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Treize jours en avril <strong>de</strong> Menton à Arles sur <strong>la</strong> <strong>via</strong> Aurelia<br />

Si <strong>la</strong> marche refait <strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce dans ma tête comme lors d'un bon ménage <strong>de</strong> printemps, le r<strong>et</strong>our me<br />

m<strong>et</strong> malheureusement dans une situation d'hébétu<strong>de</strong> du au tintamarre <strong>de</strong> l'actualité, <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie<br />

quotidienne, <strong>de</strong> tous ces p<strong>et</strong>its soucis, détails qui nous assaillent <strong>et</strong> qui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt tous d'être résolus<br />

<strong>de</strong> toute urgence.<br />

L'état <strong>de</strong> grâce ne se dissipe pas instantanément, il va continuer à diffuser ses eff<strong>et</strong>s jusqu'à un<br />

prochain départ.<br />

Noma<strong>de</strong> <strong>de</strong>s temps mo<strong>de</strong>rnes. Une autre façon d'être en vie <strong>et</strong> en re<strong>la</strong>tion. Me voilà un mutant,<br />

s'exerçant à se délester <strong>de</strong> tout ce qui encombre, alourdit, ancre dans l'avoir <strong>et</strong> tire vers le bas, à se<br />

préparer à l'ultime escapa<strong>de</strong> (rassurez-vous, je ne suis pas pressé).<br />

Le kilomètre zéro<br />

A Menton, à un saut <strong>de</strong> puce <strong>de</strong> <strong>la</strong> frontière italienne, se trouve une p<strong>et</strong>ite chapelle <strong>de</strong> style baroque<br />

dédiée à Saint Jacques-le-majeur. C'est le kilomètre zéro <strong>de</strong> ceux qui se dirigent vers le soleil<br />

couchant en suivant l'itinéraire marqué d'une coquille. Sachant que dans le sens contraire, le même<br />

chemin marqué d'une clé, conduit à Rome. 320 kilomètres plus loin, le Christ Pantocrator du tympan<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> cathédrale St Trophime d'Arles attend le pèlerin. (Point d'arrivée provisoire, en attendant <strong>de</strong><br />

repartir <strong>de</strong> ce point, <strong>la</strong> fois suivante).<br />

Le nombre <strong>de</strong> jours pour joindre les <strong>de</strong>ux bouts est éminemment variable. En ce qui me concerne il<br />

m'en a fallu treize. Par monts <strong>et</strong> par vaux. Le relief <strong>de</strong> <strong>la</strong> Provence ne <strong>la</strong>isse pas le choix. Mais le jeu en<br />

va<strong>la</strong>it <strong>la</strong> chan<strong>de</strong>lle. Il va m'être difficile <strong>de</strong> décrire le chemin sans que ce<strong>la</strong> ne ressemble à un gui<strong>de</strong><br />

touristique.<br />

Un chemin entre ciel <strong>et</strong> mer<br />

Le ciel, le soleil <strong>et</strong> <strong>la</strong> mer, sans oublier <strong>la</strong> montagne. Ce<strong>la</strong> commence comme une chanson <strong>de</strong> François<br />

Deguelt. La Riviera, nom d'origine italienne synonyme <strong>de</strong> villégiature <strong>et</strong> <strong>de</strong> farniente, Menton choyée<br />

par le climat <strong>et</strong> <strong>la</strong> nature, paradis <strong>de</strong>s jardins, Roquebrune-Cap-Martin, La Turbie, dotée d'un<br />

monumental souvenir <strong>de</strong> l'empereur Auguste, Eze, vil<strong>la</strong>ge perché à caractère médiéval surmonté d'un


Treize jours en avril <strong>de</strong> Menton à Arles sur <strong>la</strong> <strong>via</strong> Aurelia<br />

p<strong>et</strong>it paradis exotique qui tutoie l'azur, Nice où erre le souvenir <strong>de</strong> nombreux aristocrates ang<strong>la</strong>is qui<br />

ont donné son nom à <strong>la</strong> promena<strong>de</strong> qui longe le rivage.<br />

Eze, un vil<strong>la</strong>ge qui tutoie le ciel<br />

Le vil<strong>la</strong>ge d'Eze fait partie <strong>de</strong> ces vil<strong>la</strong>ges perchés qui se sont développés au Moyen-âge pour assurer<br />

leur protection. Il justifie son appel<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> plus beau vil<strong>la</strong>ge <strong>de</strong> France. Pour y pénétrer il faut<br />

franchir une épaisse muraille sarrasine. On apprend par <strong>la</strong> dénomination d'un chemin que Friedrich<br />

Ni<strong>et</strong>zsche y avait ses habitu<strong>de</strong>s. Selon <strong>la</strong> tradition locale, c'est en le gravissant qu' il imagina quelques<br />

pages <strong>de</strong> "Ainsi par<strong>la</strong>it "Zarathoustra".<br />

Les ruelles étroites <strong>et</strong> <strong>la</strong>byrinthiques s'enroulent autour <strong>de</strong> l’église Notre-Dame <strong>de</strong> l’Assomption. En y<br />

pénétrant on découvre un intérieur <strong>de</strong> style baroque richement décoré. Parmi les tableaux se trouvent<br />

trois peintures <strong>de</strong> facture néo-symbolique. Une Vierge à l'enfant, un Christ en croix <strong>et</strong> un tableau<br />

représentant Martin à l'époque où il était légionnaire en Gaule <strong>et</strong> qu'il partagea son manteau avec un<br />

déshérité transi <strong>de</strong> froid.<br />

Le moment où tout se joue. On ne dira jamais assez <strong>la</strong> secrète alchimie qui se produit au premier coup<br />

<strong>de</strong> pinceau sur une toile b<strong>la</strong>nche, puis quand une <strong>de</strong>uxième couleur vient se poser près <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

première, puis une troisième près <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>de</strong>uxième. On r<strong>et</strong>ient son souffle <strong>de</strong>vant ce geste qui procè<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> mise au mon<strong>de</strong>, du dévoilement. En l'occurrence les trois tableaux sont "nés" à <strong>de</strong>ux pas <strong>de</strong><br />

l'église, dans l'atelier d'un peintre qu'avec un ami peintre commun, nous avons rencontré il y a une<br />

dizaine d'années. C<strong>et</strong>te rencontre a engendré <strong>de</strong>s liens d'amitié. Eric Garnier puisque tel est son nom,<br />

est à présent éprouvé par une ma<strong>la</strong>die qui le diminue physiquement, mais l'esprit reste ar<strong>de</strong>nt. Je sais<br />

que le Christ qui est apparu en rêve à Martin, couvert du bout <strong>de</strong> tunique partagée, offre à Eric sa<br />

protection.<br />

Hospitalité<br />

Didier, qui a entamé, <strong>de</strong>puis peu, son chemin <strong>de</strong> traverse <strong>de</strong> <strong>la</strong> France <strong>de</strong> Provence en Vendée, <strong>et</strong> son<br />

