a été décidé que deux pays, Saint-<br />
Thomas et Prince et <strong>la</strong> Moldavie passeraient du<br />
statut d’observateur à celui de membres à part<br />
entière. Tandis que <strong>la</strong> Pologne, l’Albanie et <strong>la</strong><br />
Macédoine <strong>pour</strong>ront participer au 8 ème sommet de<br />
Moncton en tant qu’observateurs.<br />
Un p<strong>la</strong>n d’action <strong>pour</strong> le prochain biennum a<br />
également été adopté par les chefs d’État, articulé<br />
en cinq grands points : espace de liberté et de<br />
démocratie, espace de culture et de<br />
communication, espace de savoir et de progrès,<br />
espace économique et de développement, et,<br />
enfin, <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong> dans le monde (en<br />
particulier <strong>la</strong> re<strong>la</strong>nce de l’usage du français dans<br />
les organisations internationales).<br />
Deux décisions concrètes ont été prises<br />
re<strong>la</strong>tives à <strong>la</strong> mise en œuvre de ce p<strong>la</strong>n. La<br />
première concerne <strong>la</strong> création, dès 1998, d’un<br />
Fonds francophone des inforoutes destiné à<br />
promouvoir l’internet francophone, dont un<br />
premier bi<strong>la</strong>n d’activité devra être dressé lors du<br />
8 ème sommet. La réunion en 1999 d’un sommet<br />
des ministres de l’Economie des pays<br />
francophones destiné à définir plus précisément<br />
les missions et les objectifs de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong><br />
économique. Dans leur déc<strong>la</strong>ration finale, les<br />
chefs d’Etat et de gouvernement ont insisté sur le<br />
fait que « le Sommet de Hanoï marque une étape<br />
importante dans l’évolution des institutions de <strong>la</strong><br />
<strong>francophonie</strong>, par <strong>la</strong> mise en œuvre de <strong>la</strong> Charte<br />
révisée et l’élection du secrétaire général de <strong>la</strong><br />
<strong>francophonie</strong>, qui renforcent <strong>la</strong> stature<br />
internationale de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong> ». Un défi qui, à<br />
Hanoï, paraissait encore difficile à relever. Les<br />
fortes appréhensions manifestées à cause de<br />
l’absence de Laurent-Désiré Kabi<strong>la</strong>, président du<br />
pays francophone le plus peuplé d’Afrique, et ses<br />
déc<strong>la</strong>rations ambiguës contre <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong><br />
illustraient ces difficultés. Depuis Hanoï, en se<br />
mobilisant <strong>pour</strong> le règlement politique de plusieurs<br />
conflits, dont celui qui sévit en République<br />
démocratique du Congo, <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong> politique<br />
a commencé à montrer qu’elle comptait bien faire<br />
ses preuves.<br />
8ème Conférence des chefs d’État et de<br />
gouvernement des pays ayant le français en<br />
partage : Moncton (Nouveau-Brunswick), du 3<br />
au 5 septembre 1999<br />
- La Conférence<br />
Si le thème choisi <strong>pour</strong> <strong>la</strong> Conférence de<br />
Moncton est celui de <strong>la</strong> jeunesse, c’est sur d’autres<br />
dossiers "chauds" que les participants ont eu à se<br />
prononcer. Il a fallu notamment confirmer<br />
46
l’émergence, encore controversée, d’une<br />
<strong>francophonie</strong> politique, et sur ce point Moncton<br />
aura permis aux chefs d’État et de gouvernement<br />
de réaffirmer et d’amplifier le rôle politique de<br />
l’organisation. Le secrétaire général Boutros<br />
Boutros-Ghali, confirmé dans ses fonctions de<br />
porte-parole politique et diplomatique de l’espace<br />
francophone, reçoit à cette occasion un mandat<br />