épouse ouvrent <strong>la</strong> porte <strong>de</strong> leur <strong>de</strong>meure pour accueillir le pèlerin.<br />

Récemment, <strong>de</strong> passage à Clermont-Ferrand, en contrebas <strong>de</strong> <strong>la</strong> cathédrale, rue <strong>de</strong>s Gras, il a fait une<br />

belle rencontre, celle d'un linteau sculpté du XII e siècle qui appartenait à l'Eglise Saint-Pierre<br />

(détruite peu après <strong>la</strong> révolution), p<strong>la</strong>cé en remploi sur <strong>la</strong> faça<strong>de</strong> d'une maison. La scène illustre un<br />

épiso<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> semaine Sainte. Il a tenu à partager son émotion dans un message envoyé juste à<br />

Pâques :<br />

"Treize personnages en rang d'oignon se font face en <strong>de</strong>ux groupes, trois têtes perdues dans <strong>la</strong><br />

mouvance <strong>de</strong> l'histoire <strong>et</strong>, au milieu, le vrai face à face du Christ serviteur <strong>et</strong> <strong>de</strong> Saint Pierre au jour du<br />

Jeudi Saint pour le <strong>la</strong>vement <strong>de</strong>s pieds. Le profil <strong>et</strong> l'agenouillement du Christ sont magnifiques, <strong>la</strong><br />

main droite se saisit du tissu posé sur le bras gauche, comme un arrêt sur image ou le regard posé<br />

dans l'objectif du photo-reporter. Derrière Saint Pierre, un apôtre est déjà en position <strong>et</strong> une<br />

ban<strong>de</strong>role nous dit "diligames nos invicem" ("aimons-nous les uns les autres"). Merveilleuse<br />

créativité médiévale avec <strong>de</strong>s géants <strong>de</strong> <strong>la</strong> sculpture que l'on nommait imagiers" !


Treize jours en avril <strong>de</strong> Menton à Arles sur <strong>la</strong> <strong>via</strong> Aurelia<br />

Jésus dit à ses disciples : " Aimez-vous... Je ne vous appelle plus serviteurs...", précise à c<strong>et</strong>te occasion<br />

"Si moi que vous appelez seigneur <strong>et</strong> maître je vous ai <strong>la</strong>vé les pieds vous <strong>de</strong>vez aussi vous <strong>la</strong>ver les<br />

pieds les uns aux autres".<br />

Ce geste <strong>et</strong> ces paroles constituent un bouleversement qui change le regard sur Dieu. L'amour<br />

n'écrase plus, il se penche. Et l'homme, à l'instar <strong>de</strong> Pierre, affolé par ce renversement <strong>de</strong> valeur,<br />

renâcle. Difficile d'accueillir un Dieu qui ne se tient pas au somm<strong>et</strong> mais trouve bonheur à cheminer<br />

en compagnie <strong>de</strong> l'homme.<br />

La porte ouverte <strong>de</strong> Didier <strong>et</strong> <strong>de</strong> son épouse relève du <strong>la</strong>vement <strong>de</strong> pieds. Elle dit ce que amitié signifie<br />

<strong>et</strong> affirme que les liens tissés à l'occasion <strong>de</strong> rencontres épisodiques ponctuées <strong>de</strong> marches ont une<br />

solidité à toute épreuve.<br />

Tous les chemins mènent à Rome<br />

Par endroit l'itinéraire emprunte un chemin...romain. Comment s'en étonner ? Si tous les chemins<br />

mènent à Rome, <strong>la</strong> réciproque est vraie également. Ces Romains n'étaient pas si fous qu'on le pense.<br />

Ils savaient que l'Empire reposait -entre autre- sur <strong>la</strong> qualité <strong>de</strong> son réseau routier <strong>et</strong> sur ses<br />

infrastructures.<br />

Comme en Espagne sur <strong>la</strong> <strong>via</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> P<strong>la</strong>ta on trouve à <strong>de</strong>ux trois endroits <strong>de</strong>s bornes milliaires. Âgées<br />

<strong>de</strong> quasi 20 siècles elles racontent <strong>de</strong>s histoires au pèlerin qui sait les écouter. Elles parlent moins <strong>de</strong><br />

leur gloire passée que d'une constante <strong>de</strong> l'Histoire qu'on appelle civilisation. Et celle <strong>de</strong> l'Empire<br />

romain ne nous a pas <strong>la</strong>issé que <strong>de</strong>s ruines mais aussi <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue dans <strong>la</strong>quelle je m'exprime. Même si<br />

on a pu me faire croire à l'école <strong>de</strong> <strong>la</strong> République que mes ancêtres étaient les Gaulois il m'a fallu<br />

réviser un certain nombre <strong>de</strong> concepts -un tantin<strong>et</strong> nationalistes- pour me rendre compte que<br />

l'i<strong>de</strong>ntité est multiforme <strong>et</strong> à jamais évolutive.<br />

S'il me fal<strong>la</strong>it rapi<strong>de</strong>ment trouver un dénominateur commun à toutes les composantes qui m'ont<br />

façonné je dirais je suis européen <strong>et</strong> habitant <strong>de</strong> <strong>la</strong> terre.<br />

Loin d'être une abstraction, le chemin est l'occasion d'expérimenter, <strong>de</strong> ressentir c<strong>et</strong>te réalité. Que ce<br />

soit en France, en Espagne, en Allemagne, en Italie, en Ir<strong>la</strong>n<strong>de</strong> ou en Pologne où que mes pieds<br />

m'aient conduit je ne me suis jamais senti étranger. Je suis "chez moi", dans ma culture, ma religion,<br />

mes <strong>la</strong>ngues, ma façon d'être en re<strong>la</strong>tion à autrui. Pas un bâtiment public, pas une église, pas un lieu<br />

d'hébergement, pas une ville, pas une campagne qui n'ait suscité un sentiment <strong>de</strong> familiarité.<br />

Il ne s'est pas passé un jour sans que je me ren<strong>de</strong> compte <strong>de</strong> ma condition d'élément <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature. A<br />

l'aise en son sein comme un poisson dans l'eau, même si à l'occasion elle sait avoir ses caprices voire<br />

ses colères. Rarement j'ai démarré une journée sans adresser une prière au Créateur pour <strong>la</strong> page<br />

b<strong>la</strong>nche qui m'était offerte.<br />

Mais qu'on ne me fasse pas <strong>de</strong> procès en manichéisme. Je me suis frotté à d'autres réalités pour faire<br />

<strong>la</strong> part <strong>de</strong> choses. Je pense pouvoir affirmer qu'on est beaucoup plus disposé à accepter l'étrange, le<br />

différent, l'autre que ses propres fondations sont soli<strong>de</strong>s, qu'on s'inscrit dans son histoire, qu'on se<br />

sait héritier.