explicite <strong>pour</strong> <strong>pour</strong>suivre ses actions en faveur du<br />
maintien de <strong>la</strong> paix. Signe indéniable que <strong>la</strong><br />
Francophonie est bien devenue une instance<br />
politique, <strong>la</strong> situation dans <strong>la</strong> région africaine des<br />
Grands Lacs a fait une irruption remarquée lors<br />
des débats, souvent houleux, sur <strong>la</strong> question.<br />
En matière de démocratie et de droits de<br />
l’homme, thèmes récurrents à chaque rencontre<br />
des chefs d’État de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong>, des échanges<br />
vifs ont eu lieu, mais permettent d’avancer sur <strong>la</strong><br />
proposition (française) de création d’un<br />
Observatoire de <strong>la</strong> démocratie. Cependant celle-ci,<br />
par souci de réalisme, et en tenant compte des<br />
réticences, va se faire par étapes. Le souci de<br />
développer tout un processus d’appui francophone<br />
aux processus de démocratisation va ainsi pouvoir<br />
trouver une traduction concrète avec le <strong>la</strong>ncement,<br />
après Moncton, du grand chantier de l’évaluation<br />
des transitions démocratiques, expérimentées avec<br />
des fortunes diverses depuis une décennie par une<br />
partie importante des États membres ; évaluation<br />
qui doit donner lieu à une série de conférences et<br />
d’ateliers (préparatoires au symposium, en<br />
novembre 2000, de Bamako sur les pratiques de <strong>la</strong><br />
démocratie et du droit en Francophonie). A<br />
Bamako, en préfiguration de Beyrouth, une<br />
déc<strong>la</strong>ration solennelle et un p<strong>la</strong>n d’action seront<br />
adoptés.<br />
Cap sur <strong>la</strong> diversité culturelle<br />
Les États francophones, afin de préserver<br />
l’exception culturelle et défendre leurs intérêts<br />
décident également à l’issue du sommet de se<br />
concerter <strong>pour</strong> dégager des positions communes<br />
dans les organisations et conférences<br />
internationales, avec un premier rendez-vous :<br />
l’ouverture du nouveau cycle de négociations dans<br />
le cadre de l’<strong>Organisation</strong> mondiale du commerce,<br />
en novembre 1999 à Seattle. La défense de <strong>la</strong><br />
"diversité culturelle" devient ainsi un thème<br />
privilégié <strong>pour</strong> <strong>la</strong> Francophonie. Nouvelle<br />
formu<strong>la</strong>tion du combat <strong>pour</strong> "l’exception<br />
culturelle", <strong>la</strong>ncé lors du sommet de Maurice en<br />
1993, <strong>la</strong> bataille <strong>pour</strong> <strong>la</strong> défense de <strong>la</strong> diversité des<br />
cultures est prônée avec une particulière insistance<br />
par <strong>la</strong> délégation française à Moncton.<br />
Pour y parvenir, une série de mesures ont été<br />
annoncées lors de ce 8 e sommet : tout d’abord,<br />
valoriser <strong>la</strong> pluralité des <strong>la</strong>ngues mais surtout <strong>la</strong><br />
diversité des cultures qui constituent une valeur de<br />
<strong>la</strong> Francophonie. Face à l’hégémonie croissante de<br />
l’ang<strong>la</strong>is, <strong>la</strong> promotion et <strong>la</strong> diffusion de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue<br />
française seront soutenues plus encore que par le<br />
passé, de même que les autres cultures et les<br />
<strong>la</strong>ngues mondiales de communication. En ce sens,<br />
les pays membres apporteront leur concours à <strong>la</strong><br />
formation des diplomates en <strong>la</strong>ngue française, afin<br />
de promouvoir l’usage du français dans les<br />
organisations et les enceintes internationales. Le<br />
p<strong>la</strong>n d’urgence de défense du français, mis en<br />
p<strong>la</strong>ce à Hanoï, et qui a produit des résultats<br />
insuffisants, doit être renforcé. Les chefs d’État<br />
ont réitéré leur souci d’encourager davantage les<br />
échanges linguistiques et <strong>la</strong> formation à distance<br />
ainsi que le recours massif aux <strong>nouvelle</strong>s<br />
technologies de <strong>la</strong> communication et de<br />
l’information. L’internet, en français, sera l’une<br />
des priorités des programmes de coopération<br />
francophone menés par l’<strong>Organisation</strong><br />
internationale de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong>, au travers<br />
notamment du Fonds francophone des inforoutes,<br />
qualifié de succès par les chefs d’État.<br />
Face à <strong>la</strong> mondialisation, les pays<br />
francophones se réservent aussi le droit de définir<br />
librement leur politique culturelle et les<br />
instruments qui y concourent, de favoriser<br />
l’émergence d’un rassemblement le plus <strong>la</strong>rge<br />
possible à l’appui de cette diversité et d’œuvrer à<br />
<strong>la</strong> mobilisation de l’ensemble des gouvernements<br />
en sa faveur. Ils ont tenu à souligner que ces biens<br />
culturels, y compris audiovisuels, reflets des<br />
identités nationales et régionales, ne devaient pas<br />
être traités comme de simples marchandises,<br />
notamment dans le cadre des négociations<br />
commerciales multi<strong>la</strong>térales.<br />
Dans le but de promouvoir le dialogue entre<br />
les cultures (thème du futur sommet de Beyrouth),<br />
les chefs d’État et de gouvernements de <strong>la</strong><br />
Francophonie ont également pris des mesures afin<br />
d’encourager les échanges entre artistes et entre<br />
industries culturelles <strong>pour</strong> faciliter <strong>la</strong> circu<strong>la</strong>tion<br />
des œuvres. Ils entendent également aider<br />
davantage au financement de manifestations<br />
contribuant au rayonnement de <strong>la</strong> création<br />
culturelle, et <strong>pour</strong>suivre leurs actions engagées<br />
grâce au Fonds de soutien à <strong>la</strong> production du Sud<br />
(Masa et Fespaco). Le soutien au développement<br />
et à <strong>la</strong> diffusion de <strong>la</strong> presse écrite francophone est<br />
aussi réaffirmé.<br />
Un autre dossier sensible examiné et avalisé à<br />
Moncton est celui de <strong>la</strong> réforme en profondeur de<br />
l’Agence universitaire de <strong>la</strong> Francophonie (AUF).<br />
L’Agence, outil de <strong>la</strong> coopération francophone<br />
dans le secteur de l’enseignement supérieur, avait<br />
fait l’objet de deux rapports d’évaluation mettant<br />
en cause le fonctionnement de cette institution,<br />
tant au niveau de <strong>la</strong> gestion qu’à celui des<br />
performances et de l’efficacité. Les chefs d’État et<br />
de gouvernement ont donc donné mandat au<br />
secrétaire général de <strong>la</strong> Francophonie de préparer<br />
rapidement <strong>la</strong> réforme de cette institution afin que,<br />
adoptée en novembre 99 par <strong>la</strong> Conférence<br />
ministérielle de <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong>, elle s’applique<br />
dès l’année 2000.<br />
La jeunesse, thème consensuel de Moncton,<br />
est désormais un sujet de préoccupation<br />
permanent <strong>pour</strong> <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong>. Les programmes<br />
de coopération comprendront systématiquement<br />
un volet consacré aux jeunes et le dialogue avec<br />
eux sera institutionnalisé.<br />
Enfin, l’<strong>Organisation</strong> internationale de <strong>la</strong><br />