Treize jours en avril <strong>de</strong> Menton à Arles sur <strong>la</strong> <strong>via</strong> Aurelia<br />

Rouge sang<br />

A Man<strong>de</strong>lieu-La Napoule le chemin r<strong>et</strong>rouve le littoral pour aussitôt reprendre <strong>de</strong> <strong>la</strong> hauteur, celle <strong>de</strong><br />

l'Esterel. La couleur rouge amarante <strong>de</strong> ce vieux massif montagneux n'a pas perdu en éc<strong>la</strong>t <strong>de</strong>puis les<br />

250 millions d'années <strong>de</strong> sa formation. Qu'un rayon <strong>de</strong> soleil vienne à l'effleurer <strong>et</strong> c'est un<br />

embrasement. La couleur se décline en différentes tonalités selon le moment <strong>de</strong> <strong>la</strong> journée <strong>et</strong> <strong>la</strong><br />

météo. Dire qu'elle a fasciné <strong>de</strong> nombreux peintres est un truisme. Certains croyaient même en sa<br />

nature surnaturelle. Rouge brun : le sang <strong>de</strong> <strong>la</strong> terre ! La roche suinte par tous ses pores. Sans doute<br />

<strong>la</strong> pluie <strong>de</strong>s jours précé<strong>de</strong>nts. N'empêche, je suis assez enclin à les suivre dans leur évasion<br />

poético-mystique au spectacle <strong>de</strong> tant <strong>de</strong> beauté sauvage. Le massif est chargé d'une certaine<br />

intranquillité. Je n'aimerais pas m'y aventurer <strong>la</strong> nuit. Le vent <strong>et</strong> les nuages y élisent souvent<br />

domicile. De <strong>la</strong>rges <strong>et</strong> profonds ravins le sillonnent. La végétation a du s'adapter à ses sols pauvres,<br />

durs <strong>et</strong> aci<strong>de</strong>s, d'origine volcanique.<br />

Dernière mission<br />

Plusieurs éléments indiquent <strong>la</strong> fidélité <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville <strong>de</strong> Saint Raphaël à l'auteur <strong>de</strong> "Terre <strong>de</strong>s hommes".<br />

"L'homme se découvre quand il se<br />

mesure avec l'obstacle" disait-il dans c<strong>et</strong><br />

ouvrage. Le 31 juill<strong>et</strong> 1944 l'obstacle<br />

pour Antoine <strong>de</strong> Saint Exupéry fut une<br />

mission, qui se révé<strong>la</strong> être sa <strong>de</strong>rnière :<br />

une mission <strong>de</strong> reconnaissance en vue<br />

d'une prochaine opération. En eff<strong>et</strong> il<br />

s'est agi <strong>de</strong> préparer le débarquement<br />

sur <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ge <strong>de</strong> Saint Raphaël d'une<br />

division d'infanterie alliée, suivie un<br />

jour plus tard par l'armée commandée<br />

par le général <strong>de</strong> Lattre <strong>de</strong> Tassigny.<br />

Après avoir survolé le château <strong>de</strong> sa sœur à Agay où il a rédigé en partie "Cita<strong>de</strong>lle" son <strong>de</strong>stin<br />

l'attendait. Il avait 44 ans. Un nombre qui m'est cher. Dans un coin d'Alsace je venais d'atteindre l'âge<br />

<strong>de</strong> 79 jours <strong>et</strong> au même moment s'abattait sur le hauteur <strong>de</strong> mon vil<strong>la</strong>ge un bombardier allié<br />

Lancaster en f<strong>la</strong>mmes <strong>de</strong> r<strong>et</strong>our <strong>de</strong> mission d'Allemagne.


Treize jours en avril <strong>de</strong> Menton à Arles sur <strong>la</strong> <strong>via</strong> Aurelia<br />

Une question <strong>de</strong> sens<br />

Qui n'a pas entendu parler <strong>de</strong> civilisation du loisir, <strong>de</strong> temps libre, <strong>de</strong> dé<strong>la</strong>ssement, <strong>de</strong> divertissement,<br />

<strong>de</strong> distraction, d'évasion. Il s'agit <strong>de</strong> trouver l'antidote aux contraintes du travail. Il y a certes une vie<br />

après les travail, mais quel sens lui donner ? Les voyages, les jeux, <strong>la</strong> télé, le sport, les sorties, <strong>la</strong><br />

randonnée, le hobby sont censés offrir une vie <strong>de</strong> complément, <strong>de</strong> compensation. Certes ! tout est une<br />

question <strong>de</strong> sens.<br />

Notre pério<strong>de</strong> se comp<strong>la</strong>ît à croire que ce qui est <strong>de</strong> l'ordre du p<strong>la</strong>isir vient tout seul. En réalité<br />

trouver du p<strong>la</strong>isir nécessite souvent un effort, un investissement personnel. Le chemin est par<br />

excellence c<strong>et</strong>te expérience qui perm<strong>et</strong> d'avoir un rapport vrai avec soi-même, <strong>de</strong> <strong>la</strong>isser advenir les<br />

choses sans précipitation en étant disponible à ce que l'on vit, d'accueillir chaque jour nouveau<br />

comme un ca<strong>de</strong>au du ciel, chaque rencontre comme une occasion d'enrichissement mutuel, chaque<br />

lieu comme le morceau d'un puzzle dont le sens se révèlera p<strong>et</strong>it à p<strong>et</strong>it. Mis bout à bout ces vécus<br />

vont composer le libellé d’un message à moi seul adressé…<br />

Sous le signe <strong>de</strong> <strong>la</strong> fatalité<br />

Difficile <strong>de</strong> passer à Fréjus sans évoquer <strong>la</strong> rupture du barrage <strong>de</strong> Malpass<strong>et</strong> en décembre 1959. Le<br />

choc <strong>de</strong> l'acci<strong>de</strong>nt est resté gravé dans ma mémoire. Un mémorial situé près <strong>de</strong>s arènes le rappelle<br />

opportunément.<br />

Des pluies torrentielles vinrent remplir pour <strong>la</strong> première fois l'ouvrage lorsque celui-ci céda<br />

soudainement en pleine soirée, alors qu'il faisait déjà nuit.<br />

Près <strong>de</strong> 50 millions <strong>de</strong> mètres cubes d'eau déferlèrent en une vague <strong>de</strong> 40 mètres <strong>de</strong> haut jusqu'à <strong>la</strong><br />

ville <strong>de</strong> Fréjus occasionnant plusieurs centaines <strong>de</strong> morts ou <strong>de</strong> disparus. C'était <strong>la</strong> plus gran<strong>de</strong><br />

catastrophe <strong>de</strong> ce genre qui ait jamais touché <strong>la</strong> France.<br />