Francophonie a accueilli deux nouveaux<br />
membres : l’Albanie et <strong>la</strong> Macédoine, <strong>pour</strong> des<br />
raisons plus politiques, liées à <strong>la</strong> situation dans les<br />
Balkans, que strictement linguistiques. La<br />
Lituanie, <strong>la</strong> République Tchèque et <strong>la</strong> Slovénie<br />
sont, au sommet de Moncton devenus membres<br />
observateurs.<br />
9ème Conférence des chefs d’Etat et de<br />
gouvernement ayant le français en partage :<br />
Beyrouth (Liban),<br />
du 18 au 20 octobre 2002<br />
- La Conférence<br />
Initialement prévu en octobre 2001, le<br />
sommet de Beyrouth s’est finalement tenu en<br />
octobre 2002 à <strong>la</strong> suite de son report au lendemain<br />
des attentats du 11 septembre 2001.<br />
Ce sommet a été marquant à plus d’un titre.<br />
Pour <strong>la</strong> première fois, les chefs d’États et de<br />
gouvernement ayant le français en partage se sont<br />
réunis dans un État du monde arabe. Autre<br />
événement historique : <strong>la</strong> présence du président<br />
algérien Abde<strong>la</strong>ziz Bouteflika, « en qualité<br />
d’invité personnel du président libanais Emile<br />
Lahoud ». L’Algérie a ainsi participé <strong>pour</strong> <strong>la</strong><br />
première fois à un sommet francophone alors<br />
qu’elle n’a ni le statut de membre ni celui<br />
d’observateur. Après confirmation de <strong>la</strong> venue du<br />
président Bouteflika, quelques jours avant<br />
l’ouverture du sommet, le président de <strong>la</strong><br />
République française Jacques Chirac a déc<strong>la</strong>ré :<br />
« L’Algérie est chez elle dans <strong>la</strong> <strong>francophonie</strong><br />
même si elle n’a pas rejoint l’organisation. »<br />
Le thème choisi <strong>pour</strong> cette 9 è Conférence, en<br />
l’occurrence le Dialogue des cultures, fut décliné<br />
sous trois angles différents dans <strong>la</strong> Déc<strong>la</strong>ration de<br />
Beyrouth : politique d’abord (<strong>la</strong> première partie de<br />
<strong>la</strong> Déc<strong>la</strong>ration étant consacrée au « dialogue des<br />
cultures (comme) instrument de <strong>la</strong> paix, de <strong>la</strong><br />
démocratie et des droits de l’homme »), culturel<br />
ensuite, en attribuant à <strong>la</strong> Francophonie un rôle de<br />
« forum de dialogue des cultures » ; et enfin sous<br />
l’angle socio-économique, avec le souhait formulé<br />
par les chefs d’État et de gouvernement d’ « une<br />
Francophonie plus solidaire au service d’un<br />
développement économique et social durable ».<br />
Beyrouth fut aussi l’occasion de confirmer<br />
l’orientation plus politique donnée à <strong>la</strong><br />
Francophonie. La conjoncture internationale a, en<br />
effet, permis aux 55 chefs d’Etat et de<br />
gouvernement présents de se prononcer sur des<br />
questions d’ordre purement politique. A ce sujet,<br />
une innovation a été apportée avec une séance de<br />
débats à huis clos consacrée à <strong>la</strong> situation<br />
internationale.<br />
La Déc<strong>la</strong>ration de Beyrouth, adoptée à l’issue<br />
du sommet, a fait état des positions <strong>pour</strong> lesquelles<br />
un consensus a été trouvé. S’agissant de <strong>la</strong><br />
situation au Moyen-Orient, les dirigeants<br />
francophones ont apporté leur soutien à l’initiative<br />
<strong>pour</strong> <strong>la</strong> paix du prince héritier Abdal<strong>la</strong>h d’Arabie<br />
Saoudite, adoptée lors du Sommet de <strong>la</strong> Ligue<br />
arabe à Beyrouth en mars 2002. Quant à <strong>la</strong> crise<br />