D'après les experts, c'est <strong>la</strong> roche sur <strong>la</strong>quelle s'appuyait le barrage qui présentait <strong>de</strong>s fissures<br />

indéce<strong>la</strong>bles lors <strong>de</strong> sa construction qui a cédée. Le tribunal a conclu, 8 ans plus tard, qu'aucune faute<br />

n'avait été commise. La catastrophe fut ainsi rangée sous le signe <strong>de</strong> <strong>la</strong> fatalité.<br />

C<strong>et</strong> acci<strong>de</strong>nt m'a remis en mémoire l'exposition " Ce qui arrive... " que j'avais vue à <strong>la</strong> Fondation<br />

Cartier à Paris en 2003. Elle avait comme organisateur Paul Virilio. Il faut dire que comparé à Fréjus<br />

nous avons fait beaucoup <strong>de</strong> progrès dans l'ampleur <strong>de</strong>s catastrophes. En eff<strong>et</strong> Tchernobyl , mais<br />

aussi le drame du 11 septembre 2001 qui a vu <strong>la</strong> disparition du World Tra<strong>de</strong> Center y étaient<br />

analysées. Virilio affirmait que " nous sommes victimes <strong>de</strong> notre réussite ", c’est-à-dire du progrès.<br />

"Le progrès <strong>et</strong> <strong>la</strong> catastrophe sont l’avers <strong>et</strong> le revers d’une médaille. " Et ce<strong>la</strong> est totalement occulté<br />

par les promoteurs du progrès. En <strong>la</strong>nçant <strong>de</strong>s défis techniques qui semblent n'avoir <strong>de</strong> limite que <strong>la</strong><br />

capacité d'imagination, " on ose, inévitablement, l’acci<strong>de</strong>nt ". Ainsi, nous entrons dans un moment<br />

nouveau, celui <strong>de</strong> l’attente <strong>de</strong> " l’acci<strong>de</strong>nt intégral, le grand acci<strong>de</strong>nt ". C’est une attente inconsciente<br />

<strong>de</strong>s peuples <strong>et</strong> c’est une attente consciente <strong>de</strong>s responsables, disait-il.<br />

Il me semble qu'en dix ans le concept a gagné en complexité <strong>et</strong> <strong>la</strong> possibilité <strong>de</strong> catastrophe est<br />

<strong>de</strong>venue protéiforme.<br />

Dimanche 7 avril 2013<br />

Référendum en Alsace* pour <strong>la</strong> création du Conseil unique : 57 % <strong>de</strong>s votants qui se sont exprimés<br />

ont voté OUI, ... le NON l'a donc emporté ! On est bien en France !<br />

* Je savais que vous vous poseriez <strong>la</strong> question : J'avais donné procuration pour voter OUI à ma fille<br />

Etrange spectacle<br />

<strong>Sur</strong> le chemin <strong>de</strong> Pug<strong>et</strong>-sur-Argens : une p<strong>et</strong>ite sente traverse une forêt <strong>de</strong> pins. Ce qui frappe c'est <strong>la</strong><br />

végétation par p<strong>la</strong>ques au sol, <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>ntes pionnières <strong>et</strong> surtout <strong>la</strong> forêt d'arbres au troncs noircis à<br />

leur base <strong>et</strong> aux branches dressées vers le ciel en une supplique mu<strong>et</strong>te. Non ce ne sont pas <strong>de</strong>s<br />

conifères aux feuilles caduques mais bien <strong>de</strong>s arbres ayant subi un feu <strong>de</strong> forêt. Sans doute les secours<br />

ont-ils pu intervenir rapi<strong>de</strong>ment car certains arbres se rem<strong>et</strong>tent à verdir.


Treize jours en avril <strong>de</strong> Menton à Arles sur <strong>la</strong> <strong>via</strong> Aurelia<br />

Les incendies <strong>de</strong> forêts occupent l’actualité <strong>de</strong>s risques majeurs dès le printemps pour peu que<br />

celui-ci ne soit pas pluvieux. En 2012 on a comptabilisé plus <strong>de</strong> 500 départs <strong>de</strong> feux sur l’arc<br />

méditerranéen. En 2003, l'année <strong>de</strong> <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> sécheresse, plus <strong>de</strong> 61 000 ha avaient été dévastés par<br />

les f<strong>la</strong>mmes.<br />

En consultant les archives pugétoises on note <strong>de</strong>s incendies <strong>de</strong> forêt en 2003, 2005 <strong>et</strong> 2012. En 2003<br />

le feu avait rattrapé 4 personnes dans leur fuite <strong>et</strong> provoqué leur décès. Fatalité ?<br />

Les Côtes <strong>de</strong> Provence<br />

<strong>Sur</strong> les 4000 kilomètres <strong>de</strong> chemin parcourus <strong>de</strong>puis 2007 rares sont les tronçons dépourvus <strong>de</strong><br />

vignoble. Le vignoble serait-il consubstantiel au chemin ? Bien sûr que non. Mais il faut constater<br />

qu'il existe une gran<strong>de</strong> affinité entre les <strong>de</strong>ux. N'oublions pas que les abbayes <strong>et</strong> ordres monastiques<br />

furent parmi les grands développeurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> culture <strong>de</strong> <strong>la</strong> vigne <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> confection <strong>de</strong> <strong>la</strong> boisson qui en<br />

est issue. La Provence qui bénéficie d'un substrat géologique favorable <strong>et</strong> surtout d'un ensoleillement<br />

exceptionnel, à rendre envieux, nous autres gens du "nord", surtout pendant les rigueurs hivernales.<br />

Grâce à ces particu<strong>la</strong>rités on trouve une gran<strong>de</strong> diversité <strong>de</strong> crus. Et même <strong>de</strong> grands crus c<strong>la</strong>ssés au<br />

grand dam du vignoble bor<strong>de</strong><strong>la</strong>is.<br />

A Saint Raphaël il me fut donné <strong>de</strong> faire <strong>la</strong> connaissance <strong>de</strong> Sainte-Roseline. Signe <strong>de</strong>s temps le nom<br />

<strong>de</strong> c<strong>et</strong>te sainte personne qui a vécu au 14e siècle -mère Prieure <strong>de</strong> l'abbaye <strong>de</strong>s Arcs, béatifiée <strong>et</strong><br />

sanctifiée pour sa vie exemp<strong>la</strong>ire remplie <strong>de</strong> miracles- est associé à présent au château du domaine<br />

viticole du lieu. Donc, quand je parle <strong>de</strong> Sainte-Roseline il faut entendre le breuvage issu <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te<br />

propriété. Il illumina mon gosier <strong>et</strong> remplit mon corps <strong>de</strong> joie à l'étape <strong>de</strong> Saint Raphaël, lors du repas<br />

du soir.<br />

Quelle ne fut pas <strong>la</strong> surprise, <strong>de</strong> voir, <strong>de</strong>ux jours plus tard le chemin mener au château <strong>et</strong> ainsi avoir<br />

l'occasion <strong>de</strong> faire connaissance <strong>de</strong> Sainte Roseline en sa qualité première, par le biais <strong>de</strong> <strong>la</strong> chapelle<br />

f<strong>la</strong>nquée d'un cloître où elle vécut durant son séjour terrestre. Les travaux <strong>de</strong> restauration <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

chapelle empêchèrent cependant <strong>de</strong> voir <strong>la</strong> châsse dans <strong>la</strong>quelle reposent ses restes <strong>et</strong> les œuvres d'art<br />

que sa vie a inspiré à Giacom<strong>et</strong>ti <strong>et</strong> Marc Chagall.<br />

Dans <strong>la</strong> même journée il me fut donné <strong>de</strong> traverser le domaine du Château <strong>de</strong> Roubine avant d'arriver<br />

à Lorgues, autre haut historique. En eff<strong>et</strong> le château appartenait à l'ordre <strong>de</strong>s Templiers dont une <strong>de</strong>s<br />

mission était d'accompagner <strong>et</strong> <strong>de</strong> protéger les pèlerins. Avec <strong>la</strong> disparition <strong>de</strong> l'ordre le domaine fut<br />

dévolu à l’Ordre <strong>de</strong> Saint-Jean <strong>de</strong> Jérusalem. Le domaine produit un "cru c<strong>la</strong>ssé" au nom évocateur<br />

<strong>de</strong> "Terre <strong>de</strong> Croix", frappé <strong>de</strong> <strong>la</strong> croix amalfitaine. Ce qui m'a marqué en découvrant le domaine c'est<br />

le vaste océan <strong>de</strong> fleurs jaunes <strong>de</strong> pissenlits, ponctué du viol<strong>et</strong> <strong>de</strong>s muscaris dans lequel les pieds <strong>de</strong><br />

vigne croissent. C'est <strong>la</strong> pratique <strong>de</strong> l'Agriculture Raisonnée qui en est <strong>la</strong> raison. J'oubliais <strong>de</strong> dire que<br />

<strong>la</strong> croix amalfitaine évoque les vertus <strong>de</strong> pru<strong>de</strong>nce, justice, force d’âme <strong>et</strong> ... tempérance ! Pas mal<br />

pour un vin !<br />

Notre pain quotidien<br />

Ce soir au terme d'un marche <strong>de</strong> 32 km ce sont les sœurs <strong>de</strong> B<strong>et</strong>hléem, <strong>de</strong> l’Assomption <strong>de</strong> <strong>la</strong> Vierge <strong>et</strong><br />

<strong>de</strong> Saint-Bruno qui m'offrent l'hospitalité. Elles ont élu domicile dans un océan <strong>de</strong> verdure au cœur<br />

du Var, à un j<strong>et</strong> <strong>de</strong> pierre <strong>de</strong> l'abbaye du Thoron<strong>et</strong>, au monastère Notre-Dame du Torrent <strong>de</strong> Vie. Les<br />

sœurs dont l'ordre a été créé dans les années cinquante ont été appelées sur p<strong>la</strong>ce afin d'assurer une<br />

présence priante à proximité <strong>de</strong> ce qui fut sans doute <strong>la</strong> plus belle abbaye cistercienne <strong>de</strong> Provence,<br />

l’abbaye du Thoron<strong>et</strong>, un bien patrimonial <strong>de</strong> <strong>la</strong> France, donc protégé <strong>et</strong> conservé… mais à présent<br />

<strong>de</strong>s « pierres mortes ».<br />

Par le hasard du calendrier qui a fait tomber le 25 mars sur le lundi <strong>de</strong> Pâques, <strong>la</strong> fête <strong>de</strong><br />

l'Annonciation a été reportée au 8 avril. Voilà, <strong>la</strong> raison pour <strong>la</strong>quelle les cloches sonnent à toute volée<br />

à mon arrivée ! La sœur hospitalière me montre mon lieu <strong>de</strong> séjour : une p<strong>et</strong>ite cabane en bois au<br />

milieu d'un espace boisé entouré <strong>de</strong> gril<strong>la</strong>ge, séparé du monastère <strong>et</strong> du reste du mon<strong>de</strong>. Il y avait<br />

bien 4 autres cabanes semb<strong>la</strong>bles, mais inoccupées. Un étrange sentiment <strong>de</strong> solitu<strong>de</strong> naît au contact<br />

<strong>de</strong> c<strong>et</strong>te réalité inattendue. Ce sont sans doute les cabanes <strong>de</strong> chantier dans lesquelles les sœurs ont


Treize jours en avril <strong>de</strong> Menton à Arles sur <strong>la</strong> <strong>via</strong> Aurelia<br />

mené leur vie précaire <strong>de</strong> prière <strong>et</strong> <strong>de</strong> travail pendant trente ans avant <strong>la</strong> construction du monastère.<br />

Voilà comment les sœurs <strong>de</strong> B<strong>et</strong>hléem vivent l'appel à "<strong>de</strong>meurer au désert", c’est-à-dire à<br />

<strong>de</strong>meurer "loin <strong>de</strong>s habitations <strong>de</strong>s hommes" qui leur est fait. Prier, méditer, étudier <strong>la</strong> Parole <strong>de</strong><br />