irakienne, ils se sont rangés derrière <strong>la</strong> position<br />
prônée par Jacques Chirac, à savoir « <strong>la</strong> primauté<br />
du droit international et le rôle primordial de<br />
l’Onu ». Beyrouth a en outre été l’occasion<br />
d’aborder <strong>la</strong> crise en Côte d’Ivoire et de<br />
condamner ainsi « <strong>la</strong> tentative de prise de pouvoir<br />
par <strong>la</strong> force et <strong>la</strong> remise en cause de l’ordre<br />
constitutionnel ». En outre, fut réaffirmé<br />
l’attachement de <strong>la</strong> Francophonie à <strong>la</strong> démocratie<br />
ainsi qu’aux droits de l’homme, les chefs d’Etat et<br />
de gouvernement s’engageant « à lutter contre<br />
l’impunité des auteurs des vio<strong>la</strong>tions des droits de<br />
l’homme ».<br />
Quant à l’aspect purement culturel du<br />
dialogue des cultures, le sommet de Beyrouth<br />
confirme l’importance donnée par <strong>la</strong><br />
Francophonie à <strong>la</strong> notion de diversité culturelle,<br />
notamment par <strong>la</strong> volonté affichée de concourir à<br />
<strong>la</strong> concrétisation du projet d’é<strong>la</strong>boration d’une<br />
convention internationale en <strong>la</strong> matière, dans le<br />
cadre de l’Unesco. Enfin, <strong>pour</strong> ce qui a trait au<br />
volet socio-économique de <strong>la</strong> Déc<strong>la</strong>ration de<br />
Beyrouth, les chefs d’État réaffirment leur volonté<br />
de lutter contre « <strong>la</strong> pauvreté, l’analphabétisme,<br />
les pandémies (…), l’insécurité et le crime (…) qui<br />
maintiennent les pays et les popu<strong>la</strong>tions les plus<br />
vulnérables à l’écart du développement ». Ils ont<br />
aussi souhaité saluer <strong>la</strong> mise en œuvre du<br />
Nouveau partenariat <strong>pour</strong> le développement de<br />
l’Afrique (Nepad), et ont voulu apporter leur<br />
soutien aux programmes engagés dans le cadre<br />
des objectifs fixés par <strong>la</strong> Déc<strong>la</strong>ration du Millénaire<br />
des Nations unies.<br />
47
Les chefs d’État et de gouvernement réunis à<br />
Beyrouth devaient par ailleurs désigner le<br />
successeur de Boutros Boutros-Ghali, au poste de<br />
secrétaire général de l’<strong>Organisation</strong> internationale<br />
de <strong>la</strong> Francophonie. Peu avant le Sommet, deux<br />
candidats étaient encore en lice : l’ancien président<br />
du Sénégal, Abdou Diouf, et l’ambassadeur du<br />
Congo-Brazzaville en France, Henri Lopes. Le<br />
premier, soutenu notamment par Jacques Chirac,<br />
fut longtemps confronté au « veto » de son<br />
successeur à <strong>la</strong> présidence du Sénégal, Abdou<strong>la</strong>ye<br />
Wade, qui refusait de le présenter au nom du<br />
Sénégal. Quant à Henri Lopes, déjà candidat à<br />
Hanoï en 1997 et à l’époque évincé au profit de<br />
Boutros Boutros-Ghali (au terme d’âpres<br />
négociations), il bénéficiait du soutien du<br />
président congo<strong>la</strong>is Denis Sassou Nguesso, de<br />
celui du président gabonais Omar Bongo et de<br />
nombreux chefs d’État africains. S’imposant<br />
progressivement comme le candidat favori,<br />
Abdou Diouf fut finalement élu à l’unanimité le<br />
20 octobre 2002 après le retrait d’Henri Lopes. Il a<br />
officiellement pris ses fonctions le 2 janvier 2003.<br />
Parallèlement, un nouveau P<strong>la</strong>n d’action a été<br />
adopté lors de ce sommet. Celui-ci reprend les<br />
quatre grands axes développés dans <strong>la</strong><br />
programmation de <strong>la</strong> Francophonie multi<strong>la</strong>térale<br />
<strong>pour</strong> le biennum 2002-2003 : paix, démocratie,<br />
droits de l’homme ; promotion de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue<br />