Dieu, travailler, prendre repas <strong>et</strong> repos à <strong>la</strong> suite <strong>de</strong>s ermites du désert, elles savent que qui a Dieu<br />

pour compagnon n’est jamais moins seul que quand il est seul !<br />

Moi qui parle souvent à propos du chemin qu'il est l'occasion <strong>de</strong> faire l'expérience du manque, me<br />

voilà à <strong>la</strong> fête. Prendre les choses comme elles viennent en toute simplicité, profiter <strong>de</strong> <strong>la</strong> lumière<br />

mordorée du soleil couchant qui filtre à travers les feuilles <strong>de</strong>s arbres, entendre les oiseaux faire<br />

silence, prendre conscience <strong>de</strong> l'omniprésence <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature environnante envahie par l'obscurité <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

nuit, redécouvrir le sentiment d'étrang<strong>et</strong>é oublié <strong>de</strong>puis l'enfance que peut provoquer <strong>la</strong> tombée <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

nuit <strong>et</strong> trouver dans les quatre p<strong>la</strong>nches en bois qui forment <strong>la</strong> cabane un refuge protecteur, aller vers<br />

le livre disponible dans un coin <strong>de</strong> l'habitat aménagé en oratoire, l'ouvrir <strong>et</strong> lire : "Je te salue, comblée<br />

<strong>de</strong> grâce ! Le Seigneur est avec toi." paroles qui j<strong>et</strong>tent le trouble, puis provoquent <strong>la</strong> surprise <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te<br />

jeune fille choisie pour une mission qui dépasse son enten<strong>de</strong>ment <strong>et</strong> qu'elle finit par accepter : " Je<br />

suis <strong>la</strong> servante du Seigneur. Qu’il m’advienne selon ta parole. "<br />

Il faut savoir prendre le bon sens<br />

La journée est longue. Après <strong>la</strong> halte <strong>de</strong> "midi" il me reste encore une bonne trotte pour atteindre<br />

Bras. J'ai déjà 24 km au compteur. Le choix est cornélien, le GR me propose une réjouissance avec<br />

relief <strong>et</strong> zigzags <strong>de</strong> 17 km ! tandis que <strong>la</strong> route y mène en 11 km. Le gui<strong>de</strong>, cependant, m<strong>et</strong> en gar<strong>de</strong> : il<br />

est formellement déconseillé <strong>de</strong> suivre <strong>la</strong> départementale, les <strong>de</strong>rniers kilomètres étant<br />

particulièrement dangereux ! Malgré le ton comminatoire <strong>de</strong> <strong>la</strong> recommandation je choisis <strong>la</strong> route <strong>et</strong><br />

comme <strong>la</strong> progression se fait rapi<strong>de</strong>ment je déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> parcourir les <strong>de</strong>rniers six kilomètres en<br />

empruntant le GR. Je sais qu'il faut partir à droite, gu<strong>et</strong>te le balisage rubans rouge <strong>et</strong> b<strong>la</strong>nc <strong>et</strong><br />

m'engage sur le chemin dès qu'il se présente. Les réjouissances au programme ne tar<strong>de</strong>nt pas. Après<br />

une montée, une <strong>de</strong>scente. Logique. C'est quand je m'aperçois que j'ai le soleil dans le dos que le<br />

doute m'envahit. En eff<strong>et</strong> mon objectif est situé plein Ouest. Je dois me m<strong>et</strong>tre à l'évi<strong>de</strong>nce que je fais<br />

fausse route <strong>et</strong> me résoudre à rebrousser chemin, sans toutefois comprendre où est l'erreur. Je<br />

reviens au point <strong>de</strong> départ. Ce n'est que <strong>de</strong>ux kilomètres plus loin sur <strong>la</strong> départementale que <strong>la</strong><br />

lumière se fait. Le GR qu'il aurait fallu que je prenne se trouve là. Comme il coupe <strong>la</strong> départementale<br />

à <strong>de</strong>ux reprises, celui que j'ai emprunté était <strong>la</strong> branche amont je l'ai donc, sans trop réfléchir,<br />

empruntée à contre sens !<br />

Voilà comment j'ai contrarié C<strong>la</strong>ire, <strong>la</strong> fille <strong>de</strong>s hospitaliers qui m'accueillent dans leur foyer, en<br />

r<strong>et</strong>ardant par mon errance le repas du soir, le repas d'anniversaire <strong>de</strong> ses 9 printemps. Pour <strong>la</strong> peine<br />

je n'ai même pas été privé <strong>de</strong> <strong>de</strong>ssert, j'ai eu droit au menu d'anniversaire que parents lui avait offert<br />

<strong>de</strong> composer : frites <strong>et</strong> hamburger !<br />

Saint-Maximin-<strong>la</strong>-Sainte-Baume<br />

Je n'ai pas hésité à qualifier l'édifice religieux <strong>de</strong>vant lequel je me trouve <strong>de</strong> cathédrale. Mais ce n'est<br />

pas à sa taille qu'on reconnaît une cathédrale mais au fait qu'elle se trouve être le siège <strong>de</strong> l'évêque (<strong>la</strong><br />

cathèdre). Renseignement pris il s'agit d'une basilique que renferme <strong>de</strong>s reliques, <strong>et</strong> pas n'importe<br />

lesquelles : celles <strong>de</strong> Sainte Marie Ma<strong>de</strong>leine. On ne chahute pas avec ces choses. La basilique qui lui<br />

est dédiée se trouve à Saint-Maximin-<strong>la</strong>-Sainte-Baume.<br />

Marie-Ma<strong>de</strong>leine, aussi appelée Marie <strong>de</strong> Magda<strong>la</strong>, est celle dont le Christ a chassé sept démons. Une<br />

fois purifiée, elle <strong>de</strong>vient avec les douze <strong>et</strong> quelques autres femmes, disciple <strong>de</strong> Jésus.<br />

On <strong>la</strong> r<strong>et</strong>rouve chez Simon le Pharisien, en train <strong>de</strong> verser sur les pieds <strong>de</strong> Jésus un vase <strong>de</strong> parfum<br />

précieux, pour les essuyer <strong>de</strong> ses cheveux en versant toutes les <strong>la</strong>rmes <strong>de</strong> son corps. Son geste est<br />

approuvé par le Christ : "Beaucoup <strong>de</strong> péchés lui sont pardonnés, parce qu’elle a beaucoup aimé."<br />

Elle est une <strong>de</strong>s rares disciples au Golgotha à se tenir, en pleurs, au pied <strong>de</strong> <strong>la</strong> croix.<br />

Au matin <strong>de</strong> Pâques, Marie-Ma<strong>de</strong>leine est <strong>la</strong> première à rencontrer le Christ ressuscité. Elle le prend<br />

pour le jardinier avant <strong>de</strong> le reconnaître à sa voix.<br />

L'église catholique considère (<strong>de</strong>puis le 5ème siècle) que Marie <strong>de</strong> Magda<strong>la</strong> ne fait qu'une avec Marie<br />

<strong>de</strong> Béthanie, <strong>la</strong> sœur <strong>de</strong> Marthe <strong>et</strong> <strong>de</strong> Lazare.