française et de <strong>la</strong> diversité culturelle et<br />
linguistique ; éducation de base, formation<br />
professionnelle et technique, enseignement<br />
supérieur et recherche ; coopération économique<br />
et sociale au service du développement durable et<br />
de <strong>la</strong> solidarité. Cette programmation a été adoptée<br />
en janvier 2002 lors de <strong>la</strong> Conférence ministérielle<br />
de <strong>la</strong> Francophonie. Ce p<strong>la</strong>n entérine également<br />
l’adoption d’une programmation quadriennale et<br />
non plus biennale, tout en évoquant <strong>la</strong> nécessaire<br />
mise en p<strong>la</strong>ce d’un cadre stratégique décennal qui<br />
devrait être arrêté en novembre 2004 à<br />
Ouagadougou lors de <strong>la</strong> prochaine Conférence des<br />
chefs d’État et de gouvernements des pays ayant<br />
le français en partage.<br />
Enfin, les chefs d’État et de gouvernement ont<br />
entériné l’admission de <strong>la</strong> Slovaquie au sein<br />
de l’<strong>Organisation</strong> internationale de <strong>la</strong><br />
Francophonie avec le statut d’observateur, ce qui<br />
porte à 56 le nombre d’États et de gouvernements<br />
membres ou observateurs.<br />
10ème Conférence des chefs d’Etat et de<br />
gouvernement ayant le français en partage :<br />
Ouagadougou (Burkina Faso)<br />
du 26 au 27 novembre 2004<br />
- La Conférence<br />
Le sommet de Ouagadougou, ayant <strong>pour</strong><br />
thème La Francophonie, espace solidaire <strong>pour</strong> un<br />
développement durable, a permis de mettre<br />
l’accent sur les engagements pris à Johannesburg,<br />
lors du Sommet mondial sur le développement<br />
durable de 2002, d’identifier les difficultés et de<br />
définir les politiques et les actions solidaires<br />
permettant d’atteindre les objectifs du<br />
développement durable. Il s’est aussi penché sur<br />
les crises en Afrique et dans le monde, réaffirmant<br />
l’attachement du mouvement <strong>pour</strong> <strong>la</strong> paix, le<br />
développement solidaire, les valeurs<br />
démocratiques et le respect de <strong>la</strong> diversité<br />
culturelle.<br />
L’<strong>Organisation</strong> internationale de <strong>la</strong><br />
Francophonie (OIF) a été rejointe à Ouagadougou<br />
par deux nouveaux membres associés – Grèce et<br />
Andorre – et cinq observateurs – Arménie,<br />
Autriche, Croatie, Géorgie et Hongrie. Elle<br />
compte désormais 53 Etats et gouvernements<br />
membres et 10 pays observateurs, illustration du<br />
succès que connaît depuis quelques années <strong>la</strong><br />
Francophonie à travers le monde. On a noté, <strong>pour</strong><br />
<strong>la</strong> deuxième fois, <strong>la</strong> présence du président algérien<br />
Abde<strong>la</strong>ziz Bouteflika à un sommet francophone.<br />
- Les résolutions<br />
La Déc<strong>la</strong>ration de Ouagadougou rappelle<br />
l’importance attachée par <strong>la</strong> Francophonie à une<br />
vision globale du développement durable. Les<br />
dirigeants francophones estiment que « le<br />
développement sera durable s’il repose sur cinq<br />
piliers, à savoir <strong>la</strong> gestion maîtrisée et saine des<br />
ressources naturelles, un progrès économique<br />
inclusif et continu, un développement social<br />
équitable faisant appel à <strong>la</strong> tolérance et<br />
s’appuyant sur l’éducation et <strong>la</strong> formation, des<br />
garanties de démocratie et d’Etat de droit à tous<br />
les citoyens et une <strong>la</strong>rge ouverture à <strong>la</strong> diversité<br />
culturelle et linguistique ».<br />
Le sommet a aussi défini un Cadre stratégique<br />
décennal destiné à faciliter <strong>la</strong> définition d’objectifs<br />
à long terme <strong>pour</strong> <strong>la</strong> Francophonie afin de <strong>la</strong><br />
rendre plus efficace sur le terrain. Il est organisé<br />
autour de quatre missions : promouvoir <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue<br />
française et <strong>la</strong> diversité culturelle et linguistique ;<br />
promouvoir <strong>la</strong> paix, <strong>la</strong> démocratie et les droits de<br />
l’homme ; appuyer l’éducation, <strong>la</strong> formation,<br />
l’enseignement supérieur et <strong>la</strong> recherche ;<br />
développer <strong>la</strong> coopération au service du<br />
développement durable et de <strong>la</strong> solidarité.<br />
Il a également donné mandat au secrétaire<br />
général <strong>pour</strong> réformer l’organisation et mettre à<br />
jour <strong>la</strong> Charte, support juridique de l’ensemble du<br />
cadre institutionnel francophone ; elle définit<br />
notamment le rôle et les missions de l’OIF (<strong>la</strong><br />
<strong>nouvelle</strong> charte sera adoptée par <strong>la</strong> Conférence<br />
ministérielle à Antananarivo, le 23 novembre<br />
2005).<br />
La crise en Côte d’Ivoire, Etat francophone et<br />
pays voisin du Burkina Faso, dont le président<br />
Laurent Gbagbo était absent du sommet, a<br />
également mobilisé les participants qui ont<br />
« fermement condamné » dans une résolution « les<br />
attaques meurtrières provoquées par les FANCI<br />
[forces gouvernementales] au nord de <strong>la</strong> Côte<br />
d’Ivoire, y compris celles contre <strong>la</strong> force Licorne<br />
(forces françaises) agissant sous mandat des<br />
Nations unies en faveur de <strong>la</strong> paix en Côte<br />
d’Ivoire » (le sommet s’est tenu moins d’un mois<br />
après le bombardement d’une position de Licorne<br />
par l’armée loyaliste ivoirienne). En outre, ils ont<br />
réaffirmé « leur conviction que les engagements<br />
consignés dans les Accords de Linas Marcoussis<br />
et d’Accra III constituent <strong>la</strong> seule voie <strong>pour</strong> une<br />
réconciliation durable en Côte d’Ivoire et exigent<br />
leur stricte application ».<br />
Le sommet a également adopté une résolution<br />
sur le Proche-Orient et a exprimé <strong>la</strong> profonde<br />
sympathie de l’OIF au peuple palestinien à <strong>la</strong> suite<br />
du décès de Yasser Arafat et a appelé <strong>la</strong><br />
communauté internationale à se mobiliser, afin de<br />
faciliter <strong>la</strong> tenue d’élections démocratiques<br />
auxquelles tous les Palestiniens, y compris ceux de<br />
Jérusalem-Est, <strong>pour</strong>ront participer.<br />
Pour d’autres crises ou conflits comme ceux<br />
en Irak, à Haïti, en République démocratique du<br />
Congo, au Darfour ou en Somalie ont été<br />
invoquées à Ouagadougou des solutions<br />
politiques, respectant <strong>la</strong> souveraineté des Etats et<br />
les droits de l’homme.<br />
Le sommet, qui a permis à <strong>la</strong> communauté<br />
francophone de renouveler sa solidarité avec le<br />
continent africain, a insisté sur l’urgence de <strong>la</strong><br />
mise en œuvre d’un consensus visant « un<br />
financement <strong>la</strong>rgement amélioré du<br />
développement ». « Nous réaffirmons que <strong>la</strong><br />
pauvreté, source inévitable de conflits, doit être au<br />
cœur des préoccupations des Etats et<br />
gouvernements. Nous sommes convaincus que<br />
notre monde possède aujourd’hui les moyens et<br />
les ressources nécessaires <strong>pour</strong> l’éliminer »,<br />
souligne <strong>la</strong> déc<strong>la</strong>ration.<br />