Treize jours en avril <strong>de</strong> Menton à Arles sur <strong>la</strong> <strong>via</strong> Aurelia<br />

Selon <strong>la</strong> Légen<strong>de</strong> dorée, peu <strong>de</strong> temps après <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie terrestre <strong>de</strong> Jésus, Marie-Ma<strong>de</strong>leine, son<br />

frère Lazare <strong>et</strong> sa sœur Marthe sont poussés dans une embarcation qui vogue à <strong>la</strong> grâce <strong>de</strong> Dieu vers<br />

l’occi<strong>de</strong>nt. Elle arrive aux Saintes Maries <strong>de</strong> <strong>la</strong> Mer, continue son chemin <strong>et</strong> est transportée par les<br />

anges dans une grotte appelée <strong>de</strong>puis, <strong>la</strong> Sainte-Baume, pour y passer les trente <strong>de</strong>rnières années <strong>de</strong><br />

sa vie, recluse du mon<strong>de</strong>. Son tombeau, situé à Saint -Maximin-<strong>la</strong> Sainte-Baume est considéré comme<br />

le 3 e tombeau <strong>de</strong> <strong>la</strong> chrétienté.<br />

Aujourd'hui, le fait que Marie <strong>de</strong> Magda<strong>la</strong> se soit dép<strong>la</strong>cée jusqu'en Provence est considéré comme<br />

une légen<strong>de</strong>. Mais je ne me perm<strong>et</strong>trais pas d'abon<strong>de</strong>r dans ce sens. L'Histoire enjolivée par <strong>la</strong><br />

légen<strong>de</strong> est bien plus belle.<br />

Epilogue<br />

Jean-Yves Leloup, théologien orthodoxe, spécialiste <strong>de</strong> spiritualité <strong>et</strong> philosophe s'est intéressé à<br />

Marie-Ma<strong>de</strong>leine dont <strong>la</strong> vie est évoquée dans <strong>de</strong>s <strong>texte</strong>s qui ne font pas partie du droit canon.<br />

D'après lui, le Christ s'y montre capable d'amitié avec une femme. Si l'humanité <strong>de</strong> Jésus est évoquée<br />

dans l'Evangile sur le mo<strong>de</strong> d'une gran<strong>de</strong> rigueur, elle apparaît là enrichie d'une nouvelle dimension<br />

du mon<strong>de</strong> ouverte aux femmes comme aux hommes.<br />

Une montagne sacrée<br />

Comment ne pas être impressionné ? Avant même <strong>de</strong> LA voir, elle est précédée <strong>de</strong> sa notoriété <strong>et</strong> son<br />

nom est tout un programme. Puis <strong>de</strong> loin sa silhou<strong>et</strong>te si caractéristique se découpe sur l'horizon,<br />

ondu<strong>la</strong>nte comme une vague. On est d'abord surpris par les couleurs, b<strong>la</strong>nches, grises, bleutées, voire<br />

mauve. En approchant les éléments du paysage se combinent avec elle comme fond, pour former


Treize jours en avril <strong>de</strong> Menton à Arles sur <strong>la</strong> <strong>via</strong> Aurelia<br />

autant <strong>de</strong> tableaux. Le vil<strong>la</strong>ge <strong>de</strong> Pourrières lui va si bien. Puis le vignoble. Puis un ciel <strong>de</strong> traîne.<br />

Enfin Puyloubier quasiment adossé contre elle. J'étais tellement excité par sa présence qu'à peine<br />

douché, étiré <strong>et</strong> massé, j'ai remis les chaussures pour esca<strong>la</strong><strong>de</strong>r <strong>la</strong> crête située au droit du vil<strong>la</strong>ge<br />

(altitu<strong>de</strong> 750m). Vous avez <strong>de</strong>viné qu'il s'agit <strong>de</strong> <strong>la</strong> Montagne Sainte-Victoire.<br />

Les sensations <strong>et</strong> le spectacle ont mis <strong>la</strong> fatigue en sourdine. Quelle vue sur le versant nord <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

montagne : un océan <strong>de</strong> forêt jusque là où porte <strong>la</strong> vue. Pas un élément urbain ou industriel. C'est<br />

<strong>de</strong>venu tellement rare. Je suis re<strong>de</strong>scendu avec le déclin du soleil. C'est le moment <strong>de</strong> <strong>la</strong> journée que<br />

je préfère. A cause <strong>de</strong> <strong>la</strong> lumière qui s'adoucit <strong>et</strong> se réchauffe <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> paix qui souvent accompagne ce<br />

moment-là.<br />

Cézanne a trouvé ici un lieu propice à son amour <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature, comme une terre promise. Dans une<br />

époque <strong>de</strong> grand chambar<strong>de</strong>ment concernant <strong>la</strong> façon <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre en peinture les suj<strong>et</strong>s, il se donne<br />

comme objectif <strong>de</strong> percer le secr<strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> montagne Sainte Victoire. Elle est c<strong>et</strong>te entité quasi mystique<br />

qui ne se <strong>la</strong>isse appréhen<strong>de</strong>r que par ceux qui osent, qui <strong>la</strong> désirent.<br />

Combien <strong>de</strong> tableaux vont voir le jour ? Je ne saurais le dire. Mais chacun crée un espace pictural<br />

nouveau sans spécial souci <strong>de</strong> <strong>la</strong> perspective. L'essentiel est ailleurs. C'est un corps à corps avec <strong>la</strong><br />

toile dans lequel chaque touche est une tentative, à l'instar d'un bijoutier qui taille une pierre<br />

précieuse, d'arracher à l'obj<strong>et</strong> <strong>de</strong> ses désirs une parcelle <strong>de</strong> vérité. Chacune <strong>de</strong> ses toiles est un<br />

dévoilement obtenu sous <strong>la</strong> double contrainte <strong>de</strong> son désir <strong>de</strong> représenter <strong>la</strong> réalité <strong>de</strong> ce qu'il voit,<br />

tout en traduisant ses sensations. Chacune <strong>de</strong> ses toiles est un pas <strong>de</strong> plus vers le somm<strong>et</strong> <strong>de</strong> son art<br />

<strong>et</strong> l'expression <strong>de</strong> son génie.<br />

Il a l'art du contrepoint. Les bruns, les verts, le viol<strong>et</strong> se marient joyeusement <strong>et</strong> puis soudain c'est<br />

l'apparition d'un bleu inattendu ou d'un orange éc<strong>la</strong>tant qui donne à l'œuvre une architecture <strong>de</strong><br />

gran<strong>de</strong> force d'expression <strong>et</strong> surtout d'une gran<strong>de</strong> mo<strong>de</strong>rnité.<br />

Il rejoindra le ciel avec lequel flirtait SA montagne, victime d'une pleurésie, contractée en <strong>la</strong> peignant<br />

sous une pluie battante.<br />

Les musées du mon<strong>de</strong> entier suffisent à peine pour contenir les témoignages majeurs <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te histoire<br />

d'amour entre un génie <strong>et</strong> son égérie, fut-elle une montagne. Merci Monsieur Cézanne.<br />

Des êtres chers<br />

Pendant <strong>la</strong> <strong>de</strong>uxième moitié <strong>de</strong> ma pérégrination, juste avant d'arriver à Aix-en-Provence, me sont<br />

parvenues coup sur coup les nouvelles du décès <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux êtres qui m'étaient chers.<br />

Thiebault*, <strong>la</strong> soixantaine, un ami qui a longtemps séjourné à Strasbourg. A l'époque où nous avions<br />

chacun nos enfants en âge sco<strong>la</strong>ire, que <strong>de</strong> sorties n'avons-nous pas faits ensemble ! Que <strong>de</strong> fois ne<br />

nous sommes pas gardés les enfants pendant que l'autre était <strong>de</strong> sortie! Je me souviens aussi d'un<br />

proj<strong>et</strong> <strong>de</strong> marche dans les Cévennes que nous avions programmée ensemble <strong>et</strong> que je n'ai pas pu<br />

honorer.<br />

Parti pour l'autre vie. J'ai appris <strong>la</strong> nouvelle <strong>de</strong>vant <strong>la</strong> carrière <strong>de</strong> Bibémus aux abords<br />

d’Aix-en-Provence. Comme j'étais hébergé chez les pères Ob<strong>la</strong>ts le soir même, l'église attenante<br />

(cours Mirabeau) m'a accueilli pour <strong>la</strong> méditation <strong>et</strong> <strong>de</strong> l'accompagnement en prières <strong>de</strong> Thiebault. Le<br />

len<strong>de</strong>main le père qui disait <strong>la</strong> messe a eu une intention particulière en sa mémoire en introduction à<br />

l'office.<br />

Il y a aussi eu Nado*. A l'époque où je l'ai connue, c'était une fille pleine <strong>de</strong> vie, d'al<strong>la</strong>nt, <strong>de</strong> fantaisie.<br />

Les aléas <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie ne lui ont sans doute pas permis <strong>de</strong> trouver le bon emploi <strong>de</strong> toutes ses<br />

potentialités. Elle a pris une décision courageuse. Ce<strong>la</strong> m'a <strong>la</strong>issé hébété <strong>et</strong> les bras bal<strong>la</strong>nts, mais je <strong>la</strong><br />

respecte. C'était sa décision. Avons-nous tout ce temps où elle était en souffrance été suffisamment<br />

attentifs ? Avons nous eu assez d'empathie pour <strong>la</strong> rejoindre, <strong>la</strong> comprendre quand elle séjournait au<br />

pays bleu ? Sans doute pas.<br />

La nouvelle m'est parvenue alors que je marchais dans les Alpilles. Elle a provoqué un trou là où se<br />

trouve le cœur. J'ai utilisé le temps dont je disposais pour l'accompagner par <strong>la</strong> prière <strong>et</strong> <strong>la</strong> pensée que<br />

<strong>la</strong> mort n'est que <strong>la</strong> naissance à autre réalité qu'elle a choisie <strong>de</strong> rejoindre. Ainsi sommes nous en<br />

humanité, reliés les uns aux autres, les vivants <strong>et</strong> les morts, l'ici, maintenant <strong>et</strong> l'ailleurs <strong>et</strong> <strong>de</strong> tout<br />

temps.<br />

* j'ai changé les prénoms par respect pour les familles


Treize jours en avril <strong>de</strong> Menton à Arles sur <strong>la</strong> <strong>via</strong> Aurelia<br />

La vie nous mène à <strong>la</strong> mort...<br />

... une révé<strong>la</strong>tion qui, ne porte pas <strong>de</strong> nom. C'est dans l'espérance <strong>de</strong> trouver ce nom que s'écrivent<br />

les plus purs poèmes, <strong>et</strong> c'est pour toucher l'écorce du nom imprononçable que nos mains se posent<br />

sur un livre. Nous avons une légère avance sur <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> vague noire dont parfois nous entendons<br />

le gron<strong>de</strong>ment au loin. Que faire <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te avance vite perdue ? Qu'en faire <strong>de</strong> sensé sinon rien,<br />

marcher sur une route <strong>de</strong> campagne, ouvrir un livre, regar<strong>de</strong>r une rose faire craquer son corsage ?<br />

Christian Bobin in l'Homme-joie<br />

Chers amis,<br />

A force <strong>de</strong> flâner en chemin je vous fais courir le risque <strong>de</strong> perdre le fil.<br />

Je vous propose <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> ma pérégrination sur mon blog :<br />

http://lesrivesduquotidien.blogspot.fr/<br />

Je me suis aperçu que j'ai <strong>de</strong>s suiveurs aux Etats Unis (à moins que ce ne soit l'Agence <strong>de</strong> Sécurité<br />

américaine qui s'intéresse à mes agissements), aux Canada je ne voudrais pas les priver trop<br />

longtemps <strong>de</strong> nouvelles.<br />

Il y a aussi tous les candidats pèlerins qui vont chercher <strong>de</strong>s informations sur le n<strong>et</strong>. J'avoue que<br />

moi-même j'y ai trouvé <strong>de</strong>s choses intéressantes en consultant certains sites.<br />

La règle du blog veut qu'on soit concis. Que ceux qui voudraient avoir l'intégralité <strong>de</strong> l'écrit me le<br />

fasse savoir.<br />

Merci <strong>de</strong> votre soutien.<br />

<strong>JP</strong>E

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