Elle appelle à un changement d’attitude et à <strong>la</strong><br />
définition de <strong>nouvelle</strong>s priorités tant au Sud qu’au<br />
Nord <strong>pour</strong> atteindre les objectifs du Millénaire, à<br />
travers notamment « un partenariat global visant<br />
à une mondialisation équitable et à un<br />
développement durable, à tous les niveaux :<br />
international, régional, national et local ».<br />
« Nous constatons que <strong>la</strong> mondialisation a<br />
creusé les écarts économiques et sociaux entre les<br />
pays et en leur sein, et que les moins avancés<br />
peinent à profiter de <strong>la</strong> croissance mondiale et des<br />
<strong>nouvelle</strong>s technologies. La Francophonie doit, à<br />
cet égard, participer de façon toujours plus forte<br />
et plus cohérente à l’effort général visant à créer<br />
les conditions qui donneront aux pays les plus<br />
pauvres et à leurs popu<strong>la</strong>tions les moyens d’une<br />
insertion réussie dans le système économique<br />
mondial », ont souligné les participants. Ils ont<br />
aussi réaffirmé leur attachement à <strong>la</strong> recherche,<br />
d’un partenariat accru public-privé et d’un soutien<br />
à <strong>la</strong> microfinance, en liaison avec l’Onu et les<br />
institutions financières internationales.<br />
Point important, puisque le sommet de<br />
Ouagadougou a également adopté une résolution<br />
sur le coton, les participants ont invité les<br />
responsables gouvernementaux francophones à<br />
témoigner réciproquement d’une solidarité plus<br />
concrète à l’occasion des négociations<br />
commerciales internationales <strong>pour</strong> diminuer <strong>la</strong><br />
vulnérabilité des producteurs du Sud sur les<br />
marchés mondiaux.<br />
Ils ont par ailleurs beaucoup insisté sur<br />
l’émergence d’une véritable culture des droits de<br />
l’Homme dans l’espace francophone, adoptant<br />
même un texte sur <strong>la</strong> liberté de <strong>la</strong> presse.<br />
Se déc<strong>la</strong>rant convaincus du rôle primordial de<br />
l’enseignement supérieur dans <strong>la</strong> construction des<br />
sociétés, ils se sont engagés à <strong>pour</strong>suivre leur<br />
coopération en vue de généraliser l’usage des<br />
<strong>nouvelle</strong>s technologies, de faciliter <strong>la</strong> mobilité des<br />
universitaires et des étudiants, de développer<br />
l’enseignement à distance et de contribuer à<br />
l’émergence de pôles d’excellence scientifiques et<br />
technologiques. « Nous sommes décidés à ce que<br />
nos sociétés progressent dans l’édification d’une<br />
société de l’information visant à privilégier <strong>la</strong><br />
construction des savoirs et le partage des<br />
connaissances ainsi que l’appropriation des<br />
Technologies de l’Information et de <strong>la</strong><br />
Communication (TIC) de manière à réduire <strong>la</strong><br />
fracture numérique », ont-ils déc<strong>la</strong>ré.<br />
Figure également dans les préoccupations <strong>la</strong><br />
promotion de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue française, s’adossant au<br />
développement des <strong>la</strong>ngues partenaires et dans le<br />
respect de <strong>la</strong> diversité culturelle.<br />
Les chefs d’Etat et de gouvernement<br />
francophones, dont une grande partie sont<br />
africains, ont enfin affirmé leur soutien unanime<br />
au Fonds mondial de lutte contre le VIH/sida, <strong>la</strong><br />
tuberculose et le paludisme, dont <strong>la</strong> création a été<br />
décidée par l’Assemblée générale des Nations<br />
unies.<br />
